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BALZAC : LE JEU DES APPARENCES
La Comédie humaine
Honoré de Balzac
Paris, Gallimard/La Pléiade, 1976-
La Comédie humaine est le titre sous lequel Honoré de Balzac a regroupé un ensemble de plus de 90 ouvrages — romans, nouvelles,— de genres réaliste, romantique, fantastique ou philosophiques, et dont l’écriture s’échelonne de 1829 à 1850.
Par cette œuvre, Balzac veut faire une « histoire naturelle de la société », explorant de façon systématique les groupes sociaux et les rouages de la société, afin de brosser une vaste fresque de son époque susceptible de servir de référence aux générations futures.
Il répartit ses récits en trois grands ensembles : Études de mœurs, Études philosophiques et Études analytiques. Le premier est le plus important et se divise lui-même en six sections, explorant divers milieux sociaux et régions de la France. Les ouvrages sont liés entre eux de façon organique par plusieurs centaines de personnages susceptibles de reparaître dans divers romans, à des moments variés de leur existence. Pour assurer l’unité de son œuvre, Balzac corrige et récrit inlassablement nombre de ses ouvrages, afin de mieux les fondre dans un plan d’ensemble qui est allé compter jusqu’à cent quarante-cinq titres.
Créateur du roman moderne, Balzac veut décrire la totalité du réel et s’intéresse à des réalités jusque-là ignorées en littérature, parce que laides ou vulgaires. Il montre sous ses diverses formes la montée du capitalisme et la toute-puissance de l’argent, menant à la disparition de la noblesse et à la dissolution des liens sociaux. Le titre a été choisi en référence à la Divine Comédie de Dante. Mais au lieu d’une entreprise théologique, l’auteur s’est voulu sociologue et a créé un univers non manichéen, où l’amour et l’amitié tiennent une grande place, et qui met en lumière la complexité des êtres et la profonde immoralité d’une mécanique sociale où les faibles sont écrasés tandis que triomphent le banquier véreux et le politicien vénal.
Doué du génie de l’observation, Balzac a créé des types humains saisissants de vérité. Certains de ses personnages sont tellement vivants qu’ils sont devenus des archétypes, tels Rastignac, le jeune provincial ambitieux, Grandet, l’avare tyran domestique, ou le père Goriot, icône de la paternité. Il accorde une place importante aux financiers et aux notaires, mais aussi au personnage de Vautrin, le hors-la-loi aux identités multiples. Son œuvre compte une importante proportion de courtisanes et de grisettes, à côté de femmes admirables et angéliques. L’importance qu’il donne à celles-ci et à leur psychologie lui a valu très tôt un lectorat féminin enthousiaste.
En dépit de l’opposition de l’Église, cette œuvre devient très vite un phénomène d’imprimerie et obtient un immense retentissement en France et en Europe, influençant profondément le genre du roman. Traduite en de nombreuses langues, elle est encore rééditée aujourd’hui et a souvent fait l’objet d’adaptations au cinéma et à la télévision.
DUMAS : LA NATURE HUMAINE
Le Comte de Monte-Cristo
Alexandre Dumas
Paris, R. Laffont, 1993.
Le Comte de Monte-Cristo est un roman d’Alexandre Dumas, écrit avec la collaboration d’Auguste Maquet et dont la publication commence durant l’été 1844. Il est partiellement inspiré de faits réels, empruntés à la vie de Pierre Picaud.
Le livre raconte comment, au début du règne de Louis XVIII, le 24 février 1815, jour où Napoléon quitte l’île d’Elbe, Edmond Dantès, jeune marin de dix-neuf ans, second du navire Le Pharaon débarque à Marseille pour s’y fiancer le lendemain avec la belle Catalane Mercédès. Trahi par des « amis » jaloux, il est dénoncé comme conspirateur bonapartiste et enfermé dans une geôle du château d’If, au large de Marseille. Après quatorze années, d’abord réduit à la solitude et au désespoir puis régénéré et instruit en secret par un compagnon de captivité, l’abbé Faria, il réussit à s’évader et prend possession d’un trésor caché dans l’île de Montecristo dont l’abbé, avant de mourir, lui avait signalé l’existence. Riche et puissant désormais, Dantès se fait passer pour divers personnages, dont le comte de Monte-Cristo. Il entreprend de garantir le bonheur et la liberté aux rares qui lui sont restés fidèles et de se venger méthodiquement de ceux qui l’ont accusé à tort et fait emprisonner.
Ce roman est, avec Les Trois Mousquetaires, l’une des œuvres les plus connues de l’écrivain tant en France qu’à l’étranger. Il a d’abord été publié en feuilleton dans le Journal des débats du 28 août au 19 octobre 1844 (1re partie), du 31 octobre au 26 novembre 1844 (2e partie), puis finalement du 20 juin 1845 au 15 janvier 1846 (3e partie).
Tomberez-vous ensuite dans cette bibliothèque, qui vous est si familière et dont vous ne connaissez pourtant pas tous les ouvrages, sur un roman de Dumas ? Pourquoi ne pas enfin foncer dans la terrible histoire en trois tomes d’Edmond Dantès ? Comment ne pas être bouleversé par ce chapitre XV intitulé « Le numéro 34 et le numéro 27 », ce chapitre où Dantès prisonnier au château d’If, si seul, si déshumanisé, au bord du désespoir, creuse un tunnel et dit « Ah ! murmura-t-il, j’entends parler un homme. » Le rapprochement des deux prisonniers qui ne sont que deux numéros donne lieu à une fin de chapitre émouvante : « Aussitôt la portion de terre sur laquelle Dantès, à moitié perdu dans l’ouverture, appuyait ses deux mains, sembla céder sous lui ; il se rejeta en arrière, tandis qu’une masse de terre et de pierres détachées se précipitait dans un trou qui venait de s’ouvrir au-dessous de l’ouverture que lui-même avait faite ; alors, au fond de ce trou sombre et dont il ne pouvait mesurer la profondeur, il vit paraître une tête, des épaules et enfin un homme tout entier qui sortit avec assez d’agilité de l’excavation pratiquée. »
Entendre « parler un homme ». Voir paraître « un homme tout entier. C’est ce que peut la littérature. Ici, Alexandre Dumas participe avec son style propre et pour reprendre les mots de Fumaroli « à cette enquête sur la nature humaine ». Tout Dumas est intéressant, met le pied à l’étrier de la lecture, mais il est permis de choisir et d’aimer plus particulièrement Le Comte de Monte-Cristo.
HUGO ET BLOY : DES LIGNES DE FEU
Comment dans ces choix assez ne pas penser à Victor Hugo, à la somme des Misérables ? Où que vous ouvriez le livre, que vous le lisiez en continu ou à sauts et à gambades, tout vous touche. Dès la préface on est averti : « Tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. » L’histoire de Jean Valjean et de Cosette, l’incontournable histoire de la littérature française, celle du forçat injustement condamné et de l’enfant malheureuse, de la jeune femme abandonnée devenue fille publique, de l’évêque sublime et de Gavroche chantant sur les barricades, non, cette histoire n’est pas inutile encore aujourd’hui à l’heure des Gilets jaunes. Et une fois Hugo lu, jetez-vous dans la poignante histoire de La Femme pauvre de Léon Bloy. Des lignes de feu.
Les Misérables
Victor Hugo
Paris, ¨Pocket, 2013. 1664 pages
De l’œuvre entière se dégage cette pensée sociale exposée dans la préface : « Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la fatalité, qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle : la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci ne seront pas inutiles. »
Le héros des Misérables est Jean Valjean, l’émondeur de Faverolles, condamné au bagne pour un pain volé, un jour que les enfants de sa sœur avaient faim. À titre de prologue, Victor Hugo nous présente un respectable évèque, Mgr Myriel (Bienvenu Miollis) qui incarne toutes les vertus du catholicisme primitif. Un pauvre diable déguenillé, hâve, souillé de boue et de poussière, vient demander l’hospitalité à l’évêque. L’évêque l’accueille, le couche. Au petit jour, l’homme déguerpit, emportant quelques couverts d’argent laissés sur la table. C’est Jean Valjean. Saisi par les gendarmes, qui l’ont vu s’enfuir, il est ramené chez le prélat pour la constatation du vol, mais le digne homme, lui montrant les deux flambeaux d’argent de sa cheminée, lui reproche doucement de ne pas les avoir emportés, puisqu’il les lui avait donnés comme les couverts. Écrasé par cette générosité qui le sauve, le galérien prend les flambeaux et se jure d’être honnête homme.
Une jeune fille, Fantine, a été abandonnée par son amant ; malheureusement, elle a un enfant, la petite Cosette. Pour subvenir à leurs besoins, Fantine est disposée à faire tous les métiers, mais repoussée de partout comme fille mère, elle est obligée de se livrer à la prostitution. Une dispute de la pauvre Fantine avec un imbécile qui lui jette de la neige dans le dos l’amène en présence du redoutable Javert, la police faite homme. Javert donne tort à la fille, tout naturellement, mais il se heurte alors à M. Madeleine, maire de la ville, qui, entré par hasard dans le bureau, a entendu toute la lamentable confession de Fantine, et qui, pris de pitié, prend sur lui de la faire relâcher. Ce trait impossible, un maire sauvant une fille publique, exaspère Javert et confirme des soupçons que d’autres faits ont déjà provoqués dans son esprit. M. Madeleine ne dissimule-t-il pas sous un faux nom une autre personnalité? Javert laisse deviner ce doute; ce qui trouble grandement M. Madeleine, puisqu’il n’est autre que Jean Valjean lui-même, et il se voit ainsi sur le point de perdre tout le fruit de dix ans de probité. Un autre incident vient le troubler plus profondément encore : il apprend qu’un malheureux, arrêté sous le faux nom de Jean Valjean, passe en ce moment même en cour d’assises. Le malheureux se demande s’il doit laisser s’accomplir la condamnation de l’innocent, condamnation qui assurera son avenir et affermira sa personnalité empruntée, et sans se décider, poussé par une sorte d’instinct, il se rend à la cour d’assises. Là, il voit le malheureux, propre image de l’ancien Valjean, balbutiant d’un air hébété des récriminations qui ne convainquent personne : on va le condamner. M. Madeleine se lève et déclare qu’il est Jean Valjean; il se fait connaître par ses compagnons de chaîne, appelés pour être confrontés avec le faux Valjean, et il est ressaisi avec joie par l’impitoyable Javert. Toutefois, on le laisse libre momentanément et il profite de ce répit pour assister à l’agonie de Fantine, qui meurt sur un lit d’hôpital. Il jure à celle-ci, dont il s’accuse d’avoir causé la mort en la chassant de son atelier, d’adopter sa fille, la petite Cosette et il parvient à s’échapper et à gagner Paris, où il retire 600 000 francs de la banque Laffitte et les enfouit dans un bois.
Nous retrouvons Cosette chez un chenapan, Thénardier, qui s’est établi aubergiste à Montfermeil et chez qui Fantine a placé sa fille. Depuis que sa mère n’a plus payé la pension, les Thénardier ont fait de Cossette une servante qu’ils bourrent de coups et qui n’a plus que le souffle. Il est temps que Jean Valjean vienne la sauver.
Arrêté par Javert, à la suite d’une nouvelle imprudence, Jean Valjean est réintégré au bagne, mais il s’en est échappé en se dévouant pour sauver un homme tombé à la mer ; tout le monde, Javert lui-même, le croit noyé. Cependant Jean Valjean arrache Cosette à l’enfer de la maison Thénardier, et, une fois en possession de la fille de Fantine, l’ancien forçat se choisit une retraite obscure d’abord sur le boulevard de l’Hôpital, dans cette masure Gorbeau, qui devient un des centres d’action les plus caractéristiques des Misérables. Mais là encore il est dépisté par Javert et obligé de se réfugier à la communauté de l’Adoration perpétuelle comme jardinier, tandis que Cosette y entre comme élève.
Un nouveau personnage fait son entrée en scène : Marius. C’est le fils du colonel de Pontmercy, sauvé par Thénardier sur le champ de bataille de Waterloo et qui se trouvait obligé de travailler pour vivre par suite des événements politiques. Marius est venu habiter, par économie, la masure Gorbeau. Sa vie est partagée par deux passions : l’amour de la liberté, qui le fait s’affilier à un cénacle de jeunes républicains, et l’amour, plus tendre, qu’il éprouve pour Cosette qu’il a rencontrée au Luxembourg au bras de son père.
Marius a pour voisin un effroyable chenapan, le sieur Jondrette, qui vit de chantage et de la prostitution de ses filles, Éponine et Azelma, ainsi que son fils, un gamin, Gavroche, que Victor Hugo a rendu populaire. Ce Jondrette n’est autre que Thénardier, tombé au fond du gouffre. Le vieux monsieur du Luxembourg, toujours trop charitable, vient visiter ce gredin qui écrit des lettres lamentables à toutes les personnes généreuses ; il est reconnu par l’ancien aubergiste de Montfermeil, et Cosette également. Thénardier tend un piège à Jean Valjean, mais Marius, qui a entendu s’ourdir le complot, prévient la police, c’est-à-dire Javert. Jean Valjean, dès son entrée, est saisi et garrotté. Toute la bande Thénardier-Jondrette est arrêtée, mais quand Javert veut interroger le respectable monsieur attiré dans le piège, il n’y a plus personne.
Dès lors, tous ces éléments de l’action ayant été mis en présence et combinés, le dénouement est proche ; mais l’illustre auteur ne se hâte pas ; il ne veut pas être que romancier, il veut aussi être le peintre de toute une large époque de notre histoire.
Les amours de Marius et de Cosette, ce -qu’il appelle l’Idylle rue Plumet, ont pour pendant des scènes terribles, l’émeute de 1832, l’Épopée rue Saint-Denis. Là se dénoue le sort de bien des personnages; sur la barricade meurent presque tous les amis de Marius; lui-même n’échappe que grâce au dévouement d’Eponine, singulière fille qui l’aime au milieu de la dégradation dont elle vit, et qui meurt en recevant une balle à lui destinée ; Gavroche aussi meurt héroïquement, en vrai gamin de Paris. Javert, déguisé en insurgé et reconnu, va être fusillé ; il est confié à Jean Valjean, qui, au lieu de lui brûler la cervelle quand les troupes reprennent la barricade, le détache et lui dit : « Vous êtes libre. » Marius est blessé; Valjean le sauve à travers le dédale des égouts de Paris, terrible voyage souterrain auquel, suivant son habitude, Victor Hugo a donné pour préface une véritable monographie des égouts, de ce qu’il appelle « l’intestin du Léviathan ». Au bout du cloaque, au moment où il se croit hors de danger avec Marius, se dresse pour la dernière fois la redoutable encolure de. Javert, mais le terrible policier a réfléchi profondément depuis que le galérien a dédaigné de se venger ; il aide Valjean à sauver Marius. Puis, ne pouvant se résoudre soit à faire réintégrer au bagne l’homme à qui il doit la vie, soit à manquer à son devoir en ne le livrant pas, il sort en stoïcien de sa perplexité : il se tue ! Marius, guéri, épouse Cosette, et Jean Valjean s’éteint ayant rempli jusqu’au bout la promesse faite à la morte.
La femme pauvre
Léon Bloy
Paris, Gallimard, 1980. 448 pages.
La Femme pauvre qui accompagne les années les plus tragiques de la vie de Bloy, dépasse de loin le simple roman, mais est plutôt l’oeuvre d’un visionnaire et d’un poète, tant la narration semble obéir aux lois poétiques davantage qu’aux canons romanesques. Si les personnages et les lieux sont plus vivants et réels que dans Le désespéré, la singularité de La Femme pauvre se dessine à travers des images dominantes, dont celle du feu, élément dans lequel Bloy a toujours vu un symbole de l’Amour. Dans ces pages qui sont autant de poèmes en prose se dégage ainsi une idée mystique de la Femme, qui s’inscrit dans la lignée de l’image de la femme idéalisée par Baudelaire et Balzac avant lui. C’est grâce à ce livre que l’on peut aimer Léon Bloy, dont les incessantes et tonitruantes vitupérations ont trop souvent masqué la grandeur humaine de sa sensibilité
RETOUR À L’ODYSSÉE, HYMNE À L’AMOUR
L’Iliade et L’Odyssée
Homère
Paris, R. Laffont, 1995. 777 pages
L’Iliade et l’Odyssée sont deux récits poétiques et pleins de merveilleux. Ils demeurent l’un des fondements de la culture hellénique et occidentale. Ils sont attribués à un aède aveugle et sans doute légendaire, Homère. On appelle aèdes (du grec aoidos, chanteur) les poètes qui, dans les temps sombres de la Grèce, entre les IXe et VIIe siècles, allaient de cité en cité chanter les exploits des héros du passé et des dieux. Ces chants et ces récits sont réunis sous l’appellation de mythes (du grec muthos, récit, légende).
L’Iliade (avec un seul l ; Illiade est erroné !) tire son nom d’Illion (avec deux l !), nom grec de la ville de Troie (sur la rive orientale de la mer Égée, aujourd’hui en Turquie). Elle raconte le siège de Troie, qui aurait eu lieu vers l’an 1230 avant Jésus-Christ, sous la haute Antiquité de la Grèce, au temps de la civilisation mycénienne. Le site de la cité a été mis à jour par l’archéologue Heinrich Schliemannglobalaia en 1873.
En fait, Le poème de l’Iliade, ou ce qu’il en reste, se limite aux exploits d’un héros achéen, Achille. L’Odyssée raconte quant à elle le retour d’un autre héros achéen dans son royaume après la prise de Troie. Il s’agit d’Ulysse, roi de la petite île d’Ithaque. Ulysse est connu en grec sous le nom d’Odysseus. De là L’Odyssée.
Mais s’il n’y avait qu’un seul ouvrage à découvrir ou à redécouvrir pendant ce temps précieux à vivre, on peut sans aucun doute conseiller L’Odyssée d’Homère. Sans doute, l’œuvre a-t-elle fait partie du parcours scolaires de beaucoup. Mais il est bon parfois de relire ce que l’on n’a pas pu bien comprendre par un manque de maturité. L’Odyssée vous enchantera jusqu’à la toute fin. La dernière épreuve du dévastateur de citadelles sera grande. Les ruses de Pénélope ne sont pas moins inventives que celles d’Ulysse, comme cette dernière épreuve qu’elle prépare. L’homme aux mille ruses en sortira encore une fois vainqueur mais voilà que l’épouse fidèle s’excuse : « Ne m’en veux pas Ulysse toi qui fus toujours le plus sensé des hommes, les dieux nous ont élus pour le malheur, nous enviant la douceur de rester auprès l’un de l’autre pour goûter la jeunesse et atteindre le seuil de l’âge et aujourd’hui ne va pas te fâcher ni me blâmer de ne pas t’avoir tout de suite ouvert les bras ! En effet tout au fond de moi mon cœur toujours redoutait que quelqu’un ne vînt ici pour me tromper de ses discours : il en est tant qui ne pensent qu’à mal ! » Quel hymne à l’amour conjugal et à la recherche de la vie bonne en sa demeure, en son pays !
LE ROMAN, UN MIROIR ET UN CHEMIN
Globalia
Jean-Chritophe Rufin
Paris, Gallimard, 2005. 512 pages.
Globalia est le nom de la démocratie universelle gouvernant la Terre, dans un futur proche -un ou deux siècles, la chose est volontairement laissée dans le vague-. Cette démocratie, idéale en apparence, présente en réalité de graves défauts: la standardisation, la pression consummériste, la propagande publicitaire, ont enfermé le citoyen dans des modèles comportementaux dont il ne peut s’écarter sous peine d’être mis en marge. La liberté n’y est qu’apparente: la presse est aux mains de puissants anonymes qui s’en servent pour manipuler l’opinion, de larges étendues (les « non-zones ») sont laissées à l’écart de la prospérité et la population y est retournée à un état pré-technologique, l’environnement physique a été stérilisé, sécurisé, les citoyens vivent sous d’énormes bulles de verre dont il est interdit de s’échapper, etc…
De ce « meilleur des mondes » Baïkal Smith, jeune homme de vingt ans, cherche à s’échapper. Il entraîne à sa suite Kate, sa dernière conquête. Leur tentative se solde bientôt par un échec. Au dernier moment Kate recule devant l’aventure, laisse Baïkal en plan et s’en retourne vers Globalia. Baïkal est très vite repris puis présenté à Altman, vieillard mystérieux dont on comprend rapidement qu’il est de ceux tirant les ficelles dans l’ombre de la démocratie. En quête d’un nouvel Ennemi Public à jeter en pâture à la presse et aux globaliens, Altman décide d’utiliser Baïkal, en retournant son désir de liberté en révolte contre le système. L’Ennemi public est, explique-t-il, la garantie de stabilité au sein de Globalia. Baïkal n’a pas le choix. Il se retrouve livré à lui-même, abandonné au coeur des « non-zones ».
Mais dans Globalia, Kate s’inquiète de son sort. Elle fait la connaissance de Puig, journaliste écarté de la société pour avoir fourré son nez où il ne fallait pas. Ensemble ils se lancent sur les traces de Baïkal, et pénètrent toujours plus loin dans les milieux interlopes qui, à l’intérieur de la démocratie, commercent avec les non-zones. Mais à peine sont-ils parvenus à leurs fins qu’on les découvre victimes d’une machination, ourdie par le même Altman, afin de démasquer parmi la poignée de puissants se partageant le pouvoir un traître qui se dissimulait derrière Walden, une association de bibliophiles, quasi clandestine quoique légale. Le traître est finalement démasqué, Baïkal, Kate et Puig restent dans les non-zones où ils vivent heureux en ayant beaucoup d’enfants.