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Dimanche 21 novembre 2021 : Solennité du Christ-Roi : lectures et commentaires

Dimanche 21 novembre 2021 : Solennité du Christ-Roi

Christ Pantocrator, cath. Santa Maria Nuova à Monreale, Sicile, Italie.

Février 2016: Christ Pantocrator de la cath. Santa Maria Nuova (Sainte Marie la neuve) de Monreale, Sicile, Italie.

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

 

PREMIERE LECTURE – livre de Daniel 7, 13-14

Moi, Daniel,
13 je regardais, au cours des visions de la nuit,
et je voyais venir, avec les nuées du ciel,
comme un Fils d’homme ;
il parvint jusqu’au Vieillard,
et on le fit avancer devant lui.
14 Et il lui fut donné
domination, gloire et royauté ;
tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues
le servirent.
Sa domination est une domination éternelle,
qui ne passera pas,
et sa royauté,
une royauté qui ne sera pas détruite.

UNE SCENE DE COURONNEMENT
Le prophète Daniel nous décrit une véritable scène de couronnement. Cela se passe, nous dit-il, dans « les nuées du ciel », c’est-à-dire dans le monde de Dieu. Et voici qu’un « fils d’homme » (c’est-à-dire un être humain) s’avance vers le Vieillard qui représente Dieu.
Dès les premiers mots, nous sommes prévenus : le prophète Daniel nous décrit une vision. « Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais ». Et que voit-il ? Il voit « les nuées du ciel », d’abord ; cela veut dire qu’il assiste à ce qui se passe là-haut, dans le monde de Dieu. Daniel, ici, n’emploie pas le mot Dieu, mais il parle d’un Vieillard et, quelques versets plus haut, il l’a décrit assis sur un trône. Et tout le monde comprend qu’il s’agit bien de Dieu lui-même. Et voici qu’un « fils d’homme » s’avance vers le Vieillard : « fils d’homme », en hébreu, cela veut dire « homme » tout simplement.
Je reprends ces premiers versets : « Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. » Et il s’avance pour être consacré roi. C’est le jour de son sacre en quelque sorte ! « Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et toutes les langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » C’est donc une royauté universelle et éternelle. Je note qu’il ne s’en empare pas, il ne la conquiert pas par la force : Daniel dit d’une part, qu’on le fait avancer vers le trône de Dieu (il ne s’en approche pas de sa propre initiative), et, d’autre part, « il lui fut donné » domination, gloire et royauté.
Notre lecture de ce dimanche s’arrête ici ; mais pour bien la comprendre, il faut aller un peu plus loin. Car Daniel poursuit le récit de sa vision. Voici donc la suite, elle va peut-être nous surprendre, car nous allons découvrir que ce fils d’homme n’est pas, comme nous le pensions spontanément, un individu particulier, c’est un peuple : « Mon esprit à moi, Daniel, fut angoissé… les visions de mon esprit me tourmentaient. Je m’approchai d’un de ceux qui se tenaient là, et je demandai ce qu’il y avait de certain au sujet de tout cela. Il me le dit et me fit connaître l’interprétation des choses : les Saints du Très-Haut recevront la royauté et ils posséderont la royauté pour toujours et à tout jamais. » Et le même interprète céleste redit quelques versets plus loin : « La royauté, la souveraineté et la grandeur de tous les royaumes qu’il y a sous tous les cieux ont été données au peuple des Saints du Très-Haut : sa royauté est une royauté éternelle ; toutes les souverainetés le serviront et lui obéiront. » Cela veut dire que le fils d’homme est en réalité le peuple des Saints du Très-Haut. « Peuple des Saints du Très-Haut », en langage biblique, cela veut dire Israël ou au moins, en temps de persécution, le petit noyau, le Reste fidèle.
N’oublions pas que Daniel a eu cette vision à un moment de l’histoire d’Israël particulièrement douloureux : pendant l’occupation grecque, sous le règne d’Antiochus Epiphane vers 165 av. J.C. Et il s’adresse à ceux qui restent fidèles à la foi juive au cœur même de la persécution. Il leur dit « Vous êtes ce peuple des Saints du Très-Haut qui va recevoir bientôt la royauté ». Cette vision résonne donc comme un message de réconfort : en clair, mes frères, pour l’instant, vous êtes écrasés, mais votre libération approche et elle sera définitive.
Cette prédication du prophète Daniel a incontestablement encouragé ses frères à tenir bon, à garder l’espérance, tout comme la prédication sur la Résurrection des morts que nous lisions dimanche dernier. Et l’on sait que, peu de temps après, les Juifs se sont révoltés contre Antiochus Epiphane et ils ont réussi à lui faire plier bagages. Et la paix est revenue. Mais on a continué à lire Daniel et à le lire, cette fois, comme une prophétie pour l’avenir. Et certains, parmi les Juifs, ont commencé à penser que le Messie, le roi idéal attendu pour la fin des temps ne serait pas un individu particulier, mais un peuple. A tel point que, à l’époque de la naissance de Jésus, si tout le monde en Israël attendait impatiemment le Messie, tout le monde ne l’imaginait pas de la même manière : certains attendaient un homme, d’autres attendaient un Messie collectif, qu’ils appelaient le petit Reste d’Israël (une expression qui remonte au prophète Amos), ou le fils d’homme, précisément, en référence à cette parole du prophète Daniel.

QUI EST LE FILS DE L’HOMME ?
Or voici que Jésus de Nazareth employait très volontiers l’expression « Fils de l’Homme » ! (On la lit plus de quatre-vingts fois dans les évangiles) et, très visiblement, à de nombreuses reprises, c’était pour se désigner lui-même.
Mais cela posait immédiatement plusieurs questions.
Premièrement, Jésus emploie fréquemment l’expression « Fils de l’homme », et, très visiblement, c’est pour se désigner lui-même ; mais il est le seul ! Personne d’autre ne lui attribue ce titre, et ce n’est pas par ignorance car le livre de Daniel était bien connu. Mais justement, s’il était bien connu, on ne pouvait certainement pas reconnaître ce titre à Jésus : d’abord, parce que ce Fils de l’homme qui vient sur les nuées du ciel désignait le Messie. Donc quand Jésus utilisait cette expression en parlant de lui-même, il prétendait du même coup être le Messie ! Or, aux yeux de son entourage, il ne pouvait pas l’être : ses contemporains n’étaient certainement pas tentés d’identifier Jésus de Nazareth, le charpentier, avec « le peuple des Saints du Très-Haut » !
Deuxièmement, Jésus a apporté une modification de fond à la représentation classique du Fils de l’homme. Il reprend bien les termes du livre de Daniel : « On verra le Fils de l’homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et de la gloire. » (Mc 13,26), mais il y ajoute tout un aspect de souffrance : (toujours chez Marc) « Il enseignait ses disciples et leur disait : Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront … »(Mc 9,31).
Après sa Résurrection, tout est devenu lumineux pour ses disciples : d’une part, il mérite bien ce titre de Fils de l’homme sur les nuées du ciel, lui qui est à la fois homme et Dieu ; d’autre part, Jésus est le premier-né de l’humanité nouvelle, la Tête, et il fait de nous un seul Corps : à la fin de l’histoire, nous serons tellement unis que nous serons avec lui comme « un seul homme » !… Avec lui, greffés sur lui, nous serons « le peuple des Saints du Très-Haut ».
Troisièmement, enfin, Jésus introduit une légère modification grammaticale : il parle du « Fils de l’homme » alors que Daniel disait un « Fils d’homme » ; fils d’homme voulait dire « un homme », mais quand on dit « l’homme », on pense « l’Humanité » et du coup « Fils de l’Homme » veut dire l’Humanité ; en s’appliquant ce titre à lui-même, Jésus se révèle comme le porteur du destin de l’humanité tout entière.1
Alors nous découvrons la merveille à laquelle nous osons à peine croire : le « dessein bienveillant » de Dieu est de faire de nous un peuple de rois …! C’est cela son projet, depuis toujours, en créant l’humanité. Le livre de la Genèse le disait déjà : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu Il le créa ; mâle et femelle Il les créa. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. » (Gn 1,27-28).
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Note
1 – Dans le même sens, Paul dira de Jésus qu’il est le nouvel Adam ; comme Jean citera cette extraordinaire phrase de Pilate au cours de la Passion : « voici l’Homme » (ecce homo). Et Jean en citant cette parole de Pilate semble nous dire : « Pilate ne croyait pas si bien dire ! »

 

PSAUME – 92 (93), 1. 2. 5

1 Le SEIGNEUR est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le SEIGNEUR a revêtu sa force.

2 Et la terre tient bon, inébranlable,
dès l’origine, ton trône tient bon,
depuis toujours tu es.

5 Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
SEIGNEUR, pour la suite des temps.

OSER PROCLAMER LA ROYAUTE DE DIEU
L’histoire universelle fourmille d’exemples de chefs de guerre qui se sont fait acclamer comme rois après une victoire ! Et on reconnaît qu’un chef a bien mérité de se faire acclamer comme roi quand il a pris la tête de son peuple pour le libérer et le protéger, quand il parvient à faire régner le droit et la justice parmi ses sujets et à leur assurer la sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières.
Si la liturgie chrétienne célèbre la Fête du Christ-Roi, c’est parce qu’elle le considère comme le grand vainqueur : par sa Résurrection, il a vaincu la mort ; par le pardon accordé à ses bourreaux, il a vaincu la haine. En même temps, nous, Chrétiens, sommes bien conscients du caractère paradoxal, presque provocant d’une telle fête : nous osons dire que le Christ est déjà roi, mais nous rencontrons tous les jours l’apparence du contraire ! La mort engloutit tous les jours des millions d’hommes et la haine sévit sur des quantités de champs de bataille, petits ou grands. Mais, justement, en célébrant la fête du Christ-Roi, nous affirmons opiniâtrement notre foi et nous réchauffons notre espérance pour y puiser la force de hâter la réalisation de ce règne.
Le psaume 92/93 se situe exactement dans cette optique : de la même manière que la liturgie chrétienne célèbre la Fête du Christ-Roi, la liturgie juive célèbre Dieu-Roi ; la même foi, la même espérance animent les Juifs et la même impatience de voir poindre le « Jour » de Dieu. Eux, bien sûr, ne peuvent pas s’appuyer sur l’expérience de la Résurrection du Christ pour proclamer la victoire de Dieu sur les forces du Mal, mais leur foi est tout aussi convaincue. Leur point d’appui, c’est d’abord l’expérience de l’Exode : Dieu s’est révélé à eux comme le Dieu libérateur, Dieu leur a proposé son Alliance. Voilà ses titres de gloire.
Pour cette acclamation de la royauté de Dieu, le compositeur du psaume a pris comme modèle ce qui se passait le jour du sacre d’un nouveau roi. La scène se déroule dans la salle du trône : le roi est revêtu du manteau royal, il siège désormais sur le trône : il a signé la charte d’intronisation, il est entré en possession du palais royal. Alors s’élève une clameur immense, jaillie de la poitrine de milliers d’assistants… quelque chose comme « Vive le Roi ! ». En hébreu, on appelle cette acclamation la « térouah » ; c’est une acclamation guerrière à l’origine, l’acclamation de la victoire sur l’ennemi.
Ici le roi que l’on acclame c’est Dieu lui-même. Plus que tout autre, il mérite la terouah, l’acclamation, les ovations : Lui qui est victorieux de toutes les forces du mal, du chaos, de la séparation. C’est pourquoi le psaume commence par l’acclamation : « Le SEIGNEUR est roi » ; lui aussi est revêtu de vêtements royaux : « il s’est vêtu de magnificence, le SEIGNEUR a revêtu sa force ». En fait, ce sont les vêtements du Créateur : « magnificence et force ». En hébreu, l’expression est très imagée : « Il a revêtu sa force », cela évoque littéralement le geste de nouer un vêtement sur ses reins comme le potier noue son tablier pour travailler l’argile.
LE TRONE DE DIEU, C’EST LE COSMOS
Son trône, c’est le cosmos tout entier ! Un trône qui tient bon ! « Et la terre tient bon, inébranlable, dès l’origine, ton trône tient bon, depuis toujours tu es. » Il y a dans ce verset apparemment anodin au moins deux petites pointes : l’une contre les idoles dont les statues sont à la merci de n’importe qui ; l’autre contre les rois de la terre : en Israël, de tout temps, l’histoire de la royauté a été troublée, dramatique… Le trône de Dieu, au contraire, est « inébranlable ». Et il est établi dans la durée ! Combien de rois d’Israël n’ont régné que très peu d’années, voire de jours !…
Et c’est la Création tout entière qui clame qu’il est roi, parce qu’il en est le maître incontesté : même les forces de la mer lui sont soumises ; Israël, qui a une fenêtre sur la Méditerranée, sait bien que la mer peut se montrer indomptable ; indomptable pour l’homme, peut-être, mais pas pour Dieu ! Notre psaume le dit magnifiquement : les flots ont beau se soulever dans un mugissement terrible, ils sont sous la domination de Dieu ; là il faut lire les deux versets centraux de ce psaume qui ne font pas partie de la lecture de ce dimanche : « Les flots s’élèvent, SEIGNEUR, les flots élèvent leur voix, les flots élèvent leur fracas… Plus que la voix des eaux profondes, des vagues superbes de la mer, superbe est le SEIGNEUR dans les hauteurs. »
Ces flots maîtrisés, ce sont également ceux de la Mer des Roseaux à laquelle Dieu a imposé de laisser le passage à son peuple. Et depuis ce jour, le Dieu fidèle a toujours accompagné son peuple : c’est le sens de la phrase « Tes volontés sont vraiment immuables » ; le mot traduit ici par « immuables » est de la même racine que le mot « AMEN » ; il évoque fidélité, stabilité, vérité, immuabilité, fermeté… Cette fidélité de Dieu toujours présent au milieu de son peuple est concrétisée par le Temple magnifique de Jérusalem : signe de la présence de Dieu, il est un reflet de sa sainteté : « La sainteté emplit ta maison » ; on peut probablement relever ici une nouvelle petite pointe d’ironie : les rois d’Israël ont été rarement des saints ! On peut entendre en sourdine « la sainteté emplit ta maison » (sous-entendu « la tienne et elle seule ») ! Mais surtout, après l’Exil à Babylone, cette phrase reflète la joie d’avoir reconstruit le Temple dignement : la ville de Jérusalem abrite de nouveau la sainte maison de Dieu.
Quand ce psaume est chanté au Temple de Jérusalem, après l’Exil, donc, à une époque où il n’y a plus de roi en Israël, il célèbre la royauté de Dieu, mais aussi, il célèbre d’avance le futur roi-Messie qu’on attend et qui sera, lui, la fidèle image de Dieu. Et on sait déjà, qu’à travers ce Messie, c’est le peuple élu et, en définitive, l’humanité tout entière qui partagera la Royauté, comme la Reine trône auprès du Roi. Au cours de la Fête des Tentes (à l’automne) où ce psaume était repris chaque année, on célébrait par avance l’accomplissement de toute l’histoire, l’Alliance définitive, les Noces de Dieu et de l’Humanité.

 

DEUXIEME LECTURE – Apocalypse de Saint Jean 1, 5 – 8

A vous, la grâce et la paix
5 de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle,
le premier-né des morts,
le prince des rois de la terre.
A lui qui nous aime,
qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,
6 qui a fait de nous un royaume
et des prêtres pour son Dieu et Père,
à lui, la gloire et la souveraineté
pour les siècles des siècles. Amen.
7 Voici qu’il vient avec les nuées,
tout œil le verra,
ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ;
et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre.
Oui ! Amen !
8 Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga,
dit le Seigneur Dieu,
Celui qui est, qui était et qui vient,
le Souverain de l’univers.

A VOUS LA GRACE ET LA PAIX DE LA PART DE JESUS-CHRIST
« A vous la grâce et la paix… » voilà le grand souhait de Jean pour les Eglises d’Asie Mineure auxquelles il s’adresse ; c’est tout simplement celui de voir se réaliser enfin le projet de Dieu, ce que la lettre aux Ephésiens appelle son dessein bienveillant : « Paix sur la terre aux hommes parce que Dieu les aime » chantaient les voix célestes de la nuit de Noël. Suit l’affirmation que le dessein de Dieu pour l’humanité est accompli en Jésus-Christ : « Que la grâce et la paix vous soient données, de la part de Jésus-Christ… »
La difficulté de ce texte vient de l’extrême densité de ses phrases : elles évoquent tout le mystère du Christ : « Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre. » Chaque mot, chaque expression en dit un aspect : « Jésus », c’est le nom d’un simple homme de Nazareth, mais il veut déjà dire « Dieu sauve » ; « Christ », c’est-à-dire Messie, rempli de l’Esprit de Dieu ; « le témoin fidèle » fait écho à la déclaration de Jésus à Pilate (que nous entendons ce dimanche) : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » ; « le premier-né d’entre les morts » : toute la foi des premiers Chrétiens est là ; cet homme, mortel comme les autres, Dieu l’a ressuscité et désormais il entraîne derrière lui tous ses frères, lui qui est le premier-né d’une longue lignée ; « le souverain des rois de la terre », nouvelle affirmation qu’il est le Messie (et qu’il a mis tous ses ennemis sous ses pieds comme dit le psaume 109/110). Au passage, on l’a remarqué, l’énumération comporte trois qualificatifs, « témoin fidèle, premier-né d’entre les morts, souverain des rois de la terre » : dans l’Apocalypse, les nombres sont toujours symboliques ; les expressions ternaires étant réservées à Dieu, les utiliser pour Jésus, c’est dire qu’il est l’égal de Dieu, qu’il est Dieu.
La deuxième phrase reprend et amplifie la première « A lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père, à lui gloire et puissance pour les siècles des siècles. Amen. » Là encore nous retrouvons les énoncés traditionnels de la foi : l’amour du Christ pour l’humanité, sa vie donnée (c’est le sens de l’expression « sang versé ») pour nous libérer du mal ; « Il a fait de nous le royaume et les prêtres de Dieu son Père » : enfin en Jésus-Christ s’est réalisée la lointaine promesse du livre de l’Exode : « Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte » (Ex 19,6).
Ces deux paragraphes sont en forme de souhait : au début « Que la grâce et la paix vous soient données… » et à la fin « à lui gloire et puissance » : pour nous la grâce et la paix, pour lui la gloire et la puissance. On peut évidemment se demander pourquoi ces propositions sont au subjonctif ? Pour la deuxième, c’est évident : Saint Jean nous invite à rendre gloire à Dieu, mais encore faut-il que nous le fassions. Mais pour la première, c’est plus surprenant : « Que la grâce et la paix vous soient données… » Dieu pourrait-il ne pas nous donner grâce et paix ? Nous rencontrons souvent de tels subjonctifs dans la liturgie : par exemple « Que Dieu vous bénisse » ; ils veulent toujours dire la même chose : comme dans tout subjonctif, il y a un souhait, celui de voir se réaliser un événement désirable, mais non certain ; le souhait en question ne concerne pas l’œuvre  de Dieu, car elle, elle est certaine. Dieu nous donne sans cesse sa grâce, sa paix, sa bénédiction ; le souhait nous concerne, nous : pourvu que nous soyons perméables à ce rayonnement permanent de la grâce… « Que la grâce et la paix vous soient données… », cela veut dire que grâce et paix nous sont offertes, mais il nous reste à accepter le cadeau qui nous est fait !
« Voici qu’il vient parmi les nuées » : on reconnaît ici le Fils d’homme dont parlait Daniel dans notre première lecture de ce dimanche ; ce Fils d’homme s’avance vers le trône de Dieu pour y recevoir la royauté universelle. Voilà la première facette de la royauté du Christ, la facette-triomphe, si l’on peut dire.

ILS LEVERONT LES YEUX VERS CELUI QU’ILS ONT TRANSPERCE
Et voici la deuxième, la facette-souffrance : « Tous les hommes le verront, même ceux qui l’ont transpercé ; et en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. » C’est une allusion à la croix du Christ et au coup de lance du soldat.
Saint Jean, ici, fait référence à une parole du prophète Zacharie, la voici : « Ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem un esprit de bonne volonté et de supplication. Alors ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé. Ils célébreront le deuil pour lui, comme pour le fils unique. Ils le pleureront amèrement comme on pleure un premier-né… Ce jour-là, une source jaillira pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, en remède au péché et à la souillure. » (Za 12,10 ; 13,1). En parlant d’un « esprit de bonne volonté et de supplication », Zacharie pense à une transformation du coeur de l’homme : en levant les yeux vers celui qu’ils ont transpercé, les hommes verront un innocent exécuté injustement, sous un fallacieux prétexte, uniquement parce qu’il dérangeait les autorités religieuses du moment !… Et en le voyant, tout d’un coup, leurs yeux et leurs cœurs  s’ouvriront.
La royauté du Christ sera définitive quand enfin le cœur  de tous les hommes sera transformé : seule cette ouverture de notre cœur  nous fera entrer dans la grâce et la paix prévues pour nous par Dieu de toute éternité. « Venez les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. » (Mt 25,44).
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Compléments
– Ezéchiel, lui aussi, prévoyait cette transformation du cœur  de l’homme quand il annonçait le remplacement des cœurs  de pierre par des cœurs  de chair. Le cœur  de pierre, c’est celui qui s’entête à rester dur ; le cœur  de chair, c’est le cœur  compatissant, celui qui « se lamente » (comme dit notre texte) devant les ravages de la haine qui pousse à torturer et tuer un innocent, en croyant le faire au nom de Dieu.
– Jésus avait annoncé le don de sa vie « pour la multitude ». L’Apocalypse insiste très fort, semble-t-il, sur cet aspect : « Voici qu’il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l’ont transpercé ; et en le voyant, toutes les tribus de la terre se lamenteront. Oui, vraiment ! Amen ! »
– L’expression « Celui qui est, qui était et qui vient » (v. 8) est l’une des traductions du NOM de Dieu (YHVH, Ex 3, 14) dans les commentaires juifs (Targum de Jérusalem).

 

EVANGILE – selon Saint Jean 18,33b – 37

En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit :
33 « Es-tu le roi des Juifs ? »
34 Jésus lui demanda :
« Dis-tu cela de toi-même,
ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
35 Pilate répondit :
« Est-ce que je suis Juif, moi ?
Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi :
qu’as-tu donc fait ? »
36 Jésus déclara :
« Ma royauté n’est pas de ce monde ;
si ma royauté était de ce monde,
j’aurais des gardes
qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs.
En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
37 Pilate lui dit :
« Alors, tu es roi ? »
Jésus répondit :
« C’est toi-même qui dis que je suis roi.
Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci :
rendre témoignage à la vérité.
Quiconque appartient à la vérité
écoute ma voix. »

LE MONDE A L’ENVERS
Voilà un texte bien surprenant pour la Fête du Christ-Roi ! Dans les évangiles on trouve très peu d’affirmations de la royauté du Christ ! Il faut aller chercher ici, dans le récit de la Passion de Jésus la claire affirmation par lui-même de sa royauté. On peut se demander pourquoi Jésus n’a pas dit plus tôt qu’il était roi. Chaque fois qu’on a voulu le faire roi, il s’est dérobé. Chaque fois qu’on a voulu lui faire de la publicité, après des miracles particulièrement impressionnants, il donnait des consignes très strictes de silence. Même chose après la Transfiguration. Et maintenant, alors qu’il est enchaîné, pauvre, condamné, il se reconnaît roi ! C’est-à-dire au moment précis où il n’en a vraiment pas les apparences… au moins à vues humaines.
Cela veut peut-être dire… Cela veut sûrement dire qu’il faut que nous révisions nos conceptions de la royauté : rappelons-nous ce qu’il disait à ses disciples : « Ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et les grands sous leur domination. Il n’en sera pas ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon (au sens de libération) pour la multitude. » (Mc 10,42-45).
Ce que veut nous dire Jean, quand il nous rapporte l’interrogatoire de Jésus par Pilate, c’est que Jésus est le roi de l’humanité au moment même où il donne sa vie pour elle. Ce roi-là n’a pas d’autre ambition que le service. En fait d’interrogatoire, d’ailleurs, ce face à face entre le représentant de l’immense Empire Romain et un condamné à mort comme il y en avait des centaines devient un « dialogue » ; car c’est vraiment le monde à l’envers : tout au long de la Passion, Jean souligne comme à plaisir le renversement de la situation ; ici, c’est le pouvoir romain qui va reconnaître que le véritable roi c’est Jésus-Christ : quand Pilate dit à Jésus « Alors, tu es roi ? », Jésus répond « C’est toi qui dis que je suis roi » (« su legeis ») dans le sens « tu as tout compris, tu le dis toi-même ».
Mais ce royaume n’a rien à voir avec nos royaumes de la terre, défendus par des gardes : « Si ma royauté venait de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs ». Son royaume, c’est celui de la vérité : pas d’autre défense que la vérité. « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » Dans la deuxième lecture de ce dimanche, tirée de l’Apocalypse, nous avons entendu Jean dire que Jésus est le « témoin fidèle ». Il est le « Fils unique plein de grâce et de vérité » que nous annonçait déjà le Prologue de son évangile.
Pilate qui vit dans le monde gréco-romain ne peut que poser la question « Qu’est-ce que la vérité ? » Les Juifs, eux, savent depuis le début de leur Alliance avec Dieu, que la vérité c’est Dieu lui-même.

CHOISIR D’APPARTENIR A LA VERITE
Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu ; en hébreu, il est de la même racine que le mot « AMEN » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai (nous l’avons vu dans le psaume 92/93 de cette fête).
Précisément parce que la Vérité est une Personne, Dieu lui-même, personne ne peut prétendre détenir la vérité !On appartient à la vérité, elle ne nous appartient pas ; que de querelles inutiles, et même de guerres meurtrières nous aurions pu et pourrions encore éviter si nous n’avions jamais perdu de vue que nous ne possédons pas la vérité !… La seule chose importante est d’écouter et de se laisser instruire par elle.
« Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » affirme Jésus à Pilate, tout comme il avait dit plus tôt aux Juifs : « Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; et c’est parce que vous n’êtes pas de Dieu que vous ne m’écoutez pas. » (Jn 8,47). Seul Dieu peut nous dire « Ecoute ». Chaque jour Jésus et ses disciples répétaient la profession de foi juive enseignée par la Torah : « Shema Israël » (« écoute Israël ! »…) ; ce mot dans la bouche de Jésus, c’est donc une autre manière de se révéler comme Dieu. (Au Baptême et à la Transfiguration, la voix du ciel disant à propos de Jésus « Ecoutez-le » dit aussi qu’il est Dieu). Pilate n’aura pas senti toutes ces résonances, mais quand Jean rapporte tout cela aux premiers Chrétiens, ceux-ci savent lire entre les lignes.
Pilate est resté avec sa question et, visiblement, il a manqué sa chance de découvrir Dieu : il raisonne sur la vérité au lieu de s’abandonner à elle et de croire tout simplement. Tout l’évangile de Jean décrit le dilemme qui se pose à tout homme « croire ou ne pas croire ». Marthe de Béthanie a fait le bon choix, celui de l’humilité et de la confiance : « Je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde ». Pourquoi Marthe, la femme obscure de Judée, a-t-elle accès à cette vérité, elle ? Et pourquoi pas Pilate ? Pourtant il n’en est pas loin : puisque Jésus lui fait remarquer qu’il y est presque : « Tu reconnais toi-même que je suis roi » (v.37). Que lui manque-t-il donc à Pilate ?
Peut-être d’accepter de ne pas chercher à détenir la vérité, mais d’être pris par elle, de lui appartenir. Apparemment, c’est la seule chose qui nous est demandée pour participer à la royauté du Christ : « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ! » Autrement dit, ce sont les pauvres de cœur qui sont les vrais rois, à commencer par Jésus lui-même.

ANCIEN TESTAMENT, CHRIST ROI, EVANGILE SELON MATTHIEU, FETE DU CHRIST ROI, LETTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS, LIVRE DU PROPHETE EZECHIEL, Non classé, PSAUME 22

Dimanche 22 novembre 2020 : Fête du Christ-Roi de l’Univers

Dimanche 22 novembre 2020 : Solennité de la Fête du Christ-Roi de l’univers

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Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,


1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

PREMIERE LECTURE – Livre du prophète   Ezéchiel 34,11-12.15-17

11 Ainsi parle le SEIGNEUR Dieu.
Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis,
et je veillerai sur elles.
12 Comme un berger veille sur les brebis de son troupeau
quand elles sont dispersées,
ainsi je veillerai sur mes brebis,
et j’irai les délivrer dans tous les endroits
où elles ont été dispersées
un jour de nuages et de sombres nuées.
15 C’est moi qui ferai paître mon troupeau,
et c’est moi qui le ferai reposer,
– oracle du SEIGNEUR Dieu !
16 La brebis perdue, je la chercherai ;
l’égarée, je la ramènerai.
Celle qui est blessée, je la panserai.
Celle qui est malade, je lui rendrai des forces.
Celle qui est grasse et vigoureuse,
je la garderai, je la ferai paître selon le droit.
17 Et toi, mon troupeau,
– ainsi parle le SEIGNEUR Dieu,
voici que je vais juger entre brebis et brebis,
entre les béliers et les boucs.

UN TROUPEAU A LA DEBANDADE
Imaginez un troupeau de brebis en transhumance et une épaisse nappe de brouillard qui s’abat tout d’un coup sur les prés. Si le berger n’est pas attentif, ce qui était un troupeau n’en sera bientôt plus un : les brebis mal guidées vont se perdre l’une après l’autre, elles seront bientôt toutes dispersées sur la montagne.
C’est l’image qui vient à l’esprit du prophète Ezékiel à propos du peuple d’Israël au moment de l’Exil à Babylone. On est en pleine tentation de découragement, on risque de penser que le peuple de Dieu n’est plus le peuple de Dieu, et même plus un peuple du tout. Va-t-il être rayé de la carte ?
Mais notre prophète est un prophète, justement. Et donc il sait que Dieu est fidèle à son Alliance, que Dieu n’abandonne jamais son peuple, son troupeau. « C’est moi qui ferai paître mon troupeau » dit Dieu.
La première grande annonce de ce texte, la Bonne Nouvelle, est là : « Vous êtes encore le troupeau de Dieu ». Car il reste fidèle à son Alliance en toutes circonstances.
« J’IRAI MOI-MEME A LA RECHERCHE DE MES BREBIS » DIT DIEU
Deuxième Bonne Nouvelle qui en découle aussitôt : Dieu va vous rassembler et vous ramener sur votre pâturage : « Je veillerai sur mes brebis, et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. » Ezékiel ne vise pas ici la venue du Messie. Une promesse d’avenir très lointain, reportée à la fin du monde, n’aurait dynamisé personne ; il pense d’abord à l’avenir proche, il annonce la fin de l’Exil à Babylone et le retour au pays. Pour quand cette promesse ? Ezékiel ne le dit pas, il ne sait pas le dire de manière précise ; mais il sait que cela arrivera sûrement. « Votre pâturage », c’est Jérusalem, bien sûr, et la Terre Promise ; « les endroits où elles ont été dispersées », c’est Babylone, loin du pâturage natal.
Suit cette évocation magnifique de la sollicitude du berger : « La brebis perdue, je la chercherai. Celle qui est faible, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la ferai paître avec justice ».
C’est la Troisième Bonne Nouvelle de ce texte, une promesse de bonheur : Dieu va veiller lui-même sur ses brebis à l’avenir. Il se fera lui-même leur berger. Ce qui implique à la fois sollicitude et fermeté : un berger sérieux, digne de ce nom, doit déployer ces deux qualités : c’est avec le même bâton, son bâton de marcheur, qu’il guide et rassemble les brebis qui ont du mal à suivre, mais aussi qu’il éloigne les indésirables, qu’il sépare les brebis des boucs… et qu’il chasse les bêtes sauvages qui menacent le troupeau1.
Quand Ezékiel présente Dieu comme le bon berger dont rêve le peuple, il y a une pointe contre les rois qui ont régné sur Israël jusqu’à l’Exil à Babylone. Normalement, en Israël, à cause de l’Alliance, c’est Dieu lui-même et lui seul qui est le roi de son peuple ; et les rois de la terre ne sont là que pour faire régner la justice de Dieu. Dès le début de la royauté, avec le premier roi, Saül, puis avec David, les prophètes rappellent au roi sa mission : une mission de service uniquement. Et pour exercer cette mission, le roi reçoit l’onction d’huile, qui est le signe que désormais il est inspiré directement par Dieu lui-même ; on dit que l’esprit de Dieu fond sur lui.
Malheureusement, le roi reste libre, bien sûr, de ne pas écouter l’inspiration divine : les rois ne se sont pas privés de cette liberté, malgré toutes leurs belles promesses. Ils ont oublié qu’il n’étaient que les lieutenants de Dieu (au sens étymologique de ce mot « tenant lieu »)… Les uns après les autres, ils ont failli à leur mission. Au lieu de veiller sur leur troupeau, ils se sont préoccupés d’eux-mêmes, de leur richesse, de leurs honneurs, de leur grandeur ; et au lieu de faire régner la justice dans le pays, ils ont laissé s’installer l’injustice au profit de l’opulence des uns, au risque de la misère des autres. Les brebis ont presque toutes été dispersées en ces jours « de nuages et de sombres nuées. » Et ce jour d’obscurité semble ne jamais devoir finir. Le peuple a-t-il encore un avenir ?
En Exil à Babylone, on a tout loisir pour méditer sur le passé et sur les fautes des rois successifs, des mauvais bergers d’Israël, sans quoi on n’en serait pas là.
LE MESSIE, QUAND IL VIENDRA, SERA COMME UN BON BERGER
Ce qui est surprenant ici, c’est que quand Ezékiel écrit, il n’y a plus de roi (le dernier roi est mort en exil) ; alors Ezékiel explique : Dieu a jugé les mauvais rois, il leur a enlevé la charge du troupeau ; et c’est lui-même, désormais, qui va reprendre la direction des opérations : « C’est moi qui ferai paître mon troupeau ». Bien sûr, le peuple aura encore besoin de gouvernants, mais désormais ils se comporteront en serviteurs, Dieu veillera à ce qu’ils soient de bons bergers.
Soyons francs, le vrai roi – bon berger annoncé ici par Ezékiel – n’est pas venu plus après qu’avant ; alors, parce que là-bas, on avait la foi, on a continué d’espérer ; un jour, sûrement, il viendra, ce roi idéal, celui qu’on appelle le Messie, qui doit siéger sur le trône de David ; depuis cette promesse d’Ezékiel, on l’imagine sous les traits d’un berger portant sur ses épaules la brebis malade.
——
Note 1- Par exemple, écoutez David raconter son expérience de berger au roi Saül, il lui dit : « J’étais berger chez mon père. S’il venait un lion, et même un ours, pour enlever une brebis du troupeau, je partais à sa poursuite, je le frappais et la lui arrachais de la gueule. Quand il m’attaquait, je le saisissais par les poils et je le frappais à mort » (1 S 17,34-35). Et il continue « Tu vois, j’ai su frapper des lions et des ours, je ferai bien mon affaire du géant Goliath ». Dans son idée, un chef de guerre doit avoir les mêmes qualités qu’un berger.
On dit même que, primitivement, le sceptre des rois était un bâton de berger. Vers 1750 av.J.C., le fameux roi de Babylone, Hamourabi se comparait déjà à un berger et disait « Je suis le berger qui sauve et dont le sceptre est juste ».
Complément
Espérons que, du haut du ciel, le prophète Samuel a le triomphe modeste ! Il aurait beau jeu de dire « Je vous l’avais bien dit » ; quand les Anciens d’Israël étaient venus le trouver pour lui demander de leur nommer un roi, puisque les peuples voisins avaient chacun le leur, Samuel les avait bien prévenus ; Ah, vous voulez un roi, moi, je vais vous dire ce qui vous attend ; et il leur avait dressé un portrait peu engageant : « Voici comment gouvernera le roi qui régnera sur vous : il prendra vos fils pour les affecter à ses chars et à sa cavalerie et ils courront devant son char. Il les prendra pour s’en faire des chefs de millier et des chefs de cinquantaine, pour labourer son labour, pour moissonner sa moisson, pour fabriquer ses armes et ses harnais. Il prendra vos filles comme parfumeuses, cuisinières et boulangères. Il prendra vos champs, vos vignes et vos oliviers les meilleurs. Il les prendra et les donnera à ses serviteurs. Il lèvera la dîme sur vos grains et sur vos vignes et la donnera à ses eunuques et à ses serviteurs. Il prendra vos serviteurs et vos servantes, les meilleurs de vos jeunes gens et vos ânes pour les mettre à son service. Il lèvera la dîme sur vos troupeaux. Vous-mêmes enfin, vous deviendrez ses esclaves. Ce jour-là, vous crierez à cause de ce roi que vous vous serez choisi… » (1 S 8,11-18). On est loin de l’idéal du berger, mais tout près de la réalité.
Samuel était donc très réticent à l’idée de donner un roi au peuple d’Israël (et l’avenir lui a donné largement raison !)

PSAUME – 22 ( 23 )

1 Le SEIGNEUR est mon berger :
je ne manque de rien.
2 Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles
3 et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.
4 Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi,
ton bâton me guide et me rassure.
5 Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.
6 Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du SEIGNEUR
pour la durée de mes jours.

On croirait que le compositeur du psaume 22/23 était un paroissien d’Ezékiel ! Un paroissien qui a bien compris le sermon avant d’écrire ce chant de la brebis à son berger… ou plus exactement du troupeau à son berger. Parce que, comme toujours, celui qui parle dans ce psaume, c’est le peuple d’Israël tout entier. Israël qui se reconnaît comme le peuple de Dieu, le troupeau de Dieu.
DIEU, LE BERGER DE SON PEUPLE
Aujourd’hui, nous ne trouvons peut-être pas très flatteur le terme de troupeau ! Mais il faut nous replacer dans le contexte biblique : à l’époque le troupeau était peut-être la seule richesse ; il n’y a qu’à voir comment le livre de Job décrit l’opulence puis la déchéance de son héros. Cela se chiffre en nombre d’enfants, d’abord, en nombre de bêtes tout de suite après. « Il était une fois, au pays de Ouç, un homme appelé Job. Cet homme, intègre et droit, craignait Dieu et s’écartait du mal. Sept fils et trois filles lui étaient nés. Il avait un troupeau de sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, et il possédait un grand nombre de serviteurs. Cet homme était le plus riche de tous les fils de l’Orient. » Et quand on vient annoncer à Job tous les malheurs qui s’abattent sur lui, cela concerne ses enfants et ses troupeaux. Déjà d’Abraham on disait : « Abraham était extrêmement riche en troupeaux, en argent et en or. » (Gn 13,2).
Mais alors, si les troupeaux sont considérés comme une richesse, nous pouvons oser penser que Dieu nous considère comme une de ses richesses. Ce qui est quand même une belle audace sur le plan théologique ! En écho, le livre des Proverbes dit que la Sagesse de Dieu « trouve ses délices avec les fils des hommes » (Pr 8,31).
Pour revenir à notre psaume d’aujourd’hui, il décline l’amour de Dieu pour son peuple dans le vocabulaire du berger : « Le SEIGNEUR est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles… » Le verbe « mener » est ce qui caractérise le mieux un berger digne de ce nom. A plusieurs reprises, Ezékiel, pendant l’Exil à Babylone, se plaint des bergers d’Israël (entendez les rois), qui, justement, n’ont pas « mené » le peuple, parce qu’ils étaient avant tout préoccupés de leur intérêt personnel.
Par exemple : « Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ?… Elles se sont dispersées, faute de berger, pour devenir la proie de toutes les bêtes sauvages (entendez les nations étrangères, et en particulier Babylone). Mon troupeau s’égare sur toutes les montagnes et toutes les collines élevées1 ; mes brebis sont dispersées dans tout le pays, personne ne les cherche, personne ne part à leur recherche. » (Ez 34,2.5-6). Quand le prophète parle de dispersion, il vise toutes les infidélités à l’Alliance, toutes les idolâtries, tous les cultes qui se sont instaurés partout dans le pays pourtant consacré au Dieu unique ; ce sont autant de fausses pistes qui ont entraîné le malheur actuel du peuple.
Dans le psaume, la phrase « Il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son Nom » vise exactement la même chose : en langage biblique, le « chemin » signifie toujours la vie dans l’Alliance avec le Dieu unique, c’est-à-dire l’abandon résolu de toute idolâtrie ; or l’histoire montre que ce n’est jamais gagné et qu’à toute époque l’idolâtrie a été le combat incessant de tous les prophètes ; soit-dit en passant, ils auraient peut-être tout autant à faire aujourd’hui ; une idole, ce n’est pas uniquement une statue de bois ou de plâtre… c’est tout ce qui risque d’accaparer nos pensées au point d’entamer notre liberté. Que ce soit une personne, un bien convoité, ou une idée, Dieu veut nous en délivrer, non pas pour faire de nous ses esclaves, mais pour faire de nous des hommes libres ; c’est cela « l’honneur de son Nom » (verset 3) : le Dieu libérateur veut l’homme libre.
Pour libérer définitivement l’humanité de toutes ces fausses pistes, Dieu a envoyé son Fils ; et désormais, les Chrétiens ont en tête la phrase de Jésus dans l’évangile de Jean : « Je suis le Bon Pasteur, je donne ma vie pour mes brebis. » (Jn 10). Il donne sa vie, au sens vrai du terme. Si bien que nous pouvons chanter à notre tour : « Toi, Seigneur, tu es mon berger…Tu es avec moi, ta croix (ton bâton) me guide et me rassure. »
LE PSAUME 22 DEVENU FETE DU BAPTEME
Au début de l’Eglise, ce psaume était devenu naturellement le psaume spécial de la liturgie du Baptême  ; les baptisés (je parle au pluriel parce que les baptêmes étaient toujours célébrés communautairement) émergeant de la cuve baptismale, partaient en procession vers le lieu de la Confirmation et de l’Eucharistie. Et l’évocation des eaux tranquilles, vivifiantes, (pour le Baptême), de la table et de la coupe (pour l’Eucharistie) du parfum (pour la Confirmation) nous rappelle évidemment cette triple liturgie. « Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre… Tu prépares la table pour moi… Ma coupe est débordante… tu répands le parfum sur ma tête… »
Désormais, « grâce et bonheur accompagnent » le baptisé puisque, comme le Christ nous l’a promis, il est avec nous « tous les jours jusqu’à la fin du monde ».
——
Note
1 – « Les collines élevées » : c’est une allusion à l’idolâtrie, véritable perdition. Car les lieux de culte aux idoles étaient toujours placés sur les sommets.

DEUXIEME LECTURE –

lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens 15, 20-26. 28

Frères,
20 le Christ est ressuscité d’entre les morts,
lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
21 Car, la mort étant venue par un homme,
c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts.
22 En effet, de même que tous les hommes
meurent en Adam,
de même c’est dans le Christ
que tous recevront la vie,
23 mais chacun à son rang :
en premier, le Christ,
et ensuite, lors du retour du Christ,
ceux qui lui appartiennent.
24 Alors, tout sera achevé,
quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père,
après avoir anéanti, parmi les êtres célestes,
toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance.
25 Car c’est lui qui doit régner
jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis.
26 Et le dernier ennemi qui sera anéanti,
c’est la mort.
28 Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils,
lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père
qui lui aura tout soumis,
et ainsi, Dieu sera tout en tous.

LES FORCES DU MAL NE L’EMPORTERONT PAS
Le Ressuscité est apparu un jour à Saül de Tarse en route vers Damas ; ce jour-là, la Royauté du Christ s’est imposée à lui comme une évidence ! Désormais, cette certitude habitera toutes ses paroles, toutes ses pensées. Car, pour lui, il n’y avait plus de doute possible : Jésus-Christ, vainqueur de la mort, l’est également de toutes les forces du mal.
Et la conviction de Paul, sa foi (qui est donc aussi la nôtre), c’est que le Royaume du Christ grandit irrésistiblement jusqu’à ce que tout soit « achevé », c’est le mot qu’il emploie ici ; « Tout sera achevé quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu le Père… » Toute l’histoire de l’humanité s’inscrit dans cette perspective : perspective exaltante pour les croyants qui constatent au jour le jour la victoire de l’amour et du pardon sur la haine, de la vie sur la mort.
La mort exemplaire et la Résurrection   du Christ étaient aux yeux des apôtres le plus beau signe que ce Royaume était en train de naître ; que les forces du mal ne l’emporteront pas, comme l’a dit Jésus à Pierre, qu’elles sont déjà vaincues, comme il l’a dit encore, c’est dans l’évangile de Jean, cette fois : « Courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jn 16,33).
Il nous reste à choisir notre camp, si j’ose dire : être du côté du Christ, faire avancer le projet… ou non. Et là Paul oppose deux attitudes, celle d’Adam, celle du Christ. C’est un parallèle que Paul développe souvent, mais cela reste probablement pour nous le passage le plus difficile de ce texte ; en fait, Paul reprend ici un thème extrêmement familier aux lecteurs de l’Ancien Testament, celui du choix indispensable, ce qu’on appelait le thème des deux voies (voie au sens de comportement).
IMITER ADAM OU IMITER JESUS-CHRIST ?
Depuis que Paul a rencontré le Christ, tout s’éclaire pour lui. Il sait en quoi consiste le choix : nous conduire à la manière d’Adam ou nous conduire à la manière de Jésus-Christ. Adam, c’est celui qui tourne le dos à Dieu, qui se méfie de Dieu ; le Christ, c’est celui qui fait confiance jusqu’au bout. Quand nous nous conduisons à la manière d’Adam, nous allons vers la mort (spirituelle) ; quand nous nous conduisons à la manière du Christ nous allons vers la Vie. Rappelons-nous en quoi consiste la manière d’Adam : ce que la Bible affirme au sujet d’Adam, c’est qu’il a contrecarré le projet de Dieu ; vous connaissez le récit de la chute (aux chapitres 2 et 3 du livre de la Genèse) : Dieu « fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal » ; avant la faute, l’arbre de vie n’est pas interdit, il est à la disposition de l’homme ; mais celui-ci est prévenu qu’il ne doit pas manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ; sinon il connaîtra la mort.
Effectivement, après la faute, l’accès à l’arbre de vie lui est fermé. Mal conseillé par le serpent qui le poussait à soupçonner le projet de Dieu, Adam a mangé le fruit de l’arbre de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux et il a connu le malheur et la mort.
LA MORT APRES LA FAUTE
De quelle mort s’agit-il après la faute ? Peut-être le mystère de l’Assomption de Marie peut-il nous aider à entrevoir un peu le projet de Dieu quand l’homme ne l’entrave pas. Marie est pleinement humaine, mais elle n’a jamais agi à la manière d’Adam ; elle connaît le destin que tout homme aurait dû connaître s’il n’y avait pas eu la chute ; or elle a connu, comme tout homme, toute femme, le vieillissement ; et un jour, elle a quitté la vie terrestre, elle a quitté ce monde, tel que nous le connaissons ; elle s’est endormie pour entrer dans un autre mode de vie auprès de Dieu. On parle de la « Dormition » de la Vierge.
Pour nous, frères d’Adam, il ne s’agit pas seulement de « dormition » comme la Vierge, mais de mort ; Saint Paul dit bien ici, dans sa lettre aux Corinthiens : « la mort est venue par un homme… C’est en Adam que meurent tous les hommes. » Dans la lettre aux Romains, il dit : « Par un seul homme le péché (on pourrait dire le soupçon) est entré dans le monde, et par le péché la mort… » (Rm 5,12).
On peut donc affirmer deux choses : Premièrement, notre corps n’a jamais été programmé pour durer tel quel éternellement sur cette terre, et nous pouvons en avoir une idée en regardant Marie ; elle, la toute pure, pleine de grâce, s’est endormie.
Deuxièmement, Adam a contrecarré le projet de Dieu et la transformation corporelle que nous aurions dû connaître, la « dormition » est devenue mort, avec son cortège de souffrance et de laideur. La mort, telle que nous la connaissons, si douloureusement, est entrée dans le monde par le fait de l’humanité elle-même.
Mais là où nous avons introduit les forces de mort, Dieu peut redonner la vie ; Jésus a été tué par la haine des hommes, mais Dieu l’a ressuscité ; lui, le premier ressuscité, il nous fait entrer dans la vraie vie, celle où règne l’amour. Il a accepté de subir le pouvoir de haine et de mort des hommes et il ne leur a opposé que douceur et pardon ; là où la faute a abondé, son amour a surabondé, comme dit Paul. Par lui, désormais, Dieu donne à l’humanité tout entière son Esprit d’amour… C’est cela que Jésus est venu faire parmi nous ; il est venu nous rendre la vie et nous apprendre à la donner : « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » (Jn 10,10). Car nous sommes faits pour la vie.
——
Compléments
– Le vocabulaire de Paul est nettement moins imagé que celui d’Ezékiel ou du psaume 22/23, qui sont nos deux premières lectures de ce dimanche, mais le thème est le même. Ezékiel (dans la première lecture) parle de Dieu et nous dit : « Dieu est avec l’homme comme un berger qui mène ses brebis vers les meilleurs pâturages. » Dans le psaume 22/23, c’est la brebis (entendez le peuple d’Israël) qui parle de son berger et s’émerveille de sa sollicitude : « Il me mène vers les eaux tranquilles… Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer ».
Dans ces deux textes (celui d’Ezékiel et le psaume), l’image du berger était une manière de parler de la royauté, et on ne perdait pas de vue que Dieu seul est véritablement le roi d’Israël. Paul, lui, qui a eu la chance, l’honneur de rencontrer le Christ ressuscité, sait désormais que c’est le Christ qui instaure lentement mais sûrement ce Royaume de Dieu sur la terre. Paul dit bien : « C’est lui (le Christ) en effet qui doit régner… et quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis… »
– Le Ressuscité est, sans hésitation possible, le Messie attendu depuis des siècles. C’est pourquoi, au fil des lettres de Paul, on reconnaît toutes les expressions de l’attente messianique de l’époque. Dans le passage que nous lisons aujourd’hui dans la lettre aux Corinthiens, il y a deux expressions fortes de l’attente d’un Messie-Roi: « Tout sera achevé quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. » (sous-entendu après avoir détruit toutes les puissances du mal. » (verset 24)… « Il doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. » (comme l’avait annoncé le psaume 110/109, verset 28).

EVANGILE – selon saint Matthieu 25, 31-46

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire,
et tous les anges avec lui,
alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ;
il séparera les hommes les uns des autres,
comme le berger sépare les brebis des boucs :
33 il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :
‘Venez, les bénis de mon Père,
recevez en héritage le Royaume
préparé pour vous depuis la fondation du monde.
35 Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ;
j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ;
j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
36 j’étais nu, et vous m’avez habillé ;
j’étais malade, et vous m’avez visité ;
j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’
37 Alors les justes lui répondront :
‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…?
tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ?
tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
38 tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ?
tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
39 tu étais malade ou en prison…
Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’
40 Et le Roi leur répondra :
‘Amen, je vous le dis :
chaque fois que vous l’avez fait
à l’un de ces plus petits de mes frères,
c’est à moi que vous l’avez fait.’
41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche :
‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits,
dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
42 Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ;
j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;
43 j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ;
j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ;
j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’
44 Alors ils répondront, eux aussi :
‘Seigneur, quand t’avons-nous vu
avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison,
sans nous mettre à ton service ?’
45 Il leur répondra :
‘Amen, je vous le dis :
chaque fois que vous ne l’avez pas fait
à l’un de ces plus petits,
c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’
46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel,
et les justes, à la vie éternelle. »

NOTRE HERITAGE
« Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. » Par cette parabole, Jésus nous révèle notre vocation, le projet que Dieu a sur l’humanité en nous créant : nous sommes faits pour être roi. Et il faut écrire « roi » au singulier ; car c’est l’humanité tout entière qui est créée pour être reine ; « Remplissez la terre et dominez-la » dit Dieu à l’homme au commencement du monde. (Gn 1,28). L’idée que nous nous faisons d’un roi, entouré, courtisé, bien logé, bien vêtu, bien nourri… c’est très exactement ce que Jésus revendique pour tout homme.
Le Livre du Deutéronome, déjà, affirmait que si l’on veut vivre l’Alliance avec Dieu, il faut éliminer la pauvreté : « Il n’y aura pas de pauvres parmi vous » (Dt 15,4) au sens de « Vous ne devez pas tolérer qu’il y ait des malheureux et des pauvres parmi vous ». Jésus s’inscrit dans la droite ligne de cet idéal attribué à Moïse.
VENEZ, LES BENIS DE MON PERE
A tous ceux qui auront su avoir des gestes d’amour et de partage le Fils de l’homme dit : « Venez les bénis de mon Père » : ce qui veut dire « vous êtes ses fils, vous lui ressemblez ; vous êtes bien à l’image de ce berger qui prend soin de ses brebis » dont parlait Ezékiel dans la première lecture. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Le jugement porte sur des actes concrets ; curieusement, ce n’est pas l’intention qui compte ! Matthieu avait déjà noté une phrase de Jésus qui allait dans le même sens : « Ce n’est pas en me disant : Seigneur, Seigneur ! qu’on entrera dans le Royaume des cieux ; mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21).
BENIS OU MAUDITS ?
Il reste que ce texte garde un caractère un peu choquant par l’opposition radicale entre les deux catégories d’hommes, les bénis du Père, et les maudits : et d’ailleurs, dans laquelle pourrions-nous être comptés ? Tous, nous avons su, un jour ou l’autre, visiter le malade ou le prisonnier, vêtir celui qui avait froid et nourrir l’affamé… Mais tous aussi, nous avons, un jour ou l’autre, détourné les yeux (ou le porte-monnaie) d’une détresse rencontrée.
Aucun de nous n’oserait se compter parmi « les bénis du Père » ; aucun non plus ne mérite totalement la condamnation radicale ; Dieu, le juste juge, sait cela mieux que nous. Aussi, quand nous rencontrons dans la Bible l’opposition entre les bons et les méchants, les justes et les pécheurs, il faut savoir que ce sont deux attitudes opposées qui sont visées et non pas deux catégories de personnes : il n’est évidemment pas question de séparer l’humanité en deux catégories, les bons et les justes, d’un côté, les méchants et les pécheurs de l’autre ! Nous avons chacun notre face de lumière et notre face de ténèbres.
Si bien que, contrairement aux apparences, ce n’est pas une parabole sur le jugement que Jésus développe ici : c’est beaucoup plus grave et dérangeant : il s’agit du lien entre tout homme et Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Il est saisissant de resituer ce discours de Jésus dans son contexte : d’après Saint Matthieu, cela se passe juste avant la Passion du Christ, c’est-à-dire que ces ultimes paroles de Jésus prennent valeur de testament. Au moment de quitter ce monde, Celui qui nous fait confiance, comme il nous l’a dit dans la parabole des talents, nous confie ce qu’il a de plus précieux au monde : l’humanité.
——
Compléments
– Il faut quand même une belle audace pour célébrer la fête du Christ-Roi ! Confinement oblige, nous serons peut-être privés des cérémonies du couronnement… Mais combien de baptisés le regretteront-ils vraiment ?
– Tous ces derniers dimanches, les évangiles nous proposaient ce que j’appellerais des variations sur la vigilance, sur le mot « veiller » ; ici, une nouvelle variation nous est proposée : « veiller » cela peut vouloir dire « veiller sur ».
LA POINTE DE LA PARABOLE
A y regarder de plus près, en définitive, on l’a vu, ce passage de l’évangile de Matthieu ne nous offre pas une parabole sur le jugement.
– Au passage, nous avons là une définition intéressante de la justice, aux yeux de Dieu : quand nous parlons de justice, nous avons toujours envie de dessiner une balance ; or ce n’est pas du tout dans ces termes-là que Jésus en parle ! Pour lui, être juste, c’est-à-dire être accordé au projet de Dieu, c’est donner à pleines mains à qui est dans le besoin. D’autre part, il n’y a même pas besoin d’en être conscient : « Quand est-ce que nous t’avons vu ? Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? »… Nous qui nous demandons parfois si le salut est réservé à une élite, nous avons ici une réponse : visiblement, Jésus ne se préoccupe ici ni des titres ni de la religion de chacun : « Quand les nations seront rassemblées devant lui, il séparera les hommes les uns des autres… » Ce qui veut dire que des non-Chrétiens auront le Royaume en héritage et peuvent être appelés « les bénis de son Père » ! C’est parmi des hommes de toutes races, de toutes cultures, de toutes religions qu’il se vit déjà au jour le jour quelque chose du Royaume. Nous savons bien que nous n’avons pas le monopole de l’amour, mais il n’est pas mauvais de nous l’entendre dire !

CHRIST ROI, FETE DU CHRIST ROI, HOMELIES, JEAN CHRYSOSTOME (saint ; 344/349-407), LE BON LARRON, LITURGIE, SERMONS

Fête du Christ-Roi : homélie de saint Jean Chrysostome

Sur la Croix, Jésus est Roi, homélie de St Jean Chrysostome

dimas

 

Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne (Lc 23, 42). Le larron n’a pas osé faire cette Prière avant d’avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la Confession!
Il a avoué ses péchés et le Paradis s’est ouvert.
Il a avoué ses péchés et il a eu assez d’assurance pour demander le Royaume après ses brigandages.

Songes-tu à tous les bienfaits que la Croix nous procure? Tu veux connaître le Royaume? Dis-moi: Que vois-tu donc ici qui y ressemble?
Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette Croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume.
Et moi, en le voyant sur la Croix, je le proclame Roi.
Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets? Lui-même l’a dit: Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn 10, 11).
C’est également vrai pour un bon roi: lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc Roi à cause du don qu’il a fait de sa vie. Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

Comprends-tu maintenant comment la Croix est le signe du Royaume? Si tu le veux, voici encore une autre preuve.
Le Christ n’a pas laissé sa Croix sur la Terre, mais il l’a soulevée et emportée avec lui dans le Ciel.
Nous le savons parce qu’il l’aura près de Lui quand il reviendra dans la Gloire. Tout cela pour t’apprendre combien est vénérable la Croix qu’il a appelée sa Gloire.

Lorsque le Fils de l’homme viendra, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat (Mt 24, 29). Il régnera alors une clarté si vive que même les étoiles les plus brillantes seront éclipsées. Les étoiles tomberont du Ciel. Alors paraîtra dans le Ciel le signe du Fils de l’homme (Mt 24, 29-30).

Tu vois quelle est la puissance du signe de la Croix ! Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée.
C’est ainsi que des légions d’Anges et d’Archanges précéderont Le Christ, lorsqu’Il descendra du Ciel.
Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre Roi.

Source: Homélie de Saint Jean Chrysostome (+ 407) 
Homélie sur la Croix et le larron, 1,3-4, PG 49, 403-404. 

ANCIEN TESTAMENT, CHRIST ROI, DEUXIEME LIVRE DE SAMUEL, EVANGILE SELON SAINT LUC, FETE DU CHRIST ROI, FETE LITURGIQUE, LETTRE DE SAINT PAUL AUX COLOSSIENS, NOUVEAU TESTAMENT, PSAUME 121

Fête du Christ-Roi : lectures et commentaires : dimanche 24 noembre 2019

Fête du Christ-Roi : dimanche 24 novembre 2019.

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Commentaires du dimanche 24 novembre

 

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

 

PREMIERE LECTURE – deuxième livre de Samuel 5,1-3

En ces jours-là,
Toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron
et lui dirent :
« Nous sommes de tes os et de ta chair.
Dans le passé, déjà, quand Saül était notre roi,
C’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais
et le SEIGNEUR t’a dit :
Tu seras le berger d’Israël mon peuple,
tu seras le chef d’Israël. »
Ainsi, tous les anciens d’Israël
vinrent trouver le roi à Hébron.
Le roi David fit alliance avec eux,
à Hébron, devant le SEIGNEUR.
Ils donnèrent l’onction à David
pour le faire roi sur Israël.

Un mot sur la ville d’Hébron d’abord : on l’appelle aussi Qiryat-Arba ; c’est une ville des montagnes de Judée ; elle se trouve à 1000 m d’altitude, à environ quarante kilomètres au Sud de Jérusalem. Elle est très importante encore aujourd’hui pour les croyants des trois religions parce que c’est là qu’Abraham a acheté un tombeau pour Sara, à la caverne de Makpéla. Et donc c’est là, à Hébron, que reposent plusieurs des patriarches (des ancêtres du peuple élu, si vous préférez) : Abraham et Sara, Isaac et Rébecca, Jacob et sa première femme, Léa et enfin Joseph, dont le corps a été ramené d’Egypte jusque-là.
Un peu d’histoire maintenant, pour comprendre le texte d’aujourd’hui : le texte est un peu compliqué à première vue parce que David est appelé roi et en même temps on voit les anciens d’Israël qui viennent le trouver à Hébron pour lui demander de devenir leur roi : en fait, David est déjà reconnu comme roi par une partie du peuple, mais une partie seulement. Et ce jour-là, à Hébron, il est devenu le roi de l’ensemble des douze tribus.
Alors, comment en est-on arrivés là ? On se souvient que les fils d’Israël sont entrés sur leur terre vers 1200 av. J.C., après la mort de Moïse. Pendant un peu plus d’un siècle, les douze tribus ont vécu indépendantes ; pas complètement tout de même parce qu’elles gardaient entre elles un lien très fort : celui de leur histoire commune, et surtout la reconnaissance du même Dieu qui les avait fait « monter d’Egypte », comme on disait. Pendant la période qu’on appelle des « Juges », quand un danger menaçait une tribu, un chef temporaire, qu’on appelait un « juge », prenait la direction des opérations jusqu’à ce que le danger soit écarté. Les « juges » en question assuraient les fonctions de gouverneur, parfois même de prophète ; c’était le cas de Samuel justement, celui dont le livre que nous lisons aujourd’hui porte le nom.
Mais il n’était pas question d’avoir un roi, les tribus n’étaient pas assez unies pour cela et puis Dieu seul était le roi d’Israël. Mais peu à peu, une idée de fédération est née et l’envie les a pris d’avoir un roi, comme tous les autres peuples. Au moment où il a fallu songer à assurer la succession de Samuel lui-même qui semble avoir acquis une très large autorité, la question s’est reposée et ils ont demandé à Samuel de choisir un roi pour lui succéder. Samuel a très mal pris la chose parce qu’il y voyait un acte d’insoumission envers Dieu, mais rien n’y a fait.
Samuel a tout fait pour les dissuader (pour s’en convaincre, il suffit de relire le chapitre 8 du premier livre de Samuel), mais il a eu beau parler, il a bien fallu en arriver là. Ce premier roi d’Israël fut Saül. Il a régné une vingtaine d’années, environ de 1030 à 1010 av. J. C. Après un début glorieux, la fin de son règne est triste, il perd peu à peu la raison, il désobéit aux ordres du prophète Samuel : de son vivant il est désavoué et Samuel, sur ordre de Dieu, choisit déjà David, le petit berger de Bethléem pour être son successeur. David a donc reçu l’onction d’huile une première fois de la main de Samuel, à Bethléem ; mais il n’est pas roi pour autant : dans un premier temps, c’est encore Saül le roi en titre. On connaît la suite : David, dont on sait les talents de musicien, est appelé au service de Saül pour le distraire ; puis, peu à peu, ses attributions augmentent quand on découvre ses talents de chef de guerre. De plus, il conquiert l’affection de tous et, en particulier, noue une grande amitié avec Jonathan, le fils de Saül.
Le roi décline, un jeune à qui tout réussit est entré à la cour : cela ne peut que mal tourner ; Saül devient mortellement jaloux et cherche à plusieurs reprises à se débarrasser de ce rival : David, lui, reste toujours d’une parfaite loyauté à son roi, parce qu’il respecte en lui le roi choisi par Dieu.
Après la mort de Saül, il y a une querelle de succession : le pays se divise en deux : David est reconnu comme roi, mais seulement par une partie du peuple, la tribu de Juda, dans le Sud, dont il est originaire. Il règne à Hébron. Au Nord, en revanche, c’est encore un fils de Saül qui règnera quelque temps, sept ans et demi, nous dit la Bible : après des quantités d’intrigues, de complots, de meurtres dans le royaume du Nord, le fils de Saül est assassiné et c’est à ce moment-là que les tribus du Nord, privées de roi, se tournent vers David. Avec le texte d’aujourd’hui, nous assistons donc à la scène du ralliement des tribus du Nord : « Toutes les tribus d’Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : Nous sommes de tes os et de ta chair ! Dans le passé, déjà, quand Saül était notre roi, c’est toi qui menais Israël en campagne et le ramenais… Et le SEIGNEUR t’a dit : Tu seras le berger d’Israël mon peuple… Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le SEIGNEUR. Ils donnèrent l’onction à David pour le faire roi sur Israël ».
Voilà donc les douze tribus enfin réunies sous la houlette d’un unique pasteur, à la fois choisi par Dieu et reconnu par ses frères comme un des leurs. Sa désignation par Dieu est manifestée par l’onction qui lui est faite avec l’huile sainte et désormais il porte le titre de « Messie » qui veut dire justement le « frotté d’huile ». Cette onction d’huile est le signe que Dieu l’a choisi et que l’Esprit de Dieu est avec lui ; et c’est Dieu qui lui a fixé sa tâche : être un pasteur, un berger pour son peuple. Bel idéal pour un roi !
On sait bien ce qu’il en est ! Cet idéal d’un roi, à la fois issu de son peuple et choisi par Dieu, qui soit un pasteur uniquement préoccupé d’offrir à son troupeau l’unité et la sécurité, restera malheureusement tout au long de l’histoire d’Israël un rêve. Mais la foi dans les promesses de Dieu l’emportera toujours sur les déceptions de l’histoire : on continuera d’attendre celui qui porterait dignement le nom de Messie. En grec, la traduction du mot « Messie », c’est le mot « Christos », Christ… Mille ans après David, un de ses lointains descendants qu’on appellera souvent « Fils de David » inaugurera enfin ce règne définitif : il dira de lui-même « Je suis le bon pasteur ».

 

PSAUME – 121 (122), 1-2, 3-4, 5-6

Quelle joie quand on m’a dit :
« Nous irons à la maison du SEIGNEUR ! »
2 Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem !

3 Jérusalem, te voici dans tes murs ! Ville où tout ensemble ne fait qu’un !
4 C’est là que montent les tribus, les tribus du SEIGNEUR, là qu’Israël doit rendre grâce au nom du SEIGNEUR.

5 C’est là le siège du droit, le siège de la maison de David.
6 Appelez le bonheur sur Jérusalem :
Paix à ceux qui t’aiment ! »

« Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! » C’est un pèlerin qui parle : son groupe vient d’arriver aux portes de la ville sainte, enfin ! Nous sommes après l’Exil à Babylone : le Temple détruit, dévasté, profané par les troupes de Nabuchodonosor en 587 av.J.C., a été reconstruit vers 515 av.J.C. La ville aussi a été rebâtie : notre pèlerin constate avec joie : « Jérusalem, te voici dans tes murs ! » Et il continue « ville où tout ensemble ne fait qu’un » ; il parle de l’assemblage des constructions, bien sûr ; mais aussi de l’unité du peuple autour de cette ville où l’on s’assemble pour renouveler l’Alliance avec Dieu. Une promesse commune, un destin commun maintiennent ce peuple dans l’unité.
Et si Dieu a ordonné de venir régulièrement en pèlerinage à Jérusalem, c’est pour maintenir justement l’unité du peuple dans la ferveur et la joie de l’Alliance. Car ce pèlerinage, comme tous les autres, obéit à un ordre de Dieu : « C’est là que montent les tribus, les tribus du SEIGNEUR, c’est là qu’Israël doit rendre grâce au nom du SEIGNEUR ». Le mot « tribus » est un rappel de l’Exode ; le mot « monter » également : Jérusalem est située sur la hauteur, il faut y monter, c’est vrai ; mais le mot « monter » est aussi une allusion à la libération d’Egypte : quand on parle de cette libération, on dit « Dieu nous a fait monter du pays d’Egypte ».
Désormais on monte à Jérusalem en pèlerinage : et on « monte » vraiment : le pèlerinage se fait à pied, parfois de très loin, dans la fatigue, la chaleur, la soif, mais aussi la ferveur du coude à coude et des difficultés surmontées ensemble ; (nos parcours en autocar, de Jéricho à Jérusalem, par exemple, ne peuvent pas assurer, de la même manière cette cohésion du groupe et cette ferveur commune). Quand le pèlerin de notre psaume s’exclame « Maintenant, notre marche prend fin ! », il exprime tout à la fois l’émerveillement devant le spectacle de la ville et le soulagement d’être arrivés, enfin !… Donc, on monte à Jérusalem, comme les tribus sont montées du pays d’Egypte, sous la conduite de Moïse, puis de Josué, grâce à la protection du Dieu libérateur. Dans le verset : « C’est là que montent les tribus, les tribus du SEIGNEUR », l’expression « tribus du SEIGNEUR », elle aussi, est un rappel de l’Alliance, au moins pour deux raisons : d’abord l’emploi du nom « SEIGNEUR » : c’est le fameux Nom révélé à Moïse dans le buisson ardent ; quant à la préposition « du » (« les tribus du SEIGNEUR »), elle dit l’appartenance qui est justement caractéristique de l’Alliance : l’une des formules de l’Alliance, on pourrait presque dire sa devise, était « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ».
Et si l’on monte à Jérusalem, chaque année pour la fête des Tentes, c’est pour se retremper dans la ferveur de l’Alliance au cours des multiples célébrations qui en déploieront tous les aspects. Mais le point commun de toutes ces célébrations, ce sera l’action de grâce au Dieu d’Israël pour son Alliance et sa fidélité. « C’est là que montent les tribus, les tribus du SEIGNEUR, c’est là qu’Israël doit rendre grâce au nom du SEIGNEUR. » « Rendre grâce au nom du SEIGNEUR » c’est précisément la vocation d’Israël ; tant que l’humanité tout entière n’aura pas reconnu son Seigneur, c’est le rôle d’Israël au milieu des nations d’être le peuple de l’action de grâce. En même temps, on donne l’exemple, en quelque sorte, en attendant le jour béni où toutes les nations seront ici rassemblées. Il faut relire le magnifique texte d’Isaïe où Israël et les nations sont évoqués tour à tour : manière de montrer à quel point le destin d’Israël et celui des nations sont imbriqués ; si Israël a été choisi, ce n’est pas pour son bénéfice propre, c’est pour être au milieu du monde le témoin de Dieu : « Il arrivera dans l’avenir que la montagne de la Maison du SEIGNEUR sera établie au sommet des montagnes et dominera sur les collines. Toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux se mettront en marche et diront : Venez à la montagne du SEIGNEUR, à la Maison du Dieu de Jacob. Il nous montrera ses chemins et nous marcherons sur ses routes. Oui, c’est de Sion que vient l’instruction, et de Jérusalem la parole du SEIGNEUR. » (Is 2,2-3) 1.
« C’est là le siège du droit, le siège de la maison de David » : toute l’espérance attachée à la famille de David est redite là ; on se souvient de la promesse faite à David par le prophète Natan : « Lorsque tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta descendance après toi, celui qui sera issu de toi-même et j’établirai fermement sa royauté… » (2 S 7,12). Depuis cette promesse, on attend le roi idéal qui gouvernera selon le coeur de Dieu, c’est-à-dire selon le droit et la justice. Quand ce psaume est chanté après l’Exil à Babylone, il n’y a plus de roi sur le trône de David, mais la promesse demeure car Dieu ne peut se renier lui-même, comme dira Saint Paul ; et si on rappelle solennellement cette promesse dans les célébrations, c’est pour raviver l’espérance : le jour de Dieu viendra ; ce jour-là, il y aura de nouveau un roi sur le trône de David, un roi juste…
Un roi qui permettra enfin à Jérusalem d’accomplir sa vocation : « ville de la paix ». Car le souhait adressé à Jérusalem « Que la paix règne dans tes murs ! » n’est pas seulement un voeu pieux, une phrase gentille comme on peut s’en dire en se retrouvant. C’est le cri du coeur : le peuple d’Israël sait qu’il a vocation à être déjà sur cette terre le témoin de la paix que seul Dieu peut donner. Des siècles plus tard, nous fêtons celui qui a inauguré le règne tant espéré par des générations de pèlerins de la ville sainte : « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix », comme le dit la superbe préface de la fête du Christ-Roi. C’est déjà cette espérance qui soulève les pèlerins, dès le début du pèlerinage : « Quelle joie quand on m’a dit : Nous irons à la maison du SEIGNEUR ».

Note
1 – Ce sera notre première lecture du premier dimanche de l’Avent de l’année A, dimanche prochain !

 

DEUXIEME LECTURE – lettre de Saint Paul aux Colossiens 1,12-20

Frères,
12 rendez grâce à Dieu le Père
qui vous a rendus capables
d’avoir part à l’héritage des saints
dans la lumière.
13 Nous arrachant au pouvoir des ténèbres,
il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé,
14 en lui nous avons la rédemption,
le pardon des péchés.
15 Il est l’image du Dieu invisible,
le premier-né, avant toute créature,
16 en lui, tout fut créé
dans le ciel et sur la terre.
Les êtres visibles et invisibles,
Puissances, Principautés,
Souverainetés, Dominations,
tout est créé par lui et pour lui.
17 Il est avant toute chose,
et tout subsiste en lui.
18 Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Eglise :
c’est lui le commencement,
le premier-né d’entre les morts,
afin qu’il ait en tout la primauté.
19 Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude
et que tout, par le Christ,
20 lui soit enfin réconcilié,
faisant la paix par le sang de sa Croix,
la paix pour tous les êtres
sur la terre et dans le ciel.

Ce texte est à la fois magnifique et terriblement difficile ; mais nous pressentons bien qu’il va très loin dans la contemplation du mystère de notre foi : il résonne comme un credo, une synthèse du mystère du Christ tel que Paul et les premiers Chrétiens1 ont pu le découvrir. On a là une grande fresque du projet de Dieu et l’affirmation que cette oeuvre de Dieu est accomplie en Jésus-Christ. Tout a été créé en lui ET tout a été recréé, réconcilié en lui. Jésus-Christ est vraiment le centre du monde et de l’histoire.
D’abord une remarque, tout ce qui est dit du projet de Dieu est dit au passé : « Il vous a rendus capables… Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres… Il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé »… et à la fin du texte : « Dieu a voulu que dans le Christ, toute chose ait son accomplissement total… Dieu a voulu tout réconcilier par lui et pour lui… » Manière de dire que ce projet de Dieu est conçu de toute éternité.
En revanche, tout ce qui concerne le Christ est dit au présent : « En lui nous sommes rachetés, en lui nous sommes pardonnés… Il est l’image du Dieu invisible, Il est avant tous les êtres… Il est la tête du corps qui est l’Eglise… Il est le commencement, le premier-né d’entre les morts »… Ce mystère du Christ se déploie en chacun de nous tout au long de notre histoire humaine.
« Il est l’image du Dieu invisible » : c’est peut-être la clé de la pensée de Paul : à la première Création, Dieu a fait l’homme à son image et à sa ressemblance ; la vocation de tout homme, c’est d’être l’image de Dieu. Or le Christ est l’exemplaire parfait, si l’on ose dire, il est véritablement l’homme à l’image de Dieu : en contemplant le Christ, nous contemplons l’homme, tel que Dieu l’a voulu. « Voici l’homme » (Ecce homo) dit Pilate à la foule, sans se douter de la profondeur de cette déclaration !
Mais, en Jésus, nous contemplons également Dieu lui-même : dans l’expression « image du Dieu invisible » appliquée à Jésus-Christ, il ne faudrait pas minimiser le mot « image » : il faut l’entendre au sens fort ; en Jésus-Christ, Dieu se donne à voir ; ou pour le dire autrement, Jésus est la visibilité du Père : « Qui m’a vu a vu le Père » dira-t-il lui-même à Philippe (dans l’évangile de Jean : Jn 14,9). Un peu plus bas dans cette même lettre, Paul dit encore : « En Christ habite toute la plénitude de la divinité » (Col 2,9). Il réunit donc en lui la plénitude de la créature et la plénitude de Dieu : il est à la fois homme et Dieu. En contemplant le Christ, nous contemplons l’homme… en contemplant le Christ, nous contemplons Dieu.
Reste à savoir pourquoi le sang de la croix du Christ, comme dit Saint Paul, nous réconcilie avec Dieu. Et là, le problème, semble-t-il, c’est que ce texte peut être lu de deux manières : première manière, mais qui donne de Dieu une idée complètement fausse : Dieu aurait voulu que Jésus souffre beaucoup pour mériter l’effacement de nos péchés… Mais il faut tourner résolument le dos à des explications de ce genre ; on sait bien qu’il ne s’agit pas de payer une dette à Dieu. Deuxième manière de comprendre ce texte, et c’est celle que je vous propose : c’est la haine des hommes qui tue le Christ, mais, par un mystérieux retournement, cette haine est transformée par Dieu en un instrument de réconciliation, de pacification.
A l’échelle humaine, nous avons parfois des exemples de cet ordre : je pense à des hommes comme Itzak Rabin, Martin Luther King, Gandhi, Sadate… Ils ont prêché la paix, l’égalité entre les hommes, et cela leur a coûté la vie ; ils ont été victimes de la haine des hommes ; mais, paradoxalement, leur mort a inauguré un progrès de la paix et de la réconciliation. Un témoignage d’amour et de pardon, qui va parfois jusqu’au sacrifice de sa vie, est un ferment de paix. Parce qu’il nous montre le chemin, il attendrit notre coeur, si nous le voulons bien.
Mais cela ne suffit pas à réconcilier l’humanité tout entière avec Dieu car ils ne sont que des hommes. Jésus, lui, est l’homme – Dieu : il est à la fois le Dieu qui pardonne et l’humanité qui est pardonnée ; ce qui nous réconcilie, c’est que le pardon accordé par le Christ à ses bourreaux, est le pardon même de Dieu. C’est Dieu qui pardonne… par pure miséricorde de sa part. Désormais, nous savons, parce que nous l’avons vu de nos yeux, jusqu’où va l’amour et le pardon de Dieu. C’est pour cela que nous avons des crucifix dans nos maisons. Ajoutons que seul Jésus, parce qu’il est Dieu, peut nous transmettre l’Esprit de Dieu pour que nous devenions capables de pardonner à notre tour.
Comme dit Saint Paul, il a plu à Dieu de nous pardonner à travers Jésus-Christ : « Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » Au jour du Vendredi-Saint sur le Calvaire, celui que nous appelons « le bon larron » fut le premier bénéficiaire de cette réconciliation. (c’est l’évangile de cette fête du Christ-Roi).
Ce n’est pas magique pour autant, on ne le sait que trop : cette Nouvelle Alliance inaugurée en Jésus-Christ est offerte mais nous demeurons libres de ne pas y adhérer ; pour nous, baptisés, elle devrait être un sujet sans cesse renouvelé d’émerveillement et d’action de grâce ; c’est pourquoi Paul commençait sa contemplation par : « Rendez grâce à Dieu le Père qui vous a rendus capables d’avoir part, dans la lumière, à l’héritage du peuple saint ». Il s’adressait à ceux qu’il appelle « les saints », c’est-à-dire les baptisés. L’Eglise, par vocation, c’est le lieu où l’on rend grâce à Dieu. Ne nous étonnons pas que notre réunion hebdomadaire s’appelle « Eucharistie » (littéralement en grec « action de grâce »).

* Personne, aujourd’hui, ne sait dire avec certitude si cette lettre émane de Paul ou d’un de ses très proches disciples.

 

EVANGILE – selon Saint Luc 23,35-43

En ce temps-là,
On venait de crucifier Jésus,
35 et le peuple restait là à observer.
Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient :
« Il en a sauvé d’autres :
qu’il se sauve lui-même,
s’il est le Messie de Dieu, l’Elu ! »
36 Les soldats aussi se moquaient de lui.
S’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée,
37 en disant :
« Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même ! »
38 Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui :
« Celui-ci est le roi des Juifs. »
39 L’un des malfaiteurs suspendus en croix
l’injuriait :
« N’es-tu pas le Christ ?
Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
40 Mais l’autre lui fit de vifs reproches :
« Tu ne crains donc pas Dieu !
Tu es pourtant un condamné, toi aussi !
41 Et puis, pour nous, c’est juste :
après ce que nous avons fait,
nous avons ce que nous méritons.
Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
42 Et il disait :
« Jésus, souviens-toi de moi
quand tu viendras dans ton Royaume. »
43 Jésus lui déclara :
« Amen, je te le dis :
aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

Trois fois retentit la même interpellation à Jésus crucifié : « Si tu es… » ; « Si tu es le Messie » ricanent les chefs… « Si tu es le roi des Juifs », se moquent les soldats romains … « Si tu es le Messie » injurie l’un des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que lui. Au passage, on note que chacun interpelle Jésus à partir de sa situation personnelle : les chefs religieux du peuple juif attendent le Messie, l’Elu de Dieu… et à leurs yeux, il en a bien peu l’air. Les soldats romains, membres de l’armée d’occupation ricanent sur ce prétendu roi, si mal défendu… Quant au malfaiteur, il attend quelqu’un qui le sauve de la mort : lui aussi en appelle au Messie.
Ces trois interpellations ressemblent étrangement au récit des Tentations dans le désert, au début de la vie publique de Jésus (Luc 4) : trois interpellations, là aussi… par le diable cette fois : « Si tu es le Fils de Dieu… » : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »… « Si tu es le Fils de Dieu… jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder »… et la deuxième tentation concernait justement le titre de roi. Le Tentateur lui avait fait voir d’un seul regard tous les royaumes de la terre et lui avait dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m’appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Dans ces deux étapes de la vie du Christ (telle qu’elle est rapportée par saint Luc), la question est au fond la même : quel est le rôle du Messie ? Est-ce un chef politique ou religieux ? Quelqu’un qui a tout pouvoir pour tout arranger ? Un roi tout-puissant ? Si c’est cela, Jésus ne répond évidemment pas à ce schéma : ce condamné, crucifié comme un malfaiteur n’a pas grand chose apparemment d’un roi de l’univers. Il ne répond rien d’ailleurs à ces mises en demeure de montrer enfin son pouvoir.
Dans l’épisode des Tentations, à chacune des provocations du diable, Jésus avait répondu par une phrase de l’Ecriture. « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. »… « Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras. »… « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
L’Ecriture était sa référence pour résister ; et on peut bien penser que, tout au long de sa vie terrestre, chaque fois qu’il a affronté des tentations concernant sa mission de Messie, c’est la référence à l’Ecriture qui lui a permis de tenir le cap.
Sur la Croix, au contraire, Jésus ne répond pas, il ne dit rien tout au long de cette scène de provocations. Et pourtant l’interpellation est de taille : Messie, il l’est et il le sait ; or le Messie est celui qui sauvera le monde : il devrait donc bien se sauver lui-même ! Cela, c’est notre logique humaine, c’est la logique de ses interlocuteurs. Et c’est de cela qu’il meurt : il meurt de n’avoir pas été conforme à leur logique, à leur idée du Messie.
Mais Jésus sait, lui, que Dieu seul sauve ; il attend son propre salut de Dieu seul. D’ailleurs son nom le dit bien : « Jésus » cela veut dire « C’est Dieu qui sauve ». Il n’a donc rien à ajouter, rien à répondre ; il attend dans la confiance ; il sait que Dieu ne l’abandonnera pas à la mort. Les Tentations sont une fois pour toutes surmontées : il est resté fidèle à sa mission, il ne s’est pas dérobé aux conséquences. Le voilà livré totalement aux mains des hommes : que pourrait-il répondre de plus à ses adversaires ? Donc, il se tait !
En revanche, cet épisode des injures est encadré dans l’évangile de Luc par deux paroles de Jésus, deux paroles de pardon : la deuxième, nous venons de l’entendre, c’est la phrase adressée à celui que nous appelons « le bon larron » ; la première est rapportée par Luc juste avant le passage d’aujourd’hui : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Parole humaine et divine à la fois ; puisqu’il est l’homme-Dieu : le pardon accordé par le Christ à ses bourreaux est le pardon même de Dieu. En Jésus, homme et Dieu, c’est Dieu qui pardonne… nous sommes réconciliés, il nous suffit d’accueillir cette réconciliation.
C’est très exactement ce que fait celui qui nous est donné en exemple, le « bon larron » : il reconnaît Jésus comme le Messie, il l’appelle au secours… prière d’humilité et de confiance… Il lui dit « Souviens-toi », ce sont les mots habituels de la prière que l’on adresse à Dieu : à travers Jésus, c’est donc au Père qu’il s’adresse : « Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton règne » ; on a envie de dire « Il a tout compris ». Et Jésus lui répond : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». « Aujourd’hui » : l’attitude de vérité et d’humilité de cet homme qui n’était sûrement pas un enfant de choeur (comme on dit) est la seule condition pour que ce jour soit l’aujourd’hui du salut pour lui.
Au-delà même des Tentations au désert, on se souvient d’un autre homme (Adam), dans un autre jardin, qu’on appelait Eden, le lieu du bonheur, le lieu de délices ; il avait été créé pour être le roi de la création : « Dominez la terre et soumettez-la » ; il était libre mais il n’était pas tout-puissant : il dépendait de Dieu. Mais il a voulu être « comme un dieu ».
« Si tu es le Fils de Dieu » : au fond c’est toujours la même histoire ; Adam s’est trompé : il a cru qu’être fils de Dieu, on le décidait soi-même… il a cru le diable qui disait « vous serez comme des dieux » et il a été chassé du Paradis ; Jésus, au contraire, dont le nom veut dire « C’est Dieu qui sauve », Jésus a attendu le salut de Dieu seul… il nous ouvre les portes du Paradis.

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Fête du Christ Roi

Pourquoi la fête du Christ Roi ?

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« Pourquoi peut-on dire que le Christ est roi ? d’où cela vient-il ? Pourquoi la fête du Christ- Roi pour clore l’année liturgique ?

 

Dire que le Christ est roi, c’est dire que ce sera cela la fin du monde ! Finalement, la période avant la fête du Christ Roi c’est bien toute une attente, et une annonce de ce que sera la fin du projet de Dieu quand enfin il va être accompli ! Effectivement, Christ sera Roi. Je crois que c’est surtout pour nous pousser, pour nous inviter à hâter sa royauté, son royaume.

Quand on dit « que ton règne vienne », c’est bien qu’on souhaite de tout notre coeur que son règne vienne, vraiment. Cela vous paraîtra peut-être bizarre, mais j’aime beaucoup les méthodes « Assimil ». Et je trouve que le Notre Père, c’est comme une méthode « Assimil » de la prière. Tous les jours, vous apprenez la petite méthode « Assimil »! La mienne esr en hébreu ; tous les jours, on apprend trois petits mots de vocabulaire et peu à peu, lentement, humblement, on apprend à penser dans la langue.

 

« Que ton règne vienne »

Et le Notre Père, je me dis que nous apprenons à penser, à parler, dans la langue du Père ! Et je dis « que ton règne vienne ! Que ta volonté soit faite ! Que ton nom soit sanctifié ! » Tout cela, c’est déjà là, dans une certaine mesure. Dieu est roi, bien sûr, et son nom est saint, mais que nous le reconnaissions. Et ma petite méthode « Assimil », elle m’apprend à désirer que cela arrive. Et je pense que c’est cela que Jésus veut faire de nous, des désirants de son royaume. Parce que si nous le désirons, il va arriver plus vite. C’est cela qui est étonnant : Dieu veut nous confier cela. Il veut que nous participions. Si je le veux vraiment, je vais bouger un peu pour cela.

Alors vous me direz il est roi, bien sûr, de droit. Et les psaumes le disent très bien que Dieu est roi sur la création, sur son peuple, par l’alliance ; et qu’un jour il sera roi de l’univers. Mais de fait le royaume de Dieu n’est pas encore là, c’est vrai ; il suffit d’ouvrir la radio ou la télévision. Et pourtant, il est déjà en germe. Je pense que les évangélistes ont beaucoup cherché à nous dire cela : qu’il était déjà là, en germe. Les miracles, c’était déjà le royaume.

 

Est-ce que c’est pour cela que l’évangéliste Marc démarre son évangile de cette manière ?

C’est Marc 1, 15.
 
– Je m’arrête d’abord sur le mot évangile de Dieu. Il faut savoir qu’à l’époque, le mot évangile, tout le monde sait ce que veut dire « bonne nouvelle. Mais il faut savoir qu’en fait c’était toujours la bonne nouvelle de la naissance de l’empereur ou de la venue de l’empereur dans la ville.

Par exemple, quand on va dans les pays de l’empire romain, on voit de magnifiques arcs de triomphe, qui auraient été construits en l’honneur de l’empereur Adrien, dans une ville vers 135 ; il s’en faisait construire partout. Des hérauts disaient : « VGoilà l’évangile : l’empereur va venir ». C’était cela l’évangile, la bonne nouvelle de la venue de l’empereur. Et bien Marc est en train de nous dire : « l’empereur, le roi, Jésus Christ, est en train de venir dans le monde. »
 

– Il proclamait l’évangile de Dieu… C’est-à-dire : « Croyez que le royaume de Dieu est commencé ». Et Jésus, d’un bout à l’autre de l’évangile va donner des signes et des preuves que le Royaume est déjà commencé. Nous n’avons qu’à emboîter le pas et à y rentrer, si nous voulons bien.

Est-ce que cette venue du royaume s’enracine dans la tradition juive ?

L’idée que Dieu est roi est très ancienne, et je la retrouve dans l’histoire des Juges. D’abord Gédéon qui était reconnu comme quelqu’un de très important. Il répond : « Non ! Le vrai roi, c’est Dieu. C’est le Seigneur qui est votre roi. Moi, je ne veux pas être roi ». 

 Et puis un peu plus tard, Samuel, qui est le dernier des Juges, voit arriver près de lui tous les anciens de toutes les tribus. Ils lui disent : « Tu vas nous donner un roi, parce que les peuples, autour de nous, ont des rois ; c’est cela qui fait leur unité et les mène à la victoire. Nous sommes des pauvres petits, qui passons du temps à nous battre, sans grand succès. Alors, tu vas nous donner un roi ». Et Samuel répond : « Pas question, je ne veux pas vous donner de roi. C’est Dieu votre roi. On trouve cela en 1 Samuel 12.

Si certains de vos internautes ont envie de passer une bonne soirée, il faut lire, au 1er livre de Samuel le chapitre 8, le plaidoyer de Samuel contre la royauté. On croirait qu’il l’avait vécue. C’est extraordinaire ! Il leur dit : « Vous allez voir ce qu’est un roi de la terre ! Moi je me contenterais d’un roi du ciel ! « Il a fallu quand même s’y résoudre. Il a consacré un roi. Et Dieu même lui a dit : « Tu vois, ils ne veulent plus de moi pour leur roi. Alors donne leur un roi de la terre ». Alors il va sacrer Saül, puis David, puis Salomon, etc… Mais on va leur imposer de ne jamais oublier que le vrai roi c’est Dieu.

 

Dieu, le seul vrai roi

Et dans le sacre du roi, il y a sans arrêt des rappels disant que le vrai roi, c’est Dieu. Ou bien dans les prescriptions du Deutéronome, au chapitre 17, des prescriptions au roi : le roi devra lire la loi en entier tous les jours pour être sûr de ne pas s’en écarter, la loi de Dieu. Les rois ne sont que des « lieux tenants » c’est-à-dire des « tenants lieux » de Dieu. Ce sont des roitelets, les rois de la terre. Et on ne « loupe » pas une occasion de dire : « Tu n’es roi que par la volonté de Dieu et pour le service du peuple ». 

Par exemple il y a un texte qu’il faut lire, c’est dans le 2 Samuel 7 quand le prophète Nathan vient dire à David que Dieu l’a choisi comme roi, mais que c’est au service du peuple. Mais David, après la visite du prophète, va s’asseoir devant l’Arche, sous la tente, en haut de Jérusalem. Il n’y a pas encore de Temple, et il va dire à Dieu : « Qui suis-je pour que tu m’aies pris comme cela, en pitié, que tu m’aies fait tant confiance ? mais je me rends compte, c’est au service de ton peuple que je suis, et je ne l’oublierai jamais ».

Et le livre du Deutéronome encore disait qu’il faut que le roi soit humble. C’est extraordinaire ! Il y a toute une idéologie royale, tout un idéal en fait, de la royauté au service du peuple qui se reconnaît, on dirait chez nous de droit divin ! Mais, c’est mieux que cela. Ce n’est pas un pouvoir qu’on tient de Dieu, c’est un service, une vocation.

 

La réponse de Marie-Noëlle Thabut, bibliste sur le site Croire.com

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La prière : Que ton règne arrive

TRAITE D’ORIGÉNE SUR LA PRIÈRE

« Que ton règne vienne »

christ

Comme l’a dit notre Seigneur et Sauveur, le règne de Dieu vient sans qu’on puisse le remarquer. On ne dira pas : Le voilà, il est ici, ou bien : Il est là. Car voilà que le règne de Dieu est au-dedans de vous. Et en effet, elle est tout près de nous, cette Parole, elle est dans notre bouche et dans notre cœur. En ce cas, il est évident que celui qui prie pour que vienne le règne de Dieu a raison de prier pour que ce règne de Dieu germe, porte du fruit et s’accomplisse en lui. Chez tous les saints en lesquels Dieu règne et qui obéissent à ses lois spirituelles, il habite comme dans une cité bien organisée. Le Père est présent en lui et le Christ règne avec le Père dans cette âme parfaite, selon sa parole : Nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. ~ Le règne de Dieu qui est en nous, alors que nous progressons toujours, parviendra à sa perfection lorsque la parole l’Apôtre s’accomplira : le Christ, après avoir soumis ses ennemis, remettra son pouvoir royal à Dieu le Père afin que Dieu soit tout en tous.

C’est pourquoi, priant sans cesse et avec des dispositions divinisées par le Verbe, nous disons : Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton Règne vienne.  À propos du règne de Dieu, il faut encore remarquer ceci : comme il n’y a pas d’union entre la justice et l’impiété, entre la lumière et les ténèbres, entre le Christ et Bélial, le règne du péché est inconciliable avec le règne de Dieu. Si donc nous voulons que Dieu règne sur nous, que jamais le péché ne règne dans notre corps mortel. Mais faisons mourir nos membres qui appartiennent à la terre, et portons les fruits de l’Esprit.

Ainsi, comme dans un paradis spirituel, le Seigneur se promènera en nous, régnant seul sur nous, avec son Christ. Celui-ci trônera en nous, à la droite de la puissance spirituelle, que nous désirons recevoir, jusqu’à ce que tous ses ennemis qui sont en nous deviennent l’escabeau de ses pieds, et que soit chassée loin de nous toute principauté, puissance et souveraineté. Tout cela peut arriver en chacun de nous jusqu’à ce que soit détruit le dernier ennemi, la mort, et que le Christ dise en nous : Mort, où est ton dard venimeux ? Enfer, où est ta victoire ? Dès maintenant donc, que ce qui est périssable en nous devienne saint et impérissable ; que ce qui est mortel après la destruction, revête l’immortalité du Père.

Ainsi Dieu régnera sur nous et nous serons déjà dans le bonheur de la nouvelle naissance et de la résurrection.

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LA FETE DU CHRIST ROI

FINS DERNIERESHistoire de la fête du Christ Roi

La solennité du Christ Roi est une fête de dévotion consacrée au Christ pendant le temps ordinaire. Elle a été instituée par le pape Pie XI le le 11 décembre 1925.

Elle fut instituée par le Pape Pie XI le 11 décembre de l’Année sainte 1925, comme une arme spirituelle contre les forces de destruction à l’œuvre dans le monde, qu’il identifiait avec la montée de l’athéisme et de la sécularisation.

 

L’année 1925 était aussi le seizième centenaire du premier concile œcuménique de Nicée, qui avait proclamé l’égalité et l’unité du Père et du Fils, et par là même la souveraineté du Christ.

 Après Vatican II la fête du Christ Roi vient clore le cycle liturgique, chaque année

 La fête du Christ, Roi de l’univers, fut d’abord célébrée le dernier dimanche d’octobre. Plus récemment, elle fut déplacée pour être mise le dernier dimanche de l’année liturgique. C’est un contexte qui lui convient bien, dans la mesure où les lectures bibliques des derniers dimanches de l’année mettent l’accent sur la fin des temps et le terme du pèlerinage de l’Eglise.

 Ce dimanche particulier est devenu une sorte « d’ultime Jour du Seigneur ». Cette fête n’a donné lieu à aucune tradition religieuse particulière, mis à part les célébrations dans le cadre de la liturgie.

Le thème royal pour clore l’année liturgique

 

Dans les évangiles, le thème revient avec les multiples mentions du Royaume, ou du Règne, de Dieu, ou des Cieux. Ainsi, dire que Jésus est Christ, c’est dire qu’il est roi : en effet, christ signifie oint, celui qui a reçu l’onction royale. Avec une majuscule, le Christ est ce « fils de David » attendu pour venir restaurer la royauté en Israël. Pourquoi tant insister sur la figure royale ? Parce que le roi est celui qui dépasse tous les autres, qui a pouvoir sur tout et sur tous. Il est aussi l’agent et le symbole de l’unité du peuple.

 Et affrontés à des nations gouvernées par des rois très puissants, les juifs se rassurent en se référant à un Roi au-dessus de tous les rois. Ce qui n’est sans ambiguïté. Si le Christ est le roi de l’univers, nous, ses disciples, sommes ses collaborateurs comme le dit son Evangile : Jésus nous demande de le proclamer par toute les nations. Que voulons-nous dire exactement quand nous parlons de travailler à la venue du Royaume ?

 Une royauté paradoxale

  Mais la royauté du Christ n’est pas de même nature que les autres. C’est bien pour cela qu’il dit à Pilate que son Royaume n’est pas de ce monde. Non seulement il n’en vient pas, mais il ne l’exerce pas à la manière des autres pouvoirs. La figure royale est figure d’autorité, de puissance. Or, la puissance de Dieu s’exerce par la faiblesse. Au « démon » qui lui propose « tous les royaumes de la terre » et même la domination sur les forces de la nature, Jésus répond en citant la Loi, à laquelle il déclare se soumettre. (Luc 4, par exemple).

 Ainsi, dès le départ, Jésus fait subir à la Royauté attribuée au « Fils de Dieu » un renversement total. Ne dit-il pas qu’être Maître et Seigneur consiste à se faire serviteur ? Il faut dépasser les images de l’Ancien Testament et ce dépassement ne s’opère que dans la figure de Jésus, le maître et seigneur mourant de la mort des esclaves pour enlever le péché du monde, de notre péché. La Royauté du Christ ne ressemble pas aux pouvoirs de ce monde ; la paix qu’il donne n’est pas celle que le monde peut donner

 Au-dessus de toute Puissance et Domination

 Paul reprend à sa manière le thème royal. Il voit Jésus placé, par sa résurrection, au- dessus de toute puissance et domination. « A la droite de Dieu ». Parlant de l’accomplissement final, Paul écrit : « Il (le Christ) remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi détruit, c’est la mort ».

La croix du Christ est vue comme une prise de pouvoir sur tout ce qui nous est contraire, récapitulé dans la mort. Désormais rien ne peut vraiment nous nuire (Romains 8,35-39). Est-ce donc que le Christ n’a aucun pouvoir sur nous ? Il faut revenir à l’évangile : Jésus ne s’impose pas par la force (les gardes du corps et les légion d’Anges sont absents) :  sa puissance est attraction de la vérité. Quelle vérité ? C’est celle de la faiblesse de l’Amour désarmé.

source :Croire.com