CLAUDE TRICOIRE (1951-...), ECRIVAIN ANGLAIS, ELIZABETH GOUDGE (1900-1984), LE PAYS DU DAUPHIN VERT, LITTERATURE, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, ROMAN

Le pays du Dauphin vert par Elizabeth Goudge

Le pays du Dauphin vert

Elizabeth Goudge

Paris, Phebus, 2007. 800 pages

41mN7ynluVL._SX326_BO1,204,203,200_

Résumé

  Nous sommes au XIIe siècle dans une bourgade des îles Anglo-Normandes. La famille du jeune William emménage rue du Dauphin Vert. L’adolescent se lie à ses deux voisines, la jolie et souriante Marguerite, et la grave Marianne, plus ingrate. On rêve, on rit, on pleure ; et l’on se moque de ce benêt de William qui, malgré sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s’empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs. Un détail idiot qui va bouleverser le cours de trois existences… William s’établit comme colon en Nouvelle-Zélande, toujours épris de son amoureuse d’hier. Prenant un jour son courage à deux mains, il demande par lettre la main de Marguerite. Quelques mois plus tard, il a la surprise de sa vie : c’est Marianne qui débarque du bateau..

Quatrième de couverture

Une rue peut être un univers, l’endroit où tout se joue. Lorsque sa famille emménage rue du Dauphin-Vert, en plein dix-neuvième siècle, dans une bourgade des îles Anglo-Normandes, William se lie d’amitié avec la jolie Marguerite et la grave Marianne, toutes deux ses voisines. On rêve, on rit, on pleure et l’on se moque du jeune garçon qui, en dépit de sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s’empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs… Un « détail » vraiment ? Un petit rien, croit-on, que cette confusion. Elle bouleversera pourtant le cours de bien des existences…

Biographie de l’auteur

Elizabeth_Goudge_c1975

Née dans le Somerset en 1900, Elizabeth Goudge est une romancière anglaise qui fut élevée dans l’austérité par son père professeur de théologie à Oxford. En 1923, elle se mit à l’écriture et se fit connaître avec les livres pour enfants et les biographies pieuses, avant de se consacrer à la littérature avec notamment L’Arche dans la tempête et Le Pays du Dauphin-Vert. Elle mourut en 1984, laissant derrière elle une œuvre animée par les violences et les contradictions des sentiments et par la rudesse des campagnes isolées de l’ouest de l’Angleterre.

 

 Une critique toute personnelle

« Si vous avez une passion pour les sœurs  Brontë et Daphné Du Maurier, précipitez-vous sur ce chef-d´oeuvre des sentiments contrariés. » Elle « Un roman qui touche au mythe, à la légende, qui est habité par la notion de sacrifice. Un roman mystique, comme il y en a peu dans la littérature anglaise. » (Le Figaro littéraire)

Dans ce roman de 800 pages Elizabeth Goudge nous propose bien plus qu’une histoire d’amour, bien plus que l’histoire des vaillants pionniers de Nouvelle-Zélande face aux Maoris avec en plus le fameux clipper Le Dauphin vert. C’est une histoire d’amour mais aussi une histoire où la spiritualité est toujours présente dans la vie des personnages, dans les descriptions d’une nature à la fois généreuse et à la fois hostile.

Ce livre qui se situe en pleine ère victorienne nous donne à voir la vie d’une famille, celle des Le Patourel avec les parents, leurs filles Marguerite et Marianne et le beau William. Si Marguerite qui a bien retenu les lectures de l’Ecriture Sainte lues par sa mère, Marianne a un tempérament de combattante jamais satisfaite ; la jeune Marguerite brille par sa beauté et sa joie de vivre ; Marianne qui n’est pas belle s’impose par sa culture et sa volonté à transformer son entourage à sa façon. Quant à William Ozanne que l’on pourrait croire faible et balloter par les évènements il sait se montrer à la hauteur quand les évènements le demandent.

Le caractère des deux sœurs se montre après le mariage de Marianne et de William, suite à une erreur du jeune homme qui a confondu les deux prénoms. Marguerite restera dans son île à prendre soin de ses parents jusqu’à leur mort et se fera religieuse. Marianne, une fois mariée à William, aura du mal à trouver le bonheur : avide de montrer ses talents, avide de toujours avoir plus de biens sans se soucier du bonheur des autres  elle ne trouvera l’amour et le bonheur qu’une fois ayant fait la vérité sur elle-même

Le-pays-du-dauphin-vert

Une frégate (clipper) nommé Le Dauphin Vert

L’univers narratif

L’histoire commence dans les années 1840 dans une île anglo-normande dont les descriptions ressemblent aux images d’un dessin animé. Elle se poursuit en Nouvelle-Zélande, devenue britannique depuis 1840, et traverse les guerres maories de 1860 et 1870.

Les personnages

Les personnages principaux

Marianne cherche une réussite matérielle alors que William et Marguerite se préoccupent d’une réussite spirituelle.

#William
Grand et fort — et séduisant si l’on en juge par la fascination qu’il exerce sur Marianne et Marguerite —, il est aussi lourd, lent et influençable. Mais sa plus belle qualité est une immense gentillesse et une attention aux autres sans faille.

#Marguerite
Une ravissante enfant blonde aux yeux bleus, solaire aussi. Tout le monde l’aime sans qu’elle ait le moindre effort à faire. Elle a pourtant un défaut qui lui coûtera cher, elle déteste se rendre auprès de malades.

#Marianne
Malheureusement pour elle (ou heureusement?), ne possède pas le charme de Marguerite et doit faire des efforts pour qu’on la remarque. Mais elle est volontaire, manipulatrice aussi. Ce qu’elle veut, elle l’obtient. À l’exception d’une chose : se faire aimer.

Les personnages secondaires

Le roman n’oublie pas de nous faire connaître les personnages secondaires qui chacun à leur manière auront une influence sur la destinée des principaux personnages. Eux aussi sont des personnages hauts en couleur.

#Le capitaine O’Hara
Grand, fort, tonitruant aussi, il fait la connaissance de William et Marianne lorsque ceux-ci, fascinés par l’arrivée d’un clipper dans leur île, empruntent une barque pour le rejoindre.

#Samuel Kelly
Samuel est pasteur, c’est un fanatique qui ne rêve que d’une chose : répondre à l’appel de Dieu en convertissant les Maoris au christianisme. Cet objectif est plus important à ses yeux que le bien-être de sa femme, Suzanne.
Il joue un rôle important dans la vie spirituelle de William.

#Tai Hururu
D’origine anglaise, il est arrivé en Nouvelle-Zélande bien avant William et il lui offre son premier travail. Il connaît les Maoris pour avoir vécu avec eux.

Écriture

Le style permet de vivre au plus prêt des personnages, de la nature et des évènements. La longueur des descriptions n’enlève rien à la beauté du livre : au contraire nous pouvons goûter à la beauté des paysages et des éléments, vibrer avec les personnages et partager leurs sentiments.

Azyade-300x169

©Claude Tricoire

ECRIVAIN ANGLAIS, LES VERSETS SATANIQUES, LITTERATURE, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, ROMAN, ROMANS, SALMAN RUSHDIE (1947-....)

Les Versets sataniques de Salman Rushdie

Les versets sataniques

Salman Rushdie

Paris, Christian Bourgeois, 1989. 584 pages.

Rushdie-Les-Versets-sataniques-640x1034

Résumé :

Un jumbo jet explose au-dessus de la Manche. Au milieu de membres humains éparpillés et d’objets non identifiés, deux silhouettes improbables tombent du ciel : Gibreel Farishta, le légendaire acteur indien, et Saladin Chamcha, l’Homme aux Mille Voix. Agrippés l’un à l’autre, ils atterrissent sains et saufs sur une plage anglaise enneigée.
Gibreel et Saladin ont été choisis pour être les protagonistes de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Mais par qui ? Les anges sont-ils des diables déguisés ? Tandis que les deux hommes rebondissent du passé au présent, se déroule un cycle extraordinaire de contes d’amour et de passion, de trahison et de foi avec, au centre, l’histoire de Mahound, prophète de Jahilia, la cité de sable – Mahound, frappé par une révélation où les versets sataniques se mêlent au divin.
Salman Rushdie nous embarque dans une épopée truculente, un voyage de larmes et de rires au pays du Bien et du Mal, si inséparablement liés dans le cœur des hommes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Versets_sataniques

Salman Rushdie

800px-Salman_Rushdie_in_New_York_City_2008

Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Bombay , le 19/06/1947

Sir Ahmed Salman Rushdie est un essayiste et romancier britannique d’origine indienne. Salman Fredich Rushdie quitte son pays à l’âge de quatorze ans pour vivre au Royaume-Uni. Il y étudie à la Rugby School puis à King’s College.

Sa carrière d’écrivain débute avec Grimus, un conte fantastique, en partie de science-fiction qui sera ignoré de la critique littéraire. En 1981, il accède à la notoriété avec Les Enfants de minuit pour lequel il est récompensé du James Tait Black Memorial Prize et le Booker Prize. Les Enfants de minui  a été récompensé comme le meilleur roman ayant reçu le prix Booker au cours des 25 puis des 40 dernières années.

En 1988, la publication des Versets sataniques soulève une vague d’émotion. Par conséquent, il est objet d’une fatwa de l’ayatollah Rouhollah Khomeini, et devient ainsi un symbole de la lutte pour la liberté d’expression.

En novembre 1993, à la suite d’une vague d’assassinats d’écrivains en Algérie, il fait partie des fondateurs du Parlement international des écrivains, une organisation consacrée à la protection de la liberté d’expression des écrivains dans le monde. L’organisation est dissoute en 2003 et remplacée par l’International Cities of Refuge.

En 2004, il s’est marié (pour la quatrième fois) avec la top-model et actrice indienne Padma Lakshmi. Après 3 ans de mariage, Salman Rushdie et Padma Lakshmi divorcent.

Salman Rushdie s’oppose au projet du gouvernement britannique d’introduire en droit le crime de haine raciale et religieuse, ce qu’il a exposé dans sa contribution La libre expression n’est pas une offense, un recueil d’essais publié en novembre 2005.

Il continue d’écrire et de publier des romans et des contes, comme Shalimar le clown en 2005, L’Enchanteresse de Florence en 2008 ou encore Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits en 2016. Il est l’auteur aussi, d’une autobiographie intitulée Joseph Anton (2012). Son style narratif, mêlant mythe et fantaisie avec la vie réelle, a été qualifié de réalisme magique.

Populaire mais discret en Grande Bretagne, il a été anobli par la Reine Elisabeth II

Le 11 août 2022, Salman Rushdie est blessé au couteau alors qu’il allait tenir une conférence à New York

https://fr.wikipedia.org/wiki/Salman_Rushdie

ECRIVAIN ANGLAIS, LITTERATURE BRITANNIQUE, POEME, POEMES, RUDYARD KIPLINK (1865-1936), SI, TU SERAS UN HOMME MON FILS

Tu seras un homme mon fils

Si  : poème de Rudyard Kiplink

si-final

Si, en anglais If—, est un poème de Rudyard Kipling, écrit en 1895, et publié en 1910 dans Rewards and Fairies. Il lui a été inspiré par le raid Jameson. Évocation de la vertu britannique de l’ère victorienne, comme Invictus de William Ernest Henley vingt ans plus tôt, ce poème est rapidement devenu très célèbre. Deux de ses vers (les 11 et 12) sont notamment reproduits à l’entrée des joueurs du court central de Wimbledon:  If you can meet with triumph and disaster / And treat those two impostors just the same ». » (Si tu peux rencontrer triomphe et désastre/ Et traiter ces deux imposteurs de la même manière.

Texte en anglais                           

If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you,
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting,
Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
And yet don’t look too good, nor talk too wise:

If you can dream – and not make dreams your master;
If you can think – and not make thoughts your aim;
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you’ve spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
And stoop and build ’em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss[es];
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your [or our] turn long after they are gone,
And so hold on [to it] when there is nothing in you
Except the Will which says to them: ‘Hold on!’

If you can talk with crowds and keep your virtue,
‘ Or walk with Kings – nor lose the common touch,
if neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count [on you,] with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute
With sixty seconds’ worth of distance run,
Yours is the Earth and everything that’s in it,
And – which is more – you’ll be a Man, my son!  

Traduction française

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.

Adaptation d’André Maurois

 

Rudyard Kipling (1865-1936)

21132964lpw-21137400-embed-libre-jpg_7590415
Rudyard Kipling est un écrivain britannique, auteur de romans, de poèmes et de nouvelles.

Il est fils de John Lockwood Kipling, sculpteur et professeur à la Jejeebhoy School of Art and Industry de Bombay. À l’âge de six ans, il fut envoyé en pension en Angleterre pour recevoir une éducation britannique. Il y vécut cinq années malheureuses, qu’il évoqua plus tard dans Stalky et Cie (1899) et dans la Lumière qui s’éteint (The Light That Failed, 1890).

En 1882, il retourna en Inde où, jusqu’en 1889, il se consacra à l’écriture de nouvelles pour la Civil and Military Gazette de Lahore. Il publia ensuite Chants des divers services (1886), des poèmes satiriques sur la vie dans les baraquements civils et militaires de l’Inde coloniale, et Simples contes des collines (1887) un recueil de ses nouvelles parues dans divers magazines.

C’est par six autres récits, consacrés à la vie des Anglais en Inde et publiés entre 1888 et 1889, que Kipling se fit connaître : ces textes révélèrent sa profonde identification au peuple indien et l’admiration qu’il lui vouait.

En 1892, il épousa Caroline Balestier à Londres. Les jeunes mariés décidèrent de faire un voyage de noces qui les mènerait d’abord aux États-Unis. Il vécut pendant quatre ans dans le Vermont, où il écrivit le Livre de la jungle (1894) et le Second Livre de la jungle (1895). Ses recueils de contes animaliers et anthropomorphiques, considérés comme ses plus grandes œuvres, mettent en scène le personnage de Mowgli, petit d’homme qui grandit dans la jungle.

En 1903, s’installa définitivement en Angleterre. De ses nombreuses œuvres, beaucoup devinrent très populaires. Il fut le premier écrivain anglais à recevoir le prix Nobel de littérature en 1907.

En marge de cette littérature pour enfants, il écrivit encore des romans et des récits comme Capitaines courageux (1897), un récit maritime, et Kim (1901), un conte picaresque sur la vie en Inde, considéré comme l’un de ses meilleurs romans.

Il est également l’auteur de poèmes dont Mandalay (1890), Gunga Din (1865) et Si (If, 1910) sont parmi les plus célèbres et de nouvelles, dont L’Homme qui voulut être roi (1888) et le recueil Simples contes des colline (1888). Kipling continua à écrire jusqu’au début des années 1930.

Il a été considéré comme un innovateur dans l’art de la nouvelle, un précurseur de la science-fiction et l’un des plus grands auteurs de la littérature de jeunesse.

Source : damienbe.chez.com

ECRIVAIN ANGLAIS, JOHN LE CARRE (1931-2020), L'ESPION QUI VENAIT DU FROID, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION

L’espion qui venait du froid de John le Carré

L’Espion qui venait du froid.

John le Carré ; traduit l’anglais par Marcel Duhamel et Henri Robillot. Paris, Gallimard, 1964. 239 pages.

lespion-qui-venait-du-froid

L’espion qui venait du froid, un titre familier, non pas en raison du film de Martin Ritt en 1965 mais du livre de John le carré dont la notoriété a outrepassé celle du film, ou plutôt je devrais dire le film dont la notoriété n’a pas éclipsé celle du roman.

L’espion est un plat qui se mange très froid

Après le Seconde guerre mondiale, dans les années 1950-1960, le mur qui sépare l’Allemagne de l’Ouest de l’Allemagne de l’Est devient le théâtre où les espions des deux camps se livrent une guerre sans merci. Dans cette période de Guerre froide qui bat son plein c’est l’Est contre l’Ouest. Les deux maîtres-espions que sont Alec Leamas et Hans-Dieter Mundt (un espion retourné qui travaille pour les Britanniques) se livrent un combat impitoyable : réseau d’espion contre réseau d’espion. Mais l’Allemand est fort, très fort Roman de la guerre froide, L’Espion qui venait du froid porte un regard sans merci sur une période où chacun des camps se livre une partie d’échecs impitoyable. John Le Carré, dans un livre qui est désormais LE classique du genre, décrit minutieusement le lent processus de la lutte des espions, des contre-espions et des fameux agents doubles. Tout débute par l’attente de Leamas, du côté occidental du mur de Berlin, du dernier espion de son réseau démonté pièce à pièce par Mundt. Il assiste impuissant à sa mort alors qu’il était à quelques mètres de la liberté. Leamas retourne en Grande-Bretagne. Et c’est là que le lecteur est emmené dans une partie d’écher ; si Leamas semble perdu pour le « Cirque » (nom donné au MI6 par l’auteur) le lecteur assiste à une transformation calculée du héros , qui fera qu’il sera contacté par des agents communistes, et qu’il deviendra le cheval de Troie dans l’organisation d’un Mundt, qui doit être décrédibilisé par ses supérieurs et, donc, exécuté. Mais Leamas ne se doute pas que dans ce terrible jeu d’échecs, il n’est qu’un pion parmi les autres dont la vocation est d’être sacrifié pour protéger la reine. John Le Carré, d’une écriture magistrale retrace l’atmosphère oppressante et angoissante de cette époque de la Guerre froide. Il réussit le tour de force de commettre un roman qui observe – en prenant le lecteur comme témoin – ce qui est vraiment un jeu, une murder party, en ne prenant absolument pas partie mais en mettant tous les pions dans le même sac. Les différents joueurs, ici l’Est et l’Ouest rivalisent d’effets retorses, de machiavélismes et surtout n’hésitent pas à donner à l’ennemi leurs propres agents sans aucun état d’âme. Et c’est ici que John Le Carré montre les limites de ce jeu avec Leamas : sûr d’être le combattant du Bien contre le Mal au début du roman et qui, peu à peu, prend conscience qu’il est le combattant d’un Mal contre un Mal, il va finalement se rendre compte de ce qui est en train de se jouer à son insu et de ce qui se trame à un niveau plus élevé. Il meurt au pied du mur qu’il devait franchir pour retourner en Angleterre en ayant vu  ses idéaux s’écrouler, comme le château de cartes que chacun des deux camps tente de dresser sur une table en plein vent. L’Espion qui venait du froid est le roman d’espionnage par excellence d’après la Seconde Guerre mondiale, de la lutte du cynisme contre les illusions.

Citations

Lénine lui-même préconisait les alliances temporaires ! Pour quoi prends-tu les espions ? Pour des prêtres, des saints, des martyrs ? Non ! C’est un minable défilé d’imbéciles vaniteux, de traîtres aussi, oui ; de pédés, de sadiques, d’ivrognes, de types qui s’amusent à jouer aux cow-boys et aux Indiens pour mettre un peu de sel dans leur triste existence.

Alors il eut la révélation de ce que Liz lui avait donné, de ce qu’il lui faudrait à tout prix retrouver s’il lui arrivait de retourner en Angleterre: ce souci des petits détails de l’existence, cette foi dans la vie quotidienne, cette simplicité qui vous faisait déchiqueter menu un bout de pain dans un sac de papier pour aller sur la plage le jeter aux mouettes.
C’était cela qui lui manquait, à lui, cette faculté de s’attacher à des banalités. Que ce fût du pain pour les mouettes, ou l’amour, il retournerait en Angleterre le chercher.

Nous avons une éthique, dans notre métier. Une éthique basée sur une seule présomption : que jamais nous ne serons les agresseurs. Si bien que nous faisons de temps à autre des choses désagréables, mais toujours strictement défensives, si je puis dire. Nous faisons des choses pas agréables pour que les gens puissent dormir en paix. […] Bien sûr, de temps en temps, nous commettons même des actes franchement répréhensibles. […] Je veux dire que vous ne pouvez pas vous montrer moins brutal que l’adversaire sous prétexte que votre gouvernement a adopté une politique disons… euh… tolérante, n’est-ce-pas ? Alors-là, ça ne ferait pas du tout l’affaire !

En soi, la pratique du mensonge n’a rien de particulièrement éprouvant : c’est une question d’habitude professionnelle, une ressource que la plupart des gens peuvent acquérir. Mais alors que l’aigrefin, l’acteur de théâtre ou le joueur professionnel peuvent rejoindre les rangs de leurs admirateurs après la représentation, l’agent secret, lui, ne peut pas se payer le luxe de la détente. Pour lui, l’imposture est avant tout de l’autodéfense. Il doit se protéger non seulement des dangers extérieurs, mais aussi du dedans, et contre les plus naturelles des impulsions ; bien qu’il gagne parfois des fortunes, son rôle peut lui interdire l’achat d’un rasoir. Erudit, il peut se voir astreint à ne prononcer que des banalités. Mari et père de famille dévoué, il lui faut, en toute circonstance, refréner son envie de se confier aux siens.

Pour quoi prends-tu les espions ? C’est un minable défilé d’imbéciles vaniteux, de traitres aussi oui ; tu les imagines… comme des moines dans leur chapelle en train de soupeser le Bien et le Mal ?… Je l’aurais tué si j’avais pu. Je le vomis. Mais pas maintenant car ils ont besoin de lui pour permettre à la masse imbécile que tu admires tant de dormir sur ses deux oreilles. Ils ont besoin de lui pour assurer la sécurité des gens ordinaires, des minables comme toi et moi. Ils ne se dressent pas…sur un podium pour nous adjurer de nous battre pour la Paix ou pour Dieu ou pour n’importe quoi donc. Ce sont de pauvres cons qui s’évertuent à empêcher les apôtres de toutes les religions de s’entredévorer.

John le Carré (1931-2020)

john-le-carrc3a9
John le Carré, de son vrai nom David John Moore Cornwell, est un romancier britannique.

Il a étudié à l’université de Berne en Suisse de 1948 à 1949 et à l’université d’Oxford au Royaume-Uni, puis enseigna quelque temps au collège d’Eton avant de rejoindre le Foreign Office pendant cinq ans. Il a été recruté par le MI6 alors qu’il était en poste à Hambourg, il écrivit son premier roman L’Appel du mort (Call for the Dead) en 1961, étant toujours en service actif. Sa carrière au sein du service de renseignement britannique prit fin après que sa couverture fut compromise par un agent double, Kim Philby, œuvrant pour le KGB.

Durant les années 1960, il a commencé à écrire des romans sous le pseudonyme de John Le Carré. Son troisième roman L’espion qui venait du froid (The Spy who Came in from the Cold, 1963) est devenu un best-seller international et demeure l’une de ses œuvres les plus connues, adaptée au cinéma en 1965 avec Richard Burton dans le rôle principal. Il a obtenu le Prix Edgar Allan Poe – Meilleur roman 1965.

En vingt-trois livres, Le Carré est devenu le maître incontesté du roman d’espionnage british. Il est l’auteur de nombreux romans se déroulant dans le contexte de la Guerre froide. Le Carré a trouvé, après la fin de la Guerre froide, à élargir son inspiration vers des sujets plus contemporains. Dix de ses romans ont été adaptés au cinéma et deux autres en série TV : Le Directeur de nuit (The Night Manager, 2016) et La petite fille au tambour (The Little Drummer Girl » 2018).

En 2017, John le Carré publie un nouveau polar, L’Héritage des espions (A Legacy of Spies). Cet ouvrage est la suite de L’Espion qui venait du froid.

Son fils Nicholas Cornwell (1972) est un écrivain de science-fiction et de fantasy, connu sous le pseudonyme de Nick Harkaway.

Depuis « La Maison Russie » (The Russia House, 1989), ses ouvrages sont traduits en français « à quatre mains » par l’ancienne chanteuse de jazz Mimi Perrin (1926-2010), qui fonda le groupe vocal les Double-Six, et sa fille, Isabelle.

JOHN LE CARRE (1931-2020), JOHN LE CARRE, MAITRE DU ROMAN D'RSPIONNAGE, LITTERATURE, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRES, ROMANS

John le Carré, maître du roman d’espionnage

John le Carré (1931-2020)

5fd74340210000f90d73e9e9

Biographie

John le Carré, de son vrai nom David John Moore Cornwell, est un romancier britannique.

Il a étudié à l’université de Berne en Suisse de 1948 à 1949 et à l’université d’Oxford au Royaume-Uni, puis enseigna quelque temps au collège d’Eton avant de rejoindre le Foreign Office pendant cinq ans. Il a été recruté par le MI6 alors qu’il était en poste à Hambourg, il écrivit son premier roman « L’Appel du mort » (« Call for the Dead« ) en 1961, étant toujours en service actif. Sa carrière au sein du service de renseignement britannique prit fin après que sa couverture fut compromise par un agent double, Kim Philby, œuvrant pour le KGB.

Durant les années 1960, il a commencé à écrire des romans sous le pseudonyme de John Le Carré. Son troisième roman « L’espion qui venait du froid » (« The Spy who Came in from the Cold », 1963) est devenu un best-seller international et demeure l’une de ses œuvres les plus connues, adaptée au cinéma en 1965 avec Richard Burton dans le rôle principal. Il a obtenu le Prix Edgar Allan Poe – Meilleur roman 1965.

En vingt-trois livres, Le Carré est devenu le maître incontesté du roman d’espionnage british. Il est l’auteur de nombreux romans se déroulant dans le contexte de la Guerre froide. Le Carré a trouvé, après la fin de la Guerre froide, à élargir son inspiration vers des sujets plus contemporains. Dix de ses romans ont été adaptés au cinéma et deux autres en série TV : « Le Directeur de nuit » (« The Night Manager« , 2016) et « La petite fille au tambour » (« The Little Drummer Girl », 2018).

En 2017, John le Carré publie un nouveau polar, « L’Héritage des espions » (« A Legacy of Spies« ). Cet ouvrage est la suite de « L’Espion qui venait du froid ».

Son fils Nicholas Cornwell (1972) est un écrivain de science-fiction et de fantasy, connu sous le pseudonyme de Nick Harkaway.

Depuis « La Maison Russie » (« The Russia House« , 1989), ses ouvrages sont traduits en français « à quatre mains » par l’ancienne chanteuse de jazz Mimi Perrin (1926-2010), qui fonda le groupe vocal les Double-Six, et sa fille, Isabelle.

site officiel : https://www.johnlecarre.com/

Six romans à lire !

Le maître du roman d’espionnage a écrit 25 livres, dont beaucoup ont été adaptés sur grand écran. Ancien agent secret britannique, John le Carré écrivait en connaissance de cause, créant des personnages loin du glamour de James Bond. Voici six de ses romans les plus acclamés.

 « L’espion qui venait du froid » (1963)

Le troisième roman de John le Carré, écrit alors que le jeune David Cornwell (son vrai nom) travaillait encore pour les services secrets britannique, a rencontré instantanément le succès. Grand roman de la guerre froide, il raconte comment Alec Leamas, un agent britannique du MI6 approchant de la retraite, est incité à traverser le Mur séparant Berlin-Est de Berlin-Ouest, pour une dernière mission. Pour l’adaptation au cinéma du livre en 1965, Richard Burton endossa le rôle principal.

51qUFIoAFTL._SX343_BO1,204,203,200_

La couverture du livre de John Le Carré « L’espion qui venait du froid » 

 

« La Taupe » (1974)

61M62HTNPJL._SX284_BO1,204,203,200_

Il s’agit d’une chasse aux taupes dans les couloirs du « Cirque« , comme John le Carré surnommait le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni (MI6). Ce roman fait partie d’une trilogie des années 1970: le héros timide du romancier, George Smiley, y déjoue les pièges de son rival soviétique, Karla. Le roman a été adapté à la télévision, avec Alec Guinness pour incarner Smiley, et au cinéma en 2011, avec une distribution de stars comprenant Gary Oldman, Colin Firth, John Hurt et Benedict Cumberbatch. Le dictionnaire Oxford a crédité John le Carré de la paternité du mot « taupe » parmi de nombreux autres termes d’espionnage.

« La petite fille au tambour » (1983)

51zqI36xcAL

John le Carré surprend et captive en consacrant ce roman au conflit israélo-palestinien: un chef espion israélien manipule Charlie, une belle actrice anglaise radicale, et la persuade de se faire agent double pour attirer un terroriste palestinien. En 1984, film a donné lieu à un long métrage, mal accueilli, avec Diane Keaton dans le rôle titre. Le Sud-Coréen Park Chan-wook en a tiré une mini-série en 2018.

« Un pur espion » (1986)

s-l300

Retourné par un maître espion charismatique tchèque, Magnus Pym est un agent double britannique en fuite du MI6. L’action alterne présent et passé, servie par un choix de personnages extraordinaires, dont le père de Pym, inspiré du propre père escroc de John le Carré. « Écrire Un pur espion est probablement ce qu’un psy très sage m’aurait conseillé de faire », écrira plus tard l’auteur.

 

« Le Directeur de nuit » (1993)

9782221076088-475x500-1

À la recherche d’un nouveau thème après la fin de la guerre froide (1945-1989), John le Carré imagine cette fois une mission secrète destinée à faire tomber un trafiquant d’armes britannique. Le roman a été adapté en mini-série télévisée en 2016, avec Tom Hiddleston dans le rôle de l’ancien soldat britannique Jonathan Pine, et Hugh Laurie pour incarner la cible : Richard Onslow Roper, « le pire homme au monde ».

« La constance du jardinier » (2011)

22455774741

Ce thriller captivant, situé au Kenya, dépeint en particulier les machinations des multinationales du secteur pharmaceutique. En 2005, dans une adaptation au cinéma, Ralph Fiennes a incarné le diplomate britannique enquêtant sur la mort de sa femme. Rachel Weisz a remporté un Oscar pour son rôle d’épouse militante au destin tragique.

JOHN RONALD REUEL TOLKIEN (1892-1973), LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, ROMAN, ROMANS

Le Seigneur des anneaux de J.R.R Tolkien

Le Seigneur des anneaux

Cet article utilise autant que possible la traduction de Daniel Lauzon, ce qui explique par exemple que l’on parle de La Fraternité de l’Anneau ou de Frodo Bessac.

9782266201728-475x500-1.jpg

Le Seigneur des anneaux (The Lord of the Rings) est un roman en trois volumes de J. R. R. Tolkien paru en 1954 et 1955.

Prenant place dans le monde de fiction de la Terre du Milieu, il suit la quête du hobbit Frodo Bessac, qui doit détruire l’Anneau unique afin que celui-ci ne tombe pas entre les mains de Sauron, le Seigneur des ténèbres. Plusieurs personnages lui viennent en aide, parmi lesquels son serviteur Sam, le mage Gandalf ou encore l’humain Aragorn, héritier d’une longue lignée de rois.

À la suite du succès critique et commercial du Hobbit, Tolkien entreprend la rédaction du Seigneur des anneaux à la fin des années 1930 à la demande de son éditeur, Allen & Unwin. Il lui faut douze ans pour parvenir à achever cette suite, qu’il truffe de références et d’allusions au monde du Silmarillion, la Terre du Milieu, sur lequel il travaille depuis 1917 et dans lequel Le Hobbit a été attiré « contre l’intention première » de son auteur.

À l’origine, Tolkien souhaite publier Le Seigneur des anneaux en un seul volume, mais le prix du papier étant trop élevé en cette période d’après-guerre, l’œuvre est divisée en trois volumes : La Fraternité de l’Anneau (The Fellowship of the Ring), Les Deux Tours (The Two Towers) et Le Retour du roi (The Return of the King). C’est un succès commercial immédiat qui ne se démentit pas tout au long de la deuxième moitié du xxe siècle et donne lieu à des adaptations sur plusieurs supports, dont une série de trois films à grand budget réalisés par Peter Jackson et sortis entre 2001 et 2003.

C’est une des œuvres fondamentales de la littérature dite de fantasy, terme que Tolkien explicite dans son essai Du conte de fées de 1939. Tolkien lui-même considérait son livre comme « un conte de fées […] pour des adultes », écrit « pour amuser (au sens noble) : pour être agréable à lire ».

 

 

Résumé

La Fraternité de l’Anneau

220px-Hobbiton

Après un prologue décrivant les Hobbits et leurs mœurs, le passé de la Terre du Milieu et un rapide résumé des aventures de Bilbo Bessac, le livre I s’ouvre sur le cent onzième anniversaire de ce dernier, soixante années après les événements décrits dans Le Hobbit. Au cours de la réception, Bilbo s’éclipse grâce à l’invisibilité que lui confère son anneau magique et quitte Hobbiteville, laissant la plus grande partie de ses biens, anneau compris, à son neveu et héritier désigné, Frodo Bessac. Dix-sept ans plus tard, leur vieil ami, le magicien Gandalf le Gris, révèle à Frodo que son anneau est en réalité l’Anneau unique, instrument du pouvoir de Sauron, le Seigneur Sombre, qui l’a perdu jadis ; s’il devait le retrouver, son pouvoir deviendrait insurmontable. Gandalf presse Frodo de quitter le Comté, qui n’est plus sûr pour lui et de se mettre en route pour le refuge qu’est Fendeval, la demeure d’Elrond le Semi-elfe.

Frodo vend sa demeure de Cul-de-Sac, dissimulant son départ sous le prétexte d’un déménagement au Pays-de-Bouc, à la lisière orientale du Comté. Accompagné de son jardinier Sam Gamgie et d’un jeune ami, Peregrin Touc (Pippin), il échappe de justesse à plusieurs reprises aux Cavaliers noirs, serviteurs de Sauron chargés de retrouver l’Anneau unique. Les trois compagnons atteignent le Pays-de-Bouc, à l’est du Comté, où Meriadoc Brandibouc (Merry) les rejoint. Les quatre hobbits poursuivent leur route vers l’est, échappant aux dangers de la Vieille Forêt et des Coteaux des Tertres grâce à l’énigmatique Tom Bombadil. À Brie, ils font la connaissance de l’étrange Arpenteur, un ami de Gandalf, qui devient leur guide. Les Cavaliers noirs, toujours à leurs trousses, parviennent à blesser Frodo près de la colline de Montauvent, mais grâce à l’elfe Glorfindel, il parvient à franchir le gué de Bruinen. Les Cavaliers, qui le suivent de près, sont emportés par une crue soudaine de la rivière, et Frodo s’évanouit.

Au début du livre II, Frodo se réveille à Fendeval, où il a reçu les soins d’Elrond et où il retrouve Bilbo. S’ensuit le Conseil d’Elrond, auquel assistent des représentants des principales races de la Terre du Milieu : Elfes, Nains et Hommes. Gandalf leur apprend la trahison de Saruman, son supérieur dans l’Ordre des Mages, qui recherche l’Unique pour lui-même. Après avoir examiné toutes les possibilités qui s’offrent à eux, les participants au Conseil décident que le seul moyen de vaincre Sauron est de détruire l’Anneau en l’amenant au cœur du Mordor, pays de Sauron, et en le jetant dans la lave des Failles du Destin, là où il fut forgé. Frodo se déclare volontaire pour accomplir cette tâche, et une « Fraternité de l’Anneau » est formée pour l’accompagner et l’aider : elle comprend Frodo et ses trois compagnons hobbits, Gandalf, Aragorn, Boromir du Gondor, Gimli le nain et Legolas l’elfe.

La compagnie traverse l’Eregion déserte avant de tenter de franchir les Montagnes de Brume par le col enneigé du Caradhras. Après leur échec face aux éléments déchaînés, Gandalf conduit ses compagnons dans les mines de Moria, ancienne cité naine désormais peuplée par des gobelins, mais il tombe dans un gouffre en affrontant le Balrog, une antique créature démoniaque. La Fraternité, désormais menée par Aragorn, quitte la Moria et entre dans le pays elfique de Lothlórien, gouverné par Celeborn et Galadriel. Frodo regarde dans le miroir de Galadriel et voie des visions du passé, du présent et d’un possible futur. Terrifié par l’Œil de Sauron, Frodo propose de remettre l’Anneau à Galadriel, mais celle-ci surmonte la tentation. Les compagnons quittent la Lórien à bord de trois bateaux et descendent le grand fleuve Anduin. Arrivée à hauteur des chutes de Rauros, la Fraternité se sépare après une attaque d’Orques et Frodo et Sam partent seuls en direction du Mordor.

 Les Deux Tours

220px-Cavalier-rohan.jpg

Un cavalier de Rohan

Le deuxième volume suit les différents chemins empruntés par les membres de la Fraternité défunte.

Au début du livre III, Boromir meurt en tentant de défendre Merry et Pippin, qui sont enlevés par les Uruk-hai de Saruman. Après avoir offert des funérailles au capitaine du Gondor, Aragorn, Legolas et Gimli se lancent à leurs trousses à travers les plaines du Rohan. Aux abords de la forêt de Fangorn, ils retrouvent Gandalf, désormais le Blanc, qui a été renvoyé en Terre du Milieu pour achever sa mission après avoir péri en terrassant le Balrog. Les quatre compagnons se rendent à Edoras, où Gandalf libère le roi Théoden de l’emprise de son conseiller Gríma Langue de Serpent, un pantin de Saruman. Ils participent à la guerre du Rohan contre les armées de Saruman, qui sont vaincues lors de la bataille de la Ferté-au-Cor tandis qu’Orthanc, la forteresse de Saruman, est prise d’assaut par les Ents, des créatures à l’apparence d’arbres menées par Barbebois, auprès de qui Merry et Pippin ont trouvé refuge. Refusant de se repentir de ses erreurs, Saruman est exclu de l’Ordre des Mages par Gandalf.

Le livre IV suit Frodo et Sam sur la route du Mordor. Ils parviennent à capturer et à apprivoiser Gollum, l’ancien possesseur de l’Anneau, qui les suivait depuis la Moria. Il les guide vers une entrée secrète du Mordor, dans la vallée de Minas Morgul. Traversant l’Ithilien, ils sont capturés par Faramir, le frère de Boromir, qui les relâche lorsqu’il apprend l’importance de leur mission. À la fin du livre, Gollum trahit Frodo en le menant dans le repaire d’Araigne, l’araignée géante. Il survit, mais est fait prisonnier par les Orques de Cirith Ungol après que Sam lui a pris l’Anneau, le croyant mort empoisonné par le venin de l’araignée.

 

Le Retour du Roi

Le livre V relate la lutte entre le Gondor et le Mordor, vue par Merry aux côtés du roi Théoden et Pippin à Minas Tirith, capitale du Gondor. La Cité Blanche, assiégée par des milliers d’Orques, est sauvée par l’arrivée des cavaliers du Rohan, puis par celle d’Aragorn, qui a libéré le sud du Gondor grâce à l’armée des Morts et s’est emparé de la flotte des pirates d’Umbar, alliés de Sauron. La bataille des champs du Pelennor se conclut par une défaite des forces de Sauron, mais ce dernier dispose encore de forces prodigieuses dont ne peuvent espérer triompher les Peuples libres. Afin de détourner l’attention de Sauron de la quête de Frodo, Aragorn mène une armée devant la Morannon, la Porte Noire du Mordor, pour y livrer une bataille désespérée.

Le livre VI revient à Sam, qui libère Frodo des Orques de Cirith Ungol. Les deux hobbits traversent à grand-peine le désert du plateau de Gorgoroth et atteignent le Mont Destin, Gollum sur leurs talons. La tentation se révèle alors trop forte pour Frodo, qui revendique l’Anneau et le passe à son doigt. Il est attaqué par Gollum, qui lui tranche le doigt à coups de dents pour récupérer l’Unique avant de tomber dans les flammes de la montagne en fêtant son triomphe. Par ce retournement de situation eucatastrophique, l’Anneau est détruit, Sauron définitivement vaincu et ses armées en déroute. Aragorn est couronné roi du Gondor et épouse sa promise Arwen, la fille d’Elrond. Après plusieurs semaines de festivités, les membres de la Fraternité retournent chez eux. De retour dans le Comté, les quatre hobbits retrouvent leur pays ravagé par des brigands humains et des semi-orques. À Cul-de-Sac, après avoir mis les bandits en déroute, ils découvrent que le responsable de ce chaos n’est autre que Saruman, qui trouve peu après la mort aux mains de Gríma. Le Comté connaît par la suite une grande embellie, mais Frodo, blessé physiquement et mentalement, ne peut apprécier ce renouveau. Il finit par faire voile vers l’Ouest avec Bilbo pour y trouver la paix, accompagné des porteurs des Trois anneaux des Elfes, Galadriel, Elrond et Gandalf. Le Troisième Âge du Soleil et Le Seigneur des anneaux s’achèvent.

Le récit proprement dit est suivi de six appendices, visant à donner de plus amples informations sur des éléments passés de l’histoire des peuples présents dans le livre.

L’appendice A retrace brièvement l’histoire des royaumes des Hommes et des Nains.

L’appendice B est une chronologie des Deuxième et Troisième Âges.

L’appendice C contient les arbres généalogiques des principaux hobbits du récit.

L’appendice D étudie les divers calendriers employés par les Elfes, les Hommes et les Hobbits.

L’appendice E présente les deux principaux alphabets de la Terre du Milieu, les tengwar et les cirth, avec des précisions sur la prononciation des langues.

L’appendice F s’intéresse aux langues des peuples de la Terre du Milieu et discute de questions de traduction.

 

Histoire

Rédaction

Un mois après la publication du Hobbit, le 21 septembre 1937, Stamley Unwin,  septembre l’éditeur de Tolkien, lui écrit qu’un « large public réclamerait à cor et à cri dès l’année suivante qu’il leur en dise plus au sujet des Hobbits ! », ce à quoi Tolkien, « inquiet », répond qu’il « ne saurai[t] que dire de plus à propos des Hobbits », mais qu’il n’a « en revanche que trop de choses à dire […] à propos du monde dans lequel ce Hobbit a fait intrusion »4 : en effet, cela fait vingt ans qu’il travaille sur les textes du « Silmarillion ». Après une réponse encourageante d’Unwin, Tolkien promet qu’il commencera quelque chose dès que possible. Le 19 décembre, il écrit à C. A. Furth, de Allen & Unwin : « J’ai écrit le premier chapitre d’une nouvelle histoire sur les Hobbits — « Une réception depuis longtemps attendue ». » Dans ce chapitre, le héros est encore Bilbo Bessac, qui disparaît de Hobbiteville lors de la réception donnée pour son soixante-dixième anniversaire : le trésor qu’il a rapporté d’Erebor est épuisé, et il éprouve le désir de repartir à l’aventure

Après plusieurs faux départs, Tolkien décide de placer l’anneau trouvé par Bilbo lors de son aventure au centre de cette suite : à l’origine simple objet magique, il devient au fil des réécritures le terrible Anneau unique forgé par Sauron. L’histoire se met lentement en place : les hobbits Bingo, Frodo et Odo partent pour Fendeval, dans un récit au ton encore bon enfant, proche de celui du Hobbit, qui subsistera en grande partie dans la version définitive des premiers chapitres du Livre I. Sur leur route, les hobbits croisent un cavalier entièrement drapé dans un manteau. Après un bref moment d’angoisse, le cavalier éclate de rire : il s’agit du magicien Gandalf Mais Tolkien abandonne aussitôt cette idée au profit d’une autre, bien plus sinistre : Bingo et ses compagnons sont désormais poursuivis par des Cavaliers Noirs. Dans une lettre à Stanley Unwin, Tolkien indique alors que l’histoire a pris « un tour inattendu».

À la mi-septembre 1938, le récit atteint le milieu de la conversation entre Bingo, peu après rebaptisé Frodo, et le nain Glóin à Fendeval. Tolkien s’arrête alors un moment et retravaille les premiers chapitres, car l’histoire évolue alors même qu’il l’écrit, nécessitant de fréquentes corrections pour accorder les passages les plus anciens avec les plus récents. Le livre couvre alors 300 pages manuscrites et Tolkien, optimiste, estime qu’il en faudra encore 200 pour le terminer. Le récit est pourtant encore loin de sa version finale : par exemple, l’étranger que les hobbits rencontrent à Brie n’est pas encore Aragorn, Coureur descendant des rois de jadis, mais Trotter, un simple hobbit aventureux qui porte des chaussures de bois.

1939 est une année difficile pour Tolkien : un accident survenu au cours de l’été se solde par une commotion cérébrale, et le début de la Seconde Guerre mondiale entraîne un accroissement de ses responsabilités à Oxford. Il continue pourtant à travailler sur Le Seigneur des anneaux, qui atteint le chapitre « Les Mines de la Moria » (finalement « Un voyage dans le noir », chapitre 4 du Livre II) en décembre. Il n’y revient pas avant août 1940, mais se consacre à des corrections dans le texte déjà existant, et ne recommence à écrire qu’à la fin de l’année 1941. Il termine alors le Livre II et commence le III, dont les quatre premiers chapitres sont écrits fin janvier. À l’automne, le Livre III est terminé.

Le livre ne progresse plus avant le printemps 1944, lorsque Tolkien entame « dans la douleur » le Livre IV. Tolkien écrit les chapitres et les fait lire au fur et à mesure à son ami C. S. Lewis et à son fils Christopher, qui se trouve alors en Afrique du Sud pour s’entraîner avec la Royal Air Force. Tous deux sont très enthousiastes, ce qui motive Tolkien : il achève le Livre IV à la fin du mois de mai, avant de s’arrêter de nouveau. Le 12 août, il écrit à Christopher : « Toute inspiration pour [Le Seigneur des anneaux] s’est complètement tarie, et j’en suis au même point qu’au printemps, avec toute l’inertie à surmonter de nouveau. Quel soulagement ce serait d’en finir »

Tolkien commence le Livre V, persuadé qu’il s’agira du dernier, en octobre. Mais il n’avance guère, et ce n’est qu’en septembre 1946 qu’il progresse véritablement, après un long moment sans avoir travaillé sur le récit. Ce cinquième livre est achevé un peu plus d’un an plus tard, en octobre 1947, Tolkien ayant dans le même temps apporté le lot habituel de corrections aux premiers livres. Finalement, la rédaction du Seigneur des anneaux est achevée, du moins au brouillon, entre la mi-août et la mi-septembre 1948. Le livre inclut alors un épilogue centré sur Sam et ses enfants, mais Tolkien se laisse convaincre de l’omettre.

Les brouillons du Seigneur des anneaux ont été publiés et étudiés par Christopher Tolkien dans les tomes 6 à 9 de son Histoire de la Terre du Milieu, non traduits en français : The Return of the ShadowThe Treason of IsengardThe War of the Ring et Sauron Defeated (1988-1992).

En mai 1957, Tolkien vend les brouillons du Seigneur des anneaux (entre autres) pour 1 500 £ à l’université Marquette de Milwaukee, à la requête du bibliothécaire de cette dernière, William B. Ready. Avant de les envoyer, Tolkien entreprend de les annoter et de les classifier, mais la tâche se révèle trop longue, et en fin de compte, les papiers sont envoyés dans le désordre à Marquette en 1958. Tolkien s’aperçoit ultérieurement que certains papiers liés au Seigneur des anneaux (principalement parmi les brouillons les plus anciens) sont toujours en sa possession. Finalement, c’est son fils Christopher qui, après avoir étudié et publié ces brouillons dans le cadre de son Histoire de la Terre du Milieu, envoie ces documents à Marquette. L’université américaine possède plus de 9 200 pages concernant Le Seigneur des anneaux.

 

Influences de Tolkien

Le Seigneur des anneaux est né des passions de Tolkien : la philologie, les contes de fées ainsi que les sagas norroises, notamment Beowulf et les Eddas, et le Kalevala, l’épopée nationale finlandaise. L’idée de l’Anneau unique qui gouverne le monde et trompe son porteur est présente dans le cycle des Nibelungen, saga germanique médiévale reprise par Richard Wagner dans sa tétralogie de L’Anneau du Nibelung. Tolkien nie cependant cette influence : « Ces deux anneaux sont ronds, et c’est là leur seule ressemblance », répond-il à l’introduction de la traduction suédoise du Seigneur des anneaux qui affirme que « l’Anneau est, d’une certaine manière, « der Nibelungen Ring » ». Comme le soulignent Wayne G. Hammond et Christina Scull, l’anneau d’invisibilité est un objet courant dans la littérature, que l’on retrouve dans les contes de fées d’Andrew Lang, chez Chrétien de Troyes (Yvain ou le Chevalier au lion) et jusque dans La République de Platon avec l’anneau de Gygès.

Beowulf_Cotton_MS_Vitellius_A_XV_f._132r.jpg

Première page du manuscrit de Beowulf

De la même façon, Tolkien réfute vigoureusement toute interprétation allégorique de son œuvre, en particulier celle visant à dresser un parallèle entre la guerre de l’Anneau et la Seconde Guerre mondiale :

« La vraie guerre ne ressemble en rien à la guerre légendaire, dans sa manière ou dans son déroulement. Si elle avait inspiré ou dicté le développement de la légende, l’Anneau aurait certainement été saisi et utilisé contre Sauron ; celui-ci n’aurait pas été anéanti, mais asservi, et Barad-dûr n’aurait pas été détruite, mais occupée. Saruman, n’ayant pas réussi à s’emparer de l’Anneau, aurait profité de la confusion et de la fourberie ambiantes pour trouver, au Mordor, le chaînon manquant de ses propres recherches dans la confection d’anneaux ; et bientôt il aurait fabriqué son propre Grand Anneau, de manière à défier le Maître autoproclamé de la Terre du Milieu. Dans un tel conflit, les deux camps n’auraient eu que de la haine et du mépris pour les hobbits, qui n’auraient pas survécu longtemps, même en tant qu’esclaves. »

— Avant-propos de la seconde édition du Seigneur des anneaux

Il ne nie toutefois pas avoir été influencé par la « noirceur » des années d’écriture du Seigneur des anneaux.

Dans une lettre au père Robert Murray, Tolkien décrit Le Seigneur des anneaux comme « une œuvre fondamentalement religieuse et catholique ; de manière inconsciente dans un premier temps, puis de manière consciente lorsque je l’ai retravaillée ». Plusieurs thèmes mythologiques et catholiques sous-tendent la narration : l’ennoblissement des humbles, la pitié, le libre arbitre, ainsi que l’attirance pour le pouvoir et la « tentation du Bien », celle qui vise à atteindre le Bien en usant de tous les moyens, même les plus mauvais, à laquelle Gandalf et Galadriel manquent de succomber. Mais pour Tolkien, l’élément au centre de son livre n’est autre que la Mort et le désir d’immortalité. Cet aspect est étudié par Vincent Ferré dans son livre Tolkien : sur les rivages de la Terre du Milieu (Christian Bourgois, 2001).

 

Publication

Le Seigneur des anneaux est globalement achevé en octobre 1949. En théorie, il devrait être publié par Allen & Unwin, à qui Tolkien avait promis une suite du Hobbit. Cependant, l’idée le prend de vouloir publier Le Seigneur des anneaux avec Le Silmarillion, qui avait été refusé par Allen & Unwin en 1937, lorsque Tolkien le leur avait soumis — refus qui, par ailleurs, a fait naître un certain ressentiment chez lui.

Durant l’automne 1949, Tolkien fait la connaissance de Milton Waldman, de la maison d’édition londonienne Collins, par l’entremise de Gervase Mathew, un membre des Inklings. Waldman propose à Tolkien d’éditer les deux livres ensemble, offre que Tolkien s’empresse d’accepter. En février 1950, il écrit à Stanley Unwin qu’il exige que Le Silmarillion soit édité avec Le Seigneur des anneaux. Après quelques mésaventures, notamment une note de Rayner Unwin que Tolkien n’aurait pas dû lire, dans laquelle le fils de Stanley propose à son père d’éditer Le Seigneur des anneaux, puis de « laisser tomber » Le Silmarillion, Tolkien pose un ultimatum à Unwin : soit il prend les deux ouvrages, soit il n’en a aucun. Unwin refuse, n’ayant même pas vu le manuscrit du Seigneur des anneaux.

Tolkien s’en remet alors à Waldman ; celui-ci l’assure que Collins éditera ses deux livres durant l’automne 1950. Mais Waldman, malade, est forcé de faire de fréquents séjours en Italie, et ses remplaçants sont beaucoup moins enthousiastes au sujet des deux volumineux livres de Tolkien. Au début de l’année 1952, rien n’est encore fait, si bien que Tolkien somme Collins de publier Le Seigneur des anneaux au plus tôt, sans quoi il se rapproprie le manuscrit. La longueur du texte affole les éditeurs, qui refusent net.

Rayner Unwin, au courant de ses démêlés avec Collins, reprend alors contact avec Tolkien, qui fait son mea culpa et demande s’il est encore possible de faire quelque chose « pour déverrouiller les portes que j’ai moi-même claquées ? », ce à quoi Unwin répond : « Nous voulons absolument vous publier — ce ne sont que les circonstances qui nous ont retenus. » S’ensuit un long travail de relecture et de correction, au cours duquel il est finalement décidé de publier le livre en trois volumes. Après beaucoup d’hésitations, les titres La Fraternité de l’Anneau (The Fellowship of the Ring), Les Deux Tours (The Two Towers) et Le Retour du Roi (The Return of the King) sont choisis, ce dernier contre l’avis de Tolkien qui préfère La Guerre de l’anneau (The War of the Ring), moins révélateur de l’issue du récit.

Ce découpage en trois tomes fait que l’on décrit souvent le Seigneur des anneaux comme une trilogie, mais ce terme est techniquement incorrect, car il a été écrit et conçu d’un seul tenant. Néanmoins, Tolkien lui-même reprend dans ses lettres, de temps à autre, le terme de « trilogie » lorsqu’il est employé par ses correspondants

La Fraternité de l’Anneau est publié au Royaume-Uni par Allen & Unwin le 29 juillet 1954, suivi par Les Deux Tours le 11 novembre 1954 et par Le Retour du Roi le 20 octobre 1955, ce tome ayant été retardé à cause des difficultés de Tolkien pour écrire les appendices. Aux États-Unis, Houghton Mifflin publie le volume 1 le 21 octobre 1954, le volume 2 le 21 avril 1955 et le volume 3 le 5 janvier 1956. Défiant les prévisions pessimistes de Rayner Unwin, le premier tirage des deux premiers volumes, assez faible (4 500 exemplaires pour La Fraternité de l’Anneau et 4 250 pour Les Deux Tours, couvrant les marchés britannique et américain) est rapidement épuisé, réclamant une réimpression rapide. Ce succès explique que le tirage initial du Retour du Roi, paru un an plus tard, ait été de 12 000 exemplaires

Au début des années 1960, Donald Wollheim, un auteur de science-fiction pour la maison d’édition Ace Books, estime que Le Seigneur des anneaux ne bénéficie pas de la protection du copyright américain  à l’intérieur des États-Unis, en raison de l’édition en couverture rigide (hardcover) du livre chez Houghton Mifflin, compilée à partir de pages imprimées au Royaume-Uni pour l’édition britannique. Ace Books publie une édition pirate, sans avoir obtenu d’autorisation de la part de Tolkien et sans lui offrir aucune compensation. Tolkien le fait savoir clairement aux fans américains qui lui écrivent et passe l’été 1965 à réviser le texte du livre, corrigeant les fautes, adaptant quelques éléments de la mythologie toujours mouvante du Silmarillion et rédigeant un nouvel avant-propos, disant à propos de celui de la première édition : « confondre (comme il le fait) de véritables éléments personnels avec la « machinerie » du Conte est une grave erreur ». Cette seconde édition du Seigneur des anneaux est publiée au format poche chez Ballantine Books  en octobre 1965. Ace Books finit par abandonner l’édition non autorisée et par signer un accord à l’amiable avec Tolkien, lui payant 4 % des bénéfices et s’engageant à ne pas réimprimer le livre. Par la suite, Wollheim continue cependant à affirmer qu’Ace Books était dans son droit en publiant cette édition pirate. Ce n’est qu’en 1992 que cette controverse est tranchée par une décision de justice, qui statue que la première édition américaine du Seigneur des anneaux chez Houghton Mifflin était bien soumise au copyright américain.

À l’occasion du cinquantième anniversaire de la publication du Seigneur des anneaux, une nouvelle édition du livre est parue, sous la direction de Wayne G. Hammond et Christina Scull. Un grand nombre de coquilles y sont corrigées, ainsi que certaines erreurs du texte lui-même. La liste des corrections se trouve dans l’ouvrage séparé The Lord of the Rings: A Reader’s Companion.

Avec la sortie de l’adaptation filmée, les ventes de livres grimpent. Selon David Brawn, l’éditeur de Tolkien chez HarperCollins, qui détient les droits pour le monde anglo-saxon, à l’exception des États-Unis : « En trois ans, de 2001 à 2003, il s’est vendu 25 millions d’exemplaires du Seigneur des anneaux – 15 millions en anglais et 10 millions dans les autres langues. Et au Royaume-Uni les ventes ont augmenté de 1000 % après la sortie du premier film de la trilogie ».

 

Traductions

Le livre a été traduit dans une trentaine de langues. La traduction initiale en français est due à Francis Ledoux et est publiée par l’éditeur Christian Bourgois en 1972-1973. Le premier tome reçoit le Prix du Meilleur livre étranger en 1973. Cette traduction est sujette à débat : si elle est d’une certaine qualité littéraire (Ledoux a également traduit Charles Dickens, Daniel Defoe, Edgar Allan Poe, entre autres), elle est truffée de coquilles et d’erreurs de traduction, certaines imputables au fait que Ledoux ne disposait pas du Silmarillion, notamment pour les pluriels des noms en quenya : the Valar est ainsi traduit par « le Valar » au lieu de « les Valar ». Le premier tome d’une nouvelle traduction, assurée par Daniel Lauzon, est paru chez Christian Bourgois en 2014 sous le titre La Fraternité de l’Anneau, suivi des Deux Tours en 2015 et du Retour du Roi en 2016.

Philologue, connaissant une douzaine de langues anciennes et modernes (parmi lesquelles le norrois, le gotique, le vieil anglais, le latin, le grec, l’espagnol, le français, le finnois, le gallois, le russe ou l’italien), Tolkien s’intéresse de près aux premières traductions de son livre (néerlandaise en 1956-1957, suédoise en 1959-1961) et émet plusieurs commentaires afin d’éclairer ses intentions dans la création de tel ou tel nom, en particulier les toponymes du Comté, dans lesquels Tolkien a glissé nombre de jeux de mots philologiques à plusieurs niveaux. Conscient des difficultés posées par les noms propres de son œuvre, Tolkien aborde la question dans un long essai, « Guide to the Names in The Lord of the Rings », publié à titre posthume dans le recueil A Tolkien Compass (1975). Les dernières éditions de ce recueil ne contiennent plus l’essai de Tolkien, mais une version augmentée est reprise dans The Lord of the Rings: A Reader’s Companion. Les problèmes posés par la traduction des livres de Tolkien ont par la suite été abordés par d’autres auteurs.

 

Accueil critique

Si la valeur littéraire du Seigneur des anneaux est reconnue presque universellement, le livre est longtemps l’objet d’un certain mépris universitaire qui s’inscrit dans un mouvement qu’Ursula K. Le Guin caractérise comme une « méfiance puritaine profonde à l’égard du fantastique ». Les accusations les plus récurrentes touchent au discours politique attribué au texte, tour à tour qualifié de paternaliste, réactionnaire, anti-intellectuel ou fasciste.

 

Dans le monde anglophone

À la parution de La Fraternité de l’Anneau, les critiques sont dans l’ensemble mitigées. La plus élogieuse est celle de C. S. Lewis, ami de Tolkien, qui déclare, dans sa critique pour Time and Tide :

« Ce livre est comme un éclair dans un ciel ensoleillé : aussi différent, aussi inattendu à notre époque que Les Chants d’Innocence l’étaient à la leur. Il est inadéquat de dire qu’à l’intérieur la romance héroïque, superbe, éloquente, et vierge de toute honte, a soudain réapparu dans une période à l’antiromantisme presque pathologique. Pour nous, qui vivons en ces étranges temps, le retour, et le soulagement pur qui en découle, est sans nul doute chose importante. Mais dans l’histoire du Roman elle-même, une histoire qui remonte jusqu’à l’Odyssée et au-delà, il ne s’agit pas d’un recul, mais d’une avancée et d’une révolution : la conquête de nouveaux territoires. »

— C. S. Lewis, « The Gods Return to Earth », dans Time and Tide, 14 août 1954

Néanmoins, Lewis, auteur controversé, prévient Tolkien que son soutien « peut [lui] faire plus de mal que de bien », et c’est effectivement ce qui se passe : plusieurs critiques préfèrent moquer l’enthousiasme de Lewis et sa comparaison du Seigneur des anneaux avec L’Arioste que s’attacher vraiment au livre de Tolkien. Beaucoup d’entre eux trouvent à redire au style : dans le Daily Telegraph, Peter Green trouve qu’il varie « du préraphaélite au Boy’s Own Paper [un journal pour enfants] », et ajoute que le livre « devrait être immensément populaire chez les enfants de 10 ans qui ne préfèrent pas la science-fiction ». Même ainsi, il reconnaît que « cet ouvrage informe exerce une fascination indéniable », et la plupart des critiques s’accordent avec lui : quels que soient les défauts qu’ils lui trouvent, Le Seigneur des anneaux possède quelque chose d’indéfinissable et de marquant, qui fait que « même une simple lecture ne sera pas oubliée de sitôt ».

Les critiques des deux autres volumes suivent peu ou prou le même modèle, mais la parution du Retour du Roi permet aux journalistes d’appréhender enfin Le Seigneur des anneaux dans son entièreté. C. S. Lewis publie une seconde critique dans Time and Tide, où il déclare que, s’il est encore trop tôt pour juger le livre, « il nous a fait quelque chose. Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes » À l’opposé se trouve la critique fameuse d’Edmund Wilson pour The Nation, selon laquelle peu de choses, dans le livre, « dépasse[nt] l’entendement d’un enfant de sept ans », et que les compliments qui lui sont faits ne sont dus qu’au fait que « certaines personnes – peut-être en particulier en Grande-Bretagne – ont toute leur vie un goût pour des déchets juvéniles » ». Dans sa propre critique, W. H. Auden, qui a déjà déclaré au sujet de La Fraternité de l’Anneau qu’« aucune œuvre de fiction ne [lui] a donné autant de plaisir ces cinq dernières années », résume les réactions passionnées au Seigneur des anneaux : « Je ne me rappelle guère d’autre livre au sujet duquel nous ayons eu d’aussi violentes disputes. Personne ne semble avoir une opinion modérée ; soit, comme moi-même, les gens trouvent qu’il s’agit d’une œuvre maîtresse de son genre ou ils ne peuvent le supporter. » Amusé par ces querelles, Tolkien compose ce petit quatrain :

Le Seigneur des anneaux
Est une de ces choses :
Si vous l’aimez c’est bien
Sinon vous criez bah !

À la fin du xxe siècle, plusieurs sondages effectués au Royaume-Uni montrent l’engouement populaire suscité par Le Seigneur des anneaux : un sondage organisé par la chaîne de magasins Waterstone’s et la chaîne Channel 4 en 1996 l’élit « plus grand livre du siècle », loin devant 1984 de George Orwell. Ce résultat est confirmé peu après par des sondages réalisés par le Daily Telegraph et la Folio Society. En 2003, Le Seigneur des anneaux arrive encore en tête d’un sondage de la BBC concernant le livre favori des sondés.

 

En France

En France, le premier à évoquer Tolkien et son roman dans une publication est Jacques Bergier, tout d’abord par une mention dans Le Matin des magiciens (1960), puis plus longuement dans Admirations, en 1970. Celui-ci recommande ensuite Le Seigneur des anneaux à Christian Bourgois, qui le fait traduire et le publie en 1972-1973. La réception de la presse est alors bonne, tant locale (Le Républicain lorrain) que nationale : Le PointLe Figaro où Jean-Louis Curtis fait l’éloge d’un livre qu’il avait proposé à la publication chez Julliard.

Par la suite, outre la citation du Seigneur des anneaux comme source de La Gloire de l’Empire, de Jean d’Ormesson (1971) et l’admiration manifestée par Julien Gracq pour un livre « où la vertu romanesque ressurgissait intacte et neuve dans un domaine complètement inattendu », ou encore celle manifestée par le père Louis Bouyer, ami personnel de Tolkien, dans ses Lieux magiques de la légende du Graal, il faut attendre vingt ans pour qu’un premier ouvrage critique, écrit par Pierre Jourde, soit publié sur Tolkien, avant ceux d’Édouard Kloczko, de Nicolas Bonnal et de Vincent Ferré. À la suite de la sortie des films de Peter Jackson, de nombreux ouvrages ont par la suite été traduits ou publiés.

Avant cette occasion, les critiques restent rares : divers articles dans la presse lors de la sortie des différentes traductions suivantes, articles commentés par Vincent Ferré comme pleins d’erreurs, un article de l’essayiste « traditionaliste » Julius Evola dans la revue Totalité qui célèbre la dimension spirituelle du livre en 1981, ou Les Cahiers de l’imaginaire l’année suivante. Les critiques littéraires rouvrent en 2001 Le Seigneur des anneaux, comme Patrick Besson, qui publie dans Le Figaro un article titré « Le Seigneur des Fachos », auquel répondent des spécialistes de Tolkien, parlant de « critiques largement réfutées ». Du reste, Le Figaro littéraire fait sa une à la même époque sur « Tolkien : le dernier des magiciens » où Jean-Marie Rouart, de l’Académie française affirme que :

« Avec le retour de Tolkien, dont le succès brave tous les ukases de la littérature expérimentale ou minimaliste, le romanesque reprend sa revanche : une orgie de féerie, un bain dans l’imaginaire le plus débridé, un abandon dans l’irrationnel. »

— Jean-Marie Rouart

 

Postérité

Forrest J Ackerman est le premier à entrer en contact avec J. R. R. Tolkien, en 1957, pour lui proposer une adaptation cinématographique du Seigneur des anneaux, alors que les ventes du livre restent confidentielles : il obtient les droits pour un an et penche pour un film en prise de vues réelle alors que l’auteur privilégie un film d’animation ; mais aucun producteur ne se montre intéressé.

Durant les années 1960 et 1970, Le Seigneur des anneaux devient la base d’un véritable phénomène : le livre est considéré comme un symbole de la contreculture. On peut citer les slogans « Frodo Lives! » (« Frodo est vivant ») ou « Gandalf for President » (« Gandalf président »), très populaires chez les fans de Tolkien durant ces deux décennies, ou les nombreuses parodies dérivées de l’œuvre, dont la plus connue est sans doute Lord of the Ringards (Bored of the Rings), écrite par des rédacteurs du Harvard Lampoon et publiée en 1969.

En plein succès, les Beatles cherchent à monter une adaptation cinématographique sur l’impulsion de John Lennon ; ils s’accordent à ce que ce dernier joue le rôle de Gollum, Paul McCartney celui de Frodo, George Harrison celui de Gandalf et Ringo Starr celui de Sam ; Heinz Edelmann, qui travaille alors pour le quatuor sur leur film d’animation Yellow Submarine, imagine « un genre d’opéra, une sorte d’impression opératique […] une distillation de l’ambiance et de l’histoire qui n’aurait pas suivi chaque recoin de l’intrigue » ; mais Stanley Kubrick décline la proposition de réaliser ce projet et J. R. R. Tolkien n’est pas séduit par l’idée.

Le studio United Artists achète les droits d’adaptation en 1969 pour 250 000 dollars : John Boorman est chargé de mener le projet et collabore avec Rospo Pallenberg ; les Beatles sont toujours envisagés par le studio dans le rôle des Hobbits ; mais le scénario élaboré est finalement rejeté par United Artists, ainsi que par d’autres studios dont Disney. Boorman et Pallenberg s’inspirent cependant de leur travail pour produire Excalibur (1981).

Le succès populaire du Seigneur des anneaux a pour effet d’étendre la demande pour la science-fiction et la fantasy. L’évolution de ce genre dans les années 1960 et 1970 est largement due au Seigneur des anneaux. Un grand nombre de livres dans la même veine sont alors publiés, comme Le Cycle de Terremer de Ursula K. Le Guin ou les livres de Shannara de Terry Brooks.

L’industrie du jeu de rôle a aussi été fortement marquée par Le Seigneur des anneaux : Donjons et Dragons, l’ancêtre du genre, inclut de nombreuses races issues du roman : hobbits, elfes, nains, demi-elfes, orques et dragons. Gary Gygax, principal créateur du jeu, maintient cependant n’avoir été que peu influencé par Tolkien, n’ayant inclus ces éléments que pour rendre son jeu plus populaire. L’univers de Tolkien a connu deux adaptations directes en jeu de rôle, la première en 1984 (JRTM, édité par Iron Crown Enterprises), la seconde à la suite de l’adaptation de Peter Jackson, en 2002 (Jeu de rôle du Seigneur des Anneaux, édité par Decipher).

Le livre a également influencé de nombreux musiciens. Le groupe de rock anglais Led Zeppelin a composé plusieurs morceaux qui font explicitement référence au Seigneur des anneaux : Ramble On (sur Led Zeppelin II), The Battle of Evermore et Misty Mountain Hop (sur Led Zeppelin IV), et Over the Hills and Far Away (sur Houses of the Holy). Le Seigneur des anneaux est souvent considéré comme ayant eu une influence directe sur Stairway to Heaven, la plus célèbre composition du groupe, mais Robert Plant a déclaré qu’il n’en était rien. Le musicien suédois Bo Hansson   consacre l’intégralité de Music Inspired by Lord of the Rings, son premier album, au livre de Tolkien. Mirage, le second album du groupe Camel, contient trois morceaux inspirés par le livre (NimrodelThe Procession et The White Rider). Le pseudonyme de Steve Peregrin Took, percussionniste du groupe T. Rex, vient du nom du hobbit Peregrin Touc. Le groupe de rock progressif canadien Rush a été également influencé par l’œuvre de Tolkien, avec la chanson Rivendell, par exemple.

L’œuvre de Tolkien a beaucoup inspiré les groupes de metal. La quasi-totalité de la discographie du groupe Summoning se fonde sur celle-ci. Le groupe de power metal allemand Blind Guardian a composé un grand nombre de morceaux contenant des références à l’œuvre de Tolkien. Plusieurs groupes, comme Burzum, Gorgoroth ou Amon Amarth tirent leurs noms de termes forgés par J. R. R. Tolkien, en général associés au Mordor : le terme burzum (qui apparaît dans les vers gravés sur l’Anneau unique) signifierait « ténèbres » en noir parler, Gorgoroth est le nom d’une région du Mordor, et Amon Amarth est le nom sindarin du Mont Destin.

 

L’univers

L’histoire du Seigneur des anneaux se déroule sur la Terre du Milieu, principal continent d’Arda, univers créé de toutes pièces par l’auteur. J. R. R. Tolkien appelle ce travail littéraire « sous-création » (aussi traduit par « subcréation »). En réalité, Le Seigneur des anneaux n’a pas lieu sur une autre planète ou dans une autre dimension : il s’agit simplement d’un « passé imaginaire » de la Terre :

220px-Lothlorien.jpg

L’univers de la Terre du Milieu

« J’ai construit, je le crois, une époque imaginaire, mais quant au lieu j’ai gardé les pieds sur ma propre Terre maternelle. Je préfère cela à la mode moderne qui consiste à rechercher des planètes lointaines dans « l’espace ». Quoique curieuses, elles nous sont étrangères, et l’on ne peut les aimer avec l’amour de ceux dont nous partageons le sang. »

— Lettre no 211 à Rhona Beare (14 octobre 1958)

Ce « passé imaginaire » est décrit avec une précision chirurgicale par son créateur, qui va jusqu’à réécrire des passages entiers du Seigneur des anneaux afin que les phases de la lune soient cohérentes. La géographie du récit a été soigneusement élaborée par l’auteur : « J’ai commencé, avec sagesse, par une carte, à laquelle j’ai subordonné l’histoire (globalement en apportant une attention minutieuse aux distances). Faire l’inverse est source de confusion et de contradictions. ». Les trois cartes que comprend Le Seigneur des anneaux (la carte générale, celle du Comté et celle représentant le Gondor, le Rohan et le Mordor à grande échelle) ont été dessinées par Christopher Tolkien d’après des croquis de son père.

Tolkien a doté la Terre du Milieu d’une histoire propre, de la création du monde à la naissance des hommes en passant par celle des Elfes et des Nains. Cette histoire, qui n’apparaît qu’en retrait dans le texte du livre, à travers les nombreuses allusions qui y sont faites et les poèmes qui émaillent le récit, est détaillée dans les Appendices, ainsi que dans Le Silmarillion. Elle sous-tend néanmoins Le Seigneur des anneaux tout entier, lui conférant une grande profondeur. Comme son auteur le reconnaît lui-même :

« Une partie de l’attrait du Seigneur des anneaux est due, je pense, aux aperçus d’une vaste Histoire qui se trouve à l’arrière-plan : un attrait comme celui que possède une île inviolée que l’on voit de très loin, ou des tours d’une ville lointaine miroitant dans un brouillard éclairé par le soleil. S’y rendre, c’est détruire la magie, à moins que n’apparaissent encore de nouvelles visions inaccessibles. »

Durthang.jpg

Menaçantes montagnes de Mordor

— Lettre no 247 au colonel Worskett (20 septembre 1963)

Pour maintenir cette fiction historique, Tolkien prétend ne pas être l’auteur du Seigneur des anneaux, mais simplement son traducteur et éditeur, sa source étant le fictif Livre Rouge de la Marche de l’Ouest, c’est-à-dire les mémoires de Bilbo, qui forment Le Hobbit, et de Frodo, qui constituent Le Seigneur des anneaux. Par un procédé de mise en abyme, la page de titre de ce Livre Rouge est visible dans le dernier chapitre du Seigneur des anneaux, « Les Havres Gris » : il s’intitule La Chute du Seigneur des anneaux et le Retour du Roi.

La richesse du développement de la Terre du Milieu se voit aussi dans des domaines plus inattendus. Elle est peuplée de nombreuses créatures plus ou moins fantastiques, des mouches du Mordor aux trolls des cavernes. L’auteur s’est également soucié de la flore d’Arda dont l’elanor ou le mallorn sont les exemples les plus évidents. Pour ce qui est de l’astronomie, si les constellations et les planètes visibles dans le ciel nocturne sont les mêmes que les nôtres, elles reçoivent de nouveaux noms : par exemple, la Grande Ourse devient Valacirca, la « Faucille des Valar », et la planète Mars   devient Carnil, « la Rouge ». Cette polyvalence ne va pas sans poser quelques problèmes à Tolkien, bien en peine de répondre à toutes les demandes de ses lecteurs :

« … beaucoup réclament comme vous des cartes, d’autres veulent des indications sur la géologie plutôt que sur les lieux ; beaucoup veulent des grammaires et phonologies elfiques et des exemples ; certains veulent de la métrique et de la prosodie […] Les musiciens veulent des mélodies et une notation musicale ; les archéologues veulent des précisions sur la céramique et la métallurgie. Les botanistes veulent une description plus précise des mallorn, elanor, niphredil, alfirin, mallos et symbelmynë ; et les historiens veulent davantage de détails sur la structure sociale et politique du Gondor ; ceux qui ont des questions plus générales veulent des informations sur les Chariotiers, le Harad, les origines des Nains, les Morts, les Béorniens et les deux mages (sur cinq) disparus. »

Quenya_Example.svg

Conception des langues et d’alphabets de fiction qui jouent un rôle central dans la Terre du Milieu

Le travail de Tolkien débute par la création de langues puis la mise en place d’un décor et de personnages parlant ces langues, élaborées pendant plus de soixante ans. Au début, les récits sont en quelque sorte là pour donner de la crédibilité aux langues et rendre leur existence plus vraisemblable : à un fâcheux, Tolkien répond que Le Seigneur des anneaux est « une tentative pour créer une situation dans laquelle on pourrait avoir comme phrase de salutation habituelle elen síla lúmenn’ omentielmo, et que cette phrase précédait de beaucoup le livre ». Il s’agit clairement d’une exagération : l’expression elen síla lúmenn’ omentielmo, qui signifie « une étoile brille sur l’heure de notre rencontre », n’est apparue qu’au cours de la rédaction du livre. Cette anecdote permet toutefois de saisir l’importance des langues dans l’œuvre de Tolkien, qu’il qualifie lui-même « d’inspiration fondamentalement linguistique».

 

 

Adaptations

 

Films

Après un premier projet de dessin animé avorté, dont le scénario a été abondamment commenté par Tolkien, suivi de tentatives plus ou moins abouties par les Beatles ou John Boorman, la première adaptation du Seigneur des anneaux sur grand écran sort en 1978. Ce film d’animation, réalisé par Ralph Bakshi, ne couvre qu’une partie du récit : il s’arrête à la bataille de la Ferté-au-Cor. Le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson a réalisé une seconde adaptation, intégrale, dont les trois volets sont sortis en salles entre 2001 et 2003.

En 2014 la chaine Arte diffuse À la recherche du Hobbit, une série documentaire en cinq épisodes de 26 minutes, produite par Yannis Metzinger et Alexis Metzinger, et réalisée par Olivier Simonnet. La série amène le spectateur aux sources des légendes et des inspirations qui ont mené J. R. R. Tolkien à écrire les romans du Hobbit et du Seigneur des anneaux.

 

Série télévisée

En novembre 2017, Amazon acquiert les droits TV mondiaux du Seigneur des anneaux et annonce la production d’une série médiéval-fantastique adaptée

 

Radio

Deux versions radiophoniques du Seigneur des anneaux ont été produites par la BBC, en 1955 et en 1981. La première s’est faite sous le regard de Tolkien, qui a échangé une correspondance volumineuse avec le producteur Terence Tiller, tandis que la seconde, réalisée par Brian Sibley et Michael Bakewell, est généralement considérée comme la plus fidèle74. Une troisième adaptation a été réalisée aux États-Unis en 1979.

 

Jeux

De nombreux jeux sont adaptés de l’univers du Seigneur des anneaux. En premier lieu, plusieurs jeux de rôle en ont été directement dérivés, notamment par Iron Crown Enterprises (JRTM) et Decipher (Jeu de rôle du Seigneur des Anneaux). Par la suite, de nombreux jeux vidéo se sont inspirés de l’œuvre, ainsi que des jeux de société et de figurines. Les années 2000 ont connu une accentuation du phénomène à la suite du succès des adaptations cinématographiques de Peter Jackson.

 

Musique

Dès 1965, Donald Swann met en musique six poèmes du Seigneur des anneaux et un des Aventures de Tom Bombadil, avec l’approbation de Tolkien, qui suggère un arrangement en plain-chant pour le Namárië. Les chansons sont publiées en 1967 dans le recueil The Road Goes Ever On: A Song Cycle, auquel Tolkien contribue en produisant des calligraphies des poèmes Namárië et A Elbereth Gilthoniel. La même année paraît chez Caedmon Records un enregistrement des chansons par William Elvin au chant et Donald Swann au piano.

Entre 1984 et 1988, le compositeur néerlandais Johan de Meij écrit sa Symphonie no 1 « Le Seigneur des anneaux » pour orchestre d’harmonie en cinq mouvements. Elle est créée le 15 mars 1988 à Bruxelles sous la direction de Nobert Nozy. En 2001, De Meij l’adapte pour orchestre symphonique, et cette nouvelle version est créée la même année par l’Orchestre philharmonique de Rotterdam.

L’ensemble danois du Tolkien Ensemble a publié quatre albums entre 1997 et 2005 qui reprennent l’intégralité des poèmes du Seigneur des anneaux, parfois avec la participation de l’acteur Christopher Lee.

 

Bibliographie

 

  1. R. R. Tolkien(trad. de l’anglais par Daniel Lauzon, ill. Alan Lee), Le Seigneur des Anneaux[« The Lord of the Rings »], vol. 1 : La Fraternité de l’Anneau, Christian Bourgois, 2014, 2268-3 éd. (1re éd. 1954), 515 p., broché
  2. R. R. Tolkien (trad. de l’anglais par Daniel Lauzon, ill. Alan Lee), Le Seigneur des Anneaux[« The Lord of the Rings »], vol. 2 : Les Deux Tours, Christian Bourgois, 2015, 2304-2 éd. (1re éd. 1954), 427 p., broché
  3. R. R. Tolkien (trad. de l’anglais par Daniel Lauzon, ill. Alan Lee), Le Seigneur des Anneaux[« The Lord of the Rings »], vol. 3 : Le Retour du Roi, Christian Bourgois, 2016, 2337e éd. (1re éd. 1955), 517 p., broché
  4. R. R.Tolkien(trad. Francis Ledoux, Tina Jolas), Le Seigneur des anneaux [« The Lord of the Rings »]

Humphrey Carpenter (trad. Pierre Alien), J. R. R. Tolkien, une biographie [« J. R. R. Tolkien: A biography »], Pocket, coll. « Littérature – Best », novembre 2004, 320 p.

Vincent Ferré, Tolkien : sur les rivages de la Terre du Milieu, Pocket, coll. « Agora », 2002, 354 p. .

Vincent Ferré (dir.), Tolkien, trente ans après (1973 – 2003), Christian Bourgois, 2004

J.R.R.. Tolkien, Christopher Tolkien et Humphrey Carpenter (trad. Delphine Martin et Vincent Ferré), Lettres [« Letters of J.R.R. Tolkien »]

 

Source Wikipédia

CATHEDRALE DE PARIS, ECRIVAIN ANGLAIS, KEN FOLLETT (1949-...), LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, NOTRE-DAME, NOTRE-DAME DE PARIS

Notre-Dame de Paris par Ken Follett

Notre-Dame

Ken Follett

Paris, Robert Laffont, 2019. 73 pages.

Notre-Dame

Tout ce que Ken Follett a mis dans « Notre-Dame »

D’abord « stupéfait » et « chaviré », Follett, l’émotion passée, s’est mis à raconter sa nuit du drame, et quelques épisodes marquants de l’histoire de Notre-Dame de Paris.

 

« Si les murs ne sont pas tombés, c’est qu’ils sont encore suffisamment forts. Suffisamment forts pour commencer la reconstruction. Aujourd’hui, je note la présence de grues. Ce qui veut dire que le travail énorme a déjà commencé. Ce sera difficile, mais pas impossible, du moins, je l’espère. » Ken Follett, deux mois après le drame, confiait, en ces termes, au micro de RTL « la tragédie » qu’avait été pour lui la nuit de l’embrasement de Notre-Dame. Au lendemain de ce traumatisme survenu le lundi 15 avril 2019, à la demande de son éditrice française, le maître ès cathédrales, auteur de la trilogie Les Piliers de la terre et Une colonne de feu, s’est attelé à lui dédier un petit livre. Les droits d’auteur et les bénéfices de ce récit, dont 100 000 euros versés par l’éditeur britannique Pinguin, seront reversés pour sa reconstruction à la Fondation du patrimoine.

 

Ce que Follett a choisi de mettre dans son Notre-Dame  ? De l’histoire, de l’héroïsme, des envolées, et une bonne dose d’humour british, fidèle à son habitude, dont voici 5 temps forts :

Tweet nocturne « Le tweet qui a suscité la réaction la plus sincère des abonnés cette nuit-là disait simplement : Français, Françaises, nous partagons votre tristesse. J’aurais dû écrire nous partageons, avec un e, mais personne ne m’en a fait grief. »

La taille, ça compte : « La cathédrale était trop petite en 1163. La population parisienne s’accroissait. Sur la rive droite du fleuve, le commerce prenait un essor sans égal dans le reste de l’Europe médiévale, tandis que, sur la rive gauche, l’université attirait des étudiants de nombreux pays. Entre les deux, sur une île du fleuve, se dressait la cathédrale, et l’évêque Maurice de Sully regrettait qu’elle ne fût pas plus grande. »

La victoire de Hugo : « Les descriptions dithyrambiques de Victor Hugo, bouleversé par la beauté de Notre-Dame, et ses protestations outragées à propos de son état d’abandon émurent les lecteurs de son livre. Ce best-seller mondial attira touristes et pèlerins vers la cathédrale, et le bâtiment délabré qu’ils découvrirent fit honte à la ville. L’indignation d’Hugo fut contagieuse. Le gouvernement décida d’agir. »

Viollet-le-Duc et des reproches : « Ses gargouilles n’étaient pas très médiévales. […] Le déambulatoire et ses chapelles étaient, déclara-t-on, surchargés de décors, un curieux reproche à faire à une cathédrale gothique, un peu comme si on regrettait qu’une robe de soirée soit trop jolie. […] Pis encore, la nouvelle flèche était résolument moderne. »

De Gaulle le magnifique, en 1944 : « Ayant atteint la place de la Concorde, de Gaulle d’approchait d’une Hotchkiss décapotable – une voiture de luxe de fabrication française – qui l’attendait pour le conduire à Notre-Dame, quand on entendit des coups de feu. Des milliers de spectateurs se jetèrent à plat ventre. […] De Gaulle demeura impavide. Il ne se baissa pas, ne se mit pas à couvert et n’interrompit même pas sa progression majestueuse. […] Ce fut un chef-d’œuvre de théâtre politique. »

 

Ken Follett (1949-…)

Ken-Follet-visite-Paris-avril-dernier-setait-profondement-emude-lincendie-toiture-Notre-Dame-15-avril_0_729_486.jpg

Nationalité : Royaume-Uni 
Né(e) à : Cardiff, Pays de Galles , le 05/06/1949

Ken Follett est un écrivain gallois spécialisé dans les romans d’espionnage et historiques.

Il fait des études de philosophie à l’University College de Londres dont il sort titulaire d’une licence en 1970. En septembre 1970, il entreprend les études de journaliste et obtient le diplôme après un cours accéléré de trois mois. Il commence à travailler en tant que reporter au « South Wales Echo » à Cardiff et ensuite travaillera pour l’ « Evening News » à Londres. N’étant pas arrivé à être un reporter d’investigation reconnu, Ken Follett se met à écrire des romans de fiction la nuit et pendant les week-ends ; en 1974, il quitte définitivement ses emplois de journaliste et rejoint les éditions « Everest Books ».

Ses ouvrages littéraires, rédigés après ses heures de travail, l’ont amené à publier plusieurs livres se vendant relativement bien et ce, grâce aux conseils de son agent littéraire. Puis arrive enfin LE roman à succès « Eye of the Needle » (L’Arme à l’œil), par lequel Follett acquiert le statut d’auteur reconnu ; le livre publié en 1978 gagna le Prix Edgar et fut vendu à plus de 10 millions d’exemplaires. Il déménage ensuite à Grasse en France où il vit pendant trois ans avec sa famille. 

De retour en Angleterre en 1982, il s’installe à Surrey et travaille pour le Parti travailliste. Il rencontre la secrétaire du parti, Barbara Broer, qu’il épousera en 1985. Il est déjà père de deux enfants issus d’un premier mariage, de 1968 à 1985.

En 1989, il publie un roman historique, « Les Piliers de la Terre » (The Pillars of the Earth). Deux suites, intitulées « Un monde sans fin » (World Without End) et « Une colonne de feu » (A Column of Fire), sont parues en 2007 et 2017. « Les Piliers de la Terre » a été vendu à 15 millions d’exemplaires à travers le monde, ce qui en fait un best-seller. 

La technique narrative mise au point par Ken Follett est parfaitement contemporaine, elle s’apparente à l’écriture du cinéma et des séries télévisées. Les effets narratifs sont très visuels avec des descriptions détaillées, la psychologie des personnages est aisément mémorisable, et le découpage s’accélère progressivement jusqu’au dénouement final.
Ken Follett ne s’est pas cantonné à un genre ni à une époque, outre des romans d’espionnage comme « Le Réseau Corneille » et des fresques historiques, il a signé des thrillers très actuels.

ECRIVAIN ANGLAIS, LITTERATURE BRITANNIQUE, Vidiadhar Surajprasad Naipaul (1932-2018)

Vidiadhar Surajprasad Naipaul (1932-2018)

 

Vidiadhar Surajprasad Naipaul (1932-2018)

_102938852_679fc4dc-6c7b-4565-9fcf-ba18b6e396c6

Sir Vidiadhar Surajprasad Naipaul, plus connu sous la signature V. S. Naipaul, né en août 1932 à Chaguanas (Trinité et Tobago) et mort le 11 août à Londres (Royaume-Uni). C’était un écrivain britannique, lauréat du prix Noble de littérature en 2001.

 

Biographie

Né à Trinitad dans une famille d’ascendance hindoue (ses ancêtres provenaient de l’Inde du Nord et ont émigré vers les Antilles afin de remplacer, sur les plantations, les esclaves noirs affranchis à partir de 1834), Vidiadhar Surajprasad Naipaul se rend à 18 ans en Angleterre pour suivre des études littéraires. Il obtient une licence de lettres au University College d’Oxford en 1953 et devient journaliste, collaborant avec plusieurs magazines. Il assure également une chronique littéraire pour la BBC

Il se consacre ensuite à l’écriture de romans et de nouvelles   mais publie aussi des récits documentaires.

Ses premiers romans se déroulent aux Antilles. Le Masseur mystique (The Mystic Masseur, 1957) et The Suffrage of Elvira (1958) qui ont pour cadre la Trinidad, exposent les ravages causés par des politiciens locaux incultes et cyniques. Le recueil de nouvelles Miguel Street (1959) révèle son talent d’humoriste et de peintre du quotidien dans une série de vignettes inspirées de Rue de la sardine de John Steinbeck. Il met en scène plusieurs habitants d’un quartier populaire de Port-of-Spain, illuminés, rusés, attachants ou hauts en couleur mais aliénés par la pensée coloniale.  Naipaul connaît ensuite un énorme succès avec Une maison pour Monsieur Biswas (A House for Mr. Biswas, 1961), roman biographique inspiré par la figure de son père. Dans La Traversée du milieu (The Middle Passage, 1962), il livre plusieurs brefs aperçus des sociétés postcoloniales britannique, française et néerlandaise aux Caraïbes et de leur dérive vers une américanisation galopante.

Écrivain cosmopolite, Naipaul élargit ensuite son champ d’inspiration géographique, évoquant les effets pervers de l’impérialisme américain et du nationalisme dans le tiers monde, notamment dans Guérilleros (Guerillas, 1975) et À la courbe du fleuve (A Bend in a River, 1979), comparé à l’époque par certains critiques au Cœur des Ténèbres Heart of Darkness) de Joseph Conrad.

L’auteur relate ses impressions de voyage en Inde dans L’Inde : un million de révoltes (India: A Million Mutinies Now, 1990) et livre une analyse critique et désabusée de l’intégrisme musulman dans les pays non arabes comme l’Indonésie, l’Iran, la Malaisie, et le Pakistan et le  am (Among the Believers, 1981) puis Jusqu’au bout de la foi(Beyond Belief, 1998).

Son roman L’Énigme de l’arrivée (The Enigma of Arrival, 1984) et son recueil de nouvelles Un chemin dans le monde (A Way in the World, 1994) sont largement autobiographiques. Dans le premier, Naipaul relate avec le souci d’un anthropologue le déclin puis l’anéantissement d’un domaine du sud de l’Angleterre et de son propriétaire : événement qui reflète l’effondrement de la culture colonialiste dominante dans les sociétés européennes. Le second évoque le mélange des traditions antillaise et indienne et de la culture occidentale que l’auteur découvrit lorsqu’il s’installa en Angleterre. Le recueil Letters Between a Father and Son (1999) replace dans un contexte intime la relation trouble avec son père Seepersad Naipaul, journaliste et auteur de Port of Spain Les ouvrages de Naipaul n’hésitent pas à pointer les ravages de la corruption politique et de l’aliénation au fondamentalisme dans les États postcoloniaux. Souvent, ses œuvres ont désespéré les tiers-mondistes et la critique littéraire qui lui reprochaient leur pessimisme et leur point de vue conservateur, voire raciste. Edward Said et Derek Walcott les ont même qualifiées de néo-colonialistes. Maintenant, nombreux sont ceux qui ont reconnu leur triste caractère prémonitoire. L’auteur a affirmé, quant à lui, ne s’en tenir qu’à la rigueur de ses observations et à l’authenticité des témoignages recueillis, niant avoir des opinions politiques car « celles-ci sont préjudiciables. ». Il a pourtant parlé de l’ancien premier ministre Tony Blair comme d’un « pirate à la tête d’une révolution socialiste » qui a « détruit toute idée de civilisation en Grande-Bretagne » ayant laissé libre cours à une « insupportable culture de la plèbe. »

En mai 2011, il tient, dans une interview, des propos jugés misogynes : « Les femmes écrivains sont différentes […] Je lis un extrait de texte et en un paragraphe ou deux, je sais si c’est de la main d’une femme ou non. Je pense que ce n’est pas à mon niveau », ajoutant qu’aucune d’elles, y compris Jane Austen n’a la compétence pour écrire car trop « sentimentales » et empêtrées dans leur condition.

Naipaul est reconnaissable pour un style singulier, alliant le réalisme documentaire à une vision satirique du monde contemporain. Moraliste et tourmondiste éloigné des modes littéraires, l’écrivain se saisit au plus près du réel et donne à sa matière historique et ethnique une forme romanesque qui perpétue la tradition des Lettres persanes dans le besoin d’exprimer, avec l’approche d’un conteur, les disparités culturelles et politiques d’une société mondiale marquée par l’instabilité et le chaos. Il a aussi été rapproché de Conrad pour sa peinture de l’effondrement des empires coloniaux.

Naipaul a reçu plusieurs prix littéraires dont en 2001 le prix Nobel de littérature, « pour avoir mêlé narration perceptive et observation incorruptible dans des œuvres qui nous condamnent à voir la présence de l’histoire refoulée. ».

 

Œuvre

 Romans et nouvelles

The Mystic Masseur (1957)

Publié en français sous le titre Le Masseur mystique, traduit par Marie-Lise Marlière, Paris, Gallimard, 1965 ; réédition, Paris, 10/18 no 2468, 1994 ; réédition, Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2009

The Suffrage of Elvira (1958)

Miguel Street (1959)

Publié en français sous le titre Miguel Street, traduit par Pauline Verdun, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1971 ; réédition, Paris, 10/18 no 2530, 1994 ; réédition, Paris, Gallimard, « L’Imaginaire » no 410, 1999 ; réédition dans une traduction révisée par Claude Demanuelli, Paris, Gallimard, « L’Imaginaire » no 620, 1999

A House for Mr Biswas (1961)

Publié en français sous le titre Une maison pour monsieur Biswas, traduit par Louise Servicen, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1967 ; réédition, Paris, Gallimard, no 152, 1985

Mr. Stone and the Knights Companion (1963)

Publié en français sous le titre Mr. Stone, traduit par Annie Saumont, Paris, Albin Michel, 1985 ; réédition, Paris, Seuil, Points. Roman no 588, 1993

The Mimic Men (1967)

Publié en français sous le titre Les Hommes de paille, traduit par Suzanne Mayoux, Christian Bourgois, 1981; réédition, Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2014

A Flag on the Island (1967)

Publié en français sous le titre Un drapeau sur l’île, traduit par Pauline Verdun, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1971 ; réédition, Paris, Gallimard, « L’Imaginaire » no 648, 2013

In a Free State (1971)

Publié en français sous le titre Dis-moi qui tuer, traduit par Annie Saumont, Paris, Albin Michel, « Les Grandes Traductions », 1983 ; réédition, Paris, Seuil, Points. Roman no 644, 1994 ; réédition, Paris, 10/18 no 2682, 1995 ; réédition sous le titre Dans un État libre, Paris, 10/18 no 2948, 1998 ; réédition sous le nouveau titre, Paris, Albin Michel, « Les Grandes Traductions », 2001 ; réédition sous le nouveau titre dans Œuvres romanesques choisies, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2009

Guerrillas (1975)

Publié en français sous le titre Guérilleros, traduit par Annie Saumont, Paris, Albin Michel, « Les Grandes Traductions », 1981 ; réédition dans Œuvres romanesques choisies, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2009 ; réédition, Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2012

A Bend in the River (1979)

Publié en français sous le titre A la courbe du fleuve, traduit par Gérard Clarence, Paris, Albin Michel, « Les Grandes Traductions », 1982 ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 5879, 1984 ; réédition, Paris, 10/18 no 2616, 1995 ; réédition dans Œuvres romanesques choisies, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2009

The Enigma of Arrival (1987)

Publié en français sous le titre L’Énigme de l’arrivée, traduit par Suzanne Mayoux, Paris, C. Bourgois, 1991 ; réédition, Paris, 10/18 no 2282, 1992 ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 5665, 1982; réédition dans Œuvres romanesques choisies, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2009

A Way in the World (1994)

Publié en français sous le titre Un chemin dans le monde, traduit par Suzanne V. Mayoux, Paris, Plon, « Feux croisés » 1995 ; réédition, Paris, 10/18 no 3348, 2001

Half a Life (2001)

Publié en français sous le titre La Moitié d’une vie, traduit par Suzanne V. Mayoux, Paris, Plon, « Feux croisés » 2002 ; réédition, Paris, 10/18 no 3700, 2004; Réédition, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2014

The Nightwatchman’s Occurrence Book: And Other Comic Inventions (2002)

Magic Seeds (2004)

Publié en français sous le titre Semences magiques, traduit par Suzanne V. Mayoux, Paris, Plon, « Feux croisés » 2005

 

Autres publications

The Middle Passage: Impressions of Five Societies – British, French and Dutch in the West Indies and South America (1962)

Publié en français sous le titre La Traversée du milieu : aperçus de cinq sociétés, britanniques, françaises et hollandaises, aux Indes occidentales et en Amérique, traduit par Marc Cholodenko, Paris, Plon, « Feux croisés », 1994 ; réédition, Paris, 10/18. no 3068, 1999

An Area of Darkness (1964)

Publié en français sous le titre L’Inde sans espoir, traduit par Jeanine Michel et révisée par Gabrielle Rolin, Paris, Gallimard, « Témoins » no 8, 1968 ; réédition sous le titre L’Illusion des ténèbres, Paris, 10/18 no 2006, 1989

The Loss of El Dorado (1969)

The Overcrowded Barracoon and Other Articles (1972)

India: A Wounded Civilization (1977)

Publié en français sous le titre L’Inde brisée, traduit par Bernard Géniès, Paris, Christian Bourgois, 1989

North of South: an African Journey, (1980)

Publié en français sous le titre Au nord du Sud, traduit par Valérie Barranger et Catherine Belvaude, Monaco, Éditions du Rocher, 1992 ; réédition sous le titre Sortilège africain, Montpelier, « Anatolia », 1995 ; réédition, Paris, 10/18. Odysées no 2864, 1992

A Congo Diary (1980)

The Return of Eva Perón and the Killings in Trinidad (1980)

Publié en français sous le titre Le Retour d’Eva Peron, traduit par Isabelle di Natale, Paris, 10/18 no 2005, 1989

Among the Believers: An Islamic Journey (1981)

Publié en français sous le titre Crépuscule sur l’islam : voyage au pays des croyants, traduit par Natalie Zimmermann et Lorris Murail, Paris, Albin Michel, 1981 ; réédition, Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2011

Finding the Centre: Two Narratives (1984)

A Turn in the South (1989)

Publié en français sous le titre Une virée dans le Sud, traduit par Béatrice Vienne, Paris, 10/18 no 2301, 1992

India: A Million Mutinies Now (1990)

Publié en français sous le titre L’Inde : un million de révoltes, traduit par Béatrice Vienne, Paris, Plon, 1992 ; réédition, Paris, 10/18. Odyssées no 2521, 1994

Beyond Belief: Islamic Excursions among the Converted Peoples (1998)

Publié en français sous le titre Jusqu’au bout de la foi, traduit par Philippe Delamare, Paris, Plon, « Feux croisés » 1998 ; réédition, Paris, 10/18 no 3569, 2003 ; réédition, Paris, Grasset, « Les Cahiers rouges », 2013

Between Father and Son: Family Letters (1999)

Reading and Writing, a personal account, (2001)

Publié en français sous le titre Comment je suis devenu écrivain, traduit par Philippe Delamare, Paris, 10/18 no 3467, 2002

Looking ans Not Seeing : the Indian Way (2007)

Publié en français sous le titre Le Regard de l’Inde, traduit par François Rosso, Paris, Grasset, 2009

A Writer’s People (2007)

Publié en français sous le titre Le Regard et l’Écrit, traduit par Bernard Turle et François Rosso, Paris, Grasset, 2013

The Masque of Africa (2010)

Publié en français sous le titre Le Masque de l’Afrique, traduit par Philippe Delamare, Paris, Grasset, 2011.

Source : Wikipedia

HISTOIRE DU XXè SIECLE, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRES - RECENSION, RETOUR A KILLYBEGGS, SORJ CHALANDON (1952-....)

Retour à Killibeggs de Sorj Chalandon

Retour à Killibeggs

Sorj Chalandon

Paris, Grasset, 2011.  388 pages.

9782253164562-001-T

 

« Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L’IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n’ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j’en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j’enrage. N’écoutez rien de ce qu’ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m’avoir connu. Personne n’a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd’hui, c’est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu’après moi, j’espère le silence. »

Après avoir écrit Mon traitre Sorj Chalandon revient sur l’un des personnages de l’histoire d’Irlande durant la guerre qui oppose les irlandais catholiques  regroupés dans l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise)  et le gouvernement britannique. On y retrouve tous les ingrédients de ce qui fait une lutte de civils contre un gouvernement considéré comme un « corps étranger » : attentats, action contre les intérêts britanniques, vie clandestine des membres de l’IRA.

A travers le personnage de Tyrone Meehan c’est l’histoire de Denis Donaldson qui est au cœur de ce roman. L’on suit avec sympathie ces terroristes qui luttent pour leur indépendance contre les britanniques, contre les unionistes protestants. Chassés de partout,  vivant tant bien que mal ils entrent dans l’IRA comme on entre en religion. Toutes ses années de luttes, de clandestinité  avec ses membres dans les prisons anglaises, ses morts, ses martyrs (surtout quand est évoqué la mort des prisonniers irlandais dans les prisons britanniques – comme Bobby Sands sous le gouvernement  de Margaret Thatcher après une longue grève de la faim.

Pourtant tout n’est ni tout noir ni tout blanc. Et tout comme Denis Donaldson Tyrone Meehan sera « retourné » par les services secrets britanniques quand ceux-ci découvriront qu’il a tué accidentellement l’un de ses chefs et amis. Pendant vingt années il va mentir à ses amis, jouer double-jeu en renseignant  les britanniques sur les activités de l’IRA. Au moment des accords de paix qui mettent fin officiellement à cette lutte en 1998 sous le mandat de Tony Blair il avoue tout : sa trahison, son double-jeu. Il se sait alors condamné par ses anciens amis qui ne lui pardonneront jamais sa trahison. Alors il retourne en Killibegg le village de son enfance ;  il y retourne avec ses souvenirs : souvenirs d’un père violent mais fier d’être irlandais, souvenirs de la misère après la mort du père, souvenirs de ses premières armes dans cette armée, souvenirs des attentats, souvenirs aussi des années de prisons.

Tyrone Meehan « le traitre » sera finalement assassiné en 2007 par un commando qui l’avait condamné à mort.C’est la vie et la mort d’un homme usé par tant de luttes et qui est las : « Je  n’en pouvais plus de cette guerre, de ces héros, de cette communauté étouffante. J’étais fatigué. Fatigué de combattre, de manifester, fatigué de prison, fatigué de clandestinité et de silence, fatigué des prières répétées depuis l’enfance, fatigué de haine, de colère et de peur, fatigué de nos peaux terreuses, de nos chaussures percées, de nos manteaux de pluie mouillés à l’intérieur. »

 

 Né en 1952, Sorj Chalandon est un écrivain et journaliste français. Après avoir travaillé pendant 34 ans à Libération, il devient membre de la rédaction du Canard enchaîné. Ses reportages sur l’Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988. Il est notamment l’auteur du Petit Bonzi, d’Une promesse (prix Médicis en 2006), de Mon traitre, de La Légende de nos pères, de Retour à Killyberg (prix Goncourt des lycéens en 2013 et prix des lecteurs du Livre de Poche en 2015.)