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Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

Jésus dans le Coran et dans la tradition musulmane

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Pour le chrétien, comprendre l’islam veut dire également comprendre ce que pensent les musulmans de Jésus. Dans cet article, Henri de La Hougue nous introduit aux sources musulmanes les plus importantes sur ce sujet.

Henri de La Hougue, enseignant à l’Institut de science et de théologie des religions (Institut catholique de Paris), 

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Maryam (Marie) et Jésus-Îsâ (ancienne miniature persane).WIKICOMMONS

JESUS ET LE CORAN

La naissance de Jésus

Sourate 19, 16-35 (traduction Blachère)
« Et, dans l’Écriture, mentionne Marie quand elle se retira de sa famille en un lieu oriental et qu’elle disposa un voile en deçà d’eux. Nous lui envoyâmes Notre Esprit et il s’offrit à elle [sous la forme] d’un mortel accompli. « Je me réfugie dans le Bienfaiteur, contre toi », dit [Marie]. « Puisses-tu être pieux! »

– « Je ne suis », répondit-il, « que l’émissaire de ton Seigneur, [venu] pour que je te donne un garçon pur. » – « Comment aurais-je un garçon », demanda-t-elle, « alors que nul mortel ne m’a touchée et que je ne suis point femme? »
– « Ainsi sera-t-il », dit [l’Ange]. « Ton Seigneur a dit: Cela est pour Moi facile et Nous ferons certes de lui un signe pour les gens et une grâce (rahma) [venue] de Nous: c’est affaire décrétée. »
Elle devint enceinte de l’enfant et se retira avec lui dans un lieu éloigné. Les douleurs la surprirent près du stipe du palmier. « Plût au ciel », s’écria-t-elle, « que je fusse morte avant cet instant et que je fusse totalement oubliée! »
[Mais] l’enfant qui était à ses pieds lui parla: « Ne t’attriste pas! Ton Seigneur a mis à tes pieds un ruisseau. Secoue vers toi le stipe du palmier: tu feras tomber sur toi des dattes fraîches et mûres. Mange et bois et que ton œil se sèche! Dès que tu verras quelque mortel, dis: « Je voue au Seigneur un jeûne et ne parlerai aujourd’hui à aucun humain! » Elle vint donc aux siens, portant [l’enfant].
– « O Marie! », dirent-ils, « tu as accompli une chose monstrueuse! O sœur d’Aaron! ton père n’était pas un père indigne ni ta mère une prostituée! » Marie fit un signe vers [l’Enfant]. – « Comment », dirent-ils, parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau? »
Mais [l’enfant] dit: « Je suis serviteur d’Allah. Il m’a donné l’Écriture et m’a fait Prophète! Il m’a béni où que je sois et m’a recommandé la Prière et l’Aumône tant que je resterai vivant, ainsi que la bonté envers ma mère. Il ne m’a fait ni violent ni malheureux. Que le salut soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant! »
Celui-là est Jésus fils de Marie. Parole de vérité qu’ils révoquent en doute!
Il n’était pas séant à Allah de prendre quelque enfant.
Gloire à Lui! Quand Il décide quelque chose, Il dit seulement: « Sois! » et elle est. »

On trouve dans cette sourate 19 quelques éléments proches de la foi chrétienne comme :

– l’annonciation
– la venue de l’esprit de Dieu
– la conception virginale de Jésus ainsi que d’autres éléments coraniques, comme le fait que Jésus parle dès sa naissance.

Regardons l’autre grand passage du Qur’ân qui mentionne la conception de Jésus :

Sourate 3, 42-51 (traduction Blachère)

Et [rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’a choisie et purifiée. Il t’a choisie sur [toutes] les femmes de ce monde. O Marie!, sois en oraison devant ton Seigneur! Prosterne-toi et incline-toi avec ceux qui s’inclinent! »
Ceci fait partie des récits (‘anbâ’) de l’Inconnaissable que Nous te révélons car tu n’étais point parmi eux [Prophète!], quand ils jetaient leurs calames [pour savoir] qui d’entre eux se chargerait de Marie; tu n’étais point parmi eux quand ils se disputaient.
[Rappelle] quand les Anges dirent: « O Marie!, Allah t’annonce un Verbe [émanant] de Lui, dont le nom est le Messie, Jésus fils de Marie, [qui sera] illustre dans la [Vie] Immédiate et Dernière et parmi les Proches [du Seigneur]. Il parlera aux Hommes, au berceau, comme un vieillard, et il sera parmi les Saints. »
– « Seigneur! », répondit [Marie], « comment aurais-je un enfant alors que nul mortel ne m’a touchée? »
– « Ainsi », répondit-Il (sic), « Allah crée ce qu’Il veut. Quand Il décrète une affaire, Il dit seulement à son propos: « Sois! » et elle est. » [Allah] lui enseignera l’Écriture, la Sagesse, la Thora et l’Évangile.
« …Et [j’ai été envoyé] comme Apôtre aux Fils d’Israël, disant: « Je viens à vous avec un signe de votre Seigneur. Je vais, pour vous, créer d’argile une manière d’oiseaux; j’y insufflerai [la vie] et ce seront des oiseaux, avec la permission d’Allah. Je guérirai le muet et le lépreux. Je ferai revivre les morts, avec la permission d’Allah. Je vous aviserai de ce que vous mangez et de ce que vous amassez dans vos demeures. En vérité, en cela, est certes un signe pour vous, si vous êtes croyants.
[Je suis envoyé] déclarant véridique ce qui a été donné avant moi, de la Torah, afin de déclarer pour vous licite une partie de ce qui avait été pour vous déclaré illicite. Je suis venu à vous avec un signe de votre Seigneur. Soyez pieux envers Allah et obéissez-moi! Allah est mon Seigneur et votre Seigneur. Adorez-Le donc! C’est une voie droite. »

La Mission de Jésus :

Jésus succède aux prophètes d’Israël (5,46; 57,27). Il est envoyé aux Fils d’Israël (3,49; 43,59-64; 61,6) pour confirmer la Torah (3,50; 5,46; 61,6); mais il supprime certains interdits (3,50) et annonce Muhammad (61,6).

Ses miracles :

– en général (bayyinât) (2,87; 5,110; 43,63; 61,6)
– en particulier: il parle à sa naissance (19,24-26), au berceau (19,30) et adulte (3,46; 5,110); vivifie l’oiseau, opère des guérisons, ressuscite les morts, devine les secrets (3,49; 5,110); la mâ’ida (5,112-115).

Sa prédication :

Nadorer qu’un seul Dieu (3,51; 5,72 et 117; 19,36; 43,63), craindre Dieu et lui obéir (3,50; 5,112; 43,63). Il apporte la Sagesse (43,63), explique aux Fils d’Israël ce sur quoi ils sont divisés (43,63).

Le drame de sa fin sur terre :

Il se heurte à l’incrédulité des Juifs (3,52; 5,110; 61,6); il fait appel à ses « Auxiliaires », les Apôtres (3,52; 5,111) , maudit les juifs (5,78), qui rusent pour le faire mourir (3,54-55; 4,157) ; mais il est sauvé par Dieu (3,54; 5,110), ni tué ni crucifié, mais élevé au ciel (3,55; 4,158). Pour les orthodoxes sunnites, Jésus n’a pas été crucifié. Certains courants shiites, philosophiques (platonisants) et mystiques, admettront que le corps de Jésus est mort en croix, mais que son âme a été élevée au ciel. Entre son élévation au ciel et son retour sur terre, Jésus vit auprès de Dieu, volant autour de son Trône, mi-ange mi-homme, sans boire ni manger, couvert de plumes. C’est ainsi que Muhammad le rencontre dans son ascension nocturne (mirâj).

Son rôle eschatologique, lors de son retour sur terre :

Signe de l’Heure (43,61) et au Jugement, témoin contre les chrétiens (4,159; 5,116-117). Les Shiîtes le remplacent par le retour de leur « Imâm caché », appelé le Mahdî. D’où réaction orthodoxe : « Pas d’autre Mahdî que Jésus » (Là mahdiya illâ °Îsâ).

Les divers noms de Jésus dans le Coran (Qur’ân) :

‘Îsâ (Jésus) est cité dans 10 sourates différentes et revient 25 fois dans le Coran. L’étymologie de (‘Îsâ) n’est pas évidente, il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la différence avec (Yasû’) le Jésus biblique. Toujours est-il que dans l’esprit des musulmans,
‘Îsâ est bien Jésus, fils de Marie qui a donné l’évangile (al-injîl), dont les chrétiens ont fait un fils de Dieu.

– Al-masîh (le messie) 11 fois
La racine (MSH) signifie « mesurer », « frotter » et « oindre ». Mais le mot Messie (al-masîh) provient sans doute de l’araméen ou de l’hébreu, où il était employé dans le sens de sauveur (masîah). Muhammad a pris ce mot aux chrétiens arabes, chez qui le nom
‘abd al-masîh (« serviteur du messie »), était connu à l’époque préislamique, mais il est douteux qu’il ait connu le vrai sens du terme.
Le mot ne se trouve que 11 fois dans le Coran et uniquement dans des sourates médinoises, la plupart du temps lié à « fils de Marie » (ibn Maryam), et toujours pour parler de Jésus.
Al-masîh est donc un titre de Jésus, mais sans connotation messianique, ni aucune interprétation eschatologique.
Dans la tradition, dans le hadith canonique, al-masîh se rencontre dans trois passages, toujours pour parler de Jésus : dans un rêve de Muhammad, au retour de Jésus et au jugement dernier.

– Kalima min Allah (Parole venant de Dieu). Kalima est très fréquent dans le Coran on le retrouve dans le sens de :
– parole proférée (bonne 14,24 ou mauvaise 9,74)
– parole de Dieu réalisatrice au sens de (‘Amr)
Jésus est appelé « parole venant de Dieu » (kalima min Allah) en 3, 39.45, mais les commentateurs voient dans ce titre :
– soit une parole divine liée au (kun) « sois » et rapprochent la création de Jésus à celle d’Adam : « Il en est de Jésus comme d’Adam auprès de Dieu, Dieu l’a créé de terre, puis il lui a dit « sois! » et il est » 3,59
– soit le fait que Jésus est le prophète annoncé dans la parole de Dieu, reçue et prêchée par les prophètes antérieurs.
– soit parce que Jésus parle de la part de Dieu et ainsi conduit les hommes dans le bon chemin. – soit parce que Jésus est une bonne nouvelle, parole de vérité (qawl al-haqq).

Il ne faudrait pas trop vite voir dans cette « parole » (kalima) l’équivalent de notre verbe (logos) ce n’est pas l’attribut de la parole (kalâm) mais son expression en laquelle se formulent et se communiquent les décisions divines.

– Nabi (prophète) en 19,30
Jésus est prophète, il est d’ailleurs cité plusieurs fois parmi les autres prophètes. Comme tout prophète il a une mission à accomplir dans un peuple particulier, les fils d’Israël. Mais il est plus qu’un prophète, puisqu’il a le statut d’envoyé.

– Rasûl (envoyé) 3 fois
Le rasûl est plus qu’un prophète, il est un envoyé, qui a un message à délivrer, comme l’ange Gabriel. Jésus a transmis l’Evangile, il est donc rasûl, comme Moïse qui a transmis la Torah, ou Muhammad qui a récité le Coran.

– ‘Abd Allah (serviteur de Dieu)
Ce mot signifie et rappelle avant tout que Jésus est une créature de Dieu, soumise à Dieu. Cependant c’est un attribut de Jésus très important, puisque cela en fait un des meilleurs musulmans. Ibn Arabi dira de Jésus qu’il est le sceau de la sainteté.

Un chrétien ne peut pas ne pas penser au serviteur d’Isaïe (‘ebed) et à l’esclave de Ph 2, 7 (doulos). Du point de vue du dialogue, c’est certainement un attribut très important de Jésus, parce que ce terme a une signification forte en Islam, comme dans le Christianisme. Il faut cependant se rappeler la signification première qui est une négation de la divinité de Jésus.

– Rûh (esprit venant de lui) en 4, 171 Jésus est un Esprit de Dieu (Rûh min Allah)
« O Détenteurs de l’Écriture!, ne soyez pas extravagants, en votre religion! Ne dites, sur Allah, que la vérité! Le Messie, Jésus fils de Marie, est seulement l’Apôtre d’Allah, son Verbe jeté par Lui à Marie, et un Esprit [émanant] de Lui. Croyez en Allah et en Ses Apôtres et ne dites point: « Trois! » Cessez! [Cela sera] un bien pour vous. Allah n’est qu’une divinité unique. A Lui ne plaise d’avoir un enfant! A Lui ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre.Combien Allah suffit comme protecteur (wakîl)! » (4,171)

Mais la suite du verset nous garde bien de faire de ce titre une interprétation trop chrétienne. Comme nous l’avons vu plus haut, ce titre vient avant tout du fait que Jésus est né du souffle divin né en Marie : « Et [fais mention de] celle restée vierge en sorte que Nous soufflâmes en elle de Notre esprit et que Nous fîmes d’elle et de son fils un signe pour le monde. » (21,91) et que pour accomplir sa mission, Jésus a été fortifié par l’Esprit Saint (Rûh al qudus) 5,110

Autres titre :
– Ibn Maryam (fils de Marie) 33 fois dont 16 avec (‘Îsâ)
– min al-muqarrabîn (parmi les proches) en 3, 45
– wajîh (digne de considération) en 3,45
– mubârak (béni) en 19,31
– qawl al-haqq (parole de vérité) en 19, 34 2.

DANS LA TRADITION MUSULMANE

On trouve dans la tradition un certain nombre de hadith (« propos » attribués au Prophète, qui constituent la tradition musulmane, la sunna) concernant Jésus ou Marie qui permettent de voir comment la tradition situe Jésus par rapport au prophète Muhammad. Nous avons été voir chez Bukhâri (mort en 870/ h.256), le plus important des traditionnistes.

Sur la nature de Jésus, on trouve :

« D’après Sa’îd-ben-al-Mosayyab, Abou Horaïra a dit: J’ai entendu l’envoyé de Dieu s’exprimer ainsi :  » Il ne nait pas un seul fils d’Adam, sans qu’un démon ne le touche au moment de sa naissance. celui que le démon touche ainsi pousse un cri. Il n’y a eu d’exeption que pour Marie et son fils ». (El-Bokhâri, Les traditions islamiques, Maisonneuve, Paris 1984, tomeII, Livre 60, ch 44)

D’après ‘Obâda, le prophète a dit: quiconque témoignera qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu, l’unique, n’ayant pas d’associés; que Mahomet est son adorateur et son envoyé; que Jésus est l’adorateur de Dieu, son envoyé, son verbe jeté dans le sein de Marie et une émanation de Dieu; que le paradis est une vérité, que l’enfer est une vérité, Dieu le fera entrer dans le paradis quelles qu’aient été ses œuvres. » (Ibid. ch 47)

Abou Salama rapporte que Abou Horaïra a entendu l’envoyé de Dieu dire: « Je suis parmi les hommes, le plus rapproché du fils de Marie. Les prophètes sont les enfants d’un même père et de mères différentes. Entre Jésus et moi, il n’y a pas eu de prophète. (Ibid. ch 48,6)

Le prophète dit avoir rencontré Jésus lors de son voyage « …Le prophète a dit, la nuit où l’on me fit faire le voyage, je vis Moïse, c’était un homme brun, de haute taille, crépu, on aurait dit d’un Chanouïte; je vis Jésus, c’était un homme de taille et de complexion moyennes, d’une couleur entre le rouge et le blanc, et aux cheveux lisses… » (Ibid. livre 59, ch7, 16)

« Abdallah ben ‘Omar rapporte que l’envoyé de Dieu a dit : « une nuit que j’étais auprès de la Ka’ba, je vis un homme brun comme un des plus beaux hommes bruns que tu n’aies jamais vus. il avait une chevelure comme la plus belle des chevelures que tu n’aies jamais vue; cette chevelure était flottante et était encore ruisselante d’eau. appuyé sur deux hommes, il faisait le tour du temple. Comme je demandais qui était cette personne, on me répondit: « c’est le Messie, fils de Marie »…(Ibid. tomeIV, livre77, Ch 68, 3)

Après Adam, Noé, Abraham, Moïse, les gens vont voir Jésus pour lui demander d’intercéder auprès de Dieu, mais celui-ci s’en juge incapable, et renvoie à Muhammad : … »[Moïse dit] adressez vous à un autre que moi, allez trouver Jésus. Ils iront trouver Jésus et leur diront: « O Jésus, tu es un envoyé de Dieu; il a envoyé son verbe dans Marie; tu es l’esprit de Dieu, et tout enfant, dès le berceau, tu parlais aux hommes; intercède en notre faveur auprès du seigneur, ne vois-tu pas dans quel état nous sommes? Le Seigneur, répondra Jésus est aujourd’hui dans une colère telle qu’il n’en a jamais eu de pareille auparavant et qu’il n’en aura plus jamais de semblable à l’avenir. Il ne parlera pas de faute commise et ajoutera : « c’est moi, moi, moi (qui aurait besoin d’un intercesseur). Adressez-vous à un autre que moi, allez trouver Mahomet »… (Ibid, tome III, livre 65, ch5,1 cf aussi 65, 2, 1)

La tradition nous donne une connaissance un peu plus précise de Jésus que le Qu’rân, mais, par rapport à la somme de hadith existant, ceux consacrés à Jésus sont peu nombreux. Comme le Qu’rân, ils reconnaissent l’importance de Jésus, mais rappellent que celui-ci passe après Muhammad et qu’il n’est pas fils de Dieu.

Pour trouver une réflexion plus approfondie sur le Christ, on doit chercher chez les mystiques.

JESUS DANS LA TRADITION MYSTIQUE

(Nous nous référerons au livre de Roger Arnaldez, Jésus dans la pensée musulmane , coll. Jésus et Jésus-Christ n° 32, Desclée, Paris 1988, ch 3)

Dans l’œuvre des mystiques, Jésus est tout d’abord présenté comme un mystique qui enseigne :

– la crainte et l’amour de Dieu : « Le Christ a dit : ‘O Apôtres! la peur qui fait redouter Dieu et l’amour du Paradis font hériter la patience pour supporter les peines et éloignent de ce bas monde » (Ghazâlî Arnaldez, Op.cit. p.111)
– la patience dans les épreuves : « Le Messie a dit: ‘Vous n’obtiendrez ce que vous aimez que par votre patience à supporter ce que vous abhorrez' » (Makkî et Ghazâlî, Ibid., p. 113)
– l’abandon à Dieu : « Jésus a dit: ‘Regardez les oiseaux; ils ne sèment ni ne moissonnent, ils ne font pas de provisions et Dieu pourvoit à leur subsistance jour après jour' » (Ghazâlî Ibid. p. 117)
– l’ascèse et la pauvreté : « On raconte de Jésus qu’il posa une pierre sous sa tête, comme si, en la soulevant de terre, il éprouvait un soulagement. Iblis lui fit une objection en disant: ‘O fils de marie, n’avais-tu pas prétendu que tu pratiquais l’ascétisme dans ce monde? Jésus répondit que oui. Iblîs dit: ‘Et ce que tu as bien arrangé sous ta tête, qu’est-ce que c’est donc?’ Jésus rejeta la pierre et dit: ‘prends-la avec tout ce que j’ai déjà abandonné.' » (Makkî, Ibid, p.128)
– l’humilité : « On rapporte que Jésus a dit: ‘Il manque de science, celui qui ne se réjouit pas dêtre frappé de maux en son corps et en ses biens, en espérant par là expier ses fautes’. » (Makkî, Ibid. p. 132)
– l’amour : « On rapporte que Jésus passa près d’un homme qui était aveugle, atteint de la lèpre, privé de ses jambes, frappé d’une paralysie du côté droit et du côté gauche, dont les chairs tombaient en lambeaux sous le coup de l’éléphantiasis. Et cet homme disait: ‘Dieu soit loué, car il m’a préservé de ce par quoi il éprouve un grand nombre de ses créatures! ‘Jésus lui demanda: ‘dis-moi quelle est cette épreuve dont je puisse constater qu’elle a été écartée de toi? L’homme dit: ‘O Esprit de Dieu! Je suis moi, en meilleur état que celui dans le coeur de qui Dieu n’a pas mis la connaissance de lui-même qu’il a mise dans mon coeur.’ Jésus lui répondit: ‘Tu as dit vrai; donne-moi ta main’. L’homme la lui tendit et voici que son visage devint le plus beau du monde, et que sa tournure prit le meilleur aspect. Dieu avait fait disparaître le mal qui était en lui. Il s’atacha à Jésus et s’adonna avec lui à l’adoration. » (Ghazâlî, I bid. pp. 138-139)

Chez Ibn ‘Arabi, Jésus est présenté comme le sceau universel de la sainteté

Parmi tous les prophète, Jésus a une place à part dans la doctrine d’Ibn ‘Arabi (un des plus grand mystiques de l’Islam, mort à Damas en 1240/ h.638) :

La conception de Jésus lui confère un statut tout particulier

« Gabriel était donc le véhicule de la Parole divine transmise à Marie […] Dès l’instant, le désir amoureux envahit Marie, de sorte que le corps de Jésus fut créé de la véritable eau de marie et de l’eau purement imaginaire de Gabriel […] Ainsi, le corps de Jésus fut constitué d’eau imaginaire et d’eau véritable, et il fut enfanté sous la forme humaine à cause de sa mère et à cause de Gabriel, sous forme d’homme. » (Ibid, p. 168)

« […] Jésus manifesta de l’humilité jusqu’à ordonner à sa communauté […] que si quelqu’un est frappé sur la joue, il tende l’autre à celui qui l’a frappé, et ne se révolte jamais contre lui, ni ne cherche vengeance. Ceci, Jésus le tient du côté de sa mère, car c’est à la femme de se soumettre tout naturellement […] Son pouvoir vivifiant et guérissant, par contre, lui parvint du souffle de Gabriel revêtu de forme humaine. C’est pour cela que Jésus put vivifier les morts en ayant la forme d’homme. » (Ibid., p. 169)

Jésus sceau de la sainteté universelle

« N’est il pas vrai que le sceau de la sainteté est un envoyé qui n’a pas d’égal dans les mondes? Il est l’Esprit, fils de l’esprit et de Marie sa mère: c’est là un lieu où ne conduit aucune voie. […] Quant à Jésus, il a la qualité de sceau en ce sens qu’il possède le sceau du cycle du royaume (le monde créé). En effet, il est le dernier des envoyés à apparaître, et il apparaît avec le forme d’Adam, relativement à son mode de génération, puisqu’il n’est pas engendré de père humain et qu’aucun fils, je veux dire dans la descendance d’Adam dans la suite des générations, n’est semblable à lui.[…] En outre Jésus, quand il descendra sur la terre à la fin des temps, recevra le sceau de la lus grande sainteté depuis Adam jusqu’au dernier prophète, en rendant hommage à Muhammad, du fait que Dieu ne scelle la sainteté universelle en toute communauté que par un envoyé qui suit la loi de Muhammad. Et alors, Jésus possède le sceau du cycle du royaume et le sceau de la sainteté, j’entends la sainteté universelle. » (Ibid., p.181)

Chez al-Hallaj Jésus a une très grande importance dans la spiritualité d’al-Hallâj (grand mystique, condamné à mort pour son enseignement trop hétérodoxe en 922/ h.309), parce qu’il est la réalisation la plus parfaite, pour un homme, de l’union mystique entre l’humanité et Dieu. Lors de son retour eschatologique, Jésus remplira le monde de sagesse et de justice en promulgant la loi musulmane définitive.

Hallâj croit à la passion et à la résurrection du Christ et cette passion est pour lui rédemptrice. Les disciples d’al-Hallâj ont affirmé que par sa mort sur un gibet, Hallaj avait réalisé l’idéal du soufisme. Néanmoins, cette perception n’est pas la même que la perception chrétienne. Il y a chez Hallaj, une idée de fuite du corps humain et du monde.

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(Pour en savoir plus, nous vous recommandons : Tarif KHALIDI : Un musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003)

https://www.la-croix.com/Definitions/Lexique/Islam/Jesus-dans-le-Coran-et-dans-la-tradition-musulmane

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Marie dans le Coran

Comment les commentateurs musulmans du Coran voient-ils Marie ?

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Analyse 

À l’occasion d’un colloque organisé samedi 11 février à l’Institut catholique de Paris (ICP), des chercheurs ont réfléchi à la figure de Marie chez les penseurs contemporains, entre christianisme et islam. Chez les commentateurs musulmans du Coran, Marie est décrite comme un personnage hors du commun, au point de la couper de sa réalité historique, analyse le sociologue Omero Marongiu-Perria.

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Quel visage de Marie se dessine dans les écrits des commentateurs musulmans du Coran des XXe et XXIe siècles ?

C’est la question que développe le sociologue Omero Marongiu-Perria lors du colloque « Marie chez les penseurs et écrivains contemporains », organisé à l’Institut catholique de Paris (ICP), samedi 11 février, par l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR) et le mouvement Ensemble avec Marie.

Si Marie est centrale dans le christianisme, elle apparaît aussi dans le Coran à 34 reprises. Elle y est dotée d’attributs importants : « O Marie ! lui dit l’ange, Dieu t’a choisie, en vérité ; il t’a purifiée ; il t’a préférée à toutes les femmes de l’univers » (Sourate 3,42). Sa figure n’a pas manqué de faire l’objet de réflexions parmi les commentateurs du livre saint de l’islam, jusqu’à aujourd’hui.

En analysant cinq ouvrages de commentateurs musulmans, Omero Marongiu-Perria voit apparaître une Marie « universelle » mais « désincarnée », au point d’être coupée « de sa réalité historique » et de sa lignée biblique.

Chez Maurice Gloton (1926-2017), traducteur du Coran et auteur de Jésus fils de Marie dans le Qur’an et selon l’enseignement d’Ibn Arabi, Jésus a ainsi une place particulière : il est à la fois humain et « verbe de Dieu projeté en Marie », développe Omero Marongio-Perria. La mère de Jésus revêt donc elle aussi un statut à part : « Dieu la bénit, la purifie et la choisit parmi l’ensemble des femmes du monde. » Ainsi, chrétiens et musulmans se rejoignent sur la virginité de Marie, symbole de pureté. « Le Coran rappelle la conception pure du Christ sans l’intervention d’une paternité, en confirmant la pureté originelle de Marie », rappelle Omero Marongio-Perria.

 

« Réceptacle du verbe de Dieu »

Une idée proche est développée dans le livre de Charles-André Gilis, Marie en Islam, où Marie, « réceptacle du verbe de Dieu », serait par excellence « la figure universelle qui reflète le divin dans le monde. »

Marie dans l’islam

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Cependant, pour mettre en valeur sa dimension hors du commun, les commentateurs musulmans vont laisser de côté la réalité historique du personnage, observe Omero Marongiu-Perria. « Les données historiques ne sont pas exploitées sur le plan théologique », remarque-t-il. À l’inverse, les auteurs mettent l’accent sur des détails surnaturels, comme pour prouver le caractère exceptionnel de Marie.

Un épisode est particulièrement éloquent : dans le Coran, Zacharie, époux d’Élisabeth, rend visite quotidiennement à Marie qui grandit dans le Temple. Lors de ses passages, il remarque que de la nourriture a été systématiquement déposée auprès d’elle. Quand il lui demande d’où cela vient, celle-ci lui répond que Dieu subvient aux besoins de ses serviteurs. « Les commentateurs y ont vu un miracle et insistent sur le fait que la nourriture est descendue du Ciel », analyse Omero Marongio-Perria. Pourtant, pour lui, cet épisode dit surtout, symboliquement, « la relation que Marie entretient avec Dieu dans son intimité. »

Descendante d’une lignée de femmes

Dans ces écrits, le chercheur remarque aussi que la mère de Jésus est détachée de toute une lignée de personnages de femmes bibliques qui pourtant, comme elles, ont eu un enfant dans un contexte particulier. Ainsi de Sarah, également présente dans le Coran, qui pensait être stérile, et a eu un enfant après la visite de l’ange.

 « Les commentateurs ont du mal à concilier le fait que des personnages qui entretiennent un lien privilégié avec Dieu vivent aussi une banale histoire humaine », analyse le chercheur. Face à ce constat, Omero Marongiu-Perria propose d’investir l’historicité des figures du Coran comme fil conducteur pour lire le texte. Et d’interroger : « Pourquoi toujours chercher le miracle et le surnaturel dans la relation à Dieu ? »

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https://www.la-croix.com/Religion/Comment-commentateurs-musulmans-Coran-voient-ils-Marie-2023-02-11-1201254748

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Les femmes et l’Islam

Les femmes et l’Islam

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Islam et femmes: Les questions qui fâchent 

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Paris, Folio, 2018. 304 pages

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Parler des questions qui fâchent en islam à propos des femmes n’est pas une provocation, mais une nécessité. Il s’agit de clarifier, de rectifier, mais aussi souvent de dénoncer. Clarifier la confusion entre le message spirituel du Coran et l’orthodoxie interprétative institutionnalisée. Rectifier le grand nombre de préjugés sexistes et parfois diffamatoires transcrits dans la tradition musulmane au nom des préceptes divins. Dénoncer ce qu’une culture patriarcale a forgé dans l’esprit des musulmans : la dévalorisation des femmes. Voile, polygamie, inégalité dans l’héritage… Asma Lamrabet inventorie les discriminations imposées aux femmes au nom de l’islam. Car la plupart des interprétations classiques, d’origine médiévale, produits de leur milieu social et culturel, se sont construites à la marge et parfois à l’encontre du Texte sacré, porteur, lui, d’une vision plus égalitaire et ouverte. Nul ne pourra dire désormais qu’il ignorait.

 

 Biographie de l’auteur

?Asma Lamrabet, médecin biologiste, a été coordinatrice d’un groupe de recherche et de réflexion sur les femmes et le dialogue interculturel à Rabat (2004-2007), puis présidente du Groupe international d’études et de réflexion sur femmes et Islam (GIERFI) basé à Barcelone (2008-2010) et, enfin, directrice du Centre des études féminines en Islam au sein de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc (2011-mars 2018). Elle est l’auteure de plusieurs livres et articles sur le thème de l’islam et des femmes, et donne de nombreuses conférences sur ce sujet à travers le monde

 

 

 

Asma Lamrabet, un regard féminin sur le sacré en Islam

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Asma Lamrabet.(ASMA LAMRABET)

« L’islam au Maroc est conciliant et ouvert. Mais sur la question des femmes, les responsables religieux et politiques, même libéraux ou socialistes, ont un discours machiste archaïque. »

À 54 ans, après un long travail de relecture des « textes sacrés dans une perspective féminine »,Asma Lamrabet a acquis cette conviction : le problème est « idéologique plus que religieux », mais l’ignorance des musulmans facilite cette « instrumentalisation » des textes.

 « Une troisième voie »

Confidentiel au départ, son travail a gagné en notoriété, « mais plutôt dans le monde anglo-saxon ». Elle a même été invitée en Malaisie pour l’un de ces nombreux colloques ou conférences qui réunissent les « féministes musulmanes ». Ce médecin hématologue, spécialiste du diagnostic du cancer chez l’enfant, exerce d’ordinaire le matin à l’hôpital Avicenne de Rabat. L’après-midi, elle répond aux nombreux courriers et demandes d’interviews qu’elle reçoit.

Revers de la médaille, cette publicité accrue lui vaut aussi quelques soucis avec les religieux « conservateurs » qui l’accusent de « réformisme »… « Je propose une troisième voie en m’appuyant à la fois sur le référentiel islamique et la modernité, les droits de l’homme », se borne à leur répondre cette mère d’un garçon, qui sera « bientôt grand-mère ».

 Au coeur du système

L’originalité d’Asma Lamrabet est d’avoir accepté de porter son combat à l’intérieur même du système : en 2011, elle a accepté la proposition d’Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc – une association d’intérêt général créée par le roi Mohammed VI pour promouvoir un « islam ouvert et tolérant » –, de fonder au sein de cette institution un Centre des études féminines en islam.

« J’ai hésité parce que cela questionne mon indépendance intellectuelle. Dans mes conférences, je suis parfois obligée de préciser que je m’exprime en mon nom propre. Mais de l’autre côté, cela donne de la crédibilité à mon discours », explique-t-elle. Une crédibilité bien utile, par exemple, pour promouvoir « sur le terrain » la réforme du « code de la famille » (Moudawana), décidée en 2004, et qui instaure notamment une nouvelle « coresponsabilité parentale » qui remplace l’autorité du chef de famille…

 « Ma foi me donne envie de changer les choses »

Sa position ne l’empêche pas de soulever quelques tabous. L’an dernier, elle a rappelé que « la mixité dans les mosquées n’était pas un interdit coranique ». Devant le tollé, la Rabita l’a soutenue dans une déclaration écrite. Quelques semaines plus tard, elle a affirmé que le port du voile n’était pas « une obligation » mais « un choix pour les femmes ». « Je ne suis pas une militante. Dans ma vie personnelle, je n’ai rien à revendiquer », explique-t-elle dans sa villa du quartier chic de Souissi, à Rabat. « Mais je le fais pour les autres. Surtout, ma foi me donne envie de changer les choses. »

À ceux qui la soupçonnent de « surfer sur une vague porteuse », ou de ne plus se consacrer assez à ses recherches, elle répond que « critiquer de l’intérieur est plus long et plus compliqué ». « Mais en dix ans, je vois déjà le changement », assure-t-elle, consciente toutefois de la nécessité d’une vraie réforme de l’enseignement religieux au Maroc. « Aujourd’hui, pour la plupart des Marocains, tout ce qui est sacré est intangible », regrette-t-elle.

Et qu’on ne lui parle pas de la création récente des « mourchidates », ces guides féminines de la prière : « Certes, sur le plan symbolique, faire entrer une femme dans l’espace du sacré est un pas en avant. Mais leur formation les cantonne à un discours très basique sur le voile, les ablutions, etc. Ce n’est pas elles qui vont revendiquer l’égalité entre hommes et femmes ! »

 Son inspiration : une quête identitaire

À la fin de ses études de médecine, une « quête identitaire » pousse Asma Lamrabet à revenir « aux sources » de sa foi. « J’avais reçu une éducation très occidentalisée, et ma culture arabo-musulmane était défaillante », reconnaît-elle aujourd’hui. Guidée dans ses lectures par les érudits de sa famille, souvent soufis, elle relit les textes islamiques, leurs interprétations… et prend conscience « du décalage entre ceux-ci et l’interprétation sexiste et discriminatoire qui en est faite ». En Amérique latine, où elle a suivi son mari diplomate, les « croyantes à la fois pratiquantes et modernes » qu’elle rencontre, inspirées par « la théologie de la libération », achèvent de la convaincre de l’importance du travail à mener. En 2002, elle publie – en français – son premier ouvrage Musulmane tout simplement (Éditions Tawhid) dans lequel elle retrace ses découvertes.

 https://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Asma-Lamrabet-un-regard-feminin-sur-le-sacre-en-Islam-2014-05-13-1149405

 

Que dit le Coran de la femme?

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars, « La Croix » décrypte le rôle accordé à la femme dans le Coran. Un sujet qui provoque aujourd’hui de nombreux débats.

Mahrukh Arif et Mélinée Le Priol, 

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Une femme priant à la mosquée Nasir-al-Molk à Chiraz en Iran, en mars 2016.SILVER-JOHN – FOTOLIA

Si l’une des 114 sourates du Coran est bien consacrée aux femmes de manière explicite (la quatrième, dite sourate des femmes, « An-nisâ »), une large partie du texte sacré de l’islam parle de l’être humain en général, sans précision de genre.

Omero Marongiu-Perria, sociologue spécialiste de l’islam en France (1), rappelle ainsi que le Coran recourt souvent au mot arabe « zawj », qui signifie aussi bien homme que femme, époux qu’épouse. « L’usage de ce terme a amené certains théologiens musulmans à dire que la personne humaine est indéterminée à la base, mais comme revêtue d’une enveloppe corporelle genrée », explique ce chercheur. Selon le Coran, l’homme et la femme naissent en effet « d’une âme unique » (4 : 1).

Par ailleurs, comme le précise l’imam Mohammed Azizi, aumônier régional des hôpitaux d’Île-de-France, Eve n’est pas plus responsable du péché originel qu’Adam, selon le Coran (2:36). « L’interprétation punitive n’existe pas en islam, explique-t-il. C’est Satan qui est derrière le péché, pas la femme. »

Un autre passage du Coran semble représentatif de l’indistinction de l’homme et de la femme devant Dieu : « Les musulmans et musulmanes, les croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, les loyaux et loyales, les endurants et endurantes, les donneurs et donneuses d’aumônes, ceux et celles qui jeûnent, les gardiens de leur chasteté et les gardiennes, ceux et celles qui invoquent souvent Dieu : Dieu a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense. » (33 : 35)

 Soumises et obéissantes ?

Cela dit, force est de constater que le Coran semble souvent véhiculer une vision inégalitaire des rapports hommes-femmes dans les réalités quotidiennes. Considérée comme la gardienne de la maisonnée et jouant un rôle de conseil auprès de son époux, la femme n’en est pas moins contrainte à l’obéissance, comme le rappelle ce verset de la sourate des femmes :

« Celles de qui vous craignez l’insoumission, faite-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les. Mais une fois ramenées à l’obéissance, ne leur cherchez pas prétexte. » (4:34)

À cela s’ajoutent d’autres mentions bien connues et parfois qualifiées de misogynes, comme notamment l’autorisation de la polygamie – jusqu’à quatre femmes par homme (4 : 3).

 Des interprétations patriarcales

« Le Coran s’inscrit dans la réalité d’une société patriarcale, où ces rapports de domination existaient déjà », explique Omero Marongiu-Perria, précisant que l’idée d’obéissance de la femme au mari se retrouve aussi dans les autres traditions abrahamiques.

De même qu’avec la Bible, une connaissance insuffisante du contexte historique peut mener à des interprétations erronées. C’est ce qu’explique Asma Lamrabet, médecin et féministe marocaine, quand elle cite le verset coranique consacré à l’héritage : « Allah vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au fils la portion de deux filles » (4:11). Elle rappelle que dans les sociétés préislamiques, la femme n’avait tout simplement pas le droit d’hériter : ce passage du Coran est par conséquent pour elle « une révolution ».

Appelant à une lecture dépolitisée de l’islam, Asma Lamrabet déplore que l’exégèse du Coran soit le fait des seuls hommes, qui en produisent selon elle une « interprétation sexiste ». Elle souligne la nécessité de procéder à une lecture contextualisée du Coran et de faire la distinction entre les concepts universels du texte sacré de l’islam et les versets conjoncturels répondant à des circonstances historiques.

Car dans la pratique, ces textes sont aujourd’hui compris et interprétés de façons variées dans le monde. Si la place donnée à l’interprétation reste large, certains pays musulmans ont choisi d’appliquer celle qui leur convenait politiquement.

 Une exégèse au féminin ?

Cependant, ces dernières années ont vu l’émergence d’un féminisme islamique revendiquant une modification des rapports hommes-femmes. La majorité de ces femmes musulmanes de tout horizon dénonce la misogynie banalisée dans les pratiques musulmanes et justifiée par le texte sacré.

  « C’est totalement faux de penser que les femmes musulmanes n’ont pas leur mot à dire sur le Coran ou la religion », assure Nusrat Qudsia Wasim, présidente des femmes de l’association musulmane Ahmadiyya. « Dans l’islam, l’homme et la femme sont égaux devant Dieu. Les femmes ont d’ailleurs participé à l’exégèse du Coran, à commencer par Aïcha, la femme du Prophète : après la mort de son époux, plusieurs compagnons venaient la consulter pour des cas de jurisprudence islamique. Le prophète lui-même a enjoint aux croyants d’apprendre la moitié de leur religion auprès d’Aïcha. »

https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Que-Coran-femme-2017-03-08-1200830336

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CORAN, ISLAM, MAHOMET, RELIGION, VERSETS SATANIQUES DANS LE CORAN

Versets sataniques dans le Coran

Versets sataniques du Coran

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L’expression versets sataniques évoque les versets du Coran où Satan aurait fait dire à Mahomet des paroles empreintes de conciliation avec les idées polythéistes. Cet épisode concerne les versets 19 à 23 de la sourate 53, An-Najm (L’étoile). Cet incident aurait eu lieu à La Mecque, huit ans avant l’hégire. L’épisode est « rapporté dans de nombreuses sources du commentaire islamique »

L’expression a été inventée par Sir William Muir dans les années 1850 et Salman Rushdie l’a retenue comme titre de son livre Les Versets Sataniques, ces termes renvoyant explicitement aux versets de la sourate 53.

Épisode des versets sataniques

Le terme « versets sataniques » est une appellation occidentale, inusitée dans la tradition arabo-musulmane.

L'ange Gabriel révèle à Muhammad la sourate 8 du Coran (page du "Siyar-i Nabi" de Murad III)
Mustafa bn ValiLutfi AbdullahDarir, Musée du Louvre, Département des Arts de l’Islam, MAO 708 Recto – https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010321502https://collections.louvre.fr/CGU

Résumé

L’épisode des versets sataniques relate l’événement au cours duquel Satan aurait tenté de dicter des enseignements hérétiques à Mahomet. Avant de fuir à Médine, Mahomet se serait assis à proximité de la Kaaba et aurait reçu la visite de l’ange Gabriel. C’est à ce moment que Satan aurait fait dire à Mahomet « des paroles de compromission et de réconciliation » en parlant de trois divinités mecquoises, al-Lt, al-Uzza et Manât : « Ce sont les sublimes déesses et leur intercession est certes souhaitée ». Al-Lat, al-`Uzzâ, et Manât étaient des déesses préislamiques. Les musulmans et les polythéistes se seraient alors inclinés ensemble.

Par la suite, cette révélation aurait été rectifiée et abrogée par celle du verset 52 de la sourate 22. Ces versets prennent le nom de « satanique » en raison du verset précédemment cité, que les exégètes ont rattaché « de manière assez superficielle » à cet épisode. Selon celui-ci, Allah abrogerait les versets que Satan « jette ». La tradition savante arabo-musulmane voit dans ce passage une tentative de compromis avec le polythéisme. Les trois divinités auraient été intégrées à la théologie musulmane, mais de manière subordonnée à Allah. Pour l’islam orthodoxe, une telle compromission ne peut avoir été dictée que par Satan.

Le terme « sublime déesse », utilisé dans la sourate 53, est une traduction d’un terme arabe obscur mais « qui reconnaît assurément aux trois déesses (al-Lat, al-Uzza et Manat) une essence surnaturelle ». L’épigraphie permet de comprendre que les « filles de Il » (terme probablement à l’origine de l’expression « fille d’Allah ») désigne des êtres surnaturels ayant un rôle de messager. Il s’agit d’un terme théologique polythéiste qui correspond au terme monothéiste d’ange. La compromission est donc double puisqu’elle inclut des divinités préislamiques à la théologie musulmane mais aussi par l’usage d’une terminologie polythéiste.

Cette tentative de synthèse théologique a rapidement été récusée « parce qu’il [Mahomet] n’était pas en position de force et semblait avoir cédé sur le monothéisme ». Une autre synthèse semblable se trouve, pour l’épigraphiste et orientaliste Christian Julien Robin, dans l’assimilation d’ar-Rahman avec Allah. L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanan », qui désigne le dieu des juifs, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans l’Arabie préislamique, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima al-kadhdhâb, un rival de Muhammad.

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Récit de Tabari

Le récit des « versets sataniques » a, notamment été transmis par Ibn Sa’d et par Tabarî (839-923), historien et commentateur sunnite qui rapporte ainsi cette anecdote :

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« Alors fut révélée au prophète la sourate de l’Étoile. Il se rendit au centre de La Mecque,
où étaient réunis les Quraychites, et récita cette sourate. Lorsqu’il fut arrivé au verset 19 :

« Que croyez-vous de al-Lat, de `Uzza et de Manat, la troisième ?

Est-il possible que Dieu ait des filles, et vous des garçons ?

La belle répartition des tâches que ce serait là… »

Iblîs vint et mit dans sa bouche ces paroles :

« Ces idoles sont d’illustres divinités, dont l’intercession doit être espérée. »

Les incrédules furent très heureux de ces paroles et dirent :

« Il est arrivé à Mahomet de louer nos idoles et d’en dire du bien. »

Le prophète termina la sourate, ensuite il se prosterna, et les incrédules se prosternèrent à son exemple, à cause des paroles qu’il avait prononcées, par erreur, croyant qu’il avait loué leurs idoles.
Le lendemain, Gabriel vint trouver le prophète et lui dit :

« Ô Mahomet, récite-moi la sourate de l’Étoile. »

Quand Mahomet en répétait les termes, Gabriel dit :

« Ce n’est pas ainsi que je te l’ai transmise ? J’ai dit : « Ce partage est injuste ». Tu l’as changée et tu as mis autre chose à la place de ce que je t’avais dit. »

Le prophète, effrayé, retourna à la mosquée et récita la sourate de nouveau. Lorsqu’il prononça les paroles :

« Et ce partage est injuste »

Les incrédules dirent :

« Mahomet s’est repenti d’avoir loué nos dieux. »

Le prophète fut très inquiet et s’abstint de manger et de boire pendant trois jours, craignant la colère de Dieu. Ensuite Gabriel lui transmit le verset suivant :

« Nous n’avons pas envoyé avant toi un seul prophète ou envoyé sans que Satan n’ait jeté à travers dans ses vœux quelque désir coupable ; mais Dieu met au néant ce que Satan jette à travers, et il raffermit ses signes (ses versets). »

Des versets controversés

Lors de l’épisode des versets sataniques, Mahomet fait des concessions à l’unicité divine afin d’attirer à sa nouvelle religion les Quraych polythéistes. Cet épisode est cité par al-Tabari. Si la version d’Ibn-Hisham des écrits d’Ibn Ishaq ne fait pas mention de cet épisode, Alfred Guillaume le réintègre au texte original d’Ibn Ishaq à partir des écrits de al-Tabari. En effet, l’immense majorité du contenu historique de l’édition d’Ibn Hisham provient d’Ibn Ishaq. Néanmoins, il a retranché beaucoup, semble-t-il, des épisodes, dont probablement celui-là.

Dans l’ouvrage collectif, Le Coran des historiens, Christian Julien Robin cite ces deux versets qui « auraient été déclamés, puis abrogés parce qu’ils ne s’accordaient pas avec le monothéisme radical de la prédication muhammadienne. La vulgate ne les reproduit pas, au contraire d’autres versets également abrogés, ce qui souligne la gêne qu’il ont provoquée » :

« 19. Avez-vous considéré al-Lat et al-Uzza

  1. Et Manat, cette troisième autre?
  2. bis [Ce sont les sublimes Déesses
  3. ter. et leur intercession est certes souhaitée]
  4. Avez-vous le Mâle et Lui la Femelle ! »

Christian Julien Robin poursuit en signalant que Mahomet a rapidement récusé cette tentative de synthèse entre polythéisme et monothéisme mais, paradoxalement, « bien plus tard, c’est une synthèse très semblable qu’il accepte quand, revenu en vainqueur, il propose l’assimilation d’Ar-Rahman avec Allah ». L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanân », qui désigne le dieu des juifs vers le VIe siècle dans l’Arabie préislamique, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans la même région, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima, un rival de Muhammad. À l’appui de cette analyse, Christian Robin précise : « Dans l’invocation bi-(i)smi (A)llâh ar-Rahmân ar-rahïm, il est clair que ar-Rahmân était à l’origine un nom propre et que le sens premier était : «au nom du dieu ar-Rahmàn le miséricordieux». Aux arguments historiques, on peut ajouter qu’en arabe, le mot rahmân ne se trouve que dans ce contexte. ».

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Historicité

L’authenticité de ce récit est généralement admise. Pour certains orientalistes, il pourrait refléter une volonté de rapprochement avec les polythéistes. Si certains auteurs, comme Caetani considère ce récit comme une invention a posteriori, la majorité des chercheurs en défendent l’authenticité. Crone remarque néanmoins que ces versets sataniques s’intégreraient difficilement à la sourate 53.

Néanmoins, certains auteurs musulmans modernes rejettent ce récit, considérant que les versets actuels du Coran sont cohérents. Pour eux, le récit aurait été majoritairement accepté pour des raisons théologiques, celui-ci mettant en valeur le rôle passif de Mahomet dans la réception de la révélation coranique. Néanmoins, pour Bell, les versets 21-22 et 23 sont des ajouts postérieurs au texte.

 

La construction d’une figure de prophète infaillible

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Portrait de Mahomet, tiré de l’Histoire générale de la religion des Turcs de Michel Baudier. Paris (1625).

Du point de vue du consensus actuel musulman, Mahomet, en tant que messager du message divin, ne saurait avoir ni sa foi, ni sa sincérité remises en cause, ni même voir sa vie être ramenée à une vie banale où l’erreur est possible. Pour Ibn Warraq, cette supposée concession à l’idolâtrie pose problème : « quelle foi pourrions avoir en un homme qui peut être aussi facilement corrompu par l’esprit du mal (…). Comment pouvons-nous être sûrs que d’autres passages ne sont pas inspirés par le diable ? ».

L’idée d’un prophète purifié apparaît dans certaines biographies anciennes. Ainsi, un hadith raconte une purification du cœur de Mahomet par des anges. Pour autant, le principe d’infaillibilité et de préservation du péché n’a pas pour origine le texte coranique, ni les hadiths. Il apparaît sous l’influence de la pensée orientale et à travers les chiismes avant d’intégrer la foi sunnite. Il concernait à ses origines l’Imam.

Cette notion, isma, évolue de la préservation de la simple révélation coranique à l’infaillibilité de l’ensemble des prophètes. Certains courants de l’islam ont alors continué à défendre, en s’appuyant sur le texte coranique, l’existence de péchés commis par les prophètes et Mahomet, entre autres, durant leur mission prophétique. Les xiie et xiiie siècles voient encore, à la suite des apports logiques de la philosophie grecque, une opposition entre ces différents courants, certains limitant l’impeccabilité de Mahomet et des prophètes, d’autres présentant des justifications aux péchés présentés dans le texte coranique. Une opposition est faite dans le courant muʿtazilite entre des fautes graves dont auraient été exemptés les prophètes et les fautes légères dues à l’inadvertance qu’ils ont pu commettre.

Ainsi, certaines justifications sont présentées et étudiées par Fakhr-ad-Dîn-ar-Râzî (xiie – xiiie siècle), défenseur d’une préservation des prophètes des erreurs et péchés. Les versets sataniques sont pour certains mis en doute, pour d’autres ils auraient été mal compris et auraient été à l’origine une phrase interro-négative, ou encore auraient désigné des anges et non les trois déesses. Pour d’autres encore, Satan aurait parlé et non Mahomet, niant ainsi une faute grave commise par le prophète. Selon l’islamologue Nadjet Zouggar, ces explications sont fondées sur des arguments que l’on peut qualifier de dialectiques ou spéculatifs, plutôt que scripturaires.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Versets_sataniques_du_Coran

CHRISTIANISME, EGLISE CATHOLIQUE, ISLAM, POUR MIEUX CONNAÎTRE L'ISLAM, RELATIONS ENTRE L'ISLAM ET L'EGLISE CATHOLIQUE, RELIGIONS, RELIGON

Pour mieux connaître l’Islam

 « Cet islam qui bouscule les chrétiens », un hors-série exceptionnel à découvrir

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Famille Chrétienne publie un hors-série sur l’islam pour mieux connaître cette religion qui bouscule les chrétiens, et ne plus avoir peur d’un dialogue franc avec les musulmans de son entourage.

 « C’est extraordinaire de rencontrer le Christ. Il faut réveiller les baptisés de France. Il faut inviter tous les baptisés à annoncer le Christ ! » Cet appel passionné émane d’une convertie pas comme les autres. Nadia Piccarreta est née musulmane, elle s’est convertie au catholicisme à l’âge de 34 ans. Elle fait partie de ces convertis de l’islam dont on parle très peu mais qui sont de plus en plus nombreux en France, bousculant leur communauté d’origine et l’Eglise catholique.

Ce sont eux qui sont le plus à même d’indiquer aux catholiques la bonne attitude à avoir envers les musulmans, alors que le nombre de ces derniers s’accroît en France, en témoignant de ce qui les a touchés, de ce qu’ils auraient aimé entendre de la part des chrétiens qu’ils ont croisés, de ce qu’attendent les musulmans de leur entourage. Dans son nouvel hors-série, Cet islam qui bouscule les chrétiens, qui paraît vendredi 11 mars, Famille Chrétienne leur consacre sa première partie, avec une longue rencontre du comédien converti Medhdi Djaadi, une interview de Nadia Piccaretta, le témoignage poignant de cinq convertis de l’islam ayant choisi le Christ au péril de leur vie et une interview de Jean-François Chemain, auteur d’un livre choc sur l’expérience à la fois exaltante et douloureuse des convertis de l’islam (Ils ont choisi le Christ, Artège). Tous s’accordent à dire que les musulmans ont soif d’une rencontre fraternelle et d’un dialogue en vérité avec les chrétiens de France.

 

Penser l’islam au-delà des clichés

Cependant, « pour soutenir le dialogue avec l’islam, une formation adéquate des interlocuteurs est indispensable » rappelle le pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium. La deuxième partie du nouvel hors-série de Famille Chrétienne donne les éclairages des meilleurs spécialistes de l’islam – Rémi Brague, le Frère Adrien Candiard, Annie Laurent, le Père François Jourdan… – pour connaître cette religion, trop souvent mise sur le même plan que le christianisme et le judaïsme au nom des « trois monothéismes ». « Qu’on arrête de croire que l’islam est un christianisme avec un couscous ! », s’exclame le Père Jean-Baptiste Moreau, prêtre à Besançon, au contact d’une communauté musulmane intégrée. Quelles sont les différences entre islam et christianisme ? Comment est né l’islam ? Entre islam et islamisme, y a-t-il une différence de fond ou de degré ? Vous trouverez les réponses dans cette partie, pour penser l’islam au-delà des clichés.

Munis de sérieuses connaissances sur sa foi et la foi de l’autre, il ne faut pas avoir d’entrer en dialogue avec les musulmans. Mais comment faire, alors que l’actualité nous traumatise, comme nous le rappelle le procès des attentats de Paris qui se déroule actuellement ? Maître Ludovic de Villèle, avocat représentant de parties civiles dans ce procès hors-normes, propose audacieusement dans la troisième partie du hors-série la voie du pardon comme chemin pour panser les plaies. Il donne le ton à un dialogue exigeant à tous les niveaux, éclairé par des acteurs de terrain et deux musulmans de France, Ghaleb Bencheikh, islamologue et président de la Fondation de l’Islam de France, et Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othman de Villeurbanne.

 

Se tenir toujours prêt à témoigner du Christ

L’évangélisation est le point d’orgue du dialogue interreligieux. « La mission ne consiste pas en la mise en place de stratégies missionnaires pour la conversion des musulmans, prévient cependant Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille. Mais il faut se tenir là, dans l’amitié et la présence, à l’écoute du travail de l’Esprit Saint en l’autre et en moi, en se tenant toujours prêt à témoigner de notre Seigneur Jésus-Christ. » Il s’agit précisément de l’attitude de ceux qui s’engagent dans un dialogue ouvertement missionnaire auprès des musulmans.

Dans la quatrième partie du hors-série, reportages et enquêtes de fond mettent en lumière ces chrétiens convaincus qui, au sein de la plateforme Ismérie ou d’autres structures (Ananie, Mission Angélus…), évangélisent, accompagnent les convertis et proposent des formations pour mieux connaître l’islam. Une interview de Mgr Aveline clôt ce hors-série exceptionnel à lire de toute urgence, alors que l’actualité fait ressurgir la nécessité d’un vrai dialogue interreligieux entre chrétiens et musulmans.

https://www.famillechretienne.fr/37869/article/cet-islam-qui-bouscule-les-chretiens-un-hors-serie-exceptionnel-a-decouvrir

CHARLEMAGNE (742/747 ou 748 - 814 ), EUROPE, HENRI PIRENNE (1862-1935), HISTOIRE, HISTOIRE DE L'EUROPE, ISLAM, MAHOET ET CHARLEMAGNE, MAHOMET, MOYEN AGE

Mahomet et Charlemagne de Henri Pirenne

 

Mahomet et Charlemagne

Henri Pirenne

Paris, Editions Tallandier, 2021. 362 pages.

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Quatrième de couverture

 Deux constats s’imposent à la suite de cette étude mettant en évidence le rapport étroit existant entre les conquêtes de l’Islam et la formation du Moyen Âge occidental. En premier lieu, selon l’auteur, les invasions germaniques n’ont mis fin ni à l’unité méditerranéenne du monde antique, ni à ce que l’on peut constater d’essentiel dans la culture romaine, telle qu’elle se conservait encore au Ve siècle à l’époque où il n’y a plus d’empereur en Occident. Mais en deuxième point, la rupture de la tradition antique a eu pour instrument l’avance rapide et imprévue de l’islam, avec comme conséquence, la séparation définitive de l’Orient et de l’Occident, mettant fin à l’unité méditerranéenne. La Méditerranée occidentale cesse d’être la voie des échanges et des idées qu’elle était jusqu’alors. La constitution du nouvel Empire en 800 consacre la rupture Occident – Orient. Un ouvrage d’histoire auquel l’actualité redonne un grand intérêt et dont l’intérêt scientifique ne s’est jamais démenti, il reste une référence incontournable.

Henri Pirenne (1862-1935)

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Henri Pirenne (Verviers, le 23 décembre 1862 – Uccle, le 25 octobre 1935) est un historien belge. Il est également l’une des grandes figures de la résistance non-violente à l’occupation allemande de la Belgique durant la Première Guerre mondiale.

La réputation de l’historien repose sur trois grandes contributions à l’histoire européenne. La première concerne les origines du Moyen Âge par la formation de nouveaux états et le déplacement du commerce vers le Nord. La seconde est une vue distincte de l’histoire médiévale de la Belgique et finalement un modèle pour le développement de la cité médiévale.

 

 

 « Mahomet et Charlemagne » d’Henri Pirenne :

in Revue Histoire, avril 205, n° 297

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 Pour Henri Pirenne c’est  l’avancée de l’islam qui provoqua, selon Pirenne, la rupture avec l’Antiquité.

 La thèse

C’est au cours de sa captivité en Allemagne, de 1916 à 1918, que Pirenne définit le rapport étroit qui existe, selon lui, entre les ­conquêtes de l’islam et la formation du Moyen Age occidental. En 1922, il publie dans la Revue belge de philologie et d’histoire un court et vif article intitulé « Mahomet et Charlemagne ». Dès lors, colloques, cours, articles et conférences sont autant de supports pour diffuser sa thèse. Et en mai 1935, peu avant sa mort, il achève la première rédaction de son Mahomet et Charlemagne , qui se veut l’aboutissement de ses recherches. Cette synthèse posthume, en forme d’ébauche, est publiée en 1937 par son fils et par l’historien Fernand Vercauteren.

 La « thèse de Pirenne », assez simple, tient en trois temps. Le médiéviste souligne tout d’abord que l’Empire romain, fondé sur une infrastructure de cités et sur le commerce en Méditerranée, a été peu touché par les invasions germaniques du ve siècle. Il remarque également que c’est au bord de la mer que s’est conservée la culture romaine : « L’Orient est le facteur fécondant ; Constantinople, le centre du monde. » Quant au royaume franc, confiné au nord, il semblait privé de toute chance d’avenir.

Selon Pirenne, l’événement qui provoqua la rupture de la tradition antique fut l’avance rapide et imprévue de l’islam. L’invasion musulmane renversa l’Empire perse 637-644, enleva à l’Empire byzantin, à la fin du VIIe siècle, la Syrie, l’Égypte, le Maghreb oriental, puis, au début du VIIIe siècle, l’Espagne, la Corse, la Sardaigne, une partie de l’Italie. Ce « cataclysme cosmique » eut pour conséquence de séparer définitivement l’Orient de l’Occident en mettant fin à l’unité méditerranéenne. « La Méditerranée occidentale, devenue un lac musulman, cesse d’être la voie des échanges et des idées qu’elle n’avait cessé d’être jusqu’alors. »

Les échanges ayant pratiquement cessé, l’Occident fut alors forcé de vivre sur lui-même, « en vase clos » . L’axe de la civilisation fut repoussé du sud vers le nord. L’État franc devint alors « l’arbitre de ses destinées » . Un monde nouveau naissait, fondé sur une économie purement terrienne. Une dynastie s’imposait : les Carolingiens, appuyés par l’Église. Le Moyen Age commençait. Et Pirenne de conclure son article de 1922 par cet aphorisme célèbre repris avec moins d’élan dans l’ouvrage : « Sans l’islam, l’Empire franc n’aurait sans doute jamais existé, et Charlemagne sans Mahomet serait inconcevable. »

 

Qu’en reste-t-il ?

Abondamment débattue par les historiens, la thèse de Pirenne est incontestable sur deux points. Entre le VIIe et le IXe siècle, l’économie occidentale a basculé du sud au nord. De plus, l’irruption de l’islam dans le monde méditerranéen réduisit vraiment le monde romain oriental à l’ombre de lui-même, et créa, comme l’écrit Richard Fletcher, « les conditions dans lesquelles une diffusion de la culture chrétienne du nord-ouest pouvait amener l’épanouissement d’une civilisation regroupée sur les rivages des mers du nord » .

Mais, bien plus que Mahomet, c’est sans doute la peste qui, ravageant dès la fin du VIe siècle les ports et les villes du midi de l’Europe, détermina le basculement du centre de gravité économique de l’Occident. C’est l’hypothèse avancée dans les Annales ESC en 1969 par Jacques Le Goff et Jean-Noël Biraben. En outre, les contacts commerciaux entre chrétiens et musulmans ne cessèrent jamais tout à fait. Enfin, le démarrage économique européen est dû à des causes plus complexes cohésion religieuse ; paix relative ; amélioration climatique ; développement de la petite exploitation paysanne, etc. que « la thèse de Pirenne » ne le laisse penser.

https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%AB-mahomet-et-charlemagne-%C2%BB-dhenri-pirenne

BASILIQUE SAINTE SOPHIE DE CONSTANTINOPLE, CHRISTIANISME, CONSTANTINOPLE (Turquie), GRECE, ISLAM, TURQUIE

Basilique Sainte-Sophie de Constantinople (Turquie)

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Ancienne basilique de Constantinople, construite entre 532 et 548, transformée en mosquée après la prise de la ville par les Ottomans en 1453, et devenue musée (musée de l’Aya Sofya) depuis 1934. En juillet 2020 la Turquie la transforme à nouveau en lieu de prière pour les musulmans : elle redevient donc une mosquée.

 

 

HISTOIRE

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Sainte-Sophie, Istanbul

C’est en l’année 325, la vingtième de son règne, que l’empereur Constantin fit élever la première basilique, consacrée non pas comme on le croit parfois à une sainte du nom de Sophie, mais à la Sagesse Divine (en grec : Haghia Sophia), sur un emplacement où, du temps où la ville grecque s’appelait encore Byzance, s’élevaient des temples païens. Son fils Constance la fit agrandir et l’Haghia Sophia devint l’église épiscopale de Constantinople. En 404, sous l’empereur Arcadius, elle fut incendiée en partie au cours d’une émeute suscitée par l’exil de saint Jean Chrysostome. Rebâtie en 415 par Théodose II, la basilique fut brûlée une seconde fois en 532 lors de la grande sédition Nika (ou insurrection des Victoriats), causée par des rivalités du Cirque, la cinquième année du règne de Justinien Ier.

C’est à ce dernier empereur que nous devons l’édifice qui existe encore aujourd’hui. Il voulut que le sanctuaire de sa capitale fût le monument le plus magnifique que l’on eût vu depuis la fondation de la ville : aussi fit-il recueillir dans toutes les provinces de l’empire les matériaux les plus précieux, les marbres les plus rares, les colonnes les plus fines des temples les plus renommés. C’est ainsi qu’il reçut d’Éphèse huit colonnes de brèche verte provenant probablement du célèbre temple de Diane, et de Rome huit colonnes de porphyre enlevées autrefois par l’empereur Aurélien au temple de Jupiter Héliopolitain à Baalbek. Les temples grecs d’Athènes, de Délos, de Cyzique, ceux d’Isis et d’Osiris en Égypte, furent aussi mis à contribution.

Deux architectes grecs, Anthémios de Tralles et Isidore de Milet, furent chargés de la direction des travaux, mais on fit courir la légende que l’empereur avait reçu d’un ange le plan de l’édifice et l’argent nécessaire à sa construction. Justinien voulut en jeter les fondations en personne.

Une vaste esplanade, recouverte d’une sorte de ciment formant une couche de vingt pieds d’épaisseur, et qui finit par acquérir la dureté du béton, servit d’assise à la construction. Les murs furent élevés en briques, mais on bâtit les piliers en grandes pierres calcaires qui furent reliées par des crampons de fer, ainsi que des tables de marbre dont tous les murs intérieurs furent revêtus. Dix mille ouvriers conduits par cent maîtres maçons étaient employés à la fois sur le chantier. À toute heure, l’empereur venait surveiller les travaux et récompenser les plus zélés.

Pour la construction du dôme, Justinien fit confectionner à Rhodes des briques d’une terre si légère que douze d’entre elles ne pesaient pas plus qu’une brique ordinaire ; elles portaient l’inscription suivante : « C’est Dieu qui l’a fondé, Dieu lui portera secours. » On les disposa en assises régulières ; de douze en douze assises, on y maçonnait des reliques, et le clergé disait des prières.

Le temple fut décoré avec splendeur, et les sommes immenses dépensées réduisirent l’empereur aux expédients les plus coupables pour se procurer de l’argent. Enfin le monument fut achevé en 548. L’empereur procéda à l’inauguration avec magnificence. Après une marche triomphale sur l’Hippodrome, il se rendit à la basilique et s’écria : « Gloire à Dieu qui m’a jugé digne d’accomplir cet ouvrage ; je t’ai surpassé ô Salomon ! » Les prières, les festins publics et les distributions d’aumônes durèrent quatorze jours.

 

 

LES ALÉAS DE LA POSTÉRITÉ

La coupole, bâtie avec trop de hardiesse, s’écroula en 558/559 sous l’effet d’un tremblement de terre. L’architecte Isidore le Jeune fut chargé de la reconstruire. Il diminua son diamètre et renforça les piliers en leur accolant extérieurement de fortes murailles. En 975, sous les empereurs Basile II et Constantin IX, une nouvelle restauration fut nécessaire. En 1347, un séisme endommagea la coupole qui dut être à nouveau restaurée sous la direction des architectes Astaros, Faciolatus et Giovanni Peralta ; les travaux durèrent jusqu’en 1354. En 1371, un nouveau tremblement de terre renversa la croix.

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Sainte-Sophie, à Constantinople

Le 29 mai 1453, le soir même de la prise de Constantinople, le sultan Mehmet II se rendit à Sainte-Sophie et donna l’ordre de la transformer en mosquée. Le 1er juin, il y faisait sa prière. Il fit construire un minaret et les deux contreforts qui soutiennent l’édifice au sud-est. Bayazid fit ériger le minaret du nord-est, et le sultan Sélim II, ceux de l’ouest ainsi que de nouveaux murs de soutènement. Les sultans firent de nombreuses donations pour enrichir le sanctuaire : Süleyman Ier (Soliman le Magnifique) offrit deux candélabres qui flanquent le mihrab. Ahmet Ier donna à la loge impériale son aspect actuel et fit suspendre le candélabre qui pend sous la grande coupole. Les inscriptions des cartouches furent l d’un célèbre calligraphe du xviie siècle. Au xviiie siècle, on fit disparaître les mosaïques byzantines sous un épais badigeon, mais en 1847 le sultan Abdülmeçit confia à l’architecte Fossati le soin de restaurer l’édifice, et quelques mosaïques furent alors dégagées. Jusqu’en 1934, Sainte-Sophie, l’Aya Sofya servit ainsi de mosquée. À cette date, Atatürk la fit transformer en musée.

 

 

L’ARCHITECTURE

 

L’EXTÉRIEUR

De l’extérieur, il est très difficile de reconnaître le plan primitif de la basilique. Des contreforts massifs, ajoutés pour étayer l’édifice ébranlé par les tremblements de terre successifs, ainsi que plusieurs constructions postérieures adossées aux murs de la basilique, en masquent l’architecture et alourdissent les formes.

Seuls, les quatre minarets édifiés au xve siècle (lors de la transformation de l’église en mosquée) aux angles de l’édifice allègent quelque peu son aspect extérieur. Celui du nord-est, attribué à Bayazid, est cannelé. Celui du sud-est, assigné à Mehmet Fatih, est polygonal, à facettes planes. Les deux minarets de l’ouest, érigés par Sélim II, sont polygonaux, à nervures saillantes sur les arêtes. La coupole, aujourd’hui surmontée d’un immense croissant, est soutenue par des murs dont les assises sont alternativement blanches et roses.

 

L’ESPACE INTÉRIEUR

L’intérieur de l’église, en revanche, est un chef-d’œuvre de légèreté. La lumière y pénètre de toutes parts par sept étages de baies. La base de la coupole, elle-même percée d’une couronne de 40 fenêtres, et flanquée à l’est et à l’ouest de deux demi-coupoles, est soutenue par quatre pendentifs, qui reposent sur des piliers massifs et permettent de passer du plan carré au plan circulaire. Cette coupole de brique de 31 m de diamètre et dont la clé est placée à 55 m du sol, prend appui sur quatre gigantesques piliers et sur les arcs de tête des deux demi-coupoles, par l’intermédiaire de quatre pendentifs imposant un plan circulaire au plan carré délimité par les quatre piliers ; au sol, le sanctuaire se présente intérieurement comme un rectangle de 77 m de long sur 71,20 m de large, partagé en trois travées. La nef centrale est surplombée à l’est et à l’ouest par deux demi-coupoles, dont celle placée à l’est crée une abside en cul-de-four, elle-même prolongée par une absidiole. Ces demi-coupoles, qui flanquent la coupole centrale, sont elles-mêmes flanquées de petites coupoles (une succession de voûtements en cascade que reprendront les architectes ottomans, et notamment Sinan, au xvie s.). Les travées latérales sont surmontées, ainsi que le double narthex permettant d’accéder à la nef, d’une galerie (gynécée) à colonnes de marbre vert.

Au fond de l’abside, le mihrab n’est pas exactement placé dans l’axe de la basilique, mais au contraire désaxé pour indiquer la direction de La Mecque.

 

LE DÉCOR

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Jean II Comnène

La riche décoration intérieure se signale par une luxuriante polychromie : marbres de couleurs et mosaïques à fond d’or ; les plus justement célèbres sont, entre autres, celles ornant le tympan de la porte ouvrant sur le narthex (la Madone trônant avec l’Enfant ; à ses côtés, Constantin Ier lui offre symboliquement la ville de Constantinople, tandis que Justinien lui présente une maquette de Sainte-Sophie), celle au-dessus du tympan de la Porte Royale (le Christ trônant), et, dans la tribune sud, une superbe Déisis. Les mosaïques ont été dégagées de l’enduit noir qui les recouvrait lorsque l’édifice était une mosquée. Période dont témoigne encore, dans cet édifice dont Mustapha Kemal fit un musée en 1934, quatre grand disques noir, accrochés à la hauteur de la première galerie, portant les calligraphies en or des noms d’Allah, de Mahomet, et des compagnons du Prophète, Abou Bakr, Othman, Hossein, Hassan, Ali et Omar.

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CORAN, ISLAM, RELIGION, RELIGIONS

Le Coran des historiens

 

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Le Coran des historiens

Collectif sous la direction de  Ali Amir-mozzi, Guilluame Dye

Paris, Le Cerf, 2019. 4372 pages.

 

Présentation de l’éditeur

 

Evénement mondial ! Objet de toutes les controverses, le Coran n’avait jamais été commenté par les historiens. Réunissant 30 meilleurs spécialistes internationaux, cette somme unique lève un tabou et inaugure un ère nouvelle d’interprétation.

Première mondiale, ce monument savant et accessible, qui réunit trente spécialistes internationaux, offre, en trois mille pages, une synthèse complète et critique des travaux passés et des recherches présentes sur les origines du Coran, sa formation et son apparition, sa composition et sa canonisation : vingt études exhaustives sur le contexte introduisent ici à l’analyse circonstanciée du texte, les éléments archéologiques et épigraphiques, les environnements géographiques et linguistiques, les faits ethnologiques et politiques, les parallèles religieux éclairant, verset après verset, en un commentaire total les cent quatorze sourates du livre fondateur de l’islam.
Une aventure inédite de l’esprit.
Une somme sans précédent dans l’histoire.
Une contribution majeure à la science.
Une avancée décisive pour la compréhension mutuelle des cultures.

 

Biographie de l’auteur

Professeur des Universités, membre de l’Académie Ambrosienne de Milan, Mohammad Ali Amir-Moezzi est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL. Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).

Éditeurs

Mohammad Ali Amir-Moezzi, Professeur des Universités, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL et membre de l’Académie Ambrosienne de Milan.

Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).

Contributeurs

Mohammad Ali Amir-Moezzi (EPHE)

Mehdi Azaiez (Université de Lorraine/KU Leuven)

Samra Élodie Azarnouche (EPHE)

Meir M. Bar-Asher (Université Hébraïque de Jérusalem)

Mette Bjerregaard Mortensen (Université Libre de Bruxelles)

Anne-Sylvie Boisliveau (Université de Strasbourg)

Antoine Borrut (Université du Maryland)

Éléonore Cellard (EPHE)

Muriel Debié (EPHE)

Julien Decharneux (Université Libre de Bruxelles)

François Déroche (Collège de France)

Vincent Déroche (EPHE)

Guillaume Dye (Université Libre de Bruxelles)

Frantz Grenet (Collège de France)

David Hamidovic (Université de Lausanne)

Frédéric Imbert (Université Aix-Marseille)

Christelle Jullien (CNRS)

Manfred Kropp (Université de Mayence)

Paul Neuenkirchen (EPHE)

Karl-Friedrich Pohlmann (Université de Münster)

David S. Powers (Université de Cornell)

Gabriel Said Reynolds (Université de Notre Dame, USA)

Christian Julien Robin (CNRS)

Carlos A. Segovia (Université de Saint Louis de Madrid)

Stephen J. Shoemaker (Université d’Oregon)

Michel Tardieu (Collège de France)

Tommaso Tesei (Institute for Advanced Studies de Princeton)

Jan M. F. Van Reeth (Faculté des sciences

Table des matières (Tome 1/3)

LE CORAN ET LES DÉBUTS DE L’ISLAM : CONTEXTE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE

  1. L’Arabie préislamique (Christian Julien Robin)
    II. Arabes et Iraniens avant et au début de l’islam (Samra Azarnouche)
    III. Les vies de Muhammad (Stephen J. Shoemaker)
    IV. De l’Arabie à l’empire (Antoine Borrut)

LE CORAN AU CARREFOUR DES TRADITIONS RELIGIEUSES DE L’ANTIQUITÉ TARDIVE

  1. Le judaïsme et le Coran (Meir M. Bar-Asher)
    VI. Les communautés religieuses dans l’Empire byzantin à la veille de la conquête (Muriel Debié et Vincent Déroche)
    VII. Les chrétiens en Iran sassanide (Christelle Jullien)
    VIII. Le christianisme éthiopien (Manfred Kropp et Guillaume Dye)
    IX. Les courants « judéo-chrétiens » et chrétiens orientaux de l’Antiquité tardive (Jan M. F. Van Reeth)
    X. Le manichéisme : recherches actuelles (Michel Tardieu)
    XI. Les écrits apocryphes juifs et le Coran (David Hamidović)
    XII. Les apocalypses syriaques (Muriel Debié)
    XIII. L’apocalyptique iranienne (Frantz Grenet)
    XIV. Le Coran et son environnement légal (David S. Powers)

LE CORPUS CORANIQUE

  1. L’étude des manuscrits coraniques en Occident (François Déroche)
    XVI. Les manuscrits coraniques anciens (Éléonore Cellard)
    XVII. Le Coran des pierres (Frédéric Imbert)
    XVIII. Le corpus coranique : contexte et composition (Guillaume Dye)
    XIX. Le corpus coranique. Questions autour de sa canonisation (Guillaume Dye)
    XX. Le shi’isme et le Coran (Mohammad Ali Amir-Moezzi)

Annexe : Tableaux généalogiques
Bibliographie
Index
Remerciements
Table des matières

Vol. 1: Etudes sur le contexte et la genèse du Coran
Vol. 2a : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 1 à 26
Vol. 2b : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 27 à 114

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Un regard critique sur cette oeuvre 

Les historiens décryptent le Coran « avant l’islam »

Sous la direction de deux islamologues paraît une ambitieuse synthèse d’une partie de la recherche historique sur le Coran.

« Le Coran des historiens » regroupe une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale

Depuis les années 1970 et plus encore ces dernières années, le Coran et les origines de l’islam suscitent un «bouillonnement scientifique», marqué par une multiplication des publications et «des débats passionnants et souvent passionnés». Hélas, tout ceci reste «relativement méconnu hors du cercle des spécialistes», écrivent Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye dans leur introduction. D’où l’envie du premier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études et spécialiste du chiisme, de «mettre un peu d’ordre» dans ces multiples travaux et d’en «offrir une synthèse à un public plus large».

Après cinq ans de travail, le résultat vient de paraître aux Éditions du Cerf sous la forme d’un coffret en trois volumes, qu’accompagne une bibliographie en ligne afin de pouvoir être « complété » au fur et à mesure des parutions.

 Le monde qui a vu naître le Coran

Le premier volume a été conçu comme «une monumentale introduction sur le monde qui a vu naître le Coran» : son contexte historique et géographique, qui en fait un «carrefour de traditions et le point de rencontre de plusieurs religions de l’Antiquité tardive» (judaïsme, christianisme, mais aussi judéo-christianisme, manichéisme, zoroastrisme…).

Toutes les questions délicates autour de la rédaction et de la canonisation du Coran y sont abordées. Les deux autres volumes se présentent classiquement sous la forme d’un commentaire par sourate et groupes de versets : non pas seulement à l’aide des sciences islamiques traditionnelles comme le pratiquent les « savants » musulmans depuis des siècles, mais «selon l’approche historico-critique et philologique».

 Une trentaine d’auteurs

Pour y parvenir, Guillaume Dye, professeur d’islamologie à l’Université libre de Bruxelles, et Mohammad Ali Amir-Moezzi ont constitué une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale (Gabriel Saïd Reynolds ou Frédéric Imbert, spécialiste du « Coran des pierres ») ou «jeunes chercheurs remarquablement brillants». Tous s’accordent sur une double démarche méthodologique : «porter un regard critique sur les sources musulmanes» mais aussi «considérer le Coran dans le contexte des monothéismes» déjà présents dans la région, résume Mohammad Ali Amir-Moezzi, qui a apporté sa connaissance des sources chiites sur l’élaboration du texte sacré.

L’équipe compte toutefois quelques grands absents, comme les chercheurs appartenant à « l’école allemande », animée par l’islamologue Angelika Neuwirth et dont la particularité est de s’appuyer aussi sur les sources islamiques ultérieures (hadith, faits et gestes prêtés par la tradition au prophète de l’islam ou à ses compagnons, et sira, biographie de Mohammed), mais aussi d’autres, plus isolés sur la scène mondiale comme l’historienne et anthropologue française Jacqueline Chabbi – à qui les auteurs doivent l’expression de « Coran des historiens ». L’objectif, ici, est d’essayer de comprendre le Coran «avant l’islam», c’est-à-dire avant que ce dernier ne se soit constitué en empire et que – selon la formule d’Amir-Moezzi – l’on ait «changé de planète».

Scientifique, ce volumineux ouvrage se veut aussi «une initiative civique et politique dans le sens le plus noble des termes», affirment les deux auteurs, convaincus qu’«un des moyens les plus sûrs – mais aussi sans doute les plus lents, hélas – pour apaiser les esprits (…) est d’introduire l’histoire et la géographie dans l’examen des choses de la foi».

https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/historiens-decryptent-Coran-avant-lislam-2019-11-27-1201063090

ISLAM, ISLAMISME, RADICALISATION, RELIGION, RELIGIONS, RELIGON

Islam : face à la radicalisation, comprendre l’idéologie islamiste

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DES DIAFOIRUS AU CHEVET DES RADICALISÉS

Vivre ensemble article de Jean-François CHEMAIN (18 Oct 2019)

Le quadruple meurtre commis le 3 octobre dernier à la Préfecture de Police de Paris par Mickaël Harpon, un fonctionnaire converti à l’islam, pose encore une fois la question de la radicalisation et des moyens de la réduire. Qu’est-ce qui peut donc pousser un individu apparemment sans histoires à se «radicaliser», jusqu’à égorger de sang-froid quatre collègues ? Et que faire pour empêcher que cela ne se reproduise ? Jean-François Chemain apporte des éléments de réponse.

Il semble, hélas !, que tout ce que l’on a pu tenter jusqu’à présent pour empêcher qu’un acte tel que celui que vient de commettre Mickaël Harpon, ce fonctionnaire de la Préfecture de Police de Paris converti à l’islam, ne se reproduise, a échoué1. Pourquoi ? Faute, selon moi, de s’autoriser à désigner clairement le problème : l’idéologie islamiste, et à en montrer l’origine dans l’islam lui-même.

 

UNE IDÉOLOGIE CLAIRE

Les auteurs d’attentats se référent en effet à une idéologie claire, mais que, curieusement, au pays du cartésianisme, du rationalisme, de la liberté de penser et de l’esprit critique, au pays de Voltaire, il n’est pas possible de décrire sans risque de procès et de mort sociale. Cette idéologie, que l’on l’appelle «islamisme», «islam radical», «fondamentalisme islamique», existe bel et bien, puisque ceux qui exercent des violences au nom de l’islam et pratiquent le jihâd, s’y réfèrent. Rémi Brague l’a très bien mise en évidence2.

Tâchons de la résumer, en prenant soin de préciser qu’elle n’est pas reprise à son compte par une grande partie des musulmans, sans que je me croie autorisé à asséner qu’«évidemment», «l’immense majorité» d’entre eux la réprouveraient. Je peux l’espérer, mais je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est que certains des ex-musulmans que j’ai interrogés dans mon récent livre sur les convertis de l’islam au catholicisme ont fui, dans leur religion d’origine, ce double discours, fondamentaliste en privé, modéré devant les médias3.

L’islam repose sur un livre, le Coran, supposé parole incréée de Dieu, existant de toute éternité, et, pour cette raison, selon la version officielle, insusceptible d’interprétation : il doit être pris au pied de la lettre. Un débat entre les Mutazilites (partisans de l’interprétation) et les Hanbalites (leurs adversaires) a été tranché en 848 en faveur des seconds par le calife al-Mutawakkil. Aucun de ses successeurs n’est jamais revenu dessus, et le califat, autorité politique et religieuse incontestée, qui seul pourrait le faire, a été supprimé en 1924.

Ce primat du littéralisme a été encore renforcé par les wahabbites, secte ultra-fondamentaliste à laquelle appartient la famille Saoud, gardienne des lieux saints de l’islam, qui entretient avec les Anglo-saxons une relation privilégiée, et que les États-Unis protègent inconditionnellement depuis le Pacte du Quincy (1945) en échange de faveurs pétrolières. Les pétrodollars saoudiens financent impunément, partout dans le monde, le fondamentalisme.

Or ce Coran, qu’il faudrait prendre à la lettre, comprend maints versets appelant à tuer les chrétiens, notamment dans la sourate IX4. Il les appelle souvent «associateurs» ou «polythéistes», car les chrétiens sont supposés associer au Dieu unique un Fils, ce que le livre considère comme un blasphème5. Il s’agit dès lors pour les «fidèles» d’être pour les chrétiens un avant-goût sur terre du châtiment qui les attend dans l’au-delà6.

 

LA «LÉGITIME DÉFENSE» DU «FIDÈLE» CONTRE L’«INFIDÈLE»

Cette rhétorique de punition des blasphémateurs est aggravée par celle d’une «légitime défense» du «fidèle» contre l’ «infidèle» : les chrétiens sont présumés vouloir du mal aux musulmans7 («Croire en l’hostilité des infidèles est un acte de foi», a affirmé Oussama Ben Laden). On a là un véritable mouvement perpétuel de la violence : pour justifier ses violences, l’islam radical recycle l’hostilité qu’elles lui valent de la part de ceux qui en sont victimes. C’est l’argument du loup de la fable de La Fontaine, qui s’apprête à dévorer l’agneau parce que lui (ou son frère) a prétendu que les loups mangent les agneaux. Le mouvement perpétuel de la violence… Les idéologies sont toujours des systèmes intellectuels fermés, tournant en boucle.

On trouve aussi l’idée que l’impureté même des «infidèles» constituerait pour les «fidèles» une agression contre laquelle ils auraient le droit et le devoir de se défendre8.

Le Coran ne comprend certes pas que des versets de ce genre. On en rencontre aussi d’autres qui appellent à l’amour des chrétiens. Pour résoudre cette contradiction, les juristes musulmans ont établi la règle «abrogeant-abrogé», qui veut que, lorsque deux versets se contredisent, le plus récent abroge le plus ancien. Dieu, en effet, en bon pédagogue, a voulu révéler progressivement ses exigences – et l’on cite la consommation d’alcool, qui est d’abord autorisée, puis déconseillée, enfin prohibée.

La règle établie pour trancher entre deux versets contradictoires est que le plus récent abroge le plus ancien. Or les sourates les plus vindicatives, dites «médinoises», sont les dernières révélées à Mahomet ; elles ont donc autorité sur les plus pacifiques, les «mecquoises». La toute dernière par ordre chronologique, dite «sourate de sortie d’Arabie», est la IX, la plus virulente. Et, à ces injonctions violentes, la doctrine interdit d’opposer la raison ou la conscience individuelle, sauf à se poser en dieu face au Dieu unique9.

Peu importe que de nombreux musulmans ne connaissent, ou ne respectent pas cette règle : les radicalisés s’y réfèrent bel et bien, et il suffit – comme je l’ai fait – d’aller voir sur leurs sites pour s’en convaincre.

 

«VICTIMITUDE»

Il semble en outre que la «victimitude» a fini par faire partie de l’anthropologie musulmane au même titre que la culpabilité pour les chrétiens. Au cours de mes dix années d’enseignement en ZEP, j’ai maintes fois eu l’occasion de constater, à l’occasion d’échanges avec des élèves musulmans, combien le sentiment d’être victimes, du fait de leur religion, était chez beaucoup d’entre eux récurrent.

Victimes individuelles, d’abord, avec cette tendance à considérer toute remarque, toute sanction, comme le résultat du racisme, ou de l’islamophobie. Victimes collectives ensuite, avec une perception de l’Histoire et de la Géopolitique contemporaine marquée par une vision très manichéenne : les musulmans seraient, toujours et partout, victimes des «autres», des chrétiens et des juifs. Cela ressortait dès que l’on abordait la question d’éventuelles violences imputables à l’islam ou aux musulmans, ce qui était souvent perçu comme une injuste agression, avec un jour cette répartie d’une élève de 4e qui résume bien des échanges : «J’en ai assez qu’on nous parle toujours de Daesh, alors que l’islam est une religion de paix… Ça me révolte tellement que je vais finir terroriste !» On a là un exemple du raisonnement circulaire évoqué plus haut.

On peut en outre régulièrement noter qu’un réflexe très courant après un attentat imputable à des extrémistes islamistes consiste, pour les autorités musulmanes, à en poser leurs coreligionnaires comme les premières victimes, parce que l’on ne va pas manquer de les «stigmatiser», de les «amalgamer», de tomber dans l’islamophobie. Et donc à justifier les violences suivantes.

Je n’entrerai pas dans le détail de quinze siècles de Jihâd ayant conduit à la conquête définitive d’une bonne moitié de la chrétienté d’origine par l’islam, qui y a procédé à une éradication du christianisme, toujours à l’œuvre là où elle n’est pas terminée. Ce rapport à la violence, je laisse l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb le dénoncer : «Il faut admettre que la maladie de l’islamisme a ses germes dans la lettre coranique elle-même. La violence du principe de la transmission de la foi par le glaive est extrêmement choquante par rapport à la tradition évangélique10».

Ces constats peuvent être faits par toute personne prenant de bonne foi la peine de lire le Coran ou de regarder l’Histoire, pour sapere audere, selon l’injonction de Kant11. Il est pourtant frappant d’observer la virulence des réactions qu’entraîne leur énonciation, tant de la part de musulmans que de non-musulmans. Le déni est total, absolu, définitif. Les premiers se sentent absolument innocents de toute violence, ou bien ils y voient des «épisodes glorieux». Quant aux seconds, ils font souvent dans le platonisme, en jurant que le Coran serait un texte éminemment pacifique, et que si vous y voyez de la violence, c’est que vous êtes prédisposé à l’illusion d’en voir, prenant la responsabilité d’acculer votre interlocuteur à une légitime colère contre votre mauvaise foi.

 

ON NE PEUT PAS RÉSOUDRE UN PROBLÈME QUE L’ON SE REFUSE DE POSER

Or, pour en revenir à la question de la prétendue «radicalisation», on ne peut pas résoudre un problème que l’on se refuse de poser. On veut voir dans l’idéologie des radicalisés une déviance, une aberration, alors qu’elle n’est telle que par rapport aux principes d’origine chrétienne qui prévalent dans nos sociétés, et pas par rapport à l’islam lui-même, dont elles constituent même la pure orthodoxie. Tant que l’on n’aura pas reconnu que nos «valeurs républicaines» sont le fruit d’une civilisation chrétienne et admis que l’islam est porteur d’autres valeurs – dans l’absolu tout aussi respectables, mais radicalement différentes –, on ne pourra rien résoudre.

Certains catholiques sont aux premières lignes du déni, au nom de leur compréhension de Nostra Ætate12, qui rendrait à leurs yeux l’islam incritiquable. Ce texte, si l’on se donne la peine de le lire, ne parle pourtant jamais de l’ «islam», mais des «musulmans», auxquels il invite à annoncer la Vérité dans le respect, en tant qu’ils croient comme nous au Dieu unique, respectent Jésus et Marie et adhèrent à une morale. La difficulté est que nombre de musulmans ne se sentent pas respectés quand on pose des questions gênantes sur l’islam, et que, dès lors, les gardiens du temple du dialogue voudraient interdire celles-ci. Ils entendent, comme au temps de Galilée, soumettre la recherche de la vérité aux exigences de leurs dogmes.

Plus surprenant est qu’une telle inquisition émane aussi des autorités «républicaines» : la Justice, qui traque comme «islamophobe» toute critique rigoureuse de l’islam, la presse, qui en dénonce les auteurs, l’Université, qui fait la chasse aux «hérétiques», tel Sylvain Gouguenheim13, dont les travaux sont taxés – comme ceux de Rémi Brague – d’ «islamophobie savante», le Président de la République qui, hier encore, dénonçait «l’irresponsabilité» de ceux qui pratiquent «la stigmatisation et l’amalgame» (moi en ce moment, si j’ai bien compris…). Le devoir chrétien d’amour du prochain est ici recyclé en devoir laïque de lutter contre ses «phobies», mais toujours au mépris de la liberté et de la recherche de la vérité.

Il paraît donc bien improbable que l’on parvienne à résoudre un jour le problème de la radicalisation, sur lequel on s’interdit de manière dogmatique de porter un diagnostic objectif. Tout ce que l’on tentera aura l’efficacité des traitements de Monsieur Diafoirus et de son fils Thomas14, cuistres aussi pontifiants qu’incapables, sauf que le malade, cette fois, n’est pas imaginaire…

 

Jean-François Chemain

 

1 – «La déradicalisation est un échec complet !» affirmait le 9 mars dernier la sénatrice Nathalie Goulet.

2 – Voir : Rémi Brague, La loi de Dieu, histoire d’une alliance, Gallimard, 2005.

3 – Voir : Jean-François Chemain, Ils ont choisi le Christ. Ces convertis de l’islam dont on ne parle pas, Artège, 2019.

4 – Parmi de très nombreux autres : «Tuez les associateurs, partout où vous les trouverez, capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades» (verset 5) ; «Combattez-les ! Dieu les châtiera par vos mains, il les couvrira d’opprobres, il vous donnera la victoire» (verset 14) ; «Combattez les associateurs totalement» (verset 36). Rappelons que le Coran considère que les chrétiens sont des associateurs.

5 – «Ils ont dit : “le Miséricordieux s’est donné un fils !” Vous avancez-là une chose abominable ! Peu s’en faut que les cieux ne se fendent à cause de cette parole ; que la terre ne s’entrouvre et que les montagnes ne s’écroulent !» (XIX, 88-89-90).

6 – «Il n’appartient ni au Prophète, ni aux croyants, d’implorer le pardon de Dieu pour les polythéistes (i. e. les chrétiens), fussent-ils leurs proches, alors qu’ils savent que ces gens-là seront les hôtes de la fournaise» (IX, 113) ; «Détournez-vous d’eux, ils ne sont que souillure, leur refuge sera la Géhenne pour prix de ce qu’ils ont fait» (IX, 95).

7 – «Ce sont eux qui vous attaqués les premiers» (IX, 13) ; «Vous les aimez, et ils ne vous aiment pas» (III, 119).

8 – Le professeur Ibrahim Al-Khouli, de l’université Al-Azhar, expliquait ainsi sur la chaîne télévisée Al-Jazeera, le 21 février 2006 : «La doctrine du “choc des civilisations” n’a jamais cessé à travers les âges et ne cessera jamais. La question est : “qui a commencé ?” Notre Dieu dit : « Si Dieu n’avait pas demandé à certains hommes d’en repousser d’autres, la terre aurait été entièrement corrompue ». Le but de ce conflit est de lutter vigoureusement contre la corruption sur terre, et de l’empêcher de revenir. Et qui sont les responsables de cette corruption ? Ce sont eux les agresseurs, et celui qui est agressé a le droit de se défendre par tous les moyens».

9 – Cf. Rémi Brague, op. cit., p. 204.

10 – Voir dans Liberté Politique.

11 – L’expression latine «sapere aude», issue des Épîtres d’Horace, signifie : «Ose savoir !» Kant reprend cette injonction comme devise des Lumières, en lui donnant le sens de «Aie le courage de te servir de ta propre intelligence !»

12 – Nostra Ætate est la déclaration du concile Vatican II sur les relations de l’Église catholique avec les non-chrétiens. C’est le plus court des documents de Vatican II et le texte fondateur du dialogue interreligieux catholique contemporain.

13 – En particulier : Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel, Seuil, 2008.

14 – Nom de deux médecins dans la pièce de Molière Le malade imaginaire. Monsieur Diafoirus et son fils Thomas sont deux cuistres grandiloquents et rétrogrades, dont le charlatanisme finit par éclater au grand jour.

 

https://srp-presse.fr/index.php/2019/10/18/des-diafoirus-au-chevet-des-radicalises/

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 Victimisation et violence

Article rédigé par Jean-François Chemain, le 16 décembre 2011

 

Jean-François Chemain était avec nous mercredi soir au centre Bernanos (conférence en ligne dans LibertepolitiqueTV). Avec lui nous avons évoqué l’islamisme juvénile de ses tumultueux élèves. En complément de sa conférence, nous publions son point de vue d’historien sur les relations difficiles de la chrétienté et de l’islam. En dépit de sa longueur nous pensons qu’il est utile de publier ici cette analyse originale comme une pièce au débat.

[A la demande de l’auteur, nous publions une nouvelle version de cet article 2/03/12 ndlr]

 

« Je considère que le vécu du monde arabo-musulman est pathologique et qu’il incombe à l’humanité entière de réagir ».

Hechmi Dhaoui, psychanalyste.

« Il faut admettre que la maladie de l’islamisme a ses germes dans la lettre coranique elle-même. La violence du principe de la transmission de la foi par le glaive est extrêmement choquante par rapport à la tradition évangélique. On peut dire aussi, à l’adresse des chrétiens, que si, en tant qu’acteurs de l’histoire, ils ont mis mille ans pour inventer les croisades, ils ne se sont alors pas trouvés en cohérence avec la lettre de leur tradition. Cela signifie qu’à leur tour, les musulmans n’ont pas à subir la fatalité d’être en cohérence intégrale avec le Coran et qu’il est possible d’être dans le démenti de ce « verset de l’épée ». Ce serait là la bénéfique ruse de l’histoire. Les musulmans doivent pouvoir regarder en face la réalité de la lettre et y distinguer le mal ».

Abdelwahab Meddeb, journaliste.

 

Avant propos

Le point précis sur lequel, répondant à l’injonction posthume de Jacques Ellul [1], je souhaite apporter ici ma contribution est celui de l’histoire des relations entre la chrétienté et l’islam, qui font habituellement l’objet d’un discours « historiquement correct » sur lequel les deux parties semblent en parfait accord : les Chrétiens auraient toujours, et partout, agressé un islam pacifique qui ne demandait pour sa part qu’à briller des mille feux que sa civilisation supérieure aurait apportés au monde. Or ce discours n’a rien d’anodin, dès lors qu’il justifie chez les prétendues « victimes » une volonté de revanche par des moyens souvent violents, et chez les soi-disant « coupables » un acquiescement masochiste à la punition promise, qu’ils perçoivent comme hautement méritée. Mon propos est donc de rétablir tout simplement les faits, dans la durée et dans l’espace, et aussi de montrer que ces faits sont le fruit d’une idéologie qui a su organiser, depuis douze siècles, sa cohérence parfaite. Je n’ai bien sûr pas la prétention d’innover dans un domaine qui a déjà fait l’objet de très nombreux travaux, mais seulement de présenter une réflexion synthétique de nature à éclairer le jugement de ceux qui tentent de comprendre le déchaînement de violence dont nous sommes aujourd’hui témoins.

Je tiens, au seuil de cet article, à prendre un certain nombre de précautions rendues indispensables par le caractère extrêmement sensible du sujet que je m’apprête à aborder. Tout d’abord je vais parler de l’islam, pas des musulmans, même s’il me sera parfois difficile de toujours parvenir à respecter la distinction, tant les personnes sont souvent fortement marquées, imprégnées par une religion qui a façonné depuis des siècles leur manière de penser et de réagir. Ensuite j’aborderai l’islam en tant qu’idéologie, me limitant à ce qui en lui appelle et justifie un certain nombre d’attitudes politiques vis-à-vis des non-musulmans et notamment des chrétiens – agression militaire, « protection » marquée par l’infériorisation juridique, persécution, parfois génocide – laissant volontairement de côté la dimension purement religieuse de cette religion. Enfin mon propos sera simplificateur : sans nier l’infinie diversité « des » islams, je ne veux pas m’interdire de tenter d’expliquer ce qui m’apparaît comme une constante historique et géopolitique évidente, à savoir l’effort millénaire de l’islam pour submerger le christianisme, le réduire, et à terme l’anéantir. Au-delà ou en-deçà d’une incontestable diversité, cette constante me paraît bien constituer un facteur d’unité de l’islam dans le temps et dans l’espace. Entre Poitiers (732) et Vienne (1683), pointes extrêmes des deux vagues d’agression militaire de l’islam contre l’Europe chrétienne, il y a mille ans.

Les attentats du 11 septembre 2001 sont peut-être le signal de départ d’une troisième offensive générale. Le mystère qui m’a poussé, au lendemain de ces attentats, à essayer de comprendre le mécanisme idéologique sous-jacent dans l’islam, c’est la troublante distorsion qui existe entre la réalité d’une violence exercée pendant quatorze siècles à l’échelle de trois continents, et d’une part sa négation par ceux qui en ont été et en sont encore les victimes, d’autre part l’ahurissante bonne conscience qu’elle suscite chez ses auteurs. Ces derniers ne se contentent pas de nier absolument cette violence et de considérer comme inqualifiable provocation le simple fait de l’évoquer, ils se considèrent encore en toute bonne foi comme les victimes millénaires de l’agression de leurs propres victimes, vis-à-vis desquelles ils seraient, toujours et partout, en état de légitime défense. On a ici une excellente illustration de la définition que Jean Baechler donnait de l’idéologie, « système de représentation parfaitement cohérent et clos, qui se ferme à toute objection de la réalité, reçoit l’adhésion totale d’un individu ou d’un groupe, et donne lieu à des conduites aberrantes »[2].

Face au discours incitant à la haine et aux actes fanatiques, la forte imprégnation chrétienne de notre société pousse nombre de nos concitoyens à une attitude d’empathie fortement teintée de mauvaise conscience : si nous y discernons une paille, c’est sans doute que nous avons une poutre à notre passif. Combien de chrétiens n’ont jamais cédé à la tentation du discours pro-palestinien, à la facilité de la condamnation des croisades, de la colonisation, de la « discrimination » dont serait victime l’islam dans notre pays ? Discours chrétien, bien sûr, et fondé : notre passé n’a pas toujours été conforme aux préceptes que nous a enseignés le Christ, nous nous devons de le reconnaître et nous le faisons largement. Mais ce légitime souci de vérité sur nous-mêmes, nous devons l’appliquer à autrui : s’il a des torts envers nous, le fait qu’il ne les reconnaisse pas – voire en tire fierté – ne les efface pas. Les taire ne permet pas de fonder le dialogue sur la vérité.

Il me souvient de la conférence à la Faculté Catholique de Lyon, à l’automne 2006, d’un grand intellectuel musulman, professeur dans une prestigieuse université parisienne. Le thème en était l’humanisme musulman, mais à aucun moment il ne fut vraiment abordé. L’auditoire, catholiques âgés et jeunes musulmans, tous conquis d’avance, entendit beaucoup parler de Poitiers, des Croisades, de la Reconquista et de l’Inquisition, de la colonisation… «  Et encore, conclut l’orateur, n’a-t-on pas encore ouvert tous les tiroirs de l’Histoire ! », sous entendu, bien sûr : tous les chapitres de la culpabilité des Chrétiens vis-à-vis de l’islam. Et de laisser entendre qu’au titre de l’Histoire, les musulmans auraient une créance sur l’Occident chrétien. Il fut de toutes parts fortement applaudi.

 

Bref panorama de quatorze siècles de conflits

 

« L’homme de l’avenir sera celui qui a la plus longue mémoire »

Nietzsche 

Lors de l’apparition de l’Islam arabe sur la scène de l’histoire, le bassin méditerranéen était entièrement chrétien, depuis plusieurs siècles, non pas par conquête mais par conversion. Le Christ est en effet né dans un empire qui avait à peu près atteint son expansion maximale, une vingtaine d’années seulement après qu’Octave ait mis fin à l’antique régime républicain dont un siècle de guerres civiles avaient montré l’obsolescence à une telle échelle. Cette unification politique et géographique permit une rapide expansion de la nouvelle religion, dont les principaux foyers étaient, outre bien sûr la Palestine, l’Asie Mineure, l’Egypte et l’Afrique du Nord. Les persécutions n’ont pas, bien au contraire, ralenti ses progrès (pour l’africain Tertullien, « le sang des martyrs est une semence »), jusqu’à la conversion de l’empereur lui-même au début du IVe siècle.

En revanche, l’expansion de l’islma se fait par le moyen de la conquête. Mahomet meurt en 633, et dès cette date les armées musulmanes s’élancent à l’assaut du monde chrétien. Bornons-nous à égrener la litanie de leurs conquêtes : la Syrie (636), la Palestine dont Jérusalem (638), l’Egypte (642), la Cyrénaïque et la Tripolitaine (648). L’Afrique du Nord aux 350 diocèses (contre 70 en Gaule à la même époque), l’Afrique du Nord de saint Cyprien, saint Augustin et Tertullien, est attaquée dès 649, mais ne tombe définitivement qu’en 711, au terme de huit campagnes militaires. Puis ce sont l’Espagne (714), la Provence (719), la Bourgogne (ravagée en 725, avec la destruction de nombreuses abbayes et le pillage de villes  comme Sens, Langres, Autun), jusqu’au coup d’arrêt porté par Charles Martel à Poitiers (732).

Lorsque la grande abbaye de Cluny, la « troisième Rome », fut fondée en 909 en Bourgogne, elle constituait le  point le plus méridional de l’Hexagone où l’on pouvait se sentir à peu près à l’abri des incursions musulmanes. Ceux-ci, après Poitiers, restaient solidement implantés en Provence, autour de leur citadelle de la Garde-Freinet, dans ce massif des Maures à qui ils ont donné leur nom, s’y livrant à des pillages, des destructions d’églises et de monastères, l’enlèvement à grande échelle de personnes destinées à l’esclavage. Les activités esclavagistes musulmanes au détriment des populations chrétiennes d’Europe ont d’ailleurs largement dépassé le cadre provençal pour s’étendre à l’ensemble du bassin méditerranéen, dès le début du IXe siècle[3]. Les musulmans allèrent jusqu’à enlever contre rançon l’abbé Maïeul de Cluny, en 972, près d’Orcières-Merlette, alors que celui-ci se rendait à Rome. Cet enlèvement choqua vivement et donna le signal d’un soulèvement général de la Provence, derrière le comte Guillaume « le Libérateur », contre les occupants qui en furent définitivement chassés en 990. A peu près au même moment (997), les armées d’Al-Mansur (« le Victorieux ») prenaient et pillaient Saint-Jacques-de-Compostelle, ce général ne menant pas moins de 57 expéditions contre les chrétiens en Espagne. Un article, un livre, une encyclopédie ne suffisent pas à rendre compte des innombrables agressions perpétrées du VIIIe au XIe siècle par les musulmans contre les terres chrétiennes. Attaque de Rome (846), prise des Baléares (902), de la Sicile (830) et de la Crète (827)… A l’Est, l’empire byzantin cédait régulièrement du terrain, jusqu’à la défaite décisive de Mantzikert (1071) qui ouvrit aux musulmans les portes de l’Anatolie. Il est fastidieux de se remémorer un passé que nous avons pour notre part oublié, mais l’enjeu de la mémoire, on va le voir, est essentiel.

La deuxième moitié du XIe siècle a marqué un tournant dans le rapport de forces entre chrétiens et musulmans, puisque la Reconquista en Espagne a connu ses premiers succès décisifs (prise de Tolède en 1085), et que la Première Croisade s’est emparée de Jérusalem en 1099, permettant la constitution de plusieurs petits Etats chrétiens autour des Lieux Saints. C’est à cette occasion que la notion de « guerre sainte » a fait son apparition dans le vocabulaire pontifical. Il aura donc fallu onze siècles aux chrétiens pour adopter une notion qui existait dès l’origine en islam : curieux paradoxe que d’avoir fait des Croisades le paradigme de la violence religieuse ! Encore cette violence est-elle limitée au catholicisme romain : les Orthodoxes ne l’admirent jamais, et l’on devine l’état d’infériorité morale de soldats chrétiens persuadés de mourir en état de péché mortel, confrontés à des guerriers certains de monter directement au paradis d’Allah[4]. On connaît le résultat final des croisades : moins d’un siècle après avoir repris possession de Jérusalem, berceau de leur religion, les Chrétiens en étaient définitivement chassés (1183), moins de deux siècles après, leur dernière possession en Orient, Saint-Jean-d’Acre, tombait à son tour (1291). La Reconquista espagnole, « de sinistre mémoire » a-t-on un jour entendu sur France-Inter, a connu plus de succès, s’achevant avec la reprise de Grenade, en 1492.

Mais la reconquête chrétienne en Occident, qui ne dépassa pas Gibraltar alors même que l’Afrique du Nord n’était devenue musulmane que trois ans avant l’Espagne, est contemporaine d’un nouvelle et fulgurante progression militaire de l’islam, au détriment, cette fois, de la chrétienté orthodoxe. Les Turcs islamisés, qui ont pris le relais des Arabes, s’emparent de la Bulgarie, de la Serbie et de la Valachie entre 1389 et 1396. Constantinople, capitale millénaire du premier empire chrétien, est définitivement prise et pillée en 1453, la Grèce conquise en 1456, la Hongrie en 1526, Vienne assiégée une première fois en 1529, une seconde fois en 1683. Parlant de ces deux sièges, notre conférencier musulman de la Faculté catholique de Lyon utilisa l’expression d’ « épisode glorieux » pour l’islam. Il est frappant de constater qu’au plus fort de son expansion militaire l’islam n’a jamais pu occuper un pays catholique romain : le Moyen-Orient, l’Egypte, l’Afrique du Nord, l’Espagne étaient, avant la conquête arabe, minées par les schismes et les hérésies (notamment l’arianisme et le monophysisme, mais aussi le donatisme en Afrique) ; la défaite décisive de Byzance face aux Turcs à Mantzikert (1071) a suivi de très peu le schisme de 1054, et après elle c’est une très large partie du monde orthodoxe qui a succombé. Les coups d’arrêt aux deux vagues d’expansion islamique ont été portés par les premières puissances catholiques romaines, la France, l’Autriche aidée par la Pologne, que l’islam a trouvées sur son chemin.

Après la « gloire » vint le reflux, l’Empire ottoman, croulant sous son propre poids, étant devenu l’ « homme malade de l’Europe » ; c’est dans ce cadre que s’inscrivent les éphémères colonisations occidentales, telles celle de ce qui deviendra l’Algérie mais n’est encore que la Régence d’Alger, protectorat turc (1830) ainsi que la libération de la Serbie (1829) et de la Grèce (1830),. Les reconquêtes chrétiennes se poursuivent jusqu’en 1913 dans les Balkans (Bosnie-Herzégovine). En 1919 l’Empire ottoman, allié des Empires centraux, est démantelé, mais les vainqueurs ne poussent pas le sens du symbole jusqu’à lui arracher Constantinople. En 1947, enfin, l’Etat d’Israël est créé. Au terme de quatorze siècles d’affrontements, le « solde net » est clairement favorable à l’islam, qui a définitivement conservé le Moyen-Orient moins Israël, l’Egypte et la Libye, le Maghreb, et la Turquie, soit la totalité des rives méridionale et orientale de la Méditerranée. On est ébahi par la continuité de l’effort de conquête entrepris par l’islam en 633 : mille ans séparent, je le répète, les deux pointes extrêmes de son avancée.

Statut des chrétiens en terre d’islam et des musulmans en terre chrétienne

 Les chrétiens en terre d’islam dans l’histoire

Comparons maintenant la manière dont sont traités les chrétiens en terre d’islam et le sort des musulmans en pays de culture chrétienne. Le discours ambiant est toujours le même : l’intolérance chrétienne contrasterait avec la tradition de tolérance musulmane, symbolisée par Al-Andalus.

Or rien dans l’histoire des minorités religieuses (dhimmis, littéralement « protégés »), notamment chrétiennes, en terre d’islam ne peut venir accréditer la thèse d’une quelconque bienveillance. Bien au contraire, selon l’universitaire britannique d’origine égyptienne Bat Ye’Or, spécialiste de la question, « le mépris de la personne humaine et son infériorisation érigée en un principe théologique et politique, constituent un aspect majeur de la civilisation de la dhimmitude »[5]. Car « les mesures d’humiliation furent toujours appliquées aux dhimmis dans l’ensemble du Dar-al islam. Les périodes d’allégement constituent des situations exceptionnelles, temporaires, résultant de conjonctures éphémères et accidentelles »[6]. On ne saurait être plus clair. Port de signes distinctifs, quartiers réservés, obligation de manifester devant les musulmans une attitude de soumission, interdiction de se défendre même en cas d’agression, interdiction de construire de nouvelles églises…, la liste des discriminations juridiques imposées par l’islam aux non musulmans est longue.

Il s’agit bien d’une discrimination juridique, fondée dès le VIIIe siècle par le « Pacte d’Omar ». Elle s’appuie sur un verset du Coran, le 1er de la  Sourate IX (qui s’intitule précisément « l’immunité ») : « une immunité est accordée par Dieu et son prophète aux polythéistes avec lesquels vous avez conclu un Pacte ». Précisons ces termes. Tout d’abord le Coran entend par « polythéistes » tous ceux qui adorent plusieurs dieux, donc les idolâtres, mais aussi les chrétiens, supposés en adorer trois (Dieu, Jésus et… Marie). Si une « immunité » leur est accordée, c’est parce qu’en ce qui les concerne la règle est très simple (nous y reviendrons) : le devoir du « fidèle » est de les tuer partout où il les rencontre. Donc lorsque l’islam parle de « protection » (dhimmitude), il ne s’agit pas d’une protection des « infidèles »  contre une menace extérieure, mais contre l’islam lui-même qui crée en leur faveur une situation d’exception, arbitrairement révocable à tout moment (les Arméniens en savent quelque chose), et en outre soumise à deux conditions : payer un impôt et s’humilier publiquement, conditions qui se fondent encore sur le Coran (verset 29 de la sourate IX :  « combattez les Gens du Livre jusqu’à ce qu’ils payent le tribut après s’être humiliés »). On voit que l’immunité ne concerne pas tous les « polythéistes », mais seulement parmi eux « les gens du Livre », c’est-à-dire les chrétiens. Les autres ne bénéficient en théorie d’aucune immunité, et l’obligation de les tuer ne connaît pas d’exception.

La dhimmitude, a noté l’islamologue anglais Bernard Lewis, est « une forme de servage ». Combinée avec la théorie du « détournement d’héritage », dont nous parlerons un peu plus loin, elle a conduit les guerriers l’islam à occuper des terres « infidèles » pour littéralement y « vivre sur la bête » (« le Butin » est le titre de la VIIIe sourate du Coran). On a ainsi pu dire que l’islam « sacralisait la razzia bédouine », ce que le grand historien arabe Ibn Khaldoûn, « dernière grande lumière de l’islam » selon Mohamed Arkoun, résumait ainsi dans ses Prolégomènes :

«  Si, par la conquête d’une province (…) ils se sont mis en état d’assouvir leur rapacité, ils méprisent tous les règlements qui servent à protéger les propriétés et les richesses des habitants. Sous leur domination la ruine envahit tout. Ils imposent aux gens de métiers et aux artisans des corvées pour lesquels ils ne jugent pas convenable d’offrir une rétribution. Or l’exercice des arts et des métiers est la véritable source des richesses. (…) L’ordre établi se dérange et la civilisation recule. (…) (Les musulmans) s’occupent à pressurer les races conquises et à les tyranniser. Cela suffit pour ruiner la civilisation. (…) De nos jours, la Syrie est ruinée, l’Afrique et le Maghreb souffrent encore des dévastations commises par les Arabes. (…) Pendant trois siècles et demi, ils ont continué à s’acharner sur ces pays : aussi la dévastation et la solitude y règnent encore » (dans le chapitre intitulé « Tout pays conquis par les Arabes est bientôt ruiné »).

On entend aussi de manière très récurrente l’idée que l’attitude des chrétiens vis-à-vis des musulmans dans les régions reconquises aurait, par son intolérance, contrasté avec l’esprit de tolérance de tous temps manifesté par l’islam, qui aurait culminé dans l’Espagne andalouse. Qu’en est-il exactement ?

La vulgate est connue : Al-Andalus aurait été un modèle de cohabitation pacifique entre les trois « religions abrahamiques », éden islamique auquel la Reconquista, par sa brutalité fanatique, jusqu’alors ignorée de cette terre, aurait brutalement mis fin. C’est une légende. Le livre, un des plus récents (2000) et des plus autorisés, que le professeur Pierre Guichard a consacré l’Andalousie musulmane[7], ne dit pas un mot de cette prétendue tolérance, bien au contraire. Pour lui, que l’on ne peut suspecter de « christianophilie » ni d’ « islamophobie »[8], « on n’est pas obligé de respecter le tabou » et « l’avenir ne peut s’édifier sur des équivoques et sur des mythes »[9]. Les Chrétiens avaient pratiquement disparu de l’Espagne musulmane dès le XIIe siècle, victimes des persécutions et des conversions forcées[10].

 

 chrétiens en terre d’islam aujourd’hui

Qu’en est-il, aujourd’hui, des chrétiens en terre d’islam ?

Et tout d’abord qu’en reste-t-il ? Ils ont été naguère exterminés de Turquie, où ils représentaient 1/3 de la population au début du XXe siècle, 0,3 % aujourd’hui, qui font l’objet d’un regain d’hostilité se manifestant par de nombreuses agressions de prêtres. Ils ont fait, dans les années 1990, l’objet d’un véritable génocide silencieux au Soudan (deux millions de morts dans l’indifférence d’une opinion internationale si prompte à se mobiliser pour le Darfour musulman). Ils sont persécutés dans les Etats du Nord du Nigéria, au Pakistan, en Indonésie, en Palestine et ailleurs[11]. Au Liban, la totalité (à l’exception notable de Rafic Hariri) des personnes visées par les attentats des derniers mois sont chrétiennes. De fait, les chrétiens ne sont en sécurité dans aucun des Etats musulmans – et l’on a vu qu’ils s’agit le plus souvent d’anciennes régions chrétiennes – où ils subsistent encore.

Attardons-nous quelques instants sur le cas de l’Egypte. Les faits qui suivent n’ont pas été relevés dans la presse, qui ne les mentionne jamais, et je prie par avance le lecteur d’excuser leur énumération au moins aussi fastidieuse que celle des conquêtes islamiques au détriment des chrétiens au cours des siècles. On peut les classer sous différentes rubriques. Les meurtres de chrétiens, tout d’abord, nombreux et régulièrement impunis. Le cas récent le plus dramatique est certainement le pogrom qui a eu lieu le 3 janvier 2000  à El Kosheh en Haute Egypte, faisant plusieurs dizaines de morts, tous chrétiens ; aucun des assassins n’a été condamné en première instance et en appel, la seule personne emprisonnée étant le prêtre de la paroisse accusé d’avoir blasphémé le Coran au cours des évènements[12]. Ce crime emblématique par son ampleur et sa froide absence de sanction n’épuise pas le chapitre des meurtres de chrétiens en Egypte : assassinat par un jeune islamiste, le 19 octobre 2005, de sœur Sara, qui a créé un orphelinat à Alexandrie, agression, un mois plus tôt, de trois étudiantes chrétiennes également poignardées dans l’enceinte de la faculté de médecine de Minia, en Moyenne Egypte, ou encore l’attaque, toujours au couteau, des paroissiens de plusieurs églises d’Alexandrie en pleine messe de Pâques. La liste est infiniment plus longue et le souci de ne pas plonger le lecteur dans la désespérance m’incite à l’arrêter là.

Une autre catégorie d’attentats repose sur la règle selon laquelle les dhimmis ne sont pas autorisés, sauf dérogations très exceptionnellement accordées, à réparer leurs bâtiments religieux, encore moins à en construire de nouveaux[13]. C’est en vertu de ce principe que le 19 août 2003, le célèbre monastère Saint-Antoine du Sinaï est attaqué par l’armée pour avoir sans autorisation reconstruit son mur d’enceinte, l’opération n’étant interrompue que par l’arrivée de nombreux touristes qui prennent des photos. Le 5 janvier 2004, l’hôpital Saint-Jean-de-Patmos est pris d’assaut par 600 soldats qui rasent son mur d’enceinte : des coptes périssent écrasés par les véhicules de l’armée. En mai 2004, le prêtre de l’église Saint-Ménas de Taha, accusé d’avoir sans autorisation fait consolider le mur de son église, est enfermé par la police dans une voiture avec les quatre paroissiens accusés de l’avoir aidé, la voiture est précipitée dans le Nil et les cinq hommes meurent noyés. Ces quelques faits qui malheureusement sont là encore fort loin d’épuiser le sujet.

Autre question récurrente, les mariages forcés de jeunes filles chrétiennes à des musulmans. On a assisté ces dernières années à une vague sans précédent d’enlèvement de jeunes filles chrétiennes, mariées de force à des musulmans, à l’autre bout du pays, souvent avec l’aide de la police, qui est allée jusqu’à tenter d’infliger ce traitement à la femme d’un prêtre, avec la complicité des voisins de la famille !

Les conversions de musulmans au christianisme sont, en Egypte comme partout en terre d’islam, interdites et sévèrement réprimées. L’apostasie est, pour l’islam, un crime puni de mort. Les « apostats » ne sont certes pas, en Egypte, condamnés à mort, mais poursuivis devant la justice et condamnés à des peines de prison. Une rafle contre des musulmans convertis au christianisme a en octobre 2005 conduit à la mort de l’un d’eux sous la torture.

Enfin on se souvient que le 21 octobre 2005, 10.000 manifestants assiégeaient l’église Saint-Georges à Alexandrie, la brûlant tandis que sept autres églises de la ville étaient saccagées. La cause de ces émeutes : une vidéo d’amateur, filmée deux ans plus tôt dans le cadre du patronage paroissial. Elle illustrait par une petite saynète les persécutions dont sont victimes les chrétiens d’ Egypte, et tomba mystérieusement entre les mains des médias qui accusèrent les paroissiens d’avoir insulté l’islam.

Arrêtons là, pour ne pas lasser le lecteur, une énumération qui ne pourra de toutes façons jamais rendre compte de ce que vivent les chrétiens d’Egypte. L’hebdomadaire France Catholique titrait il y a peu sur cette question : « a-t-on encore le droit d’être chrétien en Egypte » ? Le cas de l’Egypte n’est pas isolé : les chrétiens sont aujourd’hui, en terre d’islam, victimes de persécutions plus ou moins officielles mais toujours bien réelles, partout où ils subsistent.

Encore les Coptes ont-ils la chance de ne pas avoir fait l’objet d’une politique d’extermination à grande échelle.

 

 Les musulmans en terre chrétienne aujourd’hui

Les pays chrétiens n’exercent très généralement aucune discrimination juridique fondée sur la religion. Les musulmans y bénéficient donc exactement des mêmes droits que les adeptes d’autres religions. Des discriminations de fait existent sans doute, ponctuellement, elles sont infiniment regrettables car contraires aux valeurs chrétiennes qui fondent nos démocraties, elles doivent être et sont combattues (qu’on pense, pour la France, à une institution comme la Halde). Des associations veillent là-dessus avec un soin scrupuleux.

Pourtant, le discours d’une « discrimination » générale dont seraient victimes, dans nos pays chrétiens, les personnes de confession musulmane, est lancinant. Tout est bon pour alimenter cette rhétorique victimiste. Ainsi le fait que les logements sociaux soient attribués indépendamment de tout critère religieux, et que donc les personnes de confession musulmane en bénéficient très largement, est interprété par beaucoup comme une volonté délibérée de créer des « ghettos » musulmans. Bien sûr là encore on justifie la violence comme légitime défense.

Dans de nombreux pays de tradition chrétienne, des groupes musulmans exigent avec assurance l’application de la sharia. En France, les élus locaux sont en permanence confrontés à des revendications : viande hallal dans les cantines, horaires séparés dans les piscines, etc… Elles sont souvent considérées avec bienveillance. Quel contraste avec le sort des chrétiens en terre d’islam ! Pourtant la logique à l’œuvre est bien la même : gagner du terrain jusqu’à l’occuper tout entier, jusqu’à l’éradication de l’Autre. J’entendais récemment sur les ondes le témoignage éclairant d’un jeune homme pour qui sa religion ne saurait se contenter de l’égalité : elle se battra jusqu’à obtenir la domination, parce que telle serait sa vocation[14].

Et l’on peut utilement méditer sur un petit extrait d’un texte de rap (une chanson du groupe Lunatic, intitulée « Temps mort »), disponible sur internet, où je l’ai trouvé sans peine, parmi des dizaines de la même inspiration :

« Allah, à toi seul l’homme doit toute son adoration, les vrais le savent, on n’a pas oublié, l’or que le pape porte au cou est celui qui nous a été pillé. Moi j’suis d’humeur palestinienne. Qui veut la paix prépare la guerre, j’te l’rappelle, vote pour emmener les porcs à la morgue, brûler leur sperme en échantillons, souder leurs chattes (…). Quand j’vois la France les jambes écartées, j’l’encule sans huile. Z’ont dévalisé l’Afrique, j’vais piller la France. Attends toi à bouffer du calibre ».

Ce qui frappe dans ce texte, outre sa violence extrême contre la France, les Français et les Chrétiens en général, c’est qu’il condense en quelques lignes nombre des thèmes que je de développe dans cet article : le droit et le devoir pour les adorateurs d’Allah, les « vrais », de conquérir et piller une terre chrétienne (« j’vais piller la France »), de massacrer ses habitants (« emmener les porcs à la morgue ») et de les éliminer à tout jamais (« brûler leur sperme » et « souder leurs chattes ») pour venger ce qu’ « on n’a pas oublié », sous entendu tous les « crimes » reprochés à l’Occident, des Croisades à l’occupation de la Palestine par Israël, en passant par la colonisation et, plus généralement, un supposé pillage global du monde musulman par les chrétiens (« l’or que le pape porte autour du cou est celui qui nous a été pillé »).

Je le répète encore : ce ne sont pas les hommes qui sont en cause, mais une idéologie dont certains d’eux sont les instruments, à des degrés divers. Le légitime souci de ne pas blesser des personnes ne doit cependant pas conduire à de pas démonter le mécanisme de cette idéologie.

Chez nous, la discrimination religieuse n’est jamais, contrairement à la tradition islamique, de droit. Mais face aux plaintes des musulmans, des questions peuvent être opposées : pourquoi la seule religion « discriminée » serait-elle l’islam ? La susceptibilité exacerbée de l’islam ne serait-elle pas le fruit de la certitude que c’est à lui, partout et toujours, d’être le maître ?

  

Bilan provisoire : la perception de l’islam par lui-même

Le panorama millénaire des conflits entre chrétiens et musulmans devrait conduire ces derniers à relativiser leur sentiment d’avoir été toujours nos victimes. Pourtant l’écrivain libanais Amin Maalouf , candidat à l’Académie française, n’hésite pas à écrire que « le sac de Jérusalem (en 1099) est le point de départ d’une hostilité millénaire entre l’Islam et l’Occident »[15]. « Il est (pour lui) clair que l’Orient arabe voit toujours dans l’Occident un ennemi naturel. Contre lui, tout acte hostile, qu’il soit politique, militaire ou pétrolier, n’est que revanche légitime. Et l’on ne peut douter que la cassure entre ces deux mondes date des croisades, ressenties par les Arabes, aujourd’hui encore, comme un viol ». Propos repris presque mot pour mot – ce qui montre combien le stéréotype est bien ancré dans les esprits – par Hakim el-Ghissassi, directeur de la rédaction du journal Médina, édité en France : « La Croisade est un traumatisme à l’image d’un viol à la suite duquel le monde occidental reste perçu comme une menace. “ Djihad ” est le terme utilisé pour chasser les croisés de Jérusalem et de la terre d’islam. Il renvoie donc essentiellement à une notion défensive ! »[16]. L’islam aurait donc soif de « revanche ».

Ceci permet de perpétrer des génocides en toute tranquillité d’âme, comme en témoigne ce stupéfiant propos du général soudanais al-Béchir devant le pape Jean-Paul II le 10 février 1993, à Khartoum : « pour les Musulmans la volonté d’imposer leurs croyances et leurs valeurs à d’autres est tout simplement impensable et inadmissible ; l’attitude des Musulmans envers les non-Musulmans n’est pas seulement celle de la tolérance, c’est aussi un acte d’amour »[17]. Ou encore ce musulman interrogé à Trabzon à la sortie de la mosquée, juste après le meurtre du père Santoro : « il n’est pas bien de comparer les Arméniens et les Palestiniens, parce que les Palestiniens, eux, sont innocents ».

L’observateur vigilant et de bonne foi ne peut qu’être ébahi par l’abîme séparant le discours de l’islam, qui se perçoit, sans doute sincèrement, comme une religion d’amour et de tolérance sans cesse et injustement agressée, et la réalité, soit quatorze siècles de violence armée ininterrompue et une persécution impitoyable et générale des chrétiens partout où il est majoritaire. Jusqu’à leur disparition complète. On est dès lors amené à se demander ce qui peut expliquer un tel décalage, et à se tourner pour cela vers le Coran.

Pourquoi ce décalage entre l’histoire réelle et ce qu’on en retient ?

Qui ne s’est personnellement trouvé confronté à des discours affirmant péremptoirement que jamais le Coran n’avait appelé à tuer quiconque ? Nous autres, chrétiens, aimons toujours mieux – et c’est bien ainsi – mettre l’accent sur les aspects positifs, aussi sommes-nous enclins à mettre en avant les nombreux versets du Coran qui appellent à la paix. Ainsi a-t-on récemment pu lire dans La Croix que le verset 32 de la sourate V (« celui qui a tué un homme qui lui-même n’a pas tué, ou qui n’a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s’il avait tué tous les hommes ; et celui qui sauve un seul homme est considéré comme s’il avait tué tous les hommes »), si souvent mis en avant pour donner de l’islam une image pacifique, en était « le plus central ». Ce serait bien sûr très beau si c’était vrai, mais ce ne l’est pas.

Ce livre comporte de très nombreux versets d’un contenu très brutal mais précis, pouvant difficilement souffrir d’autre interprétation, et depuis longtemps et encore à l’heure actuelle, bien plus centraux que le précédent.

 

 

La guerre est-elle inscrite dans le Coran ?

« Tuez-les partout où vous les trouverez »

Coran IV, 89 ; IX, 5

La guerre aux « infidèles », notamment aux chrétiens, est bel et bien inscrite de manière parfaitement explicite dans le Coran. La IXe sourate, notamment, constitue un lancinant appel à la guerre. « Tuez les associateurs, partout où vous les trouverez, capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades » (verset 5). Rappelons que le Coran considère que les chrétiens sont des associateurs. « Combattez-les ! Dieu les châtiera par vos mains, il les couvrira d’opprobres, il vous donnera la victoire » (verset 14). «  Combattez les associateurs totalement » (verset 36). « Légers ou lourds, élancez-vous au combat, luttez avec vos biens et vos personnes » (verset 41). « Ceux qui croient en Dieu et au Jour dernier ne te demandent pas de dispense quand il s’agit de combattre avec leurs biens et leurs personnes » (verset 44). « Nous attendons pour vous que Dieu vous frappe d’un châtiment venu de lui ou infligé par nos mains » (verset 52). « Combats les hypocrites et les incrédules, sois dur avec eux ! » (verset 73). « Ne prie jamais pour l’un d’eux quand il est mort, ne t’arrête pas devant sa tombe » (verset 84). « Les croyants combattent dans le chemin de Dieu : ils tuent et ils sont tués » (verset 111). « Combattez les incrédules qui sont près de vous. Qu’ils vous trouvent durs » (verset 123).

Et comme s’il craignait que l’ardeur belliqueuse des fidèles ne vienne à tiédir, le Livre les menace explicitement : « Si vous ne vous lancez pas au combat, Dieu vous châtiera d’un châtiment douloureux » (verset 39). 

Cette liste, n’épuise pas, loin s’en faut, la violence contenue dans le Coran. On a bien sûr soutenu que le « Jihâd » ou guerre contre les autres était secondaire par rapport au « grand Jihâd » ou effort contre soi-même, mais ce n’est pas le même mot en arabe : c’est « Ijtihad ». Tant mieux si quelques écoles mystiques ont développé ce genre de concepts. Le problème d’un tel discours est que les mots du Coran ne peuvent pas être compris dans un tel sens.

Comment choisir entre des injonctions contradictoires ?

On soutient souvent, pour affirmer le caractère éminemment « pacifique » de l’islam, que le Coran contient des dispositions de nature très diverse et contradictoire, et que seules les plus pacifiques seraient à prendre en considération. Selon la légende, le Coran aurait été révélé à Mahomet sur vingt ans (613-633). Les versets « descendus du ciel » pendant la première période qu’on présente comme « mecquoise » seraient empreints d’une certaine bienveillance envers les juifs et les chrétiens, comme en témoignerait le verset 62 de la sourate II : « ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme, ceux qui sont nazaréens (terme lu aujourd’hui comme signifiant chrétiens) ou çabéens, ceux qui croient en Dieu et au jour dernier, ceux qui font le bien, voilà ceux qui trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur, ils n’éprouveront plus alors aucune crainte, ils ne seront pas affligés ». Ou encore le verset 46 de la sourate XXIX : « ne disputez pas avec les gens du Livre sinon de façon excellente ». On raconte que les relations se seraient tendues ensuite avec Mahomet, qui aurait du fuir à Médine avec ses disciples (622). Il se serait mué alors en chef de guerre et, passant de la persuasion à la manière forte, aurait exterminé par exemple à Médine les communautés juives. Mais cette présentation sert-elle à autre chose qu’à expliquer des différences de tonalité mineures entre diverses sourates, parfois très peu compréhensible d’ailleurs ? On a fait ainsi de la sourate IX la dernière que Mahomet ait « reçue », peu avant sa mort, et appelée aussi « sourate de la sortie d’Arabie », parce qu’elle est présentée comme le prototype des enseignements menant les Arabes à la conquête du monde.

Les chrétiens, comme les musulmans soucieux de convaincre du caractère pacifique et tolérant de leur religion, choisissent généralement d’en citer les versets les plus bénins, comme si ces derniers seuls faisaient foi. Ils ignorent, ou font mine d’ignorer, une règle qui s’est rapidement imposée en islam pour faire le tri entre des injonctions effectivement souvent contradictoires : les dispositions présentées comme les plus récentes annulent les plus anciennes quand elles se contredisent. C’est le principe bien connu de « l’abrogation », qui est tiré d’un verset coranique. Dieu, dans sa pédagogie, aurait choisi de ne révéler que progressivement aux hommes certaines de ses volontés les plus dérangeantes, laissant à ces derniers le temps de s’y accoutumer. On cite généralement en exemple de ce principe le cas du vin, d’abord autorisé, puis déconseillé, interdit enfin. Si donc la IXe sourate – celle où les exhortations à la guerre sont les plus lancinantes – est la plus récente de toutes, c’est parce que Dieu aurait voulu accoutumer peu à peu les fidèles à l’idée de la guerre totale et mondiale. Mais il faut bien alors admettre qu’elle a autorité sur toutes les autres, quand elle les contredit. « Surfant » récemment sur un site islamiste francophone, c’est bien ce genre d’arguments que j’ai trouvés dans les débats, les versets « modérés » du Coran, que certains citent à l’appui de propositions de cohabitation pacifique avec les « infidèles », étant balayés avec autorité au nom de la primauté des versets les plus guerriers.

  

Le Coran doit-il être pris au pied de la lettre ?

On entend aussi fréquemment l’idée que le Coran ne doit « bien sûr »

pas être pris au pied de la lettre, mais, au contraire, interprété. Cela nous rassurerait, évidemment, mais la règle est pourtant, depuis le IXe siècle, qu’il doit faire l’objet d’une lecture littérale. Le débat a bel et bien eu lieu en islam, lorsqu’un courant de pensée, le mu’tazilisme, soutint que le Coran, s’il était créé, pouvait dès lors être interprété avec les outils du discernement humain. Le calife Al-Mutawakil prit définitivement parti contre ces thèses en 848 ap. J.-C., en reprenant celles des hanbalites (disciples de Ibn Hanbal) selon lesquelles le Coran, parce qu’incréé, ne pouvait être qu’appliqué[18]. Il déclara « fermées les portes de l’Ijtihad » (effort sur soi ou, ici, interprétation). La raison humaine ne saurait dès lors être opposée à la force d’une loi qui vient de Dieu seul : l’islam nie donc catégoriquement qu’il puisse y avoir des droits « naturels ». La conscience est aussi écartée du débat : « il se peut que soit noble pour la loi (de Dieu) quelque chose dont ce qui lui est semblable et équivalent est vil pour l’ensemble des jugements des attributs de l’âme », écrivait le juriste Juwaynî. Mieux encore, les commandements les plus incompréhensibles à l’homme sont les plus efficaces, car ils soumettent pleinement celui-ci à la loi divine (islam signifie « soumission »), sans qu’il puisse y opposer son jugement car alors « il associerait au divin Législateur une autre source de droit : il (serait) donc objectivement associationiste ». Si l’on combine ce principe avec le précédent (la primauté de la sourate la plus belliqueuse), on en arrive à l’obligation imposée au fidèle par l’islam de faire la guerre aux « infidèles », de les tuer, de les humilier sans pouvoir faire usage de sa conscience. L’islam ne nie pas que ces actes puissent être humainement difficiles à accomplir, voire qu’ils puissent personnellement répugner à ceux à qui ils incombent, mais c’est justement ce qui fait toute leur valeur : ils constituent un test de la capacité à obéir aveuglément à la prescription divine.

La « réouverture des portes de « l’Ijtihad » est aujourd’hui souhaitée par de très nombreux intellectuels musulmans. Le problème auquel ils se heurtent est que le califat, autorité politique et religieuse centrale de l’islam, a été supprimé par l’invasion mongole en 1258. Le sultanat ottoman, qui lui a succédé, n’a jamais eu la même autorité religieuse, le sultan turc n’ayant bien sûr jamais pu invoquer une quelconque filiation par rapport au Prophète, et il a lui-même été supprimé par Mustafa Kemal au lendemain de la Première Guerre mondiale. Il n’existe donc plus au sein de l’islam d’autorité assez incontestée pour imposer quelque réforme que ce soit. Le problème est en outre aggravé par l’influence décisive de la dynastie des Séoud, depuis les années 1930, sur l’islam mondial : gardienne des Lieux Saints, bénéficiaire des énormes dividendes pétroliers, elle impose partout, grâce à ses dollars, une lecture particulièrement rigoureuse et fondamentaliste du Coran. Les Séoud appartiennent en effet au courant wahhabite, version aggravée du hanbalisme, apparue en Arabie à la fin du XVIIIe siècle. Aujourd’hui donc le fondamentalisme, cette « maladie de l’islam » (Abdelwahab Meddeb)[19], est plus que jamais l’orthodoxie de l’islam, comme le prouve, par exemple, la large victoire en France de l’UOIF aux élections des Conseils Régionaux du Culte Musulman.

Pourquoi cette négation de la réalité historique ?

 

L’islam se perçoit comme victime et non comme agresseur

« Croire en l’hostilité des infidèles est un acte de foi »

Oussama Ben Laden

Une fois établi que, malgré tous les discours niant l’évidence des faits, l’un des impératifs catégoriques de l’islam est bien la guerre menée contre les « infidèles », il faut essayer de comprendre ce qui justifie une telle violence. Là encore, on est confronté à un discours gêné de la part des intellectuels modérés, qui affirment avec assurance que la guerre n’est autorisée dans l’islam qu’en cas de « légitime défense ». Et de citer, par exemple, les Croisades comme un cas typique d’agression injustifiée légitimant, en réaction, le recours à la violence. La réalité est bien plus complexe, ou bien plus simple, comme on va le voir. L’« infidèle » mérite pour bien des raisons qu’on lui fasse la guerre, et l’islam, quoi qu’il arrive, est toujours en situation de « légitime défense ».

  

Pourquoi l’islam se perçoit-il comme victime et non comme agresseur ?

Le Coran, notamment dans la sourate IX qui,  rappelons-le, a autorité sur toutes les autres, est très clair : « Les infidèles ne sont que souillure » (IX, 28). L’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique d’Iran, l’exprimait ainsi : « Onze choses sont impures : l’urine, l’excrément, le sperme, les ossements, le sang, le chien, le porc, l’homme et la femme non musulmans, le vin, la bière, la sueur du chameau mangeur d’ordures »[20]. Le devoir des « fidèles » est de punir les « infidèles », d’être en ce monde l’instrument de la punition divine : « Combattez-les ! Dieu les châtiera par vos mains, il les couvrira d’opprobres, il vous donnera la victoire » (IX, 14). Il faut être pour eux un avant-goût sur terre de l’enfer qui les attend dans l’Au-Delà : « Ô prophète, combats les incrédules et les hypocrites ; sois dur envers eux ! Leur refuge sera la géhenne, quelle détestable fin !  » (IX, 73) ; « Il n’appartient ni au Prophète, ni aux croyants, d’implorer le pardon de Dieu pour les polythéistes, fussent-ils leurs proches, alors qu’ils savent que ces gens là seront les hôtes de la fournaise » (IX, 113) ; « Détournez-vous d’eux, ils ne sont que souillure, leur refuge sera la Géhenne pour prix de ce qu’ils ont fait » (IX, 95) ; « Dieu les châtiera d’un châtiment douloureux, dans ce monde et dans l’autre, et ils ne trouveront sur terre ni ami, ni défenseur » (IX, 74). « Vote pour conduire les porcs à la morgue »… Il ne s’agit plus cette fois d’un verset coranique, mais du couplet de rap par lequel j’ai introduit mon propos. Quatorze siècles plus tard, le même impératif incantatoire, la même souillure à éradiquer par tous les moyens : nous.

Pourquoi tant de haine ? Le Coran justifie abondamment le devoir d’exécrer les « infidèles ». Aux chrétiens, il reproche d’avoir associé à Dieu un autre Dieu, d’où l’épithète « d’associateurs », parfois (mal) traduite par « polythéistes ». « Ceux qui disent : “Jésus est le Messie, fils de Marie”, sont impies » (V, 72). « Ceux qui disent : “Dieu est le troisième de trois sont impies” » (V, 73). « Ils ont dit : “le Miséricordieux s’est donné un fils !” Vous avancez-là une chose abominable ! Peu s’en faut que les cieux ne se fendent à cause de cette parole ; que la terre ne s’entrouvre et que les montagnes ne s’écroulent ! » (XIX, 88-89-90). Cette abomination-là ne concerne pourtant que la relation entre Dieu et les chrétiens, même si l’islam se doit d’être pour eux un avant-goût de l’enfer. Mais il est des reproches qui font écho à la façon dont les musulmans des origines ont perçu les chrétiens, et sans doute ceux d’aujourd’hui les perçoivent encore : orgueilleux (« ils ont dit : personne n’entrera au paradis s’il n’est juif ou chrétien » (II, 111) ; « les juifs et les chrétiens ont dit : nous sommes les fils préférés de Dieu » (V, 18)), endurcis (« nous avons endurci leur cœur » (V, 13)), divisés («Nous avons suscité entre eux l’hostilité et la haine jusqu’au jour de la résurrection » (V, 14)), aimant l’argent (IX, 85). Et par dessus tout incrédules aux signes de Dieu (« ô gens du livre, pourquoi ne croyez vous pas aux signes de Dieu ? » (III, 98). « Seuls les infidèles discutent les signes de Dieu » (XL, 4)). Bien tièdes aussi dans leur annonce de la Bonne Nouvelle (« plusieurs d’entre eux cachent la vérité, bien qu’ils la connaissent » (II, 146) ; « ô gens du livre, pourquoi dissimulez-vous la vérité sous le mensonge ? » (III, 71) ; « les infidèles profèrent des mensonges contre Dieu, alors qu’ils savent » (III, 75)) et dans l’amour qu’ils portent à leurs frères (« vous les aimez et ils ne vous aiment pas et vous croyez dans le livre tout entier. Ils disent lorsqu’ils vous rencontrent : « nous croyons » et lorsqu’ils se retrouvent entre eux ils se mordent les doigts de rage contre vous » (III, 119)). Ce n’est donc pas tant, en définitive, d’être juifs aux ou chrétiens que l’islam reproche aux « infidèles », mais bien au contraire de ne l’être pas assez. Cette corruption intrinsèque des non-musulmans constituerait en elle-même une violence qui justifierait encore, et pour longtemps, une riposte armée islamique, comme en témoigne l’intervention du professeur Ibrahim Al-Khouli, de l’université Al-Azhar sur Al-Jazeera le 21 février 2006 :

« La doctrine du “choc des civilisations” n’a jamais cessé à travers les âges et ne cessera jamais. La question est : “qui a commencé ?” Notre Dieu dit : « Si Dieu n’avait pas demandé à certains hommes d’en repousser d’autres, la terre aurait été entièrement corrompue ». Le but de ce conflit est de lutter vigoureusement contre la corruption sur terre, et de l’empêcher de revenir. Et qui sont les responsables de cette corruption ? Ce sont eux les agresseurs, et celui qui est agressé a le droit de se défendre par tous les moyens ».[21]

On a bien compris : pour l’éminent professeur de la grande université islamique égyptienne, s’exprimant sur une chaîne de télévision regardée par des millions de musulmans dans le monde, la simple existence des chrétiens intrinsèquement corrompus constitue depuis toujours pour les musulmans une agression contre laquelle Dieu leur aurait donné le droit de se défendre.

 

 « Récupérer » ce qui appartient de droit aux musulmans 

« Dieu n’a institué la propriété des infidèles qu’en vue de l’institution du butin pour les Musulmans » (Ibn Hazm, juriste andalou, XIe siècle). Cette sentence illustre la théorie du « détournement d’héritage », conçue par les juristes musulmans dès le VIIIe siècle. Pour eux, Dieu a donné tous les biens de la terre aux fidèles ; ce que possèdent les « infidèles » leur a donc été virtuellement volé, et ils sont en droit, sinon même en devoir, de le récupérer par la force. On pourrait parler à ce propos de « sacralisation de la razzia bédouine » si cette doctrine n’avait pas des origines évidemment religieuses et antérieures, étudiées ailleurs dans ce numéro. La sourate VIII tout entière s’intitule « le Butin », elle affirme notamment dès son premier verset que « le butin appartient à Dieu et à son prophète » (VIII, 1). Elle n’a pas dans l’Histoire fait l’objet d’une interprétation particulièrement métaphorique, puisque les plus riches cités chrétiennes se sont tour à tour vues conquises et pillées par l’islam : Alexandrie, Antioche, Carthage, Constantinople. Vienne, la capitale de l’Empire des Habsbourg, a subi deux assauts. L’historien arabe Ibn Khaldoun écrivait : «  Par leur disposition naturelle, ils sont toujours prêts à enlever de force le bien d’autrui, à chercher les richesses les armes à la main et à piller sans mesure et sans retenue. Toutes les fois qu’ils jettent leur regard sur un beau troupeau, sur un objet d’ameublement, sur un ustensile quelconque, ils l’enlèvent de force. Sous leur domination, la ruine s’impose ». Récupérer son héritage… Aujourd’hui nos rappeurs chantent que « l’or que le pape porte autour du cou (leur) a été volé ».

Et toujours se défendre contre l’hostilité des « infidèles »

Le discours récurrent de l’islam pour justifier sa violence est qu’il agirait en état de légitime défense. Les intellectuels qui souhaitent donner de leur religion une image modérée insistent fortement sur ce point, qui sous l’apparente évidence appelle en fait beaucoup de questions. On est tout d’abord surpris que l’islam ait ainsi définitivement conquis une bonne moitié de l’espace chrétien d’origine en simple réponse à une « agression » chrétienne.

Plus profondément, les travaux du Père Edouard-Marie Gallez ont montré que le caractère « victimaire » du musulman provient de la conscience de sa mission et se comprend du fait de la dérive judéo-chrétienne où l’Islam s’enracine. C’est d’abord Jésus qui est l’innocente victime – ce qui est au cœur de la doctrine chrétienne – mais au sens où il n’a pas pu réaliser la mission de sauver le monde qui était la sienne, et que ses « vrais » disciples devraient réaliser à sa place. Même si cette dimension nazaréenne (et coranique) n’est plus comme telle présente à la conscience des musulmans, il en reste l’essentiel : le musulman est choisi par Dieu pour instaurer Son ordre et Son salut. Donc, s’il en est empêché, il est victime. En fait, l’existence même des non-musulmans constitue pour l’islam une agression contre laquelle les musulmans seraient en droit de se défendre[22].

Le discours islamique qui suit généralement chacune des violences majeures commises en son nom est suffisamment stéréotypé pour être décodé. Après quelques phrases embarrassées de condamnation de l’acte au nom du fait qu’il serait « évidemment » contraire aux préceptes de l’islam, s’ensuit une déclaration selon laquelle cette religion en serait en fait la principale victime. Le reste du monde, en effet, ne manquera pas d’en profiter pour procéder à un « amalgame » hâtif des modérés et des extrémistes et à la « stigmatisation » d’une religion « d’amour et de paix ». À peine un meurtre ou un attentat a-t-il été commis au nom de l’islam que ses autorités le justifient ex post par la condamnation excessive et déplacée qui va en être faite. Qu’on se souvienne de l’égorgement en pleine rue du cinéaste hollandais Théo Van Gogh : les autorités islamiques du pays ont bien sûr condamné le crime, mais aussitôt atténué cette condamnation par l’affirmation que le malheureux aurait, par l’un de ses films, « provoqué l’islam » (donc en quelque sorte mérité son sort), et protesté que l’islam serait la première victime de cet événement. A la date anniversaire des attentats du métro londonien, le quotidien La Croix titrait : « Un an après les attentats de Londres, les mosquées n’ont jamais été aussi pleines ». Et de décrire la « stigmatisation » dont se sentiraient victimes les musulmans britanniques à la suite de ces attentats, laquelle serait cause de la radicalisation d’un nombre de plus en plus grand d’entre eux. Un sondage réalisé dans la communauté musulmane britannique après les attentats donnait les résultats suivants : 10 % des personnes interrogées les approuvent, 25 % soutiennent la guerre sainte contre l’Occident, plus de 30 % préféreraient vivre sous la sharia (loi islamique), et près de 70 % estime que la lutte contre le terrorisme n’est que le prétexte d’une nouvelle croisade… Le même journal titrait encore : « Cinq ans après le Onze Septembre, les musulmans de France sentent le poids des regards ». Dans cet article, l’intellectuel Tarik Ramadan s’indignait de ce que ceux de ses coreligionnaires qui choisissent de manifester publiquement, par leur tenue, leur appartenance à l’islam fondamentaliste, soient l’objet de regards appuyés.

On cherche bien sûr à comprendre, et l’on ne peut alors que trouver particulièrement éclairante cette sentence d’Oussama Ben Laden : « croire en l’hostilité des infidèles est un acte de foi »[23]. L’agression des « infidèles » serait donc une donnée primordiale, « irréfragablement » présumée, intrinsèquement constitutive de la perception que le croyant doit avoir de ceux qui ne partagent pas sa foi. C’est le mouvement perpétuel de la violence : a priori suscitée par le devoir de croire absolument que les non-musulmans (et particulièrement les Juifs et les Chrétiens) cherchent à nuire à l’islam, elle génère chez ces derniers une réelle hostilité, qui justifie a posteriori de nouvelles violences. Comme le surrégénérateur Superphénix, l’islam nourrit son énergie de ses propres déchets.  Là encore, les références coraniques sont avérées : « ce sont eux qui vous attaqués les premiers » (IX, 13) ; « vous les aimez, et ils ne vous aiment pas et vous croyez dans le Livre tout entier » (III, 119).

Cette certitude, fondatrice de son identité, qu’a l’islam d’être en butte à l’hostilité de tous, le conduit à rechercher toujours, anxieusement et fébrilement, ce qui pourra nourrir un discours victimiste légitimant sa violence. Il est frappant que les propositions de dialogue qui émanent du monde musulman comportent systématiquement une réserve qui les réduit de fait à néant : l’exigence préalable que l’interlocuteur reconnaisse une culpabilité de principe et/ou s’abstienne absolument de toute critique de l’islam. La déclaration remise à Benoît XVI par 138 théologiens musulmans est à cet égard caractéristique, qui soumet le dialogue à la cessation immédiate de toutes les violences chrétiennes vis-à-vis de l’islam : « En tant que musulmans, nous disons aux chrétiens que nous ne sommes pas contre eux et l’Islam n’est pas non plus contre eux – tant qu’ils ne déclarent pas la guerre aux musulmans à cause de leur religion, qu’ils ne les oppriment pas et qu’ils ne les expulsent pas de leurs foyers ». Sous-entendu : c’est ce qu’ils font et que ne font pas les musulmans. Je retrouve par hasard, en rédigeant cet article, une déclaration de Rachid Benzine dans La Croix, où le très modéré « chercheur en herméneutique coranique » affirme que le préalable à un travail critique sur le Coran en France serait « que cessent toutes ces « affaires », celle des caricatures, de Benoît XVI à Ratisbonne, et maintenant de cet enseignant en Philosophie (Robert Redeker) ». En résumé, tant que quelqu’un dans le monde, qu’il soit pape, ou simple journaliste ou professeur, tiendra des propos qui déplaisent à l’islam, celui-ci ne pourra nulle part entamer son travail de réforme. S’il faut, pour que l’islam consente à remettre en cause sa violence, que deux milliards de chrétiens se comportent tous comme des saints, on ne peut qu’être sceptique sur le résultat : il trouvera toujours de quoi justifier un discours victimiste légitimant à ses yeux sa violence. « Les musulmans sont sartriens sans le savoir » écrit le psychanalyste tunisien Hechmi Daoudi : « pour eux, l’enfer c’est toujours les autres »[24]

 

 En guise de conclusion provisoire

paraît donc difficile de nier que l’islam – et je fais bien encore une fois la distinction entre l’islam et les musulmans – a pour projet la domination complète du monde et l’éradication, par tous moyens, de ce qui n’est pas « lui ». C’est effectivement ce que demandent ses textes sacrés, dont il a construit au cours des siècles une interprétation excluant toute échappatoire à leurs injonctions les plus belliqueuses. Pour lui, l’impureté des « infidèles » est telle que leur simple existence placerait les « fidèles » en état de légitime défense. Confronté à ce cercle vicieux qui voit l’islam justifier sans cesse sa violence par l’hostilité qu’elle lui vaut de la part de ceux qui en sont les victimes, on est bien sûr amené à se demander que faire pour en sortir enfin. Mêlant inextricablement les ordres politique et religieux, il jette incontestablement à nos sociétés un défi politique. « Il n’y a pas de paix ni de coexistence pacifique entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non-islamiques » a dit un jour Alija Izetbegovic, l’ex-président bosniaque. Depuis quatorze siècles, le processus a toujours été le même, en trois grandes étapes : occupation de terres non-musulmanes, islamisation progressive de la société et des institutions, éradication plus ou moins rapide des autres religions. Il est encore en cours de nos jours (la Turquie en est un bon exemple) car il ne saurait s’arrêter avant l’islamisation complète du monde. Les chrétiens, principales victimes hier et aujourd’hui d’une telle politique, et sans cesse attirés sur ce terrain par l’islam qui y excelle, ont au cours des siècles tenté d’apporter à sa violence des réponses elles aussi politiques, dont on peut aujourd’hui aisément mesurer l’échec.

A la violence islamique, les chrétiens ont hélas trop souvent répondu sur le même registre. Si ce fut parfois un relatif succès tactique, ce fut un flagrant échec stratégique. Un relatif succès tactique en premier lieu : l’Espagne et les Balkans ont été libérés du joug islamique après des siècles d’occupation, mais les Croisades ont échoué à rendre aux chrétiens leurs Lieux Saints, et la grande majorité des territoires qui ont été arrachés aux chrétiens restent aujourd’hui entre les mains de l’islam. J’ai parlé de ce combat à armes inégales, aux yeux des hommes, entre ceux à qui Dieu interdit de tuer, fût-ce leur ennemi, et ceux qui pensent que massacrer les « infidèles » les conduira directement au paradis. Un combattant libanais de la guerre civile a naguère écrit exactement la même chose. Un désastre stratégique surtout : les chrétiens, inconsciemment cohérents avec leurs propres valeurs, se reprochent aujourd’hui leurs réactions belliqueuses comme autant d’agressions injustifiables ; l’islam, avec la même cohérence, les leur reproche aussi. Mille ans de résistance armée à l’islam ont complètement démoralisé et inhibé les chrétiens. Le jihâd est le grand oublié du débat, les chrétiens souffrant à son sujet d’une amnésie totale, l’islam s’en glorifiant comme d’une aimable promenade militaire. Le puits de notre culpabilité, tel le tonneau des Danaïdes, n’a désormais pas de fond, et jamais les flots de notre repentance ne pourront apaiser notre remord ni la colère de nos accusateurs[25]. Ayons la lucidité de le constater : résister par la force à la violence de l’islam ne fait que justifier et renforcer celle-ci.

Mais prendre conscience de ce que l’épée n’est pas, pour un chrétien, la bonne réponse à l’épée, ne signifie pas renoncer à dire la vérité. La violence islamique se nourrit d’une conception manichéenne de l’Histoire. Cultivant à l’infini le souvenir des quelques réactions armées des chrétiens à son expansion, dans une « hypermnésie » sélective qui le conforte dans le sentiment de l’urgence d’une revanche, l’islam rencontre l’amnésie culpabilisée de nos sociétés, sincèrement persuadées – dans un véritable délire de repentance – qu’elles ont tout à se faire pardonner. Cette regrettable distorsion de perspective est en France aggravée par le fait que nous avons tendance à faire commencer notre Histoire à la Révolution. Or aux XIXe et XXe siècles les relations islamo-chrétiennes se résument assez largement au diptyque colonisation-décolonisation, cause de ces « mémoires blessées » par lesquelles nombre de nos historiens légitiment les violences qui nous sont faites, ou promises. La mauvaise conscience et la repentance systématiques ne sont pas des attitudes justes et, loin de désamorcer la haine que voue l’islam aux autres, elles ne font que la renforcer[26]. Le premier et somme toute simple devoir de ceux qui veulent la paix serait de rétablir la vérité historique sur la longue durée, et de l’enseigner. Il ne s’agit bien sûr pas de nier ou minimiser les violences commises par des chrétiens contre des musulmans, parfois même au nom du christianisme. Mais il serait juste de ne pas absoudre l’islam de toute violence, de dire que son « expansion » – dont parlent si pudiquement les manuels scolaires d’Histoire – se fit essentiellement par les armes au détriment de terres anciennement chrétiennes et d’en finir avec ce mythe d’Al-Andalus. Quant aux croisades, qui choquaient si peu le penseur musulman Ghazali (mort en 1111) qu’il n’en parle pas, elles sont devenues un paradigme de la violence religieuse au XIXe siècle. Il y aurait une somme à écrire sur la manière dont l’islam est traité dans ces ouvrages qui forment la conscience de nos jeunes. Sans parler de l’autocensure que s’imposent de nombreux professeurs d’Histoire : pour gagner la tranquillité d’une heure de cours ils n’hésitent à abonder dans la vulgate. Lorsqu’un discours de la culpabilité de soi-même rencontre un discours de la culpabilité des autres, ils sont certes faits pour s’entendre. Mais chacun – historiens, enseignants, journalistes – doit aujourd’hui mesurer que ce genre de complaisances justifie la violence, quand elle ne la provoque pas. Le Guide Bleu consacré la Turquie nous apprend ainsi que « Istamboul » signifierait en turc à peu près « y a quelqu’un ? », cri angoissé qu’auraient poussé les conquérants de Constantinople en 1453, en découvrant une ville vidée de ses habitants[27]… Le mot est bien plutôt une déformation de « Constantinopolis », et les Turcs s’y sont livrés à plusieurs jours de massacre (les chroniques d’époque le décrivent à l’envi) d’une population chrétienne qui était bien loin d’avoir fui. Mais pourquoi remuer des souvenirs vieux de cinq siècles, quand on peut se flageller à l’infini sur la prise de Jérusalem par les croisés, quatre autres siècles plus tôt ?

A la charnière de la violence et du « politiquement correct », le laïcisme dans lequel s’est, depuis les années 1990, engouffrée la France en réponse à la montée en puissance des revendications islamistes cumule les inconvénients des deux. Il est tout d’abord perçu par l’islam comme une agression, à juste titre puisqu’il a précisément pour but de résister à ses assauts, or on a vu que résister à l’islam c’est déjà l’agresser et dès lors mériter qu’il réagisse violemment. Le laïcisme active donc la violence islamique dans l’un de ses « moteurs » : la résistance à « l’agression » des chrétiens. En mettant sur le même plan toutes les religions accusées, quelles qu’elles soient, de constituer pour la République une menace équivalente, le laïcisme sombre en outre dans le « politiquement correct ». On s’en prend au christianisme, faute d’avouer qu’on a peur de l’islam, activant ce dernier dans un autre de ses moteurs : le devoir de châtier les chrétiens pour leur impiété. Le laïcisme, à l’évidence, ne fera – et c’est déjà visiblement ce qu’il fait – que renforcer l’islam dans sa tendance la plus belliqueuse.

Refuser, donc, de tomber dans le piège de la violence, mais aussi connaître, dire et enseigner sans complexe la vérité, telle est l’étroite et exigeante ligne de crête sur laquelle les chrétiens devraient marcher. Le Christ nous a demandé d’aimer nos ennemis, pas de faire comme si nous n’en avions pas. Ce tableau est sans doute sombre, car limité à la description d’un mécanisme idéologique qui semble irrésistible mais dont les fondements ne le sont sans doute pas. Le piège le plus grave serait celui de la résignation : « plutôt verts que morts ! ». « N’ayez pas peur ! », s’est écrié Jean-Paul II alors que des milliers de têtes nucléaires étaient dirigées vers l’Europe et que les blindés soviétiques stationnaient à 200 km de Strasbourg. Que restait-il, dix ans plus tard, de cette menace ? Aujourd’hui Benoît XVI nous invite à l’espérance : si l’Histoire nous montre que nous aurions tort de sous-estimer la menace de l’islam, elle nous rappelle aussi que celui-ci n’a jamais rien pu contre l’Eglise romaine unie derrière son pape.

 

[1] « En face de cette expansion (la troisième de l’islam), il ne faut pas réagir par un racisme, ni par une fermeture orthodoxe, ni par des persécutions ou la guerre. Il doit y avoir une réaction d’ordre spirituel et d’ordre psychologique (ne pas se laisser emporter par la mauvaise conscience) et une réaction d’ordre scientifique. Qu’en est-il au juste ? Qu’est-ce qui est exact ? (…) Et il faudra faire du travail intellectuellement sérieux, portant sur des points précis» (Islam et judéo-christianisme, PUF 2004, p.99).

[2] Jean Baechler. Qu’est-ce que l’idéologie ? Gallimard. 1976. p. 20.

[3] Longtemps tabou, le sujet de l’esclavage pratiqué à grande échelle par les musulmans, du VIIe siècle à nos jours, notamment au détriment des populations chrétiennes, commence à faire l’objet de publications : Robert C. Davis. Esclaves chrétiens, maîtres musulmans. Ed. Jacqueline de Chambon. 2006. Malek Chebel. L’esclavage en Terre d’Islam. Fayard. 2007.

[4] Rémi Brague. La loi de Dieu. Gallimard. 2005. p. 162.

[5] Bat Ye’or. Les dhimmis. Juifs et Chrétiens sous l’islam. Berg International. 1994. p. 86.

[6] Bat Ye’or. 1994. p. 88.

[7] Pierre Guichard. Al-Andalus. Hachette Littératures. 2000.

[8] Pour lui les fameux martyrs de Tolède n’étaient que des « exaltés » qui avaient recherché leur sort (Guichard. 2000. p. 63), tandis que la transformation en cathédrale de la grande mosquée de Grenade en aurait constitué la « profanation » (Guichard. 2000. p. 227).

[9] Guichard. 2000. p. 10.

[10] Guichard. 2000. p. 59-61.

[11] Un exemple parmi tant d’autres : alors que l’aide internationale au Bangladesh, victime d’un cyclone, provient en majorité d’Etats « chrétiens », les chrétiens de ce pays à très large majorité musulmane pays n’y ont pas droit en vertu des discriminations dont ils y font l’objet !

[12] Le fait est à rapprocher de l’ajournement en Turquie du procès de ceux qui, en avril dernier, ont  longuement torturé trois chrétiens avant de les égorger ; les avocats des familles des victimes ont découvert qu’ils avaient été placés sur écoute par la police de ce pays candidat à l’Union Européenne.

[13] Pour le juriste Al-Mawardi (XIe siècle) : « ils (les dhimmis) ne peuvent élever en terre d’islam de nouvelles synagogues ou églises »..

[14] « Si vous avez compris la véritable nature d’un musulman, vous serez convaincu qu’il ne peut vivre dans l’humiliation, l’asservissement ou la soumission. Il est destiné à devenir le maître et aucune puissance terrestre ne peut le dominer ou le subjuguer ». Maoudoudi cité par Dhaoui et Haddad. Musulmans contre islam. 2006. p. 116.

[15] Amin Maalouf. Les croisades vues par les Arabes. J’ai Lu. 1989. p. 11.

[16] In Historia Thématique. Croisade. N° 95. Mai ;juin 2005. p. 78.

[17] Cité par Bat Ye’Or. 1994. p. 212.

[18] Brague. 2005. p. 184-186.

[19] Abdelwahab Meddeb. La maladie de l’islam. Points. 2005. 222 pages.

[20] Cité par Bat Ye’Or. 1994. p. 231.

[21] Réponse à Wafa Sultan. Vidéo visible sur You-tube.

[22] Voir l’article de ce numéro, intitulé Quel rapport avec le Christianisme ?

[23] Cité par Mohamed Ibn Guadi, « L’islam a toujours été politique » in Le Figaro du 17 juin 2003.

[24] Dhaoui et Haddad. 2006. p. 82.

[25] Tout à fait représentative à ce titre, la réponse sur Al-Jazeera d’Ahmed ben Mohamed, professeur de « politique religieuse » à Alger, à la psychiatre syro-américaine Wafa Sultan qui rappelait toutes les violences commise au nom de l’islam dans l’Histoire et dans le monde d’aujourd’hui : « Les victimes, c’est nous ! » (vidéo  du 26 juillet 2005, visible sur  internet dans You-Tube).

[26] « Pourquoi le Viet-Nam n’a-t-il jamais revendiqué d’excuses ?», s’interrogeait Pierre Brocheux dans la Revue Coloniale du 10 décembre 2007. Ignorant la réalité religieuse, il est passé à côté de la seule réponse crédible. La haine intarissable que vouent aux anciennes puissances coloniales leurs anciennes colonies musulmanes, et elles seules, alors même qu’elles sont la plupart du temps d’anciens pays chrétiens envahis par les musulmans, est à cet égard instructive.

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http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/Victimisation-et-violence

DIALOGUE INTERRELIGIEUX, EGLISE CATHOLIQUE, FRANÇOIS (pape), ISLAM, RELATIONS ENTRE L'EGLISE CATHOLIQUE ET L'ISLAM, RELATIONS ENTRE L'ISLAM ET L'EGLISE CATHOLIQUE, VOYAGES PONTIFICAUX

Document signé par le Pape François et le Grand Imam d’Al-Hazar

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AUX ÉMIRATS ARABES UNIS

(3-5 FÉVRIER 2019)

 

DOCUMENT SUR LA FRATERNITÉ HUMAINE POUR LA PAIX MONDIALE ET LA COEXISTENCE COMMUNE

 

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AVANT-PROPOS

La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres.

Partant de cette valeur transcendante, en diverses rencontres dans une atmosphère de fraternité et d’amitié, nous avons partagé les joies, les tristesses et les problèmes du monde contemporain, au niveau du progrès scientifique et technique, des conquêtes thérapeutiques, de l’époque digitale, des mass media, des communications ; au niveau de la pauvreté, des guerres et des malheurs de nombreux frères et sœurs en diverses parties du monde, à cause de la course aux armements, des injustices sociales, de la corruption, des inégalités, de la dégradation morale, du terrorisme, de la discrimination, de l’extrémisme et de tant d’autres motifs.

De ces échanges fraternels et sincères, que nous avons eus, et de la rencontre pleine d’espérance en un avenir lumineux pour tous les êtres humains, est née l’idée de ce « Document sur la Fraternité humaine ». Un document raisonnéavec sincéritéet sérieux pour être une déclaration commune de bonne et loyale volonté, destinée à inviter toutes les personnes qui portent dans le cœur la foi en Dieu et la foi dans la fraternité humaine, à s’unir et à travailler ensemble, afin que ce Document devienne un guide pour les nouvelles générations envers la culture du respect réciproque, dans la compréhension de la grande grâce divine qui rend frères tous les êtres humains.

 

DOCUMENT

Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix.

Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait sauvé l’humanité entière.

Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme fortuné et aisé.

Au nom des orphelins, des veuves, des réfugiés et des exilés de leurs foyers et de leurs pays ; de toutes les victimes des guerres, des persécutions et des injustices ; des faibles, de ceux qui vivent dans la peur, des prisonniers de guerre et des torturés en toute partie du monde, sans aucune distinction.

Au nom des peuples qui ont perdu la sécurité, la paix et la coexistence commune, devenant victimes des destructions, des ruines et des guerres.

Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux.

Au nom de cette fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes.

Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle.

Au nom de la justice et de la miséricorde, fondements de la prospérité et pivots de la foi.

Au nom de toutes les personnes de bonne volonté, présentes dans toutes les régions de la terre.

Au nom de Dieu et de tout cela, Al-Azhar al-Sharif
– avec les musulmans d’Orient et d’Occident –, conjointement avec l’Eglise catholique – avec les catholiques d’Orient et d’Occident –, déclarent adopter la culture du dialogue comme chemin ; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère.

Nous – croyants en Dieu, dans la rencontre finale avec Lui et dans Son Jugement –, partant de notre responsabilité religieuse et morale, et par ce Document, nous demandons à nous-mêmes et aux Leaders du monde, aux artisans de la politique internationale et de l’économie mondiale, de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits, à la dégradation environnementale et au déclin culturel et moral que le monde vit actuellement.

Nous nous adressons aux intellectuels, aux philosophes, aux hommes de religion, aux artistes, aux opérateurs des médias et aux hommes de culture en toute partie du monde, afin qu’ils retrouvent les valeurs de la paix, de la justice, du bien, de la beauté, de la fraternité humaine et de la coexistence commune, pour confirmer l’importance de ces valeurs comme ancre de salut pour tous et chercher à les répandre partout.

Cette Déclaration, partant d’une réflexion profonde sur notre réalité contemporaine, appréciant ses réussites et partageant ses souffrances, ses malheurs et ses calamités, croit fermement que parmi les causes les plus importantes de la crise du monde moderne se trouvent une conscience humaine anesthésiée et l’éloignement des valeurs religieuses, ainsi que la prépondérance de l’individualisme et des philosophies matérialistes qui divinisent l’homme et mettent les valeurs mondaines et matérielles à la place des principes suprêmes et transcendants.

Nous, reconnaissant aussi les pas positifs que notre civilisation moderne a accomplis dans les domaines de la science, de la technologie, de la médecine, de l’industrie et du bien-être, en particulier dans les pays développés, nous soulignons que, avec ces progrès historiques, grands et appréciés, se vérifient une détérioration de l’éthique, qui conditionne l’agir international, et un affaiblissement des valeurs spirituelles et du sens de la responsabilité. Tout cela contribue à répandre un sentimentgénéral de frustration, de solitude et de désespoir, conduisant beaucoup à tomber dans le tourbillon de l’extrémisme athée et agnostique, ou bien dans l’intégrisme religieux, dans l’extrémisme et dans le fondamentalisme aveugle, poussant ainsi d’autres personnes à céder à des formes de dépendance et d’autodestruction individuelle et collective.

L’histoire affirme que l’extrémisme religieux et national, ainsi que l’intolérance, ont produit dans le monde, aussi bien en Occident qu’en Orient, ce que l’on pourrait appeler les signaux d’une « troisième guerre mondiale par morceaux », signaux qui, en diverses parties du monde et en diverses conditions tragiques, ont commencé à montrer leur visage cruel ; situations dont on ne connaît pas avec précision combien de victimes, de veuves et d’orphelins elles ont générés. En outre, il y a d’autres régions qui se préparent à devenir le théâtre de nouveaux conflits, où naissent des foyers de tension et s’accumulent des armes et des munitions, dans une situation mondiale dominée par l’incertitude, par la déception et par la peur de l’avenir et contrôlée par des intérêts économiques aveugles.

Nous affirmons aussi que les fortes crises politiques, l’injustice et l’absence d’une distribution équitable des ressources naturelles – dont bénéficie seulement une minorité de riches, au détriment de la majorité des peuples de la terre – ont provoqué, et continuent à le faire, d’énormes quantité de malades, de personnes dans le besoin et de morts, causant des crises létales dont sont victimes divers pays, malgré les richesses naturelles et les ressources des jeunes générations qui les caractérisent. A l’égard de ces crises qui laissent mourir de faim des millions d’enfants, déjà réduits à des squelettes humains – en raison de la pauvreté et de la faim –, règne un silence international inacceptable.

Il apparaît clairement à ce propos combien la famille est essentielle, en tant que noyau fondamental de la société et de l’humanité, pour donner le jour à des enfants, les élever, les éduquer, leur fournir une solide morale et la protection familiale. Attaquer l’institution familiale, en la méprisant ou en doutant de l’importance de son rôle, représente l’un des maux les plus dangereux de notre époque.

Nous témoignons aussi de l’importance du réveil du sens religieux et de la nécessité de le raviver dans les cœurs des nouvelles générations, par l’éducation saine et l’adhésion aux valeurs morales et aux justes enseignements religieux, pour faire face aux tendances individualistes, égoïstes, conflictuelles, au radicalisme et à l’extrémisme aveugle sous toutes ses formes et ses manifestations.

Le premier et le plus important objectif des religions est celui de croire en Dieu, de l’honorer et d’appeler tous les hommes à croire que cet univers dépend d’un Dieu qui le gouverne, qu’il est le Créateur qui nous a modelés avec Sa Sagesse divine et nous a accordé le don de la vie pour le préserver. Un don que personne n’a le droit d’enlever, de menacer ou de manipuler à son gré; au contraire, tous doivent préserver ce don de la vie depuis son commencement jusqu’à sa mort naturelle. C’est pourquoi nous condamnons toutes les pratiques qui menacent la vie comme les génocides, les actes terroristes, les déplacements forcés, le trafic d’organes humains, l’avortement et l’euthanasie et les politiques qui soutiennent tout cela.

De même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. C’est pourquoi nous demandons à tous de cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens.

Ce Document, en accord avec les précédents Documents Internationaux qui ont souligné l’importance du rôle des religions dans la construction de la paix mondiale, certifie ce qui suit :

–  La forte conviction que les vrais enseignements des religions invitent à demeurer ancrés dans les valeurs de la paix ; à soutenir les valeurs de la connaissance réciproque, de la fraternité humaine et de la coexistence commune ; à rétablir la sagesse, la justice et la charité et à réveiller le sens de la religiosité chez les jeunes, pour défendre les nouvelles générations de la domination de la pensée matérialiste, du danger des politiques de l’avidité du profit effréné et de l’indifférence, basée sur la loi de la force et non sur la force de la loi.

–  La liberté est un droit de toute personne : chacune jouit de la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action. Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. C’est pourquoi on condamne le fait de contraindre les gens à adhérer à une certaine religion ou à une certaine culture, comme aussi le fait d’imposer un style de civilisation que les autres n’acceptent pas.

–  La justice basée sur la miséricorde est le chemin à parcourir pour atteindre une vie décente à laquelle a droit tout être humain.

–  Le dialogue, la compréhension, la diffusion de la culture de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et de la coexistence entre les êtres humains contribueraient notablement à réduire de nombreux problèmes économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui assaillent une grande partie du genre humain.

–  Le dialogue entre les croyants consiste à se rencontrer dans l’énorme espace des valeurs spirituelles, humaines et sociales communes, et à investir cela dans la diffusion des plus hautes vertus morales, réclamées par les religions ; il consiste aussi à éviter les discussions inutiles.

–  La protection des lieux de culte – temples, églises et mosquées – est un devoir garanti par les religions, par les valeurs humaines, par les lois et par les conventions internationales. Toute tentative d’attaquer les lieux de culte ou de les menacer par des attentats, des explosions ou des démolitions est une déviation des enseignements des religions, ainsi qu’une claire violation du droit international.

–  Le terrorisme détestable qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant panique, terreur ou pessimisme n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent – mais est dû à l’accumulation d’interprétations erronées des textes religieux, aux politiques de faim, de pauvreté, d’injustice, d’oppression, d’arrogance ; pour cela, il est nécessaire d’interrompre le soutien aux mouvements terroristes par la fourniture d’argent, d’armes, de plans ou de justifications, ainsi que par la couverture médiatique, et de considérer tout cela comme des crimes internationaux qui menacent la sécurité et la paix mondiale. Il faut condamner ce terrorisme sous toutes ses formes et ses manifestations.

–  Le concept de citoyenneté se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité ; il prépare le terrain aux hostilités et à la discorde et prive certains citoyens des conquêtes et des droits religieux et civils, en les discriminant.

–  La relation entre Occident et Orient est une indiscutable et réciproque nécessité, qui ne peut pas être substituéeni non plus délaissée, afin que tous les deux puissent s’enrichir réciproquement de la civilisation de l’autre, par l’échange et le dialogue des cultures. L’Occident pourrait trouver dans la civilisation de l’Orient des remèdes pour certaines de ses maladies spirituelles et religieuses causées par la domination du matérialisme. Et l’Orient pourrait trouver dans la civilisation de l’Occident beaucoup d’éléments qui pourraient l’aider à se sauver de la faiblesse, de la division, du conflit et du déclin scientifique, technique et culturel. Il est important de prêter attention aux différences religieuses, culturelles et historiques qui sont une composante essentielle dans la formation de la personnalité, de la culture et de la civilisation orientale ; et il est important de consolider les droits humains généraux et communs, pour contribuer à garantir une vie digne pour tous les hommes en Orient et en Occident, en évitant l’usage de la politique de la double mesure.

–  C’est une nécessité indispensable de reconnaître le droit de la femme à l’instruction, au travail, à l’exercice de ses droits politiques. En outre, on doit travailler à la libérer des pressions historiques et sociales contraires aux principes de sa foi et de sa dignité. Il est aussi nécessaire de la protéger de l’exploitation sexuelle et du fait de la traiter comme une marchandise ou un moyen de plaisir ou de profit économique. Pour cela, on doit cesser toutes les pratiques inhumaines et les coutumes courantes qui humilient la dignité de la femme et travailler à modifier les lois qui empêchent les femmes de jouir pleinement de leurs droits.

–  La défense des droits fondamentaux des enfants à grandir dans un milieu familial, à l’alimentation, à l’éducation et à l’assistance est un devoir de la famille et de la société. Ces droits doivent être garantis et préservés, afin qu’ils ne manquent pas ni ne soient refusés à aucun enfant, en aucun endroit du monde. Il faut condamner toute pratique qui viole la dignité des enfants et leurs droits. Il est aussi important de veiller aux dangers auxquels ils sont exposés – spécialement dans le domaine digital – et de considérer comme un crime le trafic de leur innocence et toute violation de leur enfance.

  • La protection des droits des personnes âgées, des faibles, des handicapés et des opprimés est une exigence religieuse et sociale qui doit être garantie et protégée par des législations rigoureuses et l’application des conventions internationales à cet égard.

A cette fin, l’Eglise catholique et Al-Azhar, par leur coopération commune, déclarent et promettent de porter ce Document aux Autorités, aux Leaders influents, aux hommes de religion du monde entier, aux organisations régionales et internationales compétentes, aux organisations de la société civile, aux institutions religieuses et aux Leaders de la pensée ; et de s’engager à la diffusion des principes de cette Déclaration à tous les niveaux régionaux et internationaux, en préconisant de les traduire en politiques, en décisions, en textes législatifs, en programmes d’étude et matériaux de communication.

Al-Azhar et l’Eglise Catholique demandent que ce Document devienne objet de recherche et de réflexion dans toutes les écoles, dans les universités et dans les instituts d’éducation et de formation, afin de contribuer à créer de nouvelles générations qui portent le bien et la paix et défendent partout le droit des opprimés et des derniers.

En conclusion nous souhaitons que :

cette Déclaration soit une invitation à la réconciliation et à la fraternité entre tous les croyants, ainsi qu’entre les croyants et les non croyants, et entre toutes les personnes de bonne volonté ;

soit un appel à toute conscience vivante qui rejette la violence aberrante et l’extrémisme aveugle ; appel à qui aime les valeurs de tolérance et de fraternité, promues et encouragées par les religions ;

soit un témoignage de la grandeur de la foi en Dieu qui unit les cœurs divisés et élève l’esprit humain ;

soit un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment.

Ceci est ce que nous espérons et cherchons à réaliser, dans le but d’atteindre une paix universelle dont puissent jouir tous les hommes en cette vie.

Abou Dabi, le 4 février 2019

 

Sa Sainteté
Pape François                                               Grand Imam d’Al-Azhar
Ahmad Al-Tayyeb

         

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