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Film Vaincre ou mourir

Guerre de Vendée : le film « Vaincre ou mourir »

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Le film du Puy du Fou « Vaincre ou mourir », qui raconte l’épopée de Charette durant la guerre de Vendée (1793-1796).

« Vaincre ou Mourir », le premier film du Puy du Fou réalisé en partenariat avec Canal +, sort ce mercredi 25 janvier dans toutes les salles de cinéma en France. Ce film au souffle épique​, dixit Nicolas de Villiers, le président du Puy du Fou, évoque la vie de Charette (1763-1796), le plus romanesque des chefs vendéens. Le film a été tourné à 80 % au Puy du Fou qui a mis à disposition des réalisateurs, Paul Mignot et Vincent Mottez, ses moyens humains, animaliers et ses décors. Le film a nécessité 60 000 costumes, 230 chevaux et des milliers de figurants.

Plusieurs historiens, dont l’Angevine Anne Rolland Boulestreau, ont été consultés en amont et interviennent au tout début pour donner la mesure de la véracité de l’histoire​, précise Nicolas de Villiers. C’est une œuvre artistique, ce n’est pas un travail scientifique mais tous les faits racontés sont exacts. Les dialogues, les sentiments, l’intimité des personnages ne nous sont pas donnés par l’histoire, c’est à ce moment-là que la fiction prend le relais, prévient Nicolas de Villiers.

Le rôle de Charette est tenu par Hugo Becker. Jean-Hugues Anglade et Constance Gay, entre autres, lui donnent la réplique.

Ouest-France

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« Vaincre ou Mourir »

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Le célèbre parc avait annoncé il y a quelques mois la production d’un long-métrage sur l’officier de Marine Charette. Ce dernier s’intitule « Vaincre ou Mourir », 

Après visionnage de la bande-annonce de « Vaincre ou Mourir », le seul sentiment qui s’en dégage, c’est que l’on a hâte d’être le 25 janvier prochain pour aller le découvrir sur grand écran.

  1. Voilàtrois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré́ chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entrainant à sa suite paysans, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…

 

Musique épiques, scènes impressionnantes

« Vaincre ou Mourir » nous emmènera donc dans un contexte de guerre civile à la suite de la mort du roi Louis XVI, tout en nous immergeant dans le récit, par le point de vue du personnage de Charette. Dans une bande-annonce impressionnante, le film produit par le « Puy du Fou » annonce le ton. Image sublime, décors et costumes magnifiques et musiques épiques, le film veut, tout comme le parc, impressionner par une dimension grandiose basée sur des faits majeurs de l’histoire de France, en plus d’être rattaché à la région vendéenne chère au « Puy du Fou ». 

Le spectateur peut ainsi s’attendre à des scènes de batailles spectaculaires, mêlant infanteries et cavaleries, le tout réalisé avec soin par Vincent Mottez et Paul Mignot. Parmi les acteurs, on retrouvera Hugo Becker dans le rôle de Charette, ainsi que Rod Paradot, Gilles Cohen, Grégory Fitoussi, et bien d’autres.

Le parc avait déjà réalisé un spectacle sur la vie de Charette intitulé « Le Dernier Panache », à couper le souffle et qui avait conquis sans difficulté 12 millions de spectateurs. Espérons pour la jeune production audiovisuelle que le succès sera également au rendez-vous avec ce long-métrage. Ainsi rendez-vous le 25 janvier 2023 dans les salles de cinéma pour découvrir le 1er long-métrage du studio qui, ne sera a priori que le premier d’une longue lignée. 

Famille Chrétienne

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François Charette (1763 – 1796)

Insoumis vendéen

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Le 11 mars 1793, les paysans du Bas-Poitou, au sud de Nantes et dans le département de la Vendée, refusent la levée en masse et prennent les armes contre la République. C’est le début des guerres de Vendée. Ancien lieutenant de vaisseau, François Charette est entraîné ainsi que d’autres officiers à la tête de l’insurrection, au nom de Dieu et du Roi.

Forte tête, Charette fait néanmoins bande à part. Il mène sa propre guerre contre les armées de la Convention, les « bleus » sans guère se solidariser des autres chefs vendéens. Au bout de deux ans de succès et surtout de revers, alors que Robespierre vient d’être renversé et que les périls extérieurs s’éloignent, la Convention le convainc de conclure une trêve mais celle-ci ne durera pas. Bien qu’isolé, Charette reprend le combat en Bretagne en 1795. Cette décision signe sa perte…

Un officier au service de la cause vendéenne

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François Athanase Charette de la Contrie naît le 2 mai 1763 à Couffé, non loin de Nantes. N’étant que le cadet d’une famille noble, il n’a droit qu’à une modeste part de l’héritage familial.

Après avoir étudié à l’école des Gardes de la Marine, il devient lieutenant de vaisseau en 1787 et participe à de nombreuses batailles dans le monde entier : en Russie, en Amérique, au Maghreb…

En 1790, il prend une retraite anticipée et revient au pays pour épouser la veuve de son cousin, qui a quatorze ans de plus que lui… et une belle dot ! Le couple s’installe en Vendée, dans le manoir de Fonteclose et Charette se fait une réputation de coureur de jupons qui ne le quittera pas.

Au début de la Révolution, en 1791, il rejoint les émigrés de Coblence, en Allemagne, d’après les dires de certains historiens. Quoi qu’il en soit, l’année suivante, on le retrouve en France.

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1793 marque un tournant pour le jeune homme : le 27 mars, deux semaines après le début de l’insurrection, des paysans vendéens viennent le chercher chez lui. Ils lui demandent de devenir leur chef pour remplacer Louis-Marie de la Roche Saint-André, mort à Pornic en combattant l’armée républicaine.

Charette, loin d’être enchanté par cette offre, tente de se dérober en se cachant sous son lit ! Finalement, il accepte. Sa première démarche ? Reprendre Pornic aux républicains.

Suite à cette victoire, l’officier adopte sa célèbre devise « Combattu : souvent, battu : parfois, abattu : jamais ». Il la met en application dès le 30 avril en défendant la ville de Legé, puis en combattant vaillement à Saumur au mois de juin, soutenu par des déserteurs républicains.

Combatif mais farouchement indépendant

Après avoir folâtré pendant quelques semaines dans sa bonne ville de Legé, avec ses hommes… et quelques femmes de bonne compagnie comme la comtesse Marie Adélaïde de La Rochefoucauld, qui finira fusillée aux Sables d’Olonne, François Charette s’engage aux côtés de la « Grande Armée Catholique et Royale » de Jacques Cathelineau et du marquis de Lescure.

Mais leur tentative pour s’emparer de Nantes le 29 juin 1793 est un sévère échec. Charette et ses hommes, bloqués sur la rive gauche de la Loire, ne peuvent rien faire d’autre que canonner de loin la cité pendant que leurs alliés se font hacher menu sous les murailles.

Heureusement vient ensuite une réussite : la prise de Tiffauges le 19 septembre par Lescure et Charette.

En octobre 1793, n’obéissant pas aux consignes de ses alliés et partenaires, Charette s’empare de l’île de Noirmoutier en ne craignant pas de traverser à marée montante le gué qui sépare l’île du continent.

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Dans le même temps, l’Armée catholique et royale subit un terrible échec à Cholet. C’est le début de la fin. Les défaites se succèdent pendant que les « colonnes infernales » du général Louis-Marie Turreau ravagent la Vendée.

Suite à la chute de Robespierre et à la fin de la Terreur, la Convention demande aux  généraux Lazare Hoche et Jean-Baptiste-Camille de Canclaux de ramener la paix dans la région.

La soeur de Charette convainc celui-ci de négocier avec les nouveaux chefs républicains. Après plusieurs jours de négociations, un traité de paix est conclu au manoir de La Jaunaye, près de Nantes, le 17 février 1795.

Les Vendéens obtiennent le droit de pratiquer le culte catholique et sont dispensés de tout devoir militaire envers la République. On promet aussi de leur rendre les biens qui leur avaient été confisqués. Hoche doit veiller à l’application de ces mesures.

Dix jours plus tard, ceint de l’écharpe blanche des royalistes, Charette défile à Nantes avec quelques-uns de ses officiers ainsi qu’avec le général républicain Canclaux et le représentant en mission Ruelle. 

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Jusqu’auboutiste à Quiberon

Les paysans vendéens, qui ont retrouvé leurs églises et leurs curés, n’ont plus envie de se battre. Mais Charette, quant à lui, se prend au jeu. Peut-être ému par la mort du malheureux Louis XVII, l’enfant de Louis XVI, il noue à Belleville, le 25 juin 1795, une alliance secrète avec des représentants du comte de Provence, frère cadet de Louis XVI, futur Louis XVIII. Les Anglais lui offrent un appui intéressé.

C’est ainsi qu’une troupe de quelques centaines de royalistes armés venus d’Angleterre débarque deux jours plus tard à Carnac. Mais, alors que le général Hoche se prépare à les affronter, ses chefs se disputent sur la conduite à tenir.

Le 21 juillet, Hoche inflige aux royalistes une défaite à Quiberon. 750 prisonniers sont sommairement jugés à Auray et fusillés sur la plage malgré la promesse de leur rendre la vie sauve.

Il en faut davantage pouà.r décourager Charette. En dépit de son isolement volontaire, il se propose d’organiser un nouveau débarquement de royalistes avec à leur tête le comte d’Artois, futur Charles X.

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En octobre 1795, ce dernier atteint l’île d’Yeu mais, jugeant la situation trop dangereuse à son goût, il préfère rembarquer pour l’Angleterre. Apprenant cela, Charette dit à l’envoyé du prince : « C’est l’arrêt de ma mort que vous m’apportez. Aujourd’hui j’ai quinze mille hommes, demain je n’en aurai pas trois cents. Je n’ai plus qu’à me cacher ou à périr : je périrai. ».

Traqué dans le bocage vendéen, il tente de rejoindre Jean-Nicolas Stofflet, qui continue le combat en Anjou. Mais ce dernier est arrêté et fusillé le 25 février 1796.

Les républicains se mettent en quête du dernier fauteur de troubles : Charette. Ils l’arrêtent dans sa région natale, à Saint-Sulpice-le-Verdon, et le fusillent à Nantes quelques jours plus tard, le 29 mars 1796.

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Un monument a été érigé en sa mémoire dans le bois de la Chabotterie, à Saint-Sulpice-le-Verdon. De nombreuses rues de Vendée et de Loire-Atlantique portent aujourd’hui son nom, et un spectacle en son honneur a été créé au Puy du Fou.

Source : Hérodote.net

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 « Génocide » : un débat historique et juridique récent

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Vend%C3%A9e

 

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Définition de « génocide »

Le terme « génocide » est créé en 1944 par Raphaël Lemkin, professeur de droit américain d’origine juive polonaise, afin de tenter de définir les crimes d’extermination commis par l’Empire ottoman et le mouvement Jeune Turcs à l’encontre des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale et les massacres d’Assyriens en Irak en 1933, puis par extension aux crimes contre l’humanité perpétrés par les nazis contre les peuples juif et tzigane durant la Seconde Guerre mondiale. Il écrit : « De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. » C’est un mot que Lemkin avait d’abord créé en polonais en 1943 : ludobójstwo (de lud, qui veut dire peuple, et zabójstwo, qui signifie meurtre). En 1944, il traduit le terme polonais en anglais par « genocide » (génocide), mot hybride composé de la racine grecque « genos », qui signifie race ou tribu, et du suffixe latin « cide » (de « caedere », qui signifie tuer).

Le terme est défini officiellement par l’assemblée générale des Nations unies dans l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948. La Charte de l’ONU et l’article 8 de la convention de Genève obligent la communauté internationale à intervenir pour « prévenir ou arrêter des actes de génocide ». Plus récemment, l’article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le crime de génocide, qui se distingue par l’intention d’extermination totale d’une population, d’une part, la mise en œuvre systématique (donc planifiée) de cette volonté, d’autre part. C’est souvent la contestation de l’un de ces éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle d’un crime en tant que génocide.

  

Le débat sur le « génocide vendéen »

Le débat autour du génocide vendéen est apparu dans la communauté universitaire dans les années 1980, en particulier avec les travaux engagés par Pierre Chaunu et Reynald Secher. Le caractère sanglant et massif de la répression de l’insurrection en Vendée n’est contesté par personne, même si les chiffres demeurent imprécis et discutés  et si les descriptions traditionnelles d’un massacre comme celui des Lucs-sur-Boulogne ont été remises en cause par la recherche historique. En tout état de cause, juridiquement, le nombre de victimes ne change pas la nature du crime, seules la nature des actes, l’intention et les moyens comptent. Les volontés délibérées d’extermination des populations vendéennes par les autorités républicaines, tout comme le caractère génocidaire des massacres commis par les agents qui exécutaient leurs ordres, font l’objet de contestations importantes. L’une des sources employées par les tenants de l’idée d’un génocide vendéen, en plus des directives et des ordres qui se trouvent aux archives du ministère de la Guerre, est un livre de Gracchus Babeuf.

  

Babeuf et le populicide

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Gracchus Babeuf, gravure de François Bonneville,
Paris, BnF, département des estampes et de la photographie, 1794.

En 1794, sous la Convention thermidorienne, Babeuf publie un livre, Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier lors de sa mission à Nantes, dont il affirme (dans le paragraphe IV) qu’elles renvoient à un système de dépopulation qu’il nomme «populicide», néologisme qui est créé pour évoquer une idée inédite. Employé sous la Révolution à la fois sous une forme nominale et adjectivale (la seule qui ait survécu à la période révolutionnaire, dans la langue française), « populicide » est utilisé pour désigner ce qui cause la mort ou la ruine du peuple. Le mot est formé de la racine latine populus (le peuple) et du suffixe latin cide. Comme le mot « génocide », forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l’appréhension est inédite.

Dans son texte, le « système de dépopulation » concerne l’ensemble de la France, et non la seule population vendéenne. Dans son livre, Babeuf, reprenant les critiques des Enragés qui défendaient l’application immédiate de la constitution de l’an I, dénonce la Terreur, qu’il juge responsable des massacres commis en 1793-1794, et attaque (avec les modérés, les muscadins et les néohébertistes) les Montagnards et les Jacobins. Cette mise en accusation est appuyée sur la mise au jour, après Thermidor, des exécutions, des massacres et des destructions de la guerre civile et de la Terreur. Avec d’autres pamphlétaires, Babeuf reprend les accusations du journal La Feuille nantaise qui, dans son numéro du 5 brumaire an III, accuse l’Incorruptible d’avoir voulu « dépopuler » le pays. D’après ses assertions, les membres du comité de salut public, autour de Robespierre, visant l’établissement de la plus grande égalité possible en France (projet dont il se déclare par ailleurs solidaire), auraient planifié la mort d’un grand nombre de Français Leur analyse aurait été fondée, selon lui, sur les réflexions des philosophes politiques du xviiie siècle (comme Jean-Jacques Rousseau), qui considéraient que l’établissement de l’égalité nécessitait une population moindre que celle de la France de l’époque (en fait, pour ces philosophes, un gouvernement démocratique, fondé sur une certaine égalité des richesses, à l’exemple des cités-États de l’Antiquité, de Genève ou de Venise, réclamait non seulement un nombre de citoyens réduit, mais un territoire peu étendu). Suivant cette théorie, la guerre civile dans l’Ouest (avec la mort dans la bataille des Blancs et des Bleus) et la répression des insurrections fédéralistes et royalistes auraient été l’outil de ce programme de dépopulation de la France, dont Carrier, à Nantes, n’aurait été qu’un agent local. Les défaites des troupes républicaines face aux insurgés royalistes auraient été organisées par le comité de salut public afin d’envoyer à la mort des milliers de soldats républicains, puis il aurait mis en place un plan d’anéantissement des Vendéens, que Babeuf met en parallèle avec la répression de l’insurrection lyonnaise, attribuée au seul Collot-d’Herbois.

  

Les partisans de la thèse du génocide

 Chez les historiens

Le terme de « génocide vendéen » apparaît en 1969 dans un article de la revue du Souvenir vendéen rédigé par le médecin-général Adrien Carré, qui fait un parallèle assumé avec les crimes nazis de la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci introduit pour la première fois dans l’historiographie vendéenne les termes de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ».

À partir de 1983-1984, l’historien Pierre Chaunu fait sortir la formule de « génocide vendéen » de la confidentialité et provoque les premiers débats entre historiens.

En 1986, Reynald Secher fait paraître La Vendée-Vengé, Le génocide franco-français, tirée de sa thèse de doctorat soutenue à Paris IV-Sorbonne, le 21 septembre 1985 et dont le jury était constitué de Jean Meyer, Pierre Chaunu, André Corvisier, Louis Bernard Mer, Yves Durand, Jean Tulard et Jean-Pierre Bardet. La thèse du génocide vendéen devient alors largement médiatisée dans le contexte des préparatifs du bicentenaire de la Révolution française. La polémique bat son plein entre 1986 et 1989, où partisans et opposants de la thèse du génocide s’opposent dans les médias et rallient à leur cause journalistes, parlementaires, généraux, politologues, juristes ou romanciers. Les thèses de Secher reçurent un certain écho. Il fut reçu dans Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot et le Figaro Magazine et le Canard enchaîné reprirent ses analyses. Pour Jean-Clément Martin, les travaux de Secher et de Chaunu arrivent au bout d’un processus de banalisation des comparaisons entre les crimes de la Révolution et ceux du régime nazie. La lecture de la guerre de Vendée à l’aune de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des totalitarismes n’est donc pas neuve. Elle rencontre donc un certain échos dans une France se préparant à célébrer le Bicentenaire et dont les travaux de François Furet analysent déjà la Terreur comme un processus totalitaire.

D’autres historiens ont employé le terme de « génocide » pour qualifier les massacres commis pendant la guerre civile dans le camp républicain. On peut citer Jean Tulard, Emmanuel Le Roy Ladurie. Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de l’histoire du communisme explique quant à lui que Lénine a comparé « les Cosaques à la Vendée pendant la Révolution française et les a soumis avec plaisir à un programme que Gracchus Babeuf, l' »inventeur » du Communisme moderne, a qualifié en 1795 de « populicide » ».

 

 Autres disciplines: droit, philosophie et média

Les travaux de Reynald Secher ont également connu un certain retentissement hors du monde universitaire et ont été repris dans les médias. Le 28 janvier 2000, en conclusion du Stockholm International Forum of the Holocaust, Michael Naumann, délégué du Gouvernement fédéral allemand à la culture et aux médias de 1998 à 2000 et ancien rédacteur en chef de Die Zeit, affirme : « Le terme français « populicide » a été parfois employé avant que le terme de « génocide » ait été inventé. Il a été inventé par Gracchus Babeuf en 1795 et décrivait l’extermination de 117 000 fermiers de Vendée. Ce secteur fertile dans l’ouest de la France est en effet demeuré pratiquement inhabité pendant 25 années ».

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Jean-Lambert Tallien, gravure de François Bonneville, fin du xviiie siècle.

De même, l’écrivain Michel Ragon, dans 1793 l’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté (1992), dont l’argumentaire reprend largement les éléments mis en avant par Secher, s’est efforcé de démontrer la réalité de la programmation des massacres et d’intentions officielles d’extermination d’un peuple. Dans son livre, il s’attache à l’ensemble de la répression de l’insurrection vendéenne, dont les acteurs principaux, côté républicain, sont le général Turreau, organisateur des « colonnes infernales », d’une part, les envoyés en mission Carrier à Nantes, Hentz et Francastel à Angers, villes où sont entassés des milliers de prisonniers vendéens, d’autre part. D’autres régions de France ont vu le développement d’insurrections (royalistes ou fédéralistes) contre la Convention en 1793. Selon les cas, les envoyés en mission avaient une attitude conciliante (comme en Normandie) ou menaient une répression ponctuelle, d’autres avaient une attitude plus répressive. Certains se sont livrés à de vraies exactions, comme Barras et Fréron à Toulon, Collot d’Herbois et Fouché à Lyon ou Tallien à Bordeaux. Dans le cas de la guerre de Vendée, Michel Ragon tente de prouver que les exactions commises par les envoyés en mission correspondaient aux exigences du comité de salut public, et même de la Convention.

Pour ce faire, il puise dans les documents d’époque des passages tirés des discours, proclamations, lettres ou rapports laissés par plusieurs personnalités révolutionnaires, qu’il interprète comme l’aveu de volontés génocidaires. Ainsi une proclamation de Francastel affichée à Angers, le 24 décembre 1793, déclarant : « La Vendée sera dépeuplée, mais la République sera vengée et tranquille… Mes frères, que la Terreur ne cesse d’être à l’ordre du jour et tout ira bien. Salut et fraternité ». De même, une lettre de Carrier, du 12 décembre 1793, adressée au général Haxo qui lui a demandé des vivres pour la Vendée républicaine, dont il souligne les formules qui semblent justifier sa thèse : « Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsides, après avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante et la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d’enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout en un mot dans ce maudit pays, de livrer aux flammes tous les bâtiments, d’en exterminer tous les habitants… Oppose-toi de toutes tes forces à ce que la Vendée prenne ou garde un seul grain… En un mot, ne laisse rien à ce pays de proscription. »

En 2017, Jacques Villemain, diplomate et juriste ayant notamment travaillé pour la Cour internationale de justice à La Haye, publie un livre dans lequel il estime que si les massacres de la guerre de Vendée avaient lieu « aujourd’hui », le droit pénal international les qualifierait de « génocide ». Cependant, l’ouvrage est critiqué par Jean-Clément Martin, qui considère que la démarche de Villemain s’appuie sur une lecture biaisée des sources où la méthode historique est absente. Par exemple concernant la loi du 1er aout, Martin note que Villemain ne prend jamais en compte le contexte de sa promulgation. Il écrit : « Il ne suffit pas non plus de relever que la loi du 1er août a été prise dans la précipitation et dans l’emphase avec l’invocation de la nécessité de « détruire la Vendée » proclamée à plusieurs reprises par Barère, si l’analyse néglige la fonction que ce discours et ce texte jouent dans la lutte à mort engagée entre les factions révolutionnaires, Montagnards contre sans-culottes, mais aussi Montagnards au pouvoir et anciens girondins et anciens dantonistes qui peuplent les bancs de l’Assemblée, les instances administratives départementales et pour une partie les hauts grades militaires ». Surtout, Martin considère que le point de vue du juriste n’est en rien supérieur à celui de l’historien et que les outils juridiques mobilisés par Villemain, comme la notion de génocide ou celle de crimes contre l’humanité, ne permettent pas de mieux comprendre les crimes et les massacres qui ont lieu en Vendée.

 

Politisation du débat

 Le 21 février 2007, neuf députés français de droite, se fondant explicitement sur les travaux de Reynald Secher et de Michel Ragon, ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à la « reconnaissance du génocide vendéen ». La proposition de loi est signée par Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Hervé de Charette (UMP, Maine-et-Loire), Véronique Besse (MPF, Vendée), Louis Guédon (UMP, Vendée), Joël Sarlot (UMP, Vendée), Hélène Tanguy (UMP, Finistère), Bernard Carayon, (UMP, Tarn), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jérôme Rivière (UMP, Alpes-Maritimes). En 1987, Jean-Marie Le Pen avait déjà déposé un amendement visant à reconnaître un crime contre l’humanité dans les massacres de Vendéens.

Le 6 mars 2012 est déposée une proposition de loi similaire (« visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 »), à nouveau par neuf députés de droite ; Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Dominique Souchet (MPF, Vendée), Véronique Besse (MPF, Vendée), Bernard Carayon (UMP, Tarn), Hervé de Charette (NC, Maine-et-Loire), Nicolas Dhuicq (UMP, Aube), Marc Le Fur (UMP, Côtes-d’Armor), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jean Ueberschlag (UMP, Haut-Rhin).

Par ailleurs, le 23 février 2012, une proposition de loi « tendant à abroger les décrets du 1er août et du 1er octobre 1793 » a été déposée par 52 sénateurs de droite et du centre. Le 16 janvier 2013, Lionnel Luca dépose un texte, cosigné par Véronique Besse (MPF, Vendée), Dominique Tian (UMP, Bouches-du-Rhône), Alain Lebœuf (UMP, Vendée), Alain Marleix (UMP, Cantal), Yannick Moreau (UMP, Vendée), Philippe Vitel (UMP, Var) et Marion Maréchal-Le Pen (FN, Vaucluse). Il consiste en un article unique : « La République française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794 ». C’est la première fois qu’une proposition de loi est cosignée par des députés UMP et FN sous la XIVe législature. Cette proposition soulève des réactions surtout à gauche, comme celle du Secrétaire national du Parti de gauche Alexis Corbière, qui voit dans cette proposition de loi « un acte grossier de manipulation historique ». Pour lui, « ce vocabulaire inadapté est une vieille ruse idéologique de l’extrême droite pour calomnier la Révolution française et banaliser les génocides bien réels du xxe siècle ».

En février 2018, Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, députées d’extrême droite, déposent une proposition de loi visant à la reconnaissance officielle comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide les exactions commises en Vendée entre 1793 et 1794.

 

Les adversaires de la thèse du génocide

 Dans le monde universitaire

À l’opposé, la thèse du « génocide vendéen » a été rejetée par la plus grande partie du monde universitaire, qui la considère comme la manifestation d’un passé qui ne passe pas.

En 1985, François Lebrun récuse la thèse du « génocide vendéen », alors défendue par Pierre Chaunu.

Par la suite, la thèse de Reynald Secher est critiquée par l’Australien Peter McPhee, professeur à l’université de Melbourne, spécialiste de l’histoire de la France contemporaine, qui revient sur l’influence de Chaunu dans l’affirmation d’un lien entre la Révolution française et le totalitarisme communiste, relève les faiblesses de l’analyse de Secher sur le nombre de victimes ou le regard des révolutionnaires sur l’insurrection vendéenne, remet en cause la « description des structures économiques, religieuses et sociales » de la Vendée prérévolutionnaire et des causes de l’insurrection par Secher, note le peu d’importance donné aux massacres de républicains par leurs voisins insurgés dans son livre ; en outre, il soutient que Reynald Secher, dans ses travaux suivants, n’a tenu aucun compte des travaux universitaires postérieurs nuançant ou contredisant ses analyses. Il note, en conclusion de son article sur la traduction de La Vendée-Vengé, le génocide franco-français :

« L’insurrection reste l’élément central dans l’identité collective de la population de l’ouest de la France, mais il est douteux qu’elle — ou la profession historique — ait été bien servie par la méthodologie grossière et la polémique peu convaincante de Secher. »

De même, parmi ceux qui ont refusé d’adhérer à la thèse du génocide, on compte le Gallois Julian Jackson, professeur d’histoire moderne à l’université de Londres, l’Américain Timothy Tackett, professeur à l’université de Californie, l’Irlandais Hugh Gough, professeur à l’université de Dublin, les Français François Lebrun, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Haute-Bretagne-Rennes-II, Claude Langlois, directeur d’études de l’École pratique des hautes études, directeur de l’Institut européen en sciences des religions et membre de l’Institut d’Histoire de la Révolution française, Paul Tallonneau, Claude Petitfrère, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Tours ou Jean-Clément Martin, professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne.

Entre autres arguments, Jean-Clément Martin note que, dans son ouvrage, Reynald Secher, qui pratique « une écriture d’autorité, condamnant l’histoire qui ne se soucie pas de vérité absolue », ne commente ni ne discute le mot « génocide ». Or, pour lui, la question se pose « de savoir quelle est la nature de la répression mise en œuvre par les révolutionnaires ». Il explique, à la suite de Franck Chalk et de M. Prince que « sans l’intention idéologique appliquée à un groupe bien délimité, la notion de génocide n’a pas de sens. Or il n’est possible ni de trouver une identité « vendéenne » préexistante à la guerre, ni d’affirmer que c’est contre une entité particulière (religieuse, sociale… raciale) que la Révolution s’est acharnée ».

Il reprend la question du décret du 1er août 1793 prévoyant la « destruction de la Vendée », et le rapport de Barère qui affirme : « Détruisez la Vendée et Valenciennes ne sera plus au pouvoir des Autrichiens. Détruisez la Vendée et le Rhin sera délivré des Prussiens (…). La Vendée et encore la Vendée, voilà le chancre qui dévore le cœur de la République. C’est là qu’il faut frapper ». Il rappelle que l’un et l’autre excluent les femmes, les enfants et les vieillards (auxquels le décret du 1er octobre 1793 ajoute les hommes sans armes), qui doivent être protégés. De même, il note que « les révolutionnaires n’ont pas cherché à identifier un peuple pour le détruire », regardant simplement la Vendée comme « le symbole de toutes les oppositions à la Révolution », et conclut que « les atrocités commises par les troupes révolutionnaires en Vendée relèvent de ce qu’on appellerait aujourd’hui des crimes de guerre ».

Jean-Clément Martin indique qu’aucune loi n’a été prise dans le but d’exterminer une population désignée comme « vendéenne ». Il rappelle que l’utilisation du terme « brigands » de la Vendée utilisé dans les décrets provenait déjà de la monarchie et précise que « La population de la Vendée (département ou région imprécise) n’est pas vouée à la destruction en tant que telle par la Convention ».

Patrice Gueniffey, dans son ouvrage La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire 1789-1794, paru en 2000 aux éditions Gallimard, qualifie les exactions commises à l’encontre des vendéens de crime contre l’humanité : « Les souffrances infligées à la population vendéenne après la fin des combats et sans aucune relation avec les nécessités militaires constituent un crime sans équivalent dans l’histoire de la Révolution française, crime que l’on peut qualifier, aujourd’hui, de crime contre l’humanité et que la tradition républicaine, peu soucieuse de revendiquer cet épisode sans gloire de son moment inaugural, a longtemps occulté ou nié ».

Pour Martin, le discours de Barère et le décret « participent de la vision qui fait de la Contre-Révolution un bloc unique, une hydre menaçante, légitimant la pensée d’une « juste violence » et installant la guerre de Vendée dans des conditions particulièrement absurdes. Les administrateurs locaux ne cessent pas de se plaindre de l’absence de délimitation de la région-Vendée, de l’imprécision du terme « brigands » pour désigner les êtres voués à la destruction (puisque sont exclus les femmes, les enfants, les vieillards, les « hommes sans armes »). Dans le Maine-et-Loire, Henri Menuau n’arrive pas à faire préciser ce qui doit être détruit en « Vendée » ». Les soulèvements contre la conscription ne sont pas propres à la Vendée. En 1793, des soulèvements se produisirent également à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Grenoble, Tournais, Angoulême ou Dunkerque. La Convention nationale était persuadée que la révolte en Vendée était un complot, venant notamment d’Angleterre contre la République. En effet, à la suite de la défaite de la Bataille de Pont-Charrault, le général Louis Henri François de Marcé qui commandait les troupes républicaines est condamné à mort, car il est considéré comme un traître à la patrie. Non seulement la Convention n’avalise pas les agissements des militaires et des représentants, qui s’opposent à ses décrets, mais, dans la région même, « la mobilisation de révolutionnaires locaux réussit à arrêter les violences injustifiées d’Angers ou du sud de la Vendée. Dans l’armée, des officiers refusent de suivre la politique de dévastation de leurs collègues, réussissant parfois à en traduire certains devant des tribunaux et à les faire exécuter ». Suivant son analyse, les atrocités commises pendant la guerre de Vendée s’expliquent, côté républicain, par la médiocrité de l’encadrement des soldats, qui sont « laissés à leur propre peur ». De l’autre côté, « les insurgés ont repris les habitudes anciennes des révoltes rurales, chassant et mettant à mort les représentants de l’État, pillant les bourgs, avant que leurs chefs ne réussissent à les détourner, pendant un temps, de ces pratiques qui ont un aspect de revanche et une dimension messianique ».

À ses yeux, ce n’est pas la violence d’un État fort qui s’abat sur sa population ; l’État est trop faible pour contrôler et empêcher la spirale de violence qui se déchaîne entre insurgés et patriotes, et ce jusqu’au printemps 1794.

Patrice Gueniffey, dans l’ouvrage cité ci-dessus, La politique de la Terreur, fait toutefois la remarque suivante : « Mais la Convention ne doit pas être absoute pour autant : le Comité de salut public semble avoir donné en octobre une plus grande extension au décret du 1er août, et au début 1794 il approuvera l’extermination ».

Dans son Gracchus Babeuf avec les Égaux, Jean-Marc Schiappa critique également la thèse du génocide présentée par Reynald Secher lors de la réédition du livre de Babeuf Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier : « Cette brochure a été récemment rééditée sous le titre La guerre de la Vendée et le système de dépopulation, Paris, 1987 ; si le texte de Babeuf est correctement reproduit, on ne peut que s’indigner de la présentation et des notes de R. Sécher et J.J. Brégeon ; sans parler des présupposés politiques sur le « génocide » de la Vendée, on est stupéfait par les erreurs, les contre-vérités, les à-peu-près et les contresens innombrables qui jalonnent ces pages ».

Professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, Michel Vovelle s’est également positionné contre la thèse du génocide. Dans le texte « L’historiographie de la Révolution Française à la veille du bicentenaire », paru en 1987, il écrit :

« François Furet ne se reconnaît pas, et l’a dit, dans le réveil récent, provoqué pour partie depuis deux ou trois ans par l’approche du bicentenaire, d’une historiographie ouvertement contre-révolutionnaire. À vrai dire, avait-elle jamais disparu ? Elle avait gardé ses positions fortes, de tradition depuis le xixe siècle, à l’Académie française (dans le sillage de Pierre Gaxotte) ou dans les bibliothèques des gares. Vieille chanson un peu fatiguée, elle a connu tout récemment un regain de vitalité remarquable. Petite monnaie caricaturale des réflexions de François Furet, l’image d’une révolution totalitaire, antichambre du Goulag fait florès. La Révolution assimilée à la Terreur et au bain de sang devient le mal absolu. Toute une littérature se développe sur le thème du « génocide franco-français » à partir d’appréciations souvent audacieuses du nombre des morts de la guerre de Vendée 128 000, 400 000… et pourquoi pas 600 000 ? Certains historiens, sans être spécialistes de la question, ont mis, tel Pierre Chaunu, tout le poids de leur autorité morale, qui est grande, à développer ce discours de l’anathème, disqualifiant d’entrée toute tentative pour raison garder. Telle histoire tient beaucoup de place, en fonction des soutiens dont elle dispose, dans les médias comme dans une partie de la presse. Doit-elle nous cacher les aspects plus authentiques d’un chantier des études révolutionnaires aujourd’hui en plein réveil ?. »

En 2007, Michel Vovelle précise : « Cela ne justifie pas pour autant les massacres mais permet de les qualifier, en les inscrivant plutôt dans l’héritage de la guerre cruelle « d’ancien style », telle que la dévastation du Palatinat opérée un siècle plus tôt par Turenne pour la gloire du Roi-Soleil, dont les Rhénans ont gardé le souvenir. Villages brûlés, meurtres et viols… Récusons donc le terme de « génocide » et rendons à chaque époque la responsabilité historique des horreurs qui l’endeuillent, sans pour autant les minimiser ».

En 1998, Max Gallo s’est lui aussi déclaré contre l’hypothèse d’un « génocide vendéen » dans l’article « Guerre civile oui, génocide non ! » paru dans la revue Historia.

En 2013, l’historien Alain Gérard déclare : « J’emploie les termes de guerre civile, de massacres, d’extermination. Mais j’ai toujours récusé le terme de génocide pour les guerres de Vendée ». Il critique également les différentes propositions de lois déposées à l’Assemblée nationale portant sur la « reconnaissance du génocide vendéen ». Ainsi en 2013, il qualifie le texte déposé par le député Lionnel Luca de « lamentable » et « tissé de contradictions juridiques et de contrevérités historiques ». En 2018, après une nouvelle proposition de loi déposée par les députées Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, il déclare : « Il est grand temps que notre République, gauche et droite confondues, cesse de laisser à des extrémistes la juste dénonciation des horreurs commises en Vendée en début 1794 ».

En 2007, Jacques Hussenet indique que le « débat ouvert autour des massacres et génocide n’est clos ni dans un sens ni dans l’autre ». Considérant que « le concept de génocide suscite un large éventail d’interprétation », que sa définition émane de juristes, et non d’historiens, et a été formalisée après des tractations entre États, il estime que « l’honnêteté intellectuelle interdit présentement de professer des certitudes et n’autorise à exprimer que des convictions ou une opinion ». Il indique cependant que sa position est la suivante : « les notions de « massacres » et de « crimes de guerre » conviennent pour qualifier ce qui s’est passé en Vendée militaire de décembre 1793 à juillet 1794. Point n’est besoin de céder à une surenchère de victimisation en réclamant le label « génocide ». Je trouve légitime de classer parmi les génocides l’extermination des Amérindiens et des Arméniens, mais je ne mettrai jamais à égalité l’élimination froidement organisée des juifs et les raids sanglants des colonnes infernales. À supposer qu’à terme le concept de génocide se banalise, au point d’y inclure les trop nombreux massacres de l’histoire, la guerre de Vendée ne représenterait, en fin de compte, qu’un génocide parmi beaucoup d’autres. Quel en serait le bénéfice moral et historique pour ses promoteurs? Nul ou presque ».

  

Des observations et analyses postérieures

 Historien du radicalisme, Samuel Tomei analyse les attaques récentes contre « les mystifications de la mémoire républicaine », au nom d’un « devoir de mémoire envers les peuples opprimés par une République colonisatrice amnésique » et « envers les peuples corsetés par une République jacobine. » Précisant le second point, il note :

« Après l’expansion au dehors, on incrimine le colonialisme intérieur. Un second exemple qui illustre bien l’utilisation du devoir de mémoire est, surtout depuis la célébration du bicentenaire de la Révolution française, cette propension à fustiger un certain jacobinisme républicain au nom de la mémoire des minorités régionales opprimées ; certains historiens allant jusqu’à parler, comme Pierre Chaunu, un peu provocateur sans doute, du « génocide » des Vendéens par la République : « Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barère et de Carnot relatifs à la Vendée. » Et le grand historien du Temps des Réformes d’honorer à sa façon la mémoire des victimes vendéennes : « D’ailleurs, à chaque fois que je passe devant le lycée Carnot, je crache par terre ». »

Dans le même ordre d’idées, dans le compte-rendu qu’il consacre au manuel La Révolution française d’Éric Anceau, Serge Bianchi, professeur à l’université Rennes-II, relève que « la présentation des Enragés, la personnalité complexe de Robespierre, la guerre de Vendée ne sont pas caricaturées. Pas question de dérapage, de tyran ou de « génocide », ni de « proconsuls » pour les représentants en mission… ».S’attachant à la question mise au programme des concours du CAPES et de l’agrégation d’histoire en 2005-2006, telle qu’elle a été traitée dans le manuel dirigé par Patrice Gueniffey, dans l’article « À propos des révoltes et révolutions de la fin du xviiie siècle. Essai d’un bilan historiographique », Guy Lemarchand, professeur à l’université de Rouen, distingue les différentes écoles historiques qui ont analysé la Révolution française, expliquant :

« Très minoritaire apparaît maintenant le courant d’origine légitimiste, ultra conservateur, autrefois de teinture royaliste, qui s’est fixé sur son terrain de prédilection dans les années 1980 : le « génocide » de la Vendée. On en retrouve des éléments dans le chapitre rédigé par A. Gérard (Poussou 2). L’auteur n’en est évidemment plus à la vision idyllique du régime seigneurial de la province selon les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, et il note lui aussi que les paysans de la province ont d’abord été favorables à la Révolution. Toutefois, selon lui et sans donner les preuves de l’affirmation, la Vendée aurait été non seulement une révolte de grande étendue, mais également un instrument entre les mains des Montagnards dans leur lutte contre les Girondins avant le 2 juin 1793. Ils se seraient abstenus de pousser la Convention à ordonner une répression rapide, de façon à compromettre les Girondins alors dominants, ce qui a facilité l’expansion du soulèvement. Puis, maîtres du gouvernement, ils se seraient livrés à la fureur purificatrice qui les caractérisait. Seconde idée originale, les Vendéens ne sont pas tombés dans la barbarie de leurs adversaires : ils libéraient leurs prisonniers quand les Bleus les fusillaient. Quant aux généraux et dirigeants politiques qui ont commandé les ravages des « colonnes infernales » et les noyades de Nantes, A. Gérard dégage Turreau d’une partie de ses responsabilités afin de charger le Comité de salut public et Carrier, émanation des Jacobins qui serait « l’archétype des révolutionnaires professionnels ». Il reprend ainsi sans distance critique le discours des thermidoriens à la recherche de boucs-émissaires afin de faire oublier leur propre orientation avant la chute de Robespierre, et de se débarrasser d’une partie des Montagnards devenus encombrants. »

De son côté, Guy-Marie Lenne a ouvert un nouveau champ d’études encore aujourd’hui incomplètement exploré, celui des réfugiés de la Vendée. Leur nombre (au moins plusieurs dizaines de milliers), leur orientation politique (aussi bien républicains, que neutres ou même soupçonnés de royalisme) n’a pas empêché la République (que ce soit les municipalités, les districts, les départements ou la Convention) de leur venir en aide, de les accueillir, les nourrir, parfois de leur fournir un travail. Selon lui, cette attitude est en contradiction complète avec l’hypothèse d’un génocide : on ne peut vouloir massacrer un peuple, et organiser l’évacuation et l’aide à une portion de ce même peuple. De façon plus anecdotique, mais révélatrice, on peut noter que même à l’échelon de la justice de paix, on s’attache à protéger les plus faibles : ainsi, les enfants mineurs de la famille Cathelineau du Pin-des-Mauges, qui a fourni un généralissime de l’armée vendéenne, et dont les trois autres frères sont morts dans les rangs de l’armée catholique et royale, sont protégés par un juge de paix qui nomme un conseil de famille pour administrer leurs biens, alors qu’ils seraient une cible de choix pour une persécution. De même, les juges de paix qui ont choisi le royalisme sont gardés en place.

Pour Didier Guyvarc’h, alors membre du Groupe de recherche en histoire immédiate (GRHI), l’étude du « lieu de mémoire » Vendée par Jean-Clément Martin met « en évidence les politiques de la mémoire et leurs enjeux. Si pour l’historien ce sont les Bleus qui, dès 1793, construisent l’image d’une Vendée symbole de la contre-révolution, ce sont les Blancs et leurs successeurs qui utilisent et retournent cette image aux xixe et xxe siècles pour asseoir une identité régionale. Cette identité est un outil de mobilisation sociale mais aussi un instrument politique contemporain. Le succès du spectacle du Puy-du-Fou, lancé en 1977 par Philippe de Villiers, résulte de la rencontre entre un milieu rendu réceptif par une pédagogie du souvenir de 150 ans et le souci d’un homme politique de se construire une image. L’exemple vendéen des années 1980 et du début des années 1990 illustre les défis nouveaux qui se posent à l’historien de la mémoire. Confronté à une mémoire vive et impérieuse, il est conduit à déconstruire mythe ou légende et à remettre ainsi en cause l’exploitation du passé par le présent. Dans le contexte du bicentenaire de 1789, puis de 1793, l’emploi du terme génocide est ainsi au centre d’un débat intense car il est un enjeu pour ceux qui veulent démontrer que « la révolution […] à toutes les époques et sous toutes les latitudes serait dévoreuse de libertés » ».

De même, en 2007, évoquant la mémoire persistante de la guerre de Vendée, marquée par le succès du Puy-du-Fou, Mona Ozouf et André Burguière notent : « Morceau de choix pendant longtemps dans le débat entre gauche et droite à propos de la Révolution, l’épisode vendéen ne faisait plus recette quand un essai publié à la veille du bicentenaire, qui n’apportait rien de neuf sinon l’accusation de « génocide », a rallumé la guerre entre historiens ; une guerre étrangement déphasée au moment où les célébrations se déroulaient dans un climat de consensus festif. Tout le monde aujourd’hui défend l’héritage des droits de l’homme. Personne ne regrette la royauté, mais nul ne condamnerait Louis XVI à mort. C’est cette France postmoderne respectueuse de toutes les mémoires, amoureuse de toutes les traditions, qui remonte le temps chaque été parmi les foules en costume du Puy-du-Fou ».

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Film Notre-Dame brûle, un film de Jean-Jacques Annaud

Le film Notre-Dame brûle

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Dans Notre-Dame brûle: Annaud reconstitue minutieusement les faits

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Qui peut oublier où il se trouvait quand dans la soirée du lundi 15 avril 2019 en tout début de Semaine Sainte la nouvelle tombait que Notre-Dame de Paris brûlait ? Cette nouvelle avait vite fait de faire le tour du monde : les spectateurs assistaient avec stupeur et émotion à l’incendie de l’un des plus anciens patrimoines de la France : une cathédrale riche de souvenir historiques et l’héroïne d’un roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris. C’est se souvenir que Jean-Jacques Annaud avec l’aide de Jérôme Seydoux a décidé de nous montrer dans on film Notre-Dame brûle

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La journée du 15 avril avait pourtant commencé comme toutes les autres. Les visiteurs affluaient dans Notre-Dame. Une messe était entrain d’être célébrée vers 18 heures quand la première alerte a fait sortir tous les fidèles puis sont revenus tranquillement pour assister à la fin de la messe, messe interrompue quand on s’est aperçue qu’il y avait le feu à la cathédrale. A cela s’ajoutait le fait que malheureusement les poutres de bois étaient fragilisées, que l’entretien de la cathédrale de Paris était défectueux.

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Jean-Jacques Annaud détaille bien les faits qui ont provoqué cet incendie : un ouvrier qui fait tomber négligemment un mégot de cigarette, un stagiaire mal formée qui ignore le bon fonctionnement des alarmes. Quand les pompiers sont informés ils se précipitent mais leur arrivée est retardée par les embouteillages dans les rues de Paris et comme le montre bien le film feront tout leur possible pour circoncire le feu. Malheureusement on verra, comme le verront en direct des millions de téléspectateurs et les personnes agglutinées au pied de l’édifice, les différentes parties de l’édifice qui s’écroulent, la nef pleine de gravats et pour finir la flèche de la cathédrale qui s’effondre. Comme on le voit dans le film seront sauvés la plupart des objets précieux dont la Couronne d’épine du Christ rapportée de Terre Sainte par Louis IX.

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Jean-Jacques Annaud a réalisé pour son film une véritable prouesse technique et le soin apporté à la reconstitution des faits forcent le respect. Sont également perceptible l’émotion ressentie dans le monde et celui du peuple de Paris. Cependant on peut regretter certaines scènes : le conservateur des trésors de la cathédrale peinant à rejoindre Paris, celle de la vieille dame et son chat.. Ces scènes offrent au spectateur des moments de respiration, mais était-ce bien nécessaire ?

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Au final c’est un film qui rend hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris et aussi aux pompiers de Paris et des alentours mobilisées pour sauver l’édifice le plus visité au monde.

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©Claude Tricoire

ARTISTES FRANÇAIS, CINEMA, FILMS, FILMS FRANÇAIS, MICHAEL LONSDALE (1931-2020)

Michael Lonsdale (1931-2020)

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Michael Lonsdale (prénom écrit sans tréma et prononcé à l’anglaise /ˈmaɪkəl/), né le 24 mai 1931 à Paris, est un acteur français de théâtre, de cinéma, et de dramatiques radiodiffusées. Il est également artiste-peintre.

Né à Paris, le 24 mai 1931, d’une mère française et d’un père anglais — il est parfaitement bilingue —, il passe le début de son enfance à Londres puis au Maroc à partir de 1939. Il anime des émissions enfantines sur Radio-Maroc dès 1943. Revenu en France en 1947, il rencontre Roger Blin qui lui fait découvrir le théâtre.

La francisation de son prénom provient de l’acteur belge Raymond Rouleau qui ne parvenait pas à prononcer correctement Michael.

Il a tourné dans des films dits d’avant-garde (films de Marcel Hanoun) comme dans des productions hollywoodiennes (Munich de Steven Spielberg).


Dans sa carrière, il a aussi bien joué pour des metteurs en scène comme Orson Welles, François Truffaut, Joseph Losey, Louis Malle, Luis Buñuel, Jean-Pierre Mocky ou Jean Eustache que joué au théâtre des textes contemporains (Dürrenmatt, Beckett, Duras…) et participé à des films grand public, dont un James Bond, Moonraker en 1979, dans le rôle du méchant ou la comédie Ma vie est un enfer de Josiane Balasko, ainsi qu’à des téléfilms.

Il rencontre Michel Puig et ensemble ils fondent en 1972 le Théâtre musical des Ulis, compagnie de théâtre musical subventionnée par le ministère de la Culture
.

Michael Lonsdale a également mis en scène de nombreux textes, dont parmi les plus récents Marie Madeleine des Frères Martineau et La Nuit de Marina Tsvetaeva de Valeria Moretti en 2001.

Michael Lonsdale a aussi prêté sa voix à la lecture de grands textes de littérature et de philosophie (voir livres audio), ainsi qu’à Erik Satie au sein des Maisons Satie d’Honfleur.

Il met en scène en 2010 un spectacle sur Sœur Emmanuelle, après d’autres spectacles sur Thérèse de Lisieux et François d’Assise
.

Le 25 février 2011, il remporte le premier César de sa carrière en tant que meilleur second rôle masculin pour Des hommes et des dieux. Il reçoit une distinction, la Médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris, la même année.

Catholique engagé, il participe au mouvement pour le Renouveau charismatique et a co-fondé un groupe de prière appelé «Magnificat», destiné plus spécialement aux artistes
.

Formation 

Après une enfance passée au Maroc, Michael Lonsdale s’installe avec sa mère à Paris et suit les cours de théâtre de Tania Balachova de 1952 à 1955. Il monte sur les planches pour la première fois en 1955 sous la direction de Raymond Rouleau dans Pour le meilleur et pour le pire qui se joue au Théâtre des Mathurins. Il débute au cinéma l’année suivante dans C’est arrivé à Aden de Michel Boisrond. En 1958, Gérard Oury, son partenaire de Pour le meilleur et pour le pire, passe à la mise en scène et lui offre un rôle dans La main chaude.

Carrière au cinéma

Michael Lonsdale débute au cinéma en 1956 dans C’est arrivé à Aden de Michel Boisrond. En 1959, Gérard Oury, son partenaire de Pour le meilleur et pour le pire, passe à la mise en scène et lui offre un petit rôle dans La main chaude. Lonsdale enchaîne les seconds rôles ou les rôles de figuration ; sa très haute taille, sa diction et sa voix si particulières le distinguent des jeunes premiers. Il tourne devant la caméra des grands réalisateurs de l’époque. En 1961 il joue pour Jean-Pierre Mocky dans Snobs ; leur collaboration s’étalera sur six autres films.
En 1962, Lonsdale apparaît sous la soutane d’un prêtre dans Le Procès d’Orson Welles ; pour un jeune comédien quasi inconnu, travailler pour Welles est une expérience unique. Le jeune homme timide, à la
sensibilité exacerbée (comme il se qualifie lui-même quand il évoque sa jeunesse) prend alors de l’assurance en même temps qu’il rencontre Truffaut – qui l’engage pour La Mariée était en noir (1967) où l’acteur est un politicien sûr de lui qui finit asphyxié, enfermé dans un cagibi par Jeanne Moreau puis pour Baisers volés (1968) où il joue un riche personnage tourmenté de ne pas être aimé. Louis Malle et Luis Buñuel se chargent quant à eux de faire émerger les côtés douteux de l’homme aux manières trop raffinées. Il est ainsi un confesseur pédophile dans Le souffle au coeur du premier (1970) ou un chapelier masochiste et exhibitionniste dans Le fantôme de la liberté (1974) du second. Michael Lonsdale devient alors tout naturellement l’un des plus célèbres seconds rôles du cinéma français ; travailleur infatigable du septième art, il apparaît dans plus de 130 longs métrages. Distillant un jeu minimaliste mais percutant, ses apparitions, même courtes ou elliptiques, ne s’oublient pas. La distanciation volontaire que Lonsdale insuffle à ses personnages ne les rend que plus forts, et l’acteur dispose d’un gros capital sympathie auprès des spectateurs, même lorsqu’il interprète des rôles de méchants ou des personnages ambigus.
Après Mocky, Welles, Bunuel et Truffaut, Michael Lonsdale fait une rencontre marquante avec Marguerite Duras, qui deviendra une grande amie. Elle le fait tourner sur Détruire dit-elle (1969), Jaune le soleil (1971) et India Song (1974) où il est le vice-consul de Lahore, l’un de ses seuls premiers rôles au cinéma. Jusque-là,
Lonsdale met son flegme britannique, sa diction posée et sa prestance au service presque exclusif des films « d’auteurs », travaillant pour Carné, Rivette, Hanoun, Lautner, Resnais, Joseph Losey etc. On l’avait tout de même vu dans la comédie populaire Hibernatus (Edouard Molinaro, 1969) dans le rôle du professeur Loriebat.
L’acteur se décide à réapparaître dans un film « commercial » dix ans plus tard : il incarne Hugo Drax, le méchant du James Bond signé Lewis Gilbert, Moonraker (1979). Ce rôle restera culte dans la filmographie de Lonsdale. Durant la décennie 80, l’acteur reste fidèle à son engagement en faveur des films d’avant-garde. Il apparaît sous les traits de saint Eloi dans Le bon Roi Dagobert (Dino Risi, 1984), revêt encore la robe ecclésiastique pour s’illustrer en père abbé obscurantiste dans Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud (1986).

Les années 90 voient moins souvent l’acteur sur grand écran (Lonsdale se consacre alors au théâtre). Claude Sautet le fait néanmoins jouer dans Nelly et monsieur Arnaud (1994) dans le rôle de Dollabella ; Lonsdale est même retenu pour le César du Meilleur second rôle.
Il est l’étrange professeur Stangerson dans Le Mystère de la chambe jaune (2002) et Le Parfum de la dame en noir (2004), signés Bruno Podalydès. De grands réalisateurs l’engagent, tel Milos Forman sur Les fantômes de Goya (2005) où Michael Lonsdale campe un grand inquisiteur, ou Spielberg sur Munich (2005). Catherine Breillat lui fait jouer le rôle du vicomte de Prony dans son adaptation de Une vieille maîtresse (2006).
Dans La Question humaine (Nicolas Klotz, 2006), l’acteur est tête d’affiche, au côté de Matthieu Almaric ; directeur général d’une multinationale, Lonsdale incarne un personnage inquiétant, au bord de la folie – un rôle qui lui vaut une nouvelle fois d’être sur la liste des prétendants au César du Meilleur acteur dans un second rôle. Ultime récompense, que Michael Lonsdale reçoit enfin en 2011 pour sa magistrale interprétation dans Des hommes et des dieux (2010). Devant la caméra de Xavier Beauvois, Lonsdale est l’humble frère Luc, l’un des huit moines français du monastère de Tibhirine en Algérie, retrouvés assassinés en 1996. Manoel de Oliveira lui confie un beau rôle dans Gébo et l’ombre (2011), un mélodrame où Lonsdale est un modeste père de famille âgé, qui continue à faire vivre sa famille malgré les difficultés.

Autres activités

Michael Lonsdale est autant comédien de théâtre qu’acteur de cinéma. Ses rôles sur les planches sont innombrables (plus de soixante-dix). Michael Lonsdale apparaît aussi dans plus de soixante-dix téléfilms ou documentaires pour la télévision. Il se lance aussi dans la mise en scène (spectacles musicaux et pièces du répertoire contemporains). Il prête sa voix si particulière à l’enregistrement de livres audio.
Michael Lonsdale est passionné par la peinture et expose ses toiles régulièrement. En 2012 paraît un livre, En chemin avec la bonté, où il présente les toiles et les photos qui ont influencé sa vie intérieure. Très croyant, Michael Lonsdale fait état de son engagement dans la religion catholique dans de nombreuses interviews et livres d’entretiens où il n’hésite pas à dire que sa foi est une composante essentielle de sa vie, comme dans un autre de ses livres, L’Amour sauvera le monde.

Prix

Prix

Meilleure interprétation masculine dans un 2d rôle, 2011 au Césars du Cinéma Français pour le film : Des hommes et des dieux

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CHEF D'ORCHESTRE, COMPOSITEUR ITALIEN, COMPOSITEURS, ENNIO MORRICONE (1928-2020), FILMS, MUSIQUE

Ennio Morricone

Ennio Morricone (1928-2020)

 

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Ennio Morricone , né le 10 novembre 1928 à Rome et mort le 6 juillet 2020 dans la même ville, est un compositeur, musicien, producteur et chef d’orchestre italien.

Il est réputé notamment pour ses musiques de films, en particulier celles réalisées pour son ami et camarade de classe Sergio Leone. Sur une carrière s’étalant sur plus d’un demi-siècle, la popularité de ses musiques depuis les années 1960 en a fait une des personnalités les plus importantes et influentes du cinéma italien, puis mondial.

L’un de ses fils, Andrea Morricone, est également compositeur et a collaboré avec lui.

 

Biographie

Formation et débuts

Ennio Morricone est le fils aîné de Mario Morricone, trompettiste de jazz dans des orchestres, et de Libera Ridolfi, femme au foyer qui lui donne quatre frère et sœurs : Adriana, Aldo, Maria et Franca.

Son père, qui le sensibilise à la musique dès ses premières années, l’inscrit à l’Académie nationale Sainte-Cécile de Rome. Élève de Goffredo Petrassi, il y obtient un diplôme de trompette en 1946. À l’académie, il rencontre aussi Bruno Nicolai, avec lequel il se lie d’amitié et qui sera un de ses collaborateurs les plus proches tout au long de sa carrière. Il obtient ensuite ceux de composition, d’instrumentation et de direction d’orchestre en 1954 et débute dans la musique classique ou expérimentale dès 1953. La même année, il compose son premier arrangement professionnel pour une série d’émissions radiophoniques

En 1956, il se marie à Maria Travia avec qui il a trois fils (dont Andrea Morricone qui devient lui aussi compositeur et son assistant) et une fille.

Il écrit sa première œuvre classique en 1957, mais les bénéfices sont trop faibles pour lui permettre de vivre de son œuvre. Il est alors embauché à la RAI en 1958, mais démissionne après un seul jour de travail2. Sans abandonner la musique classique, il se tourne vers une musique plus populaire en écrivant de nombreux arrangements pour la télévision et des chansons. Ces travaux le font connaître et apprécier par des artistes divers, y compris par des réalisateurs qui font appel à lui à partir de 1960. Il débute donc en musique de film, après des arrangements et des travaux pour d’autres musiciens chevronnés, officiellement à partir de 1961 avec Il federale de Luciano Salce.

Il fait quelques incursions dans le domaine de la chanson en composant et dirigeant deux albums consacrés à une diva de la chanson mondiale : sa compatriote Milva, avec l’album Dedicato A Milva Da Ennio Morricone en 1968, et à la chanteuse française Mireille Mathieu, avec l’album Mireille Mathieu chante Ennio Morricone en 1974. Il arrange aussi plusieurs titres de l’album de Richard Cocciante Anima, la même année.

En 1971, Marc Gilbert, producteur de l’émission Italiques de l’ORTF, lui demande l’autorisation d’utiliser la musique du film À l’aube du cinquième jour, pour le générique de l’émission. Illustrée par un dessin animé de Jean-Michel Folon, elle servira dès lors de référence sur le service public.

Compositeur de bandes originales

Auteur de musiques pour Bernardo Bertolucci, Pier Paolo Pasolini, Dario Argento ou Marco Bellocchio, il acquiert une renommée internationale et la reconnaissance quasi immédiate de ses pairs, surtout avec Sergio Leone et la partition de Pour une poignée de dollars. Réitérant avec succès sa collaboration avec Leone, pour des classiques comme Le Bon, la Brute et le Truand ou Il était une fois dans l’Ouest qui obtiennent un triomphe discographique sans précédent, ou encore avec Il était une fois la révolution, Morricone poursuit également son travail dans des domaines de plus en plus divers, touchant à tous les genres.

Au cours des années 60, 70 et 80, son style fait de nervosité et de lyrisme est maintes fois imité tout en inspirant également l’univers des variétés. Le succès discographique accompagne par ailleurs souvent ses œuvres, comme la chanson Here’s to you que chante Joan Baez pour Sacco et Vanzetti ou le fameux Chi Mai qui rythme Le Professionnel avec Jean-Paul Belmondo. Il compose, par ailleurs, la bande originale de succès tels que Le Clan des Siciliens en 1969, 1900Les Moissons du cielLe PréIl était une fois en Amérique, ou encore Mission, pour lequel il est nommé aux Oscars. Dans les années 2000, il compose notamment pour la télévision italienne (Padre Pio en 2001, Cefalonia en 2005).

C’est un musicien infatigable et inclassable, son style éclectique allie mysticisme, sensibilité, poésie, force et lyrisme. Il est récompensé à de nombreuses reprises durant sa carrière : BAFTA de la meilleure musique de film en 1987, plusieurs Nastri D’argento, cinq nominations aux Oscars, trois Golden Globes, un Grammy Award et un Lion d’or du Festival de Venise. Il est également distingué par des titres honorifiques : le président italien Carlo Azeglio Ciampi lui décerne la Medaglia di prima Classe di Benemerito dell’Arte e della Cultura en 2000, et le président français Nicolas Sarkozy le fait chevalier de la Légion d’honneur en 2009.

Durant la 79e cérémonie des Oscars en 2007, il est récompensé par un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

En 2015, il est révélé qu’il composera la bande originale du film Les Huit Salopards de Quentin Tarantino, qui est grand fan de ses compositions qu’il réutilisait souvent pour ses films. C’est un retour au western pour le compositeur après un arrêt de 40 ans. Cette composition lui vaut une sixième nomination aux Oscars qu’il remportera pour la première fois à l’âge de 87 ans.

Compositeur de musique « absolue »

Sa musica assoluta, terme utilisé par le compositeur pour désigner sa musique de concert (en réaction à la musica applicata, appliquée à un sujet, par exemple le scénario d’un film) débute en 1946. En 1965 il intègre le groupe d’improvisation et de composition avant-gardiste Nuova Consonanza.

Il compose un nombre important de pièces de musique de chambre et pour orchestre, telles que Concerto pour orchestre en 1957, Concerto pour flûte et violoncelle en 1983, Cantate pour l’Europe en 1988, Terzo concerto pour guitare, marimba et cordes créé par l’Orchestre symphonique français dirigé par Laurent Petitgirard en 1992 ou encore Voci del Silenzio en 2002 (œuvre chorale dirigée notamment par Riccardo Muti au festival de Ravenne). En 1991, il dédie son concerto pour trompette Ut (1991) au trompettiste soliste Mauro Maur, un de ses musiciens préférés. De 2012 à 2015, il compose une messe intitulée Missa Papae Francisci. Dédiée au pape François, elle est écrite à l’occasion du bicentenaire du rétablissement de la Compagnie de Jésus.

 

Le chef d’orchestre

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Ennio Morricone au siège des Nations Unies.

À partir de 2001, Ennio Morricone ralentit son activité cinématographique et renoue avec la direction orchestrale. Il entame une tournée musicale avec des dates européennes à Vérone, Paris, Londres au Royal Albert Hall en 2003 puis dans le monde entier. Il se produit principalement à la tête de l’Orchestre symphonique national de la RAI ou de l’orchestre Roma Sinfonietta, accompagné d’une centaine de choristes, dirigeant des morceaux tirés de ses compositions pour des films à succès tels Mission ou Cinema Paradiso, ou pour des films moins connus tels MalènaVatel ou ceux de Roberto Faenza.

En 2004, il enregistre un disque avec le violoncelliste Yo Yo Ma contenant ses thèmes à succès. Le 2 février 2007, il dirige l’orchestre Roma Sinfonietta pour un concert au siège des Nations Unies célébrant la prise de fonctions du secrétaire général Ban Ki-moon. Lors d’un concert dédié à la mémoire de Jean-Paul II en 2007 à Cracovie, il interprète avec ce même orchestre un oratorio basé sur un texte et un poème de l’ancien souverain pontife

 

Mort

Ennio Morricone meurt le 6 juillet 2020 dans une clinique de Rome des suites d’une chute ayant provoqué une fracture du fémur, selon les médias italiens

 

Œuvres

Ennio Morricone a composé la musique de plus de 500 films et programmes télévisés, et vendu plus de 70 millions de disques dans le monde, tous genres confondus.

Certains d’entre eux, de par leur importance dans la carrière du compositeur ou la singularité de l’utilisation de la musique, méritent une attention particulière.

Pour une poignée de dollars (1964)

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Seulement trois ans après ses débuts pour le cinéma, Morricone rencontre un succès international lors de sa première collaboration avec Sergio Leone. Ce western spaghetti est signé sous le pseudonyme Dan Savio, nom qu’il reprendra (avec Leo Nichols) par la suite dans les années soixante (certains producteurs de ce genre de cinéma voulant faire croire à des films américains).

La musique du générique d’ouverture est née de la volonté du compositeur de reproduire une atmosphère de vie quotidienne à la campagne, de nature archaïque dominée par l’homme. Le thème principal est, lui, inspiré de la mélodie d’une chanson de marins composée pour la télévision, sur laquelle la trompette recrée l’atmosphère militaire mexicaine que Leone avait en tête : ce dernier demandait à l’origine une reprise du thème Deguello de Rio Bravo composé par Dimitri Tiomkin (utilisée comme musique temporaire lors du montage).

L’expérimentation musicale du compositeur se traduit ici de plusieurs manières, d’une part, par l’utilisation musicale de bruits (le sifflement et le fouet représentant la campagne pour le citadin, la cloche la ville pour le campagnard), aussi par la combinaison de sons de la nature, de celui de la guitare électrique et de celui de l’orchestre, enfin, par la contribution narrative de la partition (elle aide ainsi à définir les personnages, à appuyer l’opposition entre l’Homme sans nom (Clint Eastwood) et son antagoniste (Gian Maria Volonté).

 

L’Oiseau au plumage de cristal (1970)

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Ce Giallo est le premier film du réalisateur Dario Argento et des trois films pour lesquels ils collaboreront. L’attrait de Morricone pour l’atonalité trouve ici un canevas idéal dans la vision abstraite, d’avant-garde du réalisateur : ainsi, les moments dramatiques et traumatiques de ce thriller horrifique permettent un anti-conventionalisme de la musique, utilisé jusque-là (et surtout à cette époque) dans la musique expérimentale de concert. Ces moments sont mis en valeur par la présence de séquences à compositions tonales, plus « traditionnelles », et par l’utilisation du silence

La technique du re-recording est utilisée de façon créative pour la première fois par le compositeur grâce à l’enregistrement multi-pistes sur bande magnétique. Chacune des 16 pistes est alors dédiée à la captation de motifs quasi similaires se succédant de façon aléatoire.

 

Il était une fois en Amérique (1984)

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Sergio Leone durant le tournage du film.

Ce film est l’ultime collaboration entre Ennio Morricone et Sergio Leone, qui mourra cinq ans plus tard d’une crise cardiaque. Le compositeur, se basant sur le scénario (et sur des thèmes composés mais non utilisés pour un film de Franco Zeffirelli), écrit et enregistre la musique avant même le tournage du film. Leone, comme dans Il était une fois dans l’Ouest, l’utilise sur le tournage à la manière des musiciens de plateau des années 1920 pour aider les acteurs à trouver les émotions adéquates.

La partition se veut discrète et empreinte de nostalgie : le film étant basé sur des alternances entre les époques à l’aide de flashbacks et de flashforwards, la musique établit un lien temporel. De plus, les thèmes musicaux (PovertyDeborahCockeye et Friendship) sont réutilisés plusieurs fois lors de scènes complètement différentes, créant ainsi des atmosphères diverses tout au long du film. Il est à noter l’utilisation de la flûte de pan (jouée par le virtuose Gheorghe Zamfir pour le thème de Cockeye) qui n’est pas sans rappeler celle de l’harmonica dans Il était une fois dans l’Ouest. Edda Dell’Orso, soprano du thème principal de ce même film, prête ici sa voix pour le thème de Deborah.

Dans une des scènes du film, Noodles (Robert De Niro) visite l’endroit d’où il épiait Deborah s’entraînant à la danse. Le thème de la jeune fille intervient alors, mais rapidement la mélodie d’Amapola (chanson populaire espagnole) se fait entendre, ce qui plonge le personnage dans ses souvenirs. Sans aucun dialogue, la scène démontre leur amour impossible… comme dans la chanson.

 

Distinctions

En 2010, il reçoit le prix Polar Music.

Le 26 février 2016 il obtient son étoile sur le Hollywood Walk of Fame (2 574e étoile). Quelques jours plus tard, en remportant l’Oscar de la meilleure musique de film pour Les Huit Salopards, il devient, à l’âge de 87 ans, le plus vieux récipiendaire de toute l’histoire des Oscars, cela, neuf ans après avoir reçu un Oscar d’honneur « en reconnaissance de ses contributions magnifiques et multiples à l’art de la musique de film » (« in recognition of his magnificent and multifaceted contributions to the art of film music »)

 

Hommages d’autres artistes

En 1971 : Michel Polnareff compose la bande originale du film La Folie des grandeurs. Le thème principal est un hommage à Ennio Morricone et à ses musiques de western-spaghetti des années 60-70, et plus particulièrement aux musiques des films de Sergio Leone. Quentin Billard a écrit : « Très inspiré du style de Morricone même jusque dans les harmonies employées et dans le choix de l’instrumentation, on retrouve dans la musique de Polnareff les chœurs épiques et les fameux riffs de guitare électrique typiques des travaux de Morricone dans ces années-là, le tout agrémenté de percussions enjouées et un ensemble instrumental évoquant les chevauchées de cow-boys dans le Far-West d’antan. ».

Depuis 1983, le groupe de metal Metallica utilise régulièrement The Ecstasy of Gold comme introduction lors de ses concerts. Le morceau est inclus sur les albums live Through The NeverS&M et Français pour une nuit. De plus, Metallica a repris à sa sauce le morceau sur l’album hommage à Ennio Morricone We All Love Ennio Morricone .

En 2011 : Turn Loose The Mermaids, dans Imaginaerum, le 7e album de Nightwish.

En 2007, Céline Dion chante aux Oscars en hommage à Ennio Morricone.

En 2020, le rappeur français Isha lui rend hommage dans le morceau « décorer les murs » sur son ep « La vie augmente, vol.3 »

 

Bibliographie

Anne Lhassa et Jean Lhassa, Ennio Morricone : Biographie, Lausanne/Paris, Favre, 1989, 404 p.

Ennio Morricone, ma musique, ma vie – entretiens avec Alessandro De Rosa, trad. de Florence Rigollet, Paris, Editions Séguier, 2018, 624 p.

AUTANT EN EMPORTE LE VENT, ETATS-UNIS, FILMS, HISTOIRE DE L'AMERIQUE, LITTERATURE, LITTERATURE AMERICAINE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, MARGARET MITCHELL (1900-1949)

Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell

Autant en emporte le vent

Autant en emporte le vent (titre original en anglais Gone with the Wind) est un roman écrit par Margaret Mitchell au début du XXè siècle. Il est paru en 1936 et a reçu le prix Pulitzer en 1937.

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L’auteur

Durant son enfance, Margaret Mitchell a été bercée par des récits sur la Guerre de Sécession et sur les héros du Sud. Elle a vécu les conséquences de la guerre et a voulu transmettre ce que la Géorgie avait affronté. Le livre traduit aussi l’état d’esprit de l’auteur et de bon nombre de ses compatriotes sudistes : les Noirs sont présentés comme des êtres inférieurs.

 

L’histoire

Au printemps de l’année 1861, la vie s’écoule paisiblement en Géorgie. Des rumeurs de guerre circulent, car l’État de Géorgie a quitté l’Union pour devenir un État confédéré. Les Sudistes veulent garder leurs esclaves et ils sont sûrs d’être dans leur droit. Fiers et vaillants, ils ne se préoccupent de la guerre que pour alimenter leurs conversations. Ils sont persuadés que même si un conflit éclate, ils battront les Yankees en quelques mois. Malheureusement pour eux, la victoire n’aura existé que dans leurs rêves. Et la réalité, autant désastreuse pour les hommes sur le champ de bataille que pour les femmes, les enfants et les vieillards restés chez eux, ne tarde pas à se faire connaître.

À travers ce roman, nous partageons toute la désillusion de Scarlett O’Hara, jeune fille issue d’une riche famille de planteurs de coton.

Elle a 16 ans, elle est pleine de vie et de gaieté, et elle a plus de charme qu’aucune jeune fille du comté. Elle a toujours eu ce qu’elle voulait et les jeunes hommes qu’elle fréquente sont tous fous d’elle. Mais elle aime en secret Ashley Wilkes, le rêveur invétéré, passionné de littérature, de poésie et de musique. Lorsqu’elle apprend qu’il va épouser Mélanie Hamilton, elle est bouleversée et connaît son premier chagrin.

Telle une enfant gâtée, Scarlett va essayer de récupérer Ashley coûte que coûte, et elle prend en horreur Mélanie, la gentille Mélanie qui ne peut voir que ce qu’il y a de bien chez les gens. Le jour où elle apprend qu’Ashley va se marier, elle fait une rencontre peu commune. Dans ce monde où tout le monde respecte si bien les conventions, la voici face à face avec le ténébreux capitaine Rhett Butler : un homme qui se vante de ne pas être un gentleman, un homme que plus personne ne reçoit. Par dépit, ce même jour, elle accepte d’épouser Charles, frère de Mélanie.

Le mariage est de courte durée, son mari mourant de maladie, laissant Scarlett enceinte. Elle accouche d’un garçon (Wade) pour lequel elle n’éprouve guère de sentiments maternels. Écœurée de savoir sa vie de jeune femme joyeuse finie, elle est désespérée. Sa mère lui propose alors de rejoindre sa belle-sœur Mélanie à Atlanta. Elle accepte car c’est en vivant auprès de Mélanie qu’elle a le plus de chance de revoir Ashley, qu’elle espère toujours conquérir. Elle découvre là-bas les privations et doit participer aux soins aux blessés, ce qu’elle a en horreur. Ashley vient passer quelques jours de permission, et lorsqu’elle arrive enfin à passer un instant seule avec lui et espère qu’enfin il l’embrassera et se déclarera, celui-ci lui demande une faveur : prendre soin de Mélanie pendant son absence. En raison de la promesse qu’elle lui a faite ce jour-là, elle ne peut fuir lors du siège de la ville d’Atlanta car Mélanie est enceinte. L’accouchant dans des conditions pénibles, elle sollicite Rhett (qui en profite pour lui demander d’être sa maîtresse) pour l’aider à fuir la ville et regagner Tara. Elle a appris que sa mère était gravement malade et n’en peut plus d’être éloignée d’elle.

Scarlett revient chez elle pour découvrir sa mère morte et son père sombrant dans une folie douce. Le domaine a été ravagé et la famine guette. Scarlett se promet de sortir sa famille de cet état et devient déterminée, froide, calculatrice. Elle se bat pour sa survie et celle de sa famille. Sa plus fidèle alliée est Mélanie et Scarlett est impressionnée par son courage.

Pour être en mesure de payer les impôts démesurés qu’on lui demande pour Tara, elle retourne à Atlanta et sollicite en vain Rhett pour l’aider financièrement. Elle rencontre alors le fiancé de sa sœur Suellen, et découvrant qu’il a un peu d’argent de côté, lui ment en disant que sa sœur ne veut plus de lui et l’épouse. Ainsi elle sauve Tara sans se soucier des sentiments de sa sœur. Elle gère d’une main de fer les affaires de son mari tout en mettant au monde une petite fille (Ella) à laquelle elle n’accorde pas plus d’importance qu’à son frère. Bien qu’elle tente de le nier, elle éprouve de plus en plus de respect pour sa rivale Mélanie qui a partagé sa détresse à Tara. Parce qu’elle a été agressée physiquement, le mari de Scarlett, appartenant au Ku Klux Klan, organise une expédition punitive dans laquelle il perd la vie.

Bien que n’éprouvant aucun chagrin de ce nouveau veuvage, Scarlett a tendance à consommer de plus en plus d’alcool. Rhett la demande en mariage, et la perspective d’une vie à l’abri du besoin, et les plaisirs que pourront lui apporter la richesse la décident à dire oui. Elle met au monde Bonnie, pour laquelle elle éprouve plus de sentiments maternels que pour ses autres enfants et que Rhett adore. Cependant Ashley occupe encore trop souvent ses pensées, et elle fait comprendre à Rhett qu’elle ne veut plus de relations conjugales. Offensé, Rhett est contraint d’accepter. Scarlett, par avidité, accepte de commercer avec les profiteurs de guerre en anglais : les « carpetbaggers » et se met la bonne société d’Atlanta à dos. Lors d’évocations de moments du passé avec Ashley, celui-ci prend innocemment Scarlett dans ses bras, mais deux commères présentes répandent la rumeur de l’adultère. Le soir même, Rhett force Scarlett à se rendre chez Ashley et Mélanie pour une fête, dans l’intention de la voir affronter toute la société d’Atlanta qui la déteste déjà. Mélanie, candide et toujours prête à défendre Scarlett, quoi qu’il lui en coûte, se refuse à rien croire de tout ce qui lui a été rapporté et se pose comme un rempart entre Scarlett et la bonne société.

Scarlett rentre pour trouver son mari ivre qui l’entraîne dans la chambre conjugale. Scarlett se réveille métamorphosée et décidée à mener une vie familiale sereine (il faut lire entre les lignes de l’ouvrage écrit à une époque pudibonde : il est manifeste que Scarlett n’avait jamais éprouvé avant cette nuit de plaisir physique). Mais Rhett n’est pas du même avis et reproche à Scarlett d’être une mauvaise mère : il part plusieurs mois en voyage avec leur fille. La petite réclame malgré tout sa mère et quand il rentre, il trouve Scarlett enceinte. Goujat, il dit à Scarlett, furieuse de cette nouvelle grossesse, que des accidents arrivent, et qu’elle perdra peut-être l’enfant. Outrée, Scarlett veut le frapper mais elle tombe dans l’escalier. Elle fait une fausse couche et dans un délire plus ou moins conscient, réclame l’affection de Rhett. N’étant pas à ses côtés, il n’en sait rien. Lors de sa convalescence, Rhett effrayé d’avoir failli perdre Scarlett lui propose de reprendre le cours de leur vie conjugale : Scarlett accepte mais au même moment leur fille Bonnie fait une chute mortelle à cheval.

Rhett est anéanti et Scarlett l’accuse d’être responsable de la mort de Bonnie. Dès lors, aucune réconciliation n’est plus possible. Mélanie, enceinte, tombe gravement malade à la suite d’une fausse couche et agonise. Elle réclame la présence de Scarlett et lui recommande sur son lit de mort de prendre bien soin de Rhett, qui l’aime tant. C’est une révélation pour Scarlett : elle découvre enfin les sentiments qu’elle éprouve pour Mélanie sa rivale ainsi que son amour pour Rhett. Elle s’aperçoit aussi que ses sentiments pour Ashley ont disparu depuis longtemps. Comprenant qu’elle aime Rhett, elle se met à sa recherche, mais il a quitté la demeure des Wilkes car le spectacle de Mélanie, agonisante, lui est insupportable : Mélanie est la seule grande dame qu’il ait jamais connue, et il a beaucoup d’admiration et d’affection pour elle. Le retrouvant chez eux, Scarlett lui déclare enfin son amour mais il est trop tard. Rhett la quitte, lui signifiant clairement qu’il ne veut plus avoir affaire à elle. Conforme à son caractère, Scarlett n’accepte pas ce sort, et poussée par son nouvel amour, se promet de le reconquérir.

 

Personnages

Gérald O’Hara : père de Scarlett. Irlandais arriviste, il parvint à épouser Ellen Robillard. Sa fille préférée est sans aucun doute Scarlett qui lui ressemble le plus par son caractère. Personnage colérique mais qui a en fait bon cœur, il se plaît à croire qu’il mène tout à la baguette. Il meurt à la suite d’une longue folie après la mort de sa femme, se brisant le cou en sautant à cheval par-dessus une clôture (sa petite fille, Bonnie, mourra de la même façon).

Ellen O’Hara : mère de Scarlett. C’est une femme douce et une grande dame, qui n’hésite pas à venir en aide à ses voisins et aux Noirs malades. Elle a vécu un grand chagrin d’amour lorsque son cousin Philippe Robillard, qu’elle aimait, est forcé de quitter le pays. Par dépit, elle épouse à la surprise de tous Gerald O’Hara.

Mélanie Hamilton : épouse et cousine d’Ashley. Elle est incapable de voir le mal en quelqu’un et est toujours prête à aider son prochain. Toute la bonne société d’Atlanta s’arrache son amitié. Elle aime sincèrement Scarlett et l’a toujours soutenue malgré les rumeurs.

Ashley Wilkes : amour secret de Scarlett et mari de Mélanie, il vit dans un monde « imaginaire » et n’arrive pas à accepter la mort du Sud. C’est un grand rêveur. Il repousse Scarlett car celle-ci est trop réelle. À la mort de Mélanie, il s’aperçoit que c’est celle-ci qu’il a toujours aimée et que Scarlett n’était qu’un désir charnel. Par cette révélation, Scarlett s’aperçoit à son tour qu’elle ne l’a jamais aimé.

Charles Hamilton : Frère de Mélanie Hamilton et premier mari de Scarlett. C’est un homme affectueux et assez gauche avec les femmes. Il meurt dans un camp d’entraînement de pneumonie, sans connaître son fils et sans vraiment connaître sa femme.

Frank Kennedy : 2e mari de Scarlett, ancien fiancé de Suellen. Croyant que celle-ci était déjà mariée, et devant la douceur de Scarlett, il épouse celle-ci et sera toujours déconcerté par le sens des affaires de Scarlett qu’il trouve mauvais pour une femme. Présenté comme nerveux et toujours malade, nous découvrons en même temps que Scarlett qu’il est apparenté au Ku Klux Klan. C’est au cours d’une descente du Klan pour défendre l’honneur de Scarlett que Frank sera tué d’une balle dans la tête.

Suellen O’Hara : sœur cadette de Scarlett, elle est jalouse d’elle et finit par la détester définitivement lorsque celle-ci se marie avec son fiancé, Frank Kennedy, usant pour ceci d’un mensonge. Elle se marie avec Will Benteen, un homme issu d’une famille pauvre mais qui a aidé Scarlett à relever Tara. Ils gèrent ensuite la plantation.

Carreen O’Hara : plus jeune sœur de Scarlett, elle est d’un tempérament docile et très doux, contrairement à Suellen. Après la mort de son soupirant lors de la guerre, elle se réfugie dans un couvent à Charleston, incapable de revenir au monde réel. Elle est très croyante et c’est sûrement ce qui la sauvera avec son entrée au couvent.

 

La famille Butler

Scarlett O’Hara : jeune fille populaire, gâtée et volontaire. Scarlett fera tout pour garder sa terre et obtenir ce qu’elle veut. Elle épousera successivement Charles Hamilton, Frank Kennedy et Rhett Butler. Ce n’est qu’à la fin du roman qu’elle prendra conscience que son inclination pour Ashley n’est qu’une chimère et que son véritable amour est Rhett.

Rhett Butler : éternel amoureux de Scarlett, il deviendra son troisième mari. Il est souvent critiqué pour son comportement malséant en société, mais son charme fait oublier cela. C’est un homme très rusé en matière de finances. Pendant longtemps, il aime tendrement Scarlett.

Wade Hampton Hamilton : le timide fils de Scarlett et Charles.

Ella Lorena Kennedy : la fille frivole et sans charme de Scarlett et Frank Kennedy.

Eugenie Victoria « Bonnie Blue » Butler : la fille de Scarlett et Rhett ; celui-ci l’adule. Comme sa mère, elle est très gâtée par son père qui comble le manque affectif entre lui et Scarlett avec elle. Elle meurt tragiquement d’une chute de poney, en sautant une haie trop haute, de la même façon que son grand-père à qui elle ressemble beaucoup du reste. Ceci plonge ses parents dans un immense chaos affectif.

 

Contexte

Publié en juin 1936, à Noël suivant plus d’un million d’exemplaires était vendu. Il sera traduit en 14 langues et publié à plus de 35 millions d’exemplaires dans le monde. Il fera l’objet d’un film dès1939, devenu lui aussi un film culte, vu par des centaines de millions de spectateurs.

Le succès exceptionnel du roman est dû à ce que pour la première fois depuis la fin de la guerre de Sécession (1865), le drame subi par les populations du Sud est décrit avec beaucoup de passion et de réalisme. En effet, cette guerre est la première guerre totale qui suit la Révolution industrielle, qui multiplie de manière exponentielle les moyens de destruction ; dans un contexte de type « napoléonien », ou de guerre européenne du type xviiie siècle, le Sud aurait dû l’emporter parce que la majorité des cadres de l’armée s’y étaient ralliés et que les sudistes, majoritairement d’origine paysanne, étaient plus habitués que ceux du Nord à la vie rurale et donc à une campagne militaire. Or l’industrie du Nord a produit en masse des quantités énormes d’armements et d’équipements logistiques, comme les chemins de fer, qui ont submergé les armées confédérées, mal équipées ; la prise et le sac d’Atlanta, le 1er septembre 1864, anticipe les batailles de Madrid, pendant la guerre d’Espagne (1936-1939) et celles de Stalingrad et Berlin, pendant la Seconde Guerre mondiale ; les ravages subis par les États du Sud, entre septembre 1864 et la fin de la guerre en avril 1865 anticipent les destructions subies par l’Europe au cours des deux guerres mondiales. Par la publication de ce roman, l’opinion américaine prend conscience de ce que plusieurs dizaines de millions d’américains ont subi et que l’unité de la nation américaine s’est forgée dans une épreuve très dure, loin de l’histoire officielle.

La présentation, très positive, de l’action du Ku Klux Klan dans ce contexte a été l’objet de fortes critiques, alors même que cette organisation met en œuvre une campagne d’actes terroristes sur le sol américain, envers l’organisation syndicale Congrès des organisations industrielles, qu’elle accuse d’être communiste

 

Éditions françaises

La première édition française est sortie en 1938 chez Gallimard, dans une traduction de Pierre-François Caillé récompensée par le Prix Halpérine-Kaminsky. Il y a eu depuis plusieurs rééditions, notamment depuis 1976 dans la collection Folio en trois tomes : t. I, n° 740 t. II, n° 741 t. III, n° 742 en 1989 dans la collection Biblos avec une préface de J. M. G. Le Clézio , ou en 2003 dans la collection Quarto en un volume illustré de 1 248 pages

La traduction du titre du livre a été trouvée par l’éditeur Jean Paulhan dans le refrain de la Ballade en vieil langage Françoys de François Villon.

En 2020, le roman, qui est tombé dans le domaine public, fait l’objet d’une nouvelle traduction en français par Josette Chicheportiche, publiée aux éditions Gallmeister.

 

 

 

Margaret Mitchell

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Margaret Munnerlyn Mitchell (née le 8 novembre 1900 à Atlanta (Etats-Unis) et morte dans la même ville le 16 août 1949) est une écrivaine américaine et l’auteure du célèbre roman Autant en emporte le vent.

Biographie

Margaret Munnerlyn Mitchell, appelée par les siens Peggy Mitchell, est née à Atlanta, Géorgie, le 8 novembre 1900, dans une famille sudiste. La jeune fille grandit dans une famille aisée, bercée par les récits des anciens confédérés sur la guerre de Sécession. Tout le long de son enfance, elle écrivit des nouvelles et des pièces de théâtre. En 1922, elle commença a écrire pour l’Atlanta Journal, où elle écrivit plus de 130 articles. Fortement marquée par l’histoire de ses ancêtres, Margaret Mitchell s’en est inspirée pour l’écriture de son célèbre roman. En 1926, quand elle se cassa la cheville, elle commença à écrire Autant en emporte le vent. Ce livre lui permit de gagner le Prix Pulitzer en 1937. Le livre sera traduit en plus de 27 langues, avec plus de 30 millions de copies vendues. Il fut longtemps considéré comme la seule et unique œuvre de Margaret Mitchell, mais plus récemment, quelques textes de jeunesse furent publiés, dont un bref roman, Lost Laysen, écrit avant ses 20 ans.

Malgré le succès d’Autant en emporte le vent, elle n’a pas écrit d’autres livres.

 

Familles et ancêtres

Son père est Eugene Muse Mitchell, un riche avocat, et sa mère, Mary Isabel Stephens, dite Maybelle, une militante féministe suffragiste.

La famille Mitchell est sudiste de longue date. Un ancêtre de Margaret Mitchell a quitté l’Écosse pour venir s’installer dans le Comté de Wilkes (Géorgie), en 1777. Son grand-père paternel, Russell Crawford Mitchell, s’engage dans l’armée confédérée en juillet 1861 et est sévèrement blessé à la bataille de Sharpsburg. Après la guerre civile, il fait fortune en vendant du bois de construction à Atlanta. Il eut 12 enfants de deux épouses, dont l’ainé est le père de Margaret Mitchell.

Du côté de sa mère, ses grands-parents sont John Stephens, un propriétaire terrien, capitaine dans l’armée confédérée pendant la guerre, ayant investi après la guerre civile dans la construction du tramway d’Atlanta, et Annie Fitzgerald, elle-même fille de Philip Fitzgerald, qui avait émigré d’Irlande et possédait une plantation dans le Comté de Clayton (Géorgie). L’histoire de Scarlett O’Hara semble calquée en partie sur l’histoire de cette grand-mère.

Vie sentimentale et œuvre littéraire

En 1916, âgée d’à peine 16 ans, elle écrit un premier roman, Last Laysen, dont le manuscrit original, récemment retrouvé, a été estimé (par une maison de vente aux enchères) à un montant compris entre 70 000 et 90 000 dollars. Il n’a jamais été publié.

En 1918, elle est bouleversée lorsqu’elle apprend que son fiancé, Clifford Henry, est mort pendant la Première Guerre mondiale. Peu de temps après, en janvier 1919, sa mère Maybelle s’éteint, victime de l’épidémie de grippe espagnole.

En 1922, devenue journaliste pour l’Atlanta Journal Magazine, Margaret Mitchell doit cependant composer avec une vie sentimentale tumultueuse, partagée entre deux hommes qu’elle aime et qu’elle finira par épouser à deux ans d’intervalle. Elle épouse en premières noces Red Upshaw, mais ils divorcent en 1924, et elle se remarie à John Marsh en 1925. Il semble que le personnage de Rhett Butler dans Autant en emporte le vent ait été inspiré par son premier mari qui la maltraitait et la brutalisait. Elle n’a eu aucun enfant de ses deux mariages.

En 1926, elle quitte le journalisme, en raison de problèmes de santé, et s’ennuie chez elle, jusqu’à ce que son époux lui conseille d’écrire un livre pour s’occuper. En 1936, après dix années d’un travail laborieux, dont trois d’écriture, elle met un point final à l’œuvre qui la rendra célèbre dans le monde entier : Gone with the wind, traduite dans l’édition française par Autant en emporte le vent. Récompensée l’année suivante par le prix Pulitzer, l’œuvre est adaptée au cinéma en 1939 par Victor Fleming dans le film homonyme.

Le 11 août 1949, après avoir été percutée par un chauffeur de taxi qui conduisait sa voiture personnelle, elle tombe dans le coma. Elle meurt cinq jours plus tard au Grady Memorial Hospital.

 

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Relire « Autant en emporte le vent »

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Critique 

Le grand roman populaire de Margaret Mitchell reparaît en deux nouvelles éditions, offrant un appui à la réflexion sur la question noire aux États-Unis, et faisant revivre le personnage fascinant et tragique de Scarlett O’Hara.

Autant en emporte le vent

de Margaret Mitchell ; Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre-François Caillé, Folio, 784 et 832 p.,

Nouvelle traduction de l’anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche, Totem Gallmeister, 704 et 720 p.,

Il serait injuste de disqualifier le grand roman de Margaret Mitchell au prétexte des convictions portées par ses personnages et la société qu’il représente, éclatant théâtre de l’esclavage. Autres temps, autres mentalités que celles de ce monde crépusculaire de la fin de la guerre de Sécession, dont des scènes froissent nos esprits du XXIe siècle. Mais le livre fait précisément écho aux commencements d’une évolution, dont l’actualité présente montre qu’elle demande encore à s’accomplir.

 

Guerre civile américaine et racisme

Décrivant les rapports mêlés d’affection et de domination des familles géorgiennes avec leurs « gens de maison », il souligne par contraste que la guerre civile américaine a révélé une autre forme de racisme. Plus que dans le paternalisme des propriétaires terriens sudistes tels les O’Hara, le racisme d’aujourd’hui ne puise-t-il pas dans celui né à ce moment précis de l’après-1865, exprimé dans la contemption de certains Nordistes envers « les nègres » pour la libération desquels ils s’étaient battus, et dans les premières exactions des Sudistes fondateurs du Ku Klux Klan, en réaction à l’égalité des droits civiques des Afro-Américains ?

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De ce roman captivant dont beaucoup ne connaissent que le film de 1939 de Victor Fleming (avec Vivien Leigh et Clark Gable), on peut découvrir à la faveur de deux nouvelles éditions (1) qu’il est plus qu’une épopée romantique au mitan du XIXe siècle. Il est le tableau documenté d’une époque charnière de l’histoire des États-Unis, dans ses aspects économiques, politiques et sociologiques. Il fait vivre la guerre de Sécession depuis la double arrière-scène de la campagne – la plantation de coton de Tara – et de la ville d’Atlanta, toutes deux dans leurs spectaculaires et haletantes méta­morphoses : florissantes et insouciantes, puis détruites, puis reconstruites.

 

L’aventure d’une femme libre

Mais il s’agit bien sûr aussi et avant tout de la grande aventure d’un personnage fascinant et tragique, Scarlett O’Hara, jeune fille fière et déterminée dont l’intense liberté tranche avec les manières de ses contemporaines. Mariée trois fois, amoureuse d’Ashley Wilkes et de Rhett Butler­, farouche gardienne de Tara, entrepreneuse dans un monde taillé pour les hommes, Scarlett choque et éblouit, autant qu’elle suscite un sentiment de tristesse, dans sa pugnacité et son aveuglement. La brume épaisse de ce cauchemar récurrent qui la hante, dont elle comprendra le sens – son fourvoiement – dans un ultime sursaut.

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La nouvelle traduction (Gallmeister), si elle a le mérite d’offrir une nouvelle vie au roman, se révèle par endroits un peu décevante. La traduction historique de 1938 (Folio) n’a rien perdu de sa fraîcheur, même si certaines ellipses, dont les traducteurs étaient autrefois coutumiers, plaidaient pour une retraduction intégrale du livre.

 

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/Relire-Autant-emporte-vent-revenir-sources-racisme-Etats-Unis-2020-06-10-1201098537

FILM UNE VIE CACHEE, FILMS, FRANZ JAGERSTATTER (1907-1943), TERENCE MALICK (1943-....), UNE VIE CACHEE

Le film Une vie cachée de Terrence Malick

LE FILM UNE VIE CACHÉE

DE TERRENCE MALICK

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« Si les choses ne vont pas si mal pour nous aujourd’hui, c’est notamment grâce à ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes que personne ne visite plus ». Cette phrase de George Eliot qui termine comme pour le résumer a donné son titre au film « Une vie cachée ».

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Il est difficile de parler de ce film après tous les éloges que l’on peut lire ça ou là dans toute la presse. Ce film inspiré de faits réels c’est l’histoire d’une résistance : la résistance d’un paysan autrichien, Franz Jägerslätter,  qui refuse le salut hitlérien, le serment d’allégeance à Hitler et de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable se trahison il est passible de la peine capitale. Comme le lui font remarqué le prêtre du village, l’évêque et son avocat son acte ne sert à rien : son acte ne changera pas le cours de l’histoire, n’aura aucune conséquence sur l’histoire du monde. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme Fani, Franz reste un homme libre : seule sa conscience le guide au milieu des arguties des uns et des autres et malgré l’hostilité de tout son village et malgré aussi les conséquences pour sa famille.

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La première partie est une ode à l’amour, au cœur de la vallée de montagnes où Franz (August Diehl) vient de fonder une famille avec Fani (Valerie Pachner). Leur bonheur éclate dans une nature généreuse, apaisante et très loin des malheurs qui se profilent à l’horizon. Quand les bruits de bottes nazies se rapprochent, cette harmonie se fissure. Au nom de sa foi et de ses convictions, Franz refuse de se soumettre quand il est appelé à porter les armes en 1943 : il le fait sans éclat, sans violence et presque sans bruit. S’attirant le mépris de toute la communauté villageoise, il se tourne cependant vers l’Eglise catholique qui lui enjoint la soumission en citant saint Paul : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu ». (Rm 13,1).

Du fond de sa cellule Franz ne déviera pas de cette conduite : soutenu par les lettres de sa femme, il opposera son inflexible décision à tous ceux qui voudraient le convaincre du contraire. Cette conduite le conduira à la mort le 9 août 1943 dans la prison de Brandebourg.

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 L’on peut penser qu’effectivement l’acte de résistance de Franz Jägerslätter n’a rien changé. Certes il y eu en Allemagne des opposants à Hitler et au régime nazi et peu de ceux-ci ont survécu. L’on ne peut même pas dire que ces actes aient hâté la chute des nazis et la fin du régime.  La seule chose que l’on puisse dire c’est qu’au milieu de tant d’actes de barbarie, d’actes de soumission il y eut quelques hommes et quelques femmes pour dire « non ! ».

L’obéissance de Franz Jägerslätter à sa conscience est la lumière qui a brillé dans un temps d’intenses ténèbres. Par delà la mort son témoignage est une lueur d’espérance pour ne pas désespérer de l’humanité. Et ce faisant il rejoint ce qu’écrivait le cardinal John   Henry Newman dans sa Lettre au duc de Norfolk (en 1874) : « La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ. Elle est le prophète qui nous révèle la vérité, le roi qui nous impose ses ordres, le prêtre qui nous anathématise et nous bénit »

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©Claude-Marie T.

 

Deux ouvrages pour aller plus loin

 

Etre-catholique-ou-nazi

Ce livre regroupe trois documents émouvants que Franz Jägerstätter adresse à son épouse Francisa, au moment où il est emprisonné à Berlin :
* une réflexion sur son objection de conscience : « Être catholique ou nazi »
* des notes sur son opposition nazisme
* sa dernière lettre à Francisa, quelques heures avant qu’il soit décapité.

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V Franz Jägerstätter (1907-1943) était un simple paysan qui vivait dans un petit village de la Haute Autriche. Pourtant, il sut dire non au mal que représentait le nazisme, et lui opposer une résistance ferme, ce que bien des élites n’ont pas su faire. Cette résistance était fondée sur une foi vécue profondément, nourrie de l’Ecriture, et renforcée par la prière. Il fut éxécuté à Berlin le 9 août 1943. Il a été béatifié le le’ juin 2007 par Benoît XVI, comme martyr de la foi. Le livre de l’historien italien Cesare Zucconi retrace le parcours d’un homme simple, un catholique de base, mais ardent, un homme de la campagne qui ne fréquentait pas les théologiens ni les grands penseurs, mais qui, instinctivement, parce que vivant intensément sa foi, avait compris l’incompatibilité fondamentale entre christianisme et nazisme et refusa de participer en quoi que ce soit à l’effort de guerre du IIIe Reich. Il s’appuie sur de nombreux documents, en particulier les notes spirituelles de Franz Jägerstätter, sa correspondance, mais aussi sur les archives du Vatican. L’intérêt majeur de ce livre vient de la mise en perspective que l’auteur établit constamment entre le refus absolu d’une personne quelconque, isolée, qui montre ce que le courage et la force faible de l’Esprit peuvent contre le pouvoir totalitaire, et l’évolution de la catholique Autriche face au nazisme, les compromissions de certains évêques, la soumission ou l’adhésion de la population. Cette biographie retrace aussi l’histoire dramatique de l’Autriche entre 1933 et 1943.

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Une vie cachée : film de Terence Malick

UNE VIE CACHÉE :

PRIX DU JURY OECUMÉNIQUE DE CANNES

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Une vie cachée ****

de Terrence Malick

Film américain – 2 h 53 – En compétition

 SYNOPSIS

Inspiré de faits réels.
Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. Une vie cachée raconte l’histoire de ces héros méconnus.

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Cannes 2019 : « Une vie cachée », la symphonie spirituelle de Terrence Malick

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Le cinéaste américain, rare et secret, a présenté une œuvre bouleversante, d’une très grande élévation, sur la résistance d’un paysan autrichien, objecteur de conscience.
Refusant de prêter serment à Hitler, sa vie devient un chemin de croix jusqu’à la Passion.

Il y a les inconditionnels de Terrence Malick (Palme d’or en 2011, pour The Tree of life, prix de la mise en scène pour Les Moissons du ciel en 1979) et les autres, réfractaires à son cinéma si singulier. Il est possible que son dernier film, Une vie cachée, présenté dimanche 19 mai en compétition, parvienne à les réconcilier, surtout si la Palme d’or lui est attribuée.

Cinéaste rare, secret, déroutant par ses fulgurances formelles et la hauteur morale de son inspiration, il s’attaque à un sujet historique, à partir de faits réels. L’intransigeante résistance d’un paysan autrichien, appelé à combattre, refusant obstinément de prêter serment à Hitler, quelles qu’en soient les conséquences pour lui et les siens.

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La première partie est une ode à l’amour naissant, au cœur de la vallée de montagnes où Franz (August Diehl) vient de rencontrer Fani (Valerie Pachner) et de fonder une famille. Leur bonheur s’épanouit, immergé dans une nature généreuse, apaisante. Quand les bruits de bottes nazies se rapprochent, cette harmonie se fissure. Au nom de sa foi et de ses convictions, Franz fait sécession, sans éclat, et s’attire la haine immédiate de la communauté villageoise qui l’ostracise et le menace. Tourmenté d’être confronté à cette montée du mal qui réclame sa participation, il se tourne vers l’Église catholique qui lui enjoint la soumission.

 Le silence de Dieu

Isolé, marginalisé, rejeté, Franz s’en remet à Dieu, lui parle, incrédule face à son silence. Emprisonné, humilié, avili, torturé, Franz ne dévie pas de sa ligne de conduite. Sous les insultes de ses voisins, les aboiements des nazis, et la perspective de la peine capitale, il oppose, sans un mot, son inflexible droiture à l’injonction violente de se renier. Du fond de sa solitude, il se parle à lui-même, correspond avec Fani, lettres d’amour magnifiques de simplicité.

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La composition de chaque plan est un tableau, un poème, une élégie à la nature, si présente, si capitale dans l’œuvre de Terrence Malick. Pour ce cinéaste, quand Dieu se tait, c’est elle qui a les réponses aux questions existentielles, surtout aux jours les plus sombres, quand rien ne vient éclairer, ni dissiper la propension des hommes, toujours renaissante, d’écarter le bien pour se livrer aux forces du mal et en retirer une jouissance malsaine. Avant de réaliser, quand il est trop tard, vers quels abîmes sombre l’humanité, abandonnée à ses pires instincts.

 Un sommet de spiritualité

Chemin de croix et Passion d’un homme déchiré entre la tentation de céder pour protéger les siens et la constance de sa conviction, Une vie cachée est un film stupéfiant de beauté, d’intériorité, irrigué par la virtuosité méditative de la mise en scène, le mouvement symphonique du montage, le jeu au diapason des acteurs, ébloui par la lumière de l’espérance et de l’amour.

La force douloureuse et inspiratrice des souvenirs qui hantent et fortifient Franz au fond de son cachot, images de ce merveilleux que construit un couple, prolongé par l’innocence joueuse et joyeuse des enfants, trouve en Malick un portraitiste sublimé par la grandeur de ces aspirations. Comme son personnage, dans son exigence d’élévation, le cinéaste s’adresse à l’âme des spectateurs. Son poème symphonique, habité par la grâce, est un sommet de spiritualité.

À lire : l’excellent Dictionnaire Terrence Malick, de Damien Ziegler, qui vient de paraître chez LettMotif, 326 p, 24 €.

 

 

https://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Cannes-2019-vie-cachee-symphonie-spirituelle-Terrence-Malick-2019-05-19-1201022973

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TERRENCE MALICK

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BIOGRAPHIE

Avec Stanley Kubrick, Terrence Malick est certainement le réalisateur le plus mystérieux de ces dernières décennies. On sait finalement très peu de choses sur lui, tant il prend un soin obsessionnel à contrôler son image.

Ayant sans doute vécu au Texas, Terrence Malick aurait passé son enfance entre les champs de blé et les puits de pétrole, à côtoyer les agriculteurs et travailleurs saisonniers. Un amour des grands espaces qui hantera ses oeuvres futures. Après des études brillantes à Harvard où il se familiarise avec la philosophie (il est le premier traducteur du Principe de raison de Martin Heidegger), il débute comme journaliste chez Life puis au New Yorker. Entré au Centre d’Etudes Avancées de l’American Film Institute, il va rencontrer George Stevens Jr. (futur producteur de La Ligne rouge) et le producteur Mike Medavoy, qui le chargera de réécrire le scénario de L’ Inspecteur Harry. Une commande qui, si elle n’aboutira pas, provoquera un déclic chez Terrence Malick. A 28 ans, il se lance dans la réalisation.

Son premier film, La Balade sauvage (1974), inspiré d’une histoire vraie, retrace l’équipée sanglante de deux amants auxquels on refuse le droit de s’aimer. Le coup d’essai est unanimement salué. Selon le critique David Thompson, c’est même  » le premier film le plus maîtrisé depuis le Citizen Kane d’ Orson Welles ». Révélant au grand public Martin Sheenet Sissy Spacek, Badlands obtiendra le prix du meilleur film au festival de San Sebastian.

Quatre ans plus tard, il revient avec Les Moissons du ciel, chef d’oeuvre élégiaque qui n’est pas sans rappeler les toiles d’Edward Hooper. Produit pour 3 millions de $ par la Paramount, ce film hanté par les grands espaces fait en outre connaître un certain Richard Gere. Fasciné par l’oeuvre au point de pardonner le perfectionnisme du cinéaste (deux ans de montage !), Charlie Bluhdorn, un ponte de la Paramount, lui donne une avance pour son prochain film : Q. Mais le projet ne se montera jamais. Terrence Malick disparaît…

Deux décennies de silence qui contribueront à la légende du metteur en scène. Certains disent qu’il vécut en France, allant de villes en villes et méditant sur divers projets. Il aurait aussi participé au scénario de Will hunting. Puis, à la surprise générale, plus de 20 ans après Les Moissons du ciel, il reparait pour livrer un film de guerre : La Ligne rouge. Inspiré du roman de James Jones sur la bataille de Guadalcanal, ce long métrage s’offre le luxe d’un casting quatre étoiles : Sean Penn, Woody Harrelson, George Clooney, Adrien Brody, Nick Nolte, John Travolta, Jim Caviezel… Tout le monde veut tourner avec Terrence Malick. Mais le film, sorti peu de temps après Il faut sauver le soldat Ryan, ne remportera qu’un succès d’estime et repartira bredouille de la cérémonie des Oscars.

Il faut attendre encore sept ans pour voir le film suivant de Terrence Malick. S’inspirant de l’histoire de Pocahontas, Le Nouveau monde livre une nouvelle réflexion sur le rapport de l’homme à la civilisation et à la nature. Porté encore une fois par un prestigieux casting (Colin Farrell et Christian Bale), par une musique sublime et par des images superbes sur la nature omniprésente, le film, même s’il déroute une nouvelle fois le grand public, est un nouveau chef d’œuvre.

Contre toute attente, Malick se lance très vite dans son projet suivant. Reprenant l’idée qui avait présidé à l’élaboration du projet « Q », il prépare son film peut-être le plus ambitieux: un histoire qui mêle le destin du monde depuis l’origine de la vie et celui d’une famille dans les années 1950. Avec à sa tête Brad Pitt et Sean Penn et entouré d’une aura de mystère, The Tree of Life fait très vite parler de lui. Attendu à Cannes en 2010, le film n’est pas prêt et sa sortie est repoussée sans date connue. Les cinéphiles doivent se contenter d’une magnifique bande-annonce en décembre suivant et patienter jusqu’au 64e Festival de Cannes en 2011, où le cinéaste mythique présente enfin son œuvre qui reçoit la récompense suprême, la Palme d’or.

Seulement deux ans ! Il faut attendre seulement deux ans avant de voir au cinéma un nouveau film de Terrence Malick, un record pour le cinéaste, connu pour prendre son temps entre deux films. En mars 2013, A la merveille met en scène Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams et Javier Bardem. Dans la lignée de The Tree of Life, le long métrage est une magnifique ode à l’amour. Preuve que le cinéaste est définitivement passé à un autre rythme : en 2015 sort Knight of Cups, soit l’histoire envoûtante d’un  auteur de comédies (Christian Bale) en pleine crise existentielle qui évolue dans le monde de la célébrité à Los Angeles.

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CINEMA, CINEMA FRNÇAIS, FILM GLORIA MUNDI, FILMS, FILMS FRANÇAIS, GLORIA MUNDI (film français), ROBERT GUEDIGUIAN

Gloria Mundi, film de Robert Guédiguian

Gloria Mundi***

de Robert Guédiguian

Film français, 1h47

 

 « Gloria Mundi »,

le présent désenchanté de Robert Guédiguian

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Dans un Marseille gris et froid, le réalisateur raconte une famille recomposée aux prises avec la violence sociale du monde d’aujourd’hui. Une tragédie sombre et puissante qui a valu à Ariane Ascaride le prix d’interprétation à Venise.

Les réjouissances autour de la naissance de Gloria laissent poindre les difficultés et la rancœur.

 

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Ce n’est pas un hasard si, à quelques semaines d’intervalle, Ken Loach et Robert Guédiguian nous livrent le même diagnostic sur l’état du monde. À savoir le constat amer du triomphe de l’ultralibéralisme avec la réussite individuelle pour seul horizon, et la destruction des dernières solidarités, y compris au sein de l’ultime refuge que constitue la cellule familiale. Dans un style très différent, Sorry We Missed You, de Ken Loach, réquisitoire implacable contre l’ubérisation de la société, et ce Gloria Mundi, qui confronte une famille modeste et recomposée avec la dure réalité sociale du monde d’aujourd’hui, se ressemblent.

Pour le cinéaste marseillais, il y a les comédies destinées à nous montrer le monde tel qu’il pourrait être, et les tragédies qui le montrent tel qu’il est. Son 21e film, sans doute l’un des plus sombres et des plus puissants, se classe résolument dans la deuxième catégorie. Mais, au constat quasi clinique dressé par le Britannique, Robert Guédiguian préfère les sentiments et la dramaturgie. Celle qui donne à cette chronique sociale et familiale des allures de drame shakespearien et fait de sa morale un refus de la fatalité.

Une économie de la survie

Au commencement, d’ailleurs, est la vie. Le film s’ouvre sur une naissance, celle de Gloria, fille de Mathilda (Anaïs Demoustier) et de Nicolas (Robinson Stévenin). Elle réunit toute la famille à la maternité en ce jour heureux où les compliments sont d’usage. Au même moment, Daniel (Gérard Meylan), le père de Mathilda, sort d’un long séjour en prison. Son ex-femme Sylvie (Ariane Ascaride), qui s’épuise dans une société de nettoyage industriel, et Richard (Jean-Pierre Darroussin), son second mari conducteur de bus, l’invitent à revenir à Marseille et à faire connaissance avec sa petite-fille.

Mais derrière les réjouissances pointent déjà les difficultés et les rancœurs. Les jeunes parents tirent le diable par la queue. Elle, est à l’essai comme vendeuse dans un magasin de vêtements et ne supporte pas l’autorité tatillonne de sa patronne. Lui s’est mis à son compte comme chauffeur Uber dans l’espoir de s’enrichir, mais n’a fait qu’endetter le couple. «Nous sommes des moins que rien», clame Mathilda qui jalouse sa demi-sœur, Aurore (Lola Naymark) et son compagnon Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet).

Eux se sont enrichis en rachetant pour une bouchée de pain les objets du quotidien que de plus pauvres qu’eux bradent pour boucler les fins de mois difficiles. Dans cette économie de la survie, ils sont ceux qui s’en sont sortis et ne cessent de se contempler dans le miroir de leur propre réussite. Jusqu’à ce que l’engrenage fatal de la pauvreté et de la violence vienne tout remettre en cause.

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Le portrait sombre d’une jeunesse perdue

Dans un Marseille très éloigné de la carte postale, où les quartiers du port ont été livrés aux promoteurs immobiliers, où les solidarités syndicales ont laissé la place à la loi du plus fort, Robert Guédiguian dresse le portrait sombre d’une jeunesse perdue, reflet du monde impitoyable dans lequel elle vit.

Celui où «les dominés soutiennent le discours des dominants» et où «la nécessité du partage a cédé la place à ce fléau mortel quest la volonté de chacun de posséder ce que les autres possèdent», explique le réalisateur en colère. À cette génération, il oppose celle des parents (la sienne), personnages bienveillants et remplis de sagesse mais qui assistent impuissants à la défaite de tous leurs idéaux.

Dans le rôle de Sylvie, toujours digne malgré un travail éreintant, qui refuse de faire grève parce qu’elle n’a pas le choix, Ariane Ascaride, prix d’interprétation à Venise, est magnifique de retenue et d’humanité blessée. À ses côtés, le personnage poétique de Gérard Meylan, en ex-taulard réfugié dans l’écriture de haïkus, apporte la seule lumière de ce film noir et fera en sorte, par son geste sacrificiel, de briser la spirale de pauvreté et de violence dans laquelle est enfermée la famille. À la tête de sa troupe habituelle de comédiens talentueux, Robert Guédiguian, en militant jamais résigné, force parfois le trait. Mais n’est-ce pas là toute l’essence de la tragédie ?

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Repères

Ariane Ascaride, fidèle interprète

10 octobre 1954 : Naissance à Marseille.

1975 : Entre au Conservatoire national d’art dramatique et épouse Robert Guédiguian.

1977 : Premier rôle au cinéma dans La Communion solennelle de René Féret.

1980 : Joue dans Dernier été, le premier film de son mari. Elle sera son interprète dans tous ses films sauf un, Le Promeneur du Champ-de-mars, consacré aux derniers jours de François Mitterrand. Elle se partage depuis entre le théâtre et le cinéma.

1998 : César de la meilleure actrice pour Marius et Jeannette.

2019 : Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise pour Gloria Mundi.

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https://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Gloria-Mundi-present-desenchante-Robert-Guediguian-2019-11-26-1201062820

 

AFFAIRE DREYFUS, ALFRED DREYFUS (1859-1935), CINEMA, CINEMA FRANÇAIS, CINEMA FRNÇAIS, FILM J'ACCUSE, FILMS, J'ACCUSE, FILM DE ROMAN POLANSKI, MARIE-GEORGES PICQUART (1854-1914), ROMAN POLANSKI (1933-...)

J’accuse, film de Roman Polanski

J’accuse de Roman Polanski

L’Affaire Dreyfus vue par celui qui l’a lancée

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Avec « J’accuse », en salles le 13 novembre 2019, Roman Polanski signe un excellent film historique sur la plus célèbre affaire judiciaire de l’histoire de France, l’Affaire Dreyfus.

Il a pris le parti non de la raconter mais de la montrer à travers le regard de celui sans qui elle n’aurait pas existé, le colonel Picquart, un officier déluré et antisémite qui a placé sa conscience au-dessus de sa carrière et de ses  préjugés (Jean Dujardin, excellent dans ce rôle).

Ce point de vue, c’était déjà celui de Robert Harris, auteur du roman qui a inspiré le film, D. (2013), avec qui Polanski a co-écrit le scénario.

 Une plongée réussie dans une affaire judiciaire complexe

Le film s’ouvre sur la dégradation du capitaine Alfred Dreyfus dans la cour de l’École militaire, à Paris, le 5 janvier 1895. Officier juif déclaré coupable de haute trahison par un tribunal de guerre, il aurait fourni des éléments confidentiels à l’ennemi allemand. Louis Garrel, bien grimé, fait un Dreyfus très convaincant. Ses insignes et épaulettes lui sont violemment arrachées, son épée cassée en deux et sa casquette et ses médailles sont jetés à terre et piétinées. C’est le summum de la disgrâce.

Derrière les grilles, une foule haineuse vocifère insultes et propos antisémites. Dreyfus clame son innocence.

Roman Polanski (86 ans) s’est inspiré pour ce film du roman D., de Robert Harris, lequel a été associé à l’écriture du scénario.  Il met en avant le point de vue d’un personnage central de l’Affaire, le lieutenant-colonel Georges Picquart.

Jean Dujardin, fidèle à lui-même, entre sans grande difficulté dans la peau du personnage. On assiste à l’ascension de ce lieutenant-colonel brillant, qui atterrit à la direction du service de renseignements.  Il prend son rôle très à cœur et exerce ses missions dans le respect des valeurs militaires.

La « preuve » accablant Dreyfus est un bordereau découvert le 26 septembre 1894 et adressé au major allemand Schwartzkoppen, dans lequel les officiers du renseignement et même le célébrissime expert de la police judiciaire Adolphe Bertillon (Matthieu Amalric) ont cru reconnaître l’écriture du capitaine…

Un jour de mars 1896, alors qu’il consulte les documents fournis par Madame Bastian, femme de ménage-espionne qui transmet le contenu des corbeilles en papier de l’ambassade allemande à l’armée française, Picquart fait une découverte qui change le cours de sa vie, et de l’Histoire.

Il tombe sur « le petit bleu », un mot d’un officier français d’origine hongroise, le commandant Esterhazy, adressé à Schwartzkoppen. Tiens donc, l’écriture du mot ressemble étrangement à celle du bordereau. Dès lors, Picquart se met en quête de vérité et se rend compte que le dossier à charge est très, très mince…

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C’est un homme à la personnalité ambigüe. Célibataire libertin comme beaucoup de ses homologues, qui entretient une liaison avec une femme mariée, Pauline Monnier (Emmanuelle Seigner), il place la justice et l’honneur militaire au-dessus de tout. Il partage aussi un antisémitisme de salon très courant en son temps, allant jusqu’à déclarer sans sourciller à Dreyfus qu’il n’aime pas les juifs mais n’accepte pas pour autant qu’un innocent soit condamné !

Mais la hiérarchie militaire et le ministre ne veulent rien entendre. Dans une période de grande tension internationale, il n’est pas question selon eux de laisser planer le doute sur l’infaillibilité de l’armée et de ses tribunaux !

Le colonel Picquart s’oppose aussi à son subordonné, le commandant Henry (Grégory Gadebois). Un militaire obsédé par le respect des ordres et de la hiérarchie qui en vient à produire en octobre 1896 un bordereau qui accable Dreyfus.

Picquart est finalement affecté loin de Paris, jusque dans les confins de la Tunisie. Mais comme Dreyfus sur l’île du Diable, il a le « tort » de survivre à l’épreuve et revient à Paris pour reprendre son enquête. Il rencontre les principaux dreyfusards, Matthieu Dreyfus, frère du condamné, Georges Clemenceau , patron de L’Aurore, et Émile Zola.

Esterhazy, de son côté, demande à être jugé. Contre toute attente, le 11 janvier 1898, il est acquitté et c’est Picquart qui est condamné et exclu des cadres de l’armée ! Mais l’Affaire est lancée et ne s’arrêtera plus.

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Du « faux » au célèbre « J’Accuse »

Le 13 janvier 1898, alors que Picquart part en fourgon pour un an d’incarcération, L’Aurore publie à la Une le célèbre « J’Accuse »..

Peu de temps après, le 30 août 1898, Henry avoue être à l’origine du faux. Il est incarcéré à son tour… et se suicide au grand soulagement de sa hiérarchie.

Un procès en révision s’ouvre enfin à Rennes le 9 septembre 1899. À la stupéfaction générale, Dreyfus est à nouveau condamné mais « seulement » à dix ans de réclusion ! Dix jours plus tard, le président Loubet le gracie. Las et usé, Dreyfus accepte la grâce et renonce à faire appel de son jugement à la grande déception de ses partisans et de Picquart en particulier…

En à peine 2h12, Polanski parvient à reconstituer l’atmosphère de l’époque, avec ses préjugés et ses enjeux. Les femmes y tiennent une place très réduite malgré l’excellente prestation d’Emmanuelle Seigner dans le rôle de l’amante.

Et même si l’on connaît la fin de l’histoire, le spectateur est tenu en haleine par un suspens bien mené autour des débats intérieurs qui agitent le héros et des pressions qui pèsent sur lui… Hier comme aujourd’hui, il n’est pas aisé d’affronter sa hiérarchie et l’opinion publique au nom de l’idée que l’on se fait de la justice et de la vérité !

L’épilogue nous montre Picquart en 1906, de retour dans les cadres de l’armée avec le grade de général et nommé ministre de la Guerre par le nouveau Président du Conseil, un certain Clemenceau. Il reçoit Dreyfus qui a été enfin réhabilité. Lui aussi est de retour dans les cadres de l’armée mais seulement en qualité de commandant,  son ancienneté n’ayant pas été prise en considération.

Picquart  lui refuse le grade de lieutenant-colonel pour ne pas réveiller de polémique. La réalité reprend le dessus. Lui et Dreyfus ne se verront plus jamais. Une fin douce-amère qui montre les limites de la justice d’un point de vue tant politique que moral et psychologique.

 

Le cinéma, ça reste du cinéma…

On peut regretter le titre du film, allusion à l’article de Zola, car, à l’exception de Picquart, les autres dreyfusards (Mathieu Dreyfus, Bernard Lazare, Émile Zola, Auguste Scheurer-Kestner…) n’apparaissent qu’en filigrane ou pas du tout. On peut regretter plus sûrement l’héroïsation du personnage central. La réalité est beaucoup plus nuancée ainsi que le rappelle l’historien Philippe Oriol (Le Faux ami du capitaine Dreyfus, Grasset, 2019).

Picquart, quand il a découvert la vérité sur le procès Dreyfus, a songé d’abord à sauver sa carrière et pendant près de deux ans a louvoyé en retenant les informations qu’il détenait. C’est seulement quand il a compris que l’armée le briserait malgré tout qu’il s’est engagé à corps perdu du côté des dreyfusards jusqu’à devenir pour l’opinion publique le vrai héros de l’Affaire !

Après l’amnistie du capitaine Dreyfus, dans le désir de soigner sa popularité, Picquart a suggéré à Dreyfus d’aller de suite en cassation et demander un nouveau procès devant le Conseil de Guerre. Mais Dreyfus et ses proches s’y sont refusés avec raison, préférant attendre que des faits nouveaux et sérieux leur garantissent une cassation du jugement de Rennes, ce qui fut fait le 12 juillet 1906.

Une scission durable et violente s’est alors installée dans le camp dreyfusard, attisée par Picquart qui ne s’est pas privé d’en informer la presse antidreyfusarde… Concluons avec l’écrivain Octave Mirbeau, que cite Philippe Oriol : « Je dirai du colonel Picquart que c’est un homme. Dans les temps de déchéance et d’avilissement que nous traversons, être un homme, cela me paraît quelque chose de plus émouvant et de plus rare que d’être un héros. L’humanité meurt d’avoir des héros, elle se vivifie d’avoir des hommes » (1899).

Publié ou mis à jour le : 2019-11-13 14:27:54

 

 

 

BRUNO DUMONT, CHARLES PEGUY, FILM JEANNE, FILMS, FILMS FRANÇAIS, JEANNE, JEANNE D'ARC (1412-1431)

Film Jeanne de Bruno Dumont

Jeanne

Bruno Dumont

Avec Lise Leplat-Prudhomme, Fabrice Luchini, Annick Lavieville plus

Sortie le 11 septembre 2019.

Durée : 2h 18 mn

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SYNOPSIS ET DÉTAILS

Année 1429. La Guerre de Cent Ans fait rage. Jeanne, investie d’une mission guerrière et spirituelle, délivre la ville d’Orléans et remet le Dauphin sur le trône de France. Elle part ensuite livrer bataille à Paris où elle subit sa première défaite. 
Emprisonnée à Compiègne par les Bourguignons, elle est livrée aux Anglais. 
S’ouvre alors son procès à Rouen, mené par Pierre Cauchon qui cherche à lui ôter toute crédibilité. 
Fidèle à sa mission et refusant de reconnaître les accusations de sorcellerie diligentées contre elle, Jeanne est condamnée au bûcher pour hérésie.

Les aventures de Jeanne

Jeanne est la suite de Jeannette et les deux films forment une adaptation d’une pièce de Charles Péguy. Si Jeannette était un film “chantant”, telle une comédie musicale, Jeanne est cette fois un film d’action, psychologique, dialogué, parce que porté aux débats des Batailles et au suspens d’un Procès. « Charles Péguy est un auteur que j’ai découvert assez récemment et j’ai été très impressionné par son écriture, notamment, son chant, sa musicalité. Lorsque j’ai commencé à avoir l’idée de réaliser un film musical, je cherchais un texte réellement propice, aussi je me suis rapproché naturellement de lui et de sa pièce de théâtre Jeanne d’Arc comme d’un livret », confie le réalisateur Bruno Dumont.

Adapter Péguy

Le film précédent de Bruno Dumont, Jeannette, racontait l’enfance de Jeanne d’Arc et était l’adaptation de la première partie de la pièce de Charles Péguy, qui s’appelle Domrémy. Jeanne en est la suite et adapte les deux autres parties : les Batailles et Rouen. « La difficulté littéraire que l’on peut attribuer parfois à Péguy ne me faisait plus peur parce que l’adaptation cinématographique et musicale apportée me permettait alors d’y remédier et d’établir un équilibre inédit : si ce que dit Péguy est parfois fort profond, obscur, c’est ici contrebalancé par la cinématographie des actions, les chansons et la musique qui donnent au tout un accès simple, facile, comme léger et non diminué de ses forces », relate le cinéaste.

Jeanne d’Arc, je m’en fiche !

« Pour le dire franchement, moi, Jeanne d’Arc, je m’en fichais un peu », assène Bruno Dumont, “Charles Péguy   me l’aura, disons « révélée ». Lorsque Péguy écrit sa Jeanne, il est pleinement athée… Il a 24 ans et il est socialiste, universaliste, anticlérical, idéaliste : ça se sent très bien dans son texte qui, à l’oeuvre de pourfendre l’Église chrétienne, attaque davantage toute “église”, c’est à dire tout dogmatisme… Par ailleurs, Jeanne est une héroïne historique et nationale de la Guerre de Cent Ans, elle transporte naturellement et universellement avec elle un pays et un peuple tout entier. L’histoire de Jeanne d’Arc est ainsi un théâtre qui porterait bien l’humanité toute entière au travers d’un récit national, historique et incarné. »

Le choix de Christophe

Selon Bruno Dumont, Jeanne rend compte d’une expérience du temps présent, où l’objectif est de faire entrer le spectateur, l’élever, l’aspirer vers quelque chose qui, certes, nous dépasse, mais infuse. Cependant il faut trouver la bonne balance avec lui, s’adapter à la modernité dans laquelle il vit, chercher une connexion. « Lorsque je fais le choix de Christophe, par exemple, pour composer la partition et interpréter une chanson, ou lorsque je choisis la jeune Lise Leplat-Prudhomme, qui a dix ans, pour incarner une Jeanne adolescente à la fin de sa vie, cela participe des liens que je tisse avec notre présent : rechercher des analogies et des correspondances. Idem pour le procès, où les rôles ont été distribués à des universitaires, théologiens, professeurs de philosophie ou de lettres, tous très à l’aise avec cette matière finalement et déjà connectés à elle. Je voulais que l’on ajoute à cette “orchestration” cinématographique générale, la ligne claire de mélodies, de rythmes et d’harmonies musicales qui fasse fleurir davantage sa compréhension et sa portée. »

Démythifier Jeanne d’Arc

Bruno Dumont souhaitait démythifier le plus possible la légende de Jeanne d’Arc. « Je suis un grand admirateur de L’Evangile selon saint Matthieu de Pasolini, qui replace le sacré exactement là où il faut : au cinéma. Je pense que l’expérience artistique est la source de l’expérience spirituelle et que pour atteindre cela, Dieu est un très bon personnage, une bonne histoire. Le Christ est très propice, très favorable au cinéma de ce point de vue ! C’est aussi pour cela qu’il ne faut pas tant se séparer des bondieuseries, ce serait bien dommage : il faut au contraire remettre Dieu dans son théâtre… au cinéma ! Le cinéma peut satisfaire nos vénérations profondes et la superstition cinématographique n’est que poétique, c’est à dire comme étant enfin remise à sa place. Comme tout art, le cinéma nous émancipe et nous affranchit de l’aliénation religieuse. »

Incarner Jeanne

On aurait imaginé que Jeanne Voisin, qui jouait Jeanne à 15 ans à la fin du premier volet, reprenne le rôle. Or, Bruno Dumont l’a confié à Lise Leplat-Prudhomme, qui dans ce même film incarnait Jeanne enfant. « Aucune actrice incarnant Jeanne d’Arc dans l’histoire du cinéma n’a eu l’âge exact de Jeanne, ses 19 ans à sa mort. Renée Falconnetti avait 35 ans, Ingrid Bergman 39 ans… Pour preuve, au besoin, que ce n’est pas l’exactitude historique qui est recherchée… Lise a 10 ans. Un concours de circonstances a heureusement fait que l’actrice qui jouait Jeanne adolescente dans Jeannette ne puisse reprendre le rôle qui, en effet, lui était dévolu… Mais l’idée de prendre Lise s’est imposée comme une révélation. Quand on a vu aux essais ce qu’elle rendait en armure, on a compris qu’elle avait mystérieusement quelque chose d’extraordinaire, une expression très unique de l’enfance et de l’innocence. »

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Revue  de presse 

28 CRITIQUES PRESSE

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Cahiers du Cinéma

 par Stéphane du Mesnildot

Plus que jamais le cinéma de Dumont s’affirme comme cette langue étrangère inouïe à l’intérieur du cinéma français.

 

La Septième Obsession

 par Adrien Valgalier

Vibrant et poignant, « Jeanne » est le film le plus bouleversant de Bruno Dumont.

 

Sud Ouest

 par Sophie Avon

C’est aussi singulier que puissant.

 La critique complète est disponible sur le site Sud Ouest

 

20 Minutes

 par Caroline Vié

Le public pousse un soupir de surprise charmée au moment de l’apparition de Christophe, un moment de grâce visuelle et musicale dans la cathédrale d’Amiens.

 

Bande à part

 par Benoit Basirico

Après une Jeannette dansante et insouciante, ce second volet paraît plus austère et plus théâtral, mais il s’avère plus sensible et majestueux.

 La critique complète est disponible sur le site Bande à part

 

Culturebox – France Télévisions

 par Lorenzo Ciavarini Azzi

L’opiniâtreté à toute épreuve de « Jeanne » se lit dans son regard perçant, merveilleusement saisi par le cinéaste. Epoustouflante Lise Leplat Prudhomme.

 La critique complète est disponible sur le site Culturebox – France Télévisions

 

Dernières Nouvelles d’Alsace

 par Nathalie Chifflet

Touché par la grâce, le film s’accorde à la voix nocturne cristalline, sophistiquée, soufflée et énigmatique, de Christophe. Son chant est un miracle, ainsi soit Jeanne.

 La critique complète est disponible sur le site Dernières Nouvelles d’Alsace

 

Elle

 par La Rédaction

Chaque plan du réalisateur est d’une époustouflante beauté.

 

La Croix

 par Céline Rouden

Et puis il y a Jeanne et sa toute jeune interprète Lise Leplat Prudhomme, 12 ans, déjà à l’affiche de Jeanette. (…) Elle y est étonnante d’assurance et de maturité. Et son regard sombre, filmé en gros plan, nous restera longtemps en mémoire.

 La critique complète est disponible sur le site La Croix

 

Le Dauphiné Libéré

 par Jean Serroy

Bruno Dumont, lui aussi fidèle à lui-même et à sa petite interprète, offre sa vision de Jeanne d’Arc dans des images naïves et naturelles, où la transcendance se sent dans son incarnation terrestre et où quelque chose court dans la banalité même des êtres et des choses : la grâce.

 

Le Figaro

 par Marie-Noëlle Tranchant

Avec toujours beaucoup de liberté, Bruno Dumont poursuit son adaptation de Charles Péguy. Sous une gangue rugueuse, son film s’apparente à un joyau très pur.

 La critique complète est disponible sur le site Le Figaro

 

Le Monde

 par Jacques Mandelbaum

Tout ici fait signe vers un ailleurs qui le transcende, le film lui-même semble s’être fait enluminure.

 La critique complète est disponible sur le site Le Monde

 

Le Nouvel Observateur

 par Xavier Leherpeur

Les idées fusent, comme ce ballet équestre qui devient une chorégraphie. Pourtant mille fois vus et entendus, ces procès trouvent ici un nouvel écho, à la fois historique et mystique.

 La critique complète est disponible sur le site Le Nouvel Observateur

 

Les Fiches du Cinéma

 par Marion Philippe

Deux ans après Jeannette, Bruno Dumont adapte de nouveau le drame de Péguy dans un film déroutant et touchant, porté par la jeune Lise Leplat-Prudhomme. Un formalisme poétique en adéquation parfaite avec le mysticisme de son héroïne.

 La critique complète est disponible sur le site Les Fiches du Cinéma

 

L’Humanité

 par Sophie Joubert

Depuis la Vie de Jésus, la frontalité du cinéma de Bruno Dumont divise, qu’il filme le duo de flics empotés de la série P’tit Quinquin ou la revanche des pauvres bouffant littéralement les riches dans Ma loute. Cette Jeanne rebelle et inflexible, qui refuse jusqu’au bout de se soumettre à la loi des hommes et de l’Église, n’échappera pas à la règle. Tant mieux.

 La critique complète est disponible sur le site L’Humanité

 

Libération

 par Guillaume Tion

Malgré une certaine torpeur, Jeanne réussit à nous faire percevoir le personnage le plus commenté et documenté de l’histoire française d’une manière inédite, et qui trouve des échos tout aussi inédits dans notre monde contemporain saturé de super-héroïsme.

 La critique complète est disponible sur le site Libération

 

Ouest France

 par Michel Oriot

Dans le rôle-titre, on découvre un extraordinaire petit bout de femme de dix ans à peine, qui sublime la geste de la Pucelle par sa pureté, sa foi et sa grâce.

 

Positif

 par Eithne O’Neill

Si le dispositif orthodoxe de légendes à l’écran date les événements du 8 mai 1429 à sa mort le 30 mai 1431, « Jeanne » en est la transposition libre et incantatoire.

 

Première

 par Thomas Baurez

Les juges en habits de gala pérorent, complotent, s’interrogent. Il y en a un, dont on ne voit pas les traits cachés sous une capuche, mais dont la voix fluette et gracile trahit l’identité : c’est Christophe, le chanteur ici acteur, dont on entend à plusieurs reprises des chansons originales d’une puissance folle. Sublime !

 La critique complète est disponible sur le site Première

 

Télé Loisirs

 par La rédaction

Porté par une bouleversante comédienne de dix ans et les mélodies de Christophe, le texte y résonne avec une poésie inédite.

 

Télérama

 par Samuel Douhaire

Après un premier volet déroutant sur la bergère de Domrémy, la suite étonne et détonne. Avec de grandes scènes burlesques et les chansons de Christophe.

 La critique complète est disponible sur le site Télérama

 

Transfuge

 par Serge Kaganski

« Jeanne » est un film d’une beauté qui a plus à voir avec Goya qu’avec l’omniprésente esthétique publicitaire de notre époque.

 

Voici

 par Lola Sciamma

Une expérience toujours aussi barrée et radicale.

 

La Voix du Nord

 par Christophe Caron

Les mélodies de Christophe (sublimes) introduisent des instants de grâce avant que l’émotion ne se dissipe, perdue dans les méandres d’une transcendance qui renâcle parfois à livrer ses clés. Bruno Dumont produit un cinéma qui élève et qui malmène.

 La critique complète est disponible sur le site La Voix du Nord

 

Le Journal du Dimanche

 par Stéphanie Belpêche

Un objet singulier.

 

Le Parisien

 par La Rédaction

Sur le socle d’une pièce de Charles Péguy, le cinéma de Bruno Dumont fréquente une autre planète de récit. Il travaille directement sur l’os, ne cherche aucun relief à ses dialogues. La jeune Lise Leplat Prudhomme, qui incarne Jeanne, y accomplit en tout cas une étonnante performance.

 La critique complète est disponible sur le site Le Parisien

 

Les Inrockuptibles

 par Murielle Joudet

Après Jeannette, Dumont continue son récit de la vie de Jeanne d’Arc, avec une suite plus austère, mais toujours intense.

Critikat.com

 par Thomas Grignon

Ce schématisme est d’autant plus regrettable que Dumont se montre toujours capable, au détour d’une scène, de faire du champ-contrechamp un espace d’expérimentation fondé sur un art des contrastes inattendus.

 La critique complète est disponible sur le site Critikat.com

 

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La sublime “Jeanne” de Bruno Dumont

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Le cinéaste fasciné par la figure de Jeanne d’Arc sublime le texte de Charles Péguy dans une mise en scène épurée. Son film, porté par la musique du chanteur Christophe, a reçu la mention spéciale du jury Un certain regard lors du dernier festival de Cannes.

Disons le franchement, la perspective d’aller voir le deuxième volet de l’adaptation du Jeanne d’Arc de Charles Péguy par Bruno Dumont nous laissait circonspect. La première partie consacrée à l’enfance de la bergère de Domrémy, présentée il y a deux ans à la Quinzaine des réalisateurs, et traitée à la manière d’un opéra-rock, confinait à la farce. Elle actait une nouvelle manière tragico-absurde adoptée par son auteur depuis Ma Loute, son précédent long-métrage et les aventures de P’tit Quinquin, série réalisée pour Arte.

Rien de tout ça dans le Jeanne, présenté samedi sur la Croisette dans la section Un certain regard. Le cinéaste nordiste, à l’univers si singulier, revient à une forme d’épure qui était la marque de ses débuts et laisse ici toute sa place au magnifique texte de Charles Péguy. Mais Bruno Dumont, éternel scrutateur de la part sombre de notre humanité, y apporte sa touche personnelle pour apporter au récit « quelque chose de plus universel et de plus contemporain », ainsi qu’il l’a expliqué avant la projection du film.

La caméra s’élève au diapason de l’âme de Jeanne

En grand formaliste fasciné par le sacré, Bruno Dumont sublime le texte de l’écrivain par une mise en scène quasi-élégiaque. Les dunes du littoral nordiste battues par le vent servent d’écrin théâtral aux comédiens du cru, tous non professionnels – à l’exception de Fabrice Luchini faisant une brève apparition dans le rôle de Charles VII.

Un splendide ballet de chevaux, filmé du ciel illustre métaphoriquement la bataille livrée aux Anglais. La caméra, au diapason de l’âme pure de la pucelle d’Orléans, s’élève sans cesse vers les nuages et les voûtes de la cathédrale d’Amiens (on ne peut s’empêcher de penser à celles de Notre-Dame), où se tient le procès de Jeanne. Résonne alors la voix pure et cristalline du chanteur Christophe et les mots de Péguy, procurant aux spectateurs un pur moment de grâce.

Et puis il y a Jeanne et sa toute jeune interprète Lise Leplat Prudhomme, 12 ans, déjà à l’affiche de Jeanette. Le choix était audacieux pour incarner la jeune femme de 19 ans promise au bûcher. Elle y incarne « la jeunesse, la beauté et l’innocence » selon les mots de Bruno Dumont, face aux contingences du pouvoir politique et spirituel qui la jugent. Elle y est étonnante d’assurance et de maturité. Et son regard sombre, filmé en gros plan, nous restera longtemps en mémoire.

 

https://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Cannes-2019-sublime-Jeanne-Bruno-Dumont-2019-05-18-1201022829

 

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La “Jeanne” intemporelle de Bruno Dumont

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Deux ans après, « Jeannette », l’enfance de Jeanne d’Arc, tirée de « Domrémy », la première partie de Jeanne d’Arc, la pièce de Péguy, Bruno Dumont adapte les deux autres parties, « Les Batailles » et « Rouen » et livre avec ce « Jeanne » un film enthousiasmant, passionnant et singulier.

Dès le début, on sait que le pari est gagné. En tous les cas, que cette nouvelle adaptation de la vie de Jeanne d’Arc au cinéma, malgré les ombres tutélaires de Dreyer ou Bresson qui dominent la filmographie, ne pourra être à côté de la plaque. On le sait, dès le premier regard de Lise Leplat-Prudhomme vers la caméra. Regard noir d’une intensité, d’une profondeur et d’une force inouïes, qui semble protéger un secret, celui d’une intériorité qui restera à jamais inviolée. Choisir une gamine de dix ans pour jouer le rôle de Jeanne à la fin de sa vie est un pari payant, car au fond, qu’est-ce qui peut le plus faire penser à la fronde de Jeanne face à ses juges que le regard qui ne baisse pas les yeux d’une pré-adolescente, encore dans l’innocence de l’enfance, mais déjà projetée vers la femme qu’elle sera en plénitude ?

Disons-le d’emblée, cette Jeanne doit infiniment à la présence inflexible de ce jeune corps féminin, faisant face aux assauts de vieillards cacochymes essayant de la faire craquer par leurs questions théologiques, ainsi qu’à ce regard qui, quand il ne transperce pas ses contradicteurs, regarde fixement, sans se lasser, vers le Ciel, dans un dialogue dont on ne saura rien, mais dont la caméra nous transmet la lumière, en écho au psaume 33 (« Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage »).

Une Jeanne intemporelle

Le film assume pleinement ce décalage d’âge avec celui de la Pucelle, comme il assume les décalages historiques. Non pas que le texte de Péguy, scrupuleusement respecté, ne soit pas totalement vrai, mais l’image et le son viennent nous proposer de sortir Jeanne de son XVe siècle pour nous permettre de la voir tel qu’elle est dans notre mémoire nationale, à savoir intemporelle. Trois exemples l’illustrent bien. 

Tout d’abord, la scène du procès tournée non à Rouen, mais dans la cathédrale d’Amiens où l’on voit de manière anachronique les juges en grande tenue se prosterner devant le maître-autel baroque. N’y voyons pas une erreur du réalisateur, mais bien une manière de nous dire, filmant ces inclinaisons engoncées devant les ors somptueux, qu’il ne s’agit pas tant de dévotion à Dieu qu’au pouvoir auquel renvoie un art baroque contemporain de la monarchie absolue. De même pour le bunker de Normandie servant de cadre à la prison de Jeanne, il nous parle de l’intemporalité des prisons dans lesquelles les vies humaines sont empêchées de se déployer et convoque en filigrane les atrocités du XXe siècle. Quant à l’anachronisme, le plus étonnant, la musique de Christophe qui chante une chanson face à la caméra, elle vient renforcer le sentiment que Jeanne est notre contemporaine. À noter que la composition est splendide, très inspirée spirituellement, en résonance avec la prose polyphonique de Péguy et accompagne Jeanne comme un chœur de tragédie grecque.

 Dans la lignée de Péguy

Que dit ce film sur Jeanne, dans la lignée du texte de Péguy ? Que Jeanne lutte contre une Église qui se constitue à cet instant comme un système de pouvoir, vendu au temporel (anglais en l’espèce), utilisant toutes les forces de l’université pour écraser une faible jeune fille. L’alternance de saisissants gros plans (qui font penser à Dreyer avec une force comique en plus) vers les acteurs (dont beaucoup sont des professeurs d’université, rompus aux joutes oratoires) et de plans d’ensemble en contre-plongée, réduisant les protagonistes du procès à des pions otages d’un système dévorant, cette alternance met en lueur les passions de l’âme (Dumont ne condamne pas les juges dont on perçoit les failles dans les regards) et la mécanique implacable d’un outil de pouvoir qui a perdu le sens de sa mission.

La modernité de cette Jeanne est dans cette idée péguyste qui a inspiré la réalisation de Dumont, que l’histoire est cyclique. Toujours et toujours, les structures de pouvoir finissent par vénérer le pouvoir jusqu’à l’idolâtrie. À cet égard, la prétention des juges de Jeanne à « l’aider » à se sauver jusqu’à nier, au nom de son salut, son droit au secret et la liberté de sa conscience, est une tentation de mainmise sur les esprits qui a longtemps habité l’Église et à laquelle aucune institution ne saurait échapper.

 La religion prise au sérieux

La Jeanne de Péguy fut écrite par un écrivain socialiste n’ayant pas encore vraiment réalisé son rapprochement avec le christianisme. Dumont la prend au sérieux, comme il prend au sérieux tant la religion dans ses folies humaines que la foi dans sa transcendance lumineuse. Rien de tel qu’un réalisateur athée pour filmer la foi et ce n’est pas un hasard si le dernier plan du film fait écho à la manière dont Pasolini filma la mort de Jésus sur la croix dans son Évangile selon saint Matthieu. Cette distance est peut-être celle de l’incroyant face à la foi, mais plus encore celle du cinéaste ouvert à ce qui réside au plus profond de l’âme et qui sait que l’on ne s’approche du sacré qu’avec une infinie délicatesse.

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