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Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

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Pour le chrétien, comprendre l’islam veut dire également comprendre ce que pensent les musulmans de Jésus. Dans cet article, Henri de La Hougue nous introduit aux sources musulmanes les plus importantes sur ce sujet.

Henri de La Hougue, enseignant à l’Institut de science et de théologie des religions (Institut catholique de Paris), 

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Maryam (Marie) et Jésus-Îsâ (ancienne miniature persane).WIKICOMMONS

JESUS ET LE CORAN

La naissance de Jésus

Sourate 19, 16-35 (traduction Blachère)
« Et, dans l’Écriture, mentionne Marie quand elle se retira de sa famille en un lieu oriental et qu’elle disposa un voile en deçà d’eux. Nous lui envoyâmes Notre Esprit et il s’offrit à elle [sous la forme] d’un mortel accompli. « Je me réfugie dans le Bienfaiteur, contre toi », dit [Marie]. « Puisses-tu être pieux! »

– « Je ne suis », répondit-il, « que l’émissaire de ton Seigneur, [venu] pour que je te donne un garçon pur. » – « Comment aurais-je un garçon », demanda-t-elle, « alors que nul mortel ne m’a touchée et que je ne suis point femme? »
– « Ainsi sera-t-il », dit [l’Ange]. « Ton Seigneur a dit: Cela est pour Moi facile et Nous ferons certes de lui un signe pour les gens et une grâce (rahma) [venue] de Nous: c’est affaire décrétée. »
Elle devint enceinte de l’enfant et se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent près du stipe du palmier. « Plût au ciel », s’écria-t-elle, « que je fusse morte avant cet instant et que je fusse totalement oubliée! »
[Mais] l’enfant qui était à ses pieds lui parla: « Ne t’attriste pas! Ton Seigneur a mis à tes pieds un ruisseau. Secoue vers toi le stipe du palmier: tu feras tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange et bois et que ton œil se sèche! Dès que tu verras quelque mortel, dis: « Je voue au Seigneur un jeûne et ne parlerai aujourd’hui à aucun humain! » Elle vint donc aux siens, portant [l’enfant].
– « O Marie! », dirent-ils, « tu as accompli une chose monstrueuse! O sœur d’Aaron! ton père n’était pas un père indigne ni ta mère une prostituée! » Marie fit un signe vers [l’Enfant]. – « Comment », dirent-ils, parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau? »
Mais [l’enfant] dit: « Je suis serviteur d’Allah. Il m’a donné l’Écriture et m’a fait Prophète! Il m’a béni où que je sois et m’a recommandé la Prière et l’Aumône tant que je resterai vivant, ainsi que la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent ni malheureux. Que le salut soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant! »
Celui-là est Jésus fils de Marie. Parole de vérité qu’ils révoquent en doute!
Il n’était pas séant à Allah de prendre quelque enfant.
Gloire à Lui! Quand Il décide quelque chose, Il dit seulement: « Sois! » et elle est. »

On trouve dans cette sourate 19 quelques éléments proches de la foi chrétienne comme :

– l’annonciation
– la venue de l’esprit de Dieu
– la conception virginale de Jésus ainsi que d’autres éléments coraniques, comme le fait que Jésus parle dès sa naissance.

Regardons l’autre grand passage du Qur’ân qui mentionne la conception de Jésus :

Sourate 3, 42-51 (traduction Blachère)

Et [rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’a choisie et purifiée. Il t’a choisie sur [toutes] les femmes de ce monde. O Marie!, sois en oraison devant ton Seigneur! Prosterne-toi et incline-toi avec ceux qui s’inclinent! »
Ceci fait partie des récits (‘anbâ’) de l’Inconnaissable que Nous te révélons car tu n’étais point parmi eux [Prophète!], quand ils jetaient leurs calames [pour savoir] qui d’entre eux se chargerait de Marie; tu n’étais point parmi eux quand ils se disputaient.
[Rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’annonce un Verbe [émanant] de Lui, dont le nom est le Messie, Jésus fils de Marie, [qui sera] illustre dans la [Vie] Immédiate et Dernière et parmi les Proches [du Seigneur]. Il parlera aux Hommes, au berceau, comme un vieillard, et il sera parmi les Saints. »
– « Seigneur! », répondit [Marie], « comment aurais-je un enfant alors que nul mortel ne m’a touchée? »
– « Ainsi », répondit-Il (sic), « Allah crée ce qu’Il veut. Quand Il décrète une affaire, Il dit seulement à son propos: « Sois! » et elle est. » [Allah] lui enseignera l’Écriture, la Sagesse, la Thora et l’Évangile.
« …Et [j’ai été envoyé] comme Apôtre aux Fils d’Israël, disant: « Je viens à vous avec un signe de votre Seigneur. Je vais, pour vous, créer d’argile une manière d’oiseaux; j’y insufflerai [la vie] et ce seront des oiseaux, avec la permission d’Allah. Je guérirai le muet et le lépreux. Je ferai revivre les morts, avec la permission d’Allah. Je vous aviserai de ce que vous mangez et de ce que vous amassez dans vos demeures. En vérité, en cela, est certes un signe pour vous, si vous êtes croyants.
[Je suis envoyé] déclarant véridique ce qui a été donné avant moi, de la Torah, afin de déclarer pour vous licite une partie de ce qui avait été pour vous déclaré illicite. Je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur. Soyez pieux envers Allah et obéissez-moi! Allah est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc! C’est une voie droite. »

La Mission de Jésus :

Jésus succède aux prophètes d’Israël (5,46; 57,27). Il est envoyé aux Fils d’Israël (3,49; 43,59-64; 61,6) pour confirmer la Torah (3,50; 5,46; 61,6); mais il supprime certains interdits (3,50) et annonce Muhammad (61,6).

Ses miracles :

– en général (bayyinât) (2,87; 5,110; 43,63; 61,6)
– en particulier: il parle à sa naissance (19,24-26), au berceau (19,30) et adulte (3,46; 5,110); vivifie l’oiseau, opère des guérisons, ressuscite les morts, devine les secrets (3,49; 5,110); la mâ’ida (5,112-115).

Sa prédication :

Nadorer qu’un seul Dieu (3,51; 5,72 et 117; 19,36; 43,63), craindre Dieu et lui obéir (3,50; 5,112; 43,63). Il apporte la Sagesse (43,63), explique aux Fils d’Israël ce sur quoi ils sont divisés (43,63).

Le drame de sa fin sur terre :

Il se heurte à l’incrédulité des Juifs (3,52; 5,110; 61,6); il fait appel à ses « Auxiliaires », les Apôtres (3,52; 5,111) , maudit les juifs (5,78), qui rusent pour le faire mourir (3,54-55; 4,157) ; mais il est sauvé par Dieu (3,54; 5,110), ni tué ni crucifié, mais élevé au ciel (3,55; 4,158). Pour les orthodoxes sunnites, Jésus n’a pas été crucifié. Certains courants shiites, philosophiques (platonisants) et mystiques, admettront que le corps de Jésus est mort en croix, mais que son âme a été élevée au ciel. Entre son élévation au ciel et son retour sur terre, Jésus vit auprès de Dieu, volant autour de son Trône, mi-ange mi-homme, sans boire ni manger, couvert de plumes. C’est ainsi que Muhammad le rencontre dans son ascension nocturne (mirâj).

Son rôle eschatologique, lors de son retour sur terre :

Signe de l’Heure (43,61) et au Jugement, témoin contre les chrétiens (4,159; 5,116-117). Les Shiîtes le remplacent par le retour de leur « Imâm caché », appelé le Mahdî. D’où réaction orthodoxe : « Pas d’autre Mahdî que Jésus » (Là mahdiya illâ °Îsâ).

Les divers noms de Jésus dans le Coran (Qur’ân) :

‘Îsâ (Jésus) est cité dans 10 sourates différentes et revient 25 fois dans le Coran. L’étymologie de (‘Îsâ) n’est pas évidente, il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la différence avec (Yasû’) le Jésus biblique. Toujours est-il que dans l’esprit des musulmans,
‘Îsâ est bien Jésus, fils de Marie qui a donné l’évangile (al-injîl), dont les chrétiens ont fait un fils de Dieu.

– Al-masîh (le messie) 11 fois
La racine (MSH) signifie « mesurer », « frotter » et « oindre ». Mais le mot Messie (al-masîh) provient sans doute de l’araméen ou de l’hébreu, où il était employé dans le sens de sauveur (masîah). Muhammad a pris ce mot aux chrétiens arabes, chez qui le nom
‘abd al-masîh (« serviteur du messie »), était connu à l’époque préislamique, mais il est douteux qu’il ait connu le vrai sens du terme.
Le mot ne se trouve que 11 fois dans le Coran et uniquement dans des sourates médinoises, la plupart du temps lié à « fils de Marie » (ibn Maryam), et toujours pour parler de Jésus.
Al-masîh est donc un titre de Jésus, mais sans connotation messianique, ni aucune interprétation eschatologique.
Dans la tradition, dans le hadith canonique, al-masîh se rencontre dans trois passages, toujours pour parler de Jésus : dans un rêve de Muhammad, au retour de Jésus et au jugement dernier.

– Kalima min Allah (Parole venant de Dieu). Kalima est très fréquent dans le Coran on le retrouve dans le sens de :
– parole proférée (bonne 14,24 ou mauvaise 9,74)
– parole de Dieu réalisatrice au sens de (‘Amr)
Jésus est appelé « parole venant de Dieu » (kalima min Allah) en 3, 39.45, mais les commentateurs voient dans ce titre :
– soit une parole divine liée au (kun) « sois » et rapprochent la création de Jésus à celle d’Adam : « Il en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu, Dieu l’a créé de terre, puis il lui a dit « sois! » et il est » 3,59
– soit le fait que Jésus est le prophète annoncé dans la parole de Dieu, reçue et prêchée par les prophètes antérieurs.
– soit parce que Jésus parle de la part de Dieu et ainsi conduit les hommes dans le bon chemin. – soit parce que Jésus est une bonne nouvelle, parole de vérité (qawl al-haqq).

Il ne faudrait pas trop vite voir dans cette « parole » (kalima) l’équivalent de notre verbe (logos) ce n’est pas l’attribut de la parole (kalâm) mais son expression en laquelle se formulent et se communiquent les décisions divines.

– Nabi (prophète) en 19,30
Jésus est prophète, il est d’ailleurs cité plusieurs fois parmi les autres prophètes. Comme tout prophète il a une mission à accomplir dans un peuple particulier, les fils d’Israël. Mais il est plus qu’un prophète, puisqu’il a le statut d’envoyé.

– Rasûl (envoyé) 3 fois
Le rasûl est plus qu’un prophète, il est un envoyé, qui a un message à délivrer, comme l’ange Gabriel. Jésus a transmis l’Evangile, il est donc rasûl, comme Moïse qui a transmis la Torah, ou Muhammad qui a récité le Coran.

– ‘Abd Allah (serviteur de Dieu)
Ce mot signifie et rappelle avant tout que Jésus est une créature de Dieu, soumise à Dieu. Cependant c’est un attribut de Jésus très important, puisque cela en fait un des meilleurs musulmans. Ibn Arabi dira de Jésus qu’il est le sceau de la sainteté.

Un chrétien ne peut pas ne pas penser au serviteur d’Isaïe (‘ebed) et à l’esclave de Ph 2, 7 (doulos). Du point de vue du dialogue, c’est certainement un attribut très important de Jésus, parce que ce terme a une signification forte en Islam, comme dans le Christianisme. Il faut cependant se rappeler la signification première qui est une négation de la divinité de Jésus.

– Rûh (esprit venant de lui) en 4, 171 Jésus est un Esprit de Dieu (Rûh min Allah)
« O Détenteurs de l’Écriture!, ne soyez pas extravagants, en votre religion! Ne dites, sur Allah, que la vérité! Le Messie, Jésus fils de Marie, est seulement l’Apôtre d’Allah, son Verbe jeté par Lui à Marie, et un Esprit [émanant] de Lui. Croyez en Allah et en Ses Apôtres et ne dites point: « Trois! » Cessez! [Cela sera] un bien pour vous. Allah n’est qu’une divinité unique. A Lui ne plaise d’avoir un enfant! A Lui ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre.Combien Allah suffit comme protecteur (wakîl)! » (4,171)

Mais la suite du verset nous garde bien de faire de ce titre une interprétation trop chrétienne. Comme nous l’avons vu plus haut, ce titre vient avant tout du fait que Jésus est né du souffle divin né en Marie : « Et [fais mention de] celle restée vierge en sorte que Nous soufflâmes en elle de Notre esprit et que Nous fîmes d’elle et de son fils un signe pour le monde. » (21,91) et que pour accomplir sa mission, Jésus a été fortifié par l’Esprit Saint (Rûh al qudus) 5,110

Autres titre :
– Ibn Maryam (fils de Marie) 33 fois dont 16 avec (‘Îsâ)
– min al-muqarrabîn (parmi les proches) en 3, 45
– wajîh (digne de considération) en 3,45
– mubârak (béni) en 19,31
– qawl al-haqq (parole de vérité) en 19, 34 2.

DANS LA TRADITION MUSULMANE

On trouve dans la tradition un certain nombre de hadith (« propos » attribués au Prophète, qui constituent la tradition musulmane, la sunna) concernant Jésus ou Marie qui permettent de voir comment la tradition situe Jésus par rapport au prophète Muhammad. Nous avons été voir chez Bukhâri (mort en 870/ h.256), le plus important des traditionnistes.

Sur la nature de Jésus, on trouve :

« D’après Sa’îd-ben-al-Mosayyab, Abou Horaïra a dit: J’ai entendu l’envoyé de Dieu s’exprimer ainsi :  » Il ne nait pas un seul fils d’Adam, sans qu’un démon ne le touche au moment de sa naissance. celui que le démon touche ainsi pousse un cri. Il n’y a eu d’exeption que pour Marie et son fils ». (El-Bokhâri, Les traditions islamiques, Maisonneuve, Paris 1984, tomeII, Livre 60, ch 44)

D’après ‘Obâda, le prophète a dit: quiconque témoignera qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu, l’unique, n’ayant pas d’associés; que Mahomet est son adorateur et son envoyé; que Jésus est l’adorateur de Dieu, son envoyé, son verbe jeté dans le sein de Marie et une émanation de Dieu; que le paradis est une vérité, que l’enfer est une vérité, Dieu le fera entrer dans le paradis quelles qu’aient été ses œuvres. » (Ibid. ch 47)

Abou Salama rapporte que Abou Horaïra a entendu l’envoyé de Dieu dire: « Je suis parmi les hommes, le plus rapproché du fils de Marie. Les prophètes sont les enfants d’un même père et de mères différentes. Entre Jésus et moi, il n’y a pas eu de prophète. (Ibid. ch 48,6)

Le prophète dit avoir rencontré Jésus lors de son voyage « …Le prophète a dit, la nuit où l’on me fit faire le voyage, je vis Moïse, c’était un homme brun, de haute taille, crépu, on aurait dit d’un Chanouïte; je vis Jésus, c’était un homme de taille et de complexion moyennes, d’une couleur entre le rouge et le blanc, et aux cheveux lisses… » (Ibid. livre 59, ch7, 16)

« Abdallah ben ‘Omar rapporte que l’envoyé de Dieu a dit : « une nuit que j’étais auprès de la Ka’ba, je vis un homme brun comme un des plus beaux hommes bruns que tu n’aies jamais vus. il avait une chevelure comme la plus belle des chevelures que tu n’aies jamais vue; cette chevelure était flottante et était encore ruisselante d’eau. appuyé sur deux hommes, il faisait le tour du temple. Comme je demandais qui était cette personne, on me répondit: « c’est le Messie, fils de Marie »…(Ibid. tomeIV, livre77, Ch 68, 3)

Après Adam, Noé, Abraham, Moïse, les gens vont voir Jésus pour lui demander d’intercéder auprès de Dieu, mais celui-ci s’en juge incapable, et renvoie à Muhammad : … »[Moïse dit] adressez vous à un autre que moi, allez trouver Jésus. Ils iront trouver Jésus et leur diront: « O Jésus, tu es un envoyé de Dieu; il a envoyé son verbe dans Marie; tu es l’esprit de Dieu, et tout enfant, dès le berceau, tu parlais aux hommes; intercède en notre faveur auprès du seigneur, ne vois-tu pas dans quel état nous sommes? Le Seigneur, répondra Jésus est aujourd’hui dans une colère telle qu’il n’en a jamais eu de pareille auparavant et qu’il n’en aura plus jamais de semblable à l’avenir. Il ne parlera pas de faute commise et ajoutera : « c’est moi, moi, moi (qui aurait besoin d’un intercesseur). Adressez-vous à un autre que moi, allez trouver Mahomet »… (Ibid, tome III, livre 65, ch5,1 cf aussi 65, 2, 1)

La tradition nous donne une connaissance un peu plus précise de Jésus que le Qu’rân, mais, par rapport à la somme de hadith existant, ceux consacrés à Jésus sont peu nombreux. Comme le Qu’rân, ils reconnaissent l’importance de Jésus, mais rappellent que celui-ci passe après Muhammad et qu’il n’est pas fils de Dieu.

Pour trouver une réflexion plus approfondie sur le Christ, on doit chercher chez les mystiques.

JESUS DANS LA TRADITION MYSTIQUE

(Nous nous référerons au livre de Roger Arnaldez, Jésus dans la pensée musulmane , coll. Jésus et Jésus-Christ n° 32, Desclée, Paris 1988, ch 3)

Dans l’œuvre des mystiques, Jésus est tout d’abord présenté comme un mystique qui enseigne :

– la crainte et l’amour de Dieu : « Le Christ a dit : ‘O Apôtres! la peur qui fait redouter Dieu et l’amour du Paradis font hériter la patience pour supporter les peines et éloignent de ce bas monde » (Ghazâlî Arnaldez, Op.cit. p.111)
– la patience dans les épreuves : « Le Messie a dit: ‘Vous n’obtiendrez ce que vous aimez que par votre patience à supporter ce que vous abhorrez' » (Makkî et Ghazâlî, Ibid., p. 113)
– l’abandon à Dieu : « Jésus a dit: ‘Regardez les oiseaux; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils ne font pas de provisions et Dieu pourvoit à leur subsistance jour après jour' » (Ghazâlî Ibid. p. 117)
– l’ascèse et la pauvreté : « On raconte de Jésus qu’il posa une pierre sous sa tête, comme si, en la soulevant de terre, il éprouvait un soulagement. Iblis lui fit une objection en disant: ‘O fils de marie, n’avais-tu pas prétendu que tu pratiquais l’ascétisme dans ce monde? Jésus répondit que oui. Iblîs dit: ‘Et ce que tu as bien arrangé sous ta tête, qu’est-ce que c’est donc?’ Jésus rejeta la pierre et dit: ‘prends-la avec tout ce que j’ai déjà abandonné.' » (Makkî, Ibid, p.128)
– l’humilité : « On rapporte que Jésus a dit: ‘Il manque de science, celui qui ne se réjouit pas dêtre frappé de maux en son corps et en ses biens, en espérant par là expier ses fautes’. » (Makkî, Ibid. p. 132)
– l’amour : « On rapporte que Jésus passa près d’un homme qui était aveugle, atteint de la lèpre, privé de ses jambes, frappé d’une paralysie du côté droit et du côté gauche, dont les chairs tombaient en lambeaux sous le coup de l’éléphantiasis. Et cet homme disait: ‘Dieu soit loué, car il m’a préservé de ce par quoi il éprouve un grand nombre de ses créatures! ‘Jésus lui demanda: ‘dis-moi quelle est cette épreuve dont je puisse constater qu’elle a été écartée de toi? L’homme dit: ‘O Esprit de Dieu! Je suis moi, en meilleur état que celui dans le coeur de qui Dieu n’a pas mis la connaissance de lui-même qu’il a mise dans mon coeur.’ Jésus lui répondit: ‘Tu as dit vrai; donne-moi ta main’. L’homme la lui tendit et voici que son visage devint le plus beau du monde, et que sa tournure prit le meilleur aspect. Dieu avait fait disparaître le mal qui était en lui. Il s’atacha à Jésus et s’adonna avec lui à l’adoration. » (Ghazâlî, I bid. pp. 138-139)

Chez Ibn ‘Arabi, Jésus est présenté comme le sceau universel de la sainteté

Parmi tous les prophète, Jésus a une place à part dans la doctrine d’Ibn ‘Arabi (un des plus grand mystiques de l’Islam, mort à Damas en 1240/ h.638) :

La conception de Jésus lui confère un statut tout particulier

« Gabriel était donc le véhicule de la Parole divine transmise à Marie […] Dès l’instant, le désir amoureux envahit Marie, de sorte que le corps de Jésus fut créé de la véritable eau de marie et de l’eau purement imaginaire de Gabriel […] Ainsi, le corps de Jésus fut constitué d’eau imaginaire et d’eau véritable, et il fut enfanté sous la forme humaine à cause de sa mère et à cause de Gabriel, sous forme d’homme. » (Ibid, p. 168)

« […] Jésus manifesta de l’humilité jusqu’à ordonner à sa communauté […] que si quelqu’un est frappé sur la joue, il tende l’autre à celui qui l’a frappé, et ne se révolte jamais contre lui, ni ne cherche vengeance. Ceci, Jésus le tient du côté de sa mère, car c’est à la femme de se soumettre tout naturellement […] Son pouvoir vivifiant et guérissant, par contre, lui parvint du souffle de Gabriel revêtu de forme humaine. C’est pour cela que Jésus put vivifier les morts en ayant la forme d’homme. » (Ibid., p. 169)

Jésus sceau de la sainteté universelle

« N’est il pas vrai que le sceau de la sainteté est un envoyé qui n’a pas d’égal dans les mondes? Il est l’Esprit, fils de l’esprit et de Marie sa mère: c’est là un lieu où ne conduit aucune voie. […] Quant à Jésus, il a la qualité de sceau en ce sens qu’il possède le sceau du cycle du royaume (le monde créé). En effet, il est le dernier des envoyés à apparaître, et il apparaît avec le forme d’Adam, relativement à son mode de génération, puisqu’il n’est pas engendré de père humain et qu’aucun fils, je veux dire dans la descendance d’Adam dans la suite des générations, n’est semblable à lui.[…] En outre Jésus, quand il descendra sur la terre à la fin des temps, recevra le sceau de la lus grande sainteté depuis Adam jusqu’au dernier prophète, en rendant hommage à Muhammad, du fait que Dieu ne scelle la sainteté universelle en toute communauté que par un envoyé qui suit la loi de Muhammad. Et alors, Jésus possède le sceau du cycle du royaume et le sceau de la sainteté, j’entends la sainteté universelle. » (Ibid., p.181)

Chez al-Hallaj Jésus a une très grande importance dans la spiritualité d’al-Hallâj (grand mystique, condamné à mort pour son enseignement trop hétérodoxe en 922/ h.309), parce qu’il est la réalisation la plus parfaite, pour un homme, de l’union mystique entre l’humanité et Dieu. Lors de son retour eschatologique, Jésus remplira le monde de sagesse et de justice en promulgant la loi musulmane définitive.

Hallâj croit à la passion et à la résurrection du Christ et cette passion est pour lui rédemptrice. Les disciples d’al-Hallâj ont affirmé que par sa mort sur un gibet, Hallaj avait réalisé l’idéal du soufisme. Néanmoins, cette perception n’est pas la même que la perception chrétienne. Il y a chez Hallaj, une idée de fuite du corps humain et du monde.

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(Pour en savoir plus, nous vous recommandons : Tarif KHALIDI : Un musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003)

https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Islam/Jesus-dans-le-Coran-et-dans-la-tradition-musulmane

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Marie dans le Coran

Comment les commentateurs musulmans du Coran voient-ils Marie ?

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Analyse 

À l’occasion d’un colloque organisé samedi 11 février à l’Institut catholique de Paris (ICP), des chercheurs ont réfléchi à la figure de Marie chez les penseurs contemporains, entre christianisme et islam. Chez les commentateurs musulmans du Coran, Marie est décrite comme un personnage hors du commun, au point de la couper de sa réalité historique, analyse le sociologue Omero Marongiu-Perria.

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Quel visage de Marie se dessine dans les écrits des commentateurs musulmans du Coran des XXe et XXIe siècles ?

C’est la question que développe le sociologue Omero Marongiu-Perria lors du colloque « Marie chez les penseurs et écrivains contemporains », organisé à l’Institut catholique de Paris (ICP), samedi 11 février, par l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR) et le mouvement Ensemble avec Marie.

Si Marie est centrale dans le christianisme, elle apparaît aussi dans le Coran à 34 reprises. Elle y est dotée d’attributs importants : « O Marie ! lui dit l’ange, Dieu t’a choisie, en vérité ; il t’a purifiée ; il t’a préférée à toutes les femmes de l’univers » (Sourate 3,42). Sa figure n’a pas manqué de faire l’objet de réflexions parmi les commentateurs du livre saint de l’islam, jusqu’à aujourd’hui.

En analysant cinq ouvrages de commentateurs musulmans, Omero Marongiu-Perria voit apparaître une Marie « universelle » mais « désincarnée », au point d’être coupée « de sa réalité historique » et de sa lignée biblique.

Chez Maurice Gloton (1926-2017), traducteur du Coran et auteur de Jésus fils de Marie dans le Qur’an et selon l’enseignement d’Ibn Arabi, Jésus a ainsi une place particulière : il est à la fois humain et « verbe de Dieu projeté en Marie », développe Omero Marongio-Perria. La mère de Jésus revêt donc elle aussi un statut à part : « Dieu la bénit, la purifie et la choisit parmi l’ensemble des femmes du monde. » Ainsi, chrétiens et musulmans se rejoignent sur la virginité de Marie, symbole de pureté. « Le Coran rappelle la conception pure du Christ sans l’intervention d’une paternité, en confirmant la pureté originelle de Marie », rappelle Omero Marongio-Perria.

 

« Réceptacle du verbe de Dieu »

Une idée proche est développée dans le livre de Charles-André Gilis, Marie en Islam, où Marie, « réceptacle du verbe de Dieu », serait par excellence « la figure universelle qui reflète le divin dans le monde. »

Marie dans l’islam

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Cependant, pour mettre en valeur sa dimension hors du commun, les commentateurs musulmans vont laisser de côté la réalité historique du personnage, observe Omero Marongiu-Perria. « Les données historiques ne sont pas exploitées sur le plan théologique », remarque-t-il. À l’inverse, les auteurs mettent l’accent sur des détails surnaturels, comme pour prouver le caractère exceptionnel de Marie.

Un épisode est particulièrement éloquent : dans le Coran, Zacharie, époux d’Élisabeth, rend visite quotidiennement à Marie qui grandit dans le Temple. Lors de ses passages, il remarque que de la nourriture a été systématiquement déposée auprès d’elle. Quand il lui demande d’où cela vient, celle-ci lui répond que Dieu subvient aux besoins de ses serviteurs. « Les commentateurs y ont vu un miracle et insistent sur le fait que la nourriture est descendue du Ciel », analyse Omero Marongio-Perria. Pourtant, pour lui, cet épisode dit surtout, symboliquement, « la relation que Marie entretient avec Dieu dans son intimité. »

Descendante d’une lignée de femmes

Dans ces écrits, le chercheur remarque aussi que la mère de Jésus est détachée de toute une lignée de personnages de femmes bibliques qui pourtant, comme elles, ont eu un enfant dans un contexte particulier. Ainsi de Sarah, également présente dans le Coran, qui pensait être stérile, et a eu un enfant après la visite de l’ange.

 « Les commentateurs ont du mal à concilier le fait que des personnages qui entretiennent un lien privilégié avec Dieu vivent aussi une banale histoire humaine », analyse le chercheur. Face à ce constat, Omero Marongiu-Perria propose d’investir l’historicité des figures du Coran comme fil conducteur pour lire le texte. Et d’interroger : « Pourquoi toujours chercher le miracle et le surnaturel dans la relation à Dieu ? »

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https://www.la-croix.com/Religion/Comment-commentateurs-musulmans-Coran-voient-ils-Marie-2023-02-11-1201254748

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Les femmes et l’Islam

Les femmes et l’Islam

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Islam et femmes: Les questions qui fâchent 

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Paris, Folio, 2018. 304 pages

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Parler des questions qui fâchent en islam à propos des femmes n’est pas une provocation, mais une nécessité. Il s’agit de clarifier, de rectifier, mais aussi souvent de dénoncer. Clarifier la confusion entre le message spirituel du Coran et l’orthodoxie interprétative institutionnalisée. Rectifier le grand nombre de préjugés sexistes et parfois diffamatoires transcrits dans la tradition musulmane au nom des préceptes divins. Dénoncer ce qu’une culture patriarcale a forgé dans l’esprit des musulmans : la dévalorisation des femmes. Voile, polygamie, inégalité dans l’héritage… Asma Lamrabet inventorie les discriminations imposées aux femmes au nom de l’islam. Car la plupart des interprétations classiques, d’origine médiévale, produits de leur milieu social et culturel, se sont construites à la marge et parfois à l’encontre du Texte sacré, porteur, lui, d’une vision plus égalitaire et ouverte. Nul ne pourra dire désormais qu’il ignorait.

 

 Biographie de l’auteur

?Asma Lamrabet, médecin biologiste, a été coordinatrice d’un groupe de recherche et de réflexion sur les femmes et le dialogue interculturel à Rabat (2004-2007), puis présidente du Groupe international d’études et de réflexion sur femmes et Islam (GIERFI) basé à Barcelone (2008-2010) et, enfin, directrice du Centre des études féminines en Islam au sein de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc (2011-mars 2018). Elle est l’auteure de plusieurs livres et articles sur le thème de l’islam et des femmes, et donne de nombreuses conférences sur ce sujet à travers le monde

 

 

 

Asma Lamrabet, un regard féminin sur le sacré en Islam

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Asma Lamrabet.(ASMA LAMRABET)

« L’islam au Maroc est conciliant et ouvert. Mais sur la question des femmes, les responsables religieux et politiques, même libéraux ou socialistes, ont un discours machiste archaïque. »

À 54 ans, après un long travail de relecture des « textes sacrés dans une perspective féminine »,Asma Lamrabet a acquis cette conviction : le problème est « idéologique plus que religieux », mais l’ignorance des musulmans facilite cette « instrumentalisation » des textes.

 « Une troisième voie »

Confidentiel au départ, son travail a gagné en notoriété, « mais plutôt dans le monde anglo-saxon ». Elle a même été invitée en Malaisie pour l’un de ces nombreux colloques ou conférences qui réunissent les « féministes musulmanes ». Ce médecin hématologue, spécialiste du diagnostic du cancer chez l’enfant, exerce d’ordinaire le matin à l’hôpital Avicenne de Rabat. L’après-midi, elle répond aux nombreux courriers et demandes d’interviews qu’elle reçoit.

Revers de la médaille, cette publicité accrue lui vaut aussi quelques soucis avec les religieux « conservateurs » qui l’accusent de « réformisme »… « Je propose une troisième voie en m’appuyant à la fois sur le référentiel islamique et la modernité, les droits de l’homme », se borne à leur répondre cette mère d’un garçon, qui sera « bientôt grand-mère ».

 Au coeur du système

L’originalité d’Asma Lamrabet est d’avoir accepté de porter son combat à l’intérieur même du système : en 2011, elle a accepté la proposition d’Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc – une association d’intérêt général créée par le roi Mohammed VI pour promouvoir un « islam ouvert et tolérant » –, de fonder au sein de cette institution un Centre des études féminines en islam.

« J’ai hésité parce que cela questionne mon indépendance intellectuelle. Dans mes conférences, je suis parfois obligée de préciser que je m’exprime en mon nom propre. Mais de l’autre côté, cela donne de la crédibilité à mon discours », explique-t-elle. Une crédibilité bien utile, par exemple, pour promouvoir « sur le terrain » la réforme du « code de la famille » (Moudawana), décidée en 2004, et qui instaure notamment une nouvelle « coresponsabilité parentale » qui remplace l’autorité du chef de famille…

 « Ma foi me donne envie de changer les choses »

Sa position ne l’empêche pas de soulever quelques tabous. L’an dernier, elle a rappelé que « la mixité dans les mosquées n’était pas un interdit coranique ». Devant le tollé, la Rabita l’a soutenue dans une déclaration écrite. Quelques semaines plus tard, elle a affirmé que le port du voile n’était pas « une obligation » mais « un choix pour les femmes ». « Je ne suis pas une militante. Dans ma vie personnelle, je n’ai rien à revendiquer », explique-t-elle dans sa villa du quartier chic de Souissi, à Rabat. « Mais je le fais pour les autres. Surtout, ma foi me donne envie de changer les choses. »

À ceux qui la soupçonnent de « surfer sur une vague porteuse », ou de ne plus se consacrer assez à ses recherches, elle répond que « critiquer de l’intérieur est plus long et plus compliqué ». « Mais en dix ans, je vois déjà le changement », assure-t-elle, consciente toutefois de la nécessité d’une vraie réforme de l’enseignement religieux au Maroc. « Aujourd’hui, pour la plupart des Marocains, tout ce qui est sacré est intangible », regrette-t-elle.

Et qu’on ne lui parle pas de la création récente des « mourchidates », ces guides féminines de la prière : « Certes, sur le plan symbolique, faire entrer une femme dans l’espace du sacré est un pas en avant. Mais leur formation les cantonne à un discours très basique sur le voile, les ablutions, etc. Ce n’est pas elles qui vont revendiquer l’égalité entre hommes et femmes ! »

 Son inspiration : une quête identitaire

À la fin de ses études de médecine, une « quête identitaire » pousse Asma Lamrabet à revenir « aux sources » de sa foi. « J’avais reçu une éducation très occidentalisée, et ma culture arabo-musulmane était défaillante », reconnaît-elle aujourd’hui. Guidée dans ses lectures par les érudits de sa famille, souvent soufis, elle relit les textes islamiques, leurs interprétations… et prend conscience « du décalage entre ceux-ci et l’interprétation sexiste et discriminatoire qui en est faite ». En Amérique latine, où elle a suivi son mari diplomate, les « croyantes à la fois pratiquantes et modernes » qu’elle rencontre, inspirées par « la théologie de la libération », achèvent de la convaincre de l’importance du travail à mener. En 2002, elle publie – en français – son premier ouvrage Musulmane tout simplement (Éditions Tawhid) dans lequel elle retrace ses découvertes.

 https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Asma-Lamrabet-un-regard-feminin-sur-le-sacre-en-Islam-2014-05-13-1149405

 

Que dit le Coran de la femme?

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars, « La Croix » décrypte le rôle accordé à la femme dans le Coran. Un sujet qui provoque aujourd’hui de nombreux débats.

Mahrukh Arif et Mélinée Le Priol, 

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Une femme priant à la mosquée Nasir-al-Molk à Chiraz en Iran, en mars 2016.SILVER-JOHN – FOTOLIA

Si l’une des 114 sourates du Coran est bien consacrée aux femmes de manière explicite (la quatrième, dite sourate des femmes, « An-nisâ »), une large partie du texte sacré de l’islam parle de l’être humain en général, sans précision de genre.

Omero Marongiu-Perria, sociologue spécialiste de l’islam en France (1), rappelle ainsi que le Coran recourt souvent au mot arabe « zawj », qui signifie aussi bien homme que femme, époux qu’épouse. « L’usage de ce terme a amené certains théologiens musulmans à dire que la personne humaine est indéterminée à la base, mais comme revêtue d’une enveloppe corporelle genrée », explique ce chercheur. Selon le Coran, l’homme et la femme naissent en effet « d’une âme unique » (4 : 1).

Par ailleurs, comme le précise l’imam Mohammed Azizi, aumônier régional des hôpitaux d’Île-de-France, Eve n’est pas plus responsable du péché originel qu’Adam, selon le Coran (2:36). « L’interprétation punitive n’existe pas en islam, explique-t-il. C’est Satan qui est derrière le péché, pas la femme. »

Un autre passage du Coran semble représentatif de l’indistinction de l’homme et de la femme devant Dieu : « Les musulmans et musulmanes, les croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, les loyaux et loyales, les endurants et endurantes, les donneurs et donneuses d’aumônes, ceux et celles qui jeûnent, les gardiens de leur chasteté et les gardiennes, ceux et celles qui invoquent souvent Dieu : Dieu a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense. » (33 : 35)

 Soumises et obéissantes ?

Cela dit, force est de constater que le Coran semble souvent véhiculer une vision inégalitaire des rapports hommes-femmes dans les réalités quotidiennes. Considérée comme la gardienne de la maisonnée et jouant un rôle de conseil auprès de son époux, la femme n’en est pas moins contrainte à l’obéissance, comme le rappelle ce verset de la sourate des femmes :

« Celles de qui vous craignez l’insoumission, faite-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les. Mais une fois ramenées à l’obéissance, ne leur cherchez pas prétexte. » (4:34)

À cela s’ajoutent d’autres mentions bien connues et parfois qualifiées de misogynes, comme notamment l’autorisation de la polygamie – jusqu’à quatre femmes par homme (4 : 3).

 Des interprétations patriarcales

« Le Coran s’inscrit dans la réalité d’une société patriarcale, où ces rapports de domination existaient déjà », explique Omero Marongiu-Perria, précisant que l’idée d’obéissance de la femme au mari se retrouve aussi dans les autres traditions abrahamiques.

De même qu’avec la Bible, une connaissance insuffisante du contexte historique peut mener à des interprétations erronées. C’est ce qu’explique Asma Lamrabet, médecin et féministe marocaine, quand elle cite le verset coranique consacré à l’héritage : « Allah vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au fils la portion de deux filles » (4:11). Elle rappelle que dans les sociétés préislamiques, la femme n’avait tout simplement pas le droit d’hériter : ce passage du Coran est par conséquent pour elle « une révolution ».

Appelant à une lecture dépolitisée de l’islam, Asma Lamrabet déplore que l’exégèse du Coran soit le fait des seuls hommes, qui en produisent selon elle une « interprétation sexiste ». Elle souligne la nécessité de procéder à une lecture contextualisée du Coran et de faire la distinction entre les concepts universels du texte sacré de l’islam et les versets conjoncturels répondant à des circonstances historiques.

Car dans la pratique, ces textes sont aujourd’hui compris et interprétés de façons variées dans le monde. Si la place donnée à l’interprétation reste large, certains pays musulmans ont choisi d’appliquer celle qui leur convenait politiquement.

 Une exégèse au féminin ?

Cependant, ces dernières années ont vu l’émergence d’un féminisme islamique revendiquant une modification des rapports hommes-femmes. La majorité de ces femmes musulmanes de tout horizon dénonce la misogynie banalisée dans les pratiques musulmanes et justifiée par le texte sacré.

  « C’est totalement faux de penser que les femmes musulmanes n’ont pas leur mot à dire sur le Coran ou la religion », assure Nusrat Qudsia Wasim, présidente des femmes de l’association musulmane Ahmadiyya. « Dans l’islam, l’homme et la femme sont égaux devant Dieu. Les femmes ont d’ailleurs participé à l’exégèse du Coran, à commencer par Aïcha, la femme du Prophète : après la mort de son époux, plusieurs compagnons venaient la consulter pour des cas de jurisprudence islamique. Le prophète lui-même a enjoint aux croyants d’apprendre la moitié de leur religion auprès d’Aïcha. »

https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Que-Coran-femme-2017-03-08-1200830336

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CORAN, ISLAM, MAHOMET, RELIGION, VERSETS SATANIQUES DANS LE CORAN

Versets sataniques dans le Coran

Versets sataniques du Coran

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L’expression versets sataniques évoque les versets du Coran où Satan aurait fait dire à Mahomet des paroles empreintes de conciliation avec les idées polythéistes. Cet épisode concerne les versets 19 à 23 de la sourate 53, An-Najm (L’étoile). Cet incident aurait eu lieu à La Mecque, huit ans avant l’hégire. L’épisode est « rapporté dans de nombreuses sources du commentaire islamique »

L’expression a été inventée par Sir William Muir dans les années 1850 et Salman Rushdie l’a retenue comme titre de son livre Les Versets Sataniques, ces termes renvoyant explicitement aux versets de la sourate 53.

Épisode des versets sataniques

Le terme « versets sataniques » est une appellation occidentale, inusitée dans la tradition arabo-musulmane.

L'ange Gabriel révèle à Muhammad la sourate 8 du Coran (page du "Siyar-i Nabi" de Murad III)
Mustafa bn ValiLutfi AbdullahDarir, Musée du Louvre, Département des Arts de l’Islam, MAO 708 Recto – https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010321502https://collections.louvre.fr/CGU

Résumé

L’épisode des versets sataniques relate l’événement au cours duquel Satan aurait tenté de dicter des enseignements hérétiques à Mahomet. Avant de fuir à Médine, Mahomet se serait assis à proximité de la Kaaba et aurait reçu la visite de l’ange Gabriel. C’est à ce moment que Satan aurait fait dire à Mahomet « des paroles de compromission et de réconciliation » en parlant de trois divinités mecquoises, al-Lt, al-Uzza et Manât : « Ce sont les sublimes déesses et leur intercession est certes souhaitée ». Al-Lat, al-`Uzzâ, et Manât étaient des déesses préislamiques. Les musulmans et les polythéistes se seraient alors inclinés ensemble.

Par la suite, cette révélation aurait été rectifiée et abrogée par celle du verset 52 de la sourate 22. Ces versets prennent le nom de « satanique » en raison du verset précédemment cité, que les exégètes ont rattaché « de manière assez superficielle » à cet épisode. Selon celui-ci, Allah abrogerait les versets que Satan « jette ». La tradition savante arabo-musulmane voit dans ce passage une tentative de compromis avec le polythéisme. Les trois divinités auraient été intégrées à la théologie musulmane, mais de manière subordonnée à Allah. Pour l’islam orthodoxe, une telle compromission ne peut avoir été dictée que par Satan.

Le terme « sublime déesse », utilisé dans la sourate 53, est une traduction d’un terme arabe obscur mais « qui reconnaît assurément aux trois déesses (al-Lat, al-Uzza et Manat) une essence surnaturelle ». L’épigraphie permet de comprendre que les « filles de Il » (terme probablement à l’origine de l’expression « fille d’Allah ») désigne des êtres surnaturels ayant un rôle de messager. Il s’agit d’un terme théologique polythéiste qui correspond au terme monothéiste d’ange. La compromission est donc double puisqu’elle inclut des divinités préislamiques à la théologie musulmane mais aussi par l’usage d’une terminologie polythéiste.

Cette tentative de synthèse théologique a rapidement été récusée « parce qu’il [Mahomet] n’était pas en position de force et semblait avoir cédé sur le monothéisme ». Une autre synthèse semblable se trouve, pour l’épigraphiste et orientaliste Christian Julien Robin, dans l’assimilation d’ar-Rahman avec Allah. L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanan », qui désigne le dieu des juifs, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans l’Arabie préislamique, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima al-kadhdhâb, un rival de Muhammad.

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Récit de Tabari

Le récit des « versets sataniques » a, notamment été transmis par Ibn Sa’d et par Tabarî (839-923), historien et commentateur sunnite qui rapporte ainsi cette anecdote :

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« Alors fut révélée au prophète la sourate de l’Étoile. Il se rendit au centre de La Mecque,
où étaient réunis les Quraychites, et récita cette sourate. Lorsqu’il fut arrivé au verset 19 :

« Que croyez-vous de al-Lat, de `Uzza et de Manat, la troisième ?

Est-il possible que Dieu ait des filles, et vous des garçons ?

La belle répartition des tâches que ce serait là… »

Iblîs vint et mit dans sa bouche ces paroles :

« Ces idoles sont d’illustres divinités, dont l’intercession doit être espérée. »

Les incrédules furent très heureux de ces paroles et dirent :

« Il est arrivé à Mahomet de louer nos idoles et d’en dire du bien. »

Le prophète termina la sourate, ensuite il se prosterna, et les incrédules se prosternèrent à son exemple, à cause des paroles qu’il avait prononcées, par erreur, croyant qu’il avait loué leurs idoles.
Le lendemain, Gabriel vint trouver le prophète et lui dit :

« Ô Mahomet, récite-moi la sourate de l’Étoile. »

Quand Mahomet en répétait les termes, Gabriel dit :

« Ce n’est pas ainsi que je te l’ai transmise ? J’ai dit : « Ce partage est injuste ». Tu l’as changée et tu as mis autre chose à la place de ce que je t’avais dit. »

Le prophète, effrayé, retourna à la mosquée et récita la sourate de nouveau. Lorsqu’il prononça les paroles :

« Et ce partage est injuste »

Les incrédules dirent :

« Mahomet s’est repenti d’avoir loué nos dieux. »

Le prophète fut très inquiet et s’abstint de manger et de boire pendant trois jours, craignant la colère de Dieu. Ensuite Gabriel lui transmit le verset suivant :

« Nous n’avons pas envoyé avant toi un seul prophète ou envoyé sans que Satan n’ait jeté à travers dans ses vœux quelque désir coupable ; mais Dieu met au néant ce que Satan jette à travers, et il raffermit ses signes (ses versets). »

Des versets controversés

Lors de l’épisode des versets sataniques, Mahomet fait des concessions à l’unicité divine afin d’attirer à sa nouvelle religion les Quraych polythéistes. Cet épisode est cité par al-Tabari. Si la version d’Ibn-Hisham des écrits d’Ibn Ishaq ne fait pas mention de cet épisode, Alfred Guillaume le réintègre au texte original d’Ibn Ishaq à partir des écrits de al-Tabari. En effet, l’immense majorité du contenu historique de l’édition d’Ibn Hisham provient d’Ibn Ishaq. Néanmoins, il a retranché beaucoup, semble-t-il, des épisodes, dont probablement celui-là.

Dans l’ouvrage collectif, Le Coran des historiens, Christian Julien Robin cite ces deux versets qui « auraient été déclamés, puis abrogés parce qu’ils ne s’accordaient pas avec le monothéisme radical de la prédication muhammadienne. La vulgate ne les reproduit pas, au contraire d’autres versets également abrogés, ce qui souligne la gêne qu’il ont provoquée » :

« 19. Avez-vous considéré al-Lat et al-Uzza

  1. Et Manat, cette troisième autre?
  2. bis [Ce sont les sublimes Déesses
  3. ter. et leur intercession est certes souhaitée]
  4. Avez-vous le Mâle et Lui la Femelle ! »

Christian Julien Robin poursuit en signalant que Mahomet a rapidement récusé cette tentative de synthèse entre polythéisme et monothéisme mais, paradoxalement, « bien plus tard, c’est une synthèse très semblable qu’il accepte quand, revenu en vainqueur, il propose l’assimilation d’Ar-Rahman avec Allah ». L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanân », qui désigne le dieu des juifs vers le VIe siècle dans l’Arabie préislamique, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans la même région, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima, un rival de Muhammad. À l’appui de cette analyse, Christian Robin précise : « Dans l’invocation bi-(i)smi (A)llâh ar-Rahmân ar-rahïm, il est clair que ar-Rahmân était à l’origine un nom propre et que le sens premier était : «au nom du dieu ar-Rahmàn le miséricordieux». Aux arguments historiques, on peut ajouter qu’en arabe, le mot rahmân ne se trouve que dans ce contexte. ».

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Historicité

L’authenticité de ce récit est généralement admise. Pour certains orientalistes, il pourrait refléter une volonté de rapprochement avec les polythéistes. Si certains auteurs, comme Caetani considère ce récit comme une invention a posteriori, la majorité des chercheurs en défendent l’authenticité. Crone remarque néanmoins que ces versets sataniques s’intégreraient difficilement à la sourate 53.

Néanmoins, certains auteurs musulmans modernes rejettent ce récit, considérant que les versets actuels du Coran sont cohérents. Pour eux, le récit aurait été majoritairement accepté pour des raisons théologiques, celui-ci mettant en valeur le rôle passif de Mahomet dans la réception de la révélation coranique. Néanmoins, pour Bell, les versets 21-22 et 23 sont des ajouts postérieurs au texte.

 

La construction d’une figure de prophète infaillible

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Portrait de Mahomet, tiré de l’Histoire générale de la religion des Turcs de Michel Baudier. Paris (1625).

Du point de vue du consensus actuel musulman, Mahomet, en tant que messager du message divin, ne saurait avoir ni sa foi, ni sa sincérité remises en cause, ni même voir sa vie être ramenée à une vie banale où l’erreur est possible. Pour Ibn Warraq, cette supposée concession à l’idolâtrie pose problème : « quelle foi pourrions avoir en un homme qui peut être aussi facilement corrompu par l’esprit du mal (…). Comment pouvons-nous être sûrs que d’autres passages ne sont pas inspirés par le diable ? ».

L’idée d’un prophète purifié apparaît dans certaines biographies anciennes. Ainsi, un hadith raconte une purification du cœur de Mahomet par des anges. Pour autant, le principe d’infaillibilité et de préservation du péché n’a pas pour origine le texte coranique, ni les hadiths. Il apparaît sous l’influence de la pensée orientale et à travers les chiismes avant d’intégrer la foi sunnite. Il concernait à ses origines l’Imam.

Cette notion, isma, évolue de la préservation de la simple révélation coranique à l’infaillibilité de l’ensemble des prophètes. Certains courants de l’islam ont alors continué à défendre, en s’appuyant sur le texte coranique, l’existence de péchés commis par les prophètes et Mahomet, entre autres, durant leur mission prophétique. Les xiie et xiiie siècles voient encore, à la suite des apports logiques de la philosophie grecque, une opposition entre ces différents courants, certains limitant l’impeccabilité de Mahomet et des prophètes, d’autres présentant des justifications aux péchés présentés dans le texte coranique. Une opposition est faite dans le courant muʿtazilite entre des fautes graves dont auraient été exemptés les prophètes et les fautes légères dues à l’inadvertance qu’ils ont pu commettre.

Ainsi, certaines justifications sont présentées et étudiées par Fakhr-ad-Dîn-ar-Râzî (xiie – xiiie siècle), défenseur d’une préservation des prophètes des erreurs et péchés. Les versets sataniques sont pour certains mis en doute, pour d’autres ils auraient été mal compris et auraient été à l’origine une phrase interro-négative, ou encore auraient désigné des anges et non les trois déesses. Pour d’autres encore, Satan aurait parlé et non Mahomet, niant ainsi une faute grave commise par le prophète. Selon l’islamologue Nadjet Zouggar, ces explications sont fondées sur des arguments que l’on peut qualifier de dialectiques ou spéculatifs, plutôt que scripturaires.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Versets_sataniques_du_Coran

CORAN, ISLAM, RELIGION, RELIGIONS

Le Coran des historiens

 

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Le Coran des historiens

Collectif sous la direction de  Ali Amir-mozzi, Guilluame Dye

Paris, Le Cerf, 2019. 4372 pages.

 

Présentation de l’éditeur

 

Evénement mondial ! Objet de toutes les controverses, le Coran n’avait jamais été commenté par les historiens. Réunissant 30 meilleurs spécialistes internationaux, cette somme unique lève un tabou et inaugure un ère nouvelle d’interprétation.

Première mondiale, ce monument savant et accessible, qui réunit trente spécialistes internationaux, offre, en trois mille pages, une synthèse complète et critique des travaux passés et des recherches présentes sur les origines du Coran, sa formation et son apparition, sa composition et sa canonisation : vingt études exhaustives sur le contexte introduisent ici à l’analyse circonstanciée du texte, les éléments archéologiques et épigraphiques, les environnements géographiques et linguistiques, les faits ethnologiques et politiques, les parallèles religieux éclairant, verset après verset, en un commentaire total les cent quatorze sourates du livre fondateur de l’islam.
Une aventure inédite de l’esprit.
Une somme sans précédent dans l’histoire.
Une contribution majeure à la science.
Une avancée décisive pour la compréhension mutuelle des cultures.

 

Biographie de l’auteur

Professeur des Universités, membre de l’Académie Ambrosienne de Milan, Mohammad Ali Amir-Moezzi est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL. Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).

Éditeurs

Mohammad Ali Amir-Moezzi, Professeur des Universités, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL et membre de l’Académie Ambrosienne de Milan.

Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).

Contributeurs

Mohammad Ali Amir-Moezzi (EPHE)

Mehdi Azaiez (Université de Lorraine/KU Leuven)

Samra Élodie Azarnouche (EPHE)

Meir M. Bar-Asher (Université Hébraïque de Jérusalem)

Mette Bjerregaard Mortensen (Université Libre de Bruxelles)

Anne-Sylvie Boisliveau (Université de Strasbourg)

Antoine Borrut (Université du Maryland)

Éléonore Cellard (EPHE)

Muriel Debié (EPHE)

Julien Decharneux (Université Libre de Bruxelles)

François Déroche (Collège de France)

Vincent Déroche (EPHE)

Guillaume Dye (Université Libre de Bruxelles)

Frantz Grenet (Collège de France)

David Hamidovic (Université de Lausanne)

Frédéric Imbert (Université Aix-Marseille)

Christelle Jullien (CNRS)

Manfred Kropp (Université de Mayence)

Paul Neuenkirchen (EPHE)

Karl-Friedrich Pohlmann (Université de Münster)

David S. Powers (Université de Cornell)

Gabriel Said Reynolds (Université de Notre Dame, USA)

Christian Julien Robin (CNRS)

Carlos A. Segovia (Université de Saint Louis de Madrid)

Stephen J. Shoemaker (Université d’Oregon)

Michel Tardieu (Collège de France)

Tommaso Tesei (Institute for Advanced Studies de Princeton)

Jan M. F. Van Reeth (Faculté des sciences

Table des matières (Tome 1/3)

LE CORAN ET LES DÉBUTS DE L’ISLAM : CONTEXTE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE

  1. L’Arabie préislamique (Christian Julien Robin)
    II. Arabes et Iraniens avant et au début de l’islam (Samra Azarnouche)
    III. Les vies de Muhammad (Stephen J. Shoemaker)
    IV. De l’Arabie à l’empire (Antoine Borrut)

LE CORAN AU CARREFOUR DES TRADITIONS RELIGIEUSES DE L’ANTIQUITÉ TARDIVE

  1. Le judaïsme et le Coran (Meir M. Bar-Asher)
    VI. Les communautés religieuses dans l’Empire byzantin à la veille de la conquête (Muriel Debié et Vincent Déroche)
    VII. Les chrétiens en Iran sassanide (Christelle Jullien)
    VIII. Le christianisme éthiopien (Manfred Kropp et Guillaume Dye)
    IX. Les courants « judéo-chrétiens » et chrétiens orientaux de l’Antiquité tardive (Jan M. F. Van Reeth)
    X. Le manichéisme : recherches actuelles (Michel Tardieu)
    XI. Les écrits apocryphes juifs et le Coran (David Hamidović)
    XII. Les apocalypses syriaques (Muriel Debié)
    XIII. L’apocalyptique iranienne (Frantz Grenet)
    XIV. Le Coran et son environnement légal (David S. Powers)

LE CORPUS CORANIQUE

  1. L’étude des manuscrits coraniques en Occident (François Déroche)
    XVI. Les manuscrits coraniques anciens (Éléonore Cellard)
    XVII. Le Coran des pierres (Frédéric Imbert)
    XVIII. Le corpus coranique : contexte et composition (Guillaume Dye)
    XIX. Le corpus coranique. Questions autour de sa canonisation (Guillaume Dye)
    XX. Le shi’isme et le Coran (Mohammad Ali Amir-Moezzi)

Annexe : Tableaux généalogiques
Bibliographie
Index
Remerciements
Table des matières

Vol. 1: Etudes sur le contexte et la genèse du Coran
Vol. 2a : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 1 à 26
Vol. 2b : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 27 à 114

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Un regard critique sur cette oeuvre 

Les historiens décryptent le Coran « avant l’islam »

Sous la direction de deux islamologues paraît une ambitieuse synthèse d’une partie de la recherche historique sur le Coran.

« Le Coran des historiens » regroupe une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale

Depuis les années 1970 et plus encore ces dernières années, le Coran et les origines de l’islam suscitent un «bouillonnement scientifique», marqué par une multiplication des publications et «des débats passionnants et souvent passionnés». Hélas, tout ceci reste «relativement méconnu hors du cercle des spécialistes», écrivent Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye dans leur introduction. D’où l’envie du premier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et spécialiste du chiisme, de «mettre un peu d’ordre» dans ces multiples travaux et d’en «offrir une synthèse à un public plus large».

Après cinq ans de travail, le résultat vient de paraître aux Éditions du Cerf sous la forme d’un coffret en trois volumes, qu’accompagne une bibliographie en ligne afin de pouvoir être « complété » au fur et à mesure des parutions.

 Le monde qui a vu naître le Coran

Le premier volume a été conçu comme «une monumentale introduction sur le monde qui a vu naître le Coran» : son contexte historique et géographique, qui en fait un «carrefour de traditions et le point de rencontre de plusieurs religions de l’Antiquité tardive» (judaïsme, christianisme, mais aussi judéo-christianisme, manichéisme, zoroastrisme…).

Toutes les questions délicates autour de la rédaction et de la canonisation du Coran y sont abordées. Les deux autres volumes se présentent classiquement sous la forme d’un commentaire par sourate et groupes de versets : non pas seulement à l’aide des sciences islamiques traditionnelles comme le pratiquent les « savants » musulmans depuis des siècles, mais «selon l’approche historico-critique et philologique».

 Une trentaine d’auteurs

Pour y parvenir, Guillaume Dye, professeur d’islamologie à l’Université libre de Bruxelles, et Mohammad Ali Amir-Moezzi ont constitué une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale (Gabriel Saïd Reynolds ou Frédéric Imbert, spécialiste du « Coran des pierres ») ou «jeunes chercheurs remarquablement brillants». Tous s’accordent sur une double démarche méthodologique : «porter un regard critique sur les sources musulmanes» mais aussi «considérer le Coran dans le contexte des monothéismes» déjà présents dans la région, résume Mohammad Ali Amir-Moezzi, qui a apporté sa connaissance des sources chiites sur l’élaboration du texte sacré.

L’équipe compte toutefois quelques grands absents, comme les chercheurs appartenant à « l’école allemande », animée par l’islamologue Angelika Neuwirth et dont la particularité est de s’appuyer aussi sur les sources islamiques ultérieures (hadith, faits et gestes prêtés par la tradition au prophète de l’islam ou à ses compagnons, et sira, biographie de Mohammed), mais aussi d’autres, plus isolés sur la scène mondiale comme l’historienne et anthropologue française Jacqueline Chabbi – à qui les auteurs doivent l’expression de « Coran des historiens ». L’objectif, ici, est d’essayer de comprendre le Coran «avant l’islam», c’est-à-dire avant que ce dernier ne se soit constitué en empire et que – selon la formule d’Amir-Moezzi – l’on ait «changé de planète».

Scientifique, ce volumineux ouvrage se veut aussi «une initiative civique et politique dans le sens le plus noble des termes», affirment les deux auteurs, convaincus qu’«un des moyens les plus sûrs – mais aussi sans doute les plus lents, hélas – pour apaiser les esprits (…) est d’introduire l’histoire et la géographie dans l’examen des choses de la foi».

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/historiens-decryptent-Coran-avant-lislam-2019-11-27-1201063090

ASIA BIBI, CORAN, ISLAM, PAKISTAN

Condamnée à mort pour blasphème — Chrétien web

La Cour suprême du Pakistan a acquitté mercredi 31 octobre 2018 en appel la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème en 2010 et dont le cas avait suscité l’indignation à l’étranger et des violences dans le pays. L’annonce du verdict a suscité la fureur des milieux religieux fondamentalistes qui appelaient de longue date […]

via Condamnée à mort pour blasphème — Chrétien web

BIBLE, CORAN, JUSTICE, LOI DU TALION, RELIGIONS

La loi du talion

Loi du talion

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La loi du talion, une des lois les plus anciennes, consiste en la réciprocité du crime et de la peine. Cette loi est souvent symbolisée par l’expression « Œil pour œil, dent pour dent ».

Elle caractérise un état intermédiaire de la justice pénale entre le système de la vendettta et le recours à un juge comme tiers impartial et désintéressé.

Le mot talion a pour origine talis, ce qui en latin signifie « tel », « pareil », mais aussi « semblable ».

Origine

Les premiers signes de la loi du talion sont trouvés dans le Code de Hammurabi 1730 avant notre ère, en , dans leroyaume de Babylone.   Cette loi permet ainsi d’éviter que les personnes ne fassent justice elles-mêmes et introduit un début d’ordre dans la société en ce qui concerne le traitement des crimes. Le Code d’Hammurabi se présente sous la forme d’une liste de plus de deux cents jurisprudences et nombre d’entre elles sont empreintes de cette juste réciprocité du crime et de la peine. Comme dans les jurisprudences 229, 2302 et 231 où si l’effondrement d’une maison tue, respectivement, le propriétaire, le fils ou l’esclave du propriétaire, c’est le constructeur de la maison qui doit être condamné à mort dans le premier cas, le fils du constructeur dans le second et dans le dernier cas, le prix de l’esclave doit être versé au propriétaire.

On retrouve la référence à Œil pour œil, dent pour dent dans deux jurisprudences du Code d’Hammurabi, les 196 et 200

On lit chez Eschyle (Choéphores, 313) : « Qu’un coup meurtrier soit puni d’un coup meurtrier ; au coupable le châtiment ». Platon (Lois, X, 872 de), à propos du parricide, fait usage de l’argument d’autorité et d’antiquité, et il mêle autant la justice humaine que la Providence et la loi de la réincarnation des âmes :

« Voici donc la doctrine dont l’exposé précis remonte aux prêtres de l’Antiquité. La Justice, nous est-il enseigné, vengeresse toujours en éveil du sang familial, a recours à la loi dont nous avons parlé tout à l’heure, et elle a, dit-on, établi la nécessité, pour qui a commis quelque forfait de ce genre, de subir à son tour le forfait même qu’il a commis : a-t-on fait périr son père ? un jour viendra où soi-même on devra se résigner à subir par violence un sort identique de la part de ses enfants ; est-ce sa mère que l’on a tuée ? il est fatal qu’on renaisse soi-même en participant à la forme féminine et que, cela fait, on quitte la vie en un temps ultérieur sous les coups de ceux que l’on a mis au monde ; c’est que, de la souillure qui a contaminé le sang commun aux uns et aux autres, il n’y a point d’autre purification… »

Il se peut que la loi du talion entende lutter contre une escale de la violence individuelle en limitant celle-ci au niveau de la violence subie. La notion contemporaine de légitime défense   procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l’attaque.

Un flou d’interprétation subsiste, car il n’est nulle part précisé clairement que la loi du talion ne représente que le maximum autorisé de la riposte. Certaines interprétations la présentent au contraire comme la riposte adéquate, ce qui peut conduire à des violences et contre-violences n’ayant jamais de fin.

Considérée dans ce dernier cas comme barbare, injuste, et de toute façon contraire aux intérêts de l’ordre public, elle est remplacée pour certains crimes par des amendes pécuniaires ou des peines d’emprisonnement, que l’on peut considérer comme les premières peines alternatives.

Elles ne satisfont pas pour autant forcément la victime, et on peut sans doute repenser à la sagesse du pionnier Daniel Boone qui, élu juge par ses concitoyens, prononçait au contraire des peines de réparation, centrées sur la victime et non sur le malfaiteur. Ainsi, celui qui avait blessé un cheval se voyait condamné à tirer la charrue à sa place jusqu’à ce que la bête en soit à nouveau capable.

En anglais courant on retrouve le même principe dans le terme retaliation qui exprime bien le même sentiment de riposte et qui partage la même origine.

 

Dans la religion

Exode 21,23-25 : « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. » Lévitique, 24,17-22 : « Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu’il soit, il sera mis à mort. S’il frappe à mort un animal, il le remplacera – vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu’il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; on provoquera chez lui la même infirmité qu’il a provoquée chez l’autre ».

 

Dans le Judaïsme

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 Dans la Torah

La formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le Pentateuque :

« Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »

— Exode 21,23-25

« Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu’il soit, il sera mis à mort. S’il frappe à mort un animal, il le remplacera — vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu’il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; on provoquera chez lui la même infirmité qu’il a provoquée chez l’autre. Qui frappe un animal doit rembourser ; qui frappe un homme est mis à mort. Vous aurez une seule législation : la même pour l’émigré et pour l’indigène. »

— Lévitique 24,17-22

« Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. »

— Deutéronome, 19,21

À quoi s’ajoute :

« Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. »

— Genèse IX:6

Mais contrairement aux codes légaux en vigueur à cette époque au Proche-Orient, dont le Code d’Hammourabi, la Torah indique clairement que :

« les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché. »

— Deutéronome, 24,16

Divers passages de la Bible prônent par ailleurs une morale de dépassement, quand la réconciliation est possible :

« Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel. »

— Lévitique, 19,18

« Ne dis pas : Comme il m’a traité, je le traiterai, je rends à chacun selon ses œuvres. »

— Proverbes, 24,29

 

Dans le Talmud  

Cette règle indique la nécessité d’une équivalence compensatrice dans le châtiment. Le Talmud dans l’ordre Nézikin, traité Baba Kama, fait valoir l’idée que les versets Exode 21, 23-25 ; Lévitique, 24,17-22 et Deutéronome, 19,21 précités ne sauraient être pris à la lettre étant donné qu’il est impossible de déterminer si, par exemple, les conséquences de la perte d’un œil par une personne équivaudront aux conséquences de la perte d’un œil pour une autre.

Le principe général retenu par la loi Juive pour tout dommage physique reçu est le paiement de dédommagements pour :

Nezek, la valeur de l’incapacité physique permanente mesurée en termes de manque à gagner professionnel ;

Shevet, la perte de revenu pendant la récupération de la blessure subie ;

Tzaar, le prix de la douleur ;

Ripouy, le coût des frais médicaux ;

Boshet, la honte infligée.

La valeur exacte de ces dédommagements doit être jugée au cas par cas par un tribunal rabbinique.

Le judaïsme rabbinique ne retient ainsi de la loi du talion que l’idée de juste compensation financière, sauf pour les crimes capitaux en vertu du principe que la vie humaine n’a pas de prix et ne peut donc pas être compensée financièrement.

 

Dans le Christianisme

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Jésus dans le Nouveau Testament reprend cette attitude et recommande de s’y opposer :

« Vous avez appris qu’il a été dit : ‘œil pour œil et dent pour dent’. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »

— Matthieu 5,38-42

 

Dans l’Islam

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Le Coran  s’exprime ainsi :

« Ô les croyants ! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après cela transgresse, aura un châtiment douloureux. »

— Sourate II, verset 178

« C’est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués d’intelligence, ainsi atteindrez-vous la piété. »

— Sourate II, verset 179

« Nous avons fait descendre la Thora dans laquelle il y a guide et lumière. C’est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d’Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. »

« Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, ceux-là sont des injustes. »

— Sourate V, verset 44-45

« Âme pour âme, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, le talion pour les blessures. »

— Sourath V, verset 45

Le droit musulman – Le fiqh établit quatre conditions pour que la peine de mort pour le meurtrier soit applicable :

Que la peine de mort soit réclamée par les familles des victimes : Les juristes musulmans se basent sur une tradition prophétique (hadith) du Prophète Mahomet : « Celui dont (un proche) a été tué, ou celui qui a été blessé, a le choix entre trois possibilités : soit il demande la loi du talion, soit il pardonne, soit il prend le dédommagement financier ».

Qu’il y ait des preuves irréfutables de la culpabilité : En effet, une simple présomption est rejetée par les juristes ou la présence d’indices réels mais insuffisants. Les juristes musulmans établissent la règle suivante : « Les peines et le talion sont caducs dès qu’un doute est présent ».

Qu’il soit prouvé qu’il y avait intention de tuer : l’homicide involontaire ou les coups et blessures ayant entrainé la mort sans intention de la donner ne sont pas sujet à la peine capitale en Islam.

Qu’il n’y ait pas présence de circonstances atténuantes : Le droit musulman rend caduque l’application de la peine capitale s’il y a présence de circonstances atténuantes malgré la présence des trois conditions précédentes. Ainsi en est-il du cas de légitime défense.

 

De nos jours

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Le Droit moderne occidental n’applique plus la Loi du talion en matière criminelle, ainsi l’article 2 de la Convention européenne des droits de ne permet le recours à la force que lorsqu’elle est absolument nécessaire. Elle est considérée comme relevant plus de la vengeance privée que de la justice. En principe, les peines prononcées aujourd’hui servent à punir le coupable, mais elles sont doublées d’une volonté de préparer le condamné à sa réinsertion dans la société  après une période de réadaptation. Parallèlement, en matière civile, le concept de dommages-intérêts constitue la réparation financière, à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un préjudice moral et/ou une atteinte dans son patrimoine (préjudice matériel).

On peut par contre la rencontrer dans certains États appliquant le droit islamique, comme au Nigéria, où la restauration dans les États du nord de la charia a vu l’introduction d’une loi du talion en matière de blessures ou d’homicide, avec faculté pour la victime ou ses héritiers d’y renoncer, au profit d’une indemnité financière.

 

Loi du talion et la peine de mort

La Loi du talion est utilisée comme argument par des partisans de la peine de mort,  partageant l’idée de Joseph de Maistre, qui considère qu’une personne qui a tué mérite la mort, seule peine équitable. Le point de vue opposé a été largement défendu par Beccaria et Victor Hugo (« Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant ! »).

Dans l’arrêt VINTER ET AUTRES contre ROYAUME-UNI du 9 juillet 2013 la cour européenne des droits de l’homme a considéré que les peines de perpétuité réelle obligatoires instituées pour certains crimes par le Royaume-Uni relevaient de la loi du Talion et étaient incompatibles avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de droit pénal international proscrivant les peines disproportionnées.

 

Loi du talion et légitime défense

Le concept contemporain de légitime défense, qui doit être proportionnée à l’attaque, peut sembler être un héritage de la Loi du Talion dans son acception limitative. La légitime défense consiste à se protéger soi-même, protéger autrui, ou un bien de l’attaque d’un tiers. Toutefois, dans le cadre de la légitime défense, il n’est pas question d’une réponse a posteriori consistant en une vengeance permise et encadrée par la Loi (comme dans le cadre de la Loi du Talion), mais d’un acte préventif visant à protéger la personne, autrui, ou un bien devant une atteinte injustifiée ou illégale.

Code Pénal français, article 122-5 :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. »

 

Loi du talion et Théorie des jeux

Il n’y a pas de stratégie optimale dans le problème du Dilemme du prisonnier réitéré. Toutefois de nombreuses expérimentations amènent à la conclusion qu’il ne semble pas y avoir de stratégie qui soit systématiquement meilleure que celle, dite Tit-for-Tat, basée sur la loi du talion, et que si celle-ci est rarement la meilleure, elle se classe systématiquement parmi les meilleures. La plupart des interactions dans une société pouvant se ramener à un jeu de somme non nulle  

 

Source : wikipédia

CORAN, ISLAM, RELIGIONS, RELIGON, SALAFISME

Le salafisme dans l’Islam

QU’EST-CE-QUE LE SALAFISME ?
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Depuis plusieurs années, une nouvelle identité religieuse semble avoir fait son apparition en Europe et dans le monde : le salafisme. Les auteurs des attentats de Paris (1995), de New-York (2001), Casablanca (2003), Madrid (2004), Londres (2005) se réclament de l’appartenance à ce mouvement.

Sur Internet, les vidéos d’égorgement d’otages en Irak sont diffusées par des groupes qui se réclament indifféremment du “jihadisme” ou du “salafisme”. Le succès de la dynamique salafiste dans les milieux sunnites a réactivé la traditionnelle fracture confessionnelle entre chiites et sunnites dans le monde musulman. Cette réalité touche également les sociétés européennes puisqu’elles assistent à la revendication d’une conception totale de la foi par une minorité qui dénonce les valeurs impies des sociétés occidentales tout en refusant l’emploi de la violence, à travers le refus de la mixité dans les écoles et les hôpitaux par exemple. Ainsi, depuis 1990, on assiste au développement d’un large prosélytisme salafiste qui articule à la fois refus de la mondialisation et refus des valeurs républicaines.

“Le salafisme est une vision de l’islam qui privilégie le Coran, la sunna et l’imitation des pieux ancêtres (salaf sâlih) assimilés aux compagnons du Prophète Muhammad dans la période idéalisée de la première communauté de Médine (622-661). Il s’agit donc d’une lecture fondamentaliste, voire littéraliste des textes de l’Islam, hostile à l’intervention de la raison dans l’interprétation du message divin” (Dominique Thomas) [1].

Mais cette définition ne peut suffire à expliquer un phénomène qui touche la péninsule arabique comme l’Europe, dont les origines peuvent remonter au Moyen-Age, qui rencontre un écho auprès des jeunes musulmans et des nouveaux convertis, qui peut être “quiétiste” comme jihadiste. Comment expliquer les raisons d’un tel succès dans des contextes si divers ? Surtout, est-il possible d’identifier des grilles de lecture communes et structurantes à toutes ces manifestations religieuses et politiques diverses, voire contradictoires, du salafisme moderne ?

 

 I- Le salafisme : une pratique totale de la foi en référence à un corpus théologique commun

1) Un “scripturalisme théologique” (Olivier Roy)

Les salafistes voient le monde à travers le prisme de la charia et refusent les compromissions au sein de l’oumma musulmane.

 Un mouvement sunnite mais des controverses méthodologiques. Etymologiquement, le salafisme est une mouvance de l’Islam qui a pour but de revenir aux sources d’un Islam originel : il prend pour exemple les “pieux ancêtre » (salaf al-salih), c’est-à-dire les premiers musulmans dans l’Arabie du VIIe siècle. Le Coran doit être interprété grâce la sunna du Prophète (l’ensemble de ses paroles, gestes et attitudes) et non par l’exercice de la raison individuelle. Au Moyen Age, le développement du salafisme s’accompagne de grandes interrogations philosophiques. Le cheikh Al Hanbal, au IXe siècle, élabore une doctrine promise à une longue postérité : il pose le Coran et la sunna comme sources uniques de la légitimité religieuse. Le texte coranique doit être reçu tel quel, comme tel, sans susciter de questionnement car il est incréé et éternel. La raison humaine, limitée par nature, ne peut pas l’expliquer afin de tenter de saisir l’essence du message divin. C’est pour cela que le croyant doit recourir aux paroles du Prophète et des premiers musulmans pour comprendre le sens du message divin.

 L’entrée du salafisme en politique avec Ibn Taymiyya et Ibn al-Wahhab. L’œuvre d’Ibn Taymiyya (1263-1327) sera annexée par l’islamisme radical car c’est ce penseur qui le premier donne son importance au jihad. Il s’agit d’une figure paradoxale car il a prôné la lutte contre toutes les formes de déviations religieuses : il prend l’exemple de la conversion superficielle des Mongols lorsqu’ils envahissent Damas en 1300. Mais en même temps, ce personnage a fait preuve d’un certain loyalisme politique, dans la droite ligne du hanbalisme, en prônant l’obéissance à l’autorité politique établie. Dans l’Arabie du XVIIIe siècle, Mohammed Ibn Al-Wahhab accuse ses coreligionnaires de retomber dans l’ignorance préislamique. Il prône l’unicité divine contre toutes les formes d’impiété populaire (pèlerinages, culte des saints) qui doivent être combattues. Pour lui, ce sont les modalités de la croyance qui vont déterminer l’appartenance à l’Islam et c’est à partir de là qu’Al-Wahhab élabore sa “théorie du soupçon” contre toutes les formes de croyance qui s’éloigneraient du Coran et de la sunna. L’héritage des trois figures que sont Ibn Hanbal, Ibn Taymiyya et Ibn al-Wahhab est très présent dans le salafisme contemporain.

 

2) Un anti-occidentalisme culturel

Le terme de salafisme date de la fin du XIXe siècle avec Jamaluddin Al-Afghani. L’idée est de “contourner une tradition religieuse sclérosée et une histoire politique où les musulmans se sont aliénés dans le colonialisme, en revenant aux textes originaux et au modèle de société du temps du Prophète. Il faut donc rouvrir les portes de l’interprétation (ijtihâd)” [2]. Avec le salafisme, le retour aux sources de l’Islam devient indissociable de l’anti-occidentalisme.

 Le refus de toute influence occidentale.
Aujourd’hui, le salafisme se manifeste essentiellement par son anti-occidentalisme. Celui-ci, selon Olivier Roy, peut prendre deux formes : dogmatique (les Saoudiens sont les alliés stratégiques des Etats-Unis mais refusent toute église sur leur sol) ou militante (attentats terroristes). Pour Olivier Roy, derrière cet anti-occidentalisme, c’est le refus même du concept de culture qui est à l’œuvre dans le salafisme pour lui préférer le concept de religion à travers une foi qui s’exprime dans le code du licite et de l’illicite. La ligne de fracture entre conservateurs et radicaux (prédication VS jihad) au sein de la mouvance salafiste n’est pas une différence d’ordre théologique selon Olivier Roy. Pour lui, l’explication de la différence entre ces deux expressions du salafisme réside dans “la position institutionnelle des acteurs (le grand mufti d’Arabie Saoudite peut difficilement être jihadiste) ou dans des choix de stratégie (le Hizb ut-tahrir considère que le lancement du jihad est prématuré)”.

 Les paradoxes du salafisme moderne dans son rapport à la mondialisation.
L’attitude des militants salafistes est pourtant paradoxale : ils affirment combattre les effets néfastes de la mondialisation sur l’intégrité de la foi musulmane alors qu’elle est responsable du succès de la dynamique salafiste au cours des dix dernières années, en particulier à travers le rôle d’Internet.

 

 II- Des salafismes : des pratiques divergentes voire contradictoires, entre coopération et rivalité

“Le fait que des acteurs situés aux extrémités opposés du spectre politique se réclament de la même tradition religieuse prouve la malléabilité du salafisme dans sa dimension politique”. [3].

1) Le salafisme littéraliste

 La doctrine. Le salafisme littéraliste prône l’immersion du croyant dans les textes religieux et refuse toute forme de participation politique, perçue comme responsable de la division des croyants. En général, cette expression du salafisme s’identifie au wahhabisme saoudien, même s’il existe au sein de ce courant une opposition aux Saoud. Ce salafisme est souvent appelé “quiétiste” car il y a une insistance sur la nécessité d’obéir au pouvoir politique en place, inconditionnel s’il est musulman.

 Les applications politiques. En général, les salafistes littéralistes se caractérisent par leur haine des Frères musulmans, accusés de rechercher constamment la prise de pouvoir plutôt que de défendre le corpus divin. Il y existe une hostilité de principe à l’égard de la pratique électorale mais des compromis peuvent être faits : ainsi, au Koweït, la participation électorale a permis de combattre l’influence des Frères Musulmans. Les “salafistes scientifiques”, très proches du pouvoir saoudien, ont remporté les élections de mai 2008 au détriment des Frères musulmans. Au contraire, le parti de la Umma refuse de participer au jeu politique en raison du caractère autoritaire du régime des al-Sabah. Ils réclament un gouvernement islamique démocratique.

 

2) Le salafisme réformiste

 La doctrine. Il privilégie une lecture politique du monde et une vision très conservatrice de la société à travers les thèmes modernes (la politique américaine en Irak et en Aghanistan, le conflit israélo-arabe et la cause palestinienne, les musulmans dans le Caucase et dans les Balkans). Les salafistes réformistes s’expriment dans un arabe accessible au plus grand nombre, à l’inverse de certains textes salafistes au style soutenu.

 Les applications politiques. La principale expression du salafisme réformiste est représentée par le courant da la Sahwa Islamiyya, le “réveil islamique”, dans l’Arabie saoudite des années 1990. Ce mouvement, lancé par des jeunes prédicateurs saoudiens et des intellectuels issus de la société civile, appelle la monarchie saoudienne à se réformer politiquement. Ils demandent une plus grande ouverture des institutions politiques au champ du religieux et une redéfinition des alliances avec l’Occident. Ce courant s’est beaucoup inspiré des Frères musulmans en prônant une contestation par le débat politique et religieux. Pour lui, dans le pacte originel entre Ibn Al-Wahhab et Ibn Al-Saoud, c’est le politique qui était subordonné au religieux, il faut donc rétablir l’autonomie du religieux.

 

3) Le salafisme-jihadisme

 La doctrine. Le salafisme-jihadisme place le devoir du jihad au cœur de la croyance religieuse. « N’importe quel croyant est autorisé à prononcer un jihad obligatoire et individuel si l’imam (aujourd’hui le dirigeant d’un pays musulman) est défaillant dans l’exercice de ses obligations religieuses » (Bernard Rougier).

 Les applications politiques. Le principal clivage au sein de cette mouvance porte sur l’échelle du jihad : globale ou locale. La lutte peut se dérouler sur un territoire national (Tchéchénie, Palestine, Irak), dans tout territoire musulman occupé par une armée étrangère mais aussi dans l’ensemble des régimes arabes jugés illégitimes. Le courant salafiste-jihadiste est né des expériences de contestation du régime saoudien (1929 par les Ikwans et 1979 lors de la prise de la mosquée al-Haram à la Mecque par le groupe Juhayman al-Utaybi). Ils ont également lutté contre l’occupation soviétique en Afghanistan. C’est de là que naît autour d’Oussama Ben Laden la mouvance jihadiste internationale qui prend vers la fin des années 1980 le nom d’Al-Qaïda. Le salafisme devient avec eux dogme religieux et méthode politique, et le jihad moyen de lutte de type révolutionnaire.

La référence à un corpus théologique commun débouche sur des manifestations politiques très diverses voire contradictoires dans leurs principes. Certaines mouvances au sein du salafisme sont entre coopération et rivalité, et il est difficile d’identifier les expressions du salafisme à l’échelle locale, régionale et internationale. Le salafisme existe aujourd’hui en Europe et sur Internet. Les lignes de fractures du mouvement sont remises en question : on ne peut pas forcément opposer salafistes quiétistes et salafistes politiques. De même, le rapport à la violence est complexe.

 

Bibliographie :

ABOU DIAB, KARAM, LABEVIERE, LARIEGE, ROY, SFEIR, Dictionnaire mondial de l’islamisme, Paris, Plon, 2002.

[1] François Burgat et Mu‘hammad Sbitli, « Les Salafis au Yémen ou… La modernisation malgré tout », Chroniques yéménites [En ligne], 10 | 2002, mis en ligne le 07 septembre 2007, URL : http://cy.revues.org/137 .

[2] Olivier Roy, L’Islam mondialisé (chapite 6 : Le néo-fondamentalisme ou salafisme), Paris, Le Seuil, 2002.

[3] Bernard Rougier, Qu’est-ce que le salafisme ? Paris, PUF, 2008.

 

ARTICLE PUBLIÉ LE 07/12/2011

Par Olivia Blachez

https://www.lesclesdumoyenorient.com/Qu-est-ce-que-le-salafisme.html

 

 

Quiétistes, politiques, dijhadistes : qui sont les salafistes ?

Propos recueillis par Matthieu Stricot –

 

 Les salafistes défendent une vision littéraliste et ultra-conservatrice de l’islam. Pour autant, sont-ils tous dangereux ? Que défendent-ils ? Entre approche sécuritaire et liberté de croyance, quelle politique adopter à leur encontre ? Rencontre avec Samir Amghar, sociologue spécialiste du salafisme.

 

Le salafisme, du terme as-salaf (pieux prédécesseurs), prône un retour à l’islam des origines. Les salafistes se réclament de savants comme Ahmad Ibn Hanbal (VIIIe-IXe siècles), Taqî ad-Dîn Ahmad Ibn Taymiyya (XIVe siècle), mais surtout du prédicateur Mohammed Ibn Abdelwahhab (fin du XVIIIe siècle). Les enseignements de ces trois érudits sont-ils semblables ?

Les contextes des prédications d’Ibn Hanbal, Ibn Taymiyya ou Ibn Abdelwahhab sont différents, mais ces trois théologiens ont vécu dans une situation politique instable. Se réclamer de la salafiyya (la « tradition »), c’est se réclamer de la lecture et de la compréhension des compagnons du Prophète, considérés comme étant les meilleurs des musulmans, et ceux qui ont le mieux appliqué l’islam. Pour le salafisme, il est nécessaire de revenir à une version puritaine et littéraliste de l’islam pour résoudre les problèmes que peuvent connaître les sociétés musulmanes.

 

Nombre de musulmans critiquent cette approche salafiste, qui donnerait trop d’importance aux textes, au détriment du contexte et de l’esprit…

Le salafisme contemporain fonde sa légitimité religieuse sur une approche au pied de la lettre des versets coraniques et de la tradition prophétique. On part du principe que l’islam est certes apparu dans un contexte tribal, mais que son caractère universel et transcendant le rend immuable. Il s’applique quels que soient le temps et l’espace dans lequel on se trouve. L’idée d’adapter le texte au contexte, de tenir compte de la modernité ou de la situation des musulmans de la diaspora ne passe pas chez les salafistes, car ils font une lecture intégrale de l’islam.

 

Le mouvement salafiste est d’une grande diversité, mais trois courants principaux se dégagent : salafisme quiétiste, salafisme politique et salafisme révolutionnaire (djihadisme). Quelles sont leurs divergences ?

Le salafisme quiétiste est ultra-orthodoxe, ultra-conservateur, avec une approche littéraliste de l’islam. Il s’intéresse particulièrement à la prédication et à la formation religieuse, mettant l’accent sur l’éducation islamique. Ses fidèles partent du principe que les musulmans pratiquent un islam galvaudé, et qu’il est important de les appeler au « véritable islam ». Particularité du salafisme quiétiste : il ne s’intéresse pas aux questions politiques. Il est également non-violent : un certain nombre de figures du salafisme mondial ont émis des fatwas condamnant les actions menées par Al-Qaïda ou l’État islamique.
Le salafisme politique reprend la lecture religieuse du salafisme quiétiste, mais prône la nécessité de s’organiser en partis politiques. L’archétype même de ce salafisme politique est le parti salafiste An-Nur (le Parti de la Lumière), en Égypte. Enfin, le salafisme révolutionnaire partage l’approche littéraliste et ultra- conservatrice du salafisme quiétiste, mais considère que le changement passe non pas par l’éducation religieuse, mais à travers l’action armée et l’usage de la violence. Ces trois mouvements entretiennent des relations dans la mesure où ils partagent une matrice idéologique commune, mais divergent sur les modalités du changement social. De plus, ils se jettent mutuellement l’anathème. Salafistes quiétistes et salafistes révolutionnaires s’accusent l’un l’autre d’errance ou d’égarement théologique.

 

Comment le salafisme s’est-il exporté dans les pays occidentaux ?

En Europe, le phénomène a émergé à la fin des années 1990, avec la conjonction de deux phénomènes : d’abord, l’arrivée de certains militants appartenant à l’aile salafiste du Front islamique du Salut. Actifs en Algérie à cette époque, ils ont décidé de poursuivre leur activité politique en Europe, car ils étaient réprimés dans leur pays d’origine. Deuxième phénomène : le retour d’étudiants, nés en Europe, après un cursus universitaire en sciences islamiques dans des universités saoudiennes, notamment à l’université de Médine. La venue régulière de théologiens salafistes de la Péninsule arabique pour donner des conférences en France et en Europe a également participé à l’enracinement progressif du salafisme.

 

Comment s’est-il implanté dans la communauté musulmane ?

La prédication salafiste s’est implantée à la faveur du déclin progressif des formes traditionnelles d’encadrement islamique dominantes dans les années 90 : l’organisation du Tablighi Jamaat, mouvement d’origine indo-pakistanaise, et les Frères musulmans, actifs dans les milieux d’immigrés européens, et notamment français.

 

Les quartiers défavorisés sont-ils un terreau favorable à cette prédication ?

Oui, pour plusieurs raisons. Dans les années 90, le salafisme recrutait prioritairement des personnes issues de l’immigration musulmane, de la deuxième génération. Bien souvent, des individus issus des classes populaires, vivant dans une précarité socio- économique. L’islam permettait de donner du sens à des individus qui l’avaient perdu.

De nombreux convertis à l’islam se tournent vers le salafisme…

Il existe des convertis dans d’autres mouvements d’islamisation, mais en proportion beaucoup moins importante que dans le mouvement salafiste. Entre 25 et 30 % de personnes fréquentant des mouvances salafistes sont des convertis. Quand on parle des convertis, on parle souvent des métropolitains blancs. Or, on s’aperçoit que les salafistes recrutent également parmi d’autres figures du converti : en France, des personnes originaires des départements d’Outre-mer (Réunionnais, Martiniquais, Guadeloupéens…), d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale. En Grande-Bretagne, un certain nombre de Jamaïcains se sont tournés vers l’islam, notamment vers le salafisme. Au Canada ou aux États-Unis, c’est le cas de beaucoup d’Afro-américains et d’Haïtiens.

 

La barrière entre salafisme quiétiste et djihadisme est-elle poreuse ?

Dans les années 80, il existait une Pax Islamiya : des groupements religieux pouvaient travailler pour le même objectif. Mais la Guerre du Golfe (1990-1991) a entraîné un éclatement des différentes tendances. Les salafistes politiques et révolutionnaires se sont opposés à l’intervention, considérant que l’arrivée des troupes américaines sur le territoire saoudien constituait une remise en cause du territoire sacré de l’islam. Les salafistes quiétistes, quant à eux, étaient favorables à l’arrivée des troupes américaines pour combattre l’armée irakienne de Saddam Hussein.
À partir de ce moment-là, les djihadistes ont critiqué l’Arabie saoudite et ses théologiens, considérés trop proches des Américains et d’Israël. Depuis cette date, il est très difficile pour un salafiste quiétiste de basculer vers la radicalisation violente.

Qu’en est-il du basculement du salafisme politique au djihadisme ?

Il existe une sorte d’appétence entre les deux. Exemple : en Belgique, le Parti des Jeunes musulmans et le Centre islamique de Belgique étaient dirigés par le franco- syrien Bassam Ayashi et par un converti belge, Jean-François Abdullah Bastin. Ils défendaient le salafisme à travers une logique d’élections. Une bonne partie des personnes ayant fréquenté ces structures ont finalement basculé vers le salafisme révolutionnaire. Le fils d’Abdullah Bastin, Muhammed el Amin Bastin, était suspecté d’être lié aux auteurs des attentats-suicides d’Istanbul de novembre 2003. De son côté, Bassam Ayashi est parti combattre le régime de Bachar el-Assad en Syrie. Son fils, parti lui aussi, est mort au sein d’une brigade djihadiste.

 

Comment lutter contre les processus de radicalisation ?

Il est nécessaire de mobiliser un contre-discours, des arguments religieux pour déconstruire l’idéologie djihadiste. On peut s’appuyer sur les salafistes quiétistes, car ceux-ci critiquent fortement le djihadisme. Les processus de radicalisation se nourrissent également d’une frustration politique. Certains individus ne peuvent pas exprimer leur engagement politique au nom de l’islam autrement que par la violence. En le faisant par des moyens légaux, ils se font immédiatement arrêter. Il serait peut- être important de laisser les individus contestataires s’exprimer tant qu’ils le font dans un cadre légal, dans des sit-in ou manifestations, au nom de la liberté d’expression. Car plus on verrouille, plus on incite les individus à se radicaliser.

 

Les musulmans français ont-ils un rôle à jouer pour faire entendre une autre voix de l’islam ?

Il ne faut pas considérer que les musulmans aient un rôle central à jouer. Cela doit être fait par l’ensemble de la société civile. L’État doit mettre en place des programmes de lutte contre la radicalisation, mêlant à la fois une politique répressive et une stratégie de dialogue politique avec les djihadistes. Le tout-sécuritaire ou la volonté de répondre par les coups à l’État islamique peuvent être intéressants, mais atteindront rapidement leurs limites.

 

Face aux discours salafistes venus d’Arabie saoudite, ne manque-t-on pas d’imams ou de savants musulmans nés en France et élevés dans la culture française ?

Si un certain nombre d’imams sont dans cette logique, ils restent minoritaires et n’ont pas d’audience auprès de la population musulmane, notamment auprès des jeunes. Il faut abandonner l’idée que, pour lutter contre les processus de radicalisation, il faille définir par le haut ce que l’on considère comme le bon islam : un « islam modéré », un « islam des Lumières », etc. Les formes les plus orthodoxes de l’islam en France sont hypernormées et conservatrices, mais s’accommodent parfaitement de la question de l’adaptation des musulmans en France. De plus en plus de musulmans de la deuxième génération, appartenant aux classes moyennes et supérieures, sont très conservateurs, mais se sentent parfaitement français, tant sur le plan politique que culturel.

Est-ce également le cas des salafistes ?

Oui, de plus en plus de salafistes considèrent qu’il est important de se soumettre aux lois françaises. Exemple : l’imam de Brest, Rachid Abou Houdeyfa, défend un islam ultra-orthodoxe. Mais il explique aux fidèles que, s’ils sont musulmans, ils sont également Français et doivent s’intégrer à la société, tout en revendiquant leur différence religieuse. Lors de son sermon du vendredi, il a rappelé que les attentats du 13 novembre n’avaient rien à voir avec l’islam, qu’il fallait s’unir pour lutter le djihadisme, ce « cancer » de l’islam. Qu’il fallait lutter contre la bipolarisation de la société entre musulmans et non-musulmans. S’il est très conservateur, cet imam en appelle aussi aux valeurs de la République. Ultra-orthodoxe et citoyen, les deux peuvent aller de pair.

 

(*) Sociologue français, spécialiste du salafisme et de l’orthodoxie en islam, Samir Amghar est docteur de l’EHESS de Paris, chercheur à l’université du Québec et à l’Université libre de Bruxelles. Il est notamment l’auteur de Le salafisme d’aujourd’hui, mouvements sectaires en Occident (Michalon Editions, 2011) et L’islam militant en Europe (Infolio, 2013).

 

http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/quietistes-politiques-djihadistes-qui-sont-les-salafistes-30-11-2015-5122_118.php

 

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BIBLE ET CORAN : LES DIFFERENCES

bible et coranBible et Coran, quelles différences?

 Les pierres d’achoppement entre la religion musulmane et la religion catholique sont nombreuses. Qu’il s’agisse de la personne de Jésus, du dogme de LaTrinité, du concept de Révélation, de la liberté religieuse, de la prière, du statut de la femme etc. À la racine de toutes ces divergences, un rapport différent aux «Écritures»

 Coran et Bible 

Ainsi, pour le croyant musulman, le Coran est la Révélation. Il est regardé par les musulmans pieux comme une «dictée surnaturelle enregistrée par le prophète inspiré», écrivait lorientaliste Louis Massignon au début du siècle dernier. Par ailleurs, le Coran est lultime révélation qui récapitule tous les Livres antérieurs, en particulier, celui de Moïse (la Tora) et celui de Jésus (l’Évangile). Le Coran est ainsi le Livre. Il est même, en quelque sorte, Dieu fait livre. En christianisme, la Bible n’est pas considérée comme la Révélation ; en revanche, les livres qui composent cette Bible sont dits inspirés, en ce sens qu’ils permettent de connaître celui qui, en christianisme, est la Révélation, Jésus de Nazareth, Dieu fait homme. Le concept de révélation n’a donc pas le même sens en islam et en christianisme. D’un côté, la Révélation est un livre : le Coran ; de l’autre, la Révélation est une personne : Jésus Christ. De là, de terribles confusions!

 Mohammed et Jésus

L’un des plus douloureux malentendus concerne précisément la personne de Jésus. Musulmans et chrétiens le revendiquent. Mais peut-on affirmer qu’il s’agit de la même personne? En islam, Jésus (Aïssa) est lun des nombreux prophètes musulmans envoyés par Dieu pour rappeler le pacte primordial entre Dieu et sa création. À linstar des nombreux prophètes musulmans des temps passés (Adam, Abraham, Noé, Moïse etc.), Jésus (Aïssa) est lui aussi un grand prophète musulman, mais juste en dessous de Mohammed. Comme ce dernier, Jésus est prophète-envoyé : il a apporté un livre, l’Évangile (al-Indjîl), dont les chrétiens se réclament, mais qu’ils ont falsifié ; cette terrible accusation induit que, pour connaître l’authentique figure de Jésus, on doit recourir au Coran, seule révélation crédible. 

Enfin, le malentendu est redoublé puisque le Coran est, pour tout musulman, l’ultime Écriture donnée à Mohammed, sceau de toute prophétie. Or, il est impossible aux chrétiens de reconnaître Mohammed comme prophète, ni même comme l’exemple de toute fidélité à Dieu. Tout au plus peuvent-ils le voir comme un personnage des premiers âges de l’Ancien Testament, avant que la parole de Dieu n’ait policé les mœurs. Sur ce point, la distance entre chrétiens et musulmans est immense. Quant à Jésus, il est, entre chrétiens et musulmans, à la fois un lien très fort et «comme une pomme de discorde», écrit le penseur musulman Mohammed Talbi, qui poursuit : «Lislam le revendique et le glorifie. Mais, de ce fait, corollaire inévitable, Jésus est aussi un point focal des divergences qui opposent chrétiens et musulmans. Honnêtement, reconnaissons que nos divergences sont insurmontables.» (1)

 Monothéisme et Trinité

De cette relation radicalement (au sens de «racine») différente à leurs Écritures respectives découle, entre chrétiens et musulmans, le malentendu concernant le dogme chrétien de la Trinité. Ne nous arrêtons pas aux polémiques, bien présentes dans le Coran, concernant la «triade» chrétienne (un dieu «père», un dieu «fils» et Marie) (Coran 5, 116). Force est de constater que cest là un point dachoppement majeur. Les musulmans s’estiment en effet les seuls monothéistes authentiques. Puisque le Coran interdit formellement d’«associer» à Dieu dautres dieux, les chrétiens sont taxés, en toute bonne foi, de polythéistes. Et le polythéisme est, en islam, le seul péché impardonnable! 

Dans ces conditions, il est bien difficile de présenter aux croyants musulmans le mouvement d’amour trinitaire de Dieu-Père qui m’invite à suivre son Fils unique Jésus, «qui a pris chair de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité», pour que je vive désormais de son Esprit. Scandale pour les musulmans, qui récusent la mort de Jésus au nom même du respect quils portent à sa personne  les juifs n’ont pas tué Jésus, affirme le Coran  «Ils ne lont pas tué, ils ne l’ont pas crucifié : cela leur est apparu ainsi» (4, 157). Lincarnation de Dieu en Jésus Christ est proprement insensée pour tout croyant musulman.

 Foi et raison dans les deux religions

Dans l’islam, le problème est de savoir si la foi à laquelle appelle le Coran est dans la ligne de la raison humaine (et donc, en ce sens «rationnelle»), ou si, tout en appelant à un sage usage de la raison humaine, elle dépasse la pure raison et exige le sens du mystère divin. Certes, le Coran appelle les musulmans à réfléchir, à utiliser leur raison pour méditer les «signes» que Dieu a donnés. Croire, cest faire un usage sain de la raison; la foi est donc «raisonnable». Mais la foi nest pas le fruit dune évidence dordre rationnel, dun raisonnement contraignant. Notons que le Coran a horreur des discussions où chaque camp veut prouver qu’il a raison: ainsi, il ne faut pas demander à voir lobjet de la foi Dieu comme ce fut la faute de Moïse (7, 142-143) car Dieu est invisible (6, 143). Finalement, selon le Coran, «ne croiront que ceux qui croient déjà» (cest-à-dire qui sont disposés à croire) (11, 36). Dans le christianisme, la place de la raison semble se situer dans la mise en œuvre du couple «croire pour comprendre et comprendre pour croire» de saint Anselme. À cet effet, la raison a toute sa place au service de la foi. D’ailleurs, et de manière analogue, dans l’expérience spirituelle chrétienne, on est invité à chercher Dieu («dès laube», ajoute le psaume 62)? Et, par le fait même à chercher à comprendre en utilisant l’ intelligence avec lespoir de le trouver même si cela se révèle être une quête incessante; La quête de saint Augustin: «Notre cœur est sans repos tant quil ne demeure en toi» nest pas première en islam; en revanche, elle est  le domaine où le chrétien se sent le plus proche des mystiques musulmans, les soufis  (soupçonnés de «déviation» (bida’a) par l’islam orthodoxe!)

 

La prière

Au sens technique du mot, la «prière» est, dans l’islam, l’un des cinq piliers de la religion. Tout croyant, homme ou femme, doit l’accomplir cinq fois par jour, suivant des gestes et des invocations précises ; le vendredi, cette prière se fait en commun à la mosquée. Les musulmans accomplissent ces rites immuables avec sérieux, expression de la foi sous-jacente. Dans le christianisme, le mot «prière» peut évoquer des rites religieux précis ou des pratiques religieuses de dévotion, comme le chapelet, les pèlerinages etc. Mais la prière est d’abord un cœur à cœur personnel (ou communautaire) pour remercier l’auteur de tout don, pour lui parler comme un ami parle à un ami, lui confiant ses affaires et demandant conseil. Une fois encore, les mêmes mots ne recouvrent pas la même réalité.

 

Le statut de la femme en islam

C’est là un sujet particulièrement délicat qui interdit toute généralité. Les traités de droit musulman classiques, qui s’appuient sur une lecture littérale du Coran, réservent à la femme un statut d’éternelle mineure – elle passe de la tutelle du père à celle du mari – et ses «droits» sont strictement limités à une soumission totale à ce dernier. Mais la situation de la femme est très diverse suivant les pays musulmans. Le code algérien de la famille voté en 1984, autorise la polygamie, la répudiation. Mais, dans ce même Maghreb musulman, la femme tunisienne jouit d’une situation juridique plus libérale. En France, les musulmanes vivent leur statut de femme, même si certaines familles renvoient encore «au pays» des jeunes filles qui sont mariées là-bas, de force… Quant aux pays sous domination islamiste, la situation est très difficile pour les femmes!

Les pierres d’achoppement entre les deux religions sont douloureuses. On utilise les mêmes termes dans la comparaison des deux structures religieuses différentes : Dieu, les prophètes, la Révélation, la religion etc. «Le contenu de lexpérience que ces mots recouvrent est radicalement différent  ils n’ont pas encore été chargés d’une expérience commune», écrivait Pierre Claverie, évêque dOran assassiné en 1996. Il ajoutait  «Le dialogue ne consiste pas à échanger des informations, mais à poser à lautre, et à se poser à soi, des questions radicales» : travail de longue haleine, de profond respect mutuel.