FRANÇOIS PUPPONI (1962-....), FRANCE, HISTOIRE, HISTOIRE DE FRANCE, LA GAUCHE EN PERDITION, LIVRE, LIVRES - RECENSION, POLITIQUE FRANÇAISE

La gauche en perdition de François Pupponi

La gauche en perdition : LFI, EELV, NUPES…. : la grande dérive

François Pupponi

Paris, Le Cerf, 2023. 192 pages

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Wokiste, indigéniste, séparatiste, communautariste, néoféministe, décolonialiste, voire pro-islamiste… Où va la néogauche ? Qu’a-t-elle encore de commun avec les idéaux, les valeurs et les combats de Jean Jaurès, Léon Blum, Pierre Mendès France ou encore François Mitterrand ? Où sont passés ceux qui défendaient le peuple, les libertés, la laïcité, qui luttaient contre la misère et l’oppression, qui incarnaient, tout simplement, la social-démocratie ?
La gauche française a perdu son âme. Cinquante ans après le congrès d’Épinay, la voilà qui renoue avec les pires errements de ses faux amis totalitaires. Pour elle, tout ce qui a trait à notre civilisation doit être piétiné, vilipendé, « déconstruit ». Dans son univers simpliste et manichéen, la réflexion n’a plus sa place. Fidèle à sa culture de l’outrance, elle s’occupe à condamner ses hérétiques, à menacer ses contradicteurs et à injurier le reste du monde.

Il fallait François Pupponi pour dénoncer cette nouvelle gauche à la dérive. Un réquisitoire brûlant, sans concession, salutaire.
Membre du Parti socialiste jusqu’en 2018, ancien député et maire, pendant vingt-deux ans, de Sarcelles, François Pupponi est l’auteur des Émirats de la République – Comment les islamistes prennent possession de la banlieue et de Lettre à mes compatriotes musulmans, tous deux parus aux Éditions du Cerf.

FAMILLE BORGIA, HISTOIRE, ITALIE, JEAN-YVES BORIAUD, LES BORGIA, LES BORGIA PAR JEAN-YVES BOORIAUD, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, RENAISSANCE, VATICAN

Les Borgia par Jean-Yves Boriaud

Les Borgia : le sang et la pourpre

Jean-Yves Boriaud

Paris, Perrin, 2017. 300 pages

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résumé

Mythes et réalités d’une des plus fascinantes familles de la Renaissance, du fondateur Alonso au rédempteur Francesco.
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Frappés par une sombre légende que chaque époque vient enrichir, les trois grands acteurs de la saga Borgia – Alexandre, César et Lucrèce – ne seraient qu’un empoisonneur, un assassin et une débauchée. Exceptionnellement romanesque, l’histoire d’une des plus fascinantes familles de la Renaissance est en réalité bien plus riche et plus nuancée.
D’origine catalane, ces  » Borja  » vont réussir à imposer en trois générations deux papes à la chrétienté : en 1455, Calixte III, grand diplomate obsédé par le danger turc, puis en 1492, Alexandre VI, qui compromet sa fonction dans plusieurs scandales, sans néanmoins oublier sa haute mission : tailler à l’Eglise, par la force, un territoire comparable à ceux des Etats-nations contemporains. Son fils César, hidalgo flamboyant un moment égaré dans l’Eglise, lui en ménage donc un en Romagne, où sa politique expéditive lui vaut de devenir le modèle de Machiavel. A Rome, coupe-gorge où continuent à s’affronter les clans médiévaux, les rugueux Borgia rendent coup pour coup, jusqu’à l’effondrement final. C’est alors le temps de la revanche de la belle Lucrèce, plusieurs fois mariée selon les ambitions du clan. Devenue duchesse de Ferrare et l’une des plus belles figures féminines de l’époque, elle inaugure le temps de la repentance des Borgia, bientôt marqué par la personnalité torturée du jésuite Francesco, le saint de la famille.
La saga des Borgia se lit ainsi comme l’aventure exemplaire et tragique d’une ambitieuse dynastie de gens d’Eglise, bien loin de l’image trop répandue d’une brillante et douceâtre Renaissance italienne.

Biographie de l’auteur

Jean-Yves Boriaud, professeur émérite de langue et littérature latines à l’université de Nantes, spécialiste de la Rome renaissante, a publié Galilée et Histoire de Rome , et traduit des grands textes humanistes, dont les Lettres de vieillesse de Pétrarque, Le Prince et L’Art de la guerre de Machiavel. En 2015, il reçoit le prix Provins Moyen Age pour sa biographie de Machiavel.

Famille Borgia

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Originaire du Royaume de Valence (Couronne d’Aragon), qui exerce une grande influence politique dans l’Italie du xve et xvie siècles. Cette dynastie aragonaise de Naples qui a régné pendant un siècle sur Rome, fournit deux papes, plusieurs cardinaux, des militaires, tous princes de la Renaissance, dont quelques-uns acquièrent une fâcheuse renommée, et sont à l’origine d’une légende noire construite par l’Église dès le xvie siècle. Plusieurs membres de la famille Borgia pâtissent ainsi d’une sinistre réputation en partie forgée par leurs ennemis politiques qui les accusent pêle-mêle d’empoisonnements, de fratricides, de simonie, d’incestes, de luxure, d’acédie… Cette légende, qui contribue à faire des Borgia le symbole de la décadence de l’Église catholique romaine à la Renaissance italienne, doit cependant être nuancée. Au contraire de son arrière-grand-père le pape Alexandre VI, la vie édifiante de Saint François Borgia, supérieur général des Jésuites, apparaît de son côté très vite comme un modèle de vertu, de sagesse et de piété.

  

Histoire de la famille

Origines

Les Borgia trouvent probablement leur origine dans la ville de Borja en Aragon, toponyme qui vient de borg, « tour » en arabe, et est devenu au xiie siècle un patronyme d’où est issu leur nom. La longue élaboration légendaire familiale, initiée par Rodrigo de Borja, futur pape Alexandre VI, préfère oublier cette étymologie et s’en forger une plus honorable, celle de boarius, le « taureau » présent sur leurs armoiries1. Ce taureau symbolise, à partir d’un rapport métonymique, la puissance et la fécondité, tandis que Alonso de Borja, futur pape Calixte III fait rajouter sur le bord de l’écu un orle chargé de huit flammes représentant les huit chevaliers Borgia qui, selon la légende familiale, auraient accompagné le roi d’Aragon Jacques Ier lors de la conquête du royaume de Valence en 1238.

Plusieurs membres de cette famille parfaitement inconnue au xiiie siècle, quittent la cité de Borja à cette époque, afin de participer à la Reconquista de la ville de Xàtiva (royaume de Valence), où ils s’établissent une fois celle-ci prise. Roi héréditaire de Sicile, le protecteur des Borgia, Alphonse d’Aragon, est fasciné par la civilisation de la Péninsule. Il dispute la Sardaigne aux Génois, puis se lance à la conquête du royaume de Naples où il demeure sans discontinuer de 1442 jusqu’à sa mort. Pour gérer ce royaume, il fait appel à Alonso de Borja, juriste confirmé. Naples étant de jure sous l’égide de la Papauté, son suzerain l’envoie prêter allégeance devant le pape Eugène IV ; ce dernier loue les talents de diplomate d’Alonso de Borja et l’élève au rang de cardinal en mai 1444. Il voit son nom latinisé en Alfonso Borgia par la bulle du pape Martin V et trouve en Italie un terrain digne des ambitions et des mérites de sa famille.

La légende familiale des Borgia recherchera une légitimation plus ancienne et plus prestigieuse en se rattachant à une descendance prestigieuse remontant jusqu’au xie siècle, notamment à Ramire Ier d’Aragon et à Pedro de Atarés, seigneur féodal de Borja au xiie siècle, mais les documents historiques montrent que leur notoriété date de leur fulgurante ascension romaine au milieu du xve siècle.

Membres

Branche principale

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Portrait du Pape Alexandre VI (Rodrigo Borgia).

Alfonso Borgia, pape sous le nom de Calixte III de 1455 à 1458 ;

François Borgia (1441 – 1511), fils de Calixte III et cardinal-archevêque de Cosenza ;

Pier Luigi de Borgia (1424 – 1458), capitaine général de l’église et préfet de Rome, neveu de Calixte III et frère d’ Alexandre VI ;

Roderic Llançol i de Borja, neveu de Calixte III le rejoint en Italie où il prend le nom de Rodrigo Borgia. Il devient pape sous le nom d’Alexandre VI de 1492 à 1503. De sa relation avec Vannozza Cattanei naitront plusieurs enfants naturels :

César Borgia (1475 – 1507), cardinal puis capitaine général des armées papales ;

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Giovanni Borgia (1474 ou 1476 – 1497), duc de Gandia ;

Lucrèce Borgia (1480 – 1519), mariée successivement à Giovanni Sforza, Alphonse d’Aragon et Alphonse Ier d’Este. Mécène ;

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Geoffroi Borgia (1481 – 1516), Prince de Squillace ;

Et des enfants de femmes inconnues qui sont :

Isabelle Borgia, fille d’Alexandre VI et de mère inconnue, mariée à Girolamo Matuzzi dont postérité ;

Jeronima Borgia, fille aînée d’Alexandre VI et de mère inconnue, mariée à un membre de la famille Cesarini, sans postérité ;

Pedro Luis de Borja, fils d’Alexandre VI et de mère inconnue, premier duc de Gandia.

Il existe également des branches cousines des Borgia qui ont donné plusieurs cardinaux nommés par Alexandre VI qui sont :

Juan de Borja Llançol de Romaní, cardinal espagnol, petit-neveu du pape Alexandre VI ;

Rodrigo de Borja Llançol de Romani, capitaine des gardes du pape, frère du cardinal Juan de Borja Llançol de Romani et d’Angela de Borja Llançol de Romani ;

Angela de Borja Llançol de Romani, suivante de Lucrèce Borgia, sœur de Juan de Borja Llançol de Romaní et de Rodrigo de Borja Llançol de Romani ;

Hyeronima de Borja, suivante de Lucrèce Borgia ;

Juan de Borja Lanzol de Romaní, el mayor, cardinal, cousin du pape Alexandre VI ;

Pedro Luis de Borja Llançol de Romaní, cardinal espagnol ;

Juan Castellar y de Borja, cardinal ;

Francisco Lloris y de Borja, cardinal.

Les descendants de César Borgia

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Louise Borgia (1500 – 1553), duchesse de Valence (France);

Girolamo Borgia, fils illégitime de César Borgia, marié à Isabelle duchesse de Carpi et auteur de la branche des Borgia-Sulpizi, connu pour être aussi violent et instable que son père.

Les descendants de Giovanni Borgia

Jean II de Gandie, duc de Gandie, fils du précédent ;

MUSEO DE BELLAS ARTES DE SEVILLA
MUSEO DE BELLAS ARTES DE SEVILLA

Saint François Borgia, duc de Gandie, fils du précédent ;

Carlos II de Borja, fils aîné et successeur de François Borgia à la tête du duché de Gandie ;

Francisco Tomàs de Borja, duc de Gandie ;

Gaspar de Borja y Velasco, cardinal espagnol, fils de Francisco Tomàs de Borja ;

Francisco Carlos de Borja, duc de Gandie ;

Francisco Dídac Pasqual de Borja, duc de Gandie ;

Francisco Antonio de Borja-Centelles y Ponce de León, cardinal espagnol, fils de Francisco Dídac Pasqual de Borja ;

Carlos de Borja y Centellas, cardinal espagnol, fils de Francisco Dídac Pasqual de Borja ;

Pasqual de Borja-Centelles, avant-dernier duc de Gandie ;

Juan de Borja y Castro, Comte de Mayalde, 3e fils de Saint-François Borgia ;

Francisco de Borja y Aragón, puissant prince du siècle d’or espagnol, vice-roi du Pérou de 1615 à 1621, poète, fils aîné de Juan de Borja y Castro ;

Fernando de Borja y Aragón, Comte de Mayalde, Prince de Squillace il hérita d’une partie des possessions de son frère à sa mort ;

Rodrigo Luis de Borja y de Castre-Pinós, cardinal espagnol ;

Enrique de Borja y Aragón, cardinal espagnol ;

Pedro Luis Garceran de Borja, marquis de Navarrés, quatorzième et dernier maître de l’Ordre de Montesa ;

Rodrigo Borja Cevallos (1935), ancien président de la République de l’Équateur ;

Les descendants de Geoffroi Borgia

Francesco de Borgia y Mila fils aîné et deuxième prince de Squillace ;

Lucrezia de Borgia y Mila

Antonia Borgia y Mila

Maria Borgia y Mila

Clément Rabou y Mila

Camille Rabou y Mila

  • Cinzia Luisa Maria Muci dei Conti di Corsano Randazzo Borgia, Comtesse Muci Borgia (1985);

Autre Branche

Les principaux descendants des Borgia

 

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Légende noire

Les Borgia connaissent « les affres d’une légende noire solidement construite », véhiculée dès le xvie siècle par l’Église. Les figures sur lesquelles s’appuie cette légende ne manquent pas, avec notamment le pape Calixte III qui nomme cardinal et vice-chancelier son neveu Rodrigue, le futur pape Alexandre VI, ouvrant ce que les historiens de la papauté ont appelé « l’âge du népotisme institutionnalisé » appelé à se prolonger jusqu’au xviie siècle, ou Lucrèce Borgia dont la pièce éponyme de Victor Hugo fait un réceptacle de tous les vices.

CLAUDE TRICOIRE (1951-...), ECRIVAIN ANGLAIS, ELIZABETH GOUDGE (1900-1984), LE PAYS DU DAUPHIN VERT, LITTERATURE, LITTERATURE BRITANNIQUE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, ROMAN

Le pays du Dauphin vert par Elizabeth Goudge

Le pays du Dauphin vert

Elizabeth Goudge

Paris, Phebus, 2007. 800 pages

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Résumé

  Nous sommes au XIIe siècle dans une bourgade des îles Anglo-Normandes. La famille du jeune William emménage rue du Dauphin Vert. L’adolescent se lie à ses deux voisines, la jolie et souriante Marguerite, et la grave Marianne, plus ingrate. On rêve, on rit, on pleure ; et l’on se moque de ce benêt de William qui, malgré sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s’empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs. Un détail idiot qui va bouleverser le cours de trois existences… William s’établit comme colon en Nouvelle-Zélande, toujours épris de son amoureuse d’hier. Prenant un jour son courage à deux mains, il demande par lettre la main de Marguerite. Quelques mois plus tard, il a la surprise de sa vie : c’est Marianne qui débarque du bateau..

Quatrième de couverture

Une rue peut être un univers, l’endroit où tout se joue. Lorsque sa famille emménage rue du Dauphin-Vert, en plein dix-neuvième siècle, dans une bourgade des îles Anglo-Normandes, William se lie d’amitié avec la jolie Marguerite et la grave Marianne, toutes deux ses voisines. On rêve, on rit, on pleure et l’on se moque du jeune garçon qui, en dépit de sa préférence marquée pour Marguerite, ne peut s’empêcher de mélanger les prénoms des deux sœurs… Un « détail » vraiment ? Un petit rien, croit-on, que cette confusion. Elle bouleversera pourtant le cours de bien des existences…

Biographie de l’auteur

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Née dans le Somerset en 1900, Elizabeth Goudge est une romancière anglaise qui fut élevée dans l’austérité par son père professeur de théologie à Oxford. En 1923, elle se mit à l’écriture et se fit connaître avec les livres pour enfants et les biographies pieuses, avant de se consacrer à la littérature avec notamment L’Arche dans la tempête et Le Pays du Dauphin-Vert. Elle mourut en 1984, laissant derrière elle une œuvre animée par les violences et les contradictions des sentiments et par la rudesse des campagnes isolées de l’ouest de l’Angleterre.

 

 Une critique toute personnelle

« Si vous avez une passion pour les sœurs  Brontë et Daphné Du Maurier, précipitez-vous sur ce chef-d´oeuvre des sentiments contrariés. » Elle « Un roman qui touche au mythe, à la légende, qui est habité par la notion de sacrifice. Un roman mystique, comme il y en a peu dans la littérature anglaise. » (Le Figaro littéraire)

Dans ce roman de 800 pages Elizabeth Goudge nous propose bien plus qu’une histoire d’amour, bien plus que l’histoire des vaillants pionniers de Nouvelle-Zélande face aux Maoris avec en plus le fameux clipper Le Dauphin vert. C’est une histoire d’amour mais aussi une histoire où la spiritualité est toujours présente dans la vie des personnages, dans les descriptions d’une nature à la fois généreuse et à la fois hostile.

Ce livre qui se situe en pleine ère victorienne nous donne à voir la vie d’une famille, celle des Le Patourel avec les parents, leurs filles Marguerite et Marianne et le beau William. Si Marguerite qui a bien retenu les lectures de l’Ecriture Sainte lues par sa mère, Marianne a un tempérament de combattante jamais satisfaite ; la jeune Marguerite brille par sa beauté et sa joie de vivre ; Marianne qui n’est pas belle s’impose par sa culture et sa volonté à transformer son entourage à sa façon. Quant à William Ozanne que l’on pourrait croire faible et balloter par les évènements il sait se montrer à la hauteur quand les évènements le demandent.

Le caractère des deux sœurs se montre après le mariage de Marianne et de William, suite à une erreur du jeune homme qui a confondu les deux prénoms. Marguerite restera dans son île à prendre soin de ses parents jusqu’à leur mort et se fera religieuse. Marianne, une fois mariée à William, aura du mal à trouver le bonheur : avide de montrer ses talents, avide de toujours avoir plus de biens sans se soucier du bonheur des autres  elle ne trouvera l’amour et le bonheur qu’une fois ayant fait la vérité sur elle-même

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Une frégate (clipper) nommé Le Dauphin Vert

L’univers narratif

L’histoire commence dans les années 1840 dans une île anglo-normande dont les descriptions ressemblent aux images d’un dessin animé. Elle se poursuit en Nouvelle-Zélande, devenue britannique depuis 1840, et traverse les guerres maories de 1860 et 1870.

Les personnages

Les personnages principaux

Marianne cherche une réussite matérielle alors que William et Marguerite se préoccupent d’une réussite spirituelle.

#William
Grand et fort — et séduisant si l’on en juge par la fascination qu’il exerce sur Marianne et Marguerite —, il est aussi lourd, lent et influençable. Mais sa plus belle qualité est une immense gentillesse et une attention aux autres sans faille.

#Marguerite
Une ravissante enfant blonde aux yeux bleus, solaire aussi. Tout le monde l’aime sans qu’elle ait le moindre effort à faire. Elle a pourtant un défaut qui lui coûtera cher, elle déteste se rendre auprès de malades.

#Marianne
Malheureusement pour elle (ou heureusement?), ne possède pas le charme de Marguerite et doit faire des efforts pour qu’on la remarque. Mais elle est volontaire, manipulatrice aussi. Ce qu’elle veut, elle l’obtient. À l’exception d’une chose : se faire aimer.

Les personnages secondaires

Le roman n’oublie pas de nous faire connaître les personnages secondaires qui chacun à leur manière auront une influence sur la destinée des principaux personnages. Eux aussi sont des personnages hauts en couleur.

#Le capitaine O’Hara
Grand, fort, tonitruant aussi, il fait la connaissance de William et Marianne lorsque ceux-ci, fascinés par l’arrivée d’un clipper dans leur île, empruntent une barque pour le rejoindre.

#Samuel Kelly
Samuel est pasteur, c’est un fanatique qui ne rêve que d’une chose : répondre à l’appel de Dieu en convertissant les Maoris au christianisme. Cet objectif est plus important à ses yeux que le bien-être de sa femme, Suzanne.
Il joue un rôle important dans la vie spirituelle de William.

#Tai Hururu
D’origine anglaise, il est arrivé en Nouvelle-Zélande bien avant William et il lui offre son premier travail. Il connaît les Maoris pour avoir vécu avec eux.

Écriture

Le style permet de vivre au plus prêt des personnages, de la nature et des évènements. La longueur des descriptions n’enlève rien à la beauté du livre : au contraire nous pouvons goûter à la beauté des paysages et des éléments, vibrer avec les personnages et partager leurs sentiments.

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©Claude Tricoire

ECRIVAIN ESPAGNOL, JOSE ORTEGA Y GASSET (1883-1955), LA MISSION DU BIBLIOTHECAIRE, LA MISSION DU BIBLIOTHECAIRE DE JOSE ORTEGA Y GASSET, LITTERATURE ESPAGOLE, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, PHILOSOPHE ESPAGNOL, PHILOSOPHIE

La mission du bibliothécaire de José Ortega y Gasset

La mission du bibliothécaire

José Ortega y Gasset
Paris, Editions Allia, 2021. 64 pages

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Résumé :

La culture, qui avait libéré l’homme de sa forêt primitive, le propulse de nouveau dans une forêt, de livres cette fois-ci, non moins confuse et étouffante.
En 1935, José Ortega y Gasset prononce un discours au Congrès international des bibliothécaires.
Depuis la naissance de l’imprimerie, l’accès aux livres s’est démocratisé. Mais cette profusion est paradoxale : « la culture, qui avait libéré l’homme de sa forêt primitive, le propulse de nouveau dans une forêt, de livres cette fois-ci, non moins confuse et étouffante. » Dans ce contexte, le bibliothécaire ne peut plus être qu’un diffuseur de livres.
Il doit trier l’information, être un filtre entre l’homme et l’écrit.Ce discours vertigineux, limpide et bouillonnant, déploie l’érudition d’Ortega y Gasset. Ses intuitions les plus aiguisées portent jusqu’à la racine de notre époque et, de la place du livre au rôle du savoir, nous invitent à une profonde remise en question.
Philosophe espagnol, José Ortega y Gasset (1883-1955) a été professeur à l’université de Madrid, avant de parcourir l’Europe, l’Amérique du Sud et les États-Unis. Il est le fondateur en 1923 de la Revue de l’Occident. Au rayonnement considérable, sa métaphysique est à l’origine d’un renouveau de la philosophie espagnole, faisant de la métaphore un outil de la pensée. Il est l’auteur du Thème de notre temps (1923), de L’Espagne invertébrée (1921) mais surtout de La Révolte des masses (1930).

Critique

Rendre compte d’un texte de 1935 est-il bien utile, à défaut d’être sérieux ? On peut s’abriter derrière le fait que ce texte n’a été que très peu diffusé en France et que cette traduction est une première. Signalons d’ailleurs que les éditions Allia se consacrent à l’édition, dans de nouvelles traductions, de quelques écrits du philosophe espagnol José Ortega y Gasset (1883-1955)1. L’influence de ce maître a été considérable outre-Pyrénées. En France, son œuvre  est connue des hispanistes et de quelques spécialistes de philosophie. Henri Irénée Marrou le cite dans De la connaissance historique. Raymond Aron lui a consacré quelques articles. C’est le penseur de l’histoire (L’Histoire comme système) et le penseur politique (La révolte des masses, un texte majeur des années 19303) qui ont retenu l’attention.

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Mais Ortega est un polygraphe. La philosophie l’aide à poser les problèmes de la vie – sociale, politique, scientifique, affective, artistique – et il aime à s’en emparer pour déplacer les lieux communs et les idées reçues. Le professeur de philosophie était aussi un homme de la presse (sa famille possédait le quotidien El Imparcial ; il créa et anima la Revista de Occidente qui paraît encore aujourd’hui) et s’engagea en politique (député de la République en 1931, il regretta la bipolarisation qui conduisit à la Guerre Civile si bien qu’il préféra l’exil au combat et qu’il rentra en Espagne, sans se soucier de ce que le régime franquiste allait présenter, à tort, comme un ralliement).

Dans ce texte rédigé à l’occasion d’un congrès de bibliothécaire à Madrid, Ortega y Gasset médite en deux directions : que veut dire le mot mission ? Que signifie le livre au moment où le marché devenait pléthorique ? Ces questions ne nous concernent-elles pas encore ?

Typique de la démarche d’Ortega, le texte s’attache à définir le mot de mission : « mission signifie, en premier lieu, ce qu’un homme doit faire au cours de sa vie. La mission serait donc quelque chose d’exclusif à l’homme. Sans homme, pas de mission ». « L’homme, poursuit-il, est la seule et presque inconcevable réalité qui ne soit pas irrémédiablement fixée d’avance, une réalité qui n’est pas d’emblée ce qu’elle est mais qui doit choisir son propre être. Et comment le choisira-t-il ? ». En répondant à un appel : « cet appel que nous entendons vers un certain type de vie, cette voix, ce cri impératif qui monte de notre essence la plus profonde, c’est la vocation ». Comment ne pas être sensible à cette magnifique définition ? En soulignant ce moment initial, dans la formation d’un futur jeune adulte, Ortega, à contre-courant de l’immédiateté actuelle, invite au discernement pour que l’homme réalise ce qu’il est appelé à réaliser.

Passant ensuite à la vie du livre et de la bibliothèque, Ortega pose des hypothèses de nature historique qui d’un coup viennent ouvrir le champ de la réflexion. Le livre devient un « besoin d’ordre social à la Renaissance ». Auparavant, il était limité aux monastères et à des cercles étroits. Mais quand « on commence à tout espérer de la pensée humaine, de sa raison et par conséquent de ses écrits », le livre devient une urgence. La révolution de l’imprimerie en atteste.

Mais l’élan s’est transformé en hybris… « Si chaque nouvelle génération continue à accumuler du papier imprimé dans la même proportion que les précédentes, l’excès même de livres risque d’être vraiment terrifiant. La culture, qui avait libéré l’homme de sa forêt primitive, le propulse de nouveau dans une forêt, de livres cette fois-ci, non moins confuse et étouffante ». Que dirait aujourd’hui Ortega face à l’explosion des contenus et de la quantité d’informations dans cette bibliothèque virtuelle qu’est Internet, lui qui a compris que « le livre, en devenant une incarnation de la mémoire, en la matérialisant, la rend en théorie, illimitée, donnant accès à tous au discours des siècles passés » ?

Et ce bref discours de s’achever sur une question : « Qu’est-ce qu’un livre ? ». « Les livres, écrit-il, sont par essence des discours exemplaires portant en eux l’exigence essentielle d’être écrits, fixés (…) ». Mais il faut prendre garde à ne pas se laisser abuser par les faux livres, ceux qui ne pensent pas. « Lire beaucoup et penser peu transforment le livre en un instrument terriblement efficace de falsification de la vie humaine », conclut-il.

Ces quelques jalons d’un texte bref et dense sont destinés à inviter le lecteur de cette fiche à prendre le temps de lire ce court essai. Il y trouvera une conscience critique propre à l’aider à s’orienter au moment où le bavardage du monde semble comme empêcher toute parole vraie d’accéder au cœur des hommes.

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 5 mai 2021 à propos de l’ouvrage : « La mission du bibliothécaire » de José Ortega y Gasset aux éditions Alia, 2021.

https://eglise.catholique.fr/sengager-dans-la-societe/culture/observatoire-foi-culture/515551-jose-ortega-y-gasset-la-mission-du-bibliothecaire/

ACCELARATION, UNE CRITIQUE SOCIALE DU TEMPS PAR HARMUT ROSA, ACCELERATION : UNE CRITIQUE SOCIALE DU TEMPS, HARMUT ROSA (1965-....), LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, PHILOSOPHIE, SOCIOLOGIE

Accélaration : une critique sociale du temps par Harmut Rosa

Accélération : une critique sociale du temps ; suivi d’un entretien avec l’auteur

Hartmut Rosa

Paris, La Découverte, 2010. 480 pages

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Ce maître-livre propose une théorie systématique de l’accélération sociale au XXe siècle, permettant de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l’accélération des transformations sociales (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses), et l’accélération du rythme de vie.

L’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération. Nous le savons et l’éprouvons chaque jour : dans la société moderne,  » tout devient toujours plus rapide « . Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses des sciences sociales sur la modernité au profit des processus de rationalisation ou d’individualisation. C’est pourtant le temps et son accélération qui, aux yeux de Hartmut Rosa, permet de comprendre la dynamique de la modernité.
Pour ce faire, il livre dans cet ouvrage une théorie de l’accélération sociale, susceptible de penser ensemble l’accélération technique (celle des transports, de la communication, etc.), l’accélération du changement social (des styles de vie, des structures familiales, des affiliations politiques et religieuses) et l’accélération du rythme de vie, qui se manifeste par une expérience de stress et de manque de temps. La modernité tardive, à partir des années 1970, connaît une formidable poussée d’accélération dans ces trois dimensions. Au point qu’elle en vient à menacer le projet même de la modernité : dissolution des attentes et des identités, sentiment d’impuissance,  » détemporalisation  » de l’histoire et de la vie, etc. L’auteur montre que la désynchronisation des évolutions socioéconomiques et la dissolution de l’action politique font peser une grave menace sur la possibilité même du progrès social.
Marx et Engels affirmaient ainsi que le capitalisme contient intrinsèquement une tendance à  » dissiper tout ce qui est stable et stagne « . Dans ce livre magistral, Hartmut Rosa prend toute la mesure de cette analyse pour construire une véritable  » critique sociale du temps  » susceptible de penser ensemble les transformations du temps, les changements sociaux et le devenir de l’individu et de son rapport au monde.

Biographie de l’auteur

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Né en 1965, Hartmut Rosa, sociologue et philosophe, est professeur à l’université Friedrich Schiller de Iéna et directeur du Max-Weber-Kolleg à Erfurt,en Allemagne. Il est notamment l’auteur à La Découverte d’Accélération (2013), de Résonance (2018) et de Rendre le monde indisponible (2020).

CHRISTOPHER LASCH (1932-1994), DEMOCRATIE, LA REVOLTE DES ELOTES ET LA TRAHISON DE LA DEMOCRATIE PAR CHRISTOPHER LASCHER, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, POLITIQUE, SOCIOLOGIE

La révolte des élites par Christopher Lascher

La révolte des élites et la trahison de la démocratie

Christopher Lascher ; préface de Jean-Claude Michéa

Paris, Champs essais, 2020. 336 pages.

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Résumé

« Il fut un temps où ce qui était supposé menacer l’ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c’était la Révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie. » Christopher Lasch montre ici comment des élites hédonistes assoient leur pouvoir sur un culte de la marge et sur un fantasme de l’émancipation permanente. Alors qu’elles sont responsables des normes imposées à la société, leurs comportements consistent à feindre d’être hors norme. Cette dialectique mensongère de la nonne et de la marge, remarquablement démontée clans ces pages, est celle de notre temps. Voici un livre qui devrait faire réfléchir tous ceux qui s’inquiètent de l’évolution d’un espace public et médiatique où les élites émancipées se mettent le plus souvent du côté de la transgression en imaginant un ordre moral, un éternel retour de la censure qui ne sont que la contrepartie de leurs transgressions imaginaires. Le testament d’un grand intellectuel anticonformiste, politiquement très incorrect, inclassable et dérangeant.

Biographie de l’auteur

Né en 1932 et décédé en 1994, historien de formation, Christopher Lasch est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Culture du narcissisme (Climats, 2000; Champs-Flammarion, 2006), Le Seul et Vrai Paradis (Climats, 2002 ; Champs-Flammarion, 2006), et Le Moi assiégé (Climats, 2008).

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A la droite du Père : les catholiques et les droites de 1945 à nos jours

À la droite du Père : Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours 

sous la direction de Florian Michel et de Yann Raison du Cleuziou

Paris, Le Seuil , 2022. 784 pages

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Résumé

« En l’absence d’un parti confessionnel, c’est la droite qui en a tenu lieu et il n’est pas douteux que pour des générations, catholicisme et droite ont été associés en bien comme en mal », observait René Rémond. Cette dimension structurante de la vie politique française est pourtant restée un angle négligé de l’histoire contemporaine.

Du Magnificat à Notre-Dame lors de la Libération de Paris en août 1944 aux élections présidentielles de 2022, ce livre montre comment, sortant de la guerre des « deux France », les catholiques ont contribué à façonner la IVe et la V République. En 1944, les démocrates-chrétiens deviennent un parti de gouvernement. Après 1958, le gaullisme consonne avec Vatican II et un nouveau concordat semble même possible avant que l’évolution de la société ne déchire les catholiques de droite. La guerre d’Algérie et Mai 68 réarment une marge réactionnaire alors même que l’Église paraît trahir l’ordre ancien. « Dieu n’est pas conservateur », clame Mgr Marty à Notre-Dame. La droite non plus, promet Valéry Giscard d’Estaing dont la majorité composée de catholiques dépénalise l’avortement. L’élection de Jean-Paul II conforte ceux qui réprouvent ce tournant. L’ampleur des manifestations pour l’école libre en 1984 ou contre le mariage homosexuel et la PMA depuis 2013, réaffirme leur place au sein des droites. Au XXIe siècle, la visibilité croissante de l’islam exacerbe cet activisme conservateur.

Avec les meilleurs spécialistes, ce livre propose pour la première fois d’éclairer de manière croisée l’histoire des droites et celle du catholicisme. S’étendant du centre aux extrêmes, l’exploration de cet univers à la forte densité intellectuelle et d’une grande créativité militante, apporte un éclairage neuf sur la vie politique française.

Réunis autour de Florian Michel, historien, et de Yann Raison du Cleuziou, politiste, vingt-neuf chercheurs reconnus ont contribué à cet ouvrage.

https://www.la-croix.com/Religion/A-droite-Pere-ouvrage-explorant-diversite-cathos-droite-France-2022-10-21-1201238786

LIVRES - RECENSION, BIBLIOGRAPHIE, LIVRE, LIVRES, THERESE DE L'ENFANT-JESUS (sainte ; 1873-1897), CARMEL, CELINE MARTIN (1869-1959), GENEVIEVE DE LA SAINTE-FACE (carmélite ; 1869-1959), AUTOBIOGRAPHIE DE LA SOEUR ET NOVICE DE LA PETITE THERESE, CARMEL DE LISIEUX

Autobiographie de la soeur et novice de la petite Thérèse

Autobiographie de la sœur  et novice de la petite Thérèse – Histoire d’un tison arraché du feu 

Céline Martin

Editions du Carmel, 2022. 472 pages

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Résumé

En 1909, Céline Martin – Sœur Geneviève de la Sainte-Face – a 40 ans. L’autobiographie de sa sœur Thérèse, Histoire d’une âme, se répand comme une traînée de poudre. Son procès de béatification va s’ouvrir dans une année (1910). C’est alors que la prieure du carmel de Lisieux demande à Céline d’écrire sa propre autobiographie. De sa naissance jusqu’à sa vie au Carmel, en passant par les épreuves de sa vie dans le monde, elle raconte avec un style plein de vie et d’humour les chemins déroutants par lesquels Jésus l’a conduite, à la suite de sa sœur, jusque dans la clôture du Carmel. Ce récit est précieux car il rend compte des impressions du témoin le plus proche de Thérèse. Mais il va aussi plus loin. Céline, ne faisait qu’ « une même âme » avec elle. Découvrir sa vie, c’est accueillir le complément nécessaire à l’intelligence de la « petite voie ». Des thèmes que Thérèse n’avait pas abordés, comme le combat de la chasteté, sont en outre repris par Céline et développés par elle.

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Les écrits spirituels inédits de Céline Martin

L’autobiographie spirituelle de Céline Martin, la sœur la plus proche de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, est un bijou offert par les Éditions du Carmel. Explications du Frère Baptiste de l’Assomption qui a édité ce texte.
Artiste et « intrépide », comme disait son père, Céline a un tempérament fougueux qui nous la rend très proche.

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 – ARCHIVES DU CARMEL DE LISIEUX

Saints et témoins

C’est l’histoire d’une résurrection. Celle d’un manuscrit qui dormait depuis plus d’un siècle à l’ombre du carmel de Lisieux et qui vient d’être exhumé. Il s’agit de l’autobiographie spirituelle de Céline Martin, la plus proche des sœurs de la Petite Thérèse. Elle l’a rédigée en 1909, à la demande de sa prieure, avant qu’il soit enterré. Ignoré de tous sinon des initiés. Il a fallu qu’un carme tombe sur cette pépite. Ce trésor inestimable, le Frère Baptiste ne voulait pas le garder pour lui. C’est peu dire que Céline s’est imposée aux Éditions du Carmel comme une évidence. Céline est une âme enflammée. Elle a vécu plusieurs années dans le monde avant la mort de son père en 1894. La jeune femme est artiste, se lance dans la peinture. Elle goûte un moment la vie de château et reçoit même une demande en mariage. Mais elle retrouve sa petite sœur Thérèse au carmel, à 25 ans, quittant tout sauf… son matériel de photographie.

 

« Carmélite jusqu’au bout des ongles ! »

Son style direct et sans chichis a de quoi séduire non seulement des religieux carmes aguerris, mais aussi un large public avide d’une spiritualité authentique. Il faut dire que la vie intérieure de Céline a un goût très pascal, celui des victoires acquises à grand prix. « Sa vie est accompagnée de souffrances qui, parce qu’offertes à Jésus, deviennent des sources de vie pour le monde, insiste Frère Baptiste. La mort de sa mère, l’humiliante maladie de son père, ses tentations contre la chasteté, ses premières années difficiles au carmel, ses défauts persistants – qui pourtant me plaisent bien quand elle en parle avec humour –, le décès prématuré de sa sœur, la Petite Thérèse, avec qui elle ne fait qu’une âme, les vexations du démon, etc. Avec Céline, toute la souffrance est transfigurée et traversée par la vie du Ressuscité. C’est cela qui donne à son manuscrit une telle fraîcheur. »

Ce manuscrit est donc une bouffée d’oxygène pur. Céline, en ouvrant les secrets de son cœur, nous rend accessible le meilleur de la tradition carmélitaine : « Elle est carmélite jusqu’au bout des ongles ! » Une religieuse digne de Thérèse d’Avila ou Jean de la Croix. « Elle passe par des purifications qui, à la fin, lui donnent d’être unie à Jésus comme à un époux, estime le Frère Baptiste. Le 8 septembre 1895, elle reçoit une grâce qui, à mon avis, relève de ce que l’on appelle, dans le jargon carmélitain, l’union transformante : “Après cette donation à l’Amour, mon union avec Jésus devint plus étroite encore et le 8 septembre suivant, dans une grâce tout intime qui me fut accordée pendant mon oraison du soir, Jésus me fit sentir qu’Il prenait possession de mon âme pour y vivre […]. Je sentis que j’étais possédée de Jésus.”»

Le Frère Baptiste note un autre trait propre au carmel, celui de cette vive flamme d’amour qui illumine l’existence des saints de l’ordre : « Elle est une “Élie” incarnée ! Elle brûle de zèle pour le Salut des âmes. Je la cite encore : “Ô mon Jésus !, donnez-moi des âmes, la quantité de mes frères ne m’effraie plus. Qu’ils soient cent ou dix mille et avec eux toutes les âmes qu’ils vous gagneront, il y a place pour tous. Encore ! encore !” » Difficile d’être plus carmélite que par ce cri. 

 « L’intrépide »

Son tempérament fougueux, qui nous la rend très proche, la pousse à défendre la patrie, la famille ou l’Église. « Généralement, nos défauts persistants sont le revers de potentialités que la grâce purifie et perfectionne, explique Frère Baptiste. C’est le cas chez Céline. Comme le disait son père, Louis Martin, elle est une “ intrépide”. Lorsque, au retour de Rome, dans l’ascenseur d’un hôtel à Lyon où elle est avec Thérèse, elle discute avec un homme qui se moque de la “sénilité” de Léon XIII, elle lui répond du tac au tac : “Il serait à souhaiter, monsieur, que vous eussiez son âge, peut-être auriez-vous en même temps son expérience qui vous empêcherait de parler inconsidérément de choses que vous ne connaissez pas !” Ce qui jette un froid dans l’ascenseur ! »

Son zèle peu à peu se fait intérieur. « Quand elle entre au couvent, c’est avec cette force d’âme qu’elle entreprend un autre combat, autrement plus rude, de mort à soi. Pour parler de ses premières années au carmel, elle utilise le terme de “ruine”. Sa maison intérieure s’effondre pour être refondée sur le Christ. Comme elle l’écrit : “Avant d’être victorieux, il faut aller à la bataille et verser son sang ; pour s’enrichir il faut travailler sans craindre sa peine et si nous trouvons superbe la nature agreste de nos montagnes il faut se souvenir qu’elle n’a acquis sa beauté que par le soulèvement douloureux de ses profondeurs embrasées.” »

 

« Jésus n’opère en moi qu’en démolissant »

Sa vie est une montée vers Pâques qui ne fait pas l’économie du désert des tentations ni de la nuit de Gethsémani. « Son “ oui” total à Jésus est un “non” définitif au démon, résume le carme. Comme elle l’écrit : “Jésus n’opère alors en moi qu’en démolissant.” Elle laisse donc Jésus lui ôter tout ce qui l’éloigne encore de Lui. » Son combat principal sera étonnamment celui de la chasteté (voir p. 29). Ce thème est le fil rouge de son autobiographie qu’elle nomme « Histoire d’un tison arraché du feu ». « Le tison, c’est elle ; le feu, ce sont les tentations contre la chasteté, décrypte le Frère Baptiste. Elle a été “arrachée” – le terme est fort ! – de ce feu par la main puissante de Jésus. Elle en parle d’autant plus volontiers qu’elle déplore le fait que ce thème reste tabou dans l’enseignement de la vie chrétienne : “Et nous, nous, sous le prétexte d’une réserve de bon ton, nous faisons le silence autour de cette importante question, laquelle intéresse presque tout le monde, et les pauvres âmes se perdent faute de conseil, faute d’espérance. Ah ! si je pouvais ! […] Que mes désirs sont grands de voler auprès des pauvres âmes tentées, des pauvres cœurs séduits. Je leur raconterai mes peines, mes petits efforts, et la victoire qu’a remportée Jésus.” »

Pour Céline, le combat se déroule en deux temps. « Le premier temps, avant qu’elle n’entre au carmel, elle est assaillie de tentations contre la pureté. Elle en parle avec pudeur dans son manuscrit. Pour terrasser le démon de l’impureté, explique-t-elle, il faut unir la prière aux petits sacrifices. Jésus offre à Céline sa grâce. Mais pour que la grâce opère en elle, Céline doit l’accepter. Le démon peut donc s’acharner, l’effrayer, etc., il reste impuissant. » Le deuxième temps, plus mystérieux, fait suite à son entrée au Carmel.

« De même que Thérèse est plongée dans les ténèbres des tentations contre la foi, Céline se voit plongée dans le feu des tentations contre la pureté, insiste le Frère Baptiste. À partir de ce moment, elle sent bien qu’elle souffre mais pour d’autres personnes. Elle entre dans une “nuit rédemptrice”. Ce qu’elle en écrit est bouleversant. Je lui laisse la parole :“Chaque soir, j’allais pendant le silence m’agenouiller au pied du calvaire du préau, je me mettais sous la croix et je demandais à Jésus de faire couler sur moi son sang rédempteur, de m’inonder de cette divine rosée et de purifier toutes les âmes souillées.” »

La victoire de Céline a quelque chose de prophétique au regard de notre époque où l’éloge de « l’impureté » est presque devenu une marque de vertu. « Céline a combattu pour notre génération à nous. Comme elle l’écrit à la suite de Thérèse : “Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre… Je planterai partout des lys [des vertus de pureté, Ndlr], j’en ferai germer même sur les tisons enflammés !” » Céline a de quoi jardiner.

Céline, premier disciple de Thérèse

Les liens unissant Céline à sa petite sœur Thérèse ont toujours été très forts. Inséparables dans leurs jeux d’enfants, elles deviennent totalement soudées dans la prière. « Notre union d’âmes devint si intime que je n’essayerai même pas de la dépeindre dans le langage de la terre, ce serait la déflorer », écrira Thérèse. Séparées par l’entrée au couvent de Thérèse, elles échangent une abondante correspondance spirituelle. Lorsque Céline arrive à son tour au carmel, Thérèse la prend sous son aile et lui enseigne sa « petite voie ». Après la mort de cette dernière, Céline se donne pour mission de faire rayonner sa doctrine spirituelle dont elle se fait l’exégète à travers plusieurs écrits et productions iconographiques. Elle prendra part avec énergie au procès de canonisation de sa sœur.

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https://www.famillechretienne.fr/38175/article/les-ecrits-spirituels-inedits-de-celine-martin

ACTES DES APÔTRES, ACTES DES APOTRES, BIOGRAPHIES, CHJRISTIANISME, DANIEL MARGUERAT (1943-...), EPITRES, LIVRE, LIVRES, LIVRES - RECENSION, LIVRES HISTORIQUES, NOUVEAU TESTAMENT, PAUL (saint ; Apôtre), PAUL DE TARSE PAR DANIEL MARGUERAT

Paul de Tarse par Daniel Marguerat

Paul de Tarse. L’enfant terrible du christianisme

Daniel Marguerat

Paris, Le Seuil, 2023. 560 pages.

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Résumé

Célèbre parmi tous les apôtres, saint Paul est aussi le plus mal connu. On le dit colérique, doctrinaire, antiféministe, hostile au judaïsme. Après le message simple de Jésus, il serait venu tout compliquer avec une théorie obscure du péché… Mais qui a vraiment lu ses lettres ? Qui a deviné l’homme derrière les propos de Paul de Tarse ?
L’originalité du livre de Daniel Marguerat est d’immerger ses écrits dans la vie tumultueuse et passionnée de l’apôtre. Car derrière les textes de ce grand théologien, il y a un homme qui aime, qui lutte, qui peine et qui souffre. Qui est l’homme Paul ? Qu’a-t-il vécu, expérimenté, souffert – au point que, de cette vie, a surgi une pensée fulgurante ?
Ce qu’on appelle la « théologie de Paul » n’est pas une doctrine intemporelle, qu’on débiterait à coups de formules dans un catéchisme. Daniel Marguerat montre sous quelles impulsions, à la suite de quelles rencontres, sous le coup de quels chocs cette pensée s’est peu à peu construite.
On apprend ainsi comment l’apôtre réconforte les chrétiens de Thessalonique harcelés pour leur foi. Comment il confie aux femmes en Église une place et un rôle qu’elles perdront rapidement ensuite. Comment il milite à Corinthe contre les discriminations. Comment il plaide chez les Gaulois de Galatie en faveur de l’universalité du christianisme. Et comment il fut, tour à tour, adulé, détesté ou oublié.
Un livre passionnant, qui fait découvrir un Paul peu connu. Sa pensée incandescente fait de lui, aujourd’hui encore, l’enfant terrible du christianisme.

Daniel Marguerat, historien et bibliste, est professeur honoraire de l’Université de Lausanne. Ses travaux sur les origines du christianisme lui ont acquis une réputation mondiale. Dans ce livre, il dépose le fruit d’une trentaine d’années de recherche sur l’apôtre des nations.

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Saint Paul antiféministe ? « Totalement faux », selon le théologien Daniel Marguerat

Entretien – Journal LA CROIX

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Les chrétiens gagneraient à lire saint Paul, estime l’exégète Daniel Marguerat. Car sa vision de l’identité chrétienne, qui accorde à chaque baptisé le même statut et la même valeur, est étonnamment moderne.

Vous présentez au Festival du livre de Paris un nouvel ouvrage sur saint Paul. Qu’y a-t-il de neuf à dire à son sujet ?

 

Daniel Marguerat : La plupart des ouvrages publiés sur Paul actuellement sont soit des biographies de l’Apôtre, écrites par des historiens qui cherchent à reconstruire sa vie, soit des analyses théologiques de sa pensée. J’ai voulu croiser les deux approches, convaincu que la pensée naît et se nourrit de la vie. Un théologien, quand il écrit, est une personne qui vit, souffre, éprouve des sentiments, veut défendre un point de vue… Inscrire la pensée de Paul dans son histoire me permet de rendre compte de son humanité : l’homme derrière le texte, en somme.

En outre, je tente de résoudre l’énigme d’une pensée qui se déplace, change, se contredit parfois. Certains théologiens soutiennent que l’Apôtre est dénué de toute cohérence et ne fait que réagir aux contextes ou aux conflits dans lesquels il est engagé. Je suis persuadé du contraire. Mais ce grand Apôtre ne délivre pas un catéchisme intemporel. Sa parole est toujours adressée à une communauté et répond à une problématique que l’on peut identifier.

  

Peut-on dire que Paul est le fondateur du christianisme ?

 

  1. M. : Il ne s’est jamais présenté comme tel. Il conçoit sa parole comme un Évangile dont le fondement est le Christ. Mais il est un pionnier. Avant lui, dans les années 40-50, l’Évangile était prêché à la synagogue. Paul est le premier à conduire de manière systématique une mission chrétienne qui s’adresse aussi aux non-juifs, sans qu’ils doivent s’intégrer au judaïsme.

D’autre part, il est confronté à des problèmes inédits, comme en témoigne notamment la Première Lettre aux Corinthiens. Jésus n’a rien écrit, ni n’a pensé l’organisation d’une communauté après lui. Il vivait en nomade accompagné d’un groupe de disciples, avant d’être mis à mort. Après lui, tout était à inventer.

Paul, lui, s’adresse à des Gréco-Romains qui se demandent comment vivre leur foi nouvelle au jour le jour, s’ils peuvent partager un repas avec leurs voisins païens, s’ils doivent pratiquer la ritualité juive, si les femmes peuvent avoir un rôle dans le culte… Autant de questions que Jésus ne s’était pas posées directement, mais auxquelles Paul a dû répondre. Il n’est donc pas un fondateur, parce qu’il renvoie sans cesse à Jésus, mais il est un pionnier.

Disons-le clairement : l’identité du christianisme ne serait pas ce qu’elle est sans lui. Il a été le premier à reformuler la parole de Jésus dans la culture du monde romain, ouvrant le christianisme à l’universalité. Il a accompli un travail de création et d’innovation impressionnant.

  

Au point que certains lui reprochent d’avoir trahi Jésus…

 

  1. M. :Oui, on a souvent dit que Jésus était un homme simple, qui s’adressait à des paysans et à des pêcheurs, racontant des paraboles, proclamant un Dieu bon… Paul serait venu tout embrouiller avec une théologie abstraite, compliquée et culpabilisante. En réalité, Paul a été fidèle à Jésus, en interprétant ses propos dans une culture et des conditions différentes. Il a donc été son interprète, peut-être le meilleur.

Son attitude vis-à-vis des femmes, par exemple, le prouve. Dans le judaïsme de l’époque, l’éducation religieuse était strictement réservée aux hommes. Jésus a transgressé les conventions sociales et religieuses en acceptant des femmes dans son groupe de disciples.

De même, Paul crée des communautés d’hommes et de femmes à égalité de droits, de responsabilités et de vocation. Par le baptême, les croyants deviennent frères et sœurs. Les femmes prient et prophétisent dans ces communautés (1Co 11). Cette mixité est d’une originalité absolue dans le monde antique ! Malheureusement, après Paul, elle disparaîtra peu à peu et les femmes seront écartées de certaines fonctions ministérielles. Cette situation perdurera parfois… jusqu’à nos jours !

  

Est-ce l’image que les chrétiens d’aujourd’hui ont gardée de Paul ?

 

  1. M. :Paul est l’Apôtre le plus décrié de tout le Nouveau Testament ! Les croyants aujourd’hui vous diront que ses épîtres sont incompréhensibles, qu’il est doctrinaire, colérique, antiféministe et antijuif… J’essaie dans mon livre de lui rendre justice sur tous ces points. Il est totalement faux, on l’aura compris, de le dire antiféministe.

Les épîtres qui renvoient les femmes à leur foyer (Colossiens, Éphésiens, les Pastorales) font partie de son héritage, mais elles ne sont pas de lui. Au cours des deux premiers siècles, sa pensée a été développée et amplifiée par ses disciples, trahie même parfois, ou du moins fortement biaisée. Je plaide pour que les pasteurs et les prêtres travaillent à corriger l’image néfaste de l’Apôtre, et surtout qu’ils actualisent sa pensée pour en montrer la modernité.

 

Certains chrétiens disent qu’ils aimeraient retrouver la ferveur des petites communautés pauliniennes. Est-ce une utopie ?

  1. M. :Quand on lit attentivement les deux Épîtres aux Corinthiens, celles qui nous renseignent le plus concrètement sur la vie de ces communautés, on voit qu’elles étaient en réalité agitées par de nombreuses tensions. Mais Paul leur indique le moyen de les assumer et de les dépasser.

Chaque fois qu’il se trouve face à une crise née de l’affrontement de positions antagonistes, il ne tranche pas pour les uns contre les autres, mais renvoie les uns et les autres à l’identité qu’ils ont reçue de Dieu et qui leur confère une égale valeur. À partir de là, il les incite à considérer le problème autrement et à accepter les différences. Beau modèle de gestion des conflits, non ? Dans le fond, Paul ne cherchait pas à accroître la ferveur. Ce qu’il voulait faire comprendre, c’est comment se construit l’identité croyante. Sur ce point, il est résolument moderne.

Moderne, pour quelles raisons ?

 

  1. M. :Parce qu’il affirme que l’homme et la femme, s’ils font confiance à Dieu, sont accueillis inconditionnellement. C’est ce que l’on appelle « la justification par la foi ». Paul n’a pas cherché à rendre les gens plus religieux. Il est venu dire : « Vous avez reçu par votre baptême une identité qui a changé votre rapport à Dieu, à vous-mêmes et aux autres. »Cette nouvelle identité demande que, au sein de la communauté croyante, on considère les autres comme des frères et des sœurs de même valeur et de même statut que soi-même, admis, accueillis et valorisés par Dieu quelle que soit leur origine.

Cette égalité de valeur et de statut, ce refus de toute discrimination sociale constituent son modèle d’Église… un modèle qu’aujourd’hui la chrétienté échoue à réaliser. Car, bien sûr, cette reconnaissance réciproque crée des tensions : comment un homme qui méprise les femmes ou un maître qui méprise les esclaves peut-il changer du jour au lendemain parce qu’il est baptisé et prend part à l’Eucharistie ? C’est pourtant, selon Paul, ce qu’il est appelé à faire dans la communauté.

Après la mort de l’Apôtre, ce modèle a décliné parce qu’il contredisait frontalement le fonctionnement de la société. Pourtant, c’est la vocation de l’Église que de constituer ce que Paul appelle « le corps du Christ » (1Co 12), dont chaque organe est indispensable à l’ensemble. Il n’y a rien de plus novateur, plus prometteur, plus moderne que cette idée.

  

Que pensez-vous que Paul dirait aux chrétiens d’aujourd’hui ?

 M. :Je pense qu’il exprimerait de l’effarement et de l’indignation devant les divisions du christianisme. Je crois aussi qu’il s’affligerait de constater la pauvreté de la vie communautaire des chrétiens. Car pour lui, c’est par la vie communautaire que passe l’expression de la nouvelle identité reçue du baptême. Il reprocherait aux croyants de négliger ce que Dieu a fait d’eux par leur baptême, de vivre en dessous de leur identité, de consentir aux discriminations dictées par la société.

Le christianisme, aujourd’hui, me semble fatigué, pour ne pas dire défaitiste. Or, la lecture de Paul est stimulante. C’est un auteur créatif, il a de l’ambition pour le christianisme ! Si la chrétienté veut revitaliser sa culture, il serait bon qu’elle lise et relise ses épîtres. La vision qu’a Paul de l’identité chrétienne est notre futur, pas notre passé.

Daniel Marguerat, rendre justice aux textes

Pasteur de l’Église réformée, Daniel Marguerat a étudié à Lausanne, en Suisse – où il est né en 1943 –, et à Göttingen, en Allemagne. Il a enseigné le Nouveau Testament à l’université de Lausanne, s’intéressant tout particulièrement au Jésus de l’histoire, à l’Apôtre Paul et aux Actes des Apôtres. Il a conduit une recherche de pointe sur ces trois thèmes, et publié de nombreux ouvrages. Formé initialement à l’analyse historico-critique des textes, il découvre aux États-Unis l’analyse narrative et l’analyse rhétorique. Il cherche aujourd’hui à croiser différents types de lecture pour mieux rendre justice aux textes. Parmi ses derniers livres parus, figurent Jésus et Matthieu.À la recherche du Jésus de l’histoire (Labor et Fides, 2016), L’Historien de Dieu.Luc et les Actes des Apôtres (Labor et Fides, 2018), Vie et destin de Jésus de Nazareth, (Seuil, 2019) et Paul de Tarse. L’enfant terrible du christianisme (Seuil, 2023).

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Charles Péguy par Arnaud Teyssier

Charles Péguy 

Arnaud Teyssier

Paris, Tempus, 2014. 336 pages

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Résumé

Par la modestie de ses origines, ses brillantes études, sa rectitude morale, ses engagements intellectuels et politiques entre socialisme et catholicisme de progrès, sa mort héroïque au combat le 5 septembre 1914 à quarante-et un ans, Charles Péguy est l’une des figures les plus pures de ce que la France a de meilleur. Séduisant, irritant, poète inspiré et polémiste redoutable, il a laissé, après quinze années d’une activité intellectuelle et littéraire intense, une empreinte ineffaçable chez ses contemporains et pour la postérité

Sous la plume d’Arnaud Teyssier, on croise les personnalités majeures de notre imaginaire politique et on décèle, grâce à l’intelligence lumineuse de Péguy et sa profonde humanité, quelques traits très actuels de notre impuissance démocratique.

Biographie de l’auteur

Né en 1958, ancien élève de l’ENS et de l’ENA, historien et haut fonctionnaire, Arnaud Teyssier a publié, chez Perrin, des biographies de Lyautey et de Louis-Philippe. Il a présenté une nouvelle édition du Testament politique de Richelieu, dont il achève, toujours pour Perrin, une biographie appelée à faire date

Critique 

Aujourd’hui encore la figure de Charles Péguy est un mystère tant le l’écrivain est inclassable tant par son itinéraire que par sa pensée. Peu lu aujourd’hui il est cependant connu pour être mort au début de la guerre 1914-1918 et par ses écrits mystiques surtout dans les sphères chrétiennes.

Cette biographie bien documentée nous fait revivre l’écolier, l’homme de lettres mais aussi le citoyen engagé dans son époque et prenant part à tous les combats de la IIIè République. Cet ouvrage illustre fort bien le gouffre qui sépare le normalien d’origine paysanne, aux engagements sans concession, à son amour de la France ainsi qu’à à la prose mystique, de notre époque.

Arnauld Teyssier parvient à remettre en perspective l’itinéraire de Péguy : des derniers jours de la République opportuniste à l’Union sacrée, en passant par son engagement majeur, pour l’innocence de Dreyfus, mais aussi sa proximité avec les courants socialistes de cette époque, il retrace les écrits, les amitiés et les positions de l’écrivain, d’abord socialiste puis converti peu à peu à un christianisme mystique et personnel.
Ce faisant il rend intelligible l’itinéraire avant tout solitaire de ce franc-tireur qui pourtant après sa mort sera récupéré par le régime de Vichy et par la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Teyssier retrace son refus du système, du professorat, des compromissions et des honneurs, la lutte quotidienne pour la survie de son entreprise indépendante (les cahiers de la quinzaine fondés avec quelques amis), loin de la société mondaine et des succès faciles (ceux d’Anatole France notamment).
Difficile d’accès, traversée par une recherche sans compromission de la vérité autour de quelques figures tutélaires (Jeanne d’Arc et le Christ), l’œuvre de Péguy aurait cependant mérité des développements plus longs : ses écrits sont évoqués mais seulement dans le cadre de ses combats. Teyssier semble en effet vouloir contourner l’écueil que forment les textes de l’écrivain : en ne les abordant que trop superficiellement on ignore quelle impact ils eurent réellement à cette époque qui fut une époque troublée par les scandales, l’affaire Dreyfus, le boulangisme puis la montée de l’Action française.

 Cette biographie évacue aussi l’impact de l’écrivain sur le XXe siècle par une trop rapide conclusion. A la décharge de l’auteur du livre, Péguy reste difficilement accessible à l’historien, et les lecteurs de Péguy aujourd’hui ne s’intéressent qu’à son oeuvre mystique délaissant tous ses écrits qui donnent un panorama de cette France qui se cherche dans ses institutions. Teyssier le reconnaît lui-même, du fait de l’immensité de ses écrits et de la somme produite par ses exégètes.

La modestie du projet éditorial (300 pages) et l’ampleur des éléments de contexte à livrer limitent considérablement les développements de fond et ont malheureusement contraint Teyssier à une approche très synthétique mais qui a le mérite de mieux nous faire comprendre l’homme et ses combats.
Ainsi, par souci pédagogique, il plante son Péguy dans le contexte historique (opportunisme, boulangisme, affaire Dreyfus, socialisme, Barrès et Maurras, antagonisme franco-allemand), même si on aurait souhaité en savoir davantage sur l’écrivain et ses oeuvres. Après la lecture, il reste un étrange sentiment : la vie de Péguy est mieux connue, mais l’œuvre elle-même reste mystérieuse. 

Au lecteur de se plonger dans cette oeuvre 

Charles Péguy (1873-1614)

Jean-Pierre_Laurens-Péguy

Charles Pierre Péguy est un écrivain, poète et essayiste français.

Après des études dans sa ville natale, il va à Paris préparer le concours de l’École Normale Supérieure, auquel il est reçu en 1894. En 1896, il écrit un drame, Jeanne d’Arc. Attiré par les idées socialistes, il expose son point de vue dans « Marcel, premier dialogue de la cité harmonieuse » (1898) et milite pour la révision du procès Dreyfus.

Bientôt, il abandonne la carrière universitaire, se sépare du parti socialiste et fonde, en 1900, une revue indépendante, les Cahiers de la Quinzaine, qui se propose d’informer les lecteurs et de « dire la vérité ». C’est de « la Boutique », installé en face de la Sorbonne, que Péguy mènera le combat ; en dépit des difficultés financières, les Cahiers, auxquels collaborent Jérôme et Jean Tharaud, Daniel Halévy, François Porché et Romain Rolland, paraîtront jusqu’à la guerre de 1914.

Les grandes œuvres en prose de Péguy y trouvent place ; ce sont Notre Patrie (1905), où il dénonce le danger allemand et la menace de guerre, Notre jeunesse (1910), où il oppose mystique et politique, L’Argent (1913), où il évoque le monde de son enfance qui ne connut pas la fièvre de l’argent.

En 1908, il déclarait à Joseph Lotte: « J’ai retrouvé la foi ». De sa méditation, naissent de grandes œuvres poétiques : Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), Le Porche du mystère de la deuxième vertu (1911) et Le Mystère des saints-innocents (1911). Reprenant le geste du bûcheron qui, dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu mettait ses enfants sous la protection de la Vierge, Péguy fait, en 1912, plusieurs pèlerinages à Notre-Dame de Chartres. On retrouve l’écho de ces événements dans La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc  (1912), écrite en reconnaissance pour la guérison de son fils Pierre, et dans La Tapisserie de Notre-Dame (1912) ; Péguy n’hésite pas à écrire Ève (1913), une œuvre d’une longueur inusitée, qui comporte huit tragédies en cinq actes et 8000 alexandrins.

Il songeait à évoquer le Paradis dans un nouveau poème, quand survint la guerre, où il trouva la mort. La plupart des archives sur Péguy sont aujourd’hui rassemblées au Centre Charles Péguy d’Orléans, fondé par Roger Secrétain en 1964. On y trouve notamment la quasi-totalité de ses manuscrits.

Bibliographie

Essais

De la raison, 1901.

De Jean Coste, 1902.

Notre Patrie, 1905.

Situations, 1907-1908.

Notre Jeunesse, 1910.

Victor-Marie, Comte Hugo, 1910 ; réédition Fario 2014.

Un nouveau théologien, 1911.

L’Argent, Paris, Allia, 2019, 112 p. 

L’Argent suite, 1913 ; rééd. La Délégation des siècles, L’Argent & l’Argent suite (réunion des deux textes), 265 p., 2020.

Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne, 1914.

Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, 1914 (posth.).

Clio. Dialogue de l’histoire et de l’âme païenne, 1931 (posth.).

Par ce demi-clair matin, 1952 (posth.) (recueil de manuscrit inédits dont les deux suites de Notre Patrie)

Un poète l’a dit… , Gallimard, 1953 (posth.)

Véronique. Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, Gallimard, 1972 (posth.)

Poésie

La Tapisserie de Sainte Geneviève et de Jeanne d’Arc, 1913.

La Tapisserie de Notre-Dame, 1913.

Ève, 1913 ;

dont : « Prière pour nous autres charnels », adapté par Max Deutsch et Jehan Alain.

Mystères lyriques

Jeanne d’Arc, film musical, adaptation des œuvres Jeanne d’Arc (1897) et Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910).

Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, 1910.

Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, 1911.

Le Mystère des Saints Innocents, 1912.

Extraits

La bénédiction de son patriotisme par Dieu s’inscrit dans le courant de pensée majoritaire des années d’avant-guerre qui, après les années d’abattement dues à la défaite de 1870, attendait et espérait une revanche :

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. (…)
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu (…)
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »

Elle fait écho aux Béatitudes.

 

Charles Péguy, mort pour la France en 1914, est un des plus grands écrivains français du début du xxe siècle. Revenu au catholicisme en 1909, il engendra une œuvre chrétienne d’une grande force.

Commentaire selon saint Luc (Lc 2, 22-35) :

Heureux Syméon !

« Heureux celui qui le vit dans le Temple ; et ensuite ; car cela suffit ; fut rappelé comme un bon serviteur. C’était un vieil homme de ce pays-là ; un homme qui approchait du soir et qui touchait au soir, au dernier soir de sa vie. Mais il ne vit pas se coucher son dernier soir sans avoir vu se lever le soleil éternel. Heureux cet homme qui prit l’enfant Jésus dans ses bras, qui l’éleva dans ses deux mains, le petit enfant Jésus, comme on prend, comme on élève un enfant ordinaire, un petit enfant d’une famille ordinaire d’hommes ; de ses vieilles mains tannées, de ses vieilles mains ridées, de ses pauvres vieilles mains sèches et plissées de vieil homme. De ses deux mains ratatinées. De ses deux mains toutes parcheminées. Et voici qu’il y avait un homme en Jérusalem, nommé Syméon, et cet homme juste et craignant Dieu, attendant la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était en lui (cf. Lc 2, 25).

Heureux, le plus heureux de tous, il ne connut plus nulle autre histoire de la terre.

Il pouvait se vanter, celui-là aussi, de s’être trouvé au bon endroit. Il avait tenu, car il avait tenu, dans ses faibles mains, le plus grand dauphin du monde, le fils du plus grand roi, roi lui-même, le fils du plus grand roi ; roi lui-même Jésus Christ ; dans ses mains il avait élevé le roi des rois, le plus grand roi du monde, roi par-dessus les rois, par-dessus tous les rois du monde. »

— Charles Péguy. Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc (1910), in Œuvres complètes, vol. 5, Paris, Gallimard, 1916, p. 72-74.

Tout n’est pas perdu

« Un homme avait deux fils. De toutes les paroles de Dieu, c’est celle qui a éveillé l’écho le plus profond.
C’est la seule que le pécheur n’a jamais fait taire dans son cœur.

Elle tient l’homme au cœur, en un point qu’elle sait, et ne lâche pas. Elle n’a pas peur. Elle n’a pas honte. Et si loin qu’aille l’homme, cet homme qui se perd, en quelque pays, en quelque obscurité, loin du foyer, loin du cœur, et quelles que soient les ténèbres où il s’enfonce, les ténèbres qui voilent ses yeux, toujours une lueur veille, toujours une flamme veille, un point de flamme. Toujours une lumière veille qui ne sera jamais mise sous boisseau. Toujours une lampe. Toujours un point de douleur cuit. Un homme avait deux fils. Un point qu’il connaît bien. Dans la fausse quiétude un point d’inquiétude, un point d’espérance.

Elle a pour ainsi dire et même réellement porté un défi au pécheur. Elle lui a dit : Partout où tu iras, j’irai. On verra bien. Avec moi tu n’auras pas la paix. Je ne te laisserai pas la paix. Et c’est vrai, et lui le sait bien. Et au fond il aime son persécuteur. Tout à fait au fond, très secrètement. Car tout à fait au fond, au fond de sa honte et de son péché il aime ne pas avoir la paix. Cela le rassure un peu.

Un point douloureux demeure, un point de pensée, un point d’inquiétude. Un bourgeon d’espérance.
Une lueur ne s’éteindra point et c’est la Parabole troisième, la tierce parabole de l’espérance. Un homme avait deux fils. »

— Charles Péguy. Le Porche du Mystère de la deuxième vertu, in Œuvres complètes, vol. 5, Paris, NRF, 1916, p. 394-396