Le mystère d’iniquité aujourd’hui… comme hier
Les révélations sur la part d’ombre que cachait la figure lumineuse de Jean Vanier choquent parce qu’elles fissurent l’image de celui que tout un chacun prenait pour un saint dans ses actes et dans ses paroles. Mais tout ceci nous en dit beaucoup du mystère de chaque être humain tout comme elle nous dit beaucoup sur notre besoin d’avoir des êtres à admirer, à idolâtrer même ; ce besoin d’avoir des héros entraîne aussi sans que l’on en prenne conscience chez l’être ainsi mis en avant une obligation de correspondre à ce que les autres attendent et également un isolement dans une sorte de tour d’ivoire qui enferme. Et chaque fois que le masque tombe c’est un sentiment de trahison que nous éprouvons : celui qui était tant loué devient l’objet d’une mise au ban de la société. L’histoire est pourtant riche de ses exemples : combien ont été l’objet d’un culte de leur vivant puis de condamnation lorsque leurs faiblesses ont été révélées. Toute société fonctionne ainsi et il n’est donc pas étonnant que l’église elle-même en soit affectée.
A travers les dernières révélations concernant le fondateur de l’Arche on peut se rappeler les mots de saint Paul parlant du « mystère de l’iniquité » (2 Th 2, 7) – inscrit dans le cœur de l’homme depuis le péché du premier homme – tant il est vrai que depuis quelques temps il semble que se déchaîne une cascade de scandales qui entachent le message que l’Eglise veut porter au monde sans oublier les persécutions dont sont l’objet les chrétiens dans le monde.
A propos des scandales qui affectent l’Eglise on pourrait être tenté par une certaine forme de désespérance mais ce serait oublier d’une part que ceux-ci ne sont pas une exception dans toute l’histoire de l’église et d’autre part ce que nous disent les textes bibliques et les paroles même de Jésus au soir de son arrestation quand le « Mal » entre dans le cœur de Judas. Ce que l’on apprend depuis hier, à l’approche de ce temps de Carême, n’est qu’un appel de plus à une conversion radicale ; c’est aussi un avertissement quant à notre comportement vis-à-vis de certaines personnes que l’on a tendance à aduler au-delà du raisonnable de leur vivant. Il faut se garder de tomber dans l’idolâtrie envers tel ou tel : certes leurs actions sont louables, leurs œuvres ne sont à condamner dans la mesure où elles font le bien autour d’elles et sont sources d’exemples mais il ne faut oublier non plus que ce sont que des êtres humains. Ceux que l’on admire de leur vivant, que l’on canonise au moment de leur mort ne sont que des êtres humains qui ont eux aussi leur part d’ombre.
Que les hommes d’église, que les fondateurs d’ordre ou d’œuvres diverses soient dans une certaine mesure des exemples c’est fort bien (parce que tout le monde a besoin d’êtres exceptionnels à admirer et à célébrer, de héros à aduler ou encore à idolâtrer quelque soit les périodes de l’histoire des hommes) si l’on n’oublie pas qu’ils ne sont que des messagers, qu’ils ne sont que les serviteurs d’un Autre, qu’ils ne sont, comme tout être humain, des « vases fragiles » dépositaires d’un message à transmettre qui vient de Quelqu’un : ce quelqu’un n’est autre que Dieu lui-même.
Comme nous le rappelle l’apôtre Paul : Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui faisait croître. Ainsi, ce n’est pas celui qui plante qui importe, ni celui qui arrose, mais Dieu, qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose ne sont qu’un, mais chacun recevra son propre salaire selon son propre travail. Car nous sommes des collaborateurs de Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, la construction de Dieu. Selon la grâce de Dieu qui m’a été accordée, comme un sage maître d’œuvre, j’ai posé les fondations, et quelqu’un d’autre construit dessus. Mais que chacun prenne garde à la façon dont il construit. Personne, en effet, ne peut poser d’autre fondation que celle qui est en place, à savoir Jésus–Christ. (1 Cor 3, 5-11)
Ces scandales ne doivent en aucun cas cependant nous plonger dans le désespoir ou la désespérance : « Garde courage, moi j’ai vaincu le mal » (Jn 16, 33). Nous le savons après le temps de la Passion, derrière et au-delà de la Croix et du tombeau il y a et il y aura toujours la lumière de Pâques.
L Espérance Ch.Peguy
La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’Espérance
La foi, ça ne m’étonne pas, ça n’est pas étonnant. J’éclate tellement dans ma création.
La charité, dit Dieu, ça ne m’étonne pas, ça n’est pas étonnant… Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un coeur de pierre, comment n’auraient- elles point charité les unes envers les autres ..
Mais l’Espérance, dit Dieu, voilà ce qui m’étonne….Moi-même…. ça , c’est étonnant….
Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se passe, et qu’ils croient que demain ça ira mieux. Qu’ils voient comme ça se passe aujourd’hui et qu’ils croient que ça ira mieux demain matin ….ça c’est étonnant, et c’est bien la plus grande merveille de notre grâce.
Et j’en suis étonné moi-même !
Quelle ne faut-ill pas que soit ma grâce et la force de ma grâce pour que cette petite espérance, vacillante au souffle du péché, tremblante à tous les vents, anxieuse au moindre souffle, soit aussi invariable, se tienne aussi fidèle, aussi droite, aussi pure et invincible, et immortelle,
et impossible à éteindre que cette petite flamme du sanctuaire qui brûle éternellement dans la lampe fidèle…
©Claude-Marie T.
23 février 2020