ANCIEN TESTAMENT, BIBLE, LE BESTIAIRE DE LA BIBLE, LES ANIMAUX ET LA BIBLE, NOUVEAU TESTAMENT, SYMBOLE DES ANIMAUX DANS LA BIBLE

Le bestiaire de la Bible

LE BESTIAIRE DE LA BIBLE

sophie-furlaud-le-bestiaire-de-la-bible-livre-1283537214_ML

Le lion, certes royal mais aussi synonyme du mal

Leone_marciano_andante_-_Vittore_Carpaccio_-_Google_Cultural_Institute

 Le Lion de saint Marc par Vittore Carpaccio – Palazzo Ducale de Venise

 

Symbole manifeste de puissance et de force dans l’Ancien Testament, le lion est synonyme de royauté, l’animal dominant les autres créatures terrestres. Pour cela, il fut rapidement choisi comme une image privilégiée de la fonction royale et du Messie. Le lion associé à l’évangéliste Marc sera également pour les chrétiens la figure du Christ ressuscité. Il conservera tout au long de sa riche histoire une ambivalence qui ne l’a pas quitté, ce qu’attestent les nombreuses représentations de saint Jérôme et de son traditionnel félin. Royal, il peut être aussi être synonyme du mal lorsqu’il est assimilé au diable et aux forces destructrices.

Le roi des animaux

La première image qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque le lion, c’est sa force, son courage et sa domination sur tous les animaux de son entourage. Cela explique pourquoi, très tôt, les cultes préchrétiens lui ont accordé une place importante telle l’Égypte antique et la déesse Sekhet représentée avec une tête de lion ou les Grecs qui voyaient Cybèle, mère des dieux emportée dans un char tiré par ces animaux. La Perse ne fut pas en reste et il suffit de se promener dans les collections orientales du musée du Louvre pour constater l’omniprésence de ces animaux sacrés dans le culte de Mithra et les fêtes « Léonthiques ».

Du lion de Juda à Daniel dans la fosse aux lions

L’Ancien Testament ne pouvait pas ignorer un tel legs et c’est dès la Genèse que le fougueux animal apparaît comme l’emblème de la tribu de Juda, l’une des douze tribus d’Israël : « Juda est un jeune lion. Tu remontes du carnage, mon fils. Il s’est accroupi, il s’est couché comme un lion ; ce fauve, qui le fera lever ? ». Le thème de Daniel dans la fosse aux lions est également très connu et de nombreuses représentations lui ont été consacrées par les plus grands artistes. Le récit de Daniel se situe à l’époque de la déportation des Hébreux à Babylone, époque où interdiction était faite aux exilés de prier leur Dieu sous peine d’être jetés aux fauves. Daniel brave cependant cet interdit du roi Darius et des conseillers jaloux de son influence rapporte cette foi au monarque qui, contraint, le condamne à la peine prévue. Le roi est tourmenté, ne souhaitant pas la mort du jeune homme, mais celui-ci sera miraculeusement retrouvé vivant le matin après avoir passé une nuit en prière avec des lions affamés qui l’ont épargné grâce à l’intervention divine. Le lion, féroce bras armé de la justice immanente des hommes, peut être également contraint par la puissance de la foi. Préfiguration du sacrifice du Christ, on ne compte pas les tableaux, chapiteaux romans et autres évocations ayant retenu ce symbole puissant.

erhfb0

By Pierre Paul Rubens (1577–1640)

Un legs symbolique au Nouveau Testament

Dans le Nouveau Testament, le thème précédemment évoqué du Lion de Juda va rapidement connaître une reprise importante et non des moindres avec sa transposition à Jésus lui-même : « Mais l’un des Anciens me dit : « Ne pleure pas. Voilà qu’il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David : il ouvrira le Livre aux sept sceaux. », ainsi que le rappelle le livre de l’Apocalypse. Saint Jean, comme pour le taureau, développe également dans sa vision du tétramorphe (ces figures à quatre têtes) le lion roi, et il fera de lui le seul ayant autorité pour ouvrir le Livre scellé, c’est-à-dire d’accomplir la volonté divine. Le lion n’est plus une métaphore ou le bras armé des hommes mais la symbolisation du Christ ressuscité qui en gagnant sur la mort anticipe notre propre résurrection. Rien ne peut résister à sa puissance, et ceci explique que très tôt ce symbole léonin figurera sur de nombreux emblèmes et plus tard au Moyen Âge sur tant de représentations iconographiques. Mais celle qui, peut-être, retiendra le plus notre attention sera cette évocation de saint Jérôme accompagné de son inséparable compagnon, un majestueux lion transformé en animal de compagnie fidèle après que le saint lui aura enlevé une épine qui l’avait blessé à la patte, au péril de sa vie. Récit repris par la célèbre Légende Dorée par Voragine, peut-être au prix d’un emprunt du lion à saint  Gérasime… Mais, accordons à saint Jérôme cette si belle part léonine, puisque l’animal synonyme de mort est devenu protecteur de la sainteté, une image forte et puissante qui n’a pas manqué d’inspirer une pléthore d’artistes les plus talentueux et de si célèbre chefs-œuvres !

téléchargement (27)

Le serpent, premier animal du long bestiaire de la Bible

fr210391a

Adam et Eve, le fruit défendu.

 Le serpent est omniprésent dans la Bible à commencer par le célèbre épisode de la Genèse. Tour à tour maléfique ou bénéfique, il fait l’objet de malédictions ou guérit selon les passages. Ce premier animal du bestiaire biblique présente une richesse inestimable tout au long de l’Ancien et du Nouveau Testament, du serpent tentateur en passant par le serpent d’airain, sans oublier l’emblème de Satan… un thème porteur en cette entrée en Carême !

Un animal tentateur.  S’il est un animal proche de l’homme, c’est paradoxalement bien le serpent ! Ce rapprochement peut surprendre, pourtant si l’on prend littéralement la Bible, c’est lui, le premier qui apparaît dans le long bestiaire de l’histoire sacrée au côté d’Eve au livre de la Genèse. Il y paraît animal complaisant, malin et tentateur, et non en reptile dangereux à éviter, tel qu’il pourra le paraître par la suite. La Genèse relève en effet que « Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits ». Et c’est justement par ruse que l’animal invitera Ève à manger du fruit de l’arbre de la connaissance que Dieu avait écarté sous peine de mort. Le serpent, malicieux et sournois, sème alors le doute : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal », un long récit qui commence…

the-fall-of-man-1570.jpg!Large

TITIAN; THE FALL OF MAN

Le serpent condamné

Après cet épisode, le procès fait au serpent fut sans appel : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » Depuis, l’image du serpent a été associée à celle du péché, à la tentation et au diable. Cet animal dont la ruse le rapproche de l’homme va devenir également son principal ennemi. Le diable sera incarné dans ce reptile rampant sur le sol, caché derrière des anfractuosités, toujours prêt à surprendre et à mordre. Si l’animal jouissait la plupart du temps dans le monde antique d’une meilleure image, animal guérisseur chez les Grecs et les Romains, symbole également de vie et issu de la Terre-Mère, son funeste destin est scellé avec le récit de la Genèse … ou enfin presque !

Le serpent d’airain protecteur

Car, curieusement, c’est une image tout à fait bénéfique du serpent qui va ressurgir lors de deux épisodes de l’Ancien Testament associés à la vie de Moïse. Le premier, lorsque celui-ci réclame à plusieurs reprises la sortie de son peuple de l’esclavage à Pharaon. Une bataille de magie est alors engagée, rapporte le livre de l’Exode, au cours de laquelle le bâton de son frère Aaron se métamorphose en serpent et affronte les autres bâtons des magiciens du Pharaon, eux-mêmes devenus serpents par la ruse de ces derniers. Mais le serpent d’Aaron engloutira tous les autres, signe de protection et de la toute puissance du Dieu d’Israël. Le second épisode est évoqué au Livre des Nombres. Alors que le peuple libéré de l’esclavage errait dans le désert, il en vint à récriminer contre Dieu et Moïse, regrettant l’Égypte. « Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante, et beaucoup en moururent dans le peuple d’Israël » relate la Bible. Repentants, ces derniers implorèrent Moïse d’intercéder auprès du Seigneur qui lui enjoint « Fais-toi un serpent brûlant, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent, alors ils vivront ! ». Le serpent n’est plus dès lors seulement l’animal par qui l’on meurt, mais devient également celui par qui l’on revit, un emblème de fer dit d’airain naguère associé au dieu Mercure et que l’on retrouvera jusqu’à nos jours dans le caducée du médecin.

web-poussin-moise-aaron-domaine-public

« Moïse et Aaron devant Pharaon » tableau aussi connu sous le nom de « Moïse changeant en serpent le bâton d’Aaron », par Nicolas Poussin, 1647.

Une représentation ambiguë

Nous l’avons vu, le destin du serpent dans la Bible est plus nuancé qu’il n’apparaît de prime abord. Aussi, ne faudra-t-il pas s’étonner de le voir orner de nombreuses crosses d’évêques au Moyen Âge , enlacer une croix ou figurer à une place d’honneur comme celle de la basilique de saint Ambroise à Milan. Le serpent sera même parfois le symbole du Christ et non plus du démon avec un culte allant jusqu’à adorer l’animal lors de cérémonies par certaines sectes gnostiques. Et si l’on continue à qualifier de « langue de vipère » quiconque vitupère, le rampant animal n’a pas fini de faire parler de lui… en bien ou en mal !

 Le taureau

The American church in Paris. Stained glass window. The bull symbol of Luke..
The American church in Paris. Stained glass window. The bull symbol of Luke..

 

Le taureau, souvent associé à l’idée de sacrifice, traverse la Bible de l’Ancien au Nouveau Testament. Cet animal bénéficiant d’un culte particulièrement actif dans les religions antiques fera l’objet d’holocaustes innombrables dans les premiers temps du judaïsme pour finalement prendre une valeur symbolique autre avec l’Apocalypse. Le sacrifice de cet animal puissant a été synonyme de vie et d’expiation des âmes, avant que la Passion du Christ ne le supplante.

Un animal offert en holocauste

Le lecteur du XXIe siècle sensibilisé à la cause animale ne peut qu’être surpris ou horrifié du nombre d’animaux sacrifiés en holocauste. Ce dernier terme d’origine grecque signifiant entièrement consumé par le feu, les pauvres bêtes ayant été au préalable égorgées pour en recueillir le sang aspergé sur les autels et fidèles… Pour quelles raisons ces pratiques qui nous semblent de nos jours cruelles, étaient-elles si fréquentes, ce que l’on ne peut que constater à la lecture des Livres de l’Ancien Testament ? Le Lévitique nous fournit la réponse : « Car la vie d’un être de chair est dans le sang, et moi, je vous le donne afin d’accomplir sur l’autel le rite d’expiation pour vos vies ; en effet, c’est le sang, comme principe de vie, qui fait expiation ». Cette offrande, qui remplaça fort heureusement les victimes humaines des premiers temps, se devait de rendre propice la divinité ainsi vénérée, d’où le terme sacrifice propitiatoire. Rappelons que « sacrifier » signifie « sacré » du latin sacer, et que pendant longtemps les bouchers furent des prêtres.

Chiaravalle abbey. Fresco depicting the four evangelists. Saint Luke.
Chiaravalle abbey. Fresco depicting the four evangelists. Saint Luke.

Saint Luc écrivant sur le taureau

Pourquoi un taureau ?

Si le taureau est loin d’être le seul animal à avoir été ainsi sacrifié, il reste cependant celui qui apparaît à de très nombreuses reprises dans les textes bibliques. Cette préférence tient à l’héritage légué par les multiples cultes préchrétiens qui ont tous eu une prédilection pour cet animal puissant, incarnant tout autant la vitalité que la fertilité. Qu’il s’agisse de l’Égypte ancienne qui l’associera au dieu Amon et qui donnera lieu au culte d’Apis, de l’Assyrie avec ce taureau à face humaine qui prendra nom de Chérubin, ou de la Grèce avec Poseidon sans oublier Rome avec le char de Diane attelé de taureaux, cet animal est omniprésent dans la culture antique contrairement à aujourd’hui où seule la contestée tauromachie perpétue cet héritage… Mais le lecteur attentif de l’Ancien Testament pourra déjà déceler une critique sous-jacente des sacrifices souvent rapprochés du paganisme comme le relève Ésaïe  « Qu’ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices? dit l’Éternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux ; Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs ». Une critique qui sera confirmée par saint Paul aux Hébreux : «  (…) il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés ».

Du sacrifice du taureau au sacrifice christique

C’est à cette tradition qu’il faut puiser pour comprendre l’image du « tétramorphe » signifiant à quatre têtes de l’Apocalypse de saint Jean. Déjà dans l’Ancien Testament, le prophète Ézéchiel dans l’une de ses visions avait identifié la forme de quatre Vivants, avec pour chacun, quatre ailes et quatre faces dont l’une était celle d’un taureau. Jean dans sa Vision perçoit également quatre Vivants, mais dont chacun est un animal et le deuxième ressemblant à un taureau.  À partir de ces récits, par parallèle, chacun des quatre évangélistes se verra attribuer un animal et le taureau deviendra le symbole de l’évangéliste saint Luc. Allant plus loin, le christianisme primitif n’hésitera pas à identifier le Christ lui-même à ce taureau à la fois puissant et victime ainsi que l’écrivit Tertullien : « Ce taureau mystérieux, c’est Jésus-Christ, juge terrible pour les uns, rédempteur plein de mansuétude pour les autres ». Mais, par la suite, l’acte fondateur du christianisme — le sacrifice accepté par Jésus de sa vie sur la Croix — se substituera définitivement pour les chrétiens aux sacrifices animaux rendus inutiles par cette Passion librement choisie et preuve d’amour.

La colombe, bien plus qu’un symbole de paix

web3-holy-ghost-spirit-gifts-shutterstock

La colombe évoque immédiatement le sentiment d’innocence par la pureté de sa robe et son caractère paisible. Vénérée depuis la plus haute Antiquité, elle apparaît dans l’Ancien Testament avec l’Arche de Noé comme symbole de vie nouvelle et allégorie de la paix. Dans le Nouveau Testament, elle prendra encore bien d’autres significations, représentant le Saint-Esprit, le Christ ou encore l’Église.

Le symbole de la paix retrouvée La colombe apparaît dans la Bible avec l’épisode de l’Arche de Noé. Dieu a décidé de condamner les hommes par un déluge pour leur mauvaise conduite. Seul Noé a trouvé grâce à ses yeux, et lui a enjoint de construire une arche pour y accueillir toutes les espèces d’animaux de la terre, mâle et femelle, ainsi que les membres de sa famille. Alors que les eaux recouvrent tout, Noé lâche un corbeau afin de voir si la terre est de nouveau à sec, sans succès. Puis, c’est une blanche colombe qu’il choisit mais qui revint également. Sept jours après, il renouvela l’expérience et la colombe rapporta un rameau d’olivier tout frais dans son bec, la terre était enfin débarrassée des eaux. Sept jours après encore, il libéra de nouveau la colombe qui cette fois ne revint pas, le Déluge était terminé, la paix était revenue sur terre. Cet épisode, touchant par sa grâce, est évocateur quant à sa symbolique, le noir corbeau n’est pas annonciateur d’espérance, c’est la pure blancheur de la colombe rapportant le premier signe de vie revenue sur terre qui a été choisie, un symbole qui aura une longue destinée et encore si présent dans les esprits aujourd’hui…

san-marco_-noe-envoie-la-co (1)

Noé et la colombe. Mosaïque du XIe siècle dans la basilique Saint Marc de Venise

 

La colombe, emblème du Christ

L’image de douceur et de fidélité héritée des temps anciens de la Bible et des cultes de l’Antiquité a fortement imprégné les premiers temps du christianisme. Très tôt, nous retrouvons en effet sur les parois des catacombes des représentations de colombes ornant les tombeaux des martyrs, sans oublier les objets liturgiques, les lampes… Messagère de paix, sa représentation avec dans son bec un rameau d’olivier va cependant progressivement se déplacer. Un glissement va en effet s’opérer avec le christianisme primitif, glissement par lequel le frêle et pur animal constituera l’emblème même du Christ, celui qui apporte la paix aux hommes de bonne volonté. Cette image sera très présente chez les premiers chrétiens par laquelle le Christ confère au défunt la paix glorieuse, elle-même symbolisée par le rameau d’olivier.

La colombe de l’Esprit saint

Le baptême de Jésus marque l’autre épisode déterminant quant à la place essentielle de la colombe dans le bestiaire chrétien. Alors que Jean le Baptiste accomplit le geste de purification et que Jésus remonte à la surface du Jourdain, l’Évangile de Matthieu rapporte : « Et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui ». L’Esprit saint prendra dès lors invariablement la forme du blanc et ailé animal, une inspiration divine qui habitera chaque fidèle. Nul étonnement alors à ce que d’innombrables représentations montrent la colombe près d’un pape nouvellement élu tel saint Fabien ou de grands saints inspirés comme Grégoire le Grand ou Hilaire.

Piero,_battesimo_di_cristo_04

Le baptême du Christ

La colombe chez les artistes

Un tel héritage ne pouvait laisser insensibles les artistes qui perpétueront cette image de la colombe synonyme de paix. Vient à l’esprit immédiatement la célèbre colombe de Picasso, même si cette icône sera amplement instrumentalisée par les communistes durant les années de Guerre froide. Et, si le poète Saint-John Perse estimait que « les oiseaux gardent parmi nous quelque chose du chant de la Création « , c’est bien l’image retenue par le peintre Marc Chagall qui s’impose avec la colombe de l’arche dont la blancheur purificatrice éclatante contraste avec le fond noir des éléments en voie de disparition. Plus classique, la vision du Bernin pour la basilique Saint-Pierre de Rome est celle d’une colombe irradiée de lumière, celle divine touchant par la grâce tous les fidèles qui tournent leur regard vers elle. Toutes ces œuvres soulignent la pureté et la légèreté de cet animal sensible et vertueux de haute valeur spirituelle.

téléchargement (28)

Rome. Vatican. Basilique St-Pierre. Baldaquin. Vue intérieure. XVIe-XVIIe siècles. Sculpture.
Rome. Vatican. Basilique Saint-Pierre. Le Bernin – Bernini, Gian Lorenzo, dit. 1598-1680. – Le Baldaquin et la chaire de saint Pierre. 1624-1633. Sculpture en bronze.

Le pélican, symbole de l’amour du Christ

téléchargement (21)

S’il est un oiseau à la fois symbolique et réel, c’est bien le pélican. La légende lui prête de nourrir ses petits de son sang et de sa chair, il n’en fallait pas plus pour qu’il devienne l’image métaphorique par excellence du Christ et de l’Eucharistie, ce qui explique sa présence dans un grand nombre de représentations et de parures liturgiques. De saint Augustin qui fut le premier à le rapprocher du Christ à Benoît XVI qui offrit un anneau d’or représentant l’oiseau symbolique aux évêques assistant au synode sur l’Eucharistie, cet animal bénéficie d’une image forte dans le christianisme.

L’histoire biblique du pélican débute avec les Psaumes et plus précisément le Psaume 101 qui de nos jours évoque certes le corbeau du désert, mais qui naguère associait, par une traduction erronée de l’hébreu, l’oiseau au pélican.  Dans ces anciens temps, il apparaissait encore comme un oiseau impur et de mauvais augure qui hantait les ruines et Eusèbe de Césarée le comparera même aux ermites quittant les foules pour la solitude des déserts.

Mais la véritable et belle renommée du pélican naîtra d’une légende insérée dans le Physiologus, le premier des bestiaires chrétiens. Cette source rapporte, en effet, que les petits du pélican réclamant trop violemment leur nourriture à leurs parents se virent tuer d’un violent coup de bec. Trois jours après, pris de remords, ces parents indignes se déchirèrent alors la poitrine pour en arroser de leur sang les petits corps inertes et ces derniers retrouvèrent alors la vie… On dit que ce symbole tirerait son origine d’une pratique bien réellement constatée et qui fait de l’immense jabot de l’oiseau l’endroit même où la nourriture est régurgitée pour nourrir ses petits.

pelican-chan-chan--e1542292280671

téléchargement (23)

Une longue destinée

C’est cette légende étonnante qui allait avoir cette riche destinée qu’on lui connaît, avec notamment saint Augustin qui sera parmi les premiers à oser le rapprochement entre le Christ et l’oiseau. L’Eucharistie par laquelle Jésus nourrit les hommes de son corps et de son sang est au cœur du Nouveau Testament. Nul étonnement alors à ce que le grand saint théologien ait vu dans le majestueux oiseau nourrissant de son jabot ses petits, une image propice à la comparaison et métaphore. À l’image du pélican qui redonne vie à ses petits par son propre sang, le Christ donne sa vie et son sang pour la multitude. Ce parallèle explique la riche iconographie consacrée à cet oiseau qui se développera dans les Bestiaires, bois gravé, sculptures… Le pélican devient un symbole eucharistique puissant, et il orne encore de nos jours, souvent même représenté avec ses petits, de nombreux tabernacles et autres parures liturgiques.

Si notre époque moderne a certes, malheureusement, quelque peu oublié la signification et la place de ce puissant animal pourtant présent dans le bestiaire biblique, il n’en a pas toujours été ainsi. Ainsi, le pélican a-t-il été largement célébré, et ce dès le Moyen Âge, par les auteurs, poètes et artistes de chaque époque qui loueront son image. Aussi ne peut-on que rappeler à la mémoire ce bel hymne « Adoro » qui lui fut jadis dédié composé par saint Thomas d’Aquin pour l’Office du Saint-Sacrement :

« Pélican plein de bonté, ô Seigneur Jésus Lavez dans votre sang nos souillures, Une goutte suffit pour effacer Toutes les scélératesses de ce monde ».

Aujourd’hui encore, dans certains lieux de culte, est-il fréquent d’observer le pélican et sa nichée au-dessus de la croix notamment dans les œuvres d’art du Moyen Âge. Le grand poète italien Dante lui a même réservé quelques vers dans Le Paradis de La divine Comédie  lorsqu’il évoque saint Jean : « Voilà celui qui reposa sur le sein de notre Pélican ; ce fut lui que, du haut de la croix, Jésus élut pour le grand devoir ». Un autre poète, plus proche de nous, verra également sa poésie inspirée par ce bel héritage, Alfred de Musset décrit en effet de manière poignante dans La nuit de mai, cet oiseau rentrant bredouille de sa pêche et nourrissant ses petits de son sang jusqu’à sa mort tragique…

Fort de ces Hymnes et autres poèmes, pourquoi dès lors ne pas partir à la recherche de ce beau symbole, le pélican, injustement oublié de nos jours, et pourtant encore si présent dans nos églises ?

L’âne, un animal pas si bête que cela

assisi-frescoes-entry-into-jerusalem-pietro_lorenzetti-detail-1

Arrivée du Christ à Jérusalem, par Pietro Lorenzetti.

 Rival bien malgré lui du cheval, l’âne a toujours souffert de la comparaison avec la plus noble conquête de l’homme. Destinée dès les premiers temps en Occident aux tâches ingrates, cette bête de somme a été l’objet de moqueries jusqu’à notre époque. Or, l’Orient antique a eu une tout autre vision de cet animal, l’estimant et l’associant même aux cultes de divinités. Le Nouveau Testament puisera à cette tradition avec l’arrivée triomphale du Christ à dos d’âne lors de la fête des Rameaux, sans oublier la crèche où il acquiert une place de choix, ces deux événements inspirant un nombre inépuisable d’artistes.

L’âne n’a pas vraiment hérité en Occident d’une réputation de noblesse et de distinction, c’est le moins que l’on puisse dire si on énumère les sobriquets, blagues et autres images réductrices qui le caractérisent : entêté comme un âneOn n’enseigne pas aux ânes à volerOn ne saurait faire d’un âne un cheval de course, sans oublier le fameux bonnet d’âne… Et pourtant, lorsque l’on examine de plus près la culture orientale et méditerranéenne, dès les premiers temps, l’animal aux longues oreilles fut tenu en grande estime.

L’âne en Grèce était associé à Cérès puis à Dionysos. Et s’il était sacrifié pour certains cultes, c’était par honneur et non par disgrâce. De même, Rome a réservé également une part belle à l’animal avec le culte de Vesta où il est représenté couronné de fleurs. Mais, c’est certainement cet âne d’orient — de grand prix — qui a valu ses lettres de noblesse à cette race pour son endurance et son pied sûr, et dont son cousin d’Europe n’est qu’une pâle image de cette espère originelle, plus forte du fait des soins dont il profita, à la différence des ânes surexploités et maltraités en Europe, au moins jusqu’au milieu du XXe siècle.

L’âne vu par l’Ancien Testament

La Palestine a, en effet, donc très tôt réservé le meilleur accueil à cet animal bien soigné et de prix, ce qui explique qu’il soit considéré dans la Bible comme une monture de prince, ainsi que l’atteste Déborah au Livre des Juges en parlant aux puissants d’Israël : « Vous qui montez des ânesses blanches, vous qui siégez sur des tapis, et vous qui marchez sur la route, parlez ! ». La couleur blanche était la plus prisée et les ânesses plus dociles que les mâles. L’épisode de l’ânesse de Balaam souligne combien les humains peuvent rester sourds aux appels divins à la différence des animaux telle cette ânesse qui sut entendre les paroles de l’Ange du Seigneur. Il ne faut pas oublier que l’introduction du cheval est tardive et ne remonte en Israël qu’à l’époque du roi Salomon ; jusqu’alors, l’âne était le seul animal à servir dans les guerres. On ne compte pas moins de 90 références dans la Bible, signe de l’importance qu’il a revêtue au quotidien.

1280px-Gustav_Jaeger_Bileam_Engel

Balaam et l’Ange de Yahvé, Gustav Jaeger, 1836

Le Christ monté sur un âne

Jésus à la veille de sa Passion demande à ses disciples : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi » accomplissant ainsi la parole du prophète : « Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, plein de douceur, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme ». Apocryphes et traditions médiévales ont souligné la possible présence de l’âne dans la crèche qui aurait porté la Vierge Marie et son enfant lors de la fuite en Égypte ; une douce et rassurante présence que l’on retrouve encore de nos jours dans nos crèches de Noël, avec pour compagnon le bœuf. Mais, en cette fameuse scène des Rameaux, l’animal porte le sauveur du monde, un Roi qui n’est pas de ce monde et qui sacrifiera sa vie quelques jours plus tard…

OLYMPUS DIGITAL CAMERA
OLYMPUS DIGITAL CAMERA

La fuite en Égypte, Vittore Carpaccio, 1500, National Gallery of Art,Washington

1.jpg!Large

Le cheval, instrument de Dieu

1200px-Apocalypse_vasnetsov

Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (de gauche à droite) : Mort, Famine, Guerre et Conquête dans un tableau de 1887 par Viktor Vasnetsov

 

Si, de nos jours, le cheval est synonyme de loisir et d’animal de compagnie, il n’en a pas toujours été ainsi. Tour à tour proie des chasseurs, compagnon de conquêtes, instrument agraire et de transport, le cheval a surtout nourri une symbolique fertile dans le monde païen et dans la Bible. Alors que l’Ancien Testament ne laisse pas une impression positive du cheval, synonyme de puissance guerrière et de domination, il sera à l’inverse l’instrument de Dieu notamment dans les visions apocalyptiques de saint Jean.

Les premières représentations du cheval gravées ou peintes sur les parois des cavernes de la préhistoire demeurent à jamais d’inoubliables images. Si l’animal était une proie de choix pour les premiers chasseurs, il semble que, très tôt, il ait également compté parmi les animaux symboliques importants dans les premières religions de l’humanité. Ainsi, c’est en se métamorphosant en cheval que la déesse gauloise Epona acquerra cette place centrale dans le panthéon du peuple gaulois qui lui vouera une admiration sans bornes.

De même, la Grèce donnera naissance au mythe des Centaures — êtres mythologiques à corps de cheval et tête d’homme — sans oublier, bien sûr, le fabuleux cheval ailé Pégase… Mais l’Ancien Testament se démarquera, écartant cette place allégorique puissante réservée à la plus noble conquête de l’homme, en faisant du cheval un instrument de pouvoir, synonyme de guerres et de destructions.

L’épisode bien connu de l’Exode manifeste de manière évidente cette hostilité à ce symbole guerrier. Alors que le peuple d’Israël est sorti d’Égypte, « Les Égyptiens les poursuivirent ; tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses guerriers entrèrent derrière eux jusqu’au milieu de la mer ». La colère divine s’abat alors sur les poursuivants : « Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les guerriers, toute l’armée de Pharaon qui était entrée dans la mer à la poursuite d’Israël. Il n’en resta pas un seul ».

Holman_The_Destruction_of_Pharaoh's_Army

L’animal permettant toutes les conquêtes voit sa puissance réduite à néant face à des femmes et des hommes à pied et sans armes grâce à la puissance divine. Les prophètes, dès lors, critiqueront de manière récurrente l’image du cheval, retenant la colère divine de  l’Ancien Testament, et feront de l’animal un symbole guerrier et belliqueux qui éloigne de Dieu, même si le prophète Élie est enlevé aux cieux par des chevaux de feu…

web-painting-elijah-vhariot-fire-giuseppe-angeli-public-domain

Élie enlevé au ciel sur un char de feu, Giuseppe Angeli, vers 1740, National Gallery of Art, Washington

Les chevaux de l’Apocalypse, la révélation divine

Cette méfiance à l’égard du cheval entretenue par l’Ancien Testament s’estompera de manière éclatante avec le Nouveau Testament. Le cheval jusqu’alors opposé à Yahvé devient instrument de Dieu. Ainsi, les visions de saint Jean dans l’Apocalypse, dont se sont emparés de nombreux artistes et écrivains, donnent, en effet, une représentation effrayante des quatre cavaliers de l’Apocalypse juchés sur leur monture aux robes multiples. Alors que l’Agneau brise les sept sceaux du livre sur le Jugement du monde, un cheval blanc apparaît avec son cavalier porteur d’un arc, puis un autre rouge feu portant un cavalier doté d’une épée et du pouvoir de ravir la paix, suivi d’un cheval noir monté d’un cavalier portant une balance à la main, avant qu’un dernier de couleur blême n’apparaisse, celui qui le montait étant nommé « mort ».

Le mot Apocalypse vient du grec apokalupsis, synonyme de révélation, en décrivant ces visions de terreur — contemporaines d’un Empire romain martyrisant les premiers chrétiens — le texte ne vise pas à un catastrophisme comme on l’a souvent mal compris, mais bien plutôt à une invitation à dépasser nos passions représentées par ces quatre chevaux pour suivre le chemin tracé par le message christique. Cependant, il demeure que même présent de manière éclatante dans l’Apocalypse, le noble cheval n’apparaît pas dans les textes bibliques sous un jour très favorable…

1200px-Apocalypse_vasnetsov

Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse (de gauche à droite) : Mort, Famine, Guerre et Conquête dans un tableau de 1887 par Viktor Vasnetsov

Du cheval de Paul à l’âne du Christ

Paul de Tarse, on le sait, avant d’être un combattant du Christ, pourfendit la nouvelle religion de toute sa fougue guerrière. C’est pourquoi il est souvent représenté une épée à la main ; le peintre Caravage le dépeint tombé de sa monture lors de sa révélation sur le chemin de Damas. C’est au pied de l’animal représentant la force guerrière qui l’animait jusqu’alors que « l’avorton de Dieu », comme il se nommera, acceptera dans l’humilité sa nouvelle foi.

Le contraste est saisissant lorsque l’on compare l’arrivée du Christ à Jérusalem, monté sur un âne, et non sur un cheval comme le faisaient naguère tous les rois et les puissants lors de leur entrée triomphante dans une ville. Signe que le cheval traditionnellement porteur de guerres ne sera décidément pas l’animal privilégié retenu par le christianisme pour son message de paix, contrairement à l’imagerie païenne qui le préfèrera toujours au pauvre âne…

Assisi-frescoes-entry-into-jerusalem-pietro_lorenzetti

L’entrée à Jérusalem par Pietro Lorenzetti

51ZkU5Vn+eL._AC_

Le cerf, un animal familier du bestiaire biblique

téléchargement (24)

Cathédrale Notre-Dame de Paris, chapelle du Saint-Sacrement, vitrail, Saint Felix de Valois, apparition du cerf a la fontaine de Cerfroid.

 Présent dans l’Ancien Testament, sa soif de la Parole fait du cerf un animal familier du bestiaire biblique avant que le Nouveau Testament ne l’associe au Christ lui-même. Une représentation fertile, source de nombreuses évocations dont les chasses légendaires telles celles de saint Hubert.

Chauvet, Lascaux, Altamira… où que le regard se porte sur l’art pariétal et les premiers balbutiements de la culture, le cerf est omniprésent parmi le bestiaire primitif. Élément central de la chasse et objet de culte, il n’a pas, non plus, laissé indifférent les premières civilisations qui succèderont à la préhistoire. Il suffit pour s’en convaincre de visiter la très belle exposition Royaumes oubliés – De l’empire hittite aux Araméens, actuellement au musée du Louvre, pour constater l’importance du cervidé dans les nombreuses représentations qui lui sont consacrées.

Sa vigueur et la splendeur de son allure font de lui un animal royal associé aux divinités vénérées. C’est ce legs qui sera adopté par les Grecs et les Romains : Actéon surprenant Artémis au bain fut transformé en cerf. Cette métamorphose ne cessera de lier le destin de l’animal et de l’homme, tour à tour prédateur et proie. Les Celtes vénèreront également le cerf en tant que divinité tel Cernunnos le cornu, un dieu gaulois au souffle puissant. Ses représentations sont notamment présentes au musée du Cluny ou sur le fameux chaudron de Gundestrup au Danemark, et ne cessent encore aujourd’hui de fasciner le regard.

Le cerf dans L’Ancien Testament

La fougue, la vitalité et sa belle prestance constitueront les principaux traits légués à l’univers biblique. Le cerf deviendra, en effet, un des animaux  du bestiaire de l’Ancien Testament. Le Psaume 41 est certainement le plus éloquent : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu ». Cette soif insatiable de la Parole divine ne demeurera pas une simple métaphore superficielle et la vitalité qui en découlera inspirera le prophète Isaïe en ces termes : « Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie ; car l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride ».

gundestrupkedlen-_00054_cropped-1

© Nationalmuseet, Roberto Fortuna og Kira Ursem – WikipediaCernunnos sur le chaudron de Gundestrup Gundestrupkedlen, inderside Beskrivelse Gundestrupkedlen, inderpladerne, Y.FRJ, Rævemosen, Ålborg Amt

L’animal dont la puissance étonne encore aujourd’hui avait déjà dans l’antiquité la réputation de traquer les serpents et de les dévorer, ce qui contribuait à son énergie selon Plutarque, Martial ou Lucrèce. L’art romain pré-chrétien semble ainsi avoir anticipé ainsi sur ce combat du bien contre le mal en de nombreuses représentations éloquentes de cerfs détruisant des serpents dans leur nid.

Le Christ Cerf

Bien que toujours impressionné par la belle prestance, notre époque a cependant quelque peu oublié l’importance que revêt le cerf dans le bestiaire biblique. Il fut pourtant l’un des premiers animaux retenus par la chrétienté, et le Physiologos lui réserve une place de choix en assimilant l’animal au Christ lui-même. La Légende dorée de Jacques de Voragine, au XIIIe siècle, offre à cette métamorphose du Christ en cerf d’extraordinaires légendes médiévales qu’il nous faut redécouvrir, notamment celles de saint Hubert et de saint Eustache. Ce dernier, avant de devenir un saint, se nommait Placide et chassait avec quelques amis. Il vit un magnifique cerf à nul autre pareil et s’élança à sa poursuite. Parvenu à un sommet, l’animal se retourna vers le chasseur et lui intima de le suivre sur les hauteurs plutôt que de le chasser. Et le Christ de révéler son identité avant de s’évanouir en une éblouissante image du Christ en croix, achevant de convaincre le chasseur ébahi. Placide abandonna alors tout et donna sa vie au Christ, saint Eustache était né.

st-hubert6

La légende de saint Hubert s’apparente à celle de saint Eustache : Hubert, fils du duc d’Aquitaine, alors qu’il chassait un jour de Vendredi saint, aperçut un grand cerf avec une croix entre ses cornes. L’animal lui enjoignit d’abandonner sa vaine passion et de suivre les préceptes du Christ. La légende de saint Hubert si chère aux rois était née. Patron des chasseurs, saint Hubert est fêté le 3 novembre de chaque année et sa représentation a dès lors inspiré les plus grands artistes.

L’incroyable force symbolique de l’Agneau

agnus_dei_zurbaracc81n

Agnus Dei – Zurbaran

 

Présent à de nombreuses reprises dans l’Ancien Testament, l’agneau, animal fragile et innocent, ne prendra pleinement sa force symbolique qu’avec le Nouveau Testament. Victime pascale par excellence, il représente en images, comme en message, le sacrifice ultime du Christ pour la rédemption des hommes. Cet animal biblique compte parmi les plus importants dans le Nouveau Testament.

Les prophètes de l’Ancien Testament tel Isaïe ont tout de suite relevé le trait saillant caractérisant l’agneau : « Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvre pas la bouche ». C’est en effet la première image que l’on peut avoir de ce frêle animal qui de tout temps représente l’innocence, ce que confirme un autre prophète, Jérémie : « Moi, j’étais comme un agneau docile qu’on emmène à l’abattoir, et je ne savais pas qu’ils montaient un complot contre moi. Ils disaient : « Coupons l’arbre à la racine, retranchons-le de la terre des vivants, afin qu’on oublie jusqu’à son nom ».

C’est dans ce contexte que les premiers temps bibliques associeront agneau et victime expiatoire, avec pour point culminant la fameuse nuit de l’Exode au cours de laquelle le sang de l’agneau sacrifié devait marquer les linteaux et côtés des portes du peuple d’Israël afin de les épargner de la colère divine qui allait s’abattre sur tous les premiers-nés égyptiens. L’institution de l’agneau pour la Pâque juive était née et sera dès lors commémorée chaque année.

capture-d_c3a9cran-2017-05-24-c3a0-10-21-55

Van Eyck, L’Adoration de l’Agneau mystique (détail), 1432, Gand, cathédrale Saint-Bavon.

L’agneau pascal, un symbole fort du christianisme

Le legs de l’Ancien Testament pour les débuts du christianisme fut essentiel, un grand nombre de traits majeurs ayant été repris. L’agneau avec la Passion du Christ va cependant prendre une force symbolique plus profonde encore, constituant l’un des emblèmes majeurs des chrétiens.. Si l’agneau faisait jusqu’alors figure de victime expiatoire, le Christ sera, en effet, associé à l’innocent animal, décrit ainsi par Jean le Baptiste : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde », la dernière partie de la phrase étant essentielle.

Cet Ecce Agnus Dei repris par la liturgie en latin depuis ces premiers siècles dépasse tous les sacrifices de l’Ancien Testament pratiqués jusqu’alors et qui devaient être répétés, année après année. Avec le Nouveau Testament, le sacrifice christique devient unique pour sauver l’humanité de la mort, ce qu’évoque avec une force éblouissante l’Apocalypse de saint Jean décrivant l’Agneau debout au milieu du trône, immolé et digne de recevoir la puissance, la richesse divine, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire, et la bénédiction… Ce que confirme la Lettre aux Hébreux évoquant « le sacerdoce qui ne passe passe » et « Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même ». L’agneau devient dès lors le premier emblème de Jésus-Christ pour sa puissance salvatrice et inspirera en cela bien plus d’un artiste.

Un symbole rayonnant dans les arts

C’est pourquoi l’agneau christique inspirera un si grand nombre d’artistes, les premiers étant ceux des Catacombes, comme celle de Calixte à Rome, et dont il est encore possible de voir les représentations émouvantes sur les parois cachées sous plusieurs mètres de terre. La Croix n’est pas encore présente dans ces œuvres et l’agneau y prédomine. L’agneau eucharistique s’invitera également dans les tableaux représentant le Christ en croix comme chez Grünewald et son fameux retable d’Issenheim où l’animal lui-même sacrifié regarde le Christ cloué sur l’instrument du supplice alors que son sang se répand dans le calice, la mort conduisant à la vie par l’Eucharistie instituée.

maxresdefault

C’est cette même symbolique qui inspirera aussi de nombreux livres de prières comme celui de Waldburg (1486) qui représente l’animal portant lui-même sa croix et dont le sang emplit lui aussi le calice à ses pattes. L’œuvre la plus forte réunissant à elle seule toute la richesse de ce symbole puissant demeure cependant certainement le fameux chef-d’œuvre  des frères Van Eyck « L’Agneau de Dieu » en la cathédrale Saint-Bavon de Gand, une catéchèse à elle seule dont la puissance évocatrice ne cesse encore d’étonner.

La Licorne

giulia_farnese_unicorn-e1557743223843 (1)

Philippe-Emmanuel Krautter

 Les qualificatifs ne manquent pas pour présenter la licorne, elle qui a de tout temps fasciné par son caractère mystérieux, fabuleux et indomptable… Présente dans l’Ancien Testament à de nombreuses reprises, le Moyen Âge en fera l’un des animaux les plus singuliers, symbole de pureté et de virginité comme l’attestent les fameuses tapisseries de La Dame à la Licorne… La licorne a su traverser les siècles en nourrissant les légendes qui lui sont associées, et ce jusqu’à aujourd’hui où elle continue encore d’inspirer les artistes.

Un animal fabuleux remontant aux temps antiques. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la licorne est loin d’être un animal né de l’imaginaire médiéval chrétien. L’art chaldéen et mésopotamien — sans oublier la Chine et l’Orient, ont également livré des témoignages de cet être fabuleux à corps de cheval, tête de cerf et surtout doté d’une seule corne caractérisant définitivement la licorne tel que la décrira Pline l’Ancien dans sa fameuse Histoire naturelle. Au IIe siècle de notre ère, Philostrate la présente comme un animal extraordinaire vivant aux abords des marais du fleuve Phasis et dont l’ardeur au combat n’a pas d’égal.

L’Ancien Testament et la licorne

La Bible se réfère plusieurs fois à la licorne que l’on retrouve, il est vrai, plus ou moins selon les traductions ! Il est probable, en effet, que cet animal mythique ait été aussi confondu avec un taureau sauvage ou un buffle, ce qui expliquerait les nombreuses ambiguïtés des traductions passant du narval au rhinocéros, à l’oryx ou autres antilopes… La Septante évoque cet animal par le terme monocéros, une seule corne, expression reprise par saint Jérôme pour la Vulgate avec l’expression unicornis  et qui donnera licorne dans notre langue. Le livre des Nombres fait le parallèle entre sa puissance et Dieu, une force également soulignée par le Deutéronome soulignant ses cornes redoutables. Doivent être ajoutées à ces textes les nombreuses références données par les Psaumes et le livre de Job.

giulia_farnese_unicorn-e1557743223843 (1)

Dame à la licorne, Raphaël, Galleria Borghese.

La légende appréhendée au-delà du Moyen Âge

Si la physionomie de la licorne peut être plurielle selon les sources, toutes s’accordent néanmoins sur son tempérament fougueux et indomptable. Seule une vierge pouvait apprivoiser cet impétueux animal irrésistiblement attiré par un cœur pur et un corps vierge. Ce trait allait nourrir l’imaginaire médiéval avec notamment la fameuse Dame à la Licorne mais aussi le Roman d’Alexandre qui relatera sans tendresse les moyens de capturer l’animal et de le mettre à mort grâce à ce perfide subterfuge… Car la corne de la licorne était dotée d’étonnantes vertus curatives soignant blessures, empoisonnements et autres maladies. Vertu qui fut en réalité conjurée par la corne d’un véritable cétacé vivant dans les mers et doté d’une longue défense vrillée, ce qui perpétua ainsi sa légende bien au-delà du Moyen-Âge jusqu’au XIXe siècle. Posséder une corne de ce rare animal faisait même la fierté du cabinet de curiosités de tout humaniste.

A-mon-seul-desir-La-dame-a-la-licorne-1024x857

« À Mon seul désir », La Dame à la licorne, musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, Paris.

Un symbole christique

La théologie s’est aussi emparée de la licorne retenant une image moins utilitariste rapprochant sa puissance de celle divine telle que le fit initialement l’Ancien Testament. Le Moyen Âge avec Guillaume de Normandie ou de Caumont allait compléter ces représentations théologiques en unissant l’image christique à la licorne et Marie à la vierge.

Une éternelle fascination

La représentation de la licorne par les artistes est infinie, des premiers temps jusqu’à nos jours. Soulignant ce lien indéfectible entre l’indomptable animal et la femme, elle apparaît dans les tapisseries médiévales mais aussi l’héraldique qui y puisera une profusion de blasons. Les peintres de la Renaissance prolongeront cet héritage de chasteté telles ces délicates représentations de Raphaël ou de Luca Longhi alors qu’au XIXe siècle. Gustave Moreau osera une plus grande érotisation. Jean Cocteau lui consacrera un ballet dans les années 50, suivi par des artistes contemporains tels Claude Rutault, Miguel Branco ou encore Nicolas Buffe qui perpétuent dans des œuvres parfois audacieuses la longue tradition de cet animal fabuleux qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Le poisson, de Jonas au Nouveau Testament

the-miraculous-draught-of-fishes-la-pe-che-miraculeuse.jpg!Large

La pêche miraculeuse de James Tissot

 

La Bible réserve une part importante au poisson. Si l’Ancien Testament lui avait déjà accordé une place symbolique avec l’épisode de Jonas avalé par un grand poisson surnommé plus tardivement baleine, préfiguration de la Passion du Christ, c’est surtout dans le Nouveau Testament et dès les premiers temps du christianisme que cet animal va revêtir une très forte connotation. Si de nos jours la croix s’est substituée au symbole initial du poisson, ce dernier demeure cependant encore bien présent dans l’iconographie chrétienne.

Nous avons systématiquement à l’esprit depuis l’enfance cette image d’une immense baleine avalant le prophète Jonas, puni par Dieu pour avoir désobéi à ses ordres. Selon ce récit que l’on retrouve avec des parallèles également en Grèce, en Égypte ou en Inde, Jonas séjourna trois jours et trois nuits durant dans le ventre de cette prétendue baleine que curieusement la Bible ne désigne que comme un simple « gros poisson » ! En méditation, il y priera et récitera un magnifique psaume d’inspiration divine avant de réapparaître. Au-delà de l’étymologie et de ce que la Bible a souhaité réellement désigner, il demeure que cet animal, baleine ou autre gros poisson, est considéré comme objet de la colère divine, et symbolise un examen de conscience le plus intime pour Jonas. Préfigurant la Passion du Christ et sa Résurrection trois jours plus tard, ces trois journées de Jonas représentent en effet une mort et une renaissance spirituelle, une ouverture à la Parole qu’il n’avait pas su recevoir jusqu’à cette épreuve.

L’aube du christianisme sous le signe du poisson

1280px-Pieter_Lastman_-_Jonah_and_the_Whale_-_Google_Art_Project-e1569424668718-1024x714

Si l’Ancien Testament ne fait guère référence aux poissons en dehors de l’épisode relaté, c’est en revanche une marée de poisson qui va submerger le christianisme naissant, en devenant l’un des symboles les plus puissants, bien avant la Croix. C’est au grec ancien qu’il faut revenir pour comprendre cette omniprésence du poisson. Le mot « ICHTUS » qui signifie en grec « poisson » révèle par chacune de ses lettres la traduction christologique suivante : Jesu Kristos Theou Uios Sôter, « Jésus, Christ Fils de Dieu, Sauveur ». D’où son importance. Sa représentation prendra très vite en pratique la forme de deux courbes se rejoignant et deviendra un signe de ralliement des chrétiens, symbole dotant plus discret qu’il pouvait être laissé en graffiti sans attirer l’attention et selon la direction de la tête indiquer discrètement le chemin d’un lieu de culte caché. Les premiers chrétiens seront de ce fait souvent désignés comme « fils de l’Ichtus céleste ».

Le signe du Christ et du baptême

97b46eb5662bb106a15408670c3245b7

téléchargement (26)

De là, à Rome, puis dans toute la chrétienté, ce sera ce symbole qui déferlera comme une flambée de poudre, et le « Poisson-Christ » fera l’objet d’une vénération, jusqu’aux souverains pontifes comme Clément d’Alexandrie qui encouragera sa représentation sur des sceaux, bijoux ou autres effets personnels. Ce sera le début d’une riche collection de gemmes, amulettes, pierres fines, sceaux gravés des cinq lettres accompagnés du poisson. La littérature chrétienne des premiers siècles se fera l’écho de cette ferveur, Tertullien, Origène, saint Augustin et bien d’autres encore ne tariront pas sur cette représentation forte et puissante, synonyme de « source immortelle de l’eau divine », de pureté et de nourriture. Tertullien souligne le parallélisme entre le poisson et l’eau baptismale : « Nous, petits poissons, selon notre Poisson, Jésus-Christ, nous naissons dans l’eau et nous ne pouvons être sauvés qu’en demeurant dans l’eau ». Le poisson est également rapproché du pain eucharistique par saint Augustin, l’animal figurant même sur des représentations eucharistiques comme celle du Musée du Vatican. L’épisode bien connu de la multiplication des cinq pains et des deux poissons relaté par les Évangiles est là pour rappeler cette force du don sans limites qui anticipe le sacrifice christique. De même, est-ce un poisson grillé que Jésus mangera avec ses disciples après sa Résurrection pour leur montrer la véracité des Écritures en pleine période de doutes et de peurs. Et, si la Croix se substituera progressivement au poisson pour représenter la foi des chrétiens, il demeure que l’animal aquatique reste encore bien présent dans nos églises, sur ses tableaux, mosaïques et autres supports pour en rappeler la riche histoire

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s