Une épidémie de danse en 1518 !
Entrez dans la danse
Jean Teulé
Paris, Juliard, 2018. 160 pages.
L’épidémie dansante de 1518 est la première rave party au monde, la plus grande, la plus dingue mais aussi la plus mortelle… »
C’était le vendredi 12 juillet 1518, le pire jour de la pire période qu’ait connu Strasbourg quand une nouvelle épidémie fait son apparition dans ce champ de ruines : des gens désespérés se mettent à danser sans s’arrêter, sans pouvoir s’arrêter, comme s’ils étaient possédés. En sueur, en transe, ils dansent jusqu’à la chute, jusqu’à la mort. C’est un mal étrange et contagieux et ils sont de plus en plus nombreux à être aspirés par cette danse macabre, une danse des damnés de la terre qui va durer des jours, des semaines. C’était il y a 500 ans et Jean Teulé revisite cet épisode.
Madame Troffea, le vendredi 12 juillet 1518 vers midi, sort de chez elle rue du Jeu-des-Enfants avec son nourrisson, va jusqu’au Pont du Corbeau et balance son môme à la rivière. Elle n’avait plus de lait, ne pouvait donc plus l’allaiter et c’était impossible de le nourrir. Elle revient dans la rue et là, elle se met à danser. D’autres gens qui étaient dans des situations infernales comme elle, la voyant, se sont approchés et se sont mis à danser aussi. Cette danse est devenue contagieuse et tout le monde est rentré dans le sillage de Troffea. Le problème était que les gens qui s’étaient mis à danser ne pouvaient plus s’arrêter. Ils dansaient nuit et jour et pendant des semaines, même les plus chétifs, les pieds en sang, cartilages apparents. Les gens mourraient d’épuisement ou de crises cardiaques. Le clergé et le maire essayaient d’arrêter ça mais avaient du mal…
William Shakespeare appelait cet événement « the dancing plague », la peste dansante. C’était bien vu. C’est une histoire qui devrait être célébrissime en France mais ça a été tellement la honte du clergé en 1518 qu’il a essayé d’effacer le plus possible cette histoire ou en tout cas la minimiser. Quelques années après l’événement, le protestantisme a déboulé et a chassé le catholicisme de Strasbourg pendant 150 ans.
Biographie de l’auteur
Jean Teulé est l’auteur d’une vingtaine de romans, tous publiés chez Julliard, parmi lesquels, Je, François Villon (prix du récit biographique ); Le Magasin des Suicides; Darling ; Mangez-le si vous voulez ; Les Lois de la gravité ; Le Montespan ; Entrez dans la danse et Gare à Lou !.
Épidémie dansante de 1518
L’épidémie dansante de 1518 est un cas de manie dansante observé à Strasbourg en Alsace (qui faisait alors partie du Saint-Empire-romain germanique) en juillet 1518.
De nombreuses personnes dansèrent sans se reposer durant plus d’un mois, certaines d’entre elles décédèrent de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral ou d’épuisement, bien qu’aucun auteur contemporain aux faits n’évoque de décès liés à cette épidémie de manie dansante.
Description
Plusieurs manifestations importantes de manie dansante ont été répertoriées au cours des siècles, notamment le 15 juin 1237 à Erfurt, le 24 juin 1374 aux Pays-Bas ou à Aix-la-Chapelle, en 1417 et 1418 en Alsace.
Selon Paracelse, l’épidémie de Strasbourg débuta en juillet 1518 lorsqu’une femme, Frau Troffea (nom cité par Paracelse, quoique « fort improbable »), se mit à danser avec ferveur dans une rue de Strasbourg pendant quatre à six jours. En une semaine, 34 autres personnes s’étaient mises à danser et, en un mois, elles furent aux alentours de 400. Certaines finirent par mourir de crise cardiaque, d’accidents vasculaire cérébral ou d’épuisement bien qu’aucun auteur contemporain aux faits n’évoque de décès liés à cette épidémie de manie dansante.
Les documents historiques de l’époque, incluant des « notes des médecins, des sermons de la cathédrale, des chroniques locales et régionales et même les billets émis par le conseil municipal de Strasbourg » indiquent clairement que les victimes dansaient. On ignore encore aujourd’hui pourquoi ces personnes se sont mises à danser jusqu’à ce que mort s’ensuive. L’épidémie de Strasbourg de 1518 « est l’une des mieux documentées. C’est même la seule à avoir pu être reconstituée aussi précisément. […] Au total, une vingtaine d’épisodes comparables ont été rapportés entre 1200 et 1600. Le dernier serait survenu à Madagascar, en 1863. »
Comme l’épidémie s’aggravait, des nobles inquiets demandèrent l’avis des médecins locaux. Ces derniers rejetèrent les causes astrologiques et surnaturelles, annonçant qu’il s’agissait d’une « maladie naturelle », causée par un « sang trop chaud ». Néanmoins, au lieu de prescrire des saignées comme il était d’usage, les autorités encouragèrent les danseurs en établissant un marché aux grains et en construisant une scène en bois. Ils pensaient en effet que les malades ne s’arrêteraient de danser que s’ils pouvaient le faire sans interruption jour et nuit jusqu’à épuisement. Pour améliorer l’efficacité du traitement, les autorités embauchèrent même des musiciens pour maintenir la danse des malades.
Postérité
En 2018, Jean Teulé publie Entrez dans la danse, un roman historique relatant les événements de Strasbourg en 1518, adapté en 2019 en bande dessinée avec Richard Guérineau
En 2020, le réalisateur anglais Jonathan réalise un court-métrage de dix minutes, nommé Strasbourg 1518, présentant des gens en train de danser, enfermés dans des appartements aux murs vides. Le film a été tourné durant le confinement dû à la pandémie de Covid-19, faisant ainsi un parallèle entre les deux épidémies.