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Paul de Tarse par Daniel Marguerat

Paul de Tarse. L’enfant terrible du christianisme

Daniel Marguerat

Paris, Le Seuil, 2023. 560 pages.

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Résumé

Célèbre parmi tous les apôtres, saint Paul est aussi le plus mal connu. On le dit colérique, doctrinaire, antiféministe, hostile au judaïsme. Après le message simple de Jésus, il serait venu tout compliquer avec une théorie obscure du péché… Mais qui a vraiment lu ses lettres ? Qui a deviné l’homme derrière les propos de Paul de Tarse ?
L’originalité du livre de Daniel Marguerat est d’immerger ses écrits dans la vie tumultueuse et passionnée de l’apôtre. Car derrière les textes de ce grand théologien, il y a un homme qui aime, qui lutte, qui peine et qui souffre. Qui est l’homme Paul ? Qu’a-t-il vécu, expérimenté, souffert – au point que, de cette vie, a surgi une pensée fulgurante ?
Ce qu’on appelle la « théologie de Paul » n’est pas une doctrine intemporelle, qu’on débiterait à coups de formules dans un catéchisme. Daniel Marguerat montre sous quelles impulsions, à la suite de quelles rencontres, sous le coup de quels chocs cette pensée s’est peu à peu construite.
On apprend ainsi comment l’apôtre réconforte les chrétiens de Thessalonique harcelés pour leur foi. Comment il confie aux femmes en Église une place et un rôle qu’elles perdront rapidement ensuite. Comment il milite à Corinthe contre les discriminations. Comment il plaide chez les Gaulois de Galatie en faveur de l’universalité du christianisme. Et comment il fut, tour à tour, adulé, détesté ou oublié.
Un livre passionnant, qui fait découvrir un Paul peu connu. Sa pensée incandescente fait de lui, aujourd’hui encore, l’enfant terrible du christianisme.

Daniel Marguerat, historien et bibliste, est professeur honoraire de l’Université de Lausanne. Ses travaux sur les origines du christianisme lui ont acquis une réputation mondiale. Dans ce livre, il dépose le fruit d’une trentaine d’années de recherche sur l’apôtre des nations.

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Saint Paul antiféministe ? « Totalement faux », selon le théologien Daniel Marguerat

Entretien – Journal LA CROIX

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Les chrétiens gagneraient à lire saint Paul, estime l’exégète Daniel Marguerat. Car sa vision de l’identité chrétienne, qui accorde à chaque baptisé le même statut et la même valeur, est étonnamment moderne.

Vous présentez au Festival du livre de Paris un nouvel ouvrage sur saint Paul. Qu’y a-t-il de neuf à dire à son sujet ?

 

Daniel Marguerat : La plupart des ouvrages publiés sur Paul actuellement sont soit des biographies de l’Apôtre, écrites par des historiens qui cherchent à reconstruire sa vie, soit des analyses théologiques de sa pensée. J’ai voulu croiser les deux approches, convaincu que la pensée naît et se nourrit de la vie. Un théologien, quand il écrit, est une personne qui vit, souffre, éprouve des sentiments, veut défendre un point de vue… Inscrire la pensée de Paul dans son histoire me permet de rendre compte de son humanité : l’homme derrière le texte, en somme.

En outre, je tente de résoudre l’énigme d’une pensée qui se déplace, change, se contredit parfois. Certains théologiens soutiennent que l’Apôtre est dénué de toute cohérence et ne fait que réagir aux contextes ou aux conflits dans lesquels il est engagé. Je suis persuadé du contraire. Mais ce grand Apôtre ne délivre pas un catéchisme intemporel. Sa parole est toujours adressée à une communauté et répond à une problématique que l’on peut identifier.

  

Peut-on dire que Paul est le fondateur du christianisme ?

 

  1. M. : Il ne s’est jamais présenté comme tel. Il conçoit sa parole comme un Évangile dont le fondement est le Christ. Mais il est un pionnier. Avant lui, dans les années 40-50, l’Évangile était prêché à la synagogue. Paul est le premier à conduire de manière systématique une mission chrétienne qui s’adresse aussi aux non-juifs, sans qu’ils doivent s’intégrer au judaïsme.

D’autre part, il est confronté à des problèmes inédits, comme en témoigne notamment la Première Lettre aux Corinthiens. Jésus n’a rien écrit, ni n’a pensé l’organisation d’une communauté après lui. Il vivait en nomade accompagné d’un groupe de disciples, avant d’être mis à mort. Après lui, tout était à inventer.

Paul, lui, s’adresse à des Gréco-Romains qui se demandent comment vivre leur foi nouvelle au jour le jour, s’ils peuvent partager un repas avec leurs voisins païens, s’ils doivent pratiquer la ritualité juive, si les femmes peuvent avoir un rôle dans le culte… Autant de questions que Jésus ne s’était pas posées directement, mais auxquelles Paul a dû répondre. Il n’est donc pas un fondateur, parce qu’il renvoie sans cesse à Jésus, mais il est un pionnier.

Disons-le clairement : l’identité du christianisme ne serait pas ce qu’elle est sans lui. Il a été le premier à reformuler la parole de Jésus dans la culture du monde romain, ouvrant le christianisme à l’universalité. Il a accompli un travail de création et d’innovation impressionnant.

  

Au point que certains lui reprochent d’avoir trahi Jésus…

 

  1. M. :Oui, on a souvent dit que Jésus était un homme simple, qui s’adressait à des paysans et à des pêcheurs, racontant des paraboles, proclamant un Dieu bon… Paul serait venu tout embrouiller avec une théologie abstraite, compliquée et culpabilisante. En réalité, Paul a été fidèle à Jésus, en interprétant ses propos dans une culture et des conditions différentes. Il a donc été son interprète, peut-être le meilleur.

Son attitude vis-à-vis des femmes, par exemple, le prouve. Dans le judaïsme de l’époque, l’éducation religieuse était strictement réservée aux hommes. Jésus a transgressé les conventions sociales et religieuses en acceptant des femmes dans son groupe de disciples.

De même, Paul crée des communautés d’hommes et de femmes à égalité de droits, de responsabilités et de vocation. Par le baptême, les croyants deviennent frères et sœurs. Les femmes prient et prophétisent dans ces communautés (1Co 11). Cette mixité est d’une originalité absolue dans le monde antique ! Malheureusement, après Paul, elle disparaîtra peu à peu et les femmes seront écartées de certaines fonctions ministérielles. Cette situation perdurera parfois… jusqu’à nos jours !

  

Est-ce l’image que les chrétiens d’aujourd’hui ont gardée de Paul ?

 

  1. M. :Paul est l’Apôtre le plus décrié de tout le Nouveau Testament ! Les croyants aujourd’hui vous diront que ses épîtres sont incompréhensibles, qu’il est doctrinaire, colérique, antiféministe et antijuif… J’essaie dans mon livre de lui rendre justice sur tous ces points. Il est totalement faux, on l’aura compris, de le dire antiféministe.

Les épîtres qui renvoient les femmes à leur foyer (Colossiens, Éphésiens, les Pastorales) font partie de son héritage, mais elles ne sont pas de lui. Au cours des deux premiers siècles, sa pensée a été développée et amplifiée par ses disciples, trahie même parfois, ou du moins fortement biaisée. Je plaide pour que les pasteurs et les prêtres travaillent à corriger l’image néfaste de l’Apôtre, et surtout qu’ils actualisent sa pensée pour en montrer la modernité.

 

Certains chrétiens disent qu’ils aimeraient retrouver la ferveur des petites communautés pauliniennes. Est-ce une utopie ?

  1. M. :Quand on lit attentivement les deux Épîtres aux Corinthiens, celles qui nous renseignent le plus concrètement sur la vie de ces communautés, on voit qu’elles étaient en réalité agitées par de nombreuses tensions. Mais Paul leur indique le moyen de les assumer et de les dépasser.

Chaque fois qu’il se trouve face à une crise née de l’affrontement de positions antagonistes, il ne tranche pas pour les uns contre les autres, mais renvoie les uns et les autres à l’identité qu’ils ont reçue de Dieu et qui leur confère une égale valeur. À partir de là, il les incite à considérer le problème autrement et à accepter les différences. Beau modèle de gestion des conflits, non ? Dans le fond, Paul ne cherchait pas à accroître la ferveur. Ce qu’il voulait faire comprendre, c’est comment se construit l’identité croyante. Sur ce point, il est résolument moderne.

Moderne, pour quelles raisons ?

 

  1. M. :Parce qu’il affirme que l’homme et la femme, s’ils font confiance à Dieu, sont accueillis inconditionnellement. C’est ce que l’on appelle « la justification par la foi ». Paul n’a pas cherché à rendre les gens plus religieux. Il est venu dire : « Vous avez reçu par votre baptême une identité qui a changé votre rapport à Dieu, à vous-mêmes et aux autres. »Cette nouvelle identité demande que, au sein de la communauté croyante, on considère les autres comme des frères et des sœurs de même valeur et de même statut que soi-même, admis, accueillis et valorisés par Dieu quelle que soit leur origine.

Cette égalité de valeur et de statut, ce refus de toute discrimination sociale constituent son modèle d’Église… un modèle qu’aujourd’hui la chrétienté échoue à réaliser. Car, bien sûr, cette reconnaissance réciproque crée des tensions : comment un homme qui méprise les femmes ou un maître qui méprise les esclaves peut-il changer du jour au lendemain parce qu’il est baptisé et prend part à l’Eucharistie ? C’est pourtant, selon Paul, ce qu’il est appelé à faire dans la communauté.

Après la mort de l’Apôtre, ce modèle a décliné parce qu’il contredisait frontalement le fonctionnement de la société. Pourtant, c’est la vocation de l’Église que de constituer ce que Paul appelle « le corps du Christ » (1Co 12), dont chaque organe est indispensable à l’ensemble. Il n’y a rien de plus novateur, plus prometteur, plus moderne que cette idée.

  

Que pensez-vous que Paul dirait aux chrétiens d’aujourd’hui ?

 M. :Je pense qu’il exprimerait de l’effarement et de l’indignation devant les divisions du christianisme. Je crois aussi qu’il s’affligerait de constater la pauvreté de la vie communautaire des chrétiens. Car pour lui, c’est par la vie communautaire que passe l’expression de la nouvelle identité reçue du baptême. Il reprocherait aux croyants de négliger ce que Dieu a fait d’eux par leur baptême, de vivre en dessous de leur identité, de consentir aux discriminations dictées par la société.

Le christianisme, aujourd’hui, me semble fatigué, pour ne pas dire défaitiste. Or, la lecture de Paul est stimulante. C’est un auteur créatif, il a de l’ambition pour le christianisme ! Si la chrétienté veut revitaliser sa culture, il serait bon qu’elle lise et relise ses épîtres. La vision qu’a Paul de l’identité chrétienne est notre futur, pas notre passé.

Daniel Marguerat, rendre justice aux textes

Pasteur de l’Église réformée, Daniel Marguerat a étudié à Lausanne, en Suisse – où il est né en 1943 –, et à Göttingen, en Allemagne. Il a enseigné le Nouveau Testament à l’université de Lausanne, s’intéressant tout particulièrement au Jésus de l’histoire, à l’Apôtre Paul et aux Actes des Apôtres. Il a conduit une recherche de pointe sur ces trois thèmes, et publié de nombreux ouvrages. Formé initialement à l’analyse historico-critique des textes, il découvre aux États-Unis l’analyse narrative et l’analyse rhétorique. Il cherche aujourd’hui à croiser différents types de lecture pour mieux rendre justice aux textes. Parmi ses derniers livres parus, figurent Jésus et Matthieu.À la recherche du Jésus de l’histoire (Labor et Fides, 2016), L’Historien de Dieu.Luc et les Actes des Apôtres (Labor et Fides, 2018), Vie et destin de Jésus de Nazareth, (Seuil, 2019) et Paul de Tarse. L’enfant terrible du christianisme (Seuil, 2023).

BIOGRAPHIES, CHARLES PEGUY, CHARLES PEGUY PAR ARNAUD TEYSSIER, ECRIVAIN CHRETIEN, ECRIVAIN FRANÇAIS, LITTERATURE, LITTERATURE FRANÇAISE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION

Charles Péguy par Arnaud Teyssier

Charles Péguy 

Arnaud Teyssier

Paris, Tempus, 2014. 336 pages

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Résumé

Par la modestie de ses origines, ses brillantes études, sa rectitude morale, ses engagements intellectuels et politiques entre socialisme et catholicisme de progrès, sa mort héroïque au combat le 5 septembre 1914 à quarante-et un ans, Charles Péguy est l’une des figures les plus pures de ce que la France a de meilleur. Séduisant, irritant, poète inspiré et polémiste redoutable, il a laissé, après quinze années d’une activité intellectuelle et littéraire intense, une empreinte ineffaçable chez ses contemporains et pour la postérité

Sous la plume d’Arnaud Teyssier, on croise les personnalités majeures de notre imaginaire politique et on décèle, grâce à l’intelligence lumineuse de Péguy et sa profonde humanité, quelques traits très actuels de notre impuissance démocratique.

Biographie de l’auteur

Né en 1958, ancien élève de l’ENS et de l’ENA, historien et haut fonctionnaire, Arnaud Teyssier a publié, chez Perrin, des biographies de Lyautey et de Louis-Philippe. Il a présenté une nouvelle édition du Testament politique de Richelieu, dont il achève, toujours pour Perrin, une biographie appelée à faire date

Critique 

Aujourd’hui encore la figure de Charles Péguy est un mystère tant le l’écrivain est inclassable tant par son itinéraire que par sa pensée. Peu lu aujourd’hui il est cependant connu pour être mort au début de la guerre 1914-1918 et par ses écrits mystiques surtout dans les sphères chrétiennes.

Cette biographie bien documentée nous fait revivre l’écolier, l’homme de lettres mais aussi le citoyen engagé dans son époque et prenant part à tous les combats de la IIIè République. Cet ouvrage illustre fort bien le gouffre qui sépare le normalien d’origine paysanne, aux engagements sans concession, à son amour de la France ainsi qu’à à la prose mystique, de notre époque.

Arnauld Teyssier parvient à remettre en perspective l’itinéraire de Péguy : des derniers jours de la République opportuniste à l’Union sacrée, en passant par son engagement majeur, pour l’innocence de Dreyfus, mais aussi sa proximité avec les courants socialistes de cette époque, il retrace les écrits, les amitiés et les positions de l’écrivain, d’abord socialiste puis converti peu à peu à un christianisme mystique et personnel.
Ce faisant il rend intelligible l’itinéraire avant tout solitaire de ce franc-tireur qui pourtant après sa mort sera récupéré par le régime de Vichy et par la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Teyssier retrace son refus du système, du professorat, des compromissions et des honneurs, la lutte quotidienne pour la survie de son entreprise indépendante (les cahiers de la quinzaine fondés avec quelques amis), loin de la société mondaine et des succès faciles (ceux d’Anatole France notamment).
Difficile d’accès, traversée par une recherche sans compromission de la vérité autour de quelques figures tutélaires (Jeanne d’Arc et le Christ), l’œuvre de Péguy aurait cependant mérité des développements plus longs : ses écrits sont évoqués mais seulement dans le cadre de ses combats. Teyssier semble en effet vouloir contourner l’écueil que forment les textes de l’écrivain : en ne les abordant que trop superficiellement on ignore quelle impact ils eurent réellement à cette époque qui fut une époque troublée par les scandales, l’affaire Dreyfus, le boulangisme puis la montée de l’Action française.

 Cette biographie évacue aussi l’impact de l’écrivain sur le XXe siècle par une trop rapide conclusion. A la décharge de l’auteur du livre, Péguy reste difficilement accessible à l’historien, et les lecteurs de Péguy aujourd’hui ne s’intéressent qu’à son oeuvre mystique délaissant tous ses écrits qui donnent un panorama de cette France qui se cherche dans ses institutions. Teyssier le reconnaît lui-même, du fait de l’immensité de ses écrits et de la somme produite par ses exégètes.

La modestie du projet éditorial (300 pages) et l’ampleur des éléments de contexte à livrer limitent considérablement les développements de fond et ont malheureusement contraint Teyssier à une approche très synthétique mais qui a le mérite de mieux nous faire comprendre l’homme et ses combats.
Ainsi, par souci pédagogique, il plante son Péguy dans le contexte historique (opportunisme, boulangisme, affaire Dreyfus, socialisme, Barrès et Maurras, antagonisme franco-allemand), même si on aurait souhaité en savoir davantage sur l’écrivain et ses oeuvres. Après la lecture, il reste un étrange sentiment : la vie de Péguy est mieux connue, mais l’œuvre elle-même reste mystérieuse. 

Au lecteur de se plonger dans cette oeuvre 

Charles Péguy (1873-1614)

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Charles Pierre Péguy est un écrivain, poète et essayiste français.

Après des études dans sa ville natale, il va à Paris préparer le concours de l’École Normale Supérieure, auquel il est reçu en 1894. En 1896, il écrit un drame, Jeanne d’Arc. Attiré par les idées socialistes, il expose son point de vue dans « Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse » (1898) et milite pour la révision du procès Dreyfus.

Bientôt, il abandonne la carrière universitaire, se sépare du parti socialiste et fonde, en 1900, une revue indépendante, les Cahiers de la Quinzaine, qui se propose d’informer les lecteurs et de « dire la vérité ». C’est de « la Boutique », installé en face de la Sorbonne, que Péguy mènera le combat ; en dépit des difficultés financières, les Cahiers, auxquels collaborent Jérôme et Jean Tharaud, Daniel Halévy, François Porché et Romain Rolland, paraîtront jusqu’à la guerre de 1914.

Les grandes œuvres en prose de Péguy y trouvent place ; ce sont Notre Patrie (1905), où il dénonce le danger allemand et la menace de guerre, Notre jeunesse (1910), où il oppose mystique et politique, L’Argent (1913), où il évoque le monde de son enfance qui ne connut pas la fièvre de l’argent.

En 1908, il déclarait à Joseph Lotte: « J’ai retrouvé la foi ». De sa méditation, naissent de grandes œuvres poétiques : Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), Le Porche du mystère de la deuxième vertu (1911) et Le Mystère des saints-innocents (1911). Reprenant le geste du bûcheron qui, dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu mettait ses enfants sous la protection de la Vierge, Péguy fait, en 1912, plusieurs pèlerinages à Notre-Dame de Chartres. On retrouve l’écho de ces événements dans La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc  (1912), écrite en reconnaissance pour la guérison de son fils Pierre, et dans La Tapisserie de Notre-Dame (1912) ; Péguy n’hésite pas à écrire Ève (1913), une œuvre d’une longueur inusitée, qui comporte huit tragédies en cinq actes et 8000 alexandrins.

Il songeait à évoquer le Paradis dans un nouveau poème, quand survint la guerre, où il trouva la mort. La plupart des archives sur Péguy sont aujourd’hui rassemblées au Centre Charles Péguy d’Orléans, fondé par Roger Secrétain en 1964. On y trouve notamment la quasi-totalité de ses manuscrits.

Bibliographie

Essais

De la raison, 1901.

De Jean Coste, 1902.

Notre Patrie, 1905.

Situations, 1907-1908.

Notre Jeunesse, 1910.

Victor-Marie, Comte Hugo, 1910 ; réédition Fario 2014.

Un nouveau théologien, 1911.

L’Argent, Paris, Allia, 2019, 112 p. 

L’Argent suite, 1913 ; rééd. La Délégation des siècles, L’Argent & l’Argent suite (réunion des deux textes), 265 p., 2020.

Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, 1914.

Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, 1914 (posth.).

Clio. Dialogue de l’histoire et de l’âme païenne, 1931 (posth.).

Par ce demi-clair matin, 1952 (posth.) (recueil de manuscrit inédits dont les deux suites de Notre Patrie)

Un poète l’a dit… , Gallimard, 1953 (posth.)

Véronique. Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, Gallimard, 1972 (posth.)

Poésie

La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc, 1913.

La Tapisserie de Notre-Dame, 1913.

Ève, 1913 ;

dont : « Prière pour nous autres charnels », adapté par Max Deutsch et Jehan Alain.

Mystères lyriques

Jeanne d’Arc, film musical, adaptation des œuvres Jeanne d’Arc (1897) et Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910).

Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, 1910.

Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, 1911.

Le Mystère des Saints Innocents, 1912.

Extraits

La bénédiction de son patriotisme par Dieu s’inscrit dans le courant de pensée majoritaire des années d’avant-guerre qui, après les années d’abattement dues à la défaite de 1870, attendait et espérait une revanche :

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. (…)
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu (…)
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »

Elle fait écho aux Béatitudes.

 

Charles Péguy, mort pour la France en 1914, est un des plus grands écrivains français du début du xxe siècle. Revenu au catholicisme en 1909, il engendra une œuvre chrétienne d’une grande force.

Commentaire selon saint Luc (Lc 2, 22-35) :

Heureux Syméon !

« Heureux celui qui le vit dans le Temple ; et ensuite ; car cela suffit ; fut rappelé comme un bon serviteur. C’était un vieil homme de ce pays-là ; un homme qui approchait du soir et qui touchait au soir, au dernier soir de sa vie. Mais il ne vit pas se coucher son dernier soir sans avoir vu se lever le soleil éternel. Heureux cet homme qui prit l’enfant Jésus dans ses bras, qui l’éleva dans ses deux mains, le petit enfant Jésus, comme on prend, comme on élève un enfant ordinaire, un petit enfant d’une famille ordinaire d’hommes ; de ses vieilles mains tannées, de ses vieilles mains ridées, de ses pauvres vieilles mains sèches et plissées de vieil homme. De ses deux mains ratatinées. De ses deux mains toutes parcheminées. Et voici qu’il y avait un homme en Jérusalem, nommé Syméon, et cet homme juste et craignant Dieu, attendant la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était en lui (cf. Lc 2, 25).

Heureux, le plus heureux de tous, il ne connut plus nulle autre histoire de la terre.

Il pouvait se vanter, celui-là aussi, de s’être trouvé au bon endroit. Il avait tenu, car il avait tenu, dans ses faibles mains, le plus grand dauphin du monde, le fils du plus grand roi, roi lui-même, le fils du plus grand roi ; roi lui-même Jésus Christ ; dans ses mains il avait élevé le roi des rois, le plus grand roi du monde, roi par-dessus les rois, par-dessus tous les rois du monde. »

— Charles Péguy. Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), in Œuvres complètes, vol. 5, Paris, Gallimard, 1916, p. 72-74.

Tout n’est pas perdu

« Un homme avait deux fils. De toutes les paroles de Dieu, c’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond.
C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur.

Elle tient l’homme au cœur, en un point qu’elle sait, et ne lâche pas. Elle n’a pas peur. Elle n’a pas honte. Et si loin qu’aille l’homme, cet homme qui se perd, en quelque pays, en quelque obscurité, loin du foyer, loin du cœur, et quelles que soient les ténèbres où il s’enfonce, les ténèbres qui voilent ses yeux, toujours une lueur veille, toujours une flamme veille, un point de flamme. Toujours une lumière veille qui ne sera jamais mise sous boisseau. Toujours une lampe. Toujours un point de douleur cuit. Un homme avait deux fils. Un point qu’il connaît bien. Dans la fausse quiétude un point d’inquiétude, un point d’espérance.

Elle a pour ainsi dire et même réellement porté un défi au pécheur. Elle lui a dit : Partout où tu iras, j’irai. On verra bien. Avec moi tu n’auras pas la paix. Je ne te laisserai pas la paix. Et c’est vrai, et lui le sait bien. Et au fond il aime son persécuteur. Tout à fait au fond, très secrètement. Car tout à fait au fond, au fond de sa honte et de son péché il aime ne pas avoir la paix. Cela le rassure un peu.

Un point douloureux demeure, un point de pensée, un point d’inquiétude. Un bourgeon d’espérance.
Une lueur ne s’éteindra point et c’est la Parabole troisième, la tierce parabole de l’espérance. Un homme avait deux fils. »

— Charles Péguy. Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, in Œuvres complètes, vol. 5, Paris, NRF, 1916, p. 394-396

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Isabelle et Ferdinand : Rois catholiques d’Espagne par Joseph Pérez

Isabelle et Ferdinand : Rois catholiques d’Espagne 

Joseph Pérez

Paris, Tallandier, 2016. 544 pages

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De leur mariage qui unifie l Espagne en 1469 jusqu à la prise de Grenade en 1492 qui marque la fin définitive de la présence musulmane et le début de l expulsion des Juifs, les Rois Catholiques ont joué un rôle fondamental dans l histoire de la péninsule Ibérique et de l Europe. Joseph Pérez retrace le règne de Ferdinand d Aragon et d Isabelle de Castille, les Rois Catholiques qui ont su donner à la monarchie prestige et autorité et ont fait de l Espagne une puissance mondiale. Mais ce double règne a eu aussi ses limites telles que l Inquisition qui, en 1480, devient pour le pouvoir un instrument de contrôle de la société.

Biographie de l’auteur

Joseph Pérez, professeur émérite de civilisation de l Espagne et de l Amérique latine à l université de Bordeaux-III, est l auteur de nombreux ouvrages, en particulier Histoire de l Espagne (1996), Isabelle et Ferdinand (1988) et Thérèse d Avila (2007).

Isabelle I re la Catholique

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(Madrigal de las Altas Torres 1451-Medina del Campo 1504), reine de Castille (1474-1504).

Isabelle Ire de Castille et son époux Ferdinand II d’Aragon, dits les Rois Catholiques, mirent fin à la domination musulmane en Espagne avec la prise de Grenade. En cette même année 1492, la reine apporta sa protection personnelle au voyage de découverte de Christophe Colomb.

  1. LA REINE AUTOCRATE

Fille de Jean II Trastamare (1406-1454), roi de Castille, Isabelle, née le 2 avril 1451, monte sur le trône grâce à une loi dynastique qui n’en exclut pas les filles et à l’appui des grands du royaume, auxquels doit céder son demi-frère, le roi Henri IV, en déshéritant sa propre fille. Ayant choisi l’alliance avec l’Aragon à l’alliance avec le Portugal, dans l’espoir d’unifier la péninsule Ibérique sous domination castillane, Isabelle est mariée avec Ferdinand depuis 1469, lorsque, le 13 décembre 1474, deux jours après la mort d’Henri IV, elle se proclame d’autorité « reine et propriétaire de Castille ». Alphonse de Portugal riposte en attaquant la Castille en mai 1475, avec le soutien des nobles hostiles au renforcement du pouvoir royal. Isabelle et Ferdinand sortent vainqueurs de ce conflit difficile.

La reine peut alors restructurer l’État en concrétisant les efforts de ses prédécesseurs. En 1476, une milice efficace, la Santa Hermandad, est créée dans chaque commune pour faire régner l’ordre. La justice est réorganisée sous la direction d’une haute cour de justice, tandis que les villes abandonnent une partie de leur autonomie au profit de gouverneurs, les corregidores. L’aristocratie perd son pouvoir politique au Conseil royal et son pouvoir financier après l’annulation de nombreuses concessions de rentes et de terres.

  1. L’UNITÉ DE FOI, BASE DE L’ÉTAT

Afin d’occuper la noblesse tout en enthousiasmant le peuple, Isabelle et Ferdinand décident de mener à son terme la Reconquista, en s’emparant de l’émirat de Grenade. Ils y entrent effectivement le 2 janvier 1492. En reconnaissance, le pape Alexandre VI leur décernera en 1494 le titre de Rois Catholiques, qui les mettra à la hauteur du Roi Très Chrétien de France.

La reconquête intérieure se poursuit au moyen de l’implacable instrument qu’est l’Inquisition, installée en 1478 et confiée en 1483 aux soins du dominicain Tomás de Torquemada. C’est à l’instigation de ce dernier que les Rois Catholiques signent, le 31 mars 1492, le décret qui expulse tous les Juifs d’Espagne. En principe, cette mesure ne vise pas les conversos, les Juifs convertis après les persécutions antisémites de 1391, mais elle les concernera pour autant que la sincérité de leur conversion sera mise en cause. Il s’agit, en effet, de « purifier » le corps social en chassant d’Espagne tous ceux qui ne sont pas chrétiens. Les Juifs seront alors entre 50 000 et 100 000 à s’exiler au Portugal, dans les Flandres, en Italie, en Afrique du Nord et dans l’Empire ottoman, où ils fonderont les communautés séfarades d’Orient. Quant aux musulmans, ils sont également forcés de se convertir ou de s’exiler à partir de 1502. L’État espagnol en formation a désormais pour base l’unité de foi. Il rompt avec l’Espagne aux trois religions qui existait depuis l’invasion musulmane de 711.

  1. LA POLITIQUE D’EXPANSION

Les Rois Catholiques prennent une décision d’une portée insoupçonnée en acceptant le projet d’un marin génois qui veut établir une liaison directe avec l’Asie à travers l’océan Atlantique. Plusieurs fois débouté, Christophe Colomb a fini par emporter l’assentiment de la reine Isabelle en lui faisant valoir que la chrétienté avait tout à gagner dans l’aventure, qui devait permettre d’évangéliser de nouveaux peuples. La conquête de l’Amérique qui se prépare se fera au profit des souverains espagnols : en 1493, ceux-ci obtiendront l’investiture du pape sur les territoires découverts ou à découvrir, et, par le traité de Tordesillas (1494), ils arriveront à un compromis avec le Portugal sur le partage colonial.

L’expansion se fait aussi en direction de l’Afrique du Nord, où l’Espagne finit par occuper toute la rive sud de la Méditerranée, de Melilla à Bougie (aujourd’hui Béjaïa). En Europe, elle se rapproche de l’Angleterre et de l’empire des Habsbourg. La France est l’ennemi commun, qui menace les intérêts des Rois Catholiques dans les Pyrénées (Roussillon et Navarre) et dans le royaume de Naples. Ce dernier, après les défaites françaises, deviendra aragonais pour deux siècles. Enfin, des alliances matrimoniales décisives sont nouées, qui feront d’Isabelle la grand-mère de Marie Tudor et de Charles Quint. À la mort de la reine (26 novembre 1504), l’Espagne est devenue une grande puissance européenne.

  1. FERDINAND, L’ÉPOUX D’ISABELLE

Ferdinand II le Catholique

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Ferdinand, roi d’Aragon et de Castille, formait avec Isabelle un couple uni dans les symboles (que sont, respectivement, le joug et les flèches, ensemble figurant sur les monuments et les monnaies) comme dans les décisions politiques. L’Aragon et la Castille n’en restaient pas moins deux entités qui conservaient des institutions distinctes. Ni Ferdinand ni Isabelle n’était, en titre, le souverain de toute l’Espagne.

Cette formule originale fut menacée à la mort d’Isabelle, car Ferdinand n’était plus alors que roi d’Aragon. De plus, un problème dynastique se posa lorsque Jeanne, sa fille et héritière légitime, fut déchue de ses droits à la couronne pour cause de démence. Ferdinand voulut pour successeur le fils de Jeanne, le futur empereur Charles Quint, qui établit la suprématie des Habsbourg en Espagne.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Isabelle_I_re_la_Catholique/125202

Ferdinand II le Catholique

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(Sos, Saragosse, 1452-Madrigalejo, Cáceres, 1516), roi d’Aragon (1479-1516), roi (Ferdinand V) de Castille (1474-1504), roi (Ferdinand III) de Naples (ou Sicile péninsulaire) [1504-1516].

Fils de Jean II, roi d’Aragon, il épouse en 1469 l’infante Isabelle de Castille, unissant la Castille et l’Aragon et préparant l’unité espagnole. Avec Isabelle, il renforce l’autorité monarchique dans ses États (création de conseils spécialisés, soumission de la noblesse, fondation de la Santa Hermandad, contrôle des ordres militaires, etc.) et travaille à l’unité religieuse (création d’une nouvelle Inquisition, reconquête du royaume de Grenade [1492], expulsion des Juifs [1492] et des Maures [1502]), ce qui vaut au couple royal le titre de Rois Catholiques conféré par le pape Alexandre VI. À l’extérieur, Ferdinand constitue contre Charles VIII la Sainte Ligue (1495) et conquiert le royaume de Naples (1503). Nommé régent de Castille (1505 et 1506) après la mort d’Isabelle, il occupe la Navarre (1512). À sa mort, il lègue son royaume d’Aragon à son petit-fils, le futur Charles Quint.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ferdinand_II_le_Catholique/119279

la Reconquête ou la Reconquista

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  1. LES ÉTAPES DE LA RECONQUISTA

Au seuil du viiie siècle, l’invasion musulmane a recouvert l’ensemble de la péninsule Ibérique, à l’exception des vallées pyrénéennes qui abritent de petites principautés chrétiennes.

1.1. LES PRÉMICES DE LA RECONQUÊTE (IXe-Xe SIÈCLES)

N’attachons pas d’importance au combat de Covadonga, en 718, que l’histoire légendaire a transformé en point de départ de la Reconquista. En revanche, il faut retenir le rassemblement qui s’opère dans les vallées cantabriques au profit du royaume des Asturies : déjà des raids sont lancés sur les plateaux de León et de Burgos. En même temps, l’intervention de Charlemagne aboutit à la reprise de la Catalogne sur les musulmans.

Moins d’un siècle plus tard, Alphonse le Grand (866-910), roi des Asturies, profite des divisions de l’émirat de Cordoue pour reprendre la marche en avant. Mais déjà des divisions apparaissent : la Castille, autour de Burgos, se sépare des Asturies, tandis que, plus à l’est, s’affirme le royaume de Navarre.

À la fin du xe siècle, l’expansion chrétienne est bloquée par les succès d’Abd al-Rahman III et d’al-Mansour. La première phase de la Reconquista s’achève.

1.2. UNITÉ ET MORCELLEMENT DES PARTIS (XIe SIÈCLE)

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La Reconquête, XIe siècle

Dans la première moitié du xie siècle, le califat de Cordoue (l’émirat ayant été érigé en un califat totalement indépendant de Bagdad) disparaît, laissant la place à la multitude des royaumes musulmans des taifas, qui, souvent en querelle, dispersent leurs forces ; ceux de Tolède et de Badajoz résistent à la fois contre la chrétienté et contre le royaume de Séville.

Les chrétiens du Nord profitent de cette situation, interviennent dans les querelles des chefs musulmans (à l’exemple du Cid Campeador, véritable maître du royaume musulman de Valence), et surtout élargissent la reconquête. L’idée de l’union des chrétiens espagnols contre les « Maures » progresse et inspire des tentatives hégémoniques comme celle du roi Sanche de Navarre au début du xie siècle, ou celle d’Alphonse VI de Castille, qui se proclame « imperator » de toute l’Espagne, à la fin du xie siècle

Mais, dans les faits, l’œuvre de reconquête se plie mal à ces volontés d’hégémonie ; dans sa réalité quotidienne, elle est le fait de coups de main locaux. Tandis que les Catalans atteignent les bouches de l’Èbre, la Castille a le premier rôle : en 1085, la prise de Tolède, ancienne capitale wisigothique, a un fort retentissement. Tant et si bien que les Almoravides, venus d’Afrique du Nord, galvanisent l’Espagne musulmane et bloquent l’avancée castillanne.

1.3. L’ÉCARTEMENT DÉFINITIF DE LA PRÉSENCE MUSULMANE (XIIe-XIIIe SIÈCLES)

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La Reconquête, XIIIe siècle

L’Aragon, État pyrénéen issu du démembrement du royaume de Sanche de Navarre, prend l’initiative au xiie siècle : prise de Saragosse en 1118, frontière reportée sur le cours de l’Èbre. La reconquête marque à nouveau le pas dans le dernier tiers du xiie siècle avec l’arrivée des Almohades du Maroc qui renforce les musulmans.

Les rivalités des royaumes chrétiens s’accentuent, et le Portugal se sépare de la Castille ; enfin, l’Aragon uni à la Catalogne néglige la reconquête pour se tourner vers le commerce méditerranéen et les affaires dans le sud de la France.

Le péril devient si grand pour l’Espagne chrétienne que les royaumes sont contraints de s’unir : le 16 juillet 1212, la victoire de Las Navas de Tolosa ouvre aux chrétiens le sud du pays : les Portugais conquièrent l’Alentejo, les Castillans l’Andalousie (Cordoue, Séville, Cadix), l’Aragon, les Baléares, Valence, Murcie. Seul demeure aux mains des musulmans le royaume de Grenade.

1.4. LA CHUTE DU ROYAUME DE GRENADE (1492)

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Grenade

Le modeste et fragile royaume musulman de Grenade tient deux siècles. Son sursis est dû aux troubles qui agitent les royaumes chrétiens aux xive et xve siècles : anarchie et guerre civile, interventions étrangères ; en toile de fond, la montée d’une puissante aristocratie, riche des terres gagnées en Andalousie ou ailleurs, et qui n’est plus disciplinée par l’intérêt supérieur de la foi, puisque Grenade ne représente plus un danger. Cette aristocratie se heurte à la royauté et affaiblit le pouvoir monarchique.

Par ailleurs, d’autres intérêts surgissent : l’Aragon développe une grande politique méditerranéenne ; le Portugal se tourne vers l’Atlantique.

Seule la Castille, qui veut unifier l’Espagne, agite l’étendard catholique : la chute de Grenade en 1492 achève la Reconquista. Fidèle à son esprit reconquérant, la Castille se lance alors dans l’aventure coloniale. Mais, comme l’a fait remarquer l’historien Pierre Vilar, c’est « la conception territoriale et religieuse et non l’ambition commerciale et économique » qui l’emporte. Et cette conception a été façonnée par la Reconquista.

  1. L’ÉTAT D’ESPRIT RECONQUÉRANT

2.1. LA SOCIÉTÉ ESPAGNOLE

La reconquête chrétienne de la péninsule Ibérique a marqué d’autant plus profondément l’Espagne qu’elle s’est déroulée sur plusieurs siècles.

La Reconquista a façonné une société combattante qui connaissait, jusqu’au xiiie siècle, un certain équilibre : la grande noblesse est devenue puissante sans que ses intérêts la mettent en conflit avec la royauté ; la petite noblesse des hidalgos, très nombreuse, s’est forgée un idéal qui a survécu bien au-delà de la Reconquête ; la paysannerie libre, florissante, a donné à la reconquête sa dimension économique ; le paysan-soldat de la frontière a joué un rôle fondamental dans la mise en valeur et la défense des terres reconquises.

Aussi la société espagnole « reconquérante » présente-t-elle une originalité profonde avec ses chartes de peuplement et de franchises, ses traditions municipales, ses fueros, statuts particuliers de telle ou telle catégorie sociale ou religieuse.

2.2. LES PARTICULARISMES

Par son idéal – la Reconquista est une croisade –, une telle entreprise aurait dû favoriser l’unité nationale ; telle était bien l’ambition des rois des Asturies et de Castille. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit : les regroupements territoriaux, fruits du hasard et des mariages, se sont rapidement désagrégés, et l’union de la Castille et de l’Aragon (conséquence du mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille) n’est acquise qu’au début du xvie siècle . La géographie, les conditions mêmes de la reconquête, le morcellement de l’Espagne musulmane expliquent en partie ce fait.

Mais, par ailleurs, la reconquête a fait naître un sentiment national très vif. Et cette contradiction entre le localisme et l’universel demeure aujourd’hui.

Enfin, la reconquête a fait naître, tardivement, le fanatisme religieux. Si au xiiie siècle, le roi saint Ferdinand s’est proclamé roi des trois religions (catholique, juive et musulmane), à la fin du xve siècle, les musulmans et les juifs ont été convertis de force, massacrés ou expulsés.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_Reconqu%C3%AAte/140502

ALEXANDRE VI (pape ; 1339-1410), BIOGRAPHIES, HISTOIRE DE L'EUROPE, ITALIE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, LUCRECE BORGIA (1480-1519), LUCRECE BORGIA PAR GENEVIEVE CHASTENET, RENAISSANCE

Lucrèce Borgia par Geneviève Chastenet

Lucrèce et les Borgia

Geenviève Chastenet

Paris, J.-C. Lattès, 2011. 400 pages

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Résumé

Rivalités, crimes, trahisons, plaisirs raffinés, soif de pouvoir et amours innombrables, l’histoire sulfureuse de la famille Borgia a fait couler beaucoup d’encre. Vérités et calomnies dressent d’elle un portrait terrible : Rodrigo Borgia, le futur pape Alexandre VI, est en bonne place dans l’Histoire des guerres d’Italie de Guichardin ; César Borgia est le modèle du Prince de Machiavel ; la splendide Lucrèce, pour sa part, doit à Victor Hugo un parfum de scandale encore tenace aujourd’hui. 
Si l’époque est à la somptuosité des fêtes, au fleurissement artistique et littéraire, c’est aussi un temps de barbarie où l’on règle ses comptes à coups de poignard et de poison. Enfant chérie d’Alexandre VI, Lucrèce fut surtout un objet de pouvoir entre les mains de son frère, César, qui fit assassiner son premier amour et étrangler son deuxième époux. Si Bembo, l’Arioste, ou encore le Titien célébrèrent sa beauté et son sens politique, Lucrèce dut affronter, en véritable héroïne shakespearienne, les démons d’une famille hors du commun. 

Geneviève Chastenet nous plonge dans un univers chatoyant tissé de passions violentes et d’ambitions démesurées, avec un regard constant sur les textes de l’époque. D’une biographie complète et fouillée, elle tire une magnifique fresque aux accents romanesques.

L’auteur

Geneviève Chastenet est l’arrière-petite-fille de Taine. Historienne, elle est également l’auteur de deux autres biographies remarquées : Marie-Louise, l’impératrice oubliée (1983) et Pauline Bonaparte, la fidèle infidèle (1986), toutes deux parues chez Lattès. –Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.

Les Borgia

Lucrèce Borgia, la mal aimée

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Dans la famille Borgia, Lucrèce est celle qui traîne de façon injuste la réputation la plus sulfureuse.

Empoisonneuse, incestueuse, lubrique et satanique, que n’a-t-on pas écrit sur la fille du pape Alexandre VI et de sa maîtresse Vanozza de Cattanei !

Parmi les grands narrateurs de cette légende noire, on trouve Victor Hugo qui a romancé sa vie pour mieux remplir les théâtres des boulevards : « Famille de démons que ces Borgia ! » lance-t-il…. La femme fatale trouve en plein romantisme un public à mesure : l’émotion le dispute à l’histoire, toutes les anecdotes sont bonnes pour faire trembler les foules, et tant pis pour la vérité historique !

En réalité, Lucrèce Borgia fut sans doute la première victime de sa famille plutôt que l’entremetteuse avide et sanglante que l’on imagine : sa famille va la marier trois fois, sans lui demander évidemment son avis, au gré des alliances et d’une politique territoriale complexe.

Du reste, son père l’a formée pour cela : elle reçoit une excellente éducation, au sein du couvent dominicain San Sisto de Rome, comme il est d’usage pour les enfants des familles patriciennes de l’époque. Elle y étudie les bonnes mœurs, les langues, la musique, le dessin et la broderie, bien loin d’une ambiance débauchée que l’on pourrait supposer.

Après l’avoir fiancée jeune à quelques partis en vue, son père, devenu pape, a d’autres projets pour elle. Il s’agit de se rapprocher du puissant duché de Milan, au Nord, et quoi de mieux qu’un mariage pour conforter une alliance politique et militaire ?

Mariages forcés

En juin 1493, Lucrèce, âgée de 13 ans, épouse donc Giovanni Sforza, l’un des héritiers de la famille : un homme veuf, orgueilleux et taciturne. Le ménage ne fonctionne guère et sombre définitivement quand les intérêts politiques du Vatican évoluent…

Le pape Alexandre VI vise désormais l’appui du Sud, celui de Naples et donc des Espagnols. Les Milanais sont de trop, on le fait comprendre à Sforza avant de le menacer directement : les deux fils du pape, Juan et César, lui conseillent vivement d’annuler le mariage le plus rapidement possible pour non-consommation. Ce que Giovanni Sforza finit par accepter en novembre 1497, non sans honte puisqu’il est notifié son impuissance sexuelle pour mieux accréditer la dissolution.

À peine le mariage annulé, Lucrèce accouche d’un garçon quatre mois plus tard. Stupéfaction à Rome : de qui est cet enfant, vite baptisé l’Infans romanus, l’infant de Rome ? Sforza ne se manifeste pas, disqualifié par son annulation. En revanche, on retrouve bien vite dans le Tibre le cadavre du camérier du pape, qui s’était montré bien entreprenant auprès de la belle, et que César aurait envoyé ad patres…

Sforza se venge évidemment : il fait courir les rumeurs les plus salaces sur une pseudo relation incestueuse entre le frère et la sœur, information reprise dans tout Rome qui n’attendait que ça pour discréditer cette famille de parvenus. Bien pire, Sforza fait croire que l’infant de Rome serait le fruit des amours du pape et de sa propre fille ! La légende noire est en marche.

On remarie bien vite Lucrèce avec le parti espagnol, alors en grâce au Vatican. L’idée cette fois est de s’associer au très riche royaume de Naples, qui s’étend sur tout le Sud de l’Italie. Justement, l’un des rejetons des Aragon, le jeune duc de Bisceglia est disponible : des noces fastueuses sont célébrées en juillet 1498 à Rome, par le pape lui-même !

Pour une fois, c’est un coup de foudre : le duc est splendide, l’un des plus beaux hommes d’Italie, et Lucrèce sourit enfin à la vie dans son palais de Santa Maria in Portico, cédé par son père.

Pas pour longtemps : le jeu des alliances a déjà changé, le pape se rapproche des Français qui lorgnent sur le royaume de Naples, l’héritage angevin passé aux mains des Aragon. Un revirement renforcé depuis peu par le mariage français de César avec Charlotte d’Albret, dame d’atour de la duchesse Anne de Bretagne.

Bref, priorité est donnée à la France dans cette nouvelle partie d’échec qui s’ouvre en Italie. Et tant pis pour Lucrèce, qui doit se plier aux méandres de la politique.

Pour César, qui mène ses troupes de victoire en victoire, le jeune duc devient un obstacle dans sa course au pouvoir : il s’agit de s’en débarrasser.

En juillet 1500, il tente de le faire assassiner sur la place de la Basilique Saint-Pierre, mais ses sbires manquent le coup. Tandis que Lucrèce soigne chez elle son époux, son frère débarque en son palais, la chasse, et finit le travail en faisant étrangler le jeune duc sous ses yeux !

Désormais, Lucrèce vit terrifiée sous l’emprise d’un frère odieux et d’un père dévoré par la politique. Après une période dépressive, elle se soumet à un nouveau mariage avec l’héritier du duché d’Este, prince de Ferrare. Voit-elle dans cette union l’occasion de s’éloigner de Rome et d’un clan qui lui pèse de plus en plus ? Ferrare, place forte du Nord de l’Italie, est loin de la ville éternelle et la famille d’Este est non seulement puissante, mais cultivée.

Cette union montre en tout cas dans quelle estime est tenue la jeune femme : il aurait été impensable pour les Este, à la tête de l’une des cours les plus raffinées d’Europe, de salir leur nom en acceptant en leur sein une femme qui sera présentée au XIXe siècle comme une dévergondée criminelle et nymphomane.

Une fois duchesse, Lucrèce assume son rôle avec dignité, tient parfois les comptes, gère sa Maison, joue les ambassadrices et se laisse parfois courtisée par quelques poètes ou chevalier. Mais sa réputation n’en souffre pas, son prestige est bien réel.

Elle transforme Ferrare en un haut lieu de culture dans ce Cinquecento naissant, en entretenant une cour d’artistes dont plusieurs poètes. Un mécénat qu’imitera également à Mantoue Isabelle d’Este, sa belle-sœur, l’une des femmes les plus remarquables de la Renaissance par son goût artistique très sûr.

Vers la fin de sa vie, Lucrèce Borgia sombre dans un mysticisme aigu, prie trois fois par jour, se livre même à la mortification, fonde le couvent de San Bernardino tout en finançant églises et hôpitaux. Une neuvième grossesse lui est fatale : la fièvre gagne et l’emporte le 24 juin 1519, à l’âge de 39 ans. Tandis qu’une partie de sa fortune est distribuée, selon ses vœux, aux monastères, elle est inhumée dans une simple robe franciscaine, loin de la pompe qui fit d’elle l’une des princesses romaines les plus enviées.

https://www.herodote.net/Lucrece_Borgia_la_mal_aimee-synthese-1821.php

Alexandre VI Borgia (1431 – 1503)

Un pape qui a le sens de la famille

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Alexandre VI apparaît comme le plus amoral de tous les papes de la Renaissance, ce qui n’est pas un mince compliment. Mais ce fut aussi et avant tout un fin politique et un homme d’État d’envergure.

Un guide très peu spirituel

Né en Espagne, à Jativa, près de Valence, le jeune homme est adopté par son oncle maternel, Calixte III Borgia, pape de 1455 à sa mort en 1458. Il lui donne son nom et le hisse à la dignité de cardinal dès 1455. Rodrigo Lançol y Borgia manifeste dès lors ses qualités de séducteur, d’homme politique et d’administrateur dans la charge de chancelier de l’Église romaine, qu’il exerce sous les pontificats suivants. 

En 1468 seulement l’ambitieux est ordonné prêtre, ce qui ne change rien à son mode de vie. Devenu immensément riche, il obtient en 1492, à la mort d’Innocent VIII, la tiare pontificale à coup d’intrigues et de pots-de-vin, sans d’ailleurs scandaliser ses contemporains, accoutumés à ces pratiques.

Devenu pape, Alexandre VI Borgia continue de vivre en grand seigneur de la Renaissance, tout en observant strictement ses devoirs religieux !

Las de sa maîtresse Vanozza, il noue une relation avec Giulia Farnèse. Cette nouvelle maîtresse, qui a 40 ans de moins que lui, lui donnera deux enfants supplémentaires mais ne le dispensera pas de liaisons épisodiques.

Elle usera de sa séduction pour pousser son frère Alexandre Farnèse dans la hiérarchie de l’Église. Cardinal à 25 ans puis évêque grâce à la faveur du pape, il rompra avec son passé frivole et deviendra lui-même pape sous le nom de Paul III, à l’âge de 67 ans !

Jamais las de s’enrichir, Alexandre VI marchande les nominations de cardinaux. On le soupçonne aussi d’empoisonner les cardinaux les plus riches pour s’emparer de leur héritage ! Ce procédé ne serait pas sans risque.

Un soir de l’été 1503, s’étant invités chez le cardinal Adriano Castelli pour dîner à la fraîche, le pape et son fils César sont pris de malaises. Le premier va y succomber, le second en réchapper. Qui sait s’ils ont tenté d’empoisonner leur hôte mais bu par erreur dans les coupes qui lui étaient destinées ?…

Machiavel écrit en guise d’épitaphe : « L’esprit du glorieux Alexandre fut alors porté parmi le chœur des âmes bienheureuses. Il avait auprès de lui, empressées, ses trois fidèles suivantes, ses préférées : la Cruauté, la Simonie, la Luxure ».

Des enfants encombrants

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Avant d’accéder au trône de Saint Pierre, Alexandre VI a déjà eu quatre enfants de sa maîtresse Vanozza de Cattanei : Jean, duc de Gandie, César, Lucrèce et Joffré, et – c’est une nouveauté au Vatican – les reconnaît publiquement.

César est nommé évêque de Pampelune à 15 ans, en 1490. Deux ans plus tard, son père devenu pape le fait cardinal de Valence. Mais il se défroquera et prendra le commandement des armées pontificales.

Menant une vie de grand seigneur scandaleux et brutal, il tentera de se tailler une principauté en Italie centrale, jusqu’à sa mort lors d’un siège, le 12 mars 1507, à 31 ans.

Il va inspirer à son contemporain Machiavel le personnage du Prince.

On le soupçonnera d’avoir fait assassiner et jeter dans le Tibre son frère aîné ainsi que d’avoir eu des relations coupables avec sa sœur Lucrèce. 

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Celle-ci est mariée en 1493, à 13 ans, à Giovanni Sforza dans des fêtes d’une magnificence inouïe.

Ce premier mariage étant annulé pour des raisons diplomatiques, elle est remariée cinq ans plus tard par son père à Alphonse d’Aragon, fils naturel du roi de Naples.

Là aussi, suite à un revirement diplomatique, le pape manifeste le désir d’annuler le mariage mais sa fille étant enceinte, difficile de prétendre à la non consommation de l’union !

Qu’à cela ne tienne, les hommes de César assassinent dans sa chambre l’époux encombrant le 18 août 1500.

Lucrèce est remariée sans attendre à Alphonse 1er d’Este, futur duc de Ferrare, dont elle aura plusieurs enfants. Elle finira sa vie dans la piété et la charité et l’une de ses filles méritera d’être canonisée.

Le monde à un tournant

Notons qu’Alexandre VI, témoin de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb et du voyage de Vasco de Gama autour de l’Afrique, est amené à partager le monde entre le Portugal et l’Espagne par la bulle « Inter Caetera » (1493).

Cinq ans plus tard, le pape, qui est aussi un homme de goût, publie une autre bulle lourde de conséquences par laquelle il promet aux fidèles un effacement de leurs fautes et une réduction de leur purgatoire en échange de dons pour la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome. Ces « indulgences » promises aux fidèles vont scandaliser les chrétiens sincères et provoquer la Réforme de Luther.

https://www.herodote.net/Un_pape_qui_a_le_sens_de_la_famille-synthese-500.php

BIOGRAPHIES, FRANÇOIS DE SALES (saint : 1567-1622), SAINTETE, SAINTS

Saint François de Sales (1567-1622)

Saint François de Sales (1567-1622)

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400e anniversaire de la mort de saint François de Sales, la douceur puissante

Le 400e anniversaire de la mort de saint François de Sales, jeudi 28 décembre, invite à redécouvrir la vertu de douceur, dont il promut l’exercice dans sa vie et ses écrits.

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Détail d’un vitrail du début du 20e siècle représentant saint François de Sales (au c.), saint Vincent de Paul et sainte Jeanne-Françoise de Chantal (chapelle du Berceau à Saint-Vincent-de-Paul dans les Landes).LA COLLECTION

La douceur peut-elle être un remède à l’inquiétude, à la brutalité, à la colère autour de nous et en nous ? Saint François de Sales (1567-1622), dont on célébrera le 400e anniversaire de la mort, le 28 décembre, en était convaincu. Prédicateur, accompagnateur spirituel, évêque réformateur, théologien et homme de plume, il avait fait de cette vertu la pierre angulaire de sa vie spirituelle et de son action pastorale.

Plutôt que de définir la douceur, François de Sales a usé de métaphores pour la rendre perceptible. Dans l’Introduction à la vie dévote, il en parle comme de la « fleur de la charité », qui témoigne du plein épanouissement de l’amour. Il la compare aussi à l’huile du saint chrême, dont le chrétien est marqué au baptême.

« En parlant de la douceur comme d’une fleur, comme d’un baume, François de Sales montre qu’elle a quelque chose à voir avec la délicatesse, le parfum, mais aussi le corps, le toucher… », souligne Robert Scholtus, prêtre du diocèse de Metz et ancien supérieur du séminaire des Carmes à Paris (1).

« La manière d’être de Dieu »

« Pour François de Sales, la douceur ou la suavité – autre terme très fréquent dans ses écrits – est la manière d’être de Dieu, qui gouverne avec douceur, souligne Hélène Michon, professeure de littérature à l’université de Tours, spécialiste du XVIIe siècle. Dieu attire à lui par la douceur, il presse mais n’oppresse pas. Ce respect de la liberté humaine est essentiel dans la théologie de François de Sales et dans son insistance sur la douceur. »

Les images et les discours pieux ont pu faire pencher la douceur vers une mièvrerie suspecte, mais la douceur salésienne se présente au contraire comme une force. Elle est la force de ceux qui savent surmonter leur propre violence, parviennent à ne pas se laisser déborder par les passions, et notamment la colère. « François de Sales en parlait d’expérience, parce qu’il avait un tempérament plutôt colérique », rappelle Hélène Michon.

Dans l’Introduction à la vie dévote, François invite à maîtriser la colère, réaction dangereuse même quand elle est juste, « parce qu’étant reçue, il est malaisé de la faire sortir », écrit-il. Il s’inscrit ainsi pleinement dans son siècle, en quête d’une maîtrise des passions. « Son instance sur la douceur donne une profondeur à l’idéal de civilité recommandé aux gentilshommes de son temps, souligne Hélène Michon. François de Sales ne cherche pas une maîtrise de surface, sociale, mais à toucher le cœur, en profondeur. »

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Douceur envers les autres, douceur envers soi

Pour autant, la douceur salésienne n’a rien d’une mollesse. Elle ne conduit pas à reculer face à l’adversité, ni à perdre le souci de la vérité. « Il faut voirement (vraiment) résister au mal et réprimer les vices de ceux que nous avons en charge, constamment et vaillamment, mais doucement et paisiblement », écrit François de Sales. Dans un contexte marqué par les suites des guerres de Religion, alors que protestants comme catholiques sont animés par un esprit de lutte haineuse, l’évêque d’Annecy s’efforce de contrer la Réforme en prenant en compte sa part de vérité et en réformant les mœurs de l’Église catholique. « Ce qui s’obtient par la force (la coercition) est presque comme n’existant pas », plaide-t-il dans une lettre au pape Paul V, en 1606.

Mais la grande originalité de la spiritualité salésienne est peut-être d’encourager le croyant à pratiquer la douceur envers lui-même. Dans un XVIIe siècle où les moralistes vont mettre en garde contre les illusions de l’amour-propre, François de Sales lève le voile sur l’orgueil religieux, qui se manifeste dans « la déplaisance aigre et chagrine, dépiteuse et colère » que le croyant éprouve envers ses imperfections. Il critique « ceux qui se courroucent de s’être courroucés, entrent en chagrin de s’être chagrinés et ont dépit de s’être dépités ».

« François de Sales lutte contre les spiritualités volontaristes, ascétiques qui consistent toujours à se faire violence. Lui exerceet préconise une médecine douce et une pédagogie du ’’doux effort’’ », souligne Robert Scholtus. « Cette idée d’une lutte douce, d’un combat spirituel qui se mène petit à petit, dans le temps, sans à-coups, est vraiment quelque chose qui lui est propre », complète Hélène Michon. Plus de quatre siècles après avoir été énoncée, cette pédagogie de la douceur demeure inspirante. « Elle est un excellent contrepoison dans le moment que nous traversons où l’amertume, la colère, l’énervement sont si prégnants », relève Robert Scholtus.

Une vie de prédication et d’apostolat

21 août 1567. Naissance de François, à Sales, près de Thorens (Haute-Savoie).

  1. Ordination sacerdotale.
  2. Évêque du diocèse d’Annecy-Genève.
  3. Rencontre avec Jeanne de Chantal.
  4. Fondation de l’Académie florimontane, sociétés de savants et de lettrés.
  5. Fondation de la Visitation Sainte-Marie.

1609.Publication d’Introduction à la vie dévote dont il reprendra le texte à chaque nouvelle édition, jusqu’au texte final de 1619.

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  1. 1616. Traité de l’amour de Dieu.

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28 décembre 1622. Mort à Lyon.

  1. Béatification.
  2. Canonisation.
  3. Déclaré docteur de l’Église.

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(1) Auteur de « La Médecine douce de saint François de Sales », revue Christus, juillet 2022.

Source Journal LA CROIX

BENOÎT XVI (pape ; 1927-2022), BIOGRAPHIES, EGLISE CATHOLIQUE, HISTOIRE DE L'EGLISE, PAPAUTE

Benoît XVI (1927-2022)

Le Pape Benoit XVI en quelques dates

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Les grandes dates de Joseph Ratzinger, pape sous le nom de Benoît XVI (2005-2013), décédé samedi à l’âge de 95 ans au Vatican. 

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16 avril 1927: naissance à Marktl am Inn, petit bourg du sud de la Bavière (sud de l’Allemagne)

1941: enrôlé de force dans les Jeunesses Hitlériennes.

1951: ordonné prêtre, avant d’entamer une longue carrière de professeur de théologie et d’auteur de nombreuses publications.

De mars à juin 1977: nommé archevêque de Munich et Freising, ordonné évêque, et créé cardinal.

1981: nommé préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en charge de veiller au dogme de l’Eglise catholique.

19 avril 2005: élu pape, il succède à Jean Paul II. Il prend le nom de Benoît XVI.

janvier 2006: publie sa première encyclique, « Dieu est amour », suivie par « Sauvés par l’espérance », en novembre 2007 et « La Charité dans la vérité », en juillet 2009.

septembre 2006: déclenche une polémique après un discours semblant lier islam et violence à l’université de Ratisbonne (Allemagne). Il présente ensuite ses regrets au monde musulman.

11 février 2013: annonce sa démission, qui prend effet le 28 février. Devient pape émérite. 

20 janvier 2022: accusé d’inaction lorsqu’il était archevêque de Munich, de 1977 à 1982, dans un rapport indépendant publié en Allemagne. Il demande « pardon » pour les violences sexuelles sur mineurs commises par des clercs, tout en assurant ne jamais avoir couvert de prêtres pédocriminels.

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ŒUVRES

Ouvrages avant son pontificat

Frères dans le Christ, Cerf, 1962 réédité en 2005  ;

Un seul Seigneur, une seule foi, Mame, 1971 ;

Je crois en l’Église, Mame, 1972 ;

Le Nouveau Peuple de Dieu, Aubier, 1971 ;

Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Mame, 1976 ;

Catéchèse et transmission de la foi, Tempora, 1983 ;

Entretien sur la foi, entretien avec Vittorio Messori, Fayard, 1985 ;

Les Principes de la théologie catholique, Téqui, 1985 ;

Église, œcuménisme et politique, Fayard, 1987 ;

La Théologie de l’histoire de saint Bonaventure, Presses universitaires de France ;

Serviteurs de votre joie, Fayard, 1990 ;

Regarder le Christ, Fayard, 1992 ;

Appelés à la communion, Fayard, 1993 ;

La Mort et l’au-delà, Fayard, coll. « Communio », 1994 ;

Petite introduction au Catéchisme de l’Église catholique, avec Christophe Schönborn, Le Cerf, 1995 ;

Un tournant pour l’Europe ? Diagnostics et pronostics sur la situation de l’Église et du monde, Flammarion, 1997 ;

Le Sel de la terre. Le christianisme et l’Église catholique au seuil du troisième millénaire entretiens avec Peter Seewald, Flammarion, 1997 ;

Ma vie : Souvenirs 1927-1977, Fayard, 1998;

Marie, première Église, avec Hans Urs von Balthasar, Mediaspaul, 1998 ;

L’Unique alliance de Dieu et le pluralisme des religions, Parole & Silence, 1999 ;

L’Esprit de la liturgie, Ad Solem, 2001 ;

Un chant nouveau pour le Seigneur, Desclée, 2002 ;

La Fille de Sion, Parole & Silence, 2002  ;

Faire route avec Dieu : l’Église comme communion, Parole & Silence, 2003 ;

Dieu nous est proche : l’Eucharistie au cœur de l’Église, Parole & Silence, 2003 ;

Église et théologie, Parole & Silence, 2003 ;

Chemins vers Jésus, Parole & Silence, 2004 ;

Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, Fayard, 2005 ;

Foi, vérité, tolérance, Parole & Silence, 2005 

Valeurs pour un temps de crise : Relever les défis de l’avenir, avec Christian Muguet, Parole & Silence, 2005 ;

Voici quel est notre Dieu, entretiens avec Peter Seewald, Mame, 2001, Nelle. éd. Plon, 2005, 324 p..

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La renonciation du théologien allemand en 2013 à la fonction de souverain pontife avait pris le monde entier par surprise.

Ouvrages pendant son pontificat

Encycliques et exhortations

Deus Caritas Est, Dieu est amour, encyclique  [2006 ;

Sacramentum Caritatis, le Sacrement de la Charité, exhortation apostolique [2007 ;

Spe Salvi, Sauvés dans l’espérance, encyclique, 2007 ;

Caritas in Veritate, l’Amour dans la Vérité, encyclique, 2009 ;

Verbum Domini, la parole du Seigneur, exhortation apostolique , 2010 ;

Africae munus, le rôle de l’Afrique, exhortation apostolique ], 2011 ;

Ecclesia in Medio Oriente, l’Église au Moyen-Orient, exhortation apostolique , 2012.

Livres

Jésus de Nazareth : du baptême dans le Jourdain à la Transfiguration, Paris, Flammarion, 2007  ;

Les Apôtres et les premiers disciples du Christ, Bayard Culture, 2007;

Crédo pour aujourd’hui, Presses Chatelet, 2007 ;

Touché par l’invisible : méditations pour chaque jour de l’année, Parole & Silence, 2008 ;

Les Pères de l’Église, Tempora, 2008  ;

Chercher Dieu : discours au monde de la culture, avec André Vingt-Trois, Lethielleux, 2008 ;

L’essence de la foi, introduction du Card. Georges Cottier o.p., Plon/Mame, Paris, 2008 ;

Lumière du monde : le pape, l’Église et les signes des temps, entretien avec Peter Seewald, Paris, Bayard, 2010  ;

Jésus de Nazareth : de l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, Monaco-Paris, Le Rocher, 2011  ;

L’Esprit de la musique, Éditions Artège, Perpignan, 2011 ;

Jésus Christ expliqué par le pape, Parole et silence, 2011 ;

Une nouvelle culture pour un nouvel humanisme, Parole et silence, 2012 ;

5 minutes avec Dieu, Parole Et Silence, 2012 ;

Les Femmes, la sainteté et l’Église, Bayard Culture, 2012  ;

Pensées sur les femmes, Parole Et Silence, 2012  ;

Pensées sur l’environnement, Parole Et Silence, 2012  ;

Le Pouvoir des signes, Parole et Silence, 2012  ;

Jésus de Nazareth : l’Enfance de Jésus, Paris, Flammarion, 2012 ;

Mon testament spirituel, Bayard Culture, 2013  ;

Charité politique, Parole Et Silence, 2013 .

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AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), BIOGRAPHIES, EGLISE CATHOLIQUE, MONSEIGNEUR XAVIER GOUTHE-SOULARD (1819-1900), ARCHEVEQE D'AIX-EN-PROVENCE, XAVIER GOUTHE-SOULARD (1819-1900)

Monseigneur Xavier Gouthe-Soulard (1819-1900), archevêque d’Aix-en-Provence

Monseigneur Xavier Gouthe-Soulard, dernier évêque consacré en 1886 pour le diocèse d’Aix-en-Provence

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Xavier Gouthe-Soulard (2 septembre 1819 – 9 septembre 1900) est un prélat catholique français, qui fut archevêque d’Aix-en-Provence de 1886 à sa mort.

Biographie

François-Xavier Gouthe-Soulard naît dans une famille de cultivateurs à Saint-Jean-la-Vêtre, petite commune du département de la Loire.

Il entre au petit séminaire puis au grand séminaire avant d’être ordonné prêtre en 1847. Il devient professeur de rhétorique au Collège des Minimes de Lyon puis est nommé vicaire de l’église Saint-Nizier de Lyon.

Après une période de maladie il suit des études de théologie, obtient le doctorat puis reçoit la responsabilité de fonder une paroisse pour le quartier du Grand Trou, dont le siège est l’église Saint-Vincent de Pau.

En 1870, il est choisi comme vicaire général de l’archidiocèse de Lyon par le nouvel archevêque, Mgr Ginoulhiac. En 1876, le successeur de ce dernier, Mgr Caverot le nomme curé de la paroisse lyonnaise de Saint-Pierre de Vaise. Il y fonde des écoles et un hospice de vieillards.

En 1886, de façon plutôt rare, il est nommé directement archevêque d’Aix, sans avoir été évêque au préalable. Il est consacré le 25 juillet 1886 des mains de l’évêque de Soissons, Mgr Thibaudier. Il continuera à mener une vie simple et à se montrer facile d’accès.

Dès avant sa nomination, l’abbé Gouthe-Soulard avait une réputation de « vieux gallican » et, à la suite de Mgr Ginoulhiac, était partisan de la minorité du concile du Vatican. « Très dévoué au Saint-Siège et au pape », comme le qualifie le nonce apostolique, l’archevêque d’Aix se montrera un adversaire résolu des projets anticléricaux du gouvernement français. Fermement opposé au Ralliement proposé par le pape Léon XIII, ainsi qu’à l’influence de la franc-maçonnerie sur le gouvernement, son comportement impétueux lui amène un procès pour « outrage tendant à insulter l’honneur et la délicatesse du Ministre des cultes considéré comme magistrat », procès au terme duquel il est condamné à une amende de 3 000 F et à la suspension de son traitement (alors assuré par l’État en vertu du Concordat de 1801), jusqu’en 1895. De façon paradoxale, cette condamnation est largement considérée comme un succès pour l’Église et des souscriptions, y compris dans des pays étrangers, permettent de lever des fonds pour plus de 40 000 F en faveur du prélat.

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Mgr Gouthe-Soulard meurt le 9 septembre 1900.

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Armes et devise

Armes : « De gueules au Bon Pasteur d’argent nimbé d’or, marchant sur des épines du second émail, tenant la houlette de la main gauche ».

Devise : Omnibus omnia factus.

BIOGRAPHIES, FRANCE, HISTOIRE DE FRANCE, MARIE-ANTOINETTE (reine de France ; 1755-1793), MARIE-ANTOINETTE, DERNIERE REINE DE FRANCE

Marie-Antoinette, dernière reine de France

Marie-Antoinette (1755 – 1793)

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Dernière reine de l’Ancien Régime, Marie-Antoinette est le quinzième et avant-dernier enfant de Marie-Thérèse de Habsbourg, archiduchesse d’Autriche, et de son mari François III de Lorraine, empereur allemand sous le nom de François Ier.

Son mariage en 1770 avec le duc de Berry, petit-fils du roi Louis XV et futur Louis XVI, est applaudi à Versailles comme à Vienne. Les souverains et les ministres se félicitent du rapprochement des deux principales puissances européennes, jusque-là rivales. Qui pourrait alors se douter de la tragédie à laquelle allait conduire cette union?…

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Une union prometteuse

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La petite archiduchesse est née le lendemain du tremblement de terre de Lisbonne et ses parrain et marraine ne sont autres que les souverains du malheureux Portugal.

Cette mauvaise coïncidence ne l’empêche aucunement de jouir d’une enfance heureuse au milieu de ses nombreux frères et soeurs. Elle aime la danse mais ne montre aucune disposition pour la lecture, l’étude et le travail.

Quand les diplomates décident de son union avec l’héritier du trône de France, sa mère la prépare à la hâte à ses futures responsabilités de souveraine. Après un mariage par procuration, la voilà qui quitte enfin Vienne pour Paris.

Arrive le grand jour. Le 16 mai 1770, dans la chapelle de Versailles, la bénédiction nuptiale confirme le mariage par procuration. Il s’ensuit pendant deux mois une longue suite de festivités, pour un coût de deux millions de livres (c’est le prix à payer pour honorer l’alliance franco-autrichienne).

Ombre au tableau : le 30 mai, à Paris, à la faveur d’un feu d’artifice sur la place Louis Quinze (l’actuelle place de la Concorde), une énorme bousculade provoque plus d’une centaine de morts. Personne n’y voit cependant un mauvais présage.

Rancoeurs contre l’Autrichienne

Dans les premiers temps du mariage, la beauté de la nouvelle dauphine comble d’aise le peuple français mais cet état de grâce ne dure pas…

La dauphine souffre de l’indifférence de son mari à son égard. Louis est un garçon doux et maladivement timide que la mort prématurée de ses frères aînés a porté sur le devant de la scène sans y avoir été préparé. C’est seulement dix mois après leur union qu’il consent à la rejoindre dans son lit. Encore n’est-ce que pour y dormir. Dans le langage ampoulé de l’époque, Marie-Antoinette écrit à sa mère « qu’il n’en [est] pas encore résulté les suites qu’on aurait pu s’en promettre ».

On pensera longtemps que le jeune homme aurait été empêché de remplir son devoir conjugal à cause d’une malformation bénigne du pénis ! Il aurait résisté pendant sept ans à l’idée de se faire opérer et ne s’y serait résolu qu’au nom de la raison d’État…

Selon une autre interprétation, il aurait seulement manqué de savoir-faire ou bien aurait été dissuadé d’aller jusqu’au bout de l’acte sexuel pour ménager sa très jeune femme ! Lui-même était en effet un homme fort et de grande taille tandis que Marie-Antoinette était menue et tout juste réglée. C’est pourquoi, sans doute, son beau-frère, le futur empereur Joseph II écrit crûment dans une lettre à son frère Sigismond : « Il ne fout pas, le bougre ! »

Les choses rentrent dans l’ordre après que son très attentionné beau-frère, de passage à Versailles, lui eut expliqué dans les détails la manière de s’y prendre.

Quatre naissances se succèdent dès lors, de 1778 à 1786 : une fille qui survivra au reste de la famille, Marie-Thérèse, future Madame Royale ; le Dauphin espéré mais qui, d’une santé chancelante, mourra au tout début de la Révolution ; un deuxième garçon qui périra dans la prison du Temple après être formellement devenu Louis XVII ; enfin, une fille qui meurt au bout de quelques mois.   

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Frivolités

En attendant de régner et devenir épouse et mère, Marie-Antoinette se console en goûtant dans l’insouciance à tous les plaisirs de la cour. Habituée à l’aimable simplicité de la cour de Vienne, elle viole sans y prendre garde la sévère étiquette et les manières ampoulées de Versailles.

Dans un premier temps, elle partage avec son mari la passion de la chasse, au grand dam de l’impératrice Marie-Thérèse qui craint les fausses couches. Mais elle finit par s’en lasser et lui préfère la compagnie de son petit cercle d’amis, une coterie de jeunes gens pour la plupart avides et jouisseurs.

Yolande de Polignac y occupe la première place, par l’amitié que lui voue Marie-Antoinette depuis leur rencontre à l’occasion d’un bal à l’automne 1775. Comblée de faveurs, elle troque en 1782 son titre de comtesse pour celui de duchesse et concurrence la princesse de Lamballe dans le cœur  de la reine.

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Marie-Antoinette entretient aussi des liaisons étroites avec le duc de Lauzun et surtout avec un beau Suédois de son âge, Axel de Fersen, qui, plus tard, organisera la fuite de Varennes par amour pour elle.

Incontestablement, Fersen et la reine se sont aimés d’un amour très intense.

Dans leur correspondance de juin 1791 à juin 1792, conservée aux Archives nationales, on a pu déchiffrer en 2014 des passages soigneusement caviardés comme celui-ci, dans une lettre autographe de la reine datée du 4 janvier 1792 : « je vais finire, non pas sans vous dire mon bien cher et tendre ami que je vous aime a la folie et que jamais jamais je ne peu être un moment sans vous adorer ».

Ont-ils pour autant consommé ? Stefan Zweig, aussi bon romancier que bon biographe, jure que les deux amants ont au moins franchi le pas lors de leur dernière rencontre aux Tuileries, peu avant l’incarcération de la famille royale à la prison du Temple. Mais rien n’est moins sûr, l’éducation de la reine et la crainte du scandale étant de nature à les en empêcher.

Tout ce beau monde se retrouve dans l’intimité du petit Trianon, un bijou de l’art rocaille que Louis XV avait prévu d’offrir à sa favorite, Madame du Barry, et que son petit-fils offre en définitive en cadeau d’avènement, le 24 mai 1774, à Marie-Antoinette.

Celle-ci en détruit le jardin botanique pour le remplacer par un jardin à l’anglaise et fait aménager à proximité un petit théâtre en carton-pâte dans lequel elle joue avec ses amis les pièces les plus osées du moment, y compris celles de Beaumarchais ! On peut imaginer que l’auteur pensait à la reine quand il a écrit : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! » (Le Barbier de Séville, 1775).

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Reine en 1774, à la mort de Louis XV, Marie-Antoinette s’écarte donc très vite des recommandations épistolaires de sa mère l’impératrice et s’abandonne à ses penchants, en abusant de l’absence d’autorité de son mari. Elle prend des libertés avec l’étiquette et ne dissimule plus son goût des frivolités et des diamants.

Sa première femme de chambre, Mme Campan, la dit résolue à se procurer « sur le trône les plaisirs de la société privée ».

Son goût pour les toilettes lui vaut le surnom de « ministre des Modes ». Elle fait la fortune de Marie-Jeanne « Rose » Bertin, couturière de grand talent, qui tient à Paris la boutique du Grand Mogol et invente pour ainsi dire la haute couture.

Mais elle coûte aussi très cher au roi, qui doit puiser dans sa cassette personnelle pour satisfaire les folies de son épouse, avec des robes à plusieurs milliers de livres et tel bracelet à 250 000 livres.

Le ministre Turgot, malgré ses réticences, se résigne aussi à doubler le montant de la cassette de la reine, à 200.000 livres, dès la deuxième année du règne. Irritée par ses remontrances, la reine participe à la cabale qui va l’abattre.

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Calomnies

La reine, vive et spontanée, a du mal à cacher ses sentiments et ses inimitiés, ce qui lui vaut l’hostilité des courtisans qui n’ont pas l’heur d’appartenir à son très petit cercle d’amis. Très vite, les vieilles rancoeurs  anti-autrichiennes reprennent le dessus.

Victime imprudente des ragots, Marie-Antoinette est fustigée sous l’appellation de l’Autrichienne, un qualificatif injurieux inauguré par l’une des tantes du roi, Mme Adélaïde, et qui lui portera le plus grand tort sous la Révolution, après l’entrée en guerre de la France contre l’empereur François II, son neveu.

Ses dépenses somptuaires, révélées en pleine crise financière, lui valent aussi le surnom de Madame Déficit.

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C’est le moment où naît l’opinion publique, forgée par les rumeurs de salons et les libelles imprimés, distribués de ville en ville par les colporteurs. À Paris comme dans les villes de province, on se délecte de ragots odieux sur ses infidélités supposées et plus sérieusement de ses maladresses.

Ainsi la reine se laisse-t-elle aller à qualifier son mari de « pauvre homme » devant le comte de Rosenberg. C’est une atteinte gravissime à la dignité royale. Informée, l’impératrice Marie-Thérèse en tire cet avertissement prémonitoire : « Quel langage ! Le pauvre homme ! Vous vous précipitez par votre faute dans les plus grands malheurs. Vous le reconnaîtrez un jour, mais trop tard. Je ne souhaite pas survivre à ce malheur ».

De glissade en glissade, la calomnie et l’impopularité atteignent des sommets avec l’Affaire du collier, en 1785, dans laquelle, paradoxalement, Marie-Antoinette n’a aucune responsabilité.

Toutes ses initiatives se retournent contre elle, même les mieux intentionnées. La construction du Hameau de la Reine dans le parc du petit Trianon lui vaut un surcroît de moqueries et fait le succès d’une comptine d’un poète inconnu, Fabre d’Églantine : « Il pleut, il pleut, bergère… » !

Le temps des malheurs

Le 4 juin 1789, pendant la réunion des états généraux à Versailles, le couple royal a la douleur de perdre son fils aîné, le Dauphin Louis-Joseph (7 ans), deuxième de leurs quatre enfants. Cette épreuve rapproche le couple… et éloigne le roi de ses obligations publiques à un moment crucial de l’Histoire.

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Après son départ forcé de Versailles, le 5 octobre 1789, Marie-Antoinette prend conscience, enfin, de la tragédie en cours. Elle montre dès lors une énergie inattendue mais l’applique bien à tort à une cause perdue.

Attachée à ses prérogatives royales, elle use de son influence sur le faible Louis XVI pour entraver la marche vers une monarchie constitutionnelle, au grand dam de Mirabeau, l’un des chefs de l’Assemblée constituante, qui, par intérêt financier, s’est en secret rallié au roi. Son entrevue avec la reine, le 3 juillet 1790, s’est soldée par un échec.

Après la mort de Mirabeau, le 2 avril 1791, le roi tombe plus que jamais sous la coupe de son épouse. Celle-ci reprend la suggestion de Mirabeau de fuir vers l’Est et de se placer sous la protection des armées fidèles à la monarchie. Mais la fuite se solde par un piteux échec à Varennes, malgré la soigneuse organisation d’Axel de Fersen.

La reine, dès lors, cache à peine son souhait d’une intervention militaire contre la France conduite par l’empereur de sa famille, qui règne à Vienne : « Nous n’avons plus de ressources que dans les puissances étrangères ; il faut à tout prix qu’elles viennent à notre secours. Mais c’est à l’Empereur de se mettre à la tête de tous et à régler tout », écrit-elle à un confident en août 1791. Autant dire que ses tractations plus ou moins secrètes avec l’ennemi, assimilables à un crime de haute trahison, pèseront lourd dans son procès.

Sous la Législative, son refus de tout compromis vaut à Marie-Antoinette un nouveau surnom, celui de Madame Veto. Survient la journée fatale du 10 août 1792, qui voit la prise des Tuileries et la chute de la monarchie. La famille royale est enfermée dans la prison du Temple. Dans cette ultime épreuve, Marie-Antoinette, qui n’a plus depuis longtemps de rapport charnel avec son mari, retrouve pour ce dernier estime et sympathie.

Après l’exécution de Louis XVI, la reine est séparée de son fils puis incarcérée le 2 août 1793 à la Conciergerie, sur l’île de la Cité, antichambre de la guillotine, avec pour seule compagnie sa jeune servante Rosalie. Son procès est altéré par l’iniquité. Aux charges bien réelles telles que l’accusation de haute trahison s’ajoutent de sordides accusations d’inceste sur la personne de son fils. L’ex-reine fait front avec dignité. Pas plus que son époux, elle n’échappe à l’échafaud.

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Bibliographie

Parmi une abondante bibliographie consacrée à la reine de France la plus célèbre, nous recommandons la biographie de l’historien autrichien Stefan Zweig, son compatriote (nombreuses rééditions en livre de poche) et le (très) beau livre publié par les éditions Chêne et le Château de Versailles : Marie-Antoinette (Hélène Delalex, Alexandre Maral, Nicolas Milovanovic, 35 euros, 2013).

BERNARD SESBOÜE (1929-2021), BIOGRAPHIES, EGLISE CATHOLIQUE, PERE BERNARD SESBOÜE (1929-2021), THEOLOGIE, THEOLOGIEN, THEOLOGIEN FRANCAIS

Père Bernard Sesboüé (1929-2021)


Bernard Sesboüé (1929-2021)

 

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P. Bernard SESBOUE (jésuite) professeur à la faculté de théologie du Centre-Sèvres de Paris. Membre du groupe des Dombes depuis 1967, il est Consulteur auprès du Secrétariat romain pour l’Unité des chrétiens. Théologien.

 

Biographie :

Bernard Sesboüé, issu d’une famille très catholique, passe son bac au lycée Notre-Dame-de-Sainte-Croix du Mans, puis une licence de lettres classiques à la Sorbonne.

Il entre dans la Compagnie de Jésus en 1948, au noviciat jésuite de Laval. Il est ordonné prêtre en septembre 1960 à Saint-Leu-d’Esserent par le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris. Il fait son Troisième an à Paray-le-Monial, puis part à Rome en 1962, alors que s’ouvre le concile Vatican II, pour préparer une thèse de doctorat sur Basile de Césarée.

En 1964, il enseigne la patristique et la dogmatique à la Faculté de théologie jésuite de Fourvière, à Lyon. Il est ensuite professeur au centre Sèvres de Paris de 1974 à 2006.

Il a fait partie de la Commission théologique internationale. Spécialiste de l’œcuménisme, il participe de 1967 à 2005, au groupe des Dombes dont il a été coprésident. Il est consulteur au secrétariat pour l’unité des chrétiens.

En 2011, Bernard Sesboüé a reçu le prix du Cardinal-Grente, de l’Académie française, pour l’ensemble de son œuvre.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Sesbo%C3%BC%C3%A9

https://www.la-croix.com/Religion/Mort-Bernard-Sesboue-figure-majeure-theologie-XXe-siecle-2021-09-22-1201176663

https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Bernard-Sesbouee-un-demi-siecle-d-engagement-theologique-_NG_-2007-09-21-526331

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Nouvelle biographie de Georges Bernanos

Georges Bernanos – La colère et la grâce

François Angelier

Paris, Le Seuil, 2021. 576 pages

 

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“Georges Bernanos fut, de 1926 où il fit se lever le Soleil de Satan sur la France des années folles à l’ultime Dialogue des Carmélites en 1948, un romancier de la sainteté et de l’enfance autant qu’un écrivain de combat. De L’Action française à L’Intransigeant, il emboucha la presse comme une trompette de l’Apocalypse, et ses innombrables articles se confrontèrent sans répit à la ploutocratie démocratique et à la bien-pensance bourgeoise. Son engagement, mené seul au nom du Christ pauvre et de la vocation religieuse de la France de Jeanne d’Arc et de Péguy, le conduisit du tableau d’honneur des Camelots du roi aux rangs de la France libre. Véritable lanceur d’alertes politiques, il donna aussi l’assaut à l’Europe fasciste comme aux États-empires de la guerre froide et à leurs contingents d’hommes-machines. Monarchiste et catholique, nourri de Drumont et de Balzac, de Bloy
et d’Hello, celui qui déclarait en 1935 :  » le bon Dieu ne m’a pas mis une plume entre les mains pour rigoler « , a vécu sans filet ni garde-fou, dans la main de Dieu. Père d’une famille chimérique, accompagné d’une élite d’amis fervents, il mena, entre la Picardie, Majorque, la Provence
et le Brésil, une vie d’errance et d’écriture, de clameurs et d’espérance. C’est cette vie que nous entreprenons de raconteur”.
F. A.

 

L’auteur

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François Angelier est producteur à France Culture de la fameuse émission Mauvais Genres et collaborateur du Monde des Livres. Passionné par les expériences spirituelles les plus radicales et les figures atypiques, il a publié plusieurs ouvrages et articles sur les francs-tireurs du catholicisme de plume : Hello, Huysmans, Claudel, Louis Massignon, Simone Weil et Léon Bloy (au Seuil : Bloy
ou la fureur du juste
, 2015).