FRANÇOIS PUPPONI (1962-....), FRANCE, HISTOIRE, HISTOIRE DE FRANCE, LA GAUCHE EN PERDITION, LIVRE, LIVRES - RECENSION, POLITIQUE FRANÇAISE

La gauche en perdition de François Pupponi

La gauche en perdition : LFI, EELV, NUPES…. : la grande dérive

François Pupponi

Paris, Le Cerf, 2023. 192 pages

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Wokiste, indigéniste, séparatiste, communautariste, néoféministe, décolonialiste, voire pro-islamiste… Où va la néogauche ? Qu’a-t-elle encore de commun avec les idéaux, les valeurs et les combats de Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France ou encore François Mitterrand ? Où sont passés ceux qui défendaient le peuple, les libertés, la laïcité, qui luttaient contre la misère et l’oppression, qui incarnaient, tout simplement, la social-démocratie ?
La gauche française a perdu son âme. Cinquante ans après le congrès d’Épinay, la voilà qui renoue avec les pires errements de ses faux amis totalitaires. Pour elle, tout ce qui a trait à notre civilisation doit être piétiné, vilipendé, « déconstruit ». Dans son univers simpliste et manichéen, la réflexion n’a plus sa place. Fidèle à sa culture de l’outrance, elle s’occupe à condamner ses hérétiques, à menacer ses contradicteurs et à injurier le reste du monde.

Il fallait François Pupponi pour dénoncer cette nouvelle gauche à la dérive. Un réquisitoire brûlant, sans concession, salutaire.
Membre du Parti socialiste jusqu’en 2018, ancien député et maire, pendant vingt-deux ans, de Sarcelles, François Pupponi est l’auteur des Émirats de la République – Comment les islamistes prennent possession de la banlieue et de Lettre à mes compatriotes musulmans, tous deux parus aux Éditions du Cerf.

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A la droite du Père : les catholiques et les droites de 1945 à nos jours

À la droite du Père : Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours 

sous la direction de Florian Michel et de Yann Raison du Cleuziou

Paris, Le Seuil , 2022. 784 pages

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Résumé

« En l’absence d’un parti confessionnel, c’est la droite qui en a tenu lieu et il n’est pas douteux que pour des générations, catholicisme et droite ont été associés en bien comme en mal », observait René Rémond. Cette dimension structurante de la vie politique française est pourtant restée un angle négligé de l’histoire contemporaine.

Du Magnificat à Notre-Dame lors de la Libération de Paris en août 1944 aux élections présidentielles de 2022, ce livre montre comment, sortant de la guerre des « deux France », les catholiques ont contribué à façonner la IVe et la V République. En 1944, les démocrates-chrétiens deviennent un parti de gouvernement. Après 1958, le gaullisme consonne avec Vatican II et un nouveau concordat semble même possible avant que l’évolution de la société ne déchire les catholiques de droite. La guerre d’Algérie et Mai 68 réarment une marge réactionnaire alors même que l’Église paraît trahir l’ordre ancien. « Dieu n’est pas conservateur », clame Mgr Marty à Notre-Dame. La droite non plus, promet Valéry Giscard d’Estaing dont la majorité composée de catholiques dépénalise l’avortement. L’élection de Jean-Paul II conforte ceux qui réprouvent ce tournant. L’ampleur des manifestations pour l’école libre en 1984 ou contre le mariage homosexuel et la PMA depuis 2013, réaffirme leur place au sein des droites. Au XXIe siècle, la visibilité croissante de l’islam exacerbe cet activisme conservateur.

Avec les meilleurs spécialistes, ce livre propose pour la première fois d’éclairer de manière croisée l’histoire des droites et celle du catholicisme. S’étendant du centre aux extrêmes, l’exploration de cet univers à la forte densité intellectuelle et d’une grande créativité militante, apporte un éclairage neuf sur la vie politique française.

Réunis autour de Florian Michel, historien, et de Yann Raison du Cleuziou, politiste, vingt-neuf chercheurs reconnus ont contribué à cet ouvrage.

https://www.la-croix.com/Religion/A-droite-Pere-ouvrage-explorant-diversite-cathos-droite-France-2022-10-21-1201238786

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Film Vaincre ou mourir

Guerre de Vendée : le film « Vaincre ou mourir »

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Le film du Puy du Fou « Vaincre ou mourir », qui raconte l’épopée de Charette durant la guerre de Vendée (1793-1796).

« Vaincre ou Mourir », le premier film du Puy du Fou réalisé en partenariat avec Canal +, sort ce mercredi 25 janvier dans toutes les salles de cinéma en France. Ce film au souffle épique​, dixit Nicolas de Villiers, le président du Puy du Fou, évoque la vie de Charette (1763-1796), le plus romanesque des chefs vendéens. Le film a été tourné à 80 % au Puy du Fou qui a mis à disposition des réalisateurs, Paul Mignot et Vincent Mottez, ses moyens humains, animaliers et ses décors. Le film a nécessité 60 000 costumes, 230 chevaux et des milliers de figurants.

Plusieurs historiens, dont l’Angevine Anne Rolland Boulestreau, ont été consultés en amont et interviennent au tout début pour donner la mesure de la véracité de l’histoire​, précise Nicolas de Villiers. C’est une œuvre artistique, ce n’est pas un travail scientifique mais tous les faits racontés sont exacts. Les dialogues, les sentiments, l’intimité des personnages ne nous sont pas donnés par l’histoire, c’est à ce moment-là que la fiction prend le relais, prévient Nicolas de Villiers.

Le rôle de Charette est tenu par Hugo Becker. Jean-Hugues Anglade et Constance Gay, entre autres, lui donnent la réplique.

Ouest-France

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« Vaincre ou Mourir »

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Le célèbre parc avait annoncé il y a quelques mois la production d’un long-métrage sur l’officier de Marine Charette. Ce dernier s’intitule « Vaincre ou Mourir », 

Après visionnage de la bande-annonce de « Vaincre ou Mourir », le seul sentiment qui s’en dégage, c’est que l’on a hâte d’être le 25 janvier prochain pour aller le découvrir sur grand écran.

  1. Voilàtrois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré́ chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entrainant à sa suite paysans, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…

 

Musique épiques, scènes impressionnantes

« Vaincre ou Mourir » nous emmènera donc dans un contexte de guerre civile à la suite de la mort du roi Louis XVI, tout en nous immergeant dans le récit, par le point de vue du personnage de Charette. Dans une bande-annonce impressionnante, le film produit par le « Puy du Fou » annonce le ton. Image sublime, décors et costumes magnifiques et musiques épiques, le film veut, tout comme le parc, impressionner par une dimension grandiose basée sur des faits majeurs de l’histoire de France, en plus d’être rattaché à la région vendéenne chère au « Puy du Fou ». 

Le spectateur peut ainsi s’attendre à des scènes de batailles spectaculaires, mêlant infanteries et cavaleries, le tout réalisé avec soin par Vincent Mottez et Paul Mignot. Parmi les acteurs, on retrouvera Hugo Becker dans le rôle de Charette, ainsi que Rod Paradot, Gilles Cohen, Grégory Fitoussi, et bien d’autres.

Le parc avait déjà réalisé un spectacle sur la vie de Charette intitulé « Le Dernier Panache », à couper le souffle et qui avait conquis sans difficulté 12 millions de spectateurs. Espérons pour la jeune production audiovisuelle que le succès sera également au rendez-vous avec ce long-métrage. Ainsi rendez-vous le 25 janvier 2023 dans les salles de cinéma pour découvrir le 1er long-métrage du studio qui, ne sera a priori que le premier d’une longue lignée. 

Famille Chrétienne

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François Charette (1763 – 1796)

Insoumis vendéen

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Le 11 mars 1793, les paysans du Bas-Poitou, au sud de Nantes et dans le département de la Vendée, refusent la levée en masse et prennent les armes contre la République. C’est le début des guerres de Vendée. Ancien lieutenant de vaisseau, François Charette est entraîné ainsi que d’autres officiers à la tête de l’insurrection, au nom de Dieu et du Roi.

Forte tête, Charette fait néanmoins bande à part. Il mène sa propre guerre contre les armées de la Convention, les « bleus » sans guère se solidariser des autres chefs vendéens. Au bout de deux ans de succès et surtout de revers, alors que Robespierre vient d’être renversé et que les périls extérieurs s’éloignent, la Convention le convainc de conclure une trêve mais celle-ci ne durera pas. Bien qu’isolé, Charette reprend le combat en Bretagne en 1795. Cette décision signe sa perte…

Un officier au service de la cause vendéenne

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François Athanase Charette de la Contrie naît le 2 mai 1763 à Couffé, non loin de Nantes. N’étant que le cadet d’une famille noble, il n’a droit qu’à une modeste part de l’héritage familial.

Après avoir étudié à l’école des Gardes de la Marine, il devient lieutenant de vaisseau en 1787 et participe à de nombreuses batailles dans le monde entier : en Russie, en Amérique, au Maghreb…

En 1790, il prend une retraite anticipée et revient au pays pour épouser la veuve de son cousin, qui a quatorze ans de plus que lui… et une belle dot ! Le couple s’installe en Vendée, dans le manoir de Fonteclose et Charette se fait une réputation de coureur de jupons qui ne le quittera pas.

Au début de la Révolution, en 1791, il rejoint les émigrés de Coblence, en Allemagne, d’après les dires de certains historiens. Quoi qu’il en soit, l’année suivante, on le retrouve en France.

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1793 marque un tournant pour le jeune homme : le 27 mars, deux semaines après le début de l’insurrection, des paysans vendéens viennent le chercher chez lui. Ils lui demandent de devenir leur chef pour remplacer Louis-Marie de la Roche Saint-André, mort à Pornic en combattant l’armée républicaine.

Charette, loin d’être enchanté par cette offre, tente de se dérober en se cachant sous son lit ! Finalement, il accepte. Sa première démarche ? Reprendre Pornic aux républicains.

Suite à cette victoire, l’officier adopte sa célèbre devise « Combattu : souvent, battu : parfois, abattu : jamais ». Il la met en application dès le 30 avril en défendant la ville de Legé, puis en combattant vaillement à Saumur au mois de juin, soutenu par des déserteurs républicains.

Combatif mais farouchement indépendant

Après avoir folâtré pendant quelques semaines dans sa bonne ville de Legé, avec ses hommes… et quelques femmes de bonne compagnie comme la comtesse Marie Adélaïde de La Rochefoucauld, qui finira fusillée aux Sables d’Olonne, François Charette s’engage aux côtés de la « Grande Armée Catholique et Royale » de Jacques Cathelineau et du marquis de Lescure.

Mais leur tentative pour s’emparer de Nantes le 29 juin 1793 est un sévère échec. Charette et ses hommes, bloqués sur la rive gauche de la Loire, ne peuvent rien faire d’autre que canonner de loin la cité pendant que leurs alliés se font hacher menu sous les murailles.

Heureusement vient ensuite une réussite : la prise de Tiffauges le 19 septembre par Lescure et Charette.

En octobre 1793, n’obéissant pas aux consignes de ses alliés et partenaires, Charette s’empare de l’île de Noirmoutier en ne craignant pas de traverser à marée montante le gué qui sépare l’île du continent.

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Dans le même temps, l’Armée catholique et royale subit un terrible échec à Cholet. C’est le début de la fin. Les défaites se succèdent pendant que les « colonnes infernales » du général Louis-Marie Turreau ravagent la Vendée.

Suite à la chute de Robespierre et à la fin de la Terreur, la Convention demande aux  généraux Lazare Hoche et Jean-Baptiste-Camille de Canclaux de ramener la paix dans la région.

La soeur de Charette convainc celui-ci de négocier avec les nouveaux chefs républicains. Après plusieurs jours de négociations, un traité de paix est conclu au manoir de La Jaunaye, près de Nantes, le 17 février 1795.

Les Vendéens obtiennent le droit de pratiquer le culte catholique et sont dispensés de tout devoir militaire envers la République. On promet aussi de leur rendre les biens qui leur avaient été confisqués. Hoche doit veiller à l’application de ces mesures.

Dix jours plus tard, ceint de l’écharpe blanche des royalistes, Charette défile à Nantes avec quelques-uns de ses officiers ainsi qu’avec le général républicain Canclaux et le représentant en mission Ruelle. 

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Jusqu’auboutiste à Quiberon

Les paysans vendéens, qui ont retrouvé leurs églises et leurs curés, n’ont plus envie de se battre. Mais Charette, quant à lui, se prend au jeu. Peut-être ému par la mort du malheureux Louis XVII, l’enfant de Louis XVI, il noue à Belleville, le 25 juin 1795, une alliance secrète avec des représentants du comte de Provence, frère cadet de Louis XVI, futur Louis XVIII. Les Anglais lui offrent un appui intéressé.

C’est ainsi qu’une troupe de quelques centaines de royalistes armés venus d’Angleterre débarque deux jours plus tard à Carnac. Mais, alors que le général Hoche se prépare à les affronter, ses chefs se disputent sur la conduite à tenir.

Le 21 juillet, Hoche inflige aux royalistes une défaite à Quiberon. 750 prisonniers sont sommairement jugés à Auray et fusillés sur la plage malgré la promesse de leur rendre la vie sauve.

Il en faut davantage pouà.r décourager Charette. En dépit de son isolement volontaire, il se propose d’organiser un nouveau débarquement de royalistes avec à leur tête le comte d’Artois, futur Charles X.

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En octobre 1795, ce dernier atteint l’île d’Yeu mais, jugeant la situation trop dangereuse à son goût, il préfère rembarquer pour l’Angleterre. Apprenant cela, Charette dit à l’envoyé du prince : « C’est l’arrêt de ma mort que vous m’apportez. Aujourd’hui j’ai quinze mille hommes, demain je n’en aurai pas trois cents. Je n’ai plus qu’à me cacher ou à périr : je périrai. ».

Traqué dans le bocage vendéen, il tente de rejoindre Jean-Nicolas Stofflet, qui continue le combat en Anjou. Mais ce dernier est arrêté et fusillé le 25 février 1796.

Les républicains se mettent en quête du dernier fauteur de troubles : Charette. Ils l’arrêtent dans sa région natale, à Saint-Sulpice-le-Verdon, et le fusillent à Nantes quelques jours plus tard, le 29 mars 1796.

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Un monument a été érigé en sa mémoire dans le bois de la Chabotterie, à Saint-Sulpice-le-Verdon. De nombreuses rues de Vendée et de Loire-Atlantique portent aujourd’hui son nom, et un spectacle en son honneur a été créé au Puy du Fou.

Source : Hérodote.net

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 « Génocide » : un débat historique et juridique récent

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Vend%C3%A9e

 

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Définition de « génocide »

Le terme « génocide » est créé en 1944 par Raphaël Lemkin, professeur de droit américain d’origine juive polonaise, afin de tenter de définir les crimes d’extermination commis par l’Empire ottoman et le mouvement Jeune Turcs à l’encontre des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale et les massacres d’Assyriens en Irak en 1933, puis par extension aux crimes contre l’humanité perpétrés par les nazis contre les peuples juif et tzigane durant la Seconde Guerre mondiale. Il écrit : « De nouveaux concepts nécessitent de nouveaux mots. Par génocide, nous entendons la destruction d’une nation ou d’un groupe ethnique. » C’est un mot que Lemkin avait d’abord créé en polonais en 1943 : ludobójstwo (de lud, qui veut dire peuple, et zabójstwo, qui signifie meurtre). En 1944, il traduit le terme polonais en anglais par « genocide » (génocide), mot hybride composé de la racine grecque « genos », qui signifie race ou tribu, et du suffixe latin « cide » (de « caedere », qui signifie tuer).

Le terme est défini officiellement par l’assemblée générale des Nations unies dans l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948. La Charte de l’ONU et l’article 8 de la convention de Genève obligent la communauté internationale à intervenir pour « prévenir ou arrêter des actes de génocide ». Plus récemment, l’article 6 du statut de la Cour pénale internationale définit le crime de génocide, qui se distingue par l’intention d’extermination totale d’une population, d’une part, la mise en œuvre systématique (donc planifiée) de cette volonté, d’autre part. C’est souvent la contestation de l’un de ces éléments qui fait débat pour la reconnaissance officielle d’un crime en tant que génocide.

  

Le débat sur le « génocide vendéen »

Le débat autour du génocide vendéen est apparu dans la communauté universitaire dans les années 1980, en particulier avec les travaux engagés par Pierre Chaunu et Reynald Secher. Le caractère sanglant et massif de la répression de l’insurrection en Vendée n’est contesté par personne, même si les chiffres demeurent imprécis et discutés  et si les descriptions traditionnelles d’un massacre comme celui des Lucs-sur-Boulogne ont été remises en cause par la recherche historique. En tout état de cause, juridiquement, le nombre de victimes ne change pas la nature du crime, seules la nature des actes, l’intention et les moyens comptent. Les volontés délibérées d’extermination des populations vendéennes par les autorités républicaines, tout comme le caractère génocidaire des massacres commis par les agents qui exécutaient leurs ordres, font l’objet de contestations importantes. L’une des sources employées par les tenants de l’idée d’un génocide vendéen, en plus des directives et des ordres qui se trouvent aux archives du ministère de la Guerre, est un livre de Gracchus Babeuf.

  

Babeuf et le populicide

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Gracchus Babeuf, gravure de François Bonneville,
Paris, BnF, département des estampes et de la photographie, 1794.

En 1794, sous la Convention thermidorienne, Babeuf publie un livre, Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier lors de sa mission à Nantes, dont il affirme (dans le paragraphe IV) qu’elles renvoient à un système de dépopulation qu’il nomme «populicide», néologisme qui est créé pour évoquer une idée inédite. Employé sous la Révolution à la fois sous une forme nominale et adjectivale (la seule qui ait survécu à la période révolutionnaire, dans la langue française), « populicide » est utilisé pour désigner ce qui cause la mort ou la ruine du peuple. Le mot est formé de la racine latine populus (le peuple) et du suffixe latin cide. Comme le mot « génocide », forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l’appréhension est inédite.

Dans son texte, le « système de dépopulation » concerne l’ensemble de la France, et non la seule population vendéenne. Dans son livre, Babeuf, reprenant les critiques des Enragés qui défendaient l’application immédiate de la constitution de l’an I, dénonce la Terreur, qu’il juge responsable des massacres commis en 1793-1794, et attaque (avec les modérés, les muscadins et les néohébertistes) les Montagnards et les Jacobins. Cette mise en accusation est appuyée sur la mise au jour, après Thermidor, des exécutions, des massacres et des destructions de la guerre civile et de la Terreur. Avec d’autres pamphlétaires, Babeuf reprend les accusations du journal La Feuille nantaise qui, dans son numéro du 5 brumaire an III, accuse l’Incorruptible d’avoir voulu « dépopuler » le pays. D’après ses assertions, les membres du comité de salut public, autour de Robespierre, visant l’établissement de la plus grande égalité possible en France (projet dont il se déclare par ailleurs solidaire), auraient planifié la mort d’un grand nombre de Français Leur analyse aurait été fondée, selon lui, sur les réflexions des philosophes politiques du xviiie siècle (comme Jean-Jacques Rousseau), qui considéraient que l’établissement de l’égalité nécessitait une population moindre que celle de la France de l’époque (en fait, pour ces philosophes, un gouvernement démocratique, fondé sur une certaine égalité des richesses, à l’exemple des cités-États de l’Antiquité, de Genève ou de Venise, réclamait non seulement un nombre de citoyens réduit, mais un territoire peu étendu). Suivant cette théorie, la guerre civile dans l’Ouest (avec la mort dans la bataille des Blancs et des Bleus) et la répression des insurrections fédéralistes et royalistes auraient été l’outil de ce programme de dépopulation de la France, dont Carrier, à Nantes, n’aurait été qu’un agent local. Les défaites des troupes républicaines face aux insurgés royalistes auraient été organisées par le comité de salut public afin d’envoyer à la mort des milliers de soldats républicains, puis il aurait mis en place un plan d’anéantissement des Vendéens, que Babeuf met en parallèle avec la répression de l’insurrection lyonnaise, attribuée au seul Collot-d’Herbois.

  

Les partisans de la thèse du génocide

 Chez les historiens

Le terme de « génocide vendéen » apparaît en 1969 dans un article de la revue du Souvenir vendéen rédigé par le médecin-général Adrien Carré, qui fait un parallèle assumé avec les crimes nazis de la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci introduit pour la première fois dans l’historiographie vendéenne les termes de « crimes de guerre », de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ».

À partir de 1983-1984, l’historien Pierre Chaunu fait sortir la formule de « génocide vendéen » de la confidentialité et provoque les premiers débats entre historiens.

En 1986, Reynald Secher fait paraître La Vendée-Vengé, Le génocide franco-français, tirée de sa thèse de doctorat soutenue à Paris IV-Sorbonne, le 21 septembre 1985 et dont le jury était constitué de Jean Meyer, Pierre Chaunu, André Corvisier, Louis Bernard Mer, Yves Durand, Jean Tulard et Jean-Pierre Bardet. La thèse du génocide vendéen devient alors largement médiatisée dans le contexte des préparatifs du bicentenaire de la Révolution française. La polémique bat son plein entre 1986 et 1989, où partisans et opposants de la thèse du génocide s’opposent dans les médias et rallient à leur cause journalistes, parlementaires, généraux, politologues, juristes ou romanciers. Les thèses de Secher reçurent un certain écho. Il fut reçu dans Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot et le Figaro Magazine et le Canard enchaîné reprirent ses analyses. Pour Jean-Clément Martin, les travaux de Secher et de Chaunu arrivent au bout d’un processus de banalisation des comparaisons entre les crimes de la Révolution et ceux du régime nazie. La lecture de la guerre de Vendée à l’aune de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des totalitarismes n’est donc pas neuve. Elle rencontre donc un certain échos dans une France se préparant à célébrer le Bicentenaire et dont les travaux de François Furet analysent déjà la Terreur comme un processus totalitaire.

D’autres historiens ont employé le terme de « génocide » pour qualifier les massacres commis pendant la guerre civile dans le camp républicain. On peut citer Jean Tulard, Emmanuel Le Roy Ladurie. Stéphane Courtois, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de l’histoire du communisme explique quant à lui que Lénine a comparé « les Cosaques à la Vendée pendant la Révolution française et les a soumis avec plaisir à un programme que Gracchus Babeuf, l' »inventeur » du Communisme moderne, a qualifié en 1795 de « populicide » ».

 

 Autres disciplines: droit, philosophie et média

Les travaux de Reynald Secher ont également connu un certain retentissement hors du monde universitaire et ont été repris dans les médias. Le 28 janvier 2000, en conclusion du Stockholm International Forum of the Holocaust, Michael Naumann, délégué du Gouvernement fédéral allemand à la culture et aux médias de 1998 à 2000 et ancien rédacteur en chef de Die Zeit, affirme : « Le terme français « populicide » a été parfois employé avant que le terme de « génocide » ait été inventé. Il a été inventé par Gracchus Babeuf en 1795 et décrivait l’extermination de 117 000 fermiers de Vendée. Ce secteur fertile dans l’ouest de la France est en effet demeuré pratiquement inhabité pendant 25 années ».

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Jean-Lambert Tallien, gravure de François Bonneville, fin du xviiie siècle.

De même, l’écrivain Michel Ragon, dans 1793 l’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté (1992), dont l’argumentaire reprend largement les éléments mis en avant par Secher, s’est efforcé de démontrer la réalité de la programmation des massacres et d’intentions officielles d’extermination d’un peuple. Dans son livre, il s’attache à l’ensemble de la répression de l’insurrection vendéenne, dont les acteurs principaux, côté républicain, sont le général Turreau, organisateur des « colonnes infernales », d’une part, les envoyés en mission Carrier à Nantes, Hentz et Francastel à Angers, villes où sont entassés des milliers de prisonniers vendéens, d’autre part. D’autres régions de France ont vu le développement d’insurrections (royalistes ou fédéralistes) contre la Convention en 1793. Selon les cas, les envoyés en mission avaient une attitude conciliante (comme en Normandie) ou menaient une répression ponctuelle, d’autres avaient une attitude plus répressive. Certains se sont livrés à de vraies exactions, comme Barras et Fréron à Toulon, Collot d’Herbois et Fouché à Lyon ou Tallien à Bordeaux. Dans le cas de la guerre de Vendée, Michel Ragon tente de prouver que les exactions commises par les envoyés en mission correspondaient aux exigences du comité de salut public, et même de la Convention.

Pour ce faire, il puise dans les documents d’époque des passages tirés des discours, proclamations, lettres ou rapports laissés par plusieurs personnalités révolutionnaires, qu’il interprète comme l’aveu de volontés génocidaires. Ainsi une proclamation de Francastel affichée à Angers, le 24 décembre 1793, déclarant : « La Vendée sera dépeuplée, mais la République sera vengée et tranquille… Mes frères, que la Terreur ne cesse d’être à l’ordre du jour et tout ira bien. Salut et fraternité ». De même, une lettre de Carrier, du 12 décembre 1793, adressée au général Haxo qui lui a demandé des vivres pour la Vendée républicaine, dont il souligne les formules qui semblent justifier sa thèse : « Il est bien étonnant que la Vendée ose réclamer des subsides, après avoir déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante et la plus cruelle. Il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention nationale, d’enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout en un mot dans ce maudit pays, de livrer aux flammes tous les bâtiments, d’en exterminer tous les habitants… Oppose-toi de toutes tes forces à ce que la Vendée prenne ou garde un seul grain… En un mot, ne laisse rien à ce pays de proscription. »

En 2017, Jacques Villemain, diplomate et juriste ayant notamment travaillé pour la Cour internationale de justice à La Haye, publie un livre dans lequel il estime que si les massacres de la guerre de Vendée avaient lieu « aujourd’hui », le droit pénal international les qualifierait de « génocide ». Cependant, l’ouvrage est critiqué par Jean-Clément Martin, qui considère que la démarche de Villemain s’appuie sur une lecture biaisée des sources où la méthode historique est absente. Par exemple concernant la loi du 1er aout, Martin note que Villemain ne prend jamais en compte le contexte de sa promulgation. Il écrit : « Il ne suffit pas non plus de relever que la loi du 1er août a été prise dans la précipitation et dans l’emphase avec l’invocation de la nécessité de « détruire la Vendée » proclamée à plusieurs reprises par Barère, si l’analyse néglige la fonction que ce discours et ce texte jouent dans la lutte à mort engagée entre les factions révolutionnaires, Montagnards contre sans-culottes, mais aussi Montagnards au pouvoir et anciens girondins et anciens dantonistes qui peuplent les bancs de l’Assemblée, les instances administratives départementales et pour une partie les hauts grades militaires ». Surtout, Martin considère que le point de vue du juriste n’est en rien supérieur à celui de l’historien et que les outils juridiques mobilisés par Villemain, comme la notion de génocide ou celle de crimes contre l’humanité, ne permettent pas de mieux comprendre les crimes et les massacres qui ont lieu en Vendée.

 

Politisation du débat

 Le 21 février 2007, neuf députés français de droite, se fondant explicitement sur les travaux de Reynald Secher et de Michel Ragon, ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale visant à la « reconnaissance du génocide vendéen ». La proposition de loi est signée par Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Hervé de Charette (UMP, Maine-et-Loire), Véronique Besse (MPF, Vendée), Louis Guédon (UMP, Vendée), Joël Sarlot (UMP, Vendée), Hélène Tanguy (UMP, Finistère), Bernard Carayon, (UMP, Tarn), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jérôme Rivière (UMP, Alpes-Maritimes). En 1987, Jean-Marie Le Pen avait déjà déposé un amendement visant à reconnaître un crime contre l’humanité dans les massacres de Vendéens.

Le 6 mars 2012 est déposée une proposition de loi similaire (« visant à reconnaître officiellement le génocide vendéen de 1793-1794 »), à nouveau par neuf députés de droite ; Lionel Luca (UMP, Alpes-Maritimes), Dominique Souchet (MPF, Vendée), Véronique Besse (MPF, Vendée), Bernard Carayon (UMP, Tarn), Hervé de Charette (NC, Maine-et-Loire), Nicolas Dhuicq (UMP, Aube), Marc Le Fur (UMP, Côtes-d’Armor), Jacques Remiller (UMP, Isère) et Jean Ueberschlag (UMP, Haut-Rhin).

Par ailleurs, le 23 février 2012, une proposition de loi « tendant à abroger les décrets du 1er août et du 1er octobre 1793 » a été déposée par 52 sénateurs de droite et du centre. Le 16 janvier 2013, Lionnel Luca dépose un texte, cosigné par Véronique Besse (MPF, Vendée), Dominique Tian (UMP, Bouches-du-Rhône), Alain Lebœuf (UMP, Vendée), Alain Marleix (UMP, Cantal), Yannick Moreau (UMP, Vendée), Philippe Vitel (UMP, Var) et Marion Maréchal-Le Pen (FN, Vaucluse). Il consiste en un article unique : « La République française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794 ». C’est la première fois qu’une proposition de loi est cosignée par des députés UMP et FN sous la XIVe législature. Cette proposition soulève des réactions surtout à gauche, comme celle du Secrétaire national du Parti de gauche Alexis Corbière, qui voit dans cette proposition de loi « un acte grossier de manipulation historique ». Pour lui, « ce vocabulaire inadapté est une vieille ruse idéologique de l’extrême droite pour calomnier la Révolution française et banaliser les génocides bien réels du xxe siècle ».

En février 2018, Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, députées d’extrême droite, déposent une proposition de loi visant à la reconnaissance officielle comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide les exactions commises en Vendée entre 1793 et 1794.

 

Les adversaires de la thèse du génocide

 Dans le monde universitaire

À l’opposé, la thèse du « génocide vendéen » a été rejetée par la plus grande partie du monde universitaire, qui la considère comme la manifestation d’un passé qui ne passe pas.

En 1985, François Lebrun récuse la thèse du « génocide vendéen », alors défendue par Pierre Chaunu.

Par la suite, la thèse de Reynald Secher est critiquée par l’Australien Peter McPhee, professeur à l’université de Melbourne, spécialiste de l’histoire de la France contemporaine, qui revient sur l’influence de Chaunu dans l’affirmation d’un lien entre la Révolution française et le totalitarisme communiste, relève les faiblesses de l’analyse de Secher sur le nombre de victimes ou le regard des révolutionnaires sur l’insurrection vendéenne, remet en cause la « description des structures économiques, religieuses et sociales » de la Vendée prérévolutionnaire et des causes de l’insurrection par Secher, note le peu d’importance donné aux massacres de républicains par leurs voisins insurgés dans son livre ; en outre, il soutient que Reynald Secher, dans ses travaux suivants, n’a tenu aucun compte des travaux universitaires postérieurs nuançant ou contredisant ses analyses. Il note, en conclusion de son article sur la traduction de La Vendée-Vengé, le génocide franco-français :

« L’insurrection reste l’élément central dans l’identité collective de la population de l’ouest de la France, mais il est douteux qu’elle — ou la profession historique — ait été bien servie par la méthodologie grossière et la polémique peu convaincante de Secher. »

De même, parmi ceux qui ont refusé d’adhérer à la thèse du génocide, on compte le Gallois Julian Jackson, professeur d’histoire moderne à l’université de Londres, l’Américain Timothy Tackett, professeur à l’université de Californie, l’Irlandais Hugh Gough, professeur à l’université de Dublin, les Français François Lebrun, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Haute-Bretagne-Rennes-II, Claude Langlois, directeur d’études de l’École pratique des hautes études, directeur de l’Institut européen en sciences des religions et membre de l’Institut d’Histoire de la Révolution française, Paul Tallonneau, Claude Petitfrère, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Tours ou Jean-Clément Martin, professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne.

Entre autres arguments, Jean-Clément Martin note que, dans son ouvrage, Reynald Secher, qui pratique « une écriture d’autorité, condamnant l’histoire qui ne se soucie pas de vérité absolue », ne commente ni ne discute le mot « génocide ». Or, pour lui, la question se pose « de savoir quelle est la nature de la répression mise en œuvre par les révolutionnaires ». Il explique, à la suite de Franck Chalk et de M. Prince que « sans l’intention idéologique appliquée à un groupe bien délimité, la notion de génocide n’a pas de sens. Or il n’est possible ni de trouver une identité « vendéenne » préexistante à la guerre, ni d’affirmer que c’est contre une entité particulière (religieuse, sociale… raciale) que la Révolution s’est acharnée ».

Il reprend la question du décret du 1er août 1793 prévoyant la « destruction de la Vendée », et le rapport de Barère qui affirme : « Détruisez la Vendée et Valenciennes ne sera plus au pouvoir des Autrichiens. Détruisez la Vendée et le Rhin sera délivré des Prussiens (…). La Vendée et encore la Vendée, voilà le chancre qui dévore le cœur de la République. C’est là qu’il faut frapper ». Il rappelle que l’un et l’autre excluent les femmes, les enfants et les vieillards (auxquels le décret du 1er octobre 1793 ajoute les hommes sans armes), qui doivent être protégés. De même, il note que « les révolutionnaires n’ont pas cherché à identifier un peuple pour le détruire », regardant simplement la Vendée comme « le symbole de toutes les oppositions à la Révolution », et conclut que « les atrocités commises par les troupes révolutionnaires en Vendée relèvent de ce qu’on appellerait aujourd’hui des crimes de guerre ».

Jean-Clément Martin indique qu’aucune loi n’a été prise dans le but d’exterminer une population désignée comme « vendéenne ». Il rappelle que l’utilisation du terme « brigands » de la Vendée utilisé dans les décrets provenait déjà de la monarchie et précise que « La population de la Vendée (département ou région imprécise) n’est pas vouée à la destruction en tant que telle par la Convention ».

Patrice Gueniffey, dans son ouvrage La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire 1789-1794, paru en 2000 aux éditions Gallimard, qualifie les exactions commises à l’encontre des vendéens de crime contre l’humanité : « Les souffrances infligées à la population vendéenne après la fin des combats et sans aucune relation avec les nécessités militaires constituent un crime sans équivalent dans l’histoire de la Révolution française, crime que l’on peut qualifier, aujourd’hui, de crime contre l’humanité et que la tradition républicaine, peu soucieuse de revendiquer cet épisode sans gloire de son moment inaugural, a longtemps occulté ou nié ».

Pour Martin, le discours de Barère et le décret « participent de la vision qui fait de la Contre-Révolution un bloc unique, une hydre menaçante, légitimant la pensée d’une « juste violence » et installant la guerre de Vendée dans des conditions particulièrement absurdes. Les administrateurs locaux ne cessent pas de se plaindre de l’absence de délimitation de la région-Vendée, de l’imprécision du terme « brigands » pour désigner les êtres voués à la destruction (puisque sont exclus les femmes, les enfants, les vieillards, les « hommes sans armes »). Dans le Maine-et-Loire, Henri Menuau n’arrive pas à faire préciser ce qui doit être détruit en « Vendée » ». Les soulèvements contre la conscription ne sont pas propres à la Vendée. En 1793, des soulèvements se produisirent également à Clermont-Ferrand, Bordeaux, Grenoble, Tournais, Angoulême ou Dunkerque. La Convention nationale était persuadée que la révolte en Vendée était un complot, venant notamment d’Angleterre contre la République. En effet, à la suite de la défaite de la Bataille de Pont-Charrault, le général Louis Henri François de Marcé qui commandait les troupes républicaines est condamné à mort, car il est considéré comme un traître à la patrie. Non seulement la Convention n’avalise pas les agissements des militaires et des représentants, qui s’opposent à ses décrets, mais, dans la région même, « la mobilisation de révolutionnaires locaux réussit à arrêter les violences injustifiées d’Angers ou du sud de la Vendée. Dans l’armée, des officiers refusent de suivre la politique de dévastation de leurs collègues, réussissant parfois à en traduire certains devant des tribunaux et à les faire exécuter ». Suivant son analyse, les atrocités commises pendant la guerre de Vendée s’expliquent, côté républicain, par la médiocrité de l’encadrement des soldats, qui sont « laissés à leur propre peur ». De l’autre côté, « les insurgés ont repris les habitudes anciennes des révoltes rurales, chassant et mettant à mort les représentants de l’État, pillant les bourgs, avant que leurs chefs ne réussissent à les détourner, pendant un temps, de ces pratiques qui ont un aspect de revanche et une dimension messianique ».

À ses yeux, ce n’est pas la violence d’un État fort qui s’abat sur sa population ; l’État est trop faible pour contrôler et empêcher la spirale de violence qui se déchaîne entre insurgés et patriotes, et ce jusqu’au printemps 1794.

Patrice Gueniffey, dans l’ouvrage cité ci-dessus, La politique de la Terreur, fait toutefois la remarque suivante : « Mais la Convention ne doit pas être absoute pour autant : le Comité de salut public semble avoir donné en octobre une plus grande extension au décret du 1er août, et au début 1794 il approuvera l’extermination ».

Dans son Gracchus Babeuf avec les Égaux, Jean-Marc Schiappa critique également la thèse du génocide présentée par Reynald Secher lors de la réédition du livre de Babeuf Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier : « Cette brochure a été récemment rééditée sous le titre La guerre de la Vendée et le système de dépopulation, Paris, 1987 ; si le texte de Babeuf est correctement reproduit, on ne peut que s’indigner de la présentation et des notes de R. Sécher et J.J. Brégeon ; sans parler des présupposés politiques sur le « génocide » de la Vendée, on est stupéfait par les erreurs, les contre-vérités, les à-peu-près et les contresens innombrables qui jalonnent ces pages ».

Professeur émérite à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, Michel Vovelle s’est également positionné contre la thèse du génocide. Dans le texte « L’historiographie de la Révolution Française à la veille du bicentenaire », paru en 1987, il écrit :

« François Furet ne se reconnaît pas, et l’a dit, dans le réveil récent, provoqué pour partie depuis deux ou trois ans par l’approche du bicentenaire, d’une historiographie ouvertement contre-révolutionnaire. À vrai dire, avait-elle jamais disparu ? Elle avait gardé ses positions fortes, de tradition depuis le xixe siècle, à l’Académie française (dans le sillage de Pierre Gaxotte) ou dans les bibliothèques des gares. Vieille chanson un peu fatiguée, elle a connu tout récemment un regain de vitalité remarquable. Petite monnaie caricaturale des réflexions de François Furet, l’image d’une révolution totalitaire, antichambre du Goulag fait florès. La Révolution assimilée à la Terreur et au bain de sang devient le mal absolu. Toute une littérature se développe sur le thème du « génocide franco-français » à partir d’appréciations souvent audacieuses du nombre des morts de la guerre de Vendée 128 000, 400 000… et pourquoi pas 600 000 ? Certains historiens, sans être spécialistes de la question, ont mis, tel Pierre Chaunu, tout le poids de leur autorité morale, qui est grande, à développer ce discours de l’anathème, disqualifiant d’entrée toute tentative pour raison garder. Telle histoire tient beaucoup de place, en fonction des soutiens dont elle dispose, dans les médias comme dans une partie de la presse. Doit-elle nous cacher les aspects plus authentiques d’un chantier des études révolutionnaires aujourd’hui en plein réveil ?. »

En 2007, Michel Vovelle précise : « Cela ne justifie pas pour autant les massacres mais permet de les qualifier, en les inscrivant plutôt dans l’héritage de la guerre cruelle « d’ancien style », telle que la dévastation du Palatinat opérée un siècle plus tôt par Turenne pour la gloire du Roi-Soleil, dont les Rhénans ont gardé le souvenir. Villages brûlés, meurtres et viols… Récusons donc le terme de « génocide » et rendons à chaque époque la responsabilité historique des horreurs qui l’endeuillent, sans pour autant les minimiser ».

En 1998, Max Gallo s’est lui aussi déclaré contre l’hypothèse d’un « génocide vendéen » dans l’article « Guerre civile oui, génocide non ! » paru dans la revue Historia.

En 2013, l’historien Alain Gérard déclare : « J’emploie les termes de guerre civile, de massacres, d’extermination. Mais j’ai toujours récusé le terme de génocide pour les guerres de Vendée ». Il critique également les différentes propositions de lois déposées à l’Assemblée nationale portant sur la « reconnaissance du génocide vendéen ». Ainsi en 2013, il qualifie le texte déposé par le député Lionnel Luca de « lamentable » et « tissé de contradictions juridiques et de contrevérités historiques ». En 2018, après une nouvelle proposition de loi déposée par les députées Emmanuelle Ménard et Marie-France Lorho, il déclare : « Il est grand temps que notre République, gauche et droite confondues, cesse de laisser à des extrémistes la juste dénonciation des horreurs commises en Vendée en début 1794 ».

En 2007, Jacques Hussenet indique que le « débat ouvert autour des massacres et génocide n’est clos ni dans un sens ni dans l’autre ». Considérant que « le concept de génocide suscite un large éventail d’interprétation », que sa définition émane de juristes, et non d’historiens, et a été formalisée après des tractations entre États, il estime que « l’honnêteté intellectuelle interdit présentement de professer des certitudes et n’autorise à exprimer que des convictions ou une opinion ». Il indique cependant que sa position est la suivante : « les notions de « massacres » et de « crimes de guerre » conviennent pour qualifier ce qui s’est passé en Vendée militaire de décembre 1793 à juillet 1794. Point n’est besoin de céder à une surenchère de victimisation en réclamant le label « génocide ». Je trouve légitime de classer parmi les génocides l’extermination des Amérindiens et des Arméniens, mais je ne mettrai jamais à égalité l’élimination froidement organisée des juifs et les raids sanglants des colonnes infernales. À supposer qu’à terme le concept de génocide se banalise, au point d’y inclure les trop nombreux massacres de l’histoire, la guerre de Vendée ne représenterait, en fin de compte, qu’un génocide parmi beaucoup d’autres. Quel en serait le bénéfice moral et historique pour ses promoteurs? Nul ou presque ».

  

Des observations et analyses postérieures

 Historien du radicalisme, Samuel Tomei analyse les attaques récentes contre « les mystifications de la mémoire républicaine », au nom d’un « devoir de mémoire envers les peuples opprimés par une République colonisatrice amnésique » et « envers les peuples corsetés par une République jacobine. » Précisant le second point, il note :

« Après l’expansion au dehors, on incrimine le colonialisme intérieur. Un second exemple qui illustre bien l’utilisation du devoir de mémoire est, surtout depuis la célébration du bicentenaire de la Révolution française, cette propension à fustiger un certain jacobinisme républicain au nom de la mémoire des minorités régionales opprimées ; certains historiens allant jusqu’à parler, comme Pierre Chaunu, un peu provocateur sans doute, du « génocide » des Vendéens par la République : « Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barère et de Carnot relatifs à la Vendée. » Et le grand historien du Temps des Réformes d’honorer à sa façon la mémoire des victimes vendéennes : « D’ailleurs, à chaque fois que je passe devant le lycée Carnot, je crache par terre ». »

Dans le même ordre d’idées, dans le compte-rendu qu’il consacre au manuel La Révolution française d’Éric Anceau, Serge Bianchi, professeur à l’université Rennes-II, relève que « la présentation des Enragés, la personnalité complexe de Robespierre, la guerre de Vendée ne sont pas caricaturées. Pas question de dérapage, de tyran ou de « génocide », ni de « proconsuls » pour les représentants en mission… ».S’attachant à la question mise au programme des concours du CAPES et de l’agrégation d’histoire en 2005-2006, telle qu’elle a été traitée dans le manuel dirigé par Patrice Gueniffey, dans l’article « À propos des révoltes et révolutions de la fin du xviiie siècle. Essai d’un bilan historiographique », Guy Lemarchand, professeur à l’université de Rouen, distingue les différentes écoles historiques qui ont analysé la Révolution française, expliquant :

« Très minoritaire apparaît maintenant le courant d’origine légitimiste, ultra conservateur, autrefois de teinture royaliste, qui s’est fixé sur son terrain de prédilection dans les années 1980 : le « génocide » de la Vendée. On en retrouve des éléments dans le chapitre rédigé par A. Gérard (Poussou 2). L’auteur n’en est évidemment plus à la vision idyllique du régime seigneurial de la province selon les Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, et il note lui aussi que les paysans de la province ont d’abord été favorables à la Révolution. Toutefois, selon lui et sans donner les preuves de l’affirmation, la Vendée aurait été non seulement une révolte de grande étendue, mais également un instrument entre les mains des Montagnards dans leur lutte contre les Girondins avant le 2 juin 1793. Ils se seraient abstenus de pousser la Convention à ordonner une répression rapide, de façon à compromettre les Girondins alors dominants, ce qui a facilité l’expansion du soulèvement. Puis, maîtres du gouvernement, ils se seraient livrés à la fureur purificatrice qui les caractérisait. Seconde idée originale, les Vendéens ne sont pas tombés dans la barbarie de leurs adversaires : ils libéraient leurs prisonniers quand les Bleus les fusillaient. Quant aux généraux et dirigeants politiques qui ont commandé les ravages des « colonnes infernales » et les noyades de Nantes, A. Gérard dégage Turreau d’une partie de ses responsabilités afin de charger le Comité de salut public et Carrier, émanation des Jacobins qui serait « l’archétype des révolutionnaires professionnels ». Il reprend ainsi sans distance critique le discours des thermidoriens à la recherche de boucs-émissaires afin de faire oublier leur propre orientation avant la chute de Robespierre, et de se débarrasser d’une partie des Montagnards devenus encombrants. »

De son côté, Guy-Marie Lenne a ouvert un nouveau champ d’études encore aujourd’hui incomplètement exploré, celui des réfugiés de la Vendée. Leur nombre (au moins plusieurs dizaines de milliers), leur orientation politique (aussi bien républicains, que neutres ou même soupçonnés de royalisme) n’a pas empêché la République (que ce soit les municipalités, les districts, les départements ou la Convention) de leur venir en aide, de les accueillir, les nourrir, parfois de leur fournir un travail. Selon lui, cette attitude est en contradiction complète avec l’hypothèse d’un génocide : on ne peut vouloir massacrer un peuple, et organiser l’évacuation et l’aide à une portion de ce même peuple. De façon plus anecdotique, mais révélatrice, on peut noter que même à l’échelon de la justice de paix, on s’attache à protéger les plus faibles : ainsi, les enfants mineurs de la famille Cathelineau du Pin-des-Mauges, qui a fourni un généralissime de l’armée vendéenne, et dont les trois autres frères sont morts dans les rangs de l’armée catholique et royale, sont protégés par un juge de paix qui nomme un conseil de famille pour administrer leurs biens, alors qu’ils seraient une cible de choix pour une persécution. De même, les juges de paix qui ont choisi le royalisme sont gardés en place.

Pour Didier Guyvarc’h, alors membre du Groupe de recherche en histoire immédiate (GRHI), l’étude du « lieu de mémoire » Vendée par Jean-Clément Martin met « en évidence les politiques de la mémoire et leurs enjeux. Si pour l’historien ce sont les Bleus qui, dès 1793, construisent l’image d’une Vendée symbole de la contre-révolution, ce sont les Blancs et leurs successeurs qui utilisent et retournent cette image aux xixe et xxe siècles pour asseoir une identité régionale. Cette identité est un outil de mobilisation sociale mais aussi un instrument politique contemporain. Le succès du spectacle du Puy-du-Fou, lancé en 1977 par Philippe de Villiers, résulte de la rencontre entre un milieu rendu réceptif par une pédagogie du souvenir de 150 ans et le souci d’un homme politique de se construire une image. L’exemple vendéen des années 1980 et du début des années 1990 illustre les défis nouveaux qui se posent à l’historien de la mémoire. Confronté à une mémoire vive et impérieuse, il est conduit à déconstruire mythe ou légende et à remettre ainsi en cause l’exploitation du passé par le présent. Dans le contexte du bicentenaire de 1789, puis de 1793, l’emploi du terme génocide est ainsi au centre d’un débat intense car il est un enjeu pour ceux qui veulent démontrer que « la révolution […] à toutes les époques et sous toutes les latitudes serait dévoreuse de libertés » ».

De même, en 2007, évoquant la mémoire persistante de la guerre de Vendée, marquée par le succès du Puy-du-Fou, Mona Ozouf et André Burguière notent : « Morceau de choix pendant longtemps dans le débat entre gauche et droite à propos de la Révolution, l’épisode vendéen ne faisait plus recette quand un essai publié à la veille du bicentenaire, qui n’apportait rien de neuf sinon l’accusation de « génocide », a rallumé la guerre entre historiens ; une guerre étrangement déphasée au moment où les célébrations se déroulaient dans un climat de consensus festif. Tout le monde aujourd’hui défend l’héritage des droits de l’homme. Personne ne regrette la royauté, mais nul ne condamnerait Louis XVI à mort. C’est cette France postmoderne respectueuse de toutes les mémoires, amoureuse de toutes les traditions, qui remonte le temps chaque été parmi les foules en costume du Puy-du-Fou ».

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Les guerres de Vendée (1793-1796)

 Les guerres de Vendée

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Symbole des heures noires de la Révolution française et aujourd’hui encore sujet aux querelles idéologiques, la guerre de Vendée est l’un des déchirements les plus tragiques de l’Histoire de France entre 1793 et 1796.

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Alors que la Révolution lutte avec ferveur contre les attaques prussiennes et autrichiennes, l’ouest de la France voit naître en 1793 une menace intérieure : l’insurrection Vendéenne. En quelques jours, la population passe d’un mécontentement latent depuis plusieurs années à des émeutes localisées. Rapidement, celles-ci dégénèrent en véritable guerre civile. Nommé « brigands », les Vendéens progressent vite avant de se heurter à la Terreur et de faire l’épreuve de sa loi. Les « brigands », devenus « contre-révolutionnaires », sont matés dans le sang. L’épisode principal de la guerre de Vendée s’étend de mars 1793 à mars 1796, toutefois, la région sera parcourue de spasmes insurrectionnels jusqu’en 1832. C’est pourquoi on utilise souvent le pluriel.

La Terreur : résumé de l’épisode sanglant de la Révolution

Menée par Robespierre et les Jacobins, la Terreur est une période sanglante de la Révolution française. Voici les origines, les causes, les conséquences, l’histoire de la Terreur qui marque les débuts de la Première République.

 

Les origines de la guerre de Vendée

L’histoire officielle a longtemps désigné la guerre de Vendée comme le foyer principal d’une contre-Révolution royaliste et catholique, dévouée au roi et aux prêtres réfractaires. En fait, les origines de cette guerre menée essentiellement par des paysans sont plus complexes et difficiles à démêler. Si les Vendéens réclament le retour de la monarchie, la volonté de rétablir l’Ancien Régime est moins la cause première de l’insurrection que la conséquence de multiples facteurs. En effet, la Vendée ne s’est pas soulevée à la chute de l’Ancien Régime, et l’exécution de Louis XVI n’a pas provoqué de troubles particuliers. Les Vendéens participent et acceptent la Révolution, mais sans grande ferveur. En revanche, le sort des paysans, très pauvres, ne s’est guère amélioré depuis 1789, et tend même à se dégrader. De surcroît, les biens ont changé de mains sans profiter au peuple. Par ailleurs, les inégalités de traitement entre monde urbain et monde rural attisent les rancœurs. En fait, cette situation n’est pas propre à la Vendée, des foyers d’insurrection existant un peu partout en France, notamment à Lyon, pour les mêmes raisons.

Mais une des particularités de la Vendée est la ferveur de la religion chrétienne, qui n’a pas vraiment accepté la Constitution Civile du Clergé et qui accueille et défend de nombreux prêtres réfractaires. La conscription de 300 000 hommes, décidée par la Convention le 24 février 1793, achève d’exaspérer les paysans : ceux-ci prennent alors les armes. Si certains de ses acteurs rejoindront la chouannerie, il ne faut pas confondre les Chouans (essentiellement bretons), agissant sous forme de guérilla, et les insurgés vendéens avançant de villes en villes en colonnes armées. Par ailleurs, le centre des événements n’est pas véritablement en Vendée : en fait, la révolte part des Mauges (sud Anjou) et s’étend à la fois à l’ouest dans le Marais breton (sud de la Loire-Atlantique), au sud dans la Vendée, et à l’est vers le Poitou.

L’insurrection vendéenne de 1793

Lorsque les hommes du gouvernement viennent chercher les soldats pour la conscription décidée par la Convention en 1793, ils sont accueillis par des émeutes paysannes, notamment à Machecoul, où la situation tourne à l’affrontement meurtrier le 10 mars 1793. A Tiffauges, Chemillé ou encore Saint-Florent-le-Vieil, les Bleus (ainsi surnommés à cause de leurs uniformes) reçoivent le même accueil.

Le modeste sacristain Jacques Cathelineau prend alors la tête d’une véritable armée paysanne qui s’empare de Cholet le 14 mars. En pleine débâcle politique, les Girondins (groupe politique alors à la tête de la Convention nationale) ne parviennent pas à réagir. Les insurgés vendéens progressent à pas de géant et ont désormais choisi leur camp en se nommant « armée catholique et royale ». Ils veulent mettre à bas une Révolution qui a destitué leurs prêtres et semble ne pas avoir tenu ses promesses. Des nobles rejoignent l’armée à l’image du comte de La Rochejaquelein ou du marquis de Bonchamps, ainsi que le royaliste Charette de La Contrie. Le 1er mai 1793, Thouars est conquis, puis Fontenay-le-Comte et enfin Saumur le 9 juin. Restés sur la rive sud de la Loire, les Vendéens la franchissent puis hésitent : doivent-ils prendre Tours pour marcher sur Paris, ou assurer leurs arrières en prenant Angers puis Nantes ?

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Carte des guerres de Vendée © Linternaute

 

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Nantes, échec de la contre-révolution

Le choix est fait de s’emparer de Nantes. Mais, après la prise d’Angers, la marche glorieuse s’arrête aux portes de la cité ligérienne (du bassin de la Loire). Charette et ses troupes se heurtent à une résistance organisée. Cathelineau est tué alors que les troupes reculent. Nantes portera malheur aux Vendéens puisqu’elle sera plus tard le siège de la répression de Carrier. Le Comité de salut public, désormais aux mains des Montagnards (groupe politique de la Révolution française opposé aux Girondins, et qui prend le pouvoir fin mai 1793), réagit vivement et monte une « armée de l’ouest » pour mettre fin à la contre-révolution. Les colonnes républicaines aux ordres de Kléber partent de Nantes et de Niort et repoussent rapidement les Vendéens. Cholet est ainsi reprise le 17 octobre 1793.

 

La Virée de Galerne

Mais La Rochejaquelein ne compte pas rendre les armes. Il fait traverser la Loire à ses troupes. Désormais, l’objectif est d’atteindre Laval, puis de remonter à Granville. Les Vendéens espèrent en effet trouver des troupes anglaises dans le port normand. C’est la virée de « Galerne », terme celtique désignant un vent du nord-ouest. La colonne hétéroclite d’hommes, femmes et enfants remporte quelques succès, et commet quelques exactions, notamment au sein des troupes stationnées à Château-Gontier. Mais ils subissent plusieurs échecs, d’abord à Granville où ils font marche arrière, et surtout au Mans, avant de terminer leur course à Savenay, près de Nantes, le 23 décembre 1793. Les Bleus répondent aux exactions des Blancs en agissant avec la même violence. Quelques combats continueront jusqu’à la mort de La Rochejaquelein en mars suivant, mais le premier épisode guerrier des guerres de Vendée est terminé.

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Les colonnes infernales

Si le temps des affrontements militaires est passé, les hostilités ne s’arrêtent pas. Les Vendéens rejoignent les Chouans ou adoptent leur méthode. Les contre-révolutionnaires chouans pratiquent en fait une forme de guérilla avant l’heure, harcelant le pouvoir grâce à des attaques ponctuelles. Souvent confondue avec la guerre de Vendée, la chouannerie est en fait née en Bretagne et dans la Mayenne. Mais surtout, la Terreur gagne les campagnes vendéennes et la ville de Nantes. Si les Vendéens se sont distingués par leurs massacres, le gouvernement de Robespierre réplique avec une violence extrême. La population soutient les insurgés, il faut donc la faire payer : telle est l’idée qui ressort de la contre-attaque du gouvernement. Ainsi, les troupes du général Turreau parcourent les terres de Vendée en pratiquant la politique de la terre brûlée, d’où l’épithète de « colonnes infernales », dont les exactions prennent la forme de viols, exécutions sommaires et tortures. Elles ont l’accord implicite de la Convention, qui a voté la « destruction de la Vendée ». Charette et Stofflet, qui affrontent ces colonnes, répondent aux exactions par le même type de pratique.

C’est la période la plus noire de cette guerre. A Nantes, un tribunal révolutionnaire est créé avec à sa tête Jean-Baptiste Carrier. Avec plusieurs milliers de prisonniers arrêtés à Savenay, le tribunal est suspendu pour faire place à des exécutions sommaires. On fusille sans procès, avant d’opter pour les noyades : des centaines de personnes sont embarquées sur des barques fermées que l’on coule. 4 800 personnes auraient ainsi rejoint le fond du fleuve.

 

 

La fin de la guerre de Vendée

La chute de Robespierre en juillet 1794 met fin à la Terreur et amorce une solution moins radicale. Le 17 février 1795, Charette signe le traité de la Jaunaye, que la Convention thermidorienne accepte au prix de la liberté de culte et de l’exemption de conscription sur le territoire Vendéen. Pourtant, quelques mois plus tard, le débarquement d’émigrés à Quiberon donne de la force à la chouannerie et de l’espoir à Charette et à Stofflet. Tentant de réorganiser une résistance vendéenne, et relançant les combats, ils sont arrêtés puis exécutés au début de l’année suivante. Des velléités insurrectionnelles resurgiront dans un avenir proche, mais elles sont vite contenues. Le 15 juillet 1796, la guerre de Vendée est considérée comme officiellement terminée par le Directoire. Pourtant, la région tentera à nouveau de se soulever, en 1800 notamment.

  

Le bilan de la guerre de Vendée

Plus grande menace royaliste intérieure qu’ait connue la Révolution, la guerre de Vendée eut des conséquences dramatiques pour les territoires qu’elle a traversés : la Vendée, mais aussi le pays de Retz et une partie de l’Anjou. Pratiquant la torture et le meurtre, les deux camps ont ravagé terres et hommes. Le paroxysme du génocide a été atteint avec les « colonnes infernales » de Turreau, qui seraient responsables de près de 160 000 morts. Le caractère systématique de ces exactions a littéralement dépeuplé une région déjà pauvre. Celle-ci mettra en effet de nombreuses années avant de retrouver un équilibre.

 

GUERRE DE VENDÉE : DATES CLÉS

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23 février 1793 : La Convention décide la conscription de 300 000 hommes

Après la défaite de Neerwinden et la perte de la Belgique, l’armée révolutionnaire semble marquer le pas. Paris reste loin des armées autrichiennes ou prussiennes, mais la France risque de perdre confiance et ne souhaite guère laisser un avantage psychologique à ses adversaires, d’autant plus qu’un débarquement anglais est toujours à craindre. Les Girondins, à la tête de la Convention, décident donc de réagir en renforçant les effectifs de l’armée : 300 000 hommes devront rejoindre les rangs à partir du mois de mars. Dans un contexte économique qui reste précaire, cette conscription massive n’est pas du goût de tous. Ainsi, plusieurs régions vont réagir vivement et des foyers insurrectionnels vont fleurir, comme à Lyon. Mais surtout, cette conscription va être l’élément déclencheur de la guerre de Vendée.

 

10 mars 1793 : Révolte de Machecoul

Depuis l’annonce de la conscription de 300 000 hommes pour aller combattre sur le front Est, la région vendéenne est en proie à une agitation grandissante. Lorsque les patriotes en charge de la conscription (habillés en bleu, d’où leur surnom) arrivent à Machecoul, la population accueille les tirages au sort avec des fourches. Le conflit tourne à l’affrontement entre paysans et patriotes. En quelques jours, ce sont plusieurs villages, tels que Chemillé, Saint-Florent-le-Vieil, ou encore Tiffauges qui se rebellent. Les premiers morts se comptent surtout chez les « Bleus », lynchés par la population. Rapidement, cette dernière s’organise.

 

14 mars 1793 : Cholet aux mains des Vendéens

Quelques jours seulement après le début de la rébellion des paysans vendéens, ceux-ci sont parvenus à s’organiser et à se trouver un chef en la personne de Jacques Cathelineau, simple colporteur et sacristain de Pin en Mauges. Avec ce chef à son image, l’armée paysanne parvient à s’emparer de Cholet. Rapidement, ils progressent vers Chalonnes-sur-Loire (au sud d’Angers) puis Thouars. La guerre de Vendée commence ainsi par une succession de victoires des « Blancs ».

 

1er mai 1793 : Thouars aux mains des vendéens

Les colonnes vendéennes ont suivi la rive sud de la Loire pour passer près d’Angers, mais elles ont aussi progressé plus au sud. Elles prennent ainsi Thouars. La domination des insurgés vendéens progressera bien plus au sud, puisque Fontenay-le-Comte est prise à la fin du mois de mai. Cependant, les limites de la progression vers l’est sont déjà atteintes : les troupes ne passeront guère la ligne Saumur – Thouars – Parthenay.

 

25 mai 1793 : Fontenay-le-Comte prise par les Vendéens

Plutôt partie des Mauges, la rébellion vendéenne gagne le sud de l’actuelle Vendée en prenant Fontenay-le-Comte, alors ville d’importance dans la région.

 

31 mai 1793 : Les Montagnards renversent les Girondins

Sous la houlette de Robespierre, les sans-culottes parisiens et les « Enragés » convergent vers la Convention pour réclamer la destitution des députés girondins. Ils sont soupçonnés de préparer le retour à la monarchie et leur incapacité à faire face aux menaces extérieures leur est reprochée. Le 2 juin 1793, suite à une nouvelle insurrection menée par Marat, 29 députés sont arrêtés et retenus prisonniers. Ceux qui tenteront de s’enfuir seront guillotinés. Cet épisode ouvre la voie aux Montagnards qui prennent le pouvoir et instaurent la Grande Terreur.

 

9 juin 1793 : Les Vendéens prennent Saumur

L’armée Vendéenne s’empare de Saumur et décide alors de traverser la Loire. Jusqu’ici, la progression des « Blancs » avait eu pour limite nord le fleuve, tandis qu’elle avait progressé au sud jusqu’à Fontenay-le-Comte. Les chefs hésitent alors : doivent-ils remonter la Loire jusqu’à Tours puis marcher sur Paris, ou doivent-ils étendre leur contrôle sur l’Ouest. Jugée plus raisonnable, la décision de marcher sur Nantes est prise. Angers tombera sans poser trop de difficultés, mais Nantes résistera fermement aux Vendéens.

 

12 juin 1793 : Cathelineau généralissime de l’armée catholique et royale

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L’armée vendéenne, qui a pris le nom « d’armée catholique et royale », nomme à sa tête Jacques Cathelineau. Le simple colporteur a désormais le titre de généralissime et gère ses troupes auprès des militaires nobles que sont La Rochejaquelein, de Charette ou d’Elbée. Ces derniers ont en effet rejoint assez rapidement une armée dont l’origine était paysanne.

 

29 juin 1793 : Nantes résiste à l’insurrection vendéenne

Après s’être emparée d’Angers, l’armée Vendéenne de Cathelineau parvient aux portes de Nantes. Mais la ville s’est préparée et attend les insurgés de pied ferme : la population a fait le choix de se défendre. Ainsi, 12 000 hommes sont prêts à résister aux 30 000 soldats des colonnes vendéennes, réparties au nord et au sud de la ville. La meilleure organisation des Nantais comble largement leur infériorité numérique et contraint les Blancs à abandonner la bataille et à se replier. Cathelineau, blessé au combat, meurt dans les jours suivants. La progression des Vendéens marque une pause et, tandis que Paris prend conscience de l’ampleur de la menace, c’est en fait le tournant de la guerre. La Convention, désormais sous les ordres de Robespierre, s’apprête à réagir vivement.

 

14 juillet 1793 : Mort de Cathelineau

Blessé lors de la bataille de Nantes, Cathelineau s’éteint à Saint-Florent-le-Vieil. L’armée paysanne a perdu son généralissime d’origine modeste, mais elle l’ignore. En effet, ce décès sera caché pendant un certain temps.

 

1er août 1793 : Le Comité de salut public crée l’armée de l’ouest

Face à la menace Vendéenne, le Comité de salut public décide de réagir en rassemblant des troupes : c’est l’armée de l’ouest. Sous les ordres de Kléber, celle-ci inclue notamment l’armée de Mayence, vaincue au mois de juillet. Cet envoi massif de troupes sera, dans un premier temps, fortement bousculé par les « Blancs » de l’armée catholique et royale, mais les « Bleus » reprendront le dessus dès leur victoire à Cholet le 17 octobre et mettront rapidement fin à l’avancée des colonnes vendéennes.

 

17 septembre 1793 : La Terreur vote la « Loi des suspects »

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Suite à l’instauration de la Terreur le 5 septembre, les Montagnards mettent en place un système visant à arrêter le maximum de contre-révolutionnaires. Cette loi leur permet de rendre les procédures judiciaires plus expéditives et d’élargir les catégories de crimes contre-révolutionnaires. Sont ainsi désignés « suspects », « ceux qui par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme et ennemis de la liberté ; ceux qui ne pourront justifier de leurs moyens d’existence et de l’acquit de leurs devoirs civiques ; ceux qui n’auront pu obtenir de certificat de civisme ; les ci-devant nobles qui n’ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, les émigrés, même s’ils sont rentrés, les prévenus de délits, même acquittés (…) ». L’application de ce texte prendra fin après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794).

 

17 octobre 1793 : Les Vendéens perdent Cholet

Sept mois après leur première victoire de taille, les Vendéens essuient une défaite de même ampleur et dans la même ville : Cholet. Au cœur du berceau de la révolte, Cholet est reprise par l’armée républicaine, supérieure en nombre. Les 30 000 Vendéens fuient la ville pour traverser la Loire (à une quarantaine de kilomètres au nord de Cholet), accompagnés de leurs femmes et enfants. Ainsi, dans la soirée et la nuit du 18 au 19 octobre, ce sont entre 60 000 et 100 000 personnes qui traversent le fleuve pour prendre la direction de la Bretagne. C’est le début de la virée de Galerne, nom celte d’un vent du nord-ouest. L’objectif des « Blancs » est de rejoindre les Chouans et d’atteindre Granville via Laval. Ils espèrent en effet un débarquement anglais dans le port Normand.

 

14 novembre 1793 : Les républicains interdisent aux Vendéens l’accès à Granville

Bien qu’ils soient en nette supériorité numérique, les Vendéens ne parviennent pas à s’emparer de Granville, qui était leur objectif premier lors du lancement de la virée de Galerne. Les Anglais ne semblent pas disposés à débarquer en France dans l’immédiat. A partir de ce jour, la virée de Galerne va tourner au cauchemar pour les Vendéens.

 

13 décembre 1793 : L’armée vendéenne décimée au Mans

Après un échec une semaine plus tôt à Angers, l’armée vendéenne se dirige vers Le Mans. Forte de sa victoire à Angers, l’armée républicaine fait converger une partie de ses troupes, bien supérieures en nombre, vers la cité mancelle. L’affrontement s’avère très violent et se conclut par une victoire républicaine. Les Blancs sont décimés : la moitié de leurs hommes seulement survivent à la bataille et s’orientent finalement vers le sud, pour retraverser la Loire. Après quelques victoires, notamment à Laval, la virée de Galerne est un cuisant échec pour l’armée catholique et royale.

 

23 décembre 1793 : La virée de Galerne prend fin à Savenay

Après la défaite au Mans, les 15 à 20 000 personnes qui restent de la virée de Galerne tentent de rentrer au pays. Pour cela, ils doivent traverser la Loire. C’est ce qu’ils commencent à faire à Savenay, à proximité de Nantes, lorsque l’armée républicaine les rattrape. Les hommes commandés par Kléber, Marceau et Westermann maîtrisent totalement la situation et ont pour mission de décimer les contre-révolutionnaires. Seulement 4 000 personnes parviennent à s’échapper, alors que près de 15 000 corps vendéens joncheront Savenay et les bois environnants. La guerre de Vendée n’est pas terminée, mais l’épisode des grands combats prend fin. L’épisode suivant sera particulièrement violent, lorsque les colonnes infernales de Turreau affronteront les troupes de Charrette et de Stofflet.

 

21 janvier 1794 : Les colonnes infernales de Turreau fondent sur la Vendée

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Après la dislocation de l’armée vendéenne à Savenay, la Convention décide de poursuivre la « pacification » de la Vendée. Le soutien apporté à la contre-révolution par la population ayant été puissant, Robespierre et son gouvernement souhaitent appliquer jusqu’au bout leur résolution du 1er août, prônant des mesures extrêmes pour détruire la rébellion : destruction des récoltes et des villages, exécution des suspects, confiscation du bétail. Turreau va mettre en œuvre avec application cette politique de la terre brûlée. Seules quelques villes d’importance doivent être épargnées, le reste peut être rasé… Pendant près de cinq mois, les colonnes infernales vont ainsi multiplier exactions et massacres.

 

17 février 1795 : Traité de la Jaunaye

Passé l’épisode des colonnes infernales de Turreau, incarnation de la Terreur Robespierriste, la Vendée a retrouvé un certain calme. La paix semble enfin aboutir grâce à l’accord de la Jaunaye. Ayant pour objectif de mettre un terme aux conflits avec Vendéens et Chouans, l’accord de paix est négocié par Charette mais refusé par Stofflet. Il restaure la liberté de culte dans les terres vendéennes, dispense les habitants de la conscription et instaure l’amnistie des rebelles. La guerre de Vendée n’est toutefois pas terminée.

 

23 juin 1795 : Débarquement de Quiberon

Alors que la Convention cherche à réduire au maximum le poids des royalistes, la contre-révolution débarque d’Angleterre au cœur de la Bretagne. En fait, si l’uniforme est anglais, il s’agit essentiellement d’émigrés, venus pour rétablir la monarchie. Les Chouans sont prêts et rejoignent rapidement les émigrés selon leur plan. Faute de débarquement en Vendée, les troupes de Charette et Stofflet ne peuvent se joindre à la partie. Mais dès que le débarquement a lieu, ils dénoncent l’un après l’autre les accords de paix qu’ils ont signés séparément. Pourtant, mal organisée et rongée par les dissensions, l’armée d’émigrés, après une brève avancée, ne fera pas illusion longtemps. Elle est repoussée et vaincue en seulement quelques jours par l’armée républicaine.

 

25 juin 1795 : Charette reprend les armes

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Suite au débarquement des émigrés, Charrette dénonce le traité de Jaunaye et décide de reprendre les armes. L’échec du débarquement ne le découragera pas, jusqu’à son arrestation et son exécution un an plus tard.

 

23 mars 1796 : Exécution de Charrette

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Charette est exécuté peu de temps après sa capture. Il avait repris les armes après le débarquement des émigrés à Quiberon. Son exécution fait suite à celle de Stofflet, et met un terme à toute résistance organisée en Vendée, malgré quelques troubles qui persisteront.

 

15 juillet 1796 : La guerre de Vendée prend fin

Après l’exécution des principaux dirigeants, Charrette et Stofflet, le Directoire annonce la fin des troubles dans l’ouest. Depuis mars 1793, la région Vendéenne était secouée par la guerre civile entre républicains et royalistes. Après un épisode intense et extrêmement violent d’un an, la guerre s’était poursuivie, entrecoupée de pauses, notamment grâce au Traité de Jaunaye. La région, saignée à blanc, mettra de nombreuses années à s’en remettre et tentera sans succès de se soulever à nouveau en 1800.

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Voir aussi 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Vend%C3%A9e

Bibliographie

 Sur la guerre de Vendée et sa mémoire

Frédéric Augris, Henri Forestier, général à 18 ans, Éditions du Choletais, 1996.

Alphonse de Beauchamp

Histoire de la guerre de la Vendée et des chouans, depuis son origine jusqu’à la pacification de 1800, Paris, Éd. Giguet et Michaud, 1806, 3 vol. : tome 1  ; tome 2 ; tome 3  — Plusieurs rééd. chez le même éditeur, dont une en 4 vol. en 1820 qui contient aussi : Histoire secrète du parti royaliste jusqu’au rétablissement des Bourbons.

« Mémoires relatifs aux différentes missions royalistes de madame la vicomtesse Turpin de Crissé, et aux opérations de l’armée de la haute Bretagne et du bas Anjou, de 1794 à 1800… », dans Mémoires secrets et inédits pour servir à l’histoire contemporaine…, t. 2, Paris, Éd. Vernarel et Tenon, 1825 , p. 225-342.

Charles Berriat-Saint-Prix, La justice révolutionnaire, août 1792 – Prairial an III, d’après des documents originaux, t. I, Michel Lévy frères, éditeurs, 1870.

Auguste Billaud,

Avec Jean d’Herbauges, 1793, la guerre au bocage vendéen, vol. 1, Cholet, édition du Chotelais, 1960, 245 p.

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Jean-Joël Brégeon et Gérard Guicheteau, Nouvelle histoire des guerres de Vendée, Paris, Perrin, 2017, 380 p.

Marie Breguet, L’Avant-guerre de Vendée. Les questions religieuses à l’Assemblée législative, Paris, Pierre Téqui éditions, 2004, 224 p.

François Chamard, Félix Deniau et François Uzureau, Histoire de la Guerre de la Vendée, 1876-1878, réédition 12 volumes, 4800 pages, J. Siraudeau, Angers, 1978.

Jean-François Chiappe, La Vendée en armes, Librairie académique Perrin, 1982-1986, 3 tomes.

Hervé Coutau-Bégarie et Charles Doré-Graslin (dir.), Histoire militaire des guerres de Vendée, Economica, 2010, 656 p.

Jacques Crétineau-JolyHistoire de la Vendée militaire, Paris, Éd. Hivert, 1840-1842, 4 vol. : tome 1  ; tome 2 ; tome 3 ; tome 4 ). — Plusieurs rééd. ; la meilleure est celle du R. P. Jean Emmanuel B. Drochon (Paris, Maison de la bonne presse, 1895-1896) ; elle est enrichie d’illustrations, d’annotations et, surtout, d’un cinquième vol. qui contient un index. Cette rééd. a été réimpr. en 1973 (Paris, Éd. Montpensier), et en 1994 (Cholet, Éd. Pays et terroirs).

Jean-Marie Crosefinte :

Le Sacré-Cœur insigne du combattant vendéen, septembre 1983, coll. « Les guerres de l’Ouest 1793-1796 ».

Le costume du combattant vendéen, juillet 1986, coll. « Les guerres de l’Ouest 1793-1796 ».

Les drapeaux vendéens, décembre 1988, coll. « Les guerres de l’Ouest 1793-1796 ».

L’armement du combattant vendéen, octobre 1989, coll. « Les guerres de l’Ouest 1793-1796 ».

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Guide historique des Guerres de Vendée, Éditions Pays et Terroirs, 2005. Un inventaire et des itinéraires de découvertes des hauts lieux de la mémoire.

Les 12 Colonnes infernales de Turreau, Éditions Pays et Terroirs. Une synthèse pour découvrir la logique des colonnes de Turreau.

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La Vendée de la Mémoire, 1800-1980, Éditions du Seuil, 1989.

La Loire-Atlantique dans la tourmente révolutionnaire, Éditions Reflets du Passé, Nantes, 1989.

Le Massacre des Lucs, Vendée 1794 (en collaboration avec Xavier Lardière), Geste Éditions, La Crèche, 1992.

La Vendée en 30 questions, Geste Éditions, La Crèche, 1996.

Jean-Clément MartinRévolution et Contre-révolution en France : les rouages de l’histoire, PU Rennes, 1996, 226 p.

La Vendée et la Révolution. Accepter la mémoire pour écrire l’histoire, Paris, Perrin, coll. Tempus, 2007 (Ce livre porte sur la mémoire de la guerre en Vendée et l’influence de cette mémoire sur l’histoire. Il revient sur le débat concernant le « génocide vendéen »)

Jean-Clément MartinLa guerre de Vendée 1793-1800Points, coll. « Points Histoire », 2014, 368 p.

Jean-Clément Martin et Julien Peltier, Infographie de la Révolution française, Passés / Composés, 2021, 128 p.

Xavier Martin, Sur les droits de l’homme et la Vendée, Dominique Martin Morin, 1995.

André Montagnon, Les guerres de Vendée 1793-1832, Librairie Académique Perrin, 1974, 416 p.

Claude Petitfrère,

Les Vendéens d’Anjou, Bibliothèque nationale de France, 1981.

La Vendée et les Vendéens, Gallimard, collection archives, 1982.

Célestin Port, La Vendée Angevine : les origines, l’insurrection (janvier 1789-31 mars 1793), Paris, Hachette, 1888, 2 tomes.

Michel Ragon1793. L’insurrection vendéenne et les malentendus de la Liberté, Albin Michel, 1992.

Anne Rolland-Boulestreau, « Résonance d’une « perversion » : tanner la peau humaine en Vendée militaire (1793-1794) », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, Rennes, Presses universitaires de Rennes, t. 120, no 1,‎ mars 2013, p. 163-182 .

Anne Rolland-Boulestreau, « Micro-histoire et terreur en province : itinéraire d’un « général incendiaire » en Vendée militaire (mars-juillet 1794) », Annales historiques de la Révolution française, no 380,‎ juin 2015, p. 25-44.

Anne Rolland-Boulestreau, Les colonnes infernales : violences et guerre civile en Vendée militaire, 1794-1795, Paris, Fayard, 2015, 335 p.

Anne Rolland-Boulestreau, Guerre et Paix en Vendée, 1794-1796, Fayard, 2019.

Raphaël Rousseleau, « L’esprit et les lieux. Généalogie et usage de clichés paysagers vendéens »Genèses, no 44, 2001/3

Gérard Saclier de La Bâtie (préf. François-Xavier de Bourbon-Parme), Vendée sancerroise, 1796, Société de Presse Berrichonne, 1971, 92 p.

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. I, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1824, 466 p. .

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. II, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1824, 515 p.

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République française, t. III, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1825, 588 p.

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. IV, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1825, 508 p.

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. V, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1827, 419 p.

Jean Julien Michel SavaryGuerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. VI, Paris, Baudoin Frères, Libraires-éditeurs, 1827, 360 p.

Reynald Secher,

La Vendée-Vengé, Le génocide franco-français, PUF, 1986.

Gracchus babeuf. La guerre de la Vendée & le système de dépopulation, Tallandier, collection « In-Texte », 1987.

La guerre de Vendée : itinéraire de la Vendée militaire, Tallandier, collection Guides Historia, 1989.

La désinformation autour des guerres de Vendée et du génocide vendéen, Atelier Fol’Fer éditions, collection L’étoile du Berger, 2009.

Vendée : du génocide au mémoricide : Mécanique d’un crime légal contre l’humanité, Préface d’Hélène Piralian, Stéphane Courtois et Gilles-William Goldnadel, éd. du Cerf, 2011.

Isabelle Soulard, Les Femmes dans la guerre de Vendée: Vendée, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, deux-Sèvres, Geste, 2006, 190 p.

Paul Tallonneau, Les Lucs et le génocide vendéen : comment on a manipulé les textes, éditions Hécate, 1993.

Thierry Trimoreau (sous la direction de) : Massacres au Mans en 1793, la Vendée et la Virée de Galerne, éditions Siloë, Laval, 2009.

Louis-Marie Turreau, Mémoires de Turreau pour servir à l’histoire de la guerre de vendée, Éditions Pays et Terroirs 2007. Justifications de l’organisateur des massacres et des colonnes infernales.

Eugène VeuillotLes Guerres de la Vendée et de la Bretagne : (1790-1832), Paris, Éd. Sagnier et Bray, 1847, VIII-500 p. — Rééd. en 1853 et en 1868 (même éditeur).

Jacques Villemain, Vendée, 1793-1794 : Crime de guerre ? Crime contre l’humanité ? Génocide ? Une étude juridique, Le Cerf, 2017.

Gérard Walter, La Guerre de Vendée, Paris, Plon, 1953.

 

Mémoires, souvenirs, correspondances

Olivier d’Argens, Mémoires d’Olivier d’Argens et correspondances des généraux Charette, Stofflet, Puisaye, d’Autichamp, Frotté, Cormatin, Botherel, de l’abbé Bernier, etc. pour servir à l’histoire de la guerre civile de 1793 à 1796, Paris, Éd. Ladvocat, coll. « Collection des mémoires des maréchaux de France et des généraux français », 1824, 554 p. — Initialement paru sous le titre : Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye… suivie du Journal d’Olivier d’Argens, et du code politique et civil qui a régi la Vendée pendant le temps de la rebellion…, Paris, Éd. F. Buisson, an vii [1798-1799], 2 vol. pag. 1-647

Dominique AubertinMémoires inédits sur la guerre de la Vendée, Paris, Éd. Ladvocat, coll. « Collection des mémoires des maréchaux de France et des généraux français », 1823. — Publiés avec les Mémoires du général Joseph Hugo (voir à ce nom). L’ensemble comprend 3 vol., les Mémoires d’Aubertin occupent les p. 3-175 du 1er tome.

Amédée de BéjarrySouvenirs vendéens, Nantes, Éd. E. Grimaud, 1884, 248 p. — Rééd. en 1981 (Janzé, Éd. Y. Salmon .

Jean-Claude-Gauthier-Louis de Benaben (publ. par Arsène Launay), Correspondance et papiers de Benaben, Paris, Éd. A. Sauton, 1886, 166 p.

Alexandre Billard de VeauxMémoires de Billard de Veaux, ancien chef vendéen, ou Biographie des personnes marquantes de la chouannerie et de la Vendée…, Paris, Éd. Lecointe et Pougin, 1832, 3 vol. : tome 1 ; tome 2  ; tome 3  — Rééd. en 1838-1840 sous le titre : Bréviaire du Vendéen, à l’usage des habitants de l’Ouest… (Paris, chez l’aut., 3 vol.).

Marquise de Bonchamps (rédigés par madame la comtesse de Genlis), Mémoires de madame la marquise de Bonchamps sur la Vendée, Paris, Éd. Baudouin frères, coll. « Collection des mémoires relatifs à la Révolution française », 1823, VI-176 p.  — Rééd. en 1890 dans le collectif intitulé : Mémoires sur la guerre de la Vendée et l’expédition de Quiberon (Paris, Éd. Firmin-Didot, coll. « Bibliothèque des mémoires relatifs à l’histoire de France pendant le xviiie siècle »), et en 1981 (Janzé, Éd. Y. Salmon .

Renée BordereauMémoires de Renée Bordereau, dite Langevin, touchant sa vie militaire dans la Vendée…, Paris, Éd. L.-G. Michaud, 1814, 64 p.— Rééd. en 1888 (Niort, Typogr. de L. Favre, II-47 p.).

Marin Boutillier de Saint-André (introd., notes, notices et pièces justificatives par M. l’abbé Eugène Bossard), Mémoires d’un père à ses enfants : une famille vendéenne pendant la grande guerre (1793-1795), Paris, Éd. Plon-Nourrit, 1896, LIV-373 p. — Rééd. en 1980 (Cholet, Éd. du Choletais), et en 1994 (Cholet, Éd. du Bocage.

Maurice-Casimir Boutillier de Saint-André (publiés et annotés par l’abbé Rousseau), Une famille mortagnaise pendant la guerre de Vendée, 1793 : mémoires inédits…, Vannes, Éd. Lafolye frères, 1909, 34 p. — Extrait de la Revue du Bas-Poitou.

Pauline de Candé publiés et annotés par Aurélien de Courson , Une jeune fille à l’Armée vendéenne, 1793 : souvenirs inédits…, Paris, Libr. des Saints-Pères, coll. « Bibliothèque de lectures historiques », [ca 1915], 236 p. — Rééd. en 2001 sous le titre : Mémoires de Pauline Gontard des Chevalleries (Ingrandes-sur-Loire, Éd. Vendée militaire, coll. « Paroisses et soldats de l’armée vendéenne »).

Joseph Clemanceau, Le Prisonnier de la Vendée, 13 mars-9 octobre 1793 : récit vécu…, Souligne-sous-Ballon, [s. n.], 1968, 184 p. — Cette relation est suivie de biographies et d’anecdotes, par Hervé de Lorgeril.

Françoise DesprèsDétails historiques sur les services de Françoise Desprès, employée dans les armées royales de la Vendée depuis 1793 jusqu’en 1815… écrits par elle-même, Paris, Éd. L.-G. Michaud, 1817, 67 p.  — Rééd. en 2006 (Cholet, Éd. Pays et terroirs, coll. « Témoins des guerres de Vendée ».

Pierre Devaud (introd. et notes par L. Augereau), Mémoires de Pierre Devaud sur les guerres de la Vendée, Nantes, Impr. de V. Forest et E. Grimaud, 1882, 71 p. .

Pierre Durand, Mémoires sur la Vendée, comprenant les mémoires inédits d’un ancien administrateur militaire des armées républicaines…, Paris, Éd. Baudouin frères, coll. « Collection des mémoires relatifs à la Révolution française », 1823, 224 p.. — L’« administrateur militaire » est Pierre Durand. Ce vol. contient aussi les Mémoires de madame de Sapinaud (voir à ce nom).

Georges Du TressayPuitesson : souvenirs de l’émigration et des guerres de la Vendée, Paris, Éd. Lecoffre fils, 1873, VI-177 p..

Maurice Duviquet (publiés par Frédéric Masson), Souvenirs de Maurice Duviquet : Vendée armée de réserve, la Westphalie sous Jérôme-Napoléon (1773-1814), Paris, Éd. P. Ollendorff, 1905, XIV-328 p. .

Simon Gruget Les Fusillades du Champ-des-Martyrs : mémoire rédigé en 1816 (publ. et annoté par Émile Queruau-Lamerie , Angers, Éd. Germain et G. Grassin, 1893, 129 p. — Extrait de la Revue de l’Anjou.

Simon-Jean Gruget (publ. par E. L., annotés par Émile Queruau-Lamerie  Mémoires et journal de l’abbé Gruget, curé de la Trinité d’Angers, Angers, Éd. Germain et G. Grassin, 1902, 214 p. . — Extrait de la Revue de l’Anjou.

Fortuné Guyon de Rochecotte (rédigés sur ses papiers par Alphonse de Beauchamp), Mémoires du comte Fortuné de Rochecotte… commandant en chef les royalistes du Maine, du Perche et du pays chartrain, en 1795-96-97 et 98, Paris, Éd. A. Eymery, 1818, VIII-260 p..

Joseph HugoMémoires du général Hugo, gouverneur de plusieurs provinces…, Paris, Éd. Ladvocat, coll. « Collection des mémoires des maréchaux de France et des généraux français », 1823, 3 vol. : tome 1  ; tome 2  ; tome 3 . — Le père de Victor Hugo consacre une partie de ses Mémoires à la guerre de Vendée. En tête du premier volume se trouvent les Mémoires du général Aubertin (voir à ce nom). — Le récit du général Hugo a été réédité (et fortement allégé) en 1934 (Paris, Éd. Excelsior, coll. « Jadis et naguère »).

Marc-Antoine Jullien (notes recueillies par Édouard Lockroy), Une mission en Vendée : 1793, Paris, Éd. P. Ollendorff, 1893, VIII-347 p. .

Jean-Baptiste Kléber (éd. par Henri Baguenier-Désormeaux , Kléber en Vendée (1793-1794), Paris, Éd. A. Picard et fils, coll. « Publications de la Société d’histoire contemporaine » (no 37), 1907, XXXVII-565 p. . — Réunit les Mémoires militaires du général Kléber pour servir à l’histoire de la guerre de la Vendée et le Livre d’ordres du général Kléber. — Rééd. des Mémoires en 1989 (Paris, Éd. Tallandier, coll. « In-texte »

Comtesse de La Bouëre  (préf. Charles-Albert Costa de Beauregard), Souvenirs de la comtesse de La Bouëre : la guerre de la Vendée, 1793-1796, Paris, Éd. Plon-Nourrit, 1890, XVI-363 p. . — Rééd. en 1934 (même éd.), et en 1994 (Cholet, Éd. du Bocage .

Marquise de La Rochejaquelein (éd. par le baron de Barante), Mémoires de madame la marquise de La Rochejaquelein, écrits par elle-même…, Bordeaux, Éd. Racle, 1814, IV-299-278 — Plusieurs rééd. « revues et corrigées », dont une en 1823 (Paris, Baudouin frère . En 1889, Julien Gaston Du Vergier, petit-fils de madame de La Rochejaquelein, a publié une éd. d’après le manuscrit autographe de l’aut. (Paris, Éd. Bourloton  ; cette éd. a été réimprimée plusieurs fois : en 1977 (Marseille, Laffitte), par exemple, ou en 1994 (Cholet, Éd. du Bocage .

Jean Hector LegrosMes rêves dans mon exil, ou Coup-d’œil politique et militaire sur la Vendée…, Blois, Impr. de J.-F. Billault, 3e année rép. [1794-1795], 88 p. .

Joseph-Marie LequinioGuerre de la Vendée et des chouans, Paris, Éd. Pougin, Petit, Debrai et Maret, an iii [1794-1795], 250 p. . — Rééd. en 1995 (Cholet, Éd. du Bocage  et en 2012 (La Roche-sur-Yon, Centre vendéen de recherches historiques et Rungis, Éd. Maxtor .

Louis-Prosper Lofficial (publié par C. Leroux-Cesbron, préf. Henri Baguenier-Désormeaux , Journal d’un conventionnel en Vendée (décembre 1794-juillet 1795), Paris, Éd. E. Flammarion, 1896, VI-207 p..

André Mercier du Rocher (éd. par Thérèse RouchetteMémoires pour servir à l’histoire de la guerre de Vendée, Loudéac, Éd. Y. Salmon, 1989, XI-408 p.

Jacques Mocquereau de La Barrie (éd. et annoté par Gustave Bord), Mes trois mois de prison dans la Vendée : mémoires d’un capitaine des volontaires de Sillé-le-Guillaume envoyé en Vendée en 1793, Nantes, Impr. de V. Forest et E. Grimaud, 1882, 55 p. . — Rééd. en 1999 dans Paroisses et soldats de l’armée vendéenne (Ingrandes-sur-Loire, Éd. D. Lambert de La Douasnerie), et en 2008 (Cholet, Éd. Pays et terroirs.

Louis Monnier (publiés et annotés par l’abbé Félix Deniau), Mémoires sur la guerre de la Vendée : 1793-1799, Angers, Éd. Germain et G. Grassin, 1896, 120 p. . — Extrait de la Revue de l’Anjou.

René Pauvert  (publiés par Aymard de Saint-Saud), Souvenirs de Pauvert, officier supérieur et commissaire général des vivres de l’armée vendéenne, sur la guerre de Vendée, Luçon, Éd. M. Bideaux, 1910, 47 p. — Rééd. en 1993 dans : Paroisses et soldats de l’armée vendéenne, t. xix (Angers, Éd. D. Lambert de la Douasnerie). Cette rééd. contient aussi : Rapport sur la Vendée, par Bertrand Barère de Vieuzac.

François Piet , Mémoires laissés à mon fils, Noirmoutier, chez l’aut., 1806, VIII-618 p. — Imprimés par l’aut. à 16 ex. Rééd. en 1982 sous le titre : Mémoires sur l’île de Noirmoutier (Marseille, Laffitte. Cette rééd. contient aussi : Recherches topographiques, statistiques et historiques sur l’île de Noirmoutier, du même aut. Autre rééd. (sous le même titre) en 1989 (Paris, Éd. J.-M. Place, coll. « Les Cahiers de Gradhiva »  — Témoin de l’insurrection vendéenne, F. Piet fut maire de Noirmoutier jusqu’en 1804.

Bertrand Poirier de Beauvais

Aperçu sur la guerre de la Vendée : extrait des mémoires manuscrits du général Beauvais, Londres, chez l’aut., 1798, 92 p.. — Doit être complété par : Post-scriptum à l’Histoire de la guerre de la Vendée…, Francfort, [s. n.], 1800, II-124 p. .

Mémoires intéressants, véridiques et impartiaux sur la guerre de la Vendée, dans lesquels sont relevées les fausses assertions de Turreau…, Niort, Impr. de L. Favre, 1886, IV-72 p. — Les Mémoires complets ont paru sous le titre :

Mémoires inédits de Bertrand Poirier de Beauvais, commandant général de l’artillerie des armées de la Vendée (publiés par la comtesse de La Bouëre , Paris, Éd. Plon-Nourrit, 1893, XVI-392 p. ( . — Rééd. en 1983 (Cholet, Éd. du Choletais), et en 1994 (Cholet, Éd. du Bocage .

Jean Rossignol ] (publ. avec une préf. par Victor Barrucand), La Vie véritable du citoyen Jean Rossignol, vainqueur de la Bastille et général en chef des armées de la République dans la guerre de Vendée : 1759-1802, Paris, Éd. Plon-Nourrit, 1896, XXIII-383 p. — Rééd. en 1933 (même éd.).

Jeanne Ambroise de Sapinaud de Boishuguet , Mémoires sur la Vendée, comprenant les Mémoires inédits d’un ancien administrateur militaire des armées républicaines et ceux de Mme de Sapinaud…, Paris, Éd. Baudouin frères, coll. « Collection des mémoires relatifs à la Révolution française », 1823 . — L’« administrateur militaire » cité dans le titre est Pierre Durand (voir à ce nom). — Rééd. en 1824 (Paris, Éd. Audin) sous le titre : Mémoires de madame de Sapinaud sur la Vendée . Cette rééd. contient en plus : Voyage fait dans la Vendée en 1820, par Jean de Sapinaud de Boishuguet.

Toussaint-Ambroise Talour de La Cartrie (trad. Pierre-Amédée Pichot, préf. Frédéric Masson), Un Vendéen sous la Terreur : mémoires inédits…, Paris, Sté des publications littéraires illustrées, 1910, 315 p.  — Le traducteur a travaillé sur la transcription anglaise du manuscrit original. — Rééd. en 1988 (Cholet, Éd. du Choletais).

Antoine Tortat (introd. signé « G. T. » [Gaston Tortat]), Extrait des Mémoires d’Antoine Tortat : 1775-1795, Saint-Denis, Impr. H. Bouillant, 1908, 31 p. — Extrait de la Correspondance historique et archéologique, 1908 à 1911. Rééd. en 1911 (Paris, Éd. H. Champion). — Témoin de l’insurrection vendéenne, Tortat fut ensuite maire de La Roche-sur-Yon.

Louis-Marie Turreau, Mémoires pour servir à l’histoire de la guerre de la Vendée, Évreux et Paris, Impr. des frères Chaumont et chez J.-B. Louvet et Desenne, 1795, 244 p. . — 2e éd. en 1815 (Paris, chez les Marchands de nouveautés) ; rééd. en 1824 (Paris, Éd. Baudouin frères, « Collection des mémoires relatifs à la Révolution française »), en 1992 sous le titre : Turreau en Vendée : mémoires et correspondance (Cholet, Éd. du Choletais, et en 2007 (Cholet, Éd. Pays et terroirs .

Jacques de VaubanMémoires pour servir à l’histoire de la guerre de la Vendée, Paris, Maison de commission en librairie, 1806, 456 p.). — Paru sous l’anonymat. Le manuscrit original de ces mémoires aurait été revu par Alphonse de Beauchamp. — Rééd. en 1890 dans le collectif intitulé : Mémoires sur la guerre de la Vendée et l’expédition de Quiberon (Paris, Éd. Firmin-Didot, coll. « Bibliothèque des mémoires relatifs à l’histoire de France pendant le xviiie siècle (no 3), et en 2013 (Nîmes, Éd. C. Lacour-Ollé, coll. « Redivida » .

Jean-Antoine Vial, Causes de la guerre de la Vendée et des chouans, et l’amnistie manquée, Angers, Impr. de Jahyer et Geslin, an iii [1794-1795], VIII-223 p.. — L’aut. a été procureur général syndic de Maine-et-Loire.

François-Joseph WestermannCampagne de la Vendée du général de brigade Westermann…, Paris, Impr. rue du Théâtre-Français, an 2e de la république française [1793-1794], 42 p. . — Rééd. en 1998 (Ingrandes-sur-Loire, Éd. D. Lambert de La Douasnerie, coll. « Paroisses et soldats de l’armée vendéenne »).

 

Sur la Révolution française en général, et la Contre-révolution

Bernard Chupin, Vendée 1794 – Rwanda 1994 : deux génocides qui se ressemblent, éditions Fol’Fer, 2014.

Louis-Marie Clénet, La Contre-révolution, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1999.

Roger Dupuy, Nouvelle histoire de la France contemporaine, t. 2 : La République jacobine : Terreur, guerre et gouvernement révolutionnaire, 1792-1794, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points. Histoire » (no 102), 2005, 366 p. .

Jacques Godechot, La Contre-révolution, doctrine et action (1789-1804), PUF, 1961

(en) Donald Greer, The Incidence of the Terror during the French Revolution : A Statistical Interpretation, Cambridge, Harvard University Press, coll. « Harvard historical monographs » (no VIII), 1935, VI-196 p. .

Jean-Clément Martin,

Contre-Révolution, Révolution et Nation en France, 1789-1799, éditions du Seuil, collection Points, 1998.

Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, éditions du Seuil, 2006.

Albert Soboul,

(dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Quadrige/PUF, 1989

La Révolution française, Gallimard, collection Tel, 1982, réédition, 1997.

Michel VovelleLa Chute de la monarchie, 1787-1792, tome 1 de la Nouvelle histoire de la France contemporaine, éditions du Seuil, collection Points, 1972.

Denis Woronoff, La République bourgeoise de Thermidor à Brumaire. 1794-1799, tome 3 de la Nouvelle Histoire de la France contemporaine.

BENOÎT XVI (pape ; 1927-2022), BENOIT XVI, DISCOURS, DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI AU COLLEGE DES BERNARDINS (12 septembre 2008), EGLISE CATHOLIQUE, FRANCE, PAPAUTE, VOYAGES PONTIFICAUX

Discours du Pape Benoît XVI au Collège des Bernardins (12 septembre 2008)

 VOYAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE À L’OCCASION DU 150e ANNIVERSAIRE DES APPARITIONS DE LOURDES (12 – 15 SEPTEMBRE 2008) AU MONDE DE LA CULTURE

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DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI Collège des Bernardins, Paris
Vendredi 12 septembre 2008

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Monsieur le Cardinal, Madame le Ministre de la Culture, Monsieur le Maire, Monsieur le Chancelier de l’Institut, Chers amis,

Merci, Monsieur le Cardinal, pour vos aimables paroles. Nous nous trouvons dans un lieu historique, lieu édifié par les fils de saint Bernard de Clairvaux et que votre grand prédécesseur, le regretté Cardinal Jean-Marie Lustiger, a voulu comme un centre de dialogue de la Sagesse chrétienne avec les courants culturels, intellectuels et artistiques de votre société. Je salue particulièrement Madame le Ministre de la Culture qui représente le gouvernement, ainsi que Monsieur Giscard d’Estaing et Monsieur Chirac. J’adresse également mes salutations aux ministres présents, aux représentants de l’UNESCO, à Monsieur le Maire de Paris et à toutes les autres autorités. Je ne veux pas oublier mes collègues de l’Institut de France qui savent ma considération et je désire remercier le Prince de Broglie de ses paroles cordiales. Nous nous reverrons demain matin. Je remercie les délégués de la communauté musulmane française d’avoir accepté de participer à cette rencontre ; je leur adresse mes vœux les meilleurs en ce temps du ramadan. Mes salutations chaleureuses vont maintenant tout naturellement vers l’ensemble du monde multiforme de la culture que vous représentez si dignement, chers invités.

J’aimerais vous parler ce soir des origines de la théologie occidentale et des racines de la culture européenne. J’ai mentionné en ouverture que le lieu où nous nous trouvons était emblématique. Il est lié à la culture monastique. De jeunes moines ont ici vécu pour s’initier profondément à leur vocation et pour bien vivre leur mission. Ce lieu, évoque-t-il pour nous encore quelque chose ou n’y rencontrons-nous qu’un monde désormais révolu ? Pour pouvoir répondre, nous devons réfléchir un instant sur la nature même du monachisme occidental. De quoi s’agissait-il alors ? En considérant les fruits historiques du monachisme, nous pouvons dire qu’au cours de la grande fracture culturelle, provoquée par la migration des peuples et par la formation des nouveaux ordres étatiques, les monastères furent des espaces où survécurent les trésors de l’antique culture et où, en puisant à ces derniers, se forma petit à petit une culture nouvelle. Comment cela s’est-il passé ? Quelle était la motivation des personnes qui se réunissaient en ces lieux ? Quels étaient leurs désirs ? Comment ont-elles vécu ?

Avant toute chose, il faut reconnaître avec beaucoup de réalisme que leur volonté n’était pas de créer une culture nouvelle ni de conserver une culture du passé. Leur motivation était beaucoup plus simple. Leur objectif était de chercher Dieu, quaerere Deum. Au milieu de la confusion de ces temps où rien ne semblait résister, les moines désiraient la chose la plus importante : s’appliquer à trouver ce qui a de la valeur et demeure toujours, trouver la Vie elle-même. Ils étaient à la recherche de Dieu. Des choses secondaires, ils voulaient passer aux réalités essentielles, à ce qui, seul, est vraiment important et sûr. On dit que leur être était tendu vers l’« eschatologie ». Mais cela ne doit pas être compris au sens chronologique du terme – comme s’ils vivaient les yeux tournés vers la fin du monde ou vers leur propre mort – mais au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif. Quaerere Deum : comme ils étaient chrétiens, il ne s’agissait pas d’une aventure dans un désert sans chemin, d’une recherche dans l’obscurité absolue. Dieu lui-même a placé des bornes milliaires, mieux, il a aplani la voie, et leur tâche consistait à la trouver et à la suivre. Cette voie était sa Parole qui, dans les livres des Saintes Écritures, était offerte aux hommes. La recherche de Dieu requiert donc, intrinsèquement, une culture de la parole, ou, comme le disait Dom Jean Leclercq : eschatologie et grammaire sont dans le monachisme occidental indissociables l’une de l’autre (cf. L’amour des lettres et le désir de Dieu, p.14). Le désir de Dieu comprend l’amour des lettres, l’amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions. Puisque dans la parole biblique Dieu est en chemin vers nous et nous vers Lui, ils devaient apprendre à pénétrer le secret de la langue, à la comprendre dans sa structure et dans ses usages. Ainsi, en raison même de la recherche de Dieu, les sciences profanes, qui nous indiquent les chemins vers la langue, devenaient importantes. La bibliothèque faisait, à ce titre, partie intégrante du monastère tout comme l’école. Ces deux lieux ouvraient concrètement un chemin vers la parole. Saint Benoît appelle le monastère une dominici servitii schola, une école du service du Seigneur. L’école et la bibliothèque assuraient la formation de la raison et l’eruditio, sur la base de laquelle l’homme apprend à percevoir au milieu des paroles, la Parole.

Pour avoir une vision d’ensemble de cette culture de la parole liée à la recherche de Dieu, nous devons faire un pas supplémentaire. La Parole qui ouvre le chemin de la recherche de Dieu et qui est elle-même ce chemin, est une Parole qui donne naissance à une communauté. Elle remue certes jusqu’au fond d’elle-même chaque personne en particulier (cf. Ac 2, 37). Grégoire le Grand décrit cela comme une douleur forte et inattendue qui secoue notre âme somnolente et nous réveille pour nous rendre attentifs à la réalité essentielle, à Dieu (cf. Leclercq, ibid., p. 35). Mais elle nous rend aussi attentifs les uns aux autres. La Parole ne conduit pas uniquement sur la voie d’une mystique individuelle, mais elle nous introduit dans la communauté de tous ceux qui cheminent dans la foi. C’est pourquoi il faut non seulement réfléchir sur la Parole, mais également la lire de façon juste. Tout comme à l’école rabbinique, chez les moines, la lecture accomplie par l’un d’eux est également un acte corporel. « Le plus souvent, quand legere et lectio sont employés sans spécification, ils désignent une activité qui, comme le chant et l’écriture, occupe tout le corps et tout l’esprit », dit à ce propos Dom Leclercq (ibid., p. 21).

Il y a encore un autre pas à faire. La Parole de Dieu elle-même nous introduit dans un dialogue avec Lui. Le Dieu qui parle dans la Bible nous enseigne comment nous pouvons Lui parler. En particulier, dans le Livre des Psaumes, il nous donne les mots avec lesquelles nous pouvons nous adresser à Lui. Dans ce dialogue, nous Lui présentons notre vie, avec ses hauts et ses bas, et nous la transformons en un mouvement vers Lui. Les Psaumes contiennent en plusieurs endroits des instructions sur la façon dont ils doivent être chantés et accompagnés par des instruments musicaux. Pour prier sur la base de la Parole de Dieu, la seule labialisation ne suffit pas, la musique est nécessaire. Deux chants de la liturgie chrétienne dérivent de textes bibliques qui les placent sur les lèvres des Anges : le Gloria qui est chanté une première fois par les Anges à la naissance de Jésus, et le Sanctus qui, selon Isaïe 6, est l’acclamation des Séraphins qui se tiennent dans la proximité immédiate de Dieu. Sous ce jour, la Liturgie chrétienne est une invitation à chanter avec les anges et à donner à la parole sa plus haute fonction. À ce sujet, écoutons encore une fois Jean Leclercq : « Les moines devaient trouver des accents qui traduisent le consentement de l’homme racheté aux mystères qu’il célèbre : les quelques chapiteaux de Cluny qui nous aient été conservés montrent les symboles christologiques des divers tons du chant » (cf. ibid.,  p. 229).

Pour saint Benoît, la règle déterminante de la prière et du chant des moines est la parole du Psaume : Coram angelis psallam Tibi, Domine – en présence des anges, je veux te chanter, Seigneur (cf. 138, 1). Se trouve ici exprimée la conscience de chanter, dans la prière communautaire, en présence de toute la cour céleste, et donc d’être soumis à la mesure suprême : prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes qui étaient considérés comme les auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. À partir de là, on peut comprendre la sévérité d’une méditation de saint Bernard de Clairvaux qui utilise une expression de la tradition platonicienne, transmise par saint Augustin, pour juger le mauvais chant des moines qui, à ses yeux, n’était en rien un incident secondaire. Il qualifie la cacophonie d’un chant mal exécuté comme une chute dans la regio dissimilitudinis, dans la ‘région de la dissimilitude’. Saint Augustin avait tiré cette expression de la philosophie platonicienne pour caractériser l’état de son âme avant sa conversion (cf. Confessions, VII, 10.16) : l’homme qui est créé à l’image de Dieu tombe, en conséquence de son abandon de Dieu, dans la ‘région de la dissimilitude’, dans un éloignement de Dieu où il ne Le reflète plus et où il devient ainsi non seulement dissemblable à Dieu, mais aussi à sa véritable nature d’homme. Saint Bernard se montre ici évidemment sévère en recourant à cette expression, qui indique la chute de l’homme loin de lui-même, pour qualifier les chants mal exécutés par les moines, mais il montre à quel point il prend la chose au sérieux. Il indique ici que la culture du chant est une culture de l’être et que les moines, par leurs prières et leurs chants, doivent correspondre à la grandeur de la Parole qui leur est confiée, à son impératif de réelle beauté. De cette exigence capitale de parler avec Dieu et de Le chanter avec les mots qu’Il a Lui-même donnés, est née la grande musique occidentale. Ce n’était pas là l’œuvre d’une « créativité » personnelle où l’individu, prenant comme critère essentiel la représentation de son propre moi, s’érige un monument à lui-même. Il s’agissait plutôt de reconnaître attentivement avec les « oreilles du cœur » les lois constitutives de l’harmonie musicale de la création, les formes essentielles de la musique émise par le Créateur dans le monde et en l’homme, et d’inventer une musique digne de Dieu qui soit, en même temps, authentiquement digne de l’homme et qui proclame hautement cette dignité.

Enfin, pour s’efforcer de saisir cette culture monastique occidentale de la parole, qui s’est développée à partir de la quête intérieure de Dieu, il faut au moins faire une brève allusion à la particularité du Livre ou des Livres par lesquels cette Parole est parvenue jusqu’aux moines. Vue sous un aspect purement historique ou littéraire, la Bible n’est pas simplement un livre, mais un recueil de textes littéraires dont la rédaction s’étend sur plus d’un millénaire et dont les différents livres ne sont pas facilement repérables comme constituant un corpus unifié. Au contraire, des tensions visibles existent entre eux. C’est déjà le cas dans la Bible d’Israël, que nous, chrétiens, appelons l’Ancien Testament. Ça l’est plus encore quand nous, chrétiens, lions le Nouveau Testament et ses écrits à la Bible d’Israël en l’interprétant comme chemin vers le Christ. Avec raison, dans le Nouveau Testament, la Bible n’est pas de façon habituelle appelée « l’Écriture » mais « les Écritures » qui, cependant, seront ensuite considérées dans leur ensemble comme l’unique Parole de Dieu qui nous est adressée. Ce pluriel souligne déjà clairement que la Parole de Dieu nous parvient seulement à travers la parole humaine, à travers des paroles humaines, c’est-à-dire que Dieu nous parle seulement dans l’humanité des hommes, à travers leurs paroles et leur histoire. Cela signifie, ensuite, que l’aspect divin de la Parole et des paroles n’est pas immédiatement perceptible. Pour le dire de façon moderne : l’unité des livres bibliques et le caractère divin de leurs paroles ne sont pas saisissables d’un point de vue purement historique. L’élément historique se présente dans le multiple et l’humain. Ce qui explique la formulation d’un distique médiéval qui, à première vue, apparaît déconcertant : Littera gesta docet – quid credas allegoria…(cf. Augustin de Dacie, Rotulus pugillaris, I). La lettre enseigne les faits ; l’allégorie ce qu’il faut croire, c’est-à-dire l’interprétation christologique et pneumatique.

Nous pouvons exprimer tout cela d’une manière plus simple : l’Écriture a besoin de l’interprétation, et elle a besoin de la communauté où elle s’est formée et où elle est vécue. En elle seulement, elle a son unité et, en elle, se révèle le sens qui unifie le tout. Dit sous une autre forme : il existe des dimensions du sens de la Parole et des paroles qui se découvrent uniquement dans la communion vécue de cette Parole qui crée l’histoire. À travers la perception croissante de la pluralité de ses sens, la Parole n’est pas dévalorisée, mais elle apparaît, au contraire, dans toute sa grandeur et sa dignité. C’est pourquoi le « Catéchisme de l’Église catholique » peut affirmer avec raison que le christianisme n’est pas au sens classique seulement une religion du livre (cf. n. 108). Le christianisme perçoit dans les paroles la Parole, le Logos lui-même, qui déploie son mystère à travers cette multiplicité et la réalité d’une histoire humaine. Cette structure particulière de la Bible est un défi toujours nouveau posé à chaque génération. Selon sa nature, elle exclut tout ce qu’on appelle aujourd’hui « fondamentalisme ». La Parole de Dieu, en effet, n’est jamais simplement présente dans la seule littéralité du texte. Pour l’atteindre, il faut un dépassement et un processus de compréhension qui se laisse guider par le mouvement intérieur de l’ensemble des textes et, à partir de là, doit devenir également un processus vital. Ce n’est que dans l’unité dynamique de leur ensemble que les nombreux livres ne forment qu’un Livre. La Parole de Dieu et Son action dans le monde se révèlent seulement dans la parole et dans l’histoire humaines.

Le caractère crucial de ce thème est éclairé par les écrits de saint Paul. Il a exprimé de manière radicale ce que signifie le dépassement de la lettre et sa compréhension holistique, dans la phrase : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6). Et encore : « Là où est l’Esprit…, là est la liberté » (2 Co 3, 17). Toutefois, la grandeur et l’ampleur de cette perception de la Parole biblique ne peut se comprendre que si l’on écoute saint Paul jusqu’au bout, en apprenant que cet Esprit libérateur a un nom et que, de ce fait, la liberté a une mesure intérieure : « Le Seigneur, c’est l’Esprit, et là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2 Co 3, 17). L’Esprit qui rend libre ne se laisse pas réduire à l’idée ou à la vision personnelle de celui qui interprète. L’Esprit est Christ, et le Christ est le Seigneur qui nous montre le chemin. Avec cette parole sur l’Esprit et sur la liberté, un vaste horizon s’ouvre, mais en même temps, une limite claire est mise à l’arbitraire et à la subjectivité, limite qui oblige fortement l’individu tout comme la communauté et noue un lien supérieur à celui de la lettre du texte : le lien de l’intelligence et de l’amour. Cette tension entre le lien et la liberté, qui va bien au-delà du problème littéraire de l’interprétation de l’Écriture, a déterminé aussi la pensée et l’œuvre du monachisme et a profondément modelé la culture occidentale. Cette tension se présente à nouveau à notre génération comme un défi face aux deux pôles que sont, d’un côté, l’arbitraire subjectif, et de l’autre, le fanatisme fondamentaliste. Si la culture européenne d’aujourd’hui comprenait désormais la liberté comme l’absence totale de liens, cela serait fatal et favoriserait inévitablement le fanatisme et l’arbitraire. L’absence de liens et l’arbitraire ne sont pas la liberté, mais sa destruction.

En considérant « l’école du service du Seigneur » – comme Benoît appelait le monachisme -, nous avons jusque là porté notre attention prioritairement sur son orientation vers la parole, vers l’« ora ». Et, de fait, c’est à partir de là que se détermine l’ensemble de la vie monastique. Mais notre réflexion resterait incomplète, si nous ne fixions pas aussi notre regard, au moins brièvement, sur la deuxième composante du monachisme, désignée par le terme « labora ». Dans le monde grec, le travail physique était considéré comme l’œuvre des esclaves. Le sage, l’homme vraiment libre, se consacrait uniquement aux choses de l’esprit ; il abandonnait le travail physique, considéré comme une réalité inférieure, à ces hommes qui n’étaient pas supposés atteindre cette existence supérieure, celle de l’esprit. La tradition juive était très différente : tous les grands rabbins exerçaient parallèlement un métier artisanal. Paul, comme rabbi puis comme héraut de l’Évangile aux Gentils, était un fabricant de tentes et il gagnait sa vie par le travail de ses mains. Il n’était pas une exception, mais il se situait dans la tradition commune du rabbinisme. Le monachisme chrétien a accueilli cette tradition : le travail manuel en est un élément constitutif. Dans sa Regula, saint Benoît ne parle pas au sens strict de l’école, même si l’enseignement et l’apprentissage – comme nous l’avons vu – étaient acquis dans les faits ; en revanche, il parle explicitement, dans un chapitre de sa Règle, du travail (cf. chap. 48). Augustin avait fait de même en consacrant au travail des moines un livre particulier. Les chrétiens, s’inscrivant dans la tradition pratiquée depuis longtemps par le judaïsme, devaient, en outre, se sentir interpelés par la parole de Jésus dans l’Évangile de Jean, où il défendait son action le jour du shabbat : « Mon Père (…) est toujours à l’œuvre, et moi aussi je suis à l’œuvre » (5, 17). Le monde gréco-romain ne connaissait aucun Dieu Créateur. La divinité suprême selon leur vision ne pouvait pas, pour ainsi dire, se salir les mains par la création de la matière. « L’ordonnancement » du monde était le fait du démiurge, une divinité subordonnée. Le Dieu de la Bible est bien différent : Lui, l’Un, le Dieu vivant et vrai, est également le Créateur. Dieu travaille, il continue d’œuvrer dans et sur l’histoire des hommes. Et dans le Christ, il entre comme Personne dans l’enfantement laborieux de l’histoire. « Mon Père est toujours à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre ». Dieu Lui-même est le Créateur du monde, et la création n’est pas encore achevée. Dieu travaille, ergázetai ! C’est ainsi que le travail des hommes devait apparaître comme une expression particulière de leur ressemblance avec Dieu qui rend l’homme participant à l’œuvre créatrice de Dieu dans le monde. Sans cette culture du travail qui, avec la culture de la parole, constitue le monachisme, le développement de l’Europe, son ethos et sa conception du monde sont impensables. L’originalité de cet ethos devrait cependant faire comprendre que le travail et la détermination de l’histoire par l’homme sont une collaboration avec le Créateur, qui ont en Lui leur mesure. Là où cette mesure vient à manquer et là où l’homme s’élève lui-même au rang de créateur déiforme, la transformation du monde peut facilement aboutir à sa destruction.

Nous sommes partis de l’observation que, dans l’effondrement de l’ordre ancien et des antiques certitudes, l’attitude de fond des moines était le quaerere Deum – se mettre à la recherche de Dieu. C’est là, pourrions-nous dire, l’attitude vraiment philosophique : regarder au-delà des réalités pénultièmes et se mettre à la recherche des réalités ultimes qui sont vraies. Celui qui devenait moine, s’engageait sur un chemin élevé et long, il était néanmoins déjà en possession de la direction : la Parole de la Bible dans laquelle il écoutait Dieu parler. Dès lors, il devait s’efforcer de Le comprendre pour pouvoir aller à Lui. Ainsi, le cheminement des moines, tout en restant impossible à évaluer dans sa progression, s’effectuait au cœur de la Parole reçue. La quête des moines comprend déjà en soi, dans une certaine mesure, sa résolution. Pour que cette recherche soit possible, il est nécessaire qu’il existe dans un premier temps un mouvement intérieur qui suscite non seulement la volonté de chercher, mais qui rende aussi crédible le fait que dans cette Parole se trouve un chemin de vie, un chemin de vie sur lequel Dieu va à la rencontre de l’homme pour lui permettre de venir à Sa rencontre. En d’autres termes, l’annonce de la Parole est nécessaire. Elle s’adresse à l’homme et forge en lui une conviction qui peut devenir vie. Afin que s’ouvre un chemin au cœur de la parole biblique en tant que Parole de Dieu, cette même Parole doit d’abord être annoncée ouvertement. L’expression classique de la nécessité pour la foi chrétienne de se rendre communicable aux autres se résume dans une phrase de la Première Lettre de Pierre, que la théologie médiévale regardait comme le fondement biblique du travail des théologiens : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte (logos) de l’espérance qui est en vous » (3, 15). (Le Logos, la raison de l’espérance doit devenir apologie, doit devenir réponse). De fait, les chrétiens de l’Église naissante ne considéraient pas leur annonce missionnaire comme une propagande qui devait servir à augmenter l’importance de leur groupe, mais comme une nécessité intrinsèque qui dérivait de la nature de leur foi. Le Dieu en qui ils croyaient était le Dieu de tous, le Dieu Un et Vrai qui s’était fait connaître au cours de l’histoire d’Israël et, finalement, à travers son Fils, apportant ainsi la réponse qui concernait tous les hommes et, qu’au plus profond d’eux-mêmes, tous attendent. L’universalité de Dieu et l’universalité de la raison ouverte à Lui constituaient pour eux la motivation et, à la fois, le devoir de l’annonce. Pour eux, la foi ne dépendait pas des habitudes culturelles, qui sont diverses selon les peuples, mais relevait du domaine de la vérité qui concerne, de manière égale, tous les hommes.

Le schéma fondamental de l’annonce chrétienne ad extra – aux hommes qui, par leurs questionnements, sont en recherche – se dessine dans le discours de saint Paul à l’Aréopage. N’oublions pas qu’à cette époque, l’Aréopage n’était pas une sorte d’académie où les esprits les plus savants se rencontraient pour discuter sur les sujets les plus élevés, mais un tribunal qui était compétent en matière de religion et qui devait s’opposer à l’intrusion de religions étrangères. C’est précisément ce dont on accuse Paul : « On dirait un prêcheur de divinités étrangères » (Ac 17, 18). Ce à quoi Paul réplique : « J’ai trouvé chez vous un autel portant cette inscription : « Au dieu inconnu ». Or, ce que vous vénérez sans le connaître, je viens vous l’annoncer » (cf. 17, 23). Paul n’annonce pas des dieux inconnus. Il annonce Celui que les hommes ignorent et pourtant connaissent : l’Inconnu-Connu. C’est Celui qu’ils cherchent, et dont, au fond, ils ont connaissance et qui est cependant l’Inconnu et l’Inconnaissable. Au plus profond, la pensée et le sentiment humains savent de quelque manière que Dieu doit exister et qu’à l’origine de toutes choses, il doit y avoir non pas l’irrationalité, mais la Raison créatrice, non pas le hasard aveugle, mais la liberté. Toutefois, bien que tous les hommes le sachent d’une certaine façon – comme Paul le souligne dans la Lettre aux Romains (1, 21) – cette connaissance demeure ambigüe : un Dieu seulement pensé et élaboré par l’esprit humain n’est pas le vrai Dieu. Si Lui ne se montre pas, quoi que nous fassions, nous ne parvenons pas pleinement jusqu’à Lui. La nouveauté de l’annonce chrétienne c’est la possibilité de dire maintenant à tous les peuples : Il s’est montré, Lui personnellement. Et à présent, le chemin qui mène à Lui est ouvert. La nouveauté de l’annonce chrétienne ne réside pas dans une pensée, mais dans un fait : Dieu s’est révélé. Ce n’est pas un fait nu mais un fait qui, lui-même, est Logos – présence de la Raison éternelle dans notre chair. Verbum caro factum est (Jn 1, 14) : il en est vraiment ainsi en réalité, à présent, le Logos est là, le Logos est présent au milieu de nous. C’est un fait rationnel. Cependant, l’humilité de la raison sera toujours nécessaire pour pouvoir l’accueillir. Il faut l’humilité de l’homme pour répondre à l’humilité de Dieu.

Sous de nombreux aspects, la situation actuelle est différente de celle que Paul a rencontrée à Athènes, mais, tout en étant différente, elle est aussi, en de nombreux points, très analogue. Nos villes ne sont plus remplies d’autels et d’images représentant de multiples divinités. Pour beaucoup, Dieu est vraiment devenu le grand Inconnu. Malgré tout, comme jadis où derrière les nombreuses représentations des dieux était cachée et présente la question du Dieu inconnu, de même, aujourd’hui, l’actuelle absence de Dieu est aussi tacitement hantée par la question qui Le concerne. Quaerere Deum – chercher Dieu et se laisser trouver par Lui : cela n’est pas moins nécessaire aujourd’hui que par le passé. Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l’humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves. Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable.

Merci beaucoup.

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ANGERS (Maine-et-Loire), ANJOU, FRANCE, GUERRE DE CENT ANS (1337-1453), HISTOIRE, HISTOIRE DE FRANCE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, MOYEN AGE, PROVENCE, YOLANDE D'ARAGON (1381-1442), YOLANDE D'ARAGON, LA REINE OUBLIEE, YOLANDE D'ARAGON, LA REINE QUI A GAGNE LA GUERRE DE CENT ANS

Yolande d’Aragon, la reine oubliée

Yolande d’Aragon : la reine qui a gagné la Guerre de Cent Ans

Gérard de Senneville

Paris, Perrin, 2008. 384 pages.

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Résumé

Une des premières femmes politiques, figure emblématique de la guerre de Cent Ans.

Dans la fresque de la guerre de Cent Ans, deux figures féminines tiennent le premier plan : Jeanne d’Arc et Isabeau de Bavière, ou la lumière de la libération de la France contre les années honteuses de l’invasion et du traité de Troyes.
On oublie ainsi un personnage capital, à la fois ennemie implacable d’Isabeau pendant vingt-deux ans et soutien indispensable à l’aventure de Jeanne d’Arc : Yolande d’Aragon.
La fille de Jean d’Aragon fut une ravaudeuse de royaumes. En Anjou, en Provence, en Sicile et dans le royaume croupion qu’est devenue la France, elle agit en femme d’Etat, maniant l’argent, les promesses et la hache, mettant son habileté diplomatique au service de la paix contre la guerre, de la France rétablie contre une marqueterie de fiefs rivaux.

Gérard de Senneville, dont les biographies de Maxime Du Camp et de Théophile Gautier ont été remarquées, reconstitue avec talent l’action et la grandeur de cette princesse qui mérite autant que son gendre, Charles VII, le surnom de  » victorieuse « .

Critique

Cet ouvrage est une excellente biographie de la mère du roi René, Yolande d’Aragon. La Reine Yolande est pourtant restée dans l’ombre car elle fut éclipsée par la figure de Jeanne d’Arc dans l’historiographie française. En effet celle que l’on qualifia comme « le seul homme du Royaume » pour son rôle très actif pendant la Guerre de Cent Ans en soutenant, en dépit des circonstances, le futur Charles VII, réussit à tenir tête à la reine de France Isabeau de Bavière, à réconcilier les Armagnacs (fidèle au dauphin Charles réfugié à Bourges) et les Bourguignons (alliés du roi d’Angleterre) tout en s’occupant de ses terres d’Anjou et de Provence.

Il n’existe aucun portrait de cette reine exceptionnelle hormis un vitrail dans la cathédrale du Mans. Si le roi René bénéficie d’une aura bien supérieure à ses qualités d’homme d’Etat, tant en Anjou qu’en Provence, il n’en n’est pas de même pour Yolande d’Aragon : en effet aucune statue en Anjou ni en Provence ne rappelle la mémoire de celle qui par son intelligence politique et son courage à toute épreuve réussit à unir les Français pour mettre fin à la Guerre de Cent Ans au profit du roi Charles VII sans pour autant délaisser ses terres angevines et provençales.

Il est donc juste de rendre hommage à la Reine Yolande d’Aragon

©Claude Tricoire

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Yolande d’Aragon (morte en 1442)

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Yolande d’Aragon,
vitrail du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Julien du Man

Yolande d’Aragon, duchesse d’Anjou, née en 1381 à Saragosse et morte le 14 novembre 1442 près de Saumur, fille de Jean Ier, roi d’Aragon et de Yolande de Bar, fut duchesse d’Anjou, comtesse du Maine et de Provence, reine de Naples et Jérusalem titulaire et dame de Guise.

Famille

Yolande d’Aragon naît en 1381 à Saragosse. Elle est promise à l’héritier d’Anjou, Louis (qui avait accédé au trône de Naples sous le nom de Louis II de Naples un an plus tôt, à la suite de la conquête de Naples) en 1390 pour résoudre les revendications contestées sur le royaume de Sicile et Naples entre les maisons d’Anjou et d’Aragon, et se maria avec lui le 2 décembre 1400 en la cathédrale Saint-Trophime d’Arles :

Ils eurent six enfants :

Louis III (1403 † 1434) – duc d’Anjou, comte de Provence, roi titulaire de Naples

Marie (1404 † 1463) – épouse de Charles VII, roi de France avec qui elle eut quatorze enfants, dont l’aîné devint Louis XI de France

? (1406), une fille, morte en enfance

René (1409 † 1480) duc de Bar, duc de Lorraine, duc d’Anjou, comte de Provence, roi titulaire de Sicile, de Naples, de Jérusalem et d’Aragon; épouse Isabelle Ire, duchesse de Lorraine

Yolande (1412 † 1440), épouse de François Ier, duc de Bretagne

Charles (1414 † 1472), comte du Maine (ne fut jamais duc d’Anjou, mais son fils le fut)

 

Prétentions au trône d’Aragon

Yolande d’Aragon joua un rôle important dans la politique de l’« Empire » angevin, de la France et de l’Aragon, pendant la première moitié du xve siècle. Fille survivante du roi Jean Ier d’Aragon roi, qui n’avait pas de fils, elle réclama le trône d’Aragon après la mort de sa sœur aînée Jeanne, comtesse de Foix.

Pourtant, les lois de succession d’Aragon et de Barcelone n’étant pas claires, elles furent comprises en faveur des héritiers mâles : ainsi l’oncle de Yolande (frère cadet de Jean Ier), Martin Ier d’Aragon, hérita du trône d’Aragon. Martin mourut sans descendance en 1410, et après deux ans d’interrègne, les États d’Aragon élurent Ferdinand d’Antequera comme nouveau roi d’Aragon. Ferdinand était le second fils d’Éléonore d’Aragon, reine de Castille, sœur de Jean et de Martin.

Le candidat angevin était le fils aîné de Yolande, Louis III d’Anjou, duc de Calabre, dont la revendication reposait dans le Pacte de Caspe. Yolande et ses fils se considéraient comme héritiers prioritaires et commencèrent à utiliser le titre de « rois d’Aragon ». À cause de cet héritage, Yolande fut appelée « reine de quatre royaumes », ces royaumes étant probablement la Sicile, Jérusalem, Chypre et Aragon (une autre interprétation sépare Naples de la Sicile et exclut donc Chypre).

De toute façon, la réalité était que Yolande d’Aragon et sa famille ne possédèrent des territoires dans ces royaumes qu’à de très courts intervalles. Jérusalem n’a d’ailleurs jamais été en leur possession. Leur véritable royaume se réduisait aux fiefs d’Anjou en France : ils possédèrent sans conteste la Provence et l’Anjou, le Maine, la Touraine et le Valois.

René d’Anjou, fils aîné de Yolande d’Aragon, fut choisi comme héritier par le cardinal-duc de Bar et devint par mariage duc de Lorraine.

 La France et la maison d’Anjou

Issue d’un fils du roi de France Jean le Bon, la seconde maison d’Anjou-Provence constitue donc un rameau de la dynastie royale des Valois.

Dans la seconde période de la guerre de Cent Ans, Yolande d’Aragon prit parti pour la dynastie de Valois représentée par le roi de France, Charles VI, défendue par le parti des Armagnacs, durant la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.

La reine Isabeau de Bavière, épouse du roi Charles VI, influencée par le duc de Bourgogne Jean sans Peur, combattit l’accession au trône du royaume de France de son dernier fils, le futur dauphin Charles de Ponthieu.

On dit que Yolande d’Aragon fut celle qui protégea l’adolescent de toutes sortes de machinations et tentatives d’empoisonnement et qu’elle joua le rôle de mère. Elle le fiança en 1413 à sa fille Marie d’Anjou . Pour éviter les menaces que faisaient peser les Bourguignons à Paris, elle emmena les jeunes fiancés âgés de dix ans, au début de 1414, dans ses duchés d’Anjou et de Provence.

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Yolande d’Aragon et deux de ses enfants en prière devant la Vierge à l’Enfant. Enluminure anonyme dans le Juratoire et livre des fondations de la chapelle royale du gué de Maulny dans le Maine, ms. 691, fo 16, Bibliothèque municipale, Le Mans.

Le 18 décembre 1415, le dauphin Louis de Guyenne, frère aîné de Charles de Ponthieu meurt. Il est suivi dans la mort le 4 avril 1417 par Jean duc de Touraine, son deuxième frère, devenu dauphin à son tour : ces deux frères aînés avaient été placés sous la protection de Jean sans Peur, ce dernier multipliant les intrigues pour accéder au pouvoir au conseil de régence, du fait de la carence du roi Charles VI, atteint de démence et de la jeunesse des dauphins.

Le 4 avril 1417, Charles de Ponthieu devient le nouveau dauphin de France. Le 29 avril 1417, Louis II d’Anjou meurt de maladie, laissant Yolande, alors âgée de 36 ans, responsable de la maison d’Anjou. Elle tient également le sort de la maison royale des Valois dans ses mains. Son futur gendre, le dauphin Charles est très vulnérable face aux desseins du roi d’Angleterre Henri V et de Jean sans Peur. Le dauphin Charles de Ponthieu ne peut compter que sur le support de la maison d’Anjou et du parti des Armagnacs .

Après l’assassinat de Jean sans Peur à Montereau en 1419, son fils Philippe le Bon devient duc de Bourgogne. Philippe le Bon et Henri V d’Angleterre imposent le traité de Troyes (21 mai 1420) au roi Charles VI. Le traité désigne le roi Henri d’Angleterre comme régent de France et héritier de la couronne de France: Le dauphin Charles de Ponthieu est donc déshérité par le biais de ce traité inique, mais il refuse de le ratifier et se déclare seul et unique héritier du trône de France.

Le 22 avril 1422, Marie d’Anjou, fille aînée de Yolande d’Aragon, se marie en la cathédrale de Bourges avec le dauphin Charles de Ponthieu.

Henri V et Charles VI meurent tous deux en 1422 (respectivement le 31 août et le 21 octobre). Charles, alors âgé de 19 ans, devient légitimement roi de France, sous le nom de Charles VII. Ce titre est contesté par les Anglais et leurs alliés bourguignons qui soutiennent la prétention au trône de France du jeune fils de feu Henri V, le roi Henri VI d’Angleterre âgé de neuf mois.

Bien que princes du sang, les ducs d’Anjou n’apportent pas nécessairement un soutien inconditionnel au roi Charles VII. D’une part, le duc Louis III d’Anjou se consacre à sa guerre italienne afin d’acquérir le titre de roi de Naples et de Sicile ; en conséquence, il confie le gouvernement du duché d’Anjou à sa mère Yolande d’Aragon, duchesse douairière, par un acte daté du 1er juillet 1423. D’autre part, en dépit d’une tradition présentant la belle-mère du roi de France comme « l’ange gardien » de son beau-fils et de Jeanne d’Arc, Philippe Contamine nuance la question en notant que la reine de Sicile « défendait prioritairement (…) ses intérêts et les intérêts de [l]a maison [d’Anjou] — des intérêts complexes et pas toujours convergents ; dans une large mesure, en raison des circonstances, ces intérêts, non sans nuance, recouvraient ceux de Charles VII. ».

 Conseillère du roi de France

Yolande joua un rôle important dans cette lutte, entourant le jeune roi de conseillers et domestiques de la maison d’Anjou. Elle manœuvra pour que le duc de Bretagne rompe son alliance avec l’Angleterre et fit nommer Arthur de Richemont, futur Arthur III de Bretagne, membre de la famille ducale bretonne, connétable de France en 1425. Le duc de Bourgogne Philippe le Bon avait mis comme condition formelle à l’admission de son beau-frère, le comte de Richemont, au connétablat de France, l’élimination de tous les conseillers du roi Charles VII ayant participé de près ou de loin à l’assassinat de Jean sans Peur sur le pont de Montereau en 1419. Avec l’aide du connétable de Richemont, Yolande applique donc le renvoi de plusieurs proches conseillers de Charles VII. Cette éviction ne provenait donc pas directement de la volonté de Yolande d’Aragon, mais des nécessités liées à la raison d’État. Les historiens rapportent que le roi s’en sépara à grand regret et qu’il conserva toute sa confiance et toute son amitié à ceux qui l’avaient bien servi, détruisant ainsi la légende de l’éviction de conseillers incapables répandue par les chroniqueurs bourguignons, auxquels succédèrent comme favoris, Pierre II de Giac (ex-bourguignon, rallié à Charles VII), et Le Camus de Beaulieu (tous deux mourront en 1427, à l’instigation du connétable de Richemont).

Dans le cadre géopolitique d’une diplomatie de stabilisation de la frontière commune entre les duchés d’Anjou et de Bretagne, Yolande d’Aragon cherche à marier son fils, le duc Louis III d’Anjou, à Isabelle, fille du duc Jean V de Bretagne. Parallèlement, la reine de Sicile tente d’imposer le principe de cette alliance à son gendre Charles VI.

Un contrat, rédigé à Angers le 3 juillet 1417, vise à entériner l’alliance entre les maisons de Bretagne et d’Anjou grâce à un projet d’union entre le duc Louis III d’Anjou, fils de Yolande d’Aragon, et Isabelle de Bretagne, fille du duc Jean V. Toutefois, les rapports diplomatiques se tendent lorsque l’engagement est finalement rompu par Louis III d’Anjou, désireux d’épouser Marguerite de Savoie pour affermir sa position dans le cadre de ses ambitions vis-à-vis du royaume de Naples. Conséquemment, Jean V de Bretagne marie sa fille Isabelle à Guy XIV de Laval en 1430, d’où une grave tension entre les deux duchés voisins.

Yolande d’Aragon se présente comme le « lieutenant général » de son fils Louis III retenu en Italie mais le duc d’Anjou — essentiellement préoccupé par sa couronne napolitaine — n’approuve pas systématiquement les démarches politiques de sa mère. Or la politique de Yolande d’Aragon finit par coïncider avec celle du grand chambellan Georges Ier de La Trémoille sur la question relative à la réconciliation entre le royaume de France et le duché de Bretagne. Déjà associé à une précédente tractation matrimoniale entre les lignées angevine et bretonne en 1425, Jean de Craon permet au grand chambellan d’organiser une rencontre avec le duc Jean V au château de Champtocé du 22 au 24 février 1431.

Lors de la rencontre au château de Champtocé le 24 février 1431, le comte Guy XIV de Laval — futur gendre du duc Jean V — se voit remettre une certaine somme par son suzerain breton afin d’amener des gens d’armes et de trait à Charles VII. Jean V de Bretagne paye également Xaintrailles — allié du grand chambellan — pour qu’il accompagne le comte de Laval auprès du roi en vue de poursuivre la guerre. Le médiéviste Philippe Contamine observe que « par des moyens obliques, il s’agissait donc de ramener le duc de Bretagne dans la guerre française. Or, nous savons que telle avait été l’idée de Jeanne d’Arc, l’année précédente. ».

En mai 1431, dans l’île de Béhuard près d’Angers, le duc de Bretagne et Yolande d’Aragon assistent au serment prêté par leurs fils respectifs, le comte François de Montfort et Charles d’Anjou, de se comporter en « frères d’armes. » Célébré en août 1431, le mariage entre Yolande († 1440), fille de Yolande d’Aragon, et François de Montfort, fils du duc Jean V de Bretagne, renforce les liens entre les deux lignages. Cette union est approuvée par Charles VII mais le souverain refuse toujours de voir Arthur de Richemont revenir aux affaires, bien qu’il consente à un compromis visant à aplanir les différends entre le grand chambellan et le connétable.

Le 3 juin 1433, l’arrestation et l’enlèvement du grand chambellan Georges de La Trémoille permet au « parti angevin » de retrouver son influence par le biais du jeune Charles IV du Maine, fils de Yolande d’Aragon et nouvel homme fort à la cour de Charles VII.

Le chroniqueur contemporain Jean Jouvenel des Ursins décrivit Yolande comme « la plus belle femme du royaume ». Charles de Bourdigné, chroniqueur de la maison d’Anjou, dit d’elle « Elle était considérée comme la plus sage et la plus belle princesse de la chrétienté ». Plus tard, le roi Louis XI affirma que sa grand-mère avait « un cœur d’homme dans un corps de femme ».

Yolande finit par se retirer à Angers puis à Saumur où elle meurt le 14 novembre 1442. Elle est inhumée dans le chœur de la cathédrale Saint-Maurice d’Angers où elle rejoint son époux Louis II d’Anjou.

Yolande_d'Aragon_Vibert_1843

Une fameuse rose pourpre lui a été dédiée par Vibert en 1843, baptisée ‘Yolande d’Aragon’.

Chronologie

1381 : le 11 août, Yolande naît à Saragosse, Aragon

1400 : en décembre, Yolande épouse Louis II d’Anjou à Arles

1410 : mort du roi Martin Ier d’Aragon

1412 : le fils de Yolande, Louis, conteste le trône d’Aragon, mais son parent Ferdinand Ier de Trastamare devient roi

1413 : Louis II d’Anjou rejoint la faction orléaniste contre les Bourguignons

1413 : fiançailles entre Marie d’Anjou et futur Charles VII

1414 : en février, Yolande emmène ces futurs époux en Anjou, sans laisser sa fille dans la capitale dangereuse, notamment menacée par les Bourguignons

1417 : Yolande devient veuve le 29 avril. Elle rejette la demande de la reine Isabeau de renvoyer Charles (devenu dauphin après la mort de ses frères) à la cour. On rapporte qu’elle répondit Nous n’avons pas nourri et chéri celui-là pour que vous le fassiez mourir comme ses frères, devenir fou comme son père ou devenir anglais comme vous. Je le garde près de moi. Venez le prendre si vous l’osez.

1417 : le 29 juin, Yolande obtient une audience de Charles VI et le pousse à signer le décret faisant de son fils le lieutenant-général du royaume. Isabeau ne peut ainsi plus prétendre à être régente. Yolande se retire en Provence.

1423 : Yolande revient de Provence. Elle met en route le premier traité avec la Bretagne.

1424-1427 : Yolande préside les États-généraux. Elle signe un traité avec le duc de Bretagne et engage le frère du duc, Arthur de Richemont à supporter la cause des Valois.

1427 : le régent anglais, le duc de Bedford, veut prendre le duché d’Anjou. Yolande riposte par une série de rencontres et d’accords de mariage entre plusieurs familles nobles, ce qui sape les initiatives anglaises et bourguignonnes et soutient la couronne. Des désaccords entre la Trémoïlle, un conseiller de Charles VII et le connétable Richemont conduisent au bannissement de Richemont.

1429 : Yolande est chargée d’une des enquêtes sur Jeanne d’Arc que soutient la duchesse. Yolande arrange le financement de l’armée de Jeanne qui part au secours d’Orléans.

1431 : Yolande réside à Saumur où Charles VII tient son assemblée. La plus jeune fille de Yolande épouse le prince héréditaire de Bretagne. Son fils hérite du duché de Lorraine mais est fait prisonnier à la bataille de Bulgnéville le 30 juin 1431.

1433 : Richemont qui était de retour à la cour depuis 1432 fait tomber La Trémoïlle. Le plus jeune fils de Yolande, Charles, comte du Maine, assume la position de conseiller en chef du roi Charles.

1434 : le fils de Yolande, Louis III d’Anjou, meurt et René devient duc d’Anjou et héritier en Sicile. La reine Jeanne de Sicile avait fait Louis III corégent et héritier.

1437 : René est libéré en échange d’une importante rançon. Il part pour l’Italie en 1438 et engage une guerre contre Alphonse d’Aragon pour le royaume de Naples. Il est forcé d’abandonner Naples durant l’été 1442.

1442 : le 14 novembre, Yolande meurt à Saumur en l’hôtel du seigneur de Tucé. Dans son testament, elle s’excuse [à ses serviteurs] de ne rien laisser, « ni or, ni objets précieux, ni vaisselle, ni meubles », après avoir dépensé tous ses biens, en faveur de ses enfants et surtout de son gendre Charles VII.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Yolande_d%27Aragon_(morte_en_1442)

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Conférence des Evêques de France (Lourdes, novembre 2022)

Discours de clôture de la 90ème Assemblée plénière des évêques de France, le 8 novembre 2022

Publié le 08 novembre 2022

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Frères et sœurs, vous tous catholiques de France, laïcs, diacres, prêtres, personnes consacrées, et vous qui, pour une raison ou pour une autre, vous intéressez aux travaux de notre assemblée, chers

Frères évêques,

« La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus » : cette phrase qui ouvre l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, « La joie de l’Évangile », du pape François, nous a habités, nous évêques, alors que nous nous réunissions. Nous avions, jeudi dernier, le cœur lourd, remplis de sentiments mêlés ; nous étions douloureux de vous savoir, frères et sœurs, meurtris, en colère, bouleversés, doutant de nous et de notre volonté réelle de sortir de la culture qui a permis les abus et les a couverts. Nous savions la déception des personnes victimes qui avaient décidé l’an passé de nous faire confiance. Or, la joie de l’Évangile, c’est elle que nous voulons servir, c’est elle que nous voulons partager à tous, c’est pour la rendre accessible à tous que nous avons engagé notre vie. Nous sommes humiliés de constater que des actes de certains de nos frères, prêtres et évêques, et la manière dont ces actes ont été traités entre notre structure ecclésiale en France et jusqu’au Saint-Siège provoquent de la tristesse, de l’incompréhension, du dégoût, et empêchent beaucoup de vous de goûter la joie pure et rajeunissante de l’Évangile du Christ. Nous sommes conscients que ces fautes personnelles de tel ou tel nous renvoient tous à nos insuffisances, à nos médiocrités, à nos manquements à la charité, à la justice, à la bonté, à la vérité, manquements qui entachent notre ministère et vous privent parfois, – et une fois, c’est trop-, de connaître le Christ Jésus d’un cœur sans partage. Nous voudrions tant que vous puissiez vivre paisiblement l’expérience des premiers disciples de Jésus, telle que nous la rapporte l’évangile selon saint Jean : « Venez et vous verrez ». « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. » (Jn 1,39). Nous voudrions tant que beaucoup d’autres puissent la goûter.

Là est la source de la vie pour tous, dans la proximité du Seigneur Jésus, le Fils bien-aimé qui demeure dans le Père et nous ouvre accès à sa filiation. Ce jour-là, auprès du fleuve Jourdain, il n’y avait pas de palais ni de belle maison, tout juste une cabane en roseaux, et là demeurait Jésus et là il a accueilli ceux qui allaient devenir ses disciples et là était la pleine présence de Dieu, son hospitalité la plus forte. 

Nous avons pu, jeudi dernier le 3 novembre, après avoir passé un long moment à reprendre le déroulement des faits qui avaient conduit à la tourmente que nous vivons, prendre une heure, sous la conduite de Mgr Vincent Jordy, que je remercie au nom de tous, pour partir au bord du Jourdain, rencontrer Jésus comme pour la première fois, le suivre comme « l’Agneau de Dieu » et pour demeurer avec lui.

De la même façon, au long de ces jours ici à Lourdes, auprès de la grotte de Massabielle, nous éprouvons l’intercession de Marie, la Mère de Dieu, et de sainte Bernadette, et la prière de toutes celles et tous ceux qui viennent ici prier ou qui confient leurs intentions. Permettez-moi de vous le dire : alors que nous nous étions retrouvés agités, inquiets, peut-être même méfiants les uns à l’égard des autres, nous avons vécu en ces cinq jours un processus d’apaisement, de resserrement de nos liens, de détermination renouvelée.

Nous sommes conscients cependant que la confiance native que le peuple de Dieu mettait dans les pasteurs qui lui sont donnés est ébranlée

Nous sommes conscients cependant que la confiance native que le peuple de Dieu mettait dans les pasteurs qui lui sont donnés est ébranlée et qu’elle est, chez certains, chez beaucoup peut-être, brisée. Comment, après avoir découvert ce qu’avait pu faire Mgr Santier ; comment, après avoir entendu ce que le cardinal Ricard lui-même a avoué publiquement hier, pourriez-vous recevoir le cœur en paix la grâce du Christ des mains de quelque prêtre ou évêque que ce soit ? Une telle question secoue toute l’Église, car ce n’est pas le moindre aspect du mystère du Christ que le fait qu’il ne se soit pas contenté de réunir des disciples pour partager avec eux des heures de contemplation et d’échanges mais qu’il en ait mis à part quelques-uns pour aller vers tous en son nom. Le Père de Lubac, grand théologien du siècle dernier, a pu écrire en 1938, dans son premier grand ouvrage Catholicisme : « «Mystère de l’Église, plus profond encore s’il est possible, plus “difficile à croire” que le Mystère du Christ, comme celui-ci déjà était plus difficile à croire que le Mystère de Dieu »[1]. Plus difficile à croire, je le comprends ainsi, parce que le divin, la divine charité, est dans la réalité de l’Eglise, tellement enveloppé d’humain, et d’un humain qui n’est pas que la nature humaine mais ce que nous, les humains, l’avons fait devenir, avec ses abîmes parfois si vertigineux et inquiétants et ses nœuds parfois si meurtriers.

Nous ne nous sommes pas rassurés à bon compte, pendant ces quelques jours, avec des considérations théologiques. Nous avons travaillé, en nous entraidant, et cela sur plusieurs axes.

D’abord nous avons travaillé pour tirer au clair ce qui s’était passé. Le huis-clos, qui n’a pas été bien compris, nous a permis d’aller aussi loin que possible dans la vérité de nos échanges. J’ai exposé hier pendant la conférence de presse, que nous avons ajoutée pour faire connaître la déclaration de Mgr Ricard, l’essentiel de ce travail.

Je voudrais uniquement et simplement dire ici à vous tous quatre choses :

Premièrement, que Mgr Blanchet, à peine nommé évêque de Créteil, ayant accepté dans la foi cette mission, a découvert alors et progressivement la situation exacte de son prédécesseur. Il s’est trouvé pris dans une situation créée par le silence maintenu des mois avant son arrivée et même sa nomination. Il a dû seul, avec force et délicatesse, trouver la manière de tenir Mgr Santier le plus à l’écart possible, sans pour autant paraître le rejeter ou le mépriser aux yeux d’un diocèse qui voulait le remercier encore, alors même qu’il ne pouvait expliquer à quiconque ce dont il retournait. De même, Mgr Le Boulc’h n’a pas su tout de suite dans quelles conditions Mgr Santier revenait à son diocèse d’origine, et lui aussi a dû, à mesure qu’il le découvrait, chercher les meilleures ou les moins mauvaises manières de l’accueillir, puisqu’aussi bien il fallait que Mgr Santier puisse vivre quelque part.

Deuxièmement, le travail fait avec un canoniste, un juriste et un official du Dicastère pour la doctrine de la foi venus nous rejoindre nous a permis de reconnaître qu’il y a eu des insuffisances, des erreurs et des dysfonctionnements dans la manière de réagir aux faits commis par Mgr Santier au fil des procédures. Je les ai énumérés hier. L’essentiel se résume en trois points : le traitement en circuit fermé, entre évêques ; une naïveté entretenue ; un manque de considération pour le peuple de Dieu. Nous avons donc élaboré progressivement pendant ces quelques jours des décisions à prendre. Nous avons abouti ce matin. Nous avons décidé de constituer un comité de suivi auquel tout archevêque ou évêque ayant à traiter du cas d’un autre évêque pour des abus ou agressions sexuelles se référera afin d’être accompagné dans toutes les étapes de la procédure. Nous allons agir aussi auprès des dicastères romains concernés pour préciser les procédures, établir des critères plus précis quant à la publication des faits et des sanctions, mieux définir ce qui est attendu de celui qui est chargé de l’enquête quant au « votum », c’est-à-dire aux recommandations, qu’il doit formuler. Le Saint-Siège a besoin que chacun joue pleinement son rôle et sache lui faire valoir les données propres à une situation ou à un pays. Nous voulons intégrer nous-mêmes davantage que la foi des fidèles est heurtée lorsqu’un prêtre ayant abusé sexuellement d’une personne continue de célébrer l’Eucharistie. Cela a des conséquences précises quant à la manière de nommer un prêtre ayant été condamné et qui a accompli sa peine. Ces décisions nouvelles enrichissent le dispositif mis en place depuis l’an dernier. Nous avons, aussi dans cette ligne-là, voté les statuts du Tribunal pénal interdiocésain qui devrait par conséquent, dès réception du visa du Tribunal de la Signature apostolique, être mis en place début décembre. Nous avons pu réfléchir à la mise en place concrète d’un celebret national, c’est-à-dire d’une carte remise à chaque prêtre permettant d’attester de sa qualité et de sa capacité à célébrer les sacrements. Nous nous sommes préparés aux visites que nous aurons à faire à Rome pour rencontrer le Dicastère pour la doctrine de la foi et la Commission de protection des mineurs.

Troisièmement, nous avons été bouleversés par la déclaration du cardinal Ricard. Il a été notre Président pendant deux mandats et une autorité dans notre Assemblée. Nous pensons à la personne qu’il a atteinte dans sa jeunesse, à celles et ceux qui furent ses paroissiens à Marseille, ses diocésains à Grenoble, à Montpellier, à Bordeaux ; nous pensons aux diocésains de Digne. Son aveu rendu public est un acte de grande importance. Par-delà le traitement que la justice, tant celle de l’État que celle de l’Église, peuvent donner à un tel comportement, Mgr Ricard se comporte comme un pécheur repentant qui assume ses actes, quelle que soit leur ancienneté, parce qu’il réalise au fil de son histoire, de mieux en mieux, que le mal fait du mal et qu’il faut rompre cet enchaînement. En parlant publiquement, il s’adresse à tout le peuple de Dieu, il se remet au jugement de chacun. Il inscrit sa déclaration dans le travail de vérité que l’Église a entrepris depuis quelques années et dans lequel l’Église en France tient sa part. Il compte sur nous, baptisés. Il n’en appelle pas à notre indulgence mais à notre fraternité. De plusieurs côtés, on en a appelé ces dernières semaines à la maturité du peuple de Dieu. Beaucoup ont fait valoir combien il était humiliant pour celui-ci d’entendre que les autorités ecclésiales lui avaient caché les fautes d’un pasteur pour le ménager. On fait valoir à raison que le peuple de Dieu est capable de supporter, si douloureux que ce soit, la découverte des fautes de ses pasteurs, et qu’il lui est beaucoup plus violent d’être maintenu un temps dans l’ignorance par un mensonge.

Quatrièmement : c’est pourquoi j’ai dit hier, lundi, le nombre des évêques ayant été mis en cause d’une manière ou d’une autre devant la justice de notre pays ou la justice canonique. Le nombre mentionné dans la presse recouvre des cas très différents et des faits qui ne sont pas du même ordre. Je pensais l’avoir indiqué suffisamment et je regrette de ne pas avoir été assez précis. Trois évêques, ces dernières années, ont été mis en cause pour non dénonciation d’un prêtre accusé. L’un de ces évêques est mort, un autre a été condamné et le troisième a été relaxé. Je les ai mentionnés pour que l’information soit complète, mais tout cela est connu de tous. Huit autres évêques ont été mis en cause pour des faits qu’ils auraient commis eux-mêmes. Parmi eux, cinq ont été mentionnés dans la presse et ont fait l’objet d’actions judiciaires, parfois arrêtées, parfois encore en cours. Pour l’un d’entre eux, je le signale, l’affaire a été conclue par un non-lieu. Enfin, trois autres sont en cours d’instruction. Ces huit évêques sont actuellement retirés de la responsabilité épiscopale et sont soumis à des restrictions de ministère de natures variées. Car la justice canonique juge de faits que la justice de notre pays ne connaît pas, et comme cette dernière, elle connaît la gradation des peines et la prescription, des éléments indispensables à un État de droit, même si la justice canonique pourrait progresser encore dans la prise en compte des personnes victimes et de leurs droits. La maturité du peuple de Dieu est soumise à rude épreuve, nous en sommes conscients. Il nous faut tous admettre que ni l’ordination ni les honneurs ne préservent de commettre ou d’avoir commis des fautes dont certaines peuvent être graves même aux yeux de la justice de l’État et que tout être humain peut être habité par des forces troubles qu’il ne parvient pas toujours à maîtriser. Nous, évêques, recevons ce nombre avec douleur. Ce que nous découvrons de quelques-uns de nos frères nous appelle à nous examiner, cela nous a été rappelé, sur notre rapport au pouvoir, aux biens, à notre ministère, à chacune des personnes avec qui nous agissons. Voilà qui nous conduit à une autre réflexion et un autre pan de notre travail.

Nous professons dans le « Je crois en Dieu » : « Je crois à l’Église une, sainte, catholique et apostolique ». Cette formule liturgique peut choquer aujourd’hui. Certains ont écrit ne plus pouvoir la prononcer. Nous les comprenons. Mais l’Église n’est pas sainte parce qu’elle serait faite de saints uniquement ; en tout cas pas parce qu’elle le serait en sa hiérarchie. Elle est sainte parce que, par elle, le Seigneur Jésus enfante à la sainteté les pécheurs que nous sommes. La sainteté n’est pas la perfection morale, nous l’oublions trop souvent. Elle n’est pas non plus un heureux équilibre des vertus naturelles et surnaturelles, traversé par un élan spirituel. Le saint est celui qui apprend à reconnaître ses abîmes intérieurs et qui choisit de s’en écarter par amour pour le Christ, le Fils bien-aimé venu jusqu’à nous. L’Église sainte n’est pas la réunion des « gens bien » ; elle est la communion que tâchent de vivre des pécheurs pardonnés, non pas amnistiés, non pas dispensés d’assumer leurs actes, mais pardonnés et rendus forts par le pardon. Elle est le lieu de cristallisation de notre élan spirituel, non pas d’abord une organisation religieuse qui nous permettrait de vivre à la surface de notre âme, plutôt la communauté qui nous contraint à aller puiser en nous ce que nous voulons vivre en vérité, faisant alors la douloureuse et salvifique expérience que nous n’y parvenons pas tout seuls, ni jamais adéquatement, que nous avons besoin d’être rachetés par le sang de l’Agneau sans tache, par le cri de son agonie et le silence du tombeau, avant que puisse éclore la joie discrète d’abord et pure toujours de la résurrection. La communion de l’Église ne résulte pas d’une harmonieuse organisation, elle résulte de l’engagement de chacun de ses membres, tous ayant reçu « l’onction du Saint », du Saint-Esprit, dans le combat spirituel, pour grandir dans la liberté avec les armes du Christ, et le repentir, la reconnaissance libre de ses fautes et la demande de pardon, l’assomption des conséquences des actes commis, est une de ces armes. La sainteté de l’Église n’est pas l’absence de péché de ses membres mais la capacité de tout le Corps d’accompagner chaque membre dans ce combat de lumière et de paix.

Dans cette lumière-là, sans doute, il nous faut comprendre la synodalité et son articulation à la collégialité. Dans le langage chrétien antique, le mot « hiérarchie » ne désigne pas d’abord le commandement, l’autorité qui ordonne et qui se fait obéir, mais la source, archè, où l’on peut puiser de quoi vivre et porter du fruit. Le ministère apostolique n’est pas d’abord une manière d’organiser un peuple qui serait confus, il a pour mission, ce ministère, de rapprocher de chacun la source pour qu’il puisse y trouver ce dont il a besoin. La source est la présence du Christ ressuscité, au cœur de la liberté de chacune et de chacun, dans la double Parole de l’Ancien et du Nouveau Testaments et dans les sacrements de Jésus. Le ministère est tout entier au service du peuple des baptisés et confirmés, des pécheurs pardonnés, rachetés, appelés à avancer vers la sainteté en devenant les uns pour les autres et pour tous les humains des porteurs de la bonté de Dieu. Le ministère apostolique s’exerce dans la collégialité, car aucun pasteur ne peut seul garantir qu’il relie en vérité à la source. Il ne le peut qu’en étant inséré dans le collège qui a le successeur de Pierre à sa tête. Quant à la synodalité, elle n’est pas d’abord un jeu de répartition des pouvoirs, même s’il faut organiser ceux-ci et veiller à en renouveler la distribution régulièrement. La synodalité est avant tout une recherche commune de la volonté de Dieu, une entraide fraternelle pour avancer sur les chemins de Dieu en s’aidant à sortir de l’esclavage du péché pour grandir dans la liberté des enfants de Dieu. Elle se nourrit donc de la maturité du peuple de Dieu que nous avons évoquée, et elle la fait grandir. C’est en nous portant les uns les autres, selon la différence des états de vie et des dons, dans le chemin de la sainteté, c’est-à-dire de la liberté à l’égard du péché, que nous servons la vie de l’Église que nous formons et dans laquelle nous avons la grâce d’être. Ces quelques jours étaient trop peu nombreux pour que nous puissions lire et analyser le document qui vient d’être publié pour préparer la phase continentale du processus synodal de l’Église. Chacun fera ce qu’il peut dans son diocèse. Mais nous constatons que, de par le monde, dans l’Église entière, les mêmes attentes, les mêmes aspirations, les mêmes douleurs s’expriment, mais aussi la même espérance de vivre la pleine vérité du mystère de l’Église où le Seigneur partage sa sainteté aux pécheurs qu’il appelle à lui.

Nous avons goûté cela, frères et sœurs, vous toutes et tous qui m’écoutez ce matin, nous l’avons goûté, nous évêques, lors du temps passé, hier lundi 7 novembre 2022, avec les pilotes et un membre des neuf groupes de travail dont nous avions décidé la création en novembre 2021. Ils nous ont fait travailler par groupes de dix évêques sur le thème qui leur a été confié. Les voies qu’ils nous ont ouvertes, les transformations de fonctionnement ou de gouvernance, qu’ils dessinent nous seront proposées en mars prochain et nous aurons à exercer notre discernement dans la lumière de l’Esprit-Saint. L’enjeu, pour nous, n’est pas seulement de trouver des procédures plus sûres (on parle souvent de « process ») mais de rendre nos organisations ecclésiales, nos manières de réagir et d’agir face à des cas douloureux, nos modes de vie et de soutien mutuel, plus riches de la vérité de la synodalité et de la collégialité, vécues dans la sainteté de l’Église. Je crois pouvoir dire que nous avons admiré la maturité chrétienne de celles et de ceux qui sont venus à nous, comme des frères et des sœurs qui ne cherchaient ni à nous faire la leçon, ni à grapiller une part de notre autorité mais à nous aider à mieux exercer le ministère apostolique qui nous a été confié par le Seigneur ressuscité. De tout cœur, je remercie au nom de tous les évêques les membres de ces groupes de travail, une bonne centaine de personnes : leur engagement, leur générosité en temps et en réflexion, nous remplissent d’action de grâce.

Nous avons goûté aussi ce mystère lorsque nous avons travaillé à la transformation de notre Conférence. Deux groupes de travail spécifiques avaient élaboré quatre scénarios, chacun caractérisé par une perspective différente : la communion des provinces, la flexibilité maximale, le service minimum, l’hôpital de campagne. Le but poursuivi est moins la recherche d’une diminution des effectifs qu’une meilleure définition du rôle des instances (Assemblée plénière, Conseil permanent, Présidence, conseils et commission) et une meilleure articulation entre elles pour que notre système central soit plus souple, un peu moins coûteux, mieux adapté aux besoins de l’évangélisation aujourd’hui. Les échanges que nous avons pu avoir autour de ces scénarios nous relancent dans la conscience de notre collégialité et de notre responsabilité à chacun de la rendre vivante, la vie de chacun de nos diocèses fortifiant celle de tous les autres. Je salue ici de la part des évêques l’équipe de Nexus qui nous accompagne dans ce labeur avec délicatesse, fermeté et persévérance, cette dernière étant bien utile car les transformations concrètes suscitent toujours des résistances, raisonnables ou non. Il en va de même chez les évêques.

Je voudrais ici remercier au nom des évêques de France, toutes celles et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, travaillent dans la Maison de l’avenue de Breteuil. Ils représentés ici à Lourdes par les directeurs nationaux qui sont associés à notre travail sur l’avenir de notre Conférence comme d’ailleurs, à celui mené à la suite de novembre dernier, et ils sont représentés encore par toute l’équipe qui soutient le Secrétariat général et l’équipe communication. Les réflexions que les évêques mènent sur la transformation de la Conférence des évêques peuvent inquiéter toutes ces personnes.

Tout en portant cette inquiétude, nos collaboratrices et collaborateurs apprennent avec nous de tristes nouvelles. Il en va ainsi tous les ans depuis au moins 2016. Je voudrais redire ce que je leur ai dit plus fois : votre fidélité nous impressionne, elle nous oblige. Que, au milieu de mille inquiétudes, en subissant avec nous les flux de révélation des abus commis par quelques-uns, vous consentiez à venir et revenir travailler avec nous, nous encourage vivement. Nous savons ce qui s’y joue dans tout cela de votre foi dans le Christ et de votre engagement spirituel à chacun.

Les séquences de notre Assemblée consacrées au plan triennal ressources et aux finances nous ont à la fois fait sentir la pression de la réalité : il nous faut anticiper raisonnablement une baisse de nos ressources et tenir compte de l’augmentation actuelle des charges du fait, notamment, de l’inflation, et simultanément ces séquences nous ont fait réaliser que la générosité des fidèles nous permettait d’avancer sur le chemin de transformation sans angoisse, avec une grave sérénité.

Une séquence de ces quelques jours a été consacrée à la transformation pastorale de nos diocèses et une autre à la mise en application du Motu Proprio Traditionis Custodes. Les deux sujets sont différents, bien sûr, mais ils convergent cependant. Il s’agit toujours de notre responsabilité de rapprocher de chacun et de chacune la source qu’est le Christ Jésus. Nous devons trouver les moyens de le faire avec moins de prêtres, des communautés moins nombreuses et surtout insérées dans un tissu social sécularisé et déchristianisé, souvent marqué par l’indifférence religieuse, parfois par la forte présence d’autres religions, notamment l’islam. En parcourant nos diocèses, nous avons souvent l’occasion d’admirer la foi et la persévérance de nombreux fidèles. Nous sentons leur souffrance devant l’évolution de leurs enfants ou petits-enfants et l’inquiétude des jeunes parents devant l’avenir de leurs enfants. Nous éprouvons douloureusement combien les fidélités les mieux ancrées peuvent être ébranlées. Le témoignage de notre Eglise dans notre pays ne peut plus être celui d’une Église co-extensive à la société, organisant celle-ci, en déterminant sa culture profonde. Le témoignage est désormais celui d’une communion de pécheurs pardonnés, émerveillés de pouvoir être en chemin vers la sainteté, où chacune et chacun est accueilli et accompagné par tous, où les vérités de la foi ne sont pas une idéologie sociale et politique mais nous tournent vers le Dieu vivant, le Dieu de nos âmes, le Dieu brûlant qui nous appelle à une conversion constante, qui nous arrache à toute autosatisfaction pharisaïque et nous ouvre le chemin des fils prodigues, qui attend que les frères s’accueillent mutuellement et apprennent toujours davantage à s’aimer. Les immenses trésors de la Tradition ne sont pas des pièces de musée ; la Tradition dont nous sommes les gardiens est celle où le Seigneur Jésus, le Messie d’Israël, se donne et est reçu, si bien reçu qu’il peut être partagé.

Alors que notre pays s’apprête à un nouveau grand débat sur la fin de vie, il nous a paru nécessaire de puiser dans notre tradition et dans la réflexion théologique de quoi vous aider, frères et sœurs, chères auditrices et chers auditeurs, à regarder la mort avec des yeux de chrétiens. Nous avons écrit une lettre pastorale dont nous espérons qu’elle sera, peu à peu, lue et travaillée par beaucoup. Car nous avons tous à mourir et nous vivons dans un monde qui vit la mort comme un échec et qui s’effraie de ses approches, les remettant entre les mains des soignants. Il appartient à notre grandeur d’hommes et de femmes, créés à l’image de Dieu, a fortiori de baptisés morts au péché dans le Christ et ressuscités pour vivre en lui, de nous préparer sérieusement au jour de notre mort. Nous le disons à chaque fois que nous prions le « Je vous salue Marie ». A notre société nous voulons dire qu’il est possible de nous entraider, non pas à mourir mais à vivre jusqu’au bout. Nous vous appelons à prier avec instance aussi pour que notre pays continue à indiquer aux sociétés occidentales qu’il y a d’autres voies que la prétendue « douce mort » et le suicide assisté. Dans une société qui vieillit, il faut consacrer des moyens aux soins palliatifs et à l’accompagnement à domicile, il faut que des hommes et des femmes s’y engagent, il convient que chacun de nous se prépare aussi à accompagner tel ou tel de ses proches jusqu’au bout. Sans juger personne, sans mépriser ni condamner, nous avons, nous catholiques, avec nos frères et sœurs chrétiens mais aussi avec beaucoup d’autres, à éclairer nos concitoyens sur les choix qui se dessinent et à orienter nos vies, parfois à contre-courant, pour témoigner d’autres chemins de vie, plus dignes de l’être humain, plus humbles et plus forts, des chemins que nous aurons peut-être, à Dieu ne plaise, à porter ou à parcourir un peu seuls.

Les sanctuaires de Lourdes nous réservent toujours le meilleur accueil. Je remercie ici Mgr Jean-Marc Micas, le recteur, le P. Michel Daubanes à qui nous souhaitons une belle mission dans ce sanctuaire national, les chapelains, les cérémoniaires, les sacristains, celles et ceux qui veillent sur nous à l’accueil Notre-Dame, les hommes et les femmes qui ont veillé à notre sécurité et à notre tranquillité, toutes celles et tous ceux qui contribuent à rendre ces Assemblées paisibles et efficaces. Nous éprouvons toujours ici, auprès de la grotte de Massabielle, combien le Seigneur nous accueille en lui et nous donne de venir et de voir. Nous étions heureux, dimanche soir, de nous joindre à la procession eucharistique. Auprès de Jésus et auprès de Marie, nous avons retrouvé « l’enfant qui pleure ». Nous ouvrons toujours mieux les yeux sur le fait que l’Église, qui devrait être purement et simplement un lieu de paix et de joie, c’est-à-dire de dilatation intérieure et d’espérance en la beauté de l’humanité que Dieu attire à lui, peut être aussi un lieu de douleurs, un lieu d’empêchement, un lieu de tristesse, d’humiliation et d’atteinte à la dignité de l’humanité. Notre génération a reçu la croix de vivre ce temps. A nous, évêques, avec les prêtres et les diacres, de vous aider, frères et sœurs à traverser ces temps en accédant à la joie du Seigneur. A nous tous d’agir, synodalement et collégialement, chacune et chacun pour sa part, pour servir l’œuvre du Christ qui veut se présenter son Église, « sainte, sans tache, sans aucune faute ». Nous espérons tous, frères et sœurs, vous avec nous, nous avec vous, qu’un jour, « l’enfant qui pleure », caché dans une église ou au fond du cœur de trop de personnes, pourra goûter la consolation du Seigneur. Nous voulons agir pour qu’il puisse entendre la parole qui lui est adressée : « Venez et vous verrez ». Des moments de joie intense nous sont donnés, dans nos rassemblements diocésains, dans la messe dominicale, dans tel service vécu dans la lumière du Seigneur.  Sans doute découvrons-nous mieux que l’Église doit être aussi pénitente, mais nous savons que la vraie pénitence conduit à la joie la plus intense.

Notre monde s’inquiète pour son avenir. La COP 27 qui est réunie en Égypte le fait entendre avec force. Les co-présidents du Conseil des Églises chrétiennes de France ont adressé, au début de ce mois, une lettre au Président de la République remise aussi à la Première Ministre. Cette lettre invite à agir avec énergie au cours de la COP, elle salue l’ambition écologique annoncée par le gouvernement, elle constate aussi que le compte n’y est pas, que les décisions envisagées ne suffiront pas pour éviter les drames qui s’annoncent, notamment pour les pays les plus pauvres. La sobriété ne doit pas être une attitude conjoncturelle liée à la guerre en Ukraine et à ses conséquences pour l’approvisionnement en énergie. Elle est une attitude à acquérir et à enraciner spirituellement. Notre humanité se transforme, elle se comprend autrement au sein de l’univers, elle met en cause les repères anthropologiques les plus ancrés. Des jeunes, on dit souvent que nombreux sont parmi eux ceux qui ne savent comment s’orienter, qui hésitent à entrer de plain-pied dans le monde tel qu’il est. Nous les assurons de notre prière. Nous leur adressons un vibrant appel à se rendre à Lisbonne pour les JMJ. Leur rassemblement contribuera à la sanctification de l’Église, leur réponse joyeuse à l’appel du Seigneur, leur communion autour du successeur de Pierre, seront des dons de Dieu pour l’Église et aussi pour toute leur génération. Nous constatons souvent la beauté de la jeunesse catholique.

En concluant cette Assemblée plénière, nous tournons notre attention vers nos concitoyens dont le retour de l’inflation affaiblit gravement les ressources et qui s’inquiètent. Les mois à venir risquent d’être rudes pour beaucoup. Nous implorons Dieu pour l’Ukraine et aussi pour le peuple russe. Nous prions pour les familles endeuillées, pour les morts, les blessés, les familles séparées, pour les vies empêchées par cette guerre. Nous en appelons à la paix dans la vérité et la justice. Nous pensons aussi à l’Arménie, qui vit un drame comparable ; au Liban, à la Syrie, au Burkina-Faso, au Nigéria, au Mali et aux pays d’Afrique menacés par des mouvements islamistes et par l’insuffisance des récoltes. Nous avons une pensée fraternelle pour le peuple iranien et pour le peuple afghan. Pendant que nous étions ici à Lourdes, le pape François effectuait au Bahreïn un voyage sans doute historique. Nous demandons à Dieu que ce voyage puisse porter des fruits nombreux.

Nous osons le dire, nous osons le demander : que la joie de l’Évangile rejoigne chacune et chacun de vous, qu’elle emplisse votre cœur et votre vie à chacun, que tous nous puissions vivre des moments de grâce en demeurant près de Jésus, l’Agneau de Dieu, le Fils bien-aimé du Père. Nous, évêques, avons travaillé et travaillons pour que cela soit possible. Nous vous remercions pour votre prière et vos encouragements, pour votre exigence aussi.

Frères et sœurs, vous tous qui m’écoutez et vous intéressez pour une raison ou pour une autre à la vie de l’Église en France, les évêques tous rassemblés ont voulu vous adresser une lettre, « bouleversés et résolus ». Acceptez de la lire et d’y entendre parler notre cœur et notre responsabilité. Nous nous doutons que le chemin pour guérir les bouleversements, les colères, les inquiétudes sera long. Nous osons croire qu’il vaut la peine et nous vous assurons que nous y sommes engagés.

Merci de votre attention.

[1] Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme dans l’édition des Œuvres complètes du cardinal Henri de Lubac, t. VII (désormais OC VII), éd. par Michel Sales avec la coll. de M.-B. Mesnet, 2003 (la citation se trouve pp. 48-49) ; cette édition reproduit la 7e éd. (1983).

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 « Bouleversés et résolus », message des évêques de France du 8 novembre 2022

Publié le 08 novembre 2022

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Chers frères et sœurs,

Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.

Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres. Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi blessés, atteints en profondeur.

Dans le cas de Michel Santier, nous avons vivement conscience des responsabilités qui nous reviennent et nous avons travaillé pendant notre Assemblée à identifier les dysfonctionnements et les erreurs qui ont mené à une situation choquante pour tous.

Certains ont pu se demander si le droit de l’Eglise n’organisait pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques. Ils pensent, à juste titre, que la responsabilité épiscopale renforce chez ceux qui l’exercent le devoir de droiture et la légitime exigence des fidèles comme de l’institution ecclésiale. Nous le redisons avec force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques.

En raison même de la nature de leur charge apostolique, les évêques dépendent directement du Saint-Siège. Les procédures qui les concernent sont plus complexes et prennent davantage de temps. Nous nous engageons à travailler avec le Saint-Siège aux clarifications et aux simplifications qui s’imposent. Nous avons décidé de mettre en place un Conseil de suivi qui nous permettra de ne pas affronter seuls et entre nous ces situations.

Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les conséquences du rapport de la CIASE ? Nous pouvons en donner l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Eglise s’impliquent de manière plus construite dans la protection des mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape avec eux au cours de cette Assemblée. Ce travail de fond commence à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée.

Une autre question habitait nos cœurs au début de l’Assemblée plénière : y a-t-il, y aura-t-il d’autres affaires de ce genre ? La condition humaine étant ce qu’elle est, nul n’est à l’abri de fautes graves et dramatiques. Mais nous pouvons et nous voulons renforcer dans l’Eglise les processus qui les limitent au maximum et les traitent adéquatement quand elles surviennent.

Dans ce contexte, le communiqué du Cardinal Jean-Pierre Ricard nous a tous bouleversés. Son initiative de révéler lui-même un fait grave de son passé est importante. Nous avons mentionné l’ensemble des situations que nous connaissons. Elles concernent des évêques qui ne sont plus en fonction. Elles ont toutes fait l’objet d’un traitement judiciaire.

Frères et sœurs, humblement mais de tout cœur, nous continuons le travail entrepris pour que l’Eglise soit une maison plus sûre. Les personnes victimes demeurent plus que jamais au cœur de notre attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même. C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Evangile. Telle est notre détermination résolue. Telle est notre humble prière.

A Lourdes, le 8 novembre 2022

BUCHEVWALD (camp de concentration), CAMPS DE CONCENTRATION, FRANCE, GUERRE MONDIALE 1939-1945, HISTOIRE DE FRANCE, LES CHEMINS DE L'AUBE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, RESISTANCE FRANÇAISE, RESISTANTS FRANÇAIS, SYVAIN VERGARA (1930-1993), TEMOIGNAGE

Les chemins de l’aube par Sylvain Vergara

Les chemins de l’aube

Sylvain Vergara

Editions Ampelos, 2022. 112 pages

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En 1985, Elie Wiesel écrivait à Sylvain Vergara : « J’ai lu votre manuscrit, je le trouve bouleversant, vibrant de vérité – il faut le publier. » 37 ans plus tard (et 30 ans après la mort de Sylvain Vergara), ce texte est retrouvé et enfin publié. Seul un extrait en avait paru en 1964 dans la revue Esprit. Arrêté en octobre 1943 comme résistant, Sylvain Vergara, âgé de 18 ans, est emprisonné à Fresnes, torturé puis déporté Nacht und Nebel en février 1944. Il est l’un des plus jeunes internés non-juifs de Buchenwald dont il devait être libéré le 11 avril 1945. Marqué à vie par cette épreuve, il n’a rien écrit d’autre que ce témoignage, rédigé au tout début des années 1960 alors qu’il désespérait de faire entendre sa voix. Ce texte évoquera probablement à bien des lecteurs La Nuit de Wiesel ou Si c’est un homme de Primo Levi. Nous avons choisi de le publier « brut », tel qu’il a été écrit, pour que chacun puisse ainsi découvrir librement une « voix » qui mérite de devenir un classique de cette « littérature du témoignage » malheureusement toujours actuelle.

 

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Le livre oublié de Buchenwald

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Portrait de Sylvain Vergara, résistant déporté en Allemagne en 1943. Auteur de l’ouvrage « Les chemins de l’aube ». Bruxelles, le 27 août 2022

Durant des dizaines d’années, Sylvain Vergara, un Français rescapé du camp de concentration allemand, a vainement cherché à publier son témoignage. Après une longue aventure, son texte, d’une grande qualité littéraire, sort de l’ombre grâce à une petite maison d’édition.

« C’était un silence façonné d’opacité et de brouillard, semblable, peut-être, à celui qui cherche une prière et ne sachant plus prier ne trouve que des voyelles inertes. (…) [Il] entourait les pendus que le vent berçait mollement comme une folle heureuse berce ses enfants. » Ces mots nous viennent d’un rescapé du camp de concentration de Buchenwald. Il les avait couchés il y a soixante ans, dans un magnifique texte, le seul qu’il ait écrit, mais il a fallu tout ce temps pour qu’on les découvre enfin. Sylvain Vergara, c’est son nom, y fait briller le rai froid des miradors et résonner la course résignée des détenus jusqu’à la « place d’appel » et la potence, au moment fatal où les haut-parleurs crient leur matricule. Un témoignage posthume d’une grande force, mais aussi un texte dont le destin était pour lui, hélas, une histoire de survie.

Sylvain Vergara arrive à Buchenwald à 19 ans, le 16 mars 1944, catégorie « NN » (« Nacht und Nebel », « nuit et brouillard »), celle réservée aux opposants politiques destinés à être éliminés. Il vient de passer quatre semaines à Neue Bremm, un camp de torture géré par la Gestapo, et quatre mois derrière les barreaux de la prison de Fresnes, près de Paris, où il avait été emmené après son arrestation, le 25 octobre 1943. Après une première « classique » à l’Institut protestant de Glay, un internat du Doubs, il vivait chez ses parents, dans le presbytère parisien de l’Oratoire du Louvre, où son père était pasteur. Sa vie a basculé quand les Allemands l’ont arrêté.

A Buchenwald, c’est l’un des plus jeunes déportés politiques. Un jour, son numéro, le 29 909, cousu sur sa veste, est appelé dans les haut-parleurs. Il se trouve alors à l’infirmerie et comme il délire sous le coup de la fièvre, le kapo le croit assez proche de la mort pour le laisser tranquille. « Neun und zwanzig neun hundert neun », répétera toute sa vie le déporté…

Son poids ne dépasse pas 40 kilos, le 11 avril 1945, quand il quitte ce camp où sont mortes des dizaines de milliers de personnes, fusillées, pendues, brûlées, suicidées. Le 7 mai, il retrouve Paris et ses parents : sa mère, Marcelle, qui fut elle aussi détenue un temps à Fresnes, et son père, Paul, qui chaque dimanche appelait ses paroissiens à déjouer les rafles. Le couple avait monté un réseau de résistance au sein de l’œuvre sociale du temple de l’Oratoire, La Clairière. Le sauvetage d’au moins soixante-trois enfants juifs leur vaudra la médaille des Justes à titre posthume.

 « Syndromes post-traumatiques »

Un jour d’après-guerre, lors d’une dispute, Sylvain lance pourtant à son père : « Tu n’y étais pas. Tu ne peux pas comprendre ! » Naguère turbulent et joyeux, pianiste autodidacte, amoureux de Nerval et des Romantiques, il revient de cet enfer paumé, brisé. « Il faut que tu trouves un travail », gronde son père après un an d’errance. Le jeune homme postule pour un job de « fort des Halles », ces porteurs de carcasses des boucheries du ventre de Paris, raconte sa fille cadette, Anne Vergara, 65 ans. Retoqué : pas assez costaud. Il loupe ensuite un entretien pour une place de majordome. Sylvain le bien nommé n’aime plus que les forêts, les animaux, la nature. Il suit des cours du soir d’horticulture pour travailler à l’INRA, et entraîne Yvonne, une jeune juive néerlandaise recueillie par ses parents après la rafle du Vel d’Hiv, cultiver des glaïeuls et des vers à soie dans un vieux mas cévenol.

Entre déménagements et nouveaux boulots – depuis Buchenwald, Sylvain Vergara n’est plus très doué pour les relations humaines –, un projet de livre mature secrètement. Les six enfants nés après son mariage avec Yvonne, en 1954, s’inquiètent de le voir agité et anxieux, capable de passer en deux secondes du rire au désespoir ou de vous lancer un verre d’eau à la figure pour un mot malvenu. Le soir de Noël, il s’isole sur son lit : « Son meilleur ami avait été pendu le 24 décembre à Buchenwald, explique Anne Vergara. Les syndromes post-traumatiques des anciens déportés n’étaient pas pris en chargeMa mère essayait de nous protéger de ses souvenirs : elle a brûlé les croquis de pendus, dessinés au charbon de bois, que mon père avait rapportés de là-bas. »

Le texte prend forme. Sylvain s’est choisi un double, « Emmanuel », et ordonne son récit autour de silhouettes qui s’émacient autour de lui : une ronde de masques mortuaires aux yeux « agrandis » tels des « billes froides et teintées » ne laissant sourdre aucune angoisse, tant « ils l’avaient dépassée ». Dans les camps, on parle peu, on économise ses mots « pour ne pas fatiguer sa pensée », on évite de ressusciter les souvenirs heureux. Le jeune prisonnier s’interroge sur le « lent abaissement du moi » et sur cette foi qui, en un tel lieu, peut vous perdre. Un jour, un miroir est installé dans les blocks : les détenus décharnés iront y « contempler leur propre déchéance », se disent les nazis. En guise de pied de nez, « Emmanuel » s’adresse « un vrai sourire, chaud comme un soleil d’été ».

Les enfants Vergara revoient encore leur père raturant son texte allongé sur son lit, tandis que leur mère déchiffre ses « pattes de mouche » et tape sur sa petite machine un manuscrit en deux exemplaires, avec du papier carbone. Il tente de raconter cette « démence » qu’on ne peut « pas comprendre », parle pour ceux qui ne sont pas revenus comme son beau-frère Jacques Bruston, résistant gaulliste de la première heure, déporté et exécuté à Mauthausen. « Sans doute voulait-il expulser une partie de ses tourments et cauchemars », ajoute Eric, le benjamin des enfants. Achevé à la fin des années 1950, le récit est baptisé Les Chemins de l’aube et n’attend plus que d’être publié.

 « Textes apparemment sans gloire »

Mais les éditeurs en ont déjà fini avec les témoignages des camps. L’historienne Annette Wieviorka a détaillé dans ses travaux l’effondrement éditorial de tels récits dès la seconde moitié des années 1940, jusqu’aux années 1974-1975. « Deux ans après la guerre, des auteurs rescapés soulignent déjà dans leurs préfaces qu’ils ont eu le plus grand mal à trouver un éditeur ou s’excusent que le genre de livres qu’ils proposent ne soit guère vendeur », explique l’historien Laurent Joly, qui, en 2016, a analysé avec sa collègue Françoise Passera, de l’université de Caen, les témoignages en tout genre sur la France des années noires. « Dès la fin des années 1940, l’édition préfère les récits d’aventure – un témoignage héroïque d’aviateur ou de marin – à ceux d’anciens rescapés et à la littérature du martyrologe. »

Les mois passent. Personne ne téléphone. Sylvain Vergara a tenté de décrire l’indicible, accroché son récit à la littérature, banni les bons sentiments, mais tout le monde s’en fiche. Cette indifférence le crucifie – c’est comme si on ne le croyait pas. « Il nous demandait de mettre “déporté” sur le carnet scolaire, à côté de “profession du père” », témoigne Inès, une autre de ses filles. Sous ses cheveux en bataille, ses yeux retrouvent un peu de leur éclat bleu quand, en 1964, la revue Esprit choisit, pour célébrer les 20 ans de la Résistance, de clore un numéro spécial avec quelques « textes apparemment sans gloire » et publie les dernières pages de son manuscrit sous le titre : « Dernier jour de Buchenwald ». Vergara croit cette fois son livre lancé. Mais non.

« Je me souviens de lui dans son fauteuil club en cuir, de ses sanglots et de ses larmes qui coulaient », raconte encore Inès Vergara. Il doit rejoindre une clinique spécialisée dans les dépressions. L’ami d’une amie, Charles Salzmann, intime et ancien conseiller de François Mitterrand, lui fait rencontrer en 1985 Elie Wiesel, futur Prix Nobel de la paix. Sylvain lui confie une copie de son récit. « Il faut publier » ce texte « bouleversant », écrit Wiesel de l’université de Boston, où il enseigne. Ce rescapé de la Shoah est lui-même l’auteur d’un livre sur sa déportation à Auschwitz et Buchenwald, La Nuit, un best-seller.

Pour Vergara, l’espoir se lève enfin. Plusieurs lettres suivent, pendant quatre ans : « J’attends toujours la parution de votre livre, insiste Wiesel. Je vais tout faire pour qu’il soit lu. » Rien, toujours rien. En 1989, une très ancienne paroissienne de son père, décidée à sauver le texte de l’oubli, en fait publier quelques dizaines à compte d’auteur, sous une couverture pâle. « De toute façon, ça finira au pilon », soupire Sylvain, qui brûle lui-même, deux ans plus tard, ce qu’il croit être les derniers exemplaires, avant de mourir à Nîmes, un jour de l’hiver 1993.

Quand, fin 2021, Denis Faure, animateur des Cahiers du Centre de généalogie protestante, arrive chez les enfants Vergara, c’est d’abord pour parler du grand-père, le pasteur, le Juste, et de son réseau, La Clairière, qui servait en 1943 d’« adresse » et de lieu de réunion à Daniel Cordier et au secrétariat du Conseil national de la Résistance. Denis Faure finit d’explorer l’arbre généalogique familial lorsque Anne Vergara lui lance : « Au fait… Mon père a écrit un récit de déportation. Je vous en offre un. » Le manuscrit original a disparu, comme les deux doubles tapés à la machine, mais quelques exemplaires imprimés ont échappé à l’autodafé.

 Epopée héroïque

  1. Faure et son épouse sont saisis par « l’assemblage de scènes qui font comme de petites nouvelles et dessinent une série d’amitiés ». Au fil des pages défilent ainsi l’Espagnol « Santamaria », dont la mort persuade le jeune déporté que, pour survivre, il faut « abolir ses souvenirs », surtout les bons, ou« Léon » (Léon Cardin, un médecin belge rescapé), qui fait brûler le pain du gamin pour guérir sa dysenterie avec ce charbon de bois. En décembre 2021, le texte est transmis à Eric Peyrard, le fondateur d’une petite maison d’édition, Ampelos, spécialisée dans les figures et l’histoire protestantes. Sans hésiter, il fait saisir Les Chemins de l’aube pour le publier dès que possible. Et c’est ainsi que paraissent, ce jeudi 1er septembre, malheureusement sans introduction ni notes, les 112 pages signées Sylvain Vergara.

Poussée par Denis Faure, sa fille Anne a entre-temps réclamé son dossier militaire. Elle l’a reçu en mars, au moment du décès de sa mère. Dans la chemise brune envoyée par le ministère des anciens combattants figuraient la carte de déporté politique de Sylvain Vergara (1945), mais aussi les témoignages joints dans les années 1950 à sa demande de carte de « déporté résistant » (on les estime à 42 000, dont 23 000 seulement ont survécu). Sylvain Vergara, gaulliste convaincu, tenait beaucoup à ce statut, qu’il avait fini par obtenir en 1971.

« N’ayant pu trouver [Paul] Vergara, la Gestapo emmène son fils en otage », écrit, le 29 novembre 1945, le bras droit de Jean Moulin, Daniel Cordier, dans une attestation. De fait, la famille a toujours pensé qu’il était tombé au nom du réseau de La Clairière. Mais dans le dossier brun, des lettres un peu plus tardives d’anciens professeurs ou d’étudiants de l’Institut protestant de Glay attestent de l’appartenance du jeune Sylvain à un tout autre réseau de résistance, celui monté par les responsables de cet internat du Doubs.

« Pour nous, c’est une découverte, dit Anne Vergara. Les Allemands ont sans doute compris à Fresnes que mon père était membre de ce groupe du Doubs, et c’est pour cette raison qu’il a été envoyé à Buchenwald. Avec mes frères et sœurs, il nous revient maintenant qu’il évoquait des souvenirs de sabotage de trains avec des cheminots alors qu’il était lycéen… » Cette épopée-là, héroïque, aurait peut-être plu aux éditeurs. Mais, pour Sylvain Vergara, seul comptait son récit sur Buchenwald, ce livre qu’il s’était résigné à avoir écrit pour rien quand il s’est éteint.

Archives de la famille Vergara. Bruxelles, le 27 août 2022
Archives de la famille Vergara. Bruxelles, le 27 août 2022

Source Le Monde

 https://infojmoderne.com/2022/09/03/le-livre-oublie-de-buchenwald/

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Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris, au cœur de l’histoire

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Notre-Dame est depuis 850 ans témoin des grandes heures de l’histoire de France. La Croix revient sur cinq moments, cinq dates de l’histoire de la cathédrale où elle n’a pas été seulement un lieu spirituel, mais aussi un lieu temporel et politique.

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Le Sacre de Napoléon par Jacques-Louis David (1808, musée du Louvre).MUSÉE DU LOUVRE, PARIS

Du sacre de Napoléon au Te Deum de la Libération, Notre-Dame de Paris a accueilli de nombreux événements marquants dans l’histoire de France. Au Moyen Âge, à la Renaissance, sous la Révolution, au XIXe siècle et à la Libération… La Croix fait le récit de cinq de ces moments clés.

Au Moyen Âge, une cathédrale politique (1/5)

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Vue générale de Paris sous Philippe-Auguste, gravure du XIXe siècle.

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Philippe Auguste, roi de France (1165-1223)

Au XIIIe siècle, Notre-Dame – dont la construction a débuté en 1165 – n’est pas encore achevée, mais le roi Philippe Auguste entend bien lui donner un rôle majeur dans la grande entreprise de son règne : la restauration du royaume de France.

► Après la Saint-Barthélemy, une cathédrale catholique (2/5)

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Mariage de Henri IV et de Marguerite de Valois le 18 août 1572. Lithographie de Régnier, 1832. B.N.F.

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Portrait du roi de France Henri IV, par Louis Hersent (1777-1860). Musée du château de Versailles (photo recadrée). / NPL/OPALE

Après avoir été le théâtre de la réconciliation manquée entre les catholiques et les protestants pour le mariage d’Henri de Navarre et Marguerite de Valois, le 18 août 1572, Notre-Dame devient un symbole de la royauté catholique à la fin du XVIe siècle sous le règne d’Henri IV, puis de son fils, Louis XIII.

► Sous la Révolution, une cathédrale républicaine (3/5)

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La fête de la raison à Notre-Dame de Paris le 10 novembre 1793, par Charles-Louis Müller.

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Jacques-René Hébert, l’un des leaders de la Commune, 1889. / HERITAGE/COLL.CHRISTOPHEL

D’abord objet de fascination pour les révolutionnaires de 1789, Notre-Dame est victime de l’entreprise de déchristianisation menée par la Commune pendant la Terreur. Vandalisée, elle retrouve de sa superbe avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon qui tente de rétablir la paix religieuse dans le pays.

► Notre-Dame de Paris : avec Victor Hugo et Viollet-le-Duc, une cathédrale culturelle (4/5)

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Notre-Dame de Paris, par Arthur Ranson, couverture de Look and Learn, 1979.

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Victor Hugo jeune, lithographie couleur d’après une peinture à l’huile de Paul Gavarni, 1829. / Bridgeman Images

Au début du XIXe siècle, la cathédrale est délaissée et se trouve dans un état de délabrement avancé. Publié en 1831, le roman de Victor Hugo Notre-Dame de Paris joue un rôle essentiel dans sa réappropriation et elle bénéficie d’un grand plan de restauration confié une dizaine d’années plus tard à l’architecte Eugène Viollet-le-Duc.

► À la Libération, la cathédrale de la nation (5/5)

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La joie des Parisiens à la Libération devant Notre-Dame en août 1944.

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Charles de Gaulle à son arrivée à Notre-Dame pour le Te Deumle 26 août 1944. / JEAN-MARIE MARCEL / ADOC-PHOTOS

En 1944, le général de Gaulle est à Paris pour célébrer la Libération de la capitale. Il sait le passage par Notre-Dame obligé, mais il s’en méfie : le général tient à affirmer une conception laïque de la République et veut éviter de se compromettre avec certains religieux.

https://www.la-croix.com/France/Notre-Dame-Paris-Moyen-Age-cathedrale-politique-1-5-2022-08-22-1201229703

https://www.la-croix.com/France/Notre-Dame-Paris-Saint-Barthelemy-cathedrale-catholique-2-5-2022-08-23-1201229824

https://www.la-croix.com/France/Notre-Dame-Paris-Revolution-cathedrale-republicaine-3-5-2022-08-24-1201229963

https://www.la-croix.com/France/Notre-Dame-Paris-Victor-Hugo-Viollet-Le-Duc-cathedrale-culturelle-4-5-2022-08-25-1201230126

https://www.la-croix.com/France/Notre-Dame-Paris-Liberation-cathedrale-nation-5-5-2022-08-26-1201230291

CATHOLIQUES, EGLISE CATHOLIQUE, FRANCE, GUERRES DE RELIGION (France ; 1562-1598), HENRI IV (roi de France ; 1553-1610), HISTOIRE DE FRANCE, HISTOIRE DE L'EGLISE, LE MASSACRE DE LA SAINT-BARTHELEMY VU PAR MARGUERITE DE VALOIS, MARGUERITE DE VALOIS (1553-1615), MASSACRE DE LA SAINT BARTHELEMY (24 août 1572), PROTESTANTISME, SAINT BARTHELEMY (24 août 1572)

Le massacre de la Saint-Barthélémy vu par Marguerite de Valois

Le Massacre de la Saint-Barthélémy selon Marguerite de Valois

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Le récit de Marguerite de Valois, témoin oculaire du massacre de la Saint-Barthélemy, est l’un des plus célèbres témoignages de cet événement, et le seul écrit, laissé par un membre de la famille royale française de l’époque. Son récit apparaît dans ses mémoires sous la forme de la Lettre V, décrivant la nuit précédant le massacre et les événements dont elle fut témoin pendant celui-ci.

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Marguerite de Valois (alias la reine Margot, 1553-1615) était la fille de Catherine de Médicis (1519-1589) et du roi Henri II de France (r. de 1547 à 1559). Elle était fiancée à Henri de Navarre (futur Henri IV de France, 1553-1610) dans un mariage arrangé destiné à encourager la réconciliation entre les catholiques et les protestants (huguenots) en France, engagés dans un conflit armé depuis 1562. Le mariage, arrangé par la catholique Catherine de Médicis et la mère d’Henri, la reine protestante de Navarre, Jeanne d’Albret (1528-1572), était envisagé comme une grande affaire célébrant la tolérance religieuse par l’union de la mariée catholique et du marié protestant.

 ON ESTIME QU’ENVIRON 5 000 PROTESTANTS FURENT ASSASSINÉS À PARIS DANS LES JOURS QUI SUIVIRENT LES PREMIÈRES TUERIES, ET QUE LEUR NOMBRE POURRAIT ATTEINDRE 25 000 À 30 000 AU TOTAL.

Le mariage fixé au 18 août 1572, attira de grandes foules de protestants dans la ville de Paris, majoritairement catholique, y compris les principaux dirigeants protestants. Parmi ceux-ci figuraient Henri de Navarre, l’époux, Henri Ier de Bourbon, prince de Condé (1552-1588), et Gaspard II de Coligny, amiral de France (1519-1572). Quelques jours après le mariage, le 22 août, un attentat fut perpétré contre Coligny, qui fut blessé, et les dirigeants protestants exigèrent une réponse appropriée du roi catholique Charles IX (r. de 1560 à 1574), du conseil municipal et de Catherine de Médicis. Ils reçurent l’assurance que l’assassin serait attrapé et puni alors que, dans le même temps, le roi, la reine mère et le conseil se mettaient d’accord sur un plan visant à assassiner tous les dirigeants protestants, car ils craignaient un soulèvement majeur pour venger Coligny.

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Le complot fut officialisé dans la nuit du 23 août 1572 (date parfois donnée comme le début du massacre) et mis à exécution le lendemain, en commençant par le meurtre de Coligny et des autres chefs, puis en s’étendant à tous les protestants. On estime qu’environ 5 000 protestants furent assassinés à Paris dans les jours qui suivirent les premières tueries, et que ce chiffre pourrait atteindre 25 000 à 30 000 au total car la nouvelle du massacre parisien s’était répandue et que d’autres villes avaient suivi le pas. Il existe un certain nombre de récits de témoins oculaires de l’événement dans différents quartiers de Paris, mais seul celui de Marguerite, un membre de la famille royale, détaille ce qui se passa dans le palais pendant le massacre. La réconciliation espérée ne se concrétiserait jamais, et les guerres de religion françaises se poursuivraient jusqu’en 1598.

Contexte

Les tensions entre protestants et catholiques s’étaient accrues depuis 1534, lorsque François Ier (r. de 1515 à 1547) revint sur sa politique de tolérance à l’égard des protestants à la suite de l’événement connu sous le nom d’affaire des Placards, lorsque des messages anticatholiques furent affichés dans tout Paris et dans d’autres villes. Le fils de François Ier, Henri II, poursuivit les persécutions de son père contre les protestants jusqu’à ce qu’il ne soit mortellement blessé lors d’un tournoi de joute et meure en 1559. Son fils François II (r. de 1559 à 1560), âgé de 15 ans, lui succéda. Bien qu’assez âgé pour gouverner seul, il était contrôlé par sa mère, Catherine de Médicis.

Catherine invita deux puissants nobles catholiques de la famille de Guise, François, duc de Guise (1519-1563), et son frère Charles, cardinal de Lorraine (1524-1574), à conseiller le roi, et ils l’isolèrent rapidement de ses anciens conseillers, qui comprenaient Louis de Bourbon, prince de Condé (1530-1569, père d’Henri Ier de Bourbon) et l’amiral Coligny. En réponse, ces hommes s’associèrent à ce qui fut connu sous le nom de Conjuration d’Amboise, un complot visant à enlever François II pour neutraliser l’influence des frères de Guise, en 1560. Le complot fut découvert, la plupart des conspirateurs furent emprisonnés ou exécutés (Condé fut emprisonné, Coligny fut épargné), et les Guise utilisèrent l’événement dans leur propagande anti-protestante.

François II mourut en 1560 et son frère Charles IX lui succéda. En 1562, François, duc de Guise, déclencha les guerres de religion françaises (1562-1598) en massacrant les membres d’une congrégation protestante lors du massacre de Vassy, et Louis de Bourbon (qui avait été libéré de prison) répondit en prenant la ville d’Orléans pour les protestants. Les trois premières guerres de religion françaises tuèrent Condé et François, duc de Guise, ainsi que des milliers d’autres personnes, et en 1572, le ressentiment couvait dans les deux camps.

Mariage et massacre

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Catherine de Médicis proposa le mariage arrangé à Jeanne d’Albret dans le but d’apaiser ces tensions en unissant une catholique et un protestant dans le mariage. Jeanne d’Albret mourut de causes naturelles en juin 1572, et la rumeur se répandit parmi les protestants qu’elle avait été empoisonnée par Catherine, ce qui ne fit qu’accroître les tensions. L’extravagance du mariage royal ne fit qu’aggraver la situation, car les récoltes avaient été mauvaises cette année-là et les impôts élevés, de sorte que les gens du peuple étaient déjà pleins de ressentiment, sans compter les désaccords religieux et les conspirations d’intrigues politiques et de meurtres.

 LES ROTURIERS, SUIVANT L’EXEMPLE DES SOLDATS ROYAUX, COMMENCÈRENT À MASSACRER TOUS LES PROTESTANTS OU SYMPATHISANTS PROTESTANTS DE LA VILLE.

Dans une atmosphère déjà si tendue, l’amiral Coligny fut blessé lors d’une tentative d’assassinat le 22 août. Craignant des représailles, le conseil municipal, Catherine et Charles IX se mirent d’accord sur le plan d’exécution de tous les autres chefs protestants la nuit du 23. Ce plan fut mis à exécution le lendemain matin avec l’assassinat de Coligny, puis des autres protestants notables. Les roturiers, suivant l’exemple des soldats royaux, commencèrent alors à massacrer tous les protestants ou sympathisants protestants de la ville. De nombreux catholiques, horrifiés par ce massacre, cachèrent des protestants dans leurs caves ou leurs greniers.

Un certain nombre de protestants – dont Henri de Navarre et Henri Ier de Bourbon – promirent de se convertir au catholicisme pour se sauver (puis ne tinrent pas leur promesse une fois en sécurité hors de la ville). D’autres encore réussirent à se déguiser en catholiques (en portant un livre de prières catholique ou par d’autres moyens similaires) ou se cachèrent du mieux qu’ils purent. Il était impossible de s’échapper de la ville, car Charles IX avait ordonné que les portes soient fermées et verrouillées la nuit précédente et que des chaînes soient tendues dans les rues pour empêcher tout mouvement à grande échelle.

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Le texte

Le récit suivant commence par la nuit du 23 et se poursuit le 24 et après. Les noms figurant dans la dernière phrase du premier paragraphe sont tous des chefs protestants tués lors du massacre. Le M. de Guise mentionné par Marguerite est Henri Ier, duc de Guise (1550-1588), fils de François, duc de Guise. La sœur de Marguerite, qu’elle appelle Lorraine, est Claude de France, duchesse de Lorraine (1547-1575), qui était revenue à Paris pour le mariage.

Le texte est tiré des Mémoires de Marguerite de Valois, pp. 39-43, Lettre V

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Le roy Charles, qui estoit tres-prudent, et qui avoit esté toujours très-obéissant à la Royne ma mere, et prince tres-catholique, voyant aussi de quoy il y alloit, prist soudain resolution de se joindre à la Royne sa mere, et se conformer à sa volonté, et guarentir sa personne des huguenots par les catholiques; non sans toutefois extreme regret de ne pouvoir sauver Teligny, La Noue, et monsieur de La Rochefoucault.

Et lors allant trouver la Royne sa mere, envoya querir monsieur de Guise et tous les autres princes et cappitaines catholiques, où fust pris resolution de faire, la nuict mesme, le massacre de la saint Barthelemy.

Et mettant soudain la main à l’œuvre, toutes les chaisnes tendues, le tocsin sonnant, chacun courut sus en son quartier, selon l’ordre donné, tant à l’admirai qu’à tous les huguenots. Monsieur de Guise donna au logis de l’admiral, à la chambre duquel Besme, gentilhomme allemand, estant monté, apres l’avoir dague le jetta par les fenestres à son maistre monsieur de Guise. Il est permis de douter qu’une pareille résolution ait été prise et exécutée d’une manière aussi instantanée.

Pour moy, l’on ne me disoit rien de tout cecy. Je voyois tout le monde en action; les huguenots desesperez de cette blesseure messieurs de Guise craingnans qu’on n’en voulust faire justice, se.suschetans tous à l’oreille.

Les huguenots me tenoient suspecte parce que j’estois catholique, et les catholiques parce que j’avois espousé le roy de Navarre, qui estoit huguenot.

De sorte que personne ne m’en disoit rien, jusques au soir qu’estant au coucher de la Royne ma mêre-, assise sur un coffre auprès de ma sœur de Lorraine, que je voyois fort triste, la Royne ma mere parlant à quelques-uns m’apperceut, et me dit que je m’en allasse coucher. Comme je lui faisois la révérence, ma sœur me prend par.le bras, et m’arreste en se prenant fort à pleurer, et me dict « Mon Dieu, ma sœur, n’y allez pas. » Ce qui m’effraya extremement. La Royne ma mere s’en apperceut, et appella ma sœur, et s’en courrouça fort à elle, luy detïendant de me rien dire. Ma sœur luy dit qu’il n’y avoit point d’apparence de m’envoyer :sacrifier comme, cela, et que sans doubte s’ils descouvroient quelque chose, ils se vengeroient sur moy. La Royne ma mere respond, que s’il plaisoit à Dieu, jen’aurois point de mal, mais quoy que ce fust, il falloit que j’allasse, de peur de leur faire soupçonner quelque chose qui empeschast l’effect.

Je voyois bien qu’ils se contestoient et n’entendois pas leurs paroles.

Elle me commanda encore rudement que je m’en allasse coucher. Ma soeur fondant en larmes me dit bon soir, sans m’oser dire aultre chose, et moyje m’en vois toute transie, esperdue, sans me pouvoir imaginer ce que j’avois à craindre.

Soudain que je fus en mon cabinet, je me mets à prier Dieu qu’il luy plust me prendre en sa protection, et.qu’il me gardast,.sans savoir de. quoy ni de qui. Sur cela le Roy mon mary qui s’estoit mis au lict, me mande que je m’en allasse coucher; ce que je feis, et trouvay son lict entourré de trente ou quarante huguenots que je ne cognoissois point encore, car il y. avoit fort peu de jours que j’estois mariée. Toute la nuict ils ne firent que parler de l’accident qui estoit advenu à monsieur l’admirai, se resolvants, des qu’il seroit jour, de demander justice au Roy de monsieur de Guise, et que si on ne la leur faisoit, qu’ils se la feroient eux-mesmes.

Moy j’avois tousjours dans le cœur les larmes de ma soeur, et ne pouvois dormir pour l’apprehension en quoy elle m’avoit mise sans sçavoir de quoy. La nuict se passa de cette façon sans fermer l’œil. Au poinct du jour, le Roy mon marydict qu’il vouloit aller jouer à la paulme attendant que le roy Charles seroit esveillé, se resolvant soudain de luy demander justice. Il sort de ma chambre, et tous ses gentilshommes aussy.

Moy volant qu’il estoit jour, estimant que le danger que ma sœur m’avoit dict fust passé, vaincue du sommeil, je dis à ma nourrice qu’elle fermast la porte pour pouvoir dormir à mon aise. Une heure apres, comme j’estois plus endormie, voicy un homme frappant des pieds et des mains à la porte, criant « Navarre! Navarre! Ma nourrice pensant que ce fust le Roy mon mary, court vistement à la porte et lui ouvre. Ce fust un gentilhomme nommé monsieur de Lëran qui avoit un coup d’espée dans le coude et un coup de hallebarde dans le bras, et estoit encores poursuivy de quatre archers, qui entrèrent tous apres luy en ma chambre. Luy se voulant guarantir se jetta sur mon lict. Moy sentant cet homme qui me tenoit, je me jette à la ruelle, et luy apres moy, me tenant tousjours au travers du corps. Je ne cognoissois point cet homme, et ne sçavois s’il venoit là pour m’oSënser, ou si les archers en vouloient à luy ou à moy. Nous croyons tous deux, et estions aussi effrayez l’un que l’aultre. Enfin Dieu voulust que monsieur de Nancay cappitaine des gardes y vinst, qui me trouvant en cet estat-là, encores qu’il y eust de la compassion, ne se peust tenir de rire; et se courrouçant fort aux archers de cette indiscrétion il les Est sortir, et me donna la vie de ce pauvre homme qui me tenoit, lequel je feis coucher et penser dans mon cabinet jusques à tant qu’il fust du tout guary. Et changeant de chemise, parce qu’il m’avoit toute couverte de sang, monsieur de Nancay me conta ‘ce qui se passoit, et m’asseura que le Roy mon mary estoit dans la chambre du Roy, et qu’il n’auroit point de mal. Me faisant jetter un manteau de nuict sur moy, il m’emmena dans la chambre de ma soeur madame de Lorraine’, où j’arrivay plus morte que vive, où entrant dans l’antichambre, de laquelle les portes estoient toutes ouvertes, un gentihomme nommé Bourse, se sauvant des archers qui le poursuivoient, fust percé d’un coup de hallebarde à trois pas de moy. Je tombay de l’aultre costé presque esvanouie entre les bras de monsieur de Nançay, et pensois que ce coup nous eust percez tous deux. Et estant quelque peu remise, j’entray en la petite chambre où coucholt ma sœur. Comme j’estois ]à, monsieur de Miossans, premier gentil-homme du Roy mon mary et Armagnac, son premier vallet de chambre, m’y vindrent trouver pour me prier de leur sauver la vie. Je m’allay jetter à genoux devant le Roy et la Royne ma mere pour les leur demander; ce qu’enfin ils m’accordèrent.

Cinq ou six jours après, ceux qui avoient commencé cette partie, cognoissans qu’ils avaient failli à leur peincipal dessein n’en voulant point tant aux huguenots qu’aux princes du sang, portoient impatiemment que le Roy mon mary et le prince de Condé fussent demeurez. Et congnoissant qu’estant mon mary, que nul ne voudroit attenter contre luy, ils ourdissent une autre trame. Ils vont persuader à la Royne ma mere qu’il me falloit desmarier. En cette resolution estant allée un jour de feste son lever, que nous debvions faire noz Pasques, elle me prend à serment de luy dire vérité, et me demande si le Roy mon mary estoit homme, me disant que si cela n’estoit, elle auroit moyen de me desmarier. Je la suppliay de croyre que je ne me cognoissois pas en ce qu’elle me demandoit (aussi pouvois-je dire lors à la vérité comme cette Romaine, à qui son mary se courrouçant de ce qu’elle ne l’avoit adverty qu’il avoit l’haleine mauvaise, luy respondit qu’elle croyoit que tous les hommes l’eussent semblable, ne s’estant jamais approchée d’aultre homme que de luy); mais quoy que ce fust, puis qu’elle m’y avoit mise, j’y voulois demeurer; me doutant bien que ce qu’on vouloit m’en séparer estoit pour luy faire un mauvais tour.

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(Mémoires et lettres de Marguerite de Valois (Nouv. éd.) / publiée par M. Guessard)

Conclusion

Henri de Navarre et Henri Ier de Bourbon, prince de Condé, s’échappèrent tous deux de Paris, ils se dirigèrent vers le sud et dirigèrent ensuite les forces protestantes contre Henri Ier, duc de Guise, et Henri III de France (r. de 1574 à 1589, successeur de Charles IX). Le mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois échoua de manière spectaculaire dans sa tentative à atteindre la paix et la réconciliation espérées. Le massacre de la Saint-Barthélemy commença moins d’une semaine après le mariage, le massacre de Paris encouragea la même chose ailleurs, et la quatrième des guerres de religion françaises débuta avec une France divisée entre une population majoritairement catholique du nord et les protestants du sud.

Le mariage d’Henri et de Marguerite ne fut pas non plus heureux car elle ne put lui donner d’héritier, tous deux furent infidèles, et en 1585, Marguerite abandonna son mari et rejoignit Henri Ier, duc de Guise, et sa Ligue catholique contre lui. Elle l’avait déjà quitté pendant de courtes périodes avant cela, et sa mère, dégoûtée, l’avait déshéritée et ne lui adressa plus jamais la parole. Une annulation du mariage fut accordée à la demande des deux parties, en 1599.

Henri de Navarre, comprenant que Paris n’accepterait jamais un roi protestant, se convertit au catholicisme et succéda à Henri III après la mort de ce dernier pour devenir Henri IV de France qui mit fin aux guerres de religion françaises, officiellement du moins, par l’édit de Nantes en 1598. Il fut assassiné par un zélote catholique en 1610, et Marguerite mourut de maladie en 1615. Bien que les guerres de religion, qui avaient ravagé le pays depuis 1562, aient été terminées, les divisions causées par l’intolérance et la haine religieuses se poursuivirent, et il était manifestement naïf de penser qu’un mariage aurait pu réconcilier de quelque manière que ce soit les factions en guerre. Trois ans après la mort de Marguerite, les différences religieuses allaient alimenter la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui allait coûter 8 millions de vies supplémentaires en plus de celles déjà perdues.