Guerre de Vendée : le film « Vaincre ou mourir »
Le film du Puy du Fou « Vaincre ou mourir », qui raconte l’épopée de Charette durant la guerre de Vendée (1793-1796).
« Vaincre ou Mourir », le premier film du Puy du Fou réalisé en partenariat avec Canal +, sort ce mercredi 25 janvier dans toutes les salles de cinéma en France. Ce film au souffle épique, dixit Nicolas de Villiers, le président du Puy du Fou, évoque la vie de Charette (1763-1796), le plus romanesque des chefs vendéens. Le film a été tourné à 80 % au Puy du Fou qui a mis à disposition des réalisateurs, Paul Mignot et Vincent Mottez, ses moyens humains, animaliers et ses décors. Le film a nécessité 60 000 costumes, 230 chevaux et des milliers de figurants.
Plusieurs historiens, dont l’Angevine Anne Rolland Boulestreau, ont été consultés en amont et interviennent au tout début pour donner la mesure de la véracité de l’histoire, précise Nicolas de Villiers. C’est une œuvre artistique, ce n’est pas un travail scientifique mais tous les faits racontés sont exacts. Les dialogues, les sentiments, l’intimité des personnages ne nous sont pas donnés par l’histoire, c’est à ce moment-là que la fiction prend le relais, prévient Nicolas de Villiers.
Le rôle de Charette est tenu par Hugo Becker. Jean-Hugues Anglade et Constance Gay, entre autres, lui donnent la réplique.
Ouest-France
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« Vaincre ou Mourir »
Le célèbre parc avait annoncé il y a quelques mois la production d’un long-métrage sur l’officier de Marine Charette. Ce dernier s’intitule « Vaincre ou Mourir »,
Après visionnage de la bande-annonce de « Vaincre ou Mourir », le seul sentiment qui s’en dégage, c’est que l’on a hâte d’être le 25 janvier prochain pour aller le découvrir sur grand écran.
- Voilàtrois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré́ chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entrainant à sa suite paysans, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…
Musique épiques, scènes impressionnantes
« Vaincre ou Mourir » nous emmènera donc dans un contexte de guerre civile à la suite de la mort du roi Louis XVI, tout en nous immergeant dans le récit, par le point de vue du personnage de Charette. Dans une bande-annonce impressionnante, le film produit par le « Puy du Fou » annonce le ton. Image sublime, décors et costumes magnifiques et musiques épiques, le film veut, tout comme le parc, impressionner par une dimension grandiose basée sur des faits majeurs de l’histoire de France, en plus d’être rattaché à la région vendéenne chère au « Puy du Fou ».
Le spectateur peut ainsi s’attendre à des scènes de batailles spectaculaires, mêlant infanteries et cavaleries, le tout réalisé avec soin par Vincent Mottez et Paul Mignot. Parmi les acteurs, on retrouvera Hugo Becker dans le rôle de Charette, ainsi que Rod Paradot, Gilles Cohen, Grégory Fitoussi, et bien d’autres.
Le parc avait déjà réalisé un spectacle sur la vie de Charette intitulé « Le Dernier Panache », à couper le souffle et qui avait conquis sans difficulté 12 millions de spectateurs. Espérons pour la jeune production audiovisuelle que le succès sera également au rendez-vous avec ce long-métrage. Ainsi rendez-vous le 25 janvier 2023 dans les salles de cinéma pour découvrir le 1er long-métrage du studio qui, ne sera a priori que le premier d’une longue lignée.
Famille Chrétienne
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François Charette (1763 – 1796)
Insoumis vendéen
Le 11 mars 1793, les paysans du Bas-Poitou, au sud de Nantes et dans le département de la Vendée, refusent la levée en masse et prennent les armes contre la République. C’est le début des guerres de Vendée. Ancien lieutenant de vaisseau, François Charette est entraîné ainsi que d’autres officiers à la tête de l’insurrection, au nom de Dieu et du Roi.
Forte tête, Charette fait néanmoins bande à part. Il mène sa propre guerre contre les armées de la Convention, les « bleus » sans guère se solidariser des autres chefs vendéens. Au bout de deux ans de succès et surtout de revers, alors que Robespierre vient d’être renversé et que les périls extérieurs s’éloignent, la Convention le convainc de conclure une trêve mais celle-ci ne durera pas. Bien qu’isolé, Charette reprend le combat en Bretagne en 1795. Cette décision signe sa perte…
Un officier au service de la cause vendéenne
François Athanase Charette de la Contrie naît le 2 mai 1763 à Couffé, non loin de Nantes. N’étant que le cadet d’une famille noble, il n’a droit qu’à une modeste part de l’héritage familial.
Après avoir étudié à l’école des Gardes de la Marine, il devient lieutenant de vaisseau en 1787 et participe à de nombreuses batailles dans le monde entier : en Russie, en Amérique, au Maghreb…
En 1790, il prend une retraite anticipée et revient au pays pour épouser la veuve de son cousin, qui a quatorze ans de plus que lui… et une belle dot ! Le couple s’installe en Vendée, dans le manoir de Fonteclose et Charette se fait une réputation de coureur de jupons qui ne le quittera pas.
Au début de la Révolution, en 1791, il rejoint les émigrés de Coblence, en Allemagne, d’après les dires de certains historiens. Quoi qu’il en soit, l’année suivante, on le retrouve en France.
1793 marque un tournant pour le jeune homme : le 27 mars, deux semaines après le début de l’insurrection, des paysans vendéens viennent le chercher chez lui. Ils lui demandent de devenir leur chef pour remplacer Louis-Marie de la Roche Saint-André, mort à Pornic en combattant l’armée républicaine.
Charette, loin d’être enchanté par cette offre, tente de se dérober en se cachant sous son lit ! Finalement, il accepte. Sa première démarche ? Reprendre Pornic aux républicains.
Suite à cette victoire, l’officier adopte sa célèbre devise « Combattu : souvent, battu : parfois, abattu : jamais ». Il la met en application dès le 30 avril en défendant la ville de Legé, puis en combattant vaillement à Saumur au mois de juin, soutenu par des déserteurs républicains.
Combatif mais farouchement indépendant
Après avoir folâtré pendant quelques semaines dans sa bonne ville de Legé, avec ses hommes… et quelques femmes de bonne compagnie comme la comtesse Marie Adélaïde de La Rochefoucauld, qui finira fusillée aux Sables d’Olonne, François Charette s’engage aux côtés de la « Grande Armée Catholique et Royale » de Jacques Cathelineau et du marquis de Lescure.
Mais leur tentative pour s’emparer de Nantes le 29 juin 1793 est un sévère échec. Charette et ses hommes, bloqués sur la rive gauche de la Loire, ne peuvent rien faire d’autre que canonner de loin la cité pendant que leurs alliés se font hacher menu sous les murailles.
Heureusement vient ensuite une réussite : la prise de Tiffauges le 19 septembre par Lescure et Charette.
En octobre 1793, n’obéissant pas aux consignes de ses alliés et partenaires, Charette s’empare de l’île de Noirmoutier en ne craignant pas de traverser à marée montante le gué qui sépare l’île du continent.
Dans le même temps, l’Armée catholique et royale subit un terrible échec à Cholet. C’est le début de la fin. Les défaites se succèdent pendant que les « colonnes infernales » du général Louis-Marie Turreau ravagent la Vendée.
Suite à la chute de Robespierre et à la fin de la Terreur, la Convention demande aux généraux Lazare Hoche et Jean-Baptiste-Camille de Canclaux de ramener la paix dans la région.
La soeur de Charette convainc celui-ci de négocier avec les nouveaux chefs républicains. Après plusieurs jours de négociations, un traité de paix est conclu au manoir de La Jaunaye, près de Nantes, le 17 février 1795.
Les Vendéens obtiennent le droit de pratiquer le culte catholique et sont dispensés de tout devoir militaire envers la République. On promet aussi de leur rendre les biens qui leur avaient été confisqués. Hoche doit veiller à l’application de ces mesures.
Dix jours plus tard, ceint de l’écharpe blanche des royalistes, Charette défile à Nantes avec quelques-uns de ses officiers ainsi qu’avec le général républicain Canclaux et le représentant en mission Ruelle.
Jusqu’auboutiste à Quiberon
Les paysans vendéens, qui ont retrouvé leurs églises et leurs curés, n’ont plus envie de se battre. Mais Charette, quant à lui, se prend au jeu. Peut-être ému par la mort du malheureux Louis XVII, l’enfant de Louis XVI, il noue à Belleville, le 25 juin 1795, une alliance secrète avec des représentants du comte de Provence, frère cadet de Louis XVI, futur Louis XVIII. Les Anglais lui offrent un appui intéressé.
C’est ainsi qu’une troupe de quelques centaines de royalistes armés venus d’Angleterre débarque deux jours plus tard à Carnac. Mais, alors que le général Hoche se prépare à les affronter, ses chefs se disputent sur la conduite à tenir.
Le 21 juillet, Hoche inflige aux royalistes une défaite à Quiberon. 750 prisonniers sont sommairement jugés à Auray et fusillés sur la plage malgré la promesse de leur rendre la vie sauve.
Il en faut davantage pouà.r décourager Charette. En dépit de son isolement volontaire, il se propose d’organiser un nouveau débarquement de royalistes avec à leur tête le comte d’Artois, futur Charles X.
En octobre 1795, ce dernier atteint l’île d’Yeu mais, jugeant la situation trop dangereuse à son goût, il préfère rembarquer pour l’Angleterre. Apprenant cela, Charette dit à l’envoyé du prince : « C’est l’arrêt de ma mort que vous m’apportez. Aujourd’hui j’ai quinze mille hommes, demain je n’en aurai pas trois cents. Je n’ai plus qu’à me cacher ou à périr : je périrai. ».
Traqué dans le bocage vendéen, il tente de rejoindre Jean-Nicolas Stofflet, qui continue le combat en Anjou. Mais ce dernier est arrêté et fusillé le 25 février 1796.
Les républicains se mettent en quête du dernier fauteur de troubles : Charette. Ils l’arrêtent dans sa région natale, à Saint-Sulpice-le-Verdon, et le fusillent à Nantes quelques jours plus tard, le 29 mars 1796.
Un monument a été érigé en sa mémoire dans le bois de la Chabotterie, à Saint-Sulpice-le-Verdon. De nombreuses rues de Vendée et de Loire-Atlantique portent aujourd’hui son nom, et un spectacle en son honneur a été créé au Puy du Fou.
Source : Hérodote.net
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« Génocide » : un débat historique et juridique récent
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Vend%C3%A9e
Définition de « génocide »
Le terme « génocide » est créé en 1944 par Raphaël Lemkin, professeur de droit américain d’origine juive polonaise, afin de tenter de définir les crimes d’extermination commis par l’Empire ottoman et le mouvement Jeune Turcs à l’encontre des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale et les massacres d’Assyriens en Irak en 1933, puis par extension aux crimes contre l’humanité perpétrés par les nazis contre les peuples juif et tzigane durant la Seconde Guerre mondiale. Il écrit : « De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. » C’est un mot que Lemkin avait d’abord créé en polonais en 1943 : ludobójstwo (de lud, qui veut dire peuple, et zabójstwo, qui signifie meurtre). En 1944, il traduit le terme polonais en anglais par « genocide » (génocide), mot hybride composé de la racine grecque « genos », qui signifie race ou tribu, et du suffixe latin « cide » (de « caedere », qui signifie tuer).
Le terme est défini officiellement par l’assemblée générale des Nations unies dans l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948. La Charte de l’ONU et l’article 8 de la convention de Genève obligent la communauté internationale à intervenir pour « prévenir ou arrêter des actes de génocide ». Plus récemment, l’article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le crime de génocide, qui se distingue par l’intention d’extermination totale d’une population, d’une part, la mise en œuvre systématique (donc planifiée) de cette volonté, d’autre part. C’est souvent la contestation de l’un de ces éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle d’un crime en tant que génocide.
Le débat sur le « génocide vendéen »
Le débat autour du génocide vendéen est apparu dans la communauté universitaire dans les années 1980, en particulier avec les travaux engagés par Pierre Chaunu et Reynald Secher. Le caractère sanglant et massif de la répression de l’insurrection en Vendée n’est contesté par personne, même si les chiffres demeurent imprécis et discutés et si les descriptions traditionnelles d’un massacre comme celui des Lucs-sur-Boulogne ont été remises en cause par la recherche historique. En tout état de cause, juridiquement, le nombre de victimes ne change pas la nature du crime, seules la nature des actes, l’intention et les moyens comptent. Les volontés délibérées d’extermination des populations vendéennes par les autorités républicaines, tout comme le caractère génocidaire des massacres commis par les agents qui exécutaient leurs ordres, font l’objet de contestations importantes. L’une des sources employées par les tenants de l’idée d’un génocide vendéen, en plus des directives et des ordres qui se trouvent aux archives du ministère de la Guerre, est un livre de Gracchus Babeuf.
Babeuf et le populicide
Gracchus Babeuf, gravure de François Bonneville,
Paris, BnF, département des estampes et de la photographie, 1794.
En 1794, sous la Convention thermidorienne, Babeuf publie un livre, Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier lors de sa mission à Nantes, dont il affirme (dans le paragraphe IV) qu’elles renvoient à un système de dépopulation qu’il nomme «populicide», néologisme qui est créé pour évoquer une idée inédite. Employé sous la Révolution à la fois sous une forme nominale et adjectivale (la seule qui ait survécu à la période révolutionnaire, dans la langue française), « populicide » est utilisé pour désigner ce qui cause la mort ou la ruine du peuple. Le mot est formé de la racine latine populus (le peuple) et du suffixe latin cide. Comme le mot « génocide », forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l’appréhension est inédite.
Dans son texte, le « système de dépopulation » concerne l’ensemble de la France, et non la seule population vendéenne. Dans son livre, Babeuf, reprenant les critiques des Enragés qui défendaient l’application immédiate de la constitution de l’an I, dénonce la Terreur, qu’il juge responsable des massacres commis en 1793-1794, et attaque (avec les modérés, les muscadins et les néohébertistes) les Montagnards et les Jacobins. Cette mise en accusation est appuyée sur la mise au jour, après Thermidor, des exécutions, des massacres et des destructions de la guerre civile et de la Terreur. Avec d’autres pamphlétaires, Babeuf reprend les accusations du journal La Feuille nantaise qui, dans son numéro du 5 brumaire an III, accuse l’Incorruptible d’avoir voulu « dépopuler » le pays. D’après ses assertions, les membres du comité de salut public, autour de Robespierre, visant l’établissement de la plus grande égalité possible en France (projet dont il se déclare par ailleurs solidaire), auraient planifié la mort d’un grand nombre de Français Leur analyse aurait été fondée, selon lui, sur les réflexions des philosophes politiques du xviiie siècle (comme Jean-Jacques Rousseau), qui considéraient que l’établissement de l’égalité nécessitait une population moindre que celle de la France de l’époque (en fait, pour ces philosophes, un gouvernement démocratique, fondé sur une certaine égalité des richesses, à l’exemple des cités-États de l’Antiquité, de Genève ou de Venise, réclamait non seulement un nombre de citoyens réduit, mais un territoire peu étendu). Suivant cette théorie, la guerre civile dans l’Ouest (avec la mort dans la bataille des Blancs et des Bleus) et la répression des insurrections fédéralistes et royalistes auraient été l’outil de ce programme de dépopulation de la France, dont Carrier, à Nantes, n’aurait été qu’un agent local. Les défaites des troupes républicaines face aux insurgés royalistes auraient été organisées par le comité de salut public afin d’envoyer à la mort des milliers de soldats républicains, puis il aurait mis en place un plan d’anéantissement des Vendéens, que Babeuf met en parallèle avec la répression de l’insurrection lyonnaise, attribuée au seul Collot-d’Herbois.
Les partisans de la thèse du génocide
Chez les historiens
Le terme de « génocide vendéen » apparaît en 1969 dans un article de la revue du Souvenir vendéen rédigé par le médecin-général Adrien Carré, qui fait un parallèle assumé avec les crimes nazis de la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci introduit pour la première fois dans l’historiographie vendéenne les termes de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ».
À partir de 1983-1984, l’historien Pierre Chaunu fait sortir la formule de « génocide vendéen » de la confidentialité et provoque les premiers débats entre historiens.
En 1986, Reynald Secher fait paraître La Vendée-Vengé, Le génocide franco-français, tirée de sa thèse de doctorat soutenue à Paris IV-Sorbonne, le 21 septembre 1985 et dont le jury était constitué de Jean Meyer, Pierre Chaunu, André Corvisier, Louis Bernard Mer, Yves Durand, Jean Tulard et Jean-Pierre Bardet. La thèse du génocide vendéen devient alors largement médiatisée dans le contexte des préparatifs du bicentenaire de la Révolution française. La polémique bat son plein entre 1986 et 1989, où partisans et opposants de la thèse du génocide s’opposent dans les médias et rallient à leur cause journalistes, parlementaires, généraux, politologues, juristes ou romanciers. Les thèses de Secher reçurent un certain écho. Il fut reçu dans Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot et le Figaro Magazine et le Canard enchaîné reprirent ses analyses. Pour Jean-Clément Martin, les travaux de Secher et de Chaunu arrivent au bout d’un processus de banalisation des comparaisons entre les crimes de la Révolution et ceux du régime nazie. La lecture de la guerre de Vendée à l’aune de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des totalitarismes n’est donc pas neuve. Elle rencontre donc un certain échos dans une France se préparant à célébrer le Bicentenaire et dont les travaux de François Furet analysent déjà la Terreur comme un processus totalitaire.
D’autres historiens ont employé le terme de « génocide » pour qualifier les massacres commis pendant la guerre civile dans le camp républicain. On peut citer Jean Tulard, Emmanuel Le Roy Ladurie. Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de l’histoire du communisme explique quant à lui que Lénine a comparé « les Cosaques à la Vendée pendant la Révolution française et les a soumis avec plaisir à un programme que Gracchus Babeuf, l' »inventeur » du Communisme moderne, a qualifié en 1795 de « populicide » ».
Autres disciplines: droit, philosophie et média
Les travaux de Reynald Secher ont également connu un certain retentissement hors du monde universitaire et ont été repris dans les médias. Le 28 janvier 2000, en conclusion du Stockholm International Forum of the Holocaust, Michael Naumann, délégué du Gouvernement fédéral allemand à la culture et aux médias de 1998 à 2000 et ancien rédacteur en chef de Die Zeit, affirme : « Le terme français « populicide » a été parfois employé avant que le terme de « génocide » ait été inventé. Il a été inventé par Gracchus Babeuf en 1795 et décrivait l’extermination de 117 000 fermiers de Vendée. Ce secteur fertile dans l’ouest de la France est en effet demeuré pratiquement inhabité pendant 25 années ».
Jean-Lambert Tallien, gravure de François Bonneville, fin du xviiie siècle.
De même, l’écrivain Michel Ragon, dans 1793 l’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté (1992), dont l’argumentaire reprend largement les éléments mis en avant par Secher, s’est efforcé de démontrer la réalité de la programmation des massacres et d’intentions officielles d’extermination d’un peuple. Dans son livre, il s’attache à l’ensemble de la répression de l’insurrection vendéenne, dont les acteurs principaux, côté républicain, sont le général Turreau, organisateur des « colonnes infernales », d’une part, les envoyés en mission Carrier à Nantes, Hentz et Francastel à Angers, villes où sont entassés des milliers de prisonniers vendéens, d’autre part. D’autres régions de France ont vu le développement d’insurrections (royalistes ou fédéralistes) contre la Convention en 1793. Selon les cas, les envoyés en mission avaient une attitude conciliante (comme en Normandie) ou menaient une répression ponctuelle, d’autres avaient une attitude plus répressive. Certains se sont livrés à de vraies exactions, comme Barras et Fréron à Toulon, Collot d’Herbois et Fouché à Lyon ou Tallien à Bordeaux. Dans le cas de la guerre de Vendée, Michel Ragon tente de prouver que les exactions commises par les envoyés en mission correspondaient aux exigences du comité de salut public, et même de la Convention.
Pour ce faire, il puise dans les documents d’époque des passages tirés des discours, proclamations, lettres ou rapports laissés par plusieurs personnalités révolutionnaires, qu’il interprète comme l’aveu de volontés génocidaires. Ainsi une proclamation de Francastel affichée à Angers, le 24 décembre 1793, déclarant : « La Vendée sera dépeuplée, mais la République sera vengée et tranquille… Mes frères, que la Terreur ne cesse d’être à l’ordre du jour et tout ira bien. Salut et fraternité ». De même, une lettre de Carrier, du 12 décembre 1793, adressée au général Haxo qui lui a demandé des vivres pour la Vendée républicaine, dont il souligne les formules qui semblent justifier sa thèse : « Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsides, après avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante et la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d’enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout en un mot dans ce maudit pays, de livrer aux flammes tous les bâtiments, d’en exterminer tous les habitants… Oppose-toi de toutes tes forces à ce que la Vendée prenne ou garde un seul grain… En un mot, ne laisse rien à ce pays de proscription. »
En 2017, Jacques Villemain, diplomate et juriste ayant notamment travaillé pour la Cour internationale de justice à La Haye, publie un livre dans lequel il estime que si les massacres de la guerre de Vendée avaient lieu « aujourd’hui », le droit pénal international les qualifierait de « génocide ». Cependant, l’ouvrage est critiqué par Jean-Clément Martin, qui considère que la démarche de Villemain s’appuie sur une lecture biaisée des sources où la méthode historique est absente. Par exemple concernant la loi du 1er aout, Martin note que Villemain ne prend jamais en compte le contexte de sa promulgation. Il écrit : « Il ne suffit pas non plus de relever que la loi du 1er août a été prise dans la précipitation et dans l’emphase avec l’invocation de la nécessité de « détruire la Vendée » proclamée à plusieurs reprises par Barère, si l’analyse néglige la fonction que ce discours et ce texte jouent dans la lutte à mort engagée entre les factions révolutionnaires, Montagnards contre sans-culottes, mais aussi Montagnards au pouvoir et anciens girondins et anciens dantonistes qui peuplent les bancs de l’Assemblée, les instances administratives départementales et pour une partie les hauts grades militaires ». Surtout, Martin considère que le point de vue du juriste n’est en rien supérieur à celui de l’historien et que les outils juridiques mobilisés par Villemain, comme la notion de génocide ou celle de crimes contre l’humanité, ne permettent pas de mieux comprendre les crimes et les massacres qui ont lieu en Vendée.
Politisation du débat
Le 21 février 2007, neuf députés français de droite, se fondant explicitement sur les travaux de Reynald Secher et de Michel Ragon, ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à la « reconnaissance du génocide vendéen ». La proposition de loi est signée par Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Hervé de Charette (UMP, Maine-et-Loire), Véronique Besse (MPF, Vendée), Louis Guédon (UMP, Vendée), Joël Sarlot (UMP, Vendée), Hélène Tanguy (UMP, Finistère), Bernard Carayon, (UMP, Tarn), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jérôme Rivière (UMP, Alpes-Maritimes). En 1987, Jean-Marie Le Pen avait déjà déposé un amendement visant à reconnaître un crime contre l’humanité dans les massacres de Vendéens.
Le 6 mars 2012 est déposée une proposition de loi similaire (« visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 »), à nouveau par neuf députés de droite ; Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Dominique Souchet (MPF, Vendée), Véronique Besse (MPF, Vendée), Bernard Carayon (UMP, Tarn), Hervé de Charette (NC, Maine-et-Loire), Nicolas Dhuicq (UMP, Aube), Marc Le Fur (UMP, Côtes-d’Armor), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jean Ueberschlag (UMP, Haut-Rhin).
Par ailleurs, le 23 février 2012, une proposition de loi « tendant à abroger les décrets du 1er août et du 1er octobre 1793 » a été déposée par 52 sénateurs de droite et du centre. Le 16 janvier 2013, Lionnel Luca dépose un texte, cosigné par Véronique Besse (MPF, Vendée), Dominique Tian (UMP, Bouches-du-Rhône), Alain Lebœuf (UMP, Vendée), Alain Marleix (UMP, Cantal), Yannick Moreau (UMP, Vendée), Philippe Vitel (UMP, Var) et Marion Maréchal-Le Pen (FN, Vaucluse). Il consiste en un article unique : « La République française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794 ». C’est la première fois qu’une proposition de loi est cosignée par des députés UMP et FN sous la XIVe législature. Cette proposition soulève des réactions surtout à gauche, comme celle du Secrétaire national du Parti de gauche Alexis Corbière, qui voit dans cette proposition de loi « un acte grossier de manipulation historique ». Pour lui, « ce vocabulaire inadapté est une vieille ruse idéologique de l’extrême droite pour calomnier la Révolution française et banaliser les génocides bien réels du xxe siècle ».
En février 2018, Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, députées d’extrême droite, déposent une proposition de loi visant à la reconnaissance officielle comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide les exactions commises en Vendée entre 1793 et 1794.
Les adversaires de la thèse du génocide
Dans le monde universitaire
À l’opposé, la thèse du « génocide vendéen » a été rejetée par la plus grande partie du monde universitaire, qui la considère comme la manifestation d’un passé qui ne passe pas.
En 1985, François Lebrun récuse la thèse du « génocide vendéen », alors défendue par Pierre Chaunu.
Par la suite, la thèse de Reynald Secher est critiquée par l’Australien Peter McPhee, professeur à l’université de Melbourne, spécialiste de l’histoire de la France contemporaine, qui revient sur l’influence de Chaunu dans l’affirmation d’un lien entre la Révolution française et le totalitarisme communiste, relève les faiblesses de l’analyse de Secher sur le nombre de victimes ou le regard des révolutionnaires sur l’insurrection vendéenne, remet en cause la « description des structures économiques, religieuses et sociales » de la Vendée prérévolutionnaire et des causes de l’insurrection par Secher, note le peu d’importance donné aux massacres de républicains par leurs voisins insurgés dans son livre ; en outre, il soutient que Reynald Secher, dans ses travaux suivants, n’a tenu aucun compte des travaux universitaires postérieurs nuançant ou contredisant ses analyses. Il note, en conclusion de son article sur la traduction de La Vendée-Vengé, le génocide franco-français :
« L’insurrection reste l’élément central dans l’identité collective de la population de l’ouest de la France, mais il est douteux qu’elle — ou la profession historique — ait été bien servie par la méthodologie grossière et la polémique peu convaincante de Secher. »
De même, parmi ceux qui ont refusé d’adhérer à la thèse du génocide, on compte le Gallois Julian Jackson, professeur d’histoire moderne à l’université de Londres, l’Américain Timothy Tackett, professeur à l’université de Californie, l’Irlandais Hugh Gough, professeur à l’université de Dublin, les Français François Lebrun, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Haute-Bretagne-Rennes-II, Claude Langlois, directeur d’études de l’École pratique des hautes études, directeur de l’Institut européen en sciences des religions et membre de l’Institut d’Histoire de la Révolution française, Paul Tallonneau, Claude Petitfrère, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Tours ou Jean-Clément Martin, professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne.
Entre autres arguments, Jean-Clément Martin note que, dans son ouvrage, Reynald Secher, qui pratique « une écriture d’autorité, condamnant l’histoire qui ne se soucie pas de vérité absolue », ne commente ni ne discute le mot « génocide ». Or, pour lui, la question se pose « de savoir quelle est la nature de la répression mise en œuvre par les révolutionnaires ». Il explique, à la suite de Franck Chalk et de M. Prince que « sans l’intention idéologique appliquée à un groupe bien délimité, la notion de génocide n’a pas de sens. Or il n’est possible ni de trouver une identité « vendéenne » préexistante à la guerre, ni d’affirmer que c’est contre une entité particulière (religieuse, sociale… raciale) que la Révolution s’est acharnée ».
Il reprend la question du décret du 1er août 1793 prévoyant la « destruction de la Vendée », et le rapport de Barère qui affirme : « Détruisez la Vendée et Valenciennes ne sera plus au pouvoir des Autrichiens. Détruisez la Vendée et le Rhin sera délivré des Prussiens (…). La Vendée et encore la Vendée, voilà le chancre qui dévore le cœur de la République. C’est là qu’il faut frapper ». Il rappelle que l’un et l’autre excluent les femmes, les enfants et les vieillards (auxquels le décret du 1er octobre 1793 ajoute les hommes sans armes), qui doivent être protégés. De même, il note que « les révolutionnaires n’ont pas cherché à identifier un peuple pour le détruire », regardant simplement la Vendée comme « le symbole de toutes les oppositions à la Révolution », et conclut que « les atrocités commises par les troupes révolutionnaires en Vendée relèvent de ce qu’on appellerait aujourd’hui des crimes de guerre ».
Jean-Clément Martin indique qu’aucune loi n’a été prise dans le but d’exterminer une population désignée comme « vendéenne ». Il rappelle que l’utilisation du terme « brigands » de la Vendée utilisé dans les décrets provenait déjà de la monarchie et précise que « La population de la Vendée (département ou région imprécise) n’est pas vouée à la destruction en tant que telle par la Convention ».
Patrice Gueniffey, dans son ouvrage La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire 1789-1794, paru en 2000 aux éditions Gallimard, qualifie les exactions commises à l’encontre des vendéens de crime contre l’humanité : « Les souffrances infligées à la population vendéenne après la fin des combats et sans aucune relation avec les nécessités militaires constituent un crime sans équivalent dans l’histoire de la Révolution française, crime que l’on peut qualifier, aujourd’hui, de crime contre l’humanité et que la tradition républicaine, peu soucieuse de revendiquer cet épisode sans gloire de son moment inaugural, a longtemps occulté ou nié ».
Pour Martin, le discours de Barère et le décret « participent de la vision qui fait de la Contre-Révolution un bloc unique, une hydre menaçante, légitimant la pensée d’une « juste violence » et installant la guerre de Vendée dans des conditions particulièrement absurdes. Les administrateurs locaux ne cessent pas de se plaindre de l’absence de délimitation de la région-Vendée, de l’imprécision du terme « brigands » pour désigner les êtres voués à la destruction (puisque sont exclus les femmes, les enfants, les vieillards, les « hommes sans armes »). Dans le Maine-et-Loire, Henri Menuau n’arrive pas à faire préciser ce qui doit être détruit en « Vendée » ». Les soulèvements contre la conscription ne sont pas propres à la Vendée. En 1793, des soulèvements se produisirent également à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Grenoble, Tournais, Angoulême ou Dunkerque. La Convention nationale était persuadée que la révolte en Vendée était un complot, venant notamment d’Angleterre contre la République. En effet, à la suite de la défaite de la Bataille de Pont-Charrault, le général Louis Henri François de Marcé qui commandait les troupes républicaines est condamné à mort, car il est considéré comme un traître à la patrie. Non seulement la Convention n’avalise pas les agissements des militaires et des représentants, qui s’opposent à ses décrets, mais, dans la région même, « la mobilisation de révolutionnaires locaux réussit à arrêter les violences injustifiées d’Angers ou du sud de la Vendée. Dans l’armée, des officiers refusent de suivre la politique de dévastation de leurs collègues, réussissant parfois à en traduire certains devant des tribunaux et à les faire exécuter ». Suivant son analyse, les atrocités commises pendant la guerre de Vendée s’expliquent, côté républicain, par la médiocrité de l’encadrement des soldats, qui sont « laissés à leur propre peur ». De l’autre côté, « les insurgés ont repris les habitudes anciennes des révoltes rurales, chassant et mettant à mort les représentants de l’État, pillant les bourgs, avant que leurs chefs ne réussissent à les détourner, pendant un temps, de ces pratiques qui ont un aspect de revanche et une dimension messianique ».
À ses yeux, ce n’est pas la violence d’un État fort qui s’abat sur sa population ; l’État est trop faible pour contrôler et empêcher la spirale de violence qui se déchaîne entre insurgés et patriotes, et ce jusqu’au printemps 1794.
Patrice Gueniffey, dans l’ouvrage cité ci-dessus, La politique de la Terreur, fait toutefois la remarque suivante : « Mais la Convention ne doit pas être absoute pour autant : le Comité de salut public semble avoir donné en octobre une plus grande extension au décret du 1er août, et au début 1794 il approuvera l’extermination ».
Dans son Gracchus Babeuf avec les Égaux, Jean-Marc Schiappa critique également la thèse du génocide présentée par Reynald Secher lors de la réédition du livre de Babeuf Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier : « Cette brochure a été récemment rééditée sous le titre La guerre de la Vendée et le système de dépopulation, Paris, 1987 ; si le texte de Babeuf est correctement reproduit, on ne peut que s’indigner de la présentation et des notes de R. Sécher et J.J. Brégeon ; sans parler des présupposés politiques sur le « génocide » de la Vendée, on est stupéfait par les erreurs, les contre-vérités, les à-peu-près et les contresens innombrables qui jalonnent ces pages ».
Professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, Michel Vovelle s’est également positionné contre la thèse du génocide. Dans le texte « L’historiographie de la Révolution Française à la veille du bicentenaire », paru en 1987, il écrit :
« François Furet ne se reconnaît pas, et l’a dit, dans le réveil récent, provoqué pour partie depuis deux ou trois ans par l’approche du bicentenaire, d’une historiographie ouvertement contre-révolutionnaire. À vrai dire, avait-elle jamais disparu ? Elle avait gardé ses positions fortes, de tradition depuis le xixe siècle, à l’Académie française (dans le sillage de Pierre Gaxotte) ou dans les bibliothèques des gares. Vieille chanson un peu fatiguée, elle a connu tout récemment un regain de vitalité remarquable. Petite monnaie caricaturale des réflexions de François Furet, l’image d’une révolution totalitaire, antichambre du Goulag fait florès. La Révolution assimilée à la Terreur et au bain de sang devient le mal absolu. Toute une littérature se développe sur le thème du « génocide franco-français » à partir d’appréciations souvent audacieuses du nombre des morts de la guerre de Vendée 128 000, 400 000… et pourquoi pas 600 000 ? Certains historiens, sans être spécialistes de la question, ont mis, tel Pierre Chaunu, tout le poids de leur autorité morale, qui est grande, à développer ce discours de l’anathème, disqualifiant d’entrée toute tentative pour raison garder. Telle histoire tient beaucoup de place, en fonction des soutiens dont elle dispose, dans les médias comme dans une partie de la presse. Doit-elle nous cacher les aspects plus authentiques d’un chantier des études révolutionnaires aujourd’hui en plein réveil ?. »
En 2007, Michel Vovelle précise : « Cela ne justifie pas pour autant les massacres mais permet de les qualifier, en les inscrivant plutôt dans l’héritage de la guerre cruelle « d’ancien style », telle que la dévastation du Palatinat opérée un siècle plus tôt par Turenne pour la gloire du Roi-Soleil, dont les Rhénans ont gardé le souvenir. Villages brûlés, meurtres et viols… Récusons donc le terme de « génocide » et rendons à chaque époque la responsabilité historique des horreurs qui l’endeuillent, sans pour autant les minimiser ».
En 1998, Max Gallo s’est lui aussi déclaré contre l’hypothèse d’un « génocide vendéen » dans l’article « Guerre civile oui, génocide non ! » paru dans la revue Historia.
En 2013, l’historien Alain Gérard déclare : « J’emploie les termes de guerre civile, de massacres, d’extermination. Mais j’ai toujours récusé le terme de génocide pour les guerres de Vendée ». Il critique également les différentes propositions de lois déposées à l’Assemblée nationale portant sur la « reconnaissance du génocide vendéen ». Ainsi en 2013, il qualifie le texte déposé par le député Lionnel Luca de « lamentable » et « tissé de contradictions juridiques et de contrevérités historiques ». En 2018, après une nouvelle proposition de loi déposée par les députées Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, il déclare : « Il est grand temps que notre République, gauche et droite confondues, cesse de laisser à des extrémistes la juste dénonciation des horreurs commises en Vendée en début 1794 ».
En 2007, Jacques Hussenet indique que le « débat ouvert autour des massacres et génocide n’est clos ni dans un sens ni dans l’autre ». Considérant que « le concept de génocide suscite un large éventail d’interprétation », que sa définition émane de juristes, et non d’historiens, et a été formalisée après des tractations entre États, il estime que « l’honnêteté intellectuelle interdit présentement de professer des certitudes et n’autorise à exprimer que des convictions ou une opinion ». Il indique cependant que sa position est la suivante : « les notions de « massacres » et de « crimes de guerre » conviennent pour qualifier ce qui s’est passé en Vendée militaire de décembre 1793 à juillet 1794. Point n’est besoin de céder à une surenchère de victimisation en réclamant le label « génocide ». Je trouve légitime de classer parmi les génocides l’extermination des Amérindiens et des Arméniens, mais je ne mettrai jamais à égalité l’élimination froidement organisée des juifs et les raids sanglants des colonnes infernales. À supposer qu’à terme le concept de génocide se banalise, au point d’y inclure les trop nombreux massacres de l’histoire, la guerre de Vendée ne représenterait, en fin de compte, qu’un génocide parmi beaucoup d’autres. Quel en serait le bénéfice moral et historique pour ses promoteurs? Nul ou presque ».
Des observations et analyses postérieures
Historien du radicalisme, Samuel Tomei analyse les attaques récentes contre « les mystifications de la mémoire républicaine », au nom d’un « devoir de mémoire envers les peuples opprimés par une République colonisatrice amnésique » et « envers les peuples corsetés par une République jacobine. » Précisant le second point, il note :
« Après l’expansion au dehors, on incrimine le colonialisme intérieur. Un second exemple qui illustre bien l’utilisation du devoir de mémoire est, surtout depuis la célébration du bicentenaire de la Révolution française, cette propension à fustiger un certain jacobinisme républicain au nom de la mémoire des minorités régionales opprimées ; certains historiens allant jusqu’à parler, comme Pierre Chaunu, un peu provocateur sans doute, du « génocide » des Vendéens par la République : « Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barère et de Carnot relatifs à la Vendée. » Et le grand historien du Temps des Réformes d’honorer à sa façon la mémoire des victimes vendéennes : « D’ailleurs, à chaque fois que je passe devant le lycée Carnot, je crache par terre ». »
Dans le même ordre d’idées, dans le compte-rendu qu’il consacre au manuel La Révolution française d’Éric Anceau, Serge Bianchi, professeur à l’université Rennes-II, relève que « la présentation des Enragés, la personnalité complexe de Robespierre, la guerre de Vendée ne sont pas caricaturées. Pas question de dérapage, de tyran ou de « génocide », ni de « proconsuls » pour les représentants en mission… ».S’attachant à la question mise au programme des concours du CAPES et de l’agrégation d’histoire en 2005-2006, telle qu’elle a été traitée dans le manuel dirigé par Patrice Gueniffey, dans l’article « À propos des révoltes et révolutions de la fin du xviiie siècle. Essai d’un bilan historiographique », Guy Lemarchand, professeur à l’université de Rouen, distingue les différentes écoles historiques qui ont analysé la Révolution française, expliquant :
« Très minoritaire apparaît maintenant le courant d’origine légitimiste, ultra conservateur, autrefois de teinture royaliste, qui s’est fixé sur son terrain de prédilection dans les années 1980 : le « génocide » de la Vendée. On en retrouve des éléments dans le chapitre rédigé par A. Gérard (Poussou 2). L’auteur n’en est évidemment plus à la vision idyllique du régime seigneurial de la province selon les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, et il note lui aussi que les paysans de la province ont d’abord été favorables à la Révolution. Toutefois, selon lui et sans donner les preuves de l’affirmation, la Vendée aurait été non seulement une révolte de grande étendue, mais également un instrument entre les mains des Montagnards dans leur lutte contre les Girondins avant le 2 juin 1793. Ils se seraient abstenus de pousser la Convention à ordonner une répression rapide, de façon à compromettre les Girondins alors dominants, ce qui a facilité l’expansion du soulèvement. Puis, maîtres du gouvernement, ils se seraient livrés à la fureur purificatrice qui les caractérisait. Seconde idée originale, les Vendéens ne sont pas tombés dans la barbarie de leurs adversaires : ils libéraient leurs prisonniers quand les Bleus les fusillaient. Quant aux généraux et dirigeants politiques qui ont commandé les ravages des « colonnes infernales » et les noyades de Nantes, A. Gérard dégage Turreau d’une partie de ses responsabilités afin de charger le Comité de salut public et Carrier, émanation des Jacobins qui serait « l’archétype des révolutionnaires professionnels ». Il reprend ainsi sans distance critique le discours des thermidoriens à la recherche de boucs-émissaires afin de faire oublier leur propre orientation avant la chute de Robespierre, et de se débarrasser d’une partie des Montagnards devenus encombrants. »
De son côté, Guy-Marie Lenne a ouvert un nouveau champ d’études encore aujourd’hui incomplètement exploré, celui des réfugiés de la Vendée. Leur nombre (au moins plusieurs dizaines de milliers), leur orientation politique (aussi bien républicains, que neutres ou même soupçonnés de royalisme) n’a pas empêché la République (que ce soit les municipalités, les districts, les départements ou la Convention) de leur venir en aide, de les accueillir, les nourrir, parfois de leur fournir un travail. Selon lui, cette attitude est en contradiction complète avec l’hypothèse d’un génocide : on ne peut vouloir massacrer un peuple, et organiser l’évacuation et l’aide à une portion de ce même peuple. De façon plus anecdotique, mais révélatrice, on peut noter que même à l’échelon de la justice de paix, on s’attache à protéger les plus faibles : ainsi, les enfants mineurs de la famille Cathelineau du Pin-des-Mauges, qui a fourni un généralissime de l’armée vendéenne, et dont les trois autres frères sont morts dans les rangs de l’armée catholique et royale, sont protégés par un juge de paix qui nomme un conseil de famille pour administrer leurs biens, alors qu’ils seraient une cible de choix pour une persécution. De même, les juges de paix qui ont choisi le royalisme sont gardés en place.
Pour Didier Guyvarc’h, alors membre du Groupe de recherche en histoire immédiate (GRHI), l’étude du « lieu de mémoire » Vendée par Jean-Clément Martin met « en évidence les politiques de la mémoire et leurs enjeux. Si pour l’historien ce sont les Bleus qui, dès 1793, construisent l’image d’une Vendée symbole de la contre-révolution, ce sont les Blancs et leurs successeurs qui utilisent et retournent cette image aux xixe et xxe siècles pour asseoir une identité régionale. Cette identité est un outil de mobilisation sociale mais aussi un instrument politique contemporain. Le succès du spectacle du Puy-du-Fou, lancé en 1977 par Philippe de Villiers, résulte de la rencontre entre un milieu rendu réceptif par une pédagogie du souvenir de 150 ans et le souci d’un homme politique de se construire une image. L’exemple vendéen des années 1980 et du début des années 1990 illustre les défis nouveaux qui se posent à l’historien de la mémoire. Confronté à une mémoire vive et impérieuse, il est conduit à déconstruire mythe ou légende et à remettre ainsi en cause l’exploitation du passé par le présent. Dans le contexte du bicentenaire de 1789, puis de 1793, l’emploi du terme génocide est ainsi au centre d’un débat intense car il est un enjeu pour ceux qui veulent démontrer que « la révolution […] à toutes les époques et sous toutes les latitudes serait dévoreuse de libertés » ».
De même, en 2007, évoquant la mémoire persistante de la guerre de Vendée, marquée par le succès du Puy-du-Fou, Mona Ozouf et André Burguière notent : « Morceau de choix pendant longtemps dans le débat entre gauche et droite à propos de la Révolution, l’épisode vendéen ne faisait plus recette quand un essai publié à la veille du bicentenaire, qui n’apportait rien de neuf sinon l’accusation de « génocide », a rallumé la guerre entre historiens ; une guerre étrangement déphasée au moment où les célébrations se déroulaient dans un climat de consensus festif. Tout le monde aujourd’hui défend l’héritage des droits de l’homme. Personne ne regrette la royauté, mais nul ne condamnerait Louis XVI à mort. C’est cette France postmoderne respectueuse de toutes les mémoires, amoureuse de toutes les traditions, qui remonte le temps chaque été parmi les foules en costume du Puy-du-Fou ».