ALLEMAGNE (histoire), AUSCHWITZ-BIRKENAU (camp de concentration), CAMPS DE CONCENTRATION, DEPORTATIONS, DITA KRAUS (1929-....), EUROPE, GUERRE MONDIALE 1939-1945, HISTOIRE, HISTOIRE DE L'EUROPE, LES ENFANTS DU CAMP DE BIRKENAU, OTTO KRAUS (1921-2000), SHOAH

Les enfants du camp de Birkenau

 

Les enfants dans le camp d’Auschwitz-Birkenau

Auschwitz II Birkenau (Pologne): camp de concentration - Bloc des Enfants: Bloc des Enfants: Peintures murales decoratives, un enfant jouant avec un manche a tete de cheval  - Juillet2007 -
OPA4357054 Auschwitz II Birkenau (Pologne): camp de concentration – Bloc des Enfants: Bloc des Enfants: Peintures murales decoratives, un enfant jouant avec un manche a tete de cheval – Juillet2007 – ; (add.info.: Auschwitz II Birkenau (Poland): concentration camp – Children’s block: Children’s block: Decorative murals, a child playing with a horse’s head – July 2007 -); Photo © Philippe Matsas/Opale .

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La Bibliothécaire d’Auschwitz 

Antonio G. Iturbe

Paris, Flammarion, 2020. 512 pages.

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Résumé :

A quatorze ans, Dita est une des nombreuses victimes du régime nazi. Avec ses parents, elle est arrachée au ghetto de Terezín, à Prague, pour être enfermée dans le camp d’Auschwitz. Là, elle tente malgré l’horreur de trouver un semblant de normalité. Quand Fredy Hirsch, un éducateur juif, lui propose de conserver les huit précieux volumes que les prisonniers ont réussi à dissimuler aux gardiens du camp, elle accepte.
Au péril de sa vie, Dita cache et protège un trésor. Elle devient la bibliothécaire d’Auschwitz.

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Le camp des enfants : Un roman basé sur l’histoire vraie du terrible bloc 31

Otto Kraus

City Edition, 2021. 287 pages.

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Résumé

Jour après jour, Alex tente de survivre dans le camp d’Auschwitz où il est prisonnier. Survivre au manque de nourriture, au froid, aux humiliations, à l’absence d’espoir. Pourtant, malgré les risques, le jeune homme a décidé de défier ses bourreaux : en secret, il fait la classe aux enfants du Bloc 31. Poésie, mathématiques, dessin… Ces leçons ne sont qu’un petit geste, mais témoignent du courage et de la résistance d’Alex. C’est aussi sa manière de protéger ses petits élèves de la terrible réalité du camp. Mais enseigner aux enfants n’est pas la seule activité interdite à laquelle Alex se livre… Il écrit aussi un journal dans lequel il raconte les minuscules moments de joie qui font oublier le cauchemar du quotidien. Un récit pour être plus fort que l’horreur du monde et pour que personne n’oublie rien, jamais.

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Otto Kraus

Le Mur de Lisa Pomnenka

Otto Kraus

Eiteur ARACHNEEN, 2013. 336 pages

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Résumé

En septembre 1943, en vue de démentir la rumeur de l’anéantissement des Juifs d’Europe, Adolf Eichmann invita la Croix-Rouge internationale à visiter le ghetto de Theresienstadt (Terezín en tchèque) et un « camp pénitentiaire » familial à Birkenau. En cet effet, il organisa le « nettoyage » du ghetto et déporta plusieurs milliers de ses détenus à Birkenau, où avait été créé un « camp des familles tchèques ». Terezín a été visitée le 23 juin 1944 ; la Croix-Rouge n’y a rien trouvé à redire. La visite à Birkenau, elle, n’eut pas lieu, et ce camp fut « liquide » le mois suivant. Le Mur de Lisa Pomnenka, roman et témoignage, transpose une histoire réelle dont l’auteur, l’écrivain tchèque Otto B. Kraus, fut à la fois le témoin, la victime et l’acteur : celle d’un groupe d’enfants et de jeunes gens juifs, tchèques pour la plupart, qui, Envoyé de Terezín au camp des familles de Birkenau en décembre 1943, vécurent six mois dans le « block des enfants » (Kinderblock), créé par un jeune juif d’origine allemande, Fredy Hirsch, avec l’approbation d’Adolf Eichmann et sous le contrôle direct de Josef Mengele. Les enfants y passaient leurs journées auprès de jeunes madrichim (« guides » en hébreu) ​​désignés parmi les détenus qui, tout en se sachant condamnés, leur proposaient des activités éducatives, sportives et artistiques. Otto B. Kraus fut l’un de ces éducateurs ; il fit partie du convoi venu de Terezín en décembre 1943. Le Mur de Lisa Pomnenka témoigne de cette expérience et porte sur les derniers mois du camp des familles avant sa liquidation en juillet 1944. Le roman mêle des personnages semi-fictifs et des événements réels, tels que la mort de Fredy Hirsch, l’envoi à la chambre à gaz en mars 1944 des déportés du premier convoi de septembre 1943, le soulèvement avorté, les expériences de Mengele… Sur ce fond d’horreur, le récit d’Otto B. Kraus raconte la survie des désirs et de l’espoir, et la tentative des éducateurs de faire du block un îlot de « faux-semblants » dans l’espoir de protéger les enfants de la hantise de la mort. Le Mur de Lisa Pomnenka est suivi d’un essai de Catherine Coquio qui remplace les événements du block des enfants dans la continuité de ceux du ghetto de Teresienstadt, en insistant sur la vie culturelle et sur le rôle décisif qu’y jouèrent les mouvements de jeunesse sionistes de gauche. À Birkenau comme à Theresienstadt les éducateurs engagèrent les enfants dans des jeux de fortune, des pièces de théâtre, des chants, des concours de poésie, des rudiments d’enseignement et des exercices physiques. Le mur peint de « Lisa Pomnenka », une jeune déportée, est à l’image de « la vraie vie introuvable qu’était devenue le monde humain ».Catherine Coquio dégage également du roman les ambiguïtés du « mensonge protecteur », les angoisses des éducateurs devant la voyance des enfants et à l’idée de leur sort dans le cas d’un soulèvement ; elle évoque la mutation des formes messianiques et politiques de l’espoir : toute projection dans l’avenir de venir impossible, c’est dans un pur présent que s’affirment les gestes de l’art et de la création, à la manière de rituels et de valeurs absolues. Les deux textes composent ainsi une méditation exceptionnelle sur le rapport différent des enfants et des adultes à la vérité, à l’espoir et à la mort.

Le Mur de Lisa Pomnenka est suivi d’un essai de Catherine Coquio qui replace les événements du block des enfants dans la continuité de ceux du ghetto de Teresienstadt, en insistant sur la vie culturelle et sur le rôle décisif qu’y jouèrent les mouvements de jeunesse sionistes de gauche. À Birkenau comme à Theresienstadt les éducateurs engagèrent les enfants dans des jeux de fortune, des pièces de théâtre, des chants, des concours de poésie, des rudiments d’enseignement et des exercices physiques. Le mur peint de « Lisa Pomnenka », une jeune déportée, est à l’image de «L la vraie vie introuvable qu’était devenu le monde humain ».

Catherine Coquio dégage également du roman les ambiguïtés du « mensonge protecteur », les angoisses des éducateurs devant la clairvoyance des enfants et à l’idée de leur sort dans le cas d’un soulèvement ; elle évoque la mutation des formes messianiques et politiques de l’espoir : toute projection dans l’avenir devenant impossible, c’est dans un pur présent que s’affirment les gestes de l’art et de la création, à la manière de rituels et de valeurs absolues.

Les deux textes composent ainsi une méditation exceptionnelle sur le rapport différent des enfants et des adultes à la vérité, à l’espoir et à la mort, sur les pouvoirs et les limites de l’idée d’« éducation », enfin sur le sens moral et la valeur pratique des gestes artistiques à l’échelle individuelle et collective.

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GRANDIR DANS UN CAMP DE LA MORT : LE CAMP DES FAMILLES DE BIRKENAU

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Paysages de la métropole de la mort. Réflexions sur la mémoire et l’imagination, suivi de Un ghetto dans un camp d’extermination. L’histoire sociale juive au temps de l’Holocauste et ses limites d’Otto Dov Kulka (trad. P.-E. Dauzat, Paris, Albin Michel, 2013) et Le mur de Lisa Pomnenka (trad. S. et N. Gailly), suivi de C. Coquio, Le leurre et l’espoir. De Theresienstadt au block des enfants de Birkenau, Paris, L’Arachnéen, 2013.

Deux livres bouleversants sont parus presque simultanément début 2013, Paysages de la métropole de la mort, d’Otto Dov Kulka, et Le mur de Lisa Pomnenka, d’Otto B. Kraus (suivi de l’essai Le Leurre et l’espoir, de Catherine Coquio). Il s’agit de deux documents exceptionnels sur un pan relativement peu connu de l’histoire de la Shoah, le camp des familles de Birkenau (officiellement appelé camp BIIb), un camp-vitrine installé à quelques centaines de mètres des chambres à gaz, destiné à leurrer d’éventuels visiteurs de la Croix Rouge internationale sur la réalité du traitement des Juifs déportés. Aucun des deux ouvrages ne relève vraiment du genre testimonial – du moins de ses formes attendues. Le premier explore la mythologie personnelle d’un survivant dont l’enfance s’est déroulée dans ce cadre hors-norme. Le second, également écrit des décennies plus tard par un rescapé, imagine le journal fictif d’un éducateur confronté aux dilemmes moraux quotidiens que constitue la présence des enfants en un tel lieu.

Les conditions de vie dans le camp BIIb sont effroyables, et le spectacle de la mort est quotidien. Les détenus souffrent de la promiscuité, du froid et de la faim. Mais relativement aux conditions du reste du camp, la vie des déportés du camp des familles apparaît comme presque privilégiée : les familles, venues du ghetto de Theresienstadt, ne sont pas sélectionnées à leur arrivée, ni séparées ; les détenus sont tatoués, mais ils peuvent conserver leurs cheveux, leurs vêtements, et maintenir les rudiments d’une vie sociale et culturelle : orchestre, jeux, spectacles, auxquels assistent souvent les SS et le responsable du camp des familles, le docteur Mengele. Très rapidement, la vie s’organise, notamment au Kinderblock (block des enfants), où des moniteurs s’attellent clandestinement à l’éducation des plus jeunes, s’efforçant de divertir les enfants de la réalité terrifiante qui les entoure, de leur apprendre à lire ou à dessiner, ou, comme l’écrit Otto Kraus, à « vivre avec la mort ».

Témoins de la sélection et de la disparition des milliers de Juifs descendus des convois de la mort, les familles du camp BIIb n’ont aucun moyen de comprendre ce qui leur vaut d’être épargnées par ce qu’Otto Kulka appelle plus d’un demi-siècle plus tard « la Grande Loi de la mort ». Ce statut d’exception devient plus incompréhensible encore lorsque l’intégralité des membres du premier convoi des familles tchèques, arrivé à Auschwitz en septembre 1943, est exterminée dans les chambres à gaz six mois plus tard, une nuit de mars 1944. Les très rares rescapés du massacre – dont fait partie Kulka, sauvé par un séjour à l’infirmerie – savent désormais, tout comme les membres des convois suivants, qu’ils seront tous voués à la mort au bout de six mois, sans même le mince espoir que représente, pour les autres détenus, le processus de sélection.

Comment continue-t-on à vivre en plein cœur d’un camp d’extermination ? Peut-on tomber amoureux, ou le rester, lorsqu’on sait précisément quel jour on doit mourir, et de quelle façon ? Quelle enfance, et quelle éducation, dans un lieu sans aucun avenir ? À quoi bon apprendre à lire à des enfants promis à la mort ? Pourquoi écrire des poèmes, tenir un journal, débattre d’un avenir politique promis à d’autres ? Ces questions sont au cœur de l’expérience des déportés du camp des familles, qui n’échappent initialement à la mort que pour subir en toute conscience, sans espoir aucun de s’y dérober, la loi de la cheminée. Double exception dans ce lieu d’exception qu’est le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau : la survie dans le camp de la mort, mais aussi la certitude du meurtre.

Lors de la liquidation du camp des familles, en juillet 1944, moins de 10% des déportés avaient survécu. Et pourtant, même après l’extermination intégrale du premier convoi, la vie du camp s’était maintenue : on continuait à entretenir des traditions juives, à célébrer des fêtes, à éduquer les enfants, à s’affronter sur le sionisme ou l’internationalisme. Racontant la préparation d’une révolte avortée, le roman d’Otto Kraus met en scène l’espoir d’une issue autre que l’extermination, mais il explore surtout une forme d’espérance désespérée, vidée de toute attente, suivant laquelle la seule chose sérieuse à faire, à l’approche et dans la proximité de la mort, serait de maintenir une forme de foi protestataire dans la vie, la « possibilité de vivre quelque chose de l’ordre d’un idéal au présent » (C. Coquio), faux semblant mais aussi vraie affirmation d’une résistance. Comme l’explique Otto Kulka, devenu plus tard historien en Israël, en se remémorant son premier contact avec l’enseignement de l’histoire dans le camp, les « valeurs et modes de vie historiques, fonctionnels et normatifs furent ici transformés en quelque chose de l’ordre de valeurs absolues ».

Les deux livres sont suivis d’un essai qui restitue l’histoire du camp et analyse les conditions de ce paradoxe : Otto Kulka publie, en contrepoint de son exploration intime, l’un des seuls articles qu’il a consacrés en tant qu’historien à l’expérience du camp des familles, où il essaye de comprendre ce cas extrême de survivance d’une vie culturelle au cœur d’un camp de la mort. Accompagnant le roman d’Otto Kraus, un essai passionnant de Catherine Coquio, qui avait déjà dirigé l’édition d’une anthologie de témoignages sur l’enfance pendant la Shoah1, revient de façon détaillée sur l’histoire des déportés du camp BIIb, du ghetto de Theresienstadt à la liquidation finale du camp, et analyse les quelques témoignages qui ont gardé la trace de cette histoire extraordinaire. À leur manière, extrêmement différente, Paysages de la métropole de la mort et Le mur de Lisa Pomnenka viennent enrichir l’héritage historique, poétique et éthique de la littérature des camps en pointant de façon extrêmement poignante l’énigme que put constituer l’expérience collective de l’art et la présence des enfants dans un lieu qui semblait vider l’art et l’enfance de tout sens.

↑1 C. Coquio et A/ Kalisky (textes réunis par), L’enfant et le génocide. Témoignages sur l’enfance pendant la Shoah, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2007

https://raison-publique.fr/1974/

Le camp des familles

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Dans la sombre histoire de la Shoah, il est une aberration dont on parle peu : celle du camp des familles, à Auschwitz, un camp dans le camp, qui voit les Juifs tchèques vivre des conditions de détention nettement différentes de celles des autres détenus raciaux. Retour sur une illusion à peine trompeuse.

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En décembre 1943 arrive à Auschwitz un convoi de Juifs tchèques, déportés du camp de Terezin en Bohême. Leur voyage, si l’on peut l’appeler ainsi, a duré deux jours et une nuit. Mais, à leur arrivée dans le camp de la mort, leur destin est différent de celui des autres Juifs : pas de rampe de sélection, pas de tonte des cheveux, pas de séparation entre parents et enfants.

Ces Juifs tchèques sont regroupés au sein du camp dit des familles, où ils rencontrent certains de leurs coreligionnaires également déportés de Terezin. Combien sont-ils ? Environ 4 000, peut être 4 500. Etrangement, ils connaissent des conditions de vie sans aucun rapport avec les autres détenus : ils sont mieux nourris, portent des vêtements civils au lieu de la tristement célèbre tenue à rayures bleues et blanches. Il y a même un théâtre et une école pour les enfants, visités régulièrement par les gardiens SS. Une véritable aberration ! A deux pas, c’est un enfer sans nom. Et pourtant, tous les membres du camp des familles seront finalement gazés.

Pourquoi ? L’irrationalité nazie est-elle suffisante pour comprendre ? Car jusqu’à aujourd’hui, personne ne s’explique vraiment l’existence puis la liquidation de ce camp des familles.

Il se pourrait bien que les motifs de ce camp dans le camp soient plus terre à terre. Disons-le franchement, il s’agit sans doute de politique. On sait que les nazis firent leur possible pour cacher leur crime, détruisant par exemple les chambres à gaz lors de leur retraite. Le temps de durée du camp des familles avait été officiellement fixé à 6 mois. Un document retrouvé à Auschwitz le prouve. Tout était donc préparé. Six mois, en fait le camp durera un peu plus… Cette période était sans doute jugée suffisante par les nazis pour prouver à qui voudrait l’entendre qu’Auschwitz était un camp de travail normal, voir pourquoi pas un camp humain.

Après tout, ils n’avaient pas fait autrement avec les malades mentaux euthanasiés en Allemagne. A leurs familles, ils envoyaient une simple lettre expliquant un décès accidentel. Le tout étant de rester dans les formes et de faire passer la pilule.

En mars 1944, le camp des familles est liquidé et ses habitants gazés, on y reviendra. Or, 3 mois après, Eichmann invite la Croix-Rouge à visiter le camp de Terezin, en Bohême, sur la demande du Danemark. Pour l’occasion, quelques retouches et mises en scènes semblent tromper les visiteurs.

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Freddy Hirsch

Bref, notre idée est bien que les Juifs tchèques, de Terezin à Auschwitz, ont servi de vitrine auprès de l’opinion internationale. Sans d’ailleurs pour autant qu’ils fussent épargnés. Mais revenons au camp des familles. Membre de la Résistance, détenu depuis 18 mois, Rudolf Vrba, un Juif slovaque, entre vite en contact avec le camp des familles. Il veut convaincre les hommes de le rejoindre dans le mouvement de résistance du camp. En fait, il a très vite compris que le camp des familles était condamné. Son interlocuteur auprès du camp est Fredy Hirsch, un Juif allemand émigré à Prague. Cet homme d’un peu plus de 30 ans est très proche des enfants du camp. Il en est personnellement responsable et apporte un soin particulier à leur éducation. Hirsch communiquera à Vrba le nombre d’hommes prêts à prêter main forte en cas de révolte.

D’autant plus que le temps presse. Fin février 1944, des bruits sur les préparatifs du gazage des familles filtrent. Kaminski, un des chefs de la Résistance au « commando spécial », veut avertir les Juifs du camp des familles, mais l’opération de gazage est repoussée de quelques jours, en fait juste un court sursis. Vrba tente encore une fois de persuader Hirsch d’organiser une révolte armée : sur le chemin de leur exécution, les hommes s’empareraient des armes de leurs gardiens et en tueraient un maximum. La fin était inéluctable alors pourquoi ne pas mourir les armes à la main ? Pour Hirsh, le principal obstacle, et la principale obsession, ce sont les enfants, qu’il considère comme les siens. Face à un choix insoluble, il tente de se suicider en s’empoisonnant.

Un matin, les SS viennent embarquer les familles dans des camions. Subterfuge classique pour une exécution calme, ils expliquent aux Juifs qu’ils seront transférés à Heydebreck. Mais le camion ne tourne pas à droite, vers la sortie du camp, il prend bien la direction des chambres à gaz. Une scène unique se produira alors : battus, forcés de rentrer dans la chambre, les Juifs entonnent l’hymne national tchèque puis la Hatikva, futur hymne d’Israël.

Rudolf Vrba, qui avait tenté de soulever le camp des familles, fera quant à lui partie des rares à avoir pu s’échapper d’Auschwitz. En avril 1944, il parvient à regagner la Slovaquie, avec un co-détenu, Alfred Wetzler. Ils rédigeront un rapport de 32 pages sur la réalité de l’extermination des Juifs, qu’ils enverront aux gouvernements anglais et américain. A cette date, on savait déjà l’essentiel. Mais ce document poussera les Alliés à faire pression sur les nazis dans le cadre de la déportation des Juifs hongrois, qui commence au même moment. Si 400 000 furent effectivement déportés, on estime à environ 100 000 le nombre de vies sauvées grâce à ce rapport.

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