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Brève histoire de l’Inquisition en Espagne

BRÈVE HISTOIRE DE L’INQUISITION EN ESPAGNE

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PÉREZ Joseph,

Brève histoire de l’Inquisition en Espagne,

Paris : Éditions Fayard, « Le cours de l’histoire », 2002, 194 p.

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Le 27 septembre 1480, les rois catholiques Isabelle et Ferdinand d’Aragon nomment les premiers inquisiteurs, autorisés par le pape Sixte IV en 1478. La mission de ces inquisiteurs, qui s’installent à Séville, est d’obliger les conversos, dont beaucoup ont été convertis de force, à pratiquer réellement la foi chrétienne, et à abandonner entièrement les rites du judaïsme. Les juifs qui refusent l’assimilation au christianisme sont expulsés par le décret du 31 mars 1492.

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Thomas de Torquemada, premier Grand Inquisiteur d’Espagne (1420-1498)

La punition des hérétiques, idée fondamentale de l’Inquisition, trouve ici un sens précis : il s’agit d’extirper la religion juive des royaumes espagnols (ch. 1). L’aristocratie n’est pas toujours favorable au Tribunal du Saint-Office, comme le montre l’exemple de Séville en 1481, lorsque les inquisiteurs dominicains menacent les grands seigneurs s’ils continuent de protéger des conversos soupçonnés de judaïser. Sous la férule de l’inquisiteur général Thomas de Torquemada, des milliers de personnes sont arrêtés et plusieurs centaines sont exécutées la fin du XVe siècle, dont certains nouveaux convertis sont seulement ignorants des vérités de la foi catholique. On pourchasse également les morisques, mais aussi les disciples de Luther, dont certaines traductions effraient les autorités dès 1521 (ch. 2). Les luthériens sont le plus souvent étrangers, et les peines sont sévères. Afin de défendre la foi, des autodafés ont lieu en 1559 à Valladolid et à Séville, dont l’un est présidé par le roi Philippe II. « Cette persécution a eu définitivement raison du protestantisme dans la péninsule » (p. 63). L’Inquisition n’est abolie que le 15 juillet 1834, après plusieurs tentatives.

Le tribunal ecclésiastique du Saint-Office s’est appuyé sur un appareil administratif développé et placé sous l’autorité de l’État (ch. 3). Contrairement à l’Inquisition du XIIIe siècle, qui luttait contre les vaudois ou les cathares, l’Inquisition espagnole est contrôlée par le pouvoir civil. L’inquisiteur général est certes nommé par le pape, mais sur la proposition des rois de Castille, et les 45 titulaires, de 1480 à 1820, ont été choisis avec soin. En outre, le roi contrôle le conseil de l’Inquisition. Organisé en tribunal formé de deux inquisiteurs, de deux secrétaires, d’un accusateur public et d’un officier de police, le Saint-Office bénéficie de privilèges puissants et de finances autonomes à partir de 1559. Cela lui permet d’organiser des procès nombreux (ch. 4). La procédure inquisitoire permet au juge de se saisir d’office, y compris sur le simple fondement de la rumeur publique. Suite à une instruction secrète, qui peut comprendre la torture pour obtenir les aveux de l’accusé, un procès publique est nécessaire, puisque l’hérésie est non seulement un péché, mais encore un délit. Les peines s’échelonnent des pénitences spirituelles ou des amendes à l’autodafé.

Le poids de l’Inquisition, ses conséquences sur la société espagnole, ont fait l’objet de longs débats depuis le XIXe siècle au moins (ch. 5). La ruine de l’économie espagnole a été attribuée au Saint-Office, symbole de l’intolérance, bien que son influence réelle sur l’économie ait été accessoire. En revanche, « la politique de l’Inquisition a eu des conséquences graves » (p. 155) en matière de livres, d’imprimerie et plus généralement de culture. Le développement de la science a été entravé parce que l’on soupçonnait les opinions religieuses d’un auteur, comme le botaniste Fuchs, qui passait pour luthérien. Pour les mentalités d’Ancien Régime, l’unité de la foi est nécessaire à la cohésion du royaume (ch. 6). Tribunal mixte, à la fois ecclésiastique et temporel, l’Inquisition a servi le pouvoir politique espagnol, jusqu’à l’épuisement au début du XIXsiècle.

Plaque commémorative de 2009, de la ville de Rivadavia en Galice (Espagne) en hommage à ses citoyens condamnés par l’Inquisition il y a « 400 années à cause de leur croyance »

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Isabelle et Ferdinand : Rois catholiques d’Espagne par Joseph Pérez

Isabelle et Ferdinand : Rois catholiques d’Espagne 

Joseph Pérez

Paris, Tallandier, 2016. 544 pages

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De leur mariage qui unifie l Espagne en 1469 jusqu à la prise de Grenade en 1492 qui marque la fin définitive de la présence musulmane et le début de l expulsion des Juifs, les Rois Catholiques ont joué un rôle fondamental dans l histoire de la péninsule Ibérique et de l Europe. Joseph Pérez retrace le règne de Ferdinand d Aragon et d Isabelle de Castille, les Rois Catholiques qui ont su donner à la monarchie prestige et autorité et ont fait de l Espagne une puissance mondiale. Mais ce double règne a eu aussi ses limites telles que l Inquisition qui, en 1480, devient pour le pouvoir un instrument de contrôle de la société.

Biographie de l’auteur

Joseph Pérez, professeur émérite de civilisation de l Espagne et de l Amérique latine à l université de Bordeaux-III, est l auteur de nombreux ouvrages, en particulier Histoire de l Espagne (1996), Isabelle et Ferdinand (1988) et Thérèse d Avila (2007).

Isabelle I re la Catholique

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(Madrigal de las Altas Torres 1451-Medina del Campo 1504), reine de Castille (1474-1504).

Isabelle Ire de Castille et son époux Ferdinand II d’Aragon, dits les Rois Catholiques, mirent fin à la domination musulmane en Espagne avec la prise de Grenade. En cette même année 1492, la reine apporta sa protection personnelle au voyage de découverte de Christophe Colomb.

  1. LA REINE AUTOCRATE

Fille de Jean II Trastamare (1406-1454), roi de Castille, Isabelle, née le 2 avril 1451, monte sur le trône grâce à une loi dynastique qui n’en exclut pas les filles et à l’appui des grands du royaume, auxquels doit céder son demi-frère, le roi Henri IV, en déshéritant sa propre fille. Ayant choisi l’alliance avec l’Aragon à l’alliance avec le Portugal, dans l’espoir d’unifier la péninsule Ibérique sous domination castillane, Isabelle est mariée avec Ferdinand depuis 1469, lorsque, le 13 décembre 1474, deux jours après la mort d’Henri IV, elle se proclame d’autorité « reine et propriétaire de Castille ». Alphonse de Portugal riposte en attaquant la Castille en mai 1475, avec le soutien des nobles hostiles au renforcement du pouvoir royal. Isabelle et Ferdinand sortent vainqueurs de ce conflit difficile.

La reine peut alors restructurer l’État en concrétisant les efforts de ses prédécesseurs. En 1476, une milice efficace, la Santa Hermandad, est créée dans chaque commune pour faire régner l’ordre. La justice est réorganisée sous la direction d’une haute cour de justice, tandis que les villes abandonnent une partie de leur autonomie au profit de gouverneurs, les corregidores. L’aristocratie perd son pouvoir politique au Conseil royal et son pouvoir financier après l’annulation de nombreuses concessions de rentes et de terres.

  1. L’UNITÉ DE FOI, BASE DE L’ÉTAT

Afin d’occuper la noblesse tout en enthousiasmant le peuple, Isabelle et Ferdinand décident de mener à son terme la Reconquista, en s’emparant de l’émirat de Grenade. Ils y entrent effectivement le 2 janvier 1492. En reconnaissance, le pape Alexandre VI leur décernera en 1494 le titre de Rois Catholiques, qui les mettra à la hauteur du Roi Très Chrétien de France.

La reconquête intérieure se poursuit au moyen de l’implacable instrument qu’est l’Inquisition, installée en 1478 et confiée en 1483 aux soins du dominicain Tomás de Torquemada. C’est à l’instigation de ce dernier que les Rois Catholiques signent, le 31 mars 1492, le décret qui expulse tous les Juifs d’Espagne. En principe, cette mesure ne vise pas les conversos, les Juifs convertis après les persécutions antisémites de 1391, mais elle les concernera pour autant que la sincérité de leur conversion sera mise en cause. Il s’agit, en effet, de « purifier » le corps social en chassant d’Espagne tous ceux qui ne sont pas chrétiens. Les Juifs seront alors entre 50 000 et 100 000 à s’exiler au Portugal, dans les Flandres, en Italie, en Afrique du Nord et dans l’Empire ottoman, où ils fonderont les communautés séfarades d’Orient. Quant aux musulmans, ils sont également forcés de se convertir ou de s’exiler à partir de 1502. L’État espagnol en formation a désormais pour base l’unité de foi. Il rompt avec l’Espagne aux trois religions qui existait depuis l’invasion musulmane de 711.

  1. LA POLITIQUE D’EXPANSION

Les Rois Catholiques prennent une décision d’une portée insoupçonnée en acceptant le projet d’un marin génois qui veut établir une liaison directe avec l’Asie à travers l’océan Atlantique. Plusieurs fois débouté, Christophe Colomb a fini par emporter l’assentiment de la reine Isabelle en lui faisant valoir que la chrétienté avait tout à gagner dans l’aventure, qui devait permettre d’évangéliser de nouveaux peuples. La conquête de l’Amérique qui se prépare se fera au profit des souverains espagnols : en 1493, ceux-ci obtiendront l’investiture du pape sur les territoires découverts ou à découvrir, et, par le traité de Tordesillas (1494), ils arriveront à un compromis avec le Portugal sur le partage colonial.

L’expansion se fait aussi en direction de l’Afrique du Nord, où l’Espagne finit par occuper toute la rive sud de la Méditerranée, de Melilla à Bougie (aujourd’hui Béjaïa). En Europe, elle se rapproche de l’Angleterre et de l’empire des Habsbourg. La France est l’ennemi commun, qui menace les intérêts des Rois Catholiques dans les Pyrénées (Roussillon et Navarre) et dans le royaume de Naples. Ce dernier, après les défaites françaises, deviendra aragonais pour deux siècles. Enfin, des alliances matrimoniales décisives sont nouées, qui feront d’Isabelle la grand-mère de Marie Tudor et de Charles Quint. À la mort de la reine (26 novembre 1504), l’Espagne est devenue une grande puissance européenne.

  1. FERDINAND, L’ÉPOUX D’ISABELLE

Ferdinand II le Catholique

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Ferdinand, roi d’Aragon et de Castille, formait avec Isabelle un couple uni dans les symboles (que sont, respectivement, le joug et les flèches, ensemble figurant sur les monuments et les monnaies) comme dans les décisions politiques. L’Aragon et la Castille n’en restaient pas moins deux entités qui conservaient des institutions distinctes. Ni Ferdinand ni Isabelle n’était, en titre, le souverain de toute l’Espagne.

Cette formule originale fut menacée à la mort d’Isabelle, car Ferdinand n’était plus alors que roi d’Aragon. De plus, un problème dynastique se posa lorsque Jeanne, sa fille et héritière légitime, fut déchue de ses droits à la couronne pour cause de démence. Ferdinand voulut pour successeur le fils de Jeanne, le futur empereur Charles Quint, qui établit la suprématie des Habsbourg en Espagne.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Isabelle_I_re_la_Catholique/125202

Ferdinand II le Catholique

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(Sos, Saragosse, 1452-Madrigalejo, Cáceres, 1516), roi d’Aragon (1479-1516), roi (Ferdinand V) de Castille (1474-1504), roi (Ferdinand III) de Naples (ou Sicile péninsulaire) [1504-1516].

Fils de Jean II, roi d’Aragon, il épouse en 1469 l’infante Isabelle de Castille, unissant la Castille et l’Aragon et préparant l’unité espagnole. Avec Isabelle, il renforce l’autorité monarchique dans ses États (création de conseils spécialisés, soumission de la noblesse, fondation de la Santa Hermandad, contrôle des ordres militaires, etc.) et travaille à l’unité religieuse (création d’une nouvelle Inquisition, reconquête du royaume de Grenade [1492], expulsion des Juifs [1492] et des Maures [1502]), ce qui vaut au couple royal le titre de Rois Catholiques conféré par le pape Alexandre VI. À l’extérieur, Ferdinand constitue contre Charles VIII la Sainte Ligue (1495) et conquiert le royaume de Naples (1503). Nommé régent de Castille (1505 et 1506) après la mort d’Isabelle, il occupe la Navarre (1512). À sa mort, il lègue son royaume d’Aragon à son petit-fils, le futur Charles Quint.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Ferdinand_II_le_Catholique/119279

la Reconquête ou la Reconquista

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  1. LES ÉTAPES DE LA RECONQUISTA

Au seuil du viiie siècle, l’invasion musulmane a recouvert l’ensemble de la péninsule Ibérique, à l’exception des vallées pyrénéennes qui abritent de petites principautés chrétiennes.

1.1. LES PRÉMICES DE LA RECONQUÊTE (IXe-Xe SIÈCLES)

N’attachons pas d’importance au combat de Covadonga, en 718, que l’histoire légendaire a transformé en point de départ de la Reconquista. En revanche, il faut retenir le rassemblement qui s’opère dans les vallées cantabriques au profit du royaume des Asturies : déjà des raids sont lancés sur les plateaux de León et de Burgos. En même temps, l’intervention de Charlemagne aboutit à la reprise de la Catalogne sur les musulmans.

Moins d’un siècle plus tard, Alphonse le Grand (866-910), roi des Asturies, profite des divisions de l’émirat de Cordoue pour reprendre la marche en avant. Mais déjà des divisions apparaissent : la Castille, autour de Burgos, se sépare des Asturies, tandis que, plus à l’est, s’affirme le royaume de Navarre.

À la fin du xe siècle, l’expansion chrétienne est bloquée par les succès d’Abd al-Rahman III et d’al-Mansour. La première phase de la Reconquista s’achève.

1.2. UNITÉ ET MORCELLEMENT DES PARTIS (XIe SIÈCLE)

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La Reconquête, XIe siècle

Dans la première moitié du xie siècle, le califat de Cordoue (l’émirat ayant été érigé en un califat totalement indépendant de Bagdad) disparaît, laissant la place à la multitude des royaumes musulmans des taifas, qui, souvent en querelle, dispersent leurs forces ; ceux de Tolède et de Badajoz résistent à la fois contre la chrétienté et contre le royaume de Séville.

Les chrétiens du Nord profitent de cette situation, interviennent dans les querelles des chefs musulmans (à l’exemple du Cid Campeador, véritable maître du royaume musulman de Valence), et surtout élargissent la reconquête. L’idée de l’union des chrétiens espagnols contre les « Maures » progresse et inspire des tentatives hégémoniques comme celle du roi Sanche de Navarre au début du xie siècle, ou celle d’Alphonse VI de Castille, qui se proclame « imperator » de toute l’Espagne, à la fin du xie siècle

Mais, dans les faits, l’œuvre de reconquête se plie mal à ces volontés d’hégémonie ; dans sa réalité quotidienne, elle est le fait de coups de main locaux. Tandis que les Catalans atteignent les bouches de l’Èbre, la Castille a le premier rôle : en 1085, la prise de Tolède, ancienne capitale wisigothique, a un fort retentissement. Tant et si bien que les Almoravides, venus d’Afrique du Nord, galvanisent l’Espagne musulmane et bloquent l’avancée castillanne.

1.3. L’ÉCARTEMENT DÉFINITIF DE LA PRÉSENCE MUSULMANE (XIIe-XIIIe SIÈCLES)

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La Reconquête, XIIIe siècle

L’Aragon, État pyrénéen issu du démembrement du royaume de Sanche de Navarre, prend l’initiative au xiie siècle : prise de Saragosse en 1118, frontière reportée sur le cours de l’Èbre. La reconquête marque à nouveau le pas dans le dernier tiers du xiie siècle avec l’arrivée des Almohades du Maroc qui renforce les musulmans.

Les rivalités des royaumes chrétiens s’accentuent, et le Portugal se sépare de la Castille ; enfin, l’Aragon uni à la Catalogne néglige la reconquête pour se tourner vers le commerce méditerranéen et les affaires dans le sud de la France.

Le péril devient si grand pour l’Espagne chrétienne que les royaumes sont contraints de s’unir : le 16 juillet 1212, la victoire de Las Navas de Tolosa ouvre aux chrétiens le sud du pays : les Portugais conquièrent l’Alentejo, les Castillans l’Andalousie (Cordoue, Séville, Cadix), l’Aragon, les Baléares, Valence, Murcie. Seul demeure aux mains des musulmans le royaume de Grenade.

1.4. LA CHUTE DU ROYAUME DE GRENADE (1492)

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Grenade

Le modeste et fragile royaume musulman de Grenade tient deux siècles. Son sursis est dû aux troubles qui agitent les royaumes chrétiens aux xive et xve siècles : anarchie et guerre civile, interventions étrangères ; en toile de fond, la montée d’une puissante aristocratie, riche des terres gagnées en Andalousie ou ailleurs, et qui n’est plus disciplinée par l’intérêt supérieur de la foi, puisque Grenade ne représente plus un danger. Cette aristocratie se heurte à la royauté et affaiblit le pouvoir monarchique.

Par ailleurs, d’autres intérêts surgissent : l’Aragon développe une grande politique méditerranéenne ; le Portugal se tourne vers l’Atlantique.

Seule la Castille, qui veut unifier l’Espagne, agite l’étendard catholique : la chute de Grenade en 1492 achève la Reconquista. Fidèle à son esprit reconquérant, la Castille se lance alors dans l’aventure coloniale. Mais, comme l’a fait remarquer l’historien Pierre Vilar, c’est « la conception territoriale et religieuse et non l’ambition commerciale et économique » qui l’emporte. Et cette conception a été façonnée par la Reconquista.

  1. L’ÉTAT D’ESPRIT RECONQUÉRANT

2.1. LA SOCIÉTÉ ESPAGNOLE

La reconquête chrétienne de la péninsule Ibérique a marqué d’autant plus profondément l’Espagne qu’elle s’est déroulée sur plusieurs siècles.

La Reconquista a façonné une société combattante qui connaissait, jusqu’au xiiie siècle, un certain équilibre : la grande noblesse est devenue puissante sans que ses intérêts la mettent en conflit avec la royauté ; la petite noblesse des hidalgos, très nombreuse, s’est forgée un idéal qui a survécu bien au-delà de la Reconquête ; la paysannerie libre, florissante, a donné à la reconquête sa dimension économique ; le paysan-soldat de la frontière a joué un rôle fondamental dans la mise en valeur et la défense des terres reconquises.

Aussi la société espagnole « reconquérante » présente-t-elle une originalité profonde avec ses chartes de peuplement et de franchises, ses traditions municipales, ses fueros, statuts particuliers de telle ou telle catégorie sociale ou religieuse.

2.2. LES PARTICULARISMES

Par son idéal – la Reconquista est une croisade –, une telle entreprise aurait dû favoriser l’unité nationale ; telle était bien l’ambition des rois des Asturies et de Castille. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit : les regroupements territoriaux, fruits du hasard et des mariages, se sont rapidement désagrégés, et l’union de la Castille et de l’Aragon (conséquence du mariage de Ferdinand d’Aragon et d’Isabelle de Castille) n’est acquise qu’au début du xvie siècle . La géographie, les conditions mêmes de la reconquête, le morcellement de l’Espagne musulmane expliquent en partie ce fait.

Mais, par ailleurs, la reconquête a fait naître un sentiment national très vif. Et cette contradiction entre le localisme et l’universel demeure aujourd’hui.

Enfin, la reconquête a fait naître, tardivement, le fanatisme religieux. Si au xiiie siècle, le roi saint Ferdinand s’est proclamé roi des trois religions (catholique, juive et musulmane), à la fin du xve siècle, les musulmans et les juifs ont été convertis de force, massacrés ou expulsés.

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/la_Reconqu%C3%AAte/140502