Christian Ranucci (1954-1976), GENEVIEVE DONADINI, LE PROCES RANUCCI, MARIA DOLORES RAMBLA (1966-1974), PEINE DE MORT, PROCES RANUCCI, TEMOIGNAGE

Un témoignage sur la peine de mort

Jurée au procès Ranucci, j’ai participé malgré moi à l’assassinat légal d’un homme

Geneviève Donadin

Paris, L’Harmattan, 2016.

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Le témoignage de la seule femme juré d’assises lors du procès Ranucci en 1976. Elle raconte cette expérience qui a marqué sa vie.

Le procès Ranucci Témoignage d’un juré d’assises Le 3 juin 1974, un lundi de Pentecôte, en Provence, une petite fille de 8 ans, Marie-Dolorès, est enlevée par un homme en voiture. Le lendemain, la presse annonce l’enlèvement. Le 5 juin 1974, en début d’après-midi, les gendarmes découvrent le corps de Marie-Dolorès ; Christian Ranucci, un représentant de commerce de 20 ans, est interpellé et accusé. Début 1976, le procès a lieu au tribunal d’Aix-en-Provence. Il sera condamné à mort. Sa grâce sera refusée. Il sera guillotiné le 28 juillet 1976. Jeune mère de famille de 35 ans, Geneviève Donadini a fait partie du jury d’assises. Elle a vécu dans le silence que lui imposait la loi pendant plusieurs décennies. Quarante ans après, elle raconte dans cet ouvrage cette terrible expérience à laquelle elle a participé, bien malgré elle, et qui a marqué sa vie. Cour d’assises – Peine de mort – Intime conviction – Aveux – Témoignage juré Condamnation

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Le lien pour retrouver ce qu’elle confie en 2013.

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1662474-juree-au-proces-ranucci-j-ai-participe-malgre-moi-a-l-assassinat-legal-d-un-homme.html

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Jurée au procès Ranucci, j’ai participé malgré moi à l’assassinat légal d’un homme

 Geneviève Donadini a fait partie du jury populaire dans le procès de Christian Ranucci, accusé du meurtre de la petite Marie-Dolorès Rambla, 8 ans. Le jeune homme de 22 ans a été condamné et exécuté sous le couperet de la guillotine le 28 juillet 1976. Le cas restera célèbre et rebaptisé « affaire du pull-over rouge ». Geneviève Doradini raconte, sans révéler son vote (elle n’en a pas le droit), comment elle a vécu, désemparée, son rôle de jurée avec une issue aussi terrible.

Ce témoignage, initialement publié le 24 mars 2013, a été mis à jour dans le cadre de la rétrospective estivale de la rédaction du Plus.

Je n’ai pas le droit de dire si j’ai glissé un bulletin « oui » ou « non » dans l’urne, mais j’ai participé à un vote dont l’issue a été la décapitation d’un homme.

Il avait 22 ans. Il s’appelait Christian Ranucci. Certes, son procès n’aura duré que deux jours – inimaginable aujourd’hui – et les délibérations trois malheureuses heures. Mais le couperet qui s’est abattu sur sa nuque le 28 juillet 1976 à 4h13, dans la prison des Baumettes, n’a pas effacé son nom de l’histoire judiciaire. Bien au contraire. L’affaire du « pull-over rouge », n’en finirait pas d’alimenter livres, articles, pièces de théâtre et même des chansons, sans compter un film que j’ai refusé d’aller voir. Cette « pièce à conviction » tissée de laine n’étant pas le linceul, mais l’étendard du combat contre la peine de mort.

Cinq ans et deux exécutions après celle de Ranucci, la peine capitale était abolie en France.Trop tard pour moi, car me restent de terribles souvenirs et le traumatisme d’avoir dû accepter d’être de ceux qui l’ont envoyé à l’échafaud.

À l’époque, qui doutait de la culpabilité de ce garçon ? Il y avait d’abord l’horreur. Celle de l’enlèvement le 3 juin 1974, cité Saint-Agnès, Marseille, d’une fillette de huit ans : Marie-Dolorès Rambla. Son petit corps avait été retrouvé deux jours plus tard par les gendarmes sous des genêts aux fleurs jaunes que l’on appelle ici des « argelàs ».

Le crâne de l’enfant avait été défoncé à coups de pierre et on l’avait lardée de coups de couteau. À un an prés, Marie-Dolorès avait le même âge que l’une de mes filles. Et elles se ressemblaient tant…

Pour personne le doute n’était permis

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Et puis, il y avait eu les aveux de Christian Ranucci, retrouvé par les enquêteurs après un accident de voiture. Il s’était rétracté ensuite. Mais il y avait trop de choses contre lui, et plus encore à l’ouverture de son procès, alors qu’une autre atrocité faisait la une des faits-divers : l’assassinat du petit Philippe Bertrand par un certain Patrick Henry. À cette époque, Roger Gicquel, présentateur de la grand’messe du journal télévisé, avait lancé, sombre : « La France a peur. »

C’est dans ce contexte d’une opinion publique pesante que j’ai dû me frayer un chemin, avec l’aide d’un policier, pour accéder à la salle d’audience du tribunal d’Aix-en-Provence, fendant une foule qui scandait des « À mort Ranucci ! ».

Pour tout le monde, il était coupable. Pour personne le doute n’était permis.

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« Vous serez sans doute récusée. »

Aujourd’hui, je ne sais pas. Tant d’ouvrages ont mis en évidence des zones d’ombre. On ne peut juger que ce que l’on vous donne et nous n’avions même pas accès au dossier d’instruction.

Bref, une plongée dans la furie publique et médiatique que j’étais loin d’imaginer un mois plus tôt. À savoir, lorsque mon nom avait été tiré au sort pour participer à cette session d’assises où j’ai d’ailleurs siégé pour deux autres affaires.

À l’époque, un gendarme m’avait signalé que, parmi les cas examinés, il y aurait celui de Christian Ranucci. Mais il avait ajouté :

« Ne vous inquiétez pas, Madame. Vous n’avez que 35 ans, vous êtes maman d’une petite fille : vous serez sans doute récusée ».

Je ne l’ai pas été.

J’étais la seule femme et la plus jeune des neuf membres du jury requis par la loi d’alors.

Au procès, Ranucci portait une croix autour du cou

Un procès où, d’emblée, l’accusé a fait mauvais effet en arborant une croix autour du cou sur les conseils très mal avisés de sa mère. Et comme si l’offense faite à ces accusateurs par ce symbole religieux pendant sur son sous-pull ne suffisait pas, Christian Ranucci s’est montré arrogant et vindicatif. Ce symbole religieux a résonné en moi. Bien que communiste et élue sous cette étiquette, j’ai eu une éducation catholique. Ces convictions sont d’ailleurs loin d’être antinomiques. Mieux, elles sont scellées par la même philosophie humaniste.

Je n’ai croisé le regard de Christian Ranucci que deux fois… Pour m’en souvenir, je n’ai pas besoin du carnet que je remplissais de notes. Je l’ai détruit peu après le verdict. Le président nous l’avait d’ailleurs fermement conseillé, afin que les secrets des délibérations ne tombent pas sous des yeux indiscrets.

Par cet autodafé, je voulais aussi réduire en cendres cette relique. Je n’en avais pas besoin, tant ces deux jours, l’annonce de l’exécution et les réminiscences qui suivraient allaient brûler douloureusement en ma mémoire.

Me restent des coupures de presse, mais ce que j’ai vécu est assez fort pour m’avoir permis d’écrire un livre qui vient de paraître. Façon de libérer les pensées contradictoires d’un juré et d’en livrer l’analyse à ceux qui me suivront dans cette mission, même si aujourd’hui son issue ne peut être aussi fatale.

Le sang d’une enfant de 8 ans

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Il faut avoir eu entre les mains ces photos traumatisantes de la petite fille sans vie, ce couteau, arme du crime emballée dans un sac plastique. Et cette petite chaussure maculée de taches brunes. Le sang d’une enfant de 8 ans.

Chaque juré a dû toucher ces choses, les examiner.

Il y a quarante ans, nous n’étions que très peu soumis à ce genre de visions macabres à la télévision ou dans les journaux qui ne les auraient sans doute pas diffusées. Était-ce vraiment utile de faire appel à l’émotion au détriment de la réflexion ? L’affect devait-il prendre le pas sur l’intellect ? De l’émotion, de l’affect et de la rage, il y en avait assez dans la mort de Marie-Dolorès. Il y en avait trop autour du tribunal où l’on entendait la clameur des « à mort ! » en tentant de mettre un sens sur ce qu’ils appellent « l’intime conviction ».

Ce sur quoi on nous demande d’arbitrer.

Ne pleure pas, tu n’y es pour rien

Cette notion n’a guère de sens. Surtout lorsqu’elle change, en vous, toutes les cinq minutes. Et en quoi quelque chose de rivé dans notre fors intérieur peut-il changer, même à la lumière d’une audience ? Qui plus est lorsque défilent des « experts » au langage compliqué, péremptoires, parfois contradictoires entre eux. Tout dépend de votre éducation, de votre environnement et de votre vécu.

C’est passé si vite… Hormis ces petits moments de solitude dont j’avais besoin pour réfléchir au lieu d’aller déjeuner ou discuter avec les autres jurés. « Capable ou pas d’assumer telle responsabilité ? », bien sûr que je me suis posée la question parce que tout se bousculait, le défilé des témoins était tellement intense…

Je me disais que je n’étais pas formée pour tout ça. Pas apte à juger quelqu’un en faisant abstraction de cette atmosphère survoltée, des pressions médiatiques et sociales. Sans parler de mes émotions.

Après une première journée, je me retrouvais dans ma 2 CV. Ah, je la regrette cette petite voiture. Dérisoire, hein ? Puis, après une longue route, la maison, les enfants. Restent ancrés en moi les mots de mon mari qui, me voyant arriver après mes kilomètres à verser des larmes derrière mon volant : « Ne pleure pas, tu n’y es pour rien. »

Est venue la fin du procès.

L’air libre de quelques congés après ces heures de confusion et un vote où – je tiens à le noter – le président ne nous a donné aucune consigne, n’a pas cherché à nous influencer. Mais le contexte de la cérémonie judiciaire et la vindicte populaire avaient suffi pour cela.

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Ils l’ont tué !

Puis un jour, la radio crache ces mots :

« Ce matin, à l’aube, Christian Ranucci, condamné à la peine capitale, a été exécuté. »

Mon cri :

« Ils l’ont tué, ils l’ont tué ! »

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La justice m’a appelée, poussée à participer à ce jugement qui s’est soldé par la décapitation d’un jeune homme qui n’a ni fait reculer la criminalité, ni résolu le mystère de la mort de Marie-Dolorès, me laissant le sentiment que j’avais, quel qu’ait été mon vote, laissé tomber la lame sur son cou.

Dans une moindre mesure, moi aussi, me voilà coupée en deux. Car je suis emmurée dans une obligation au secret après avoir participé à ce macabre scrutin. Chaque affaire de meurtre d’enfant ravive cette douleur. Pour la petite Marie-Dolorès et pour celui qui a été jugé comme étant son meurtrier.christian-ranucci-ou-l-affaire-du-pull-over-rouge

 

 

ABOLITION DE LA PEINE DE MORT, ALPHONSE DE LAMARTINE (1790-1869), CONTRE LA PEINE DE MORT, PEINE DE MORT

Lamartine contre la peine de mort

Contre la peine de mort

(Au peuple du 19 octobre 1830)

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Vains efforts ! périlleuse audace !
Me disent des amis au geste menaçant,
Le lion même fait-il grâce
Quand sa langue a léché du sang ?
Taisez-vous ! ou chantez comme rugit la foule ?
Attendez pour passer que le torrent s’écoule
De sang et de lie écumant !
On peut braver Néron, cette hyène de Rome!
Les brutes ont un cœur ! le tyran est un homme :
Mais le peuple est un élément ;

Elément qu’aucun frein ne dompte,
Et qui roule semblable à la fatalité ;
Pendant que sa colère monte,
Jeter un cri d’humanité,
C’est au sourd Océan qui blanchit son rivage
Jeter dans la tempête un roseau de la plage,
La feuille sèche à l’ouragan !
C’est aiguiser le fer pour soutirer la foudre,
Ou poser pour l’éteindre un bras réduit en poudre
Sur la bouche en feu du volcan !

Souviens-toi du jeune poète,
Chénier ! dont sous tes pas le sang est encor chaud,
Dont l’histoire en pleurant répète
Le salut triste à l’échafaud .
Il rêvait, comme toi, sur une terre libre
Du pouvoir et des lois le sublime équilibre ;
Dans ses bourreaux il avait foi !
Qu’importe ? il faut mourir, et mourir sans mémoire :
Eh bien ! mourons, dit-il. Vous tuez de la gloire :
J’en avais pour vous et pour moi !

Cache plutôt dans le silence
Ton nom, qu’un peu d’éclat pourrait un jour trahir !
Conserve une lyre à la France,
Et laisse-les s’entre-haïr ;
De peur qu’un délateur à l’oreille attentive
Sur sa table future en pourpre ne t’inscrive
Et ne dise à son peuple-roi :
C’est lui qui disputant ta proie à ta colère,
Voulant sauver du sang ta robe populaire,
Te crut généreux : venge-toi !

Non, le dieu qui trempa mon âme
Dans des torrents de force et de virilité,
N’eût pas mis dans un cœur de femme
Cette soif d’immortalité.
Que l’autel de la peur serve d’asile au lâche,
Ce cœur ne tremble pas aux coups sourds d’une hache,
Ce front levé ne pâlit pas !
La mort qui se trahit dans un signe farouche
En vain, pour m’avertir, met un doigt sur sa bouche :
La gloire sourit au trépas.

Il est beau de tomber victime
Sous le regard vengeur de la postérité
Dans l’holocauste magnanime
De sa vie à la vérité !
L’échafaud pour le juste est le lit de sa gloire :
Il est beau d’y mourir au soleil de l’histoire,
Au milieu d’un peuple éperdu !
De léguer un remords à la foule insensée,
Et de lui dire en face une mâle pensée,
Au prix de son sang répandu.

Peuple, dirais-je ; écoute ! et juge !
Oui, tu fus grand, le jour où du bronze affronté
Tu le couvris comme un déluge
Du reflux de la liberté !
Tu fus fort, quand pareil à la mer écumante,
Au nuage qui gronde, au volcan qui fermente,
Noyant les gueules du canon,
Tu bouillonnais semblable au plomb dans la fournaise,
Et roulais furieux sur une plage anglaise
Trois couronnes dans ton limon !

Tu fus beau, tu fus magnanime,
Le jour où, recevant les balles sur ton sein,
Tu marchais d’un pas unanime,
Sans autre chef que ton tocsin ;
Où, n’ayant que ton cœur et tes mains pour combattre,
Relevant le vaincu que tu venais d’abattre
Et l’emportant, tu lui disais :
Avant d’être ennemis, le pays nous fit frères ;
Livrons au même lit les blessés des deux guerres :
La France couvre le Français !

Quand dans ta chétive demeure,
Le soir, noirci du feu, tu rentrais triomphant
Près de l’épouse qui te pleure,
Du berceau nu de ton enfant !
Tu ne leur présentais pour unique dépouille
Que la goutte de sang, la poudre qui te souille,
Un tronçon d’arme dans ta main ;
En vain l’or des palais dans la boue étincelle,
Fils de la liberté, tu ne rapportais qu’elle :
Seule elle assaisonnait ton pain !

Un cri de stupeur et de gloire
Sorti de tous les cœurs monta sous chaque ciel,
Et l’écho de cette victoire
Devint un hymne universel.
Moi-même dont le cœur date d’une autre France,
Moi, dont la liberté n’allaita pas l’enfance,
Rougissant et fier à la fois,
Je ne pus retenir mes bravos à tes armes,
Et j’applaudis des mains, en suivant de mes larmes
L’innocent orphelin des rois !

Tu reposais dans ta justice
Sur la foi des serments conquis, donnés, reçus ;
Un jour brise dans un caprice
Les nœuds par deux règnes tissus !
Tu t’élances bouillant de honte et de délire :
Le lambeau mutilé du gage qu’on déchire
Reste dans les dents du lion.
On en appelle au fer; il t’absout ! Qu’il se lève
Celui qui jetterait ou la pierre, ou le glaive
A ton jour d’indignation !

Mais tout pouvoir a des salaires
A jeter aux flatteurs qui lèchent ses genoux,
Et les courtisans populaires
Sont les plus serviles de tous !
Ceux-là des rois honteux pour corrompre les âmes
Offrent les pleurs du peuple ou son or, ou ses femmes,
Aux désirs d’un maître puissant ;
Les tiens, pour caresser des penchants plus sinistres,
Te font sous l’échafaud, dont ils sont les ministres,
Respirer des vapeurs de sang !

Dans un aveuglement funeste,
Ils te poussent de l’œil vers un but odieux,
Comme l’enfer poussait Oreste,
En cachant le crime à ses yeux !
La soif de ta vengeance, ils l’appellent justice :
Et bien, justice soit ! Est-ce un droit de supplice
Qui par tes morts fut acheté ?
Que feras-tu, réponds, du sang qu’on te demande ?
Quatre têtes sans tronc, est-ce donc là l’offrande
D’un grand peuple à sa liberté ?

N’en ont-ils pas fauché sans nombre ?
N’en ont-ils pas jeté des monceaux, sans combler
Le sac insatiable et sombre
Où tu les entendais rouler ?
Depuis que la mort même, inventant ses machines,
Eut ajouté la roue aux faux des guillotines
Pour hâter son char gémissant,
Tu comptais par centaine, et tu comptas par mille !
Quand on presse du pied le pavé de ta ville,
On craint d’en voir jaillir du sang !

– Oui, mais ils ont joué leur tête.
– Je le sais; et le sort les livre et te les doit!
C’est ton gage, c’est ta conquête ;
Prends, ô peuple! use de ton droit.
Mais alors jette au vent l’honneur de ta victoire;
Ne demande plus rien à l’Europe, à la gloire,
Plus rien à la postérité !
En donnant cette joie à ta libre colère,
Va-t’en ; tu t’es payé toi-même ton salaire :
Du sang, au lieu de liberté !

Songe au passé, songe à l’aurore
De ce jour orageux levé sur nos berceaux ;
Son ombre te rougit encore
Du reflet pourpré des ruisseaux !
Il t’a fallu dix ans de fortune et de gloire
Pour effacer l’horreur de deux pages d’histoire.
Songe à l’Europe qui te suit
Et qui dans le sentier que ton pied fort lui creuse
Voit marcher tantôt sombre et tantôt lumineuse
Ta colonne qui la conduit !

Veux-tu que sa liberté feinte
Du carnage civique arbore aussi la faux ?
Et que partout sa main soit teinte
De la fange des échafauds ?
Veux-tu que le drapeau qui la porte aux deux mondes,
Veux-tu que les degrés du trône que tu fondes,
Pour piédestal aient un remords ?
Et que ton Roi, fermant sa main pleine de grâces,
Ne puisse à son réveil descendre sur tes places,
Sans entendre hurler la mort ?

Aux jours de fer de tes annales
Quels dieux n’ont pas été fabriqués par tes mains ?
Des divinités infernales
Reçurent l’encens des humains !
Tu dressas des autels à la terreur publique,
A la peur, à la mort, Dieux de ta République ;
Ton grand prêtre fut ton bourreau !
De tous ces dieux vengeurs qu’adora ta démence,
Tu n’en oublias qu’un, ô peuple ! la Clémence !
Essayons d’un culte nouveau.

Le jour qu’oubliant ta colère,
Comme un lutteur grandi qui sent son bras plus fort,
De l’héroïsme populaire
Tu feras le dernier effort ;
Le jour où tu diras : Je triomphe et pardonne !...
Ta vertu montera plus haut que ta colonne
Au-dessus des exploits humains ;
Dans des temples voués à ta miséricorde
Ton génie unira la force et la concorde,
Et les siècles battront des mains !

 » Peuple, diront-ils, ouvre une ère
 » Que dans ses rêves seuls l’humanité tenta,
 » Proscris des codes de la terre
 » La mort que le crime inventa !
 » Remplis de ta vertu l’histoire qui la nie,
 » Réponds par tant de gloire à tant de calomnie !
 » Laisse la pitié respirer!
 » Jette à tes ennemis des lois plus magnanimes,
 » Ou si tu veux punir, inflige à tes victimes
 » Le supplice de t’admirer !

 » Quitte enfin la sanglante ornière
 » Où se traîne le char des révolutions,
 » Que ta halte soit la dernière
 » Dans ce désert des nations ;
 » Que le genre humain dise en bénissant tes pages :
 » C’est ici que la France a de ses lois sauvages
 » Fermé le livre ensanglanté ;
 » C’est ici qu’un grand peuple, au jour de la justice,
 » Dans la balance humaine, au lieu d’un vil supplice,
 » Jeta sa magnanimité. »

Mais le jour où le long des fleuves
Tu reviendras, les yeux baissés sur tes chemins,
Suivi, maudit par quatre veuves,
Et par des groupes d’orphelins,
De ton morne triomphe en vain cherchant la fête,
Les passants se diront, en détournant la tête :
Marchons, ce n’est rien de nouveau !
C’est, après la victoire, un peuple qui se venge ;
Le siècle en a menti ; jamais l’homme ne change :
Toujours, ou victime, ou bourreau !

 

Alphonse de Lamartine (1790-1869)

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ABOLITION DE LA PEINE DE MORT, CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE, EGLISE CATHOLIQUE, PEINE DE MORT

Peine de mort : nouveau texte du Catéchisme de l’Eglise catholique

Oui à la vie, non à la peine de mort :

nouveau texte du Catéchisme catholique

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 « L’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que « la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle » et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde », enseigne désormais le n. 2267 du Catéchisme de l’Église catholique.

Au cours d’une audience accordée le 11 mai 2018 au préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Luis Ladaria Ferrer sj, le pape François a approuvé la nouvelle version de ces paragraphes du Catéchisme concernant la peine de mort, et il a demandé qu’ils soient traduits dans les différentes langues et inclus dans toutes les éditions du Catéchisme.

C’est ce qu’indique le Saint-Siège qui a publié cette nouvelle version en français le 2 août 2018:

Peine de mort

  1. Pendant longtemps, le recours à la peine de mort de la part de l’autorité légitime, après un procès régulier, fut considéré comme une réponse adaptée a la gravité de certains délits, et un moyen acceptable, bien qu’extrême, pour la sauvegarde du bien commun.

Aujourd’hui on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. En outre, s’est répandue une nouvelle compréhension du sens de sanctions pénales de la part de l’État. On a également mis au point des systèmes de détention plus efficaces pour garantir la sécurité à laquelle les citoyens ont droit, et qui n’enlèvent pas définitivement au coupable la possibilité de se repentir.

C’est pourquoi l’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que « la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle » [1]et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde.

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[1] François, Discours aux Participants à la Rencontre organisée par le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation, 11 octobre 2017.

[Texte original: Italien]

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Le Pape François dit non à la peine de mort !

 Le non catégorique du pape à la peine de mort

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Le pape François a inscrit jeudi 2 août dans le Catéchisme de l’Église catholique une opposition catégorique à la peine de mort, jugée « inadmissible ».

Il souhaite que l’Église s’engage « de façon déterminée » à l’abolir partout dans le monde.

 Nul ne l’ignore, l’Église catholique est résolument « pro vie ». Mais, si elle n’admet aucune exception pour le début de la vie, il demeurait encore, jusqu’à jeudi 2 août, quelques ambiguïtés concernant sa fin. Ainsi, le Catéchisme de l’Église catholique permettait encore le recours à la peine de mort, « si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains » (article 2267). Dans sa version corrigée de 1997, le Catéchisme précisait néanmoins que ces « cas d’absolue nécessité » sont désormais « assez rares, sinon même pratiquement inexistants ».

 Le pape François est allé plus loin jeudi 2 août, en approuvant une nouvelle modification du Catéchisme qui qualifie d’« inadmissible » la peine de mort. « L’Église enseigne, à la lumière de l’Évangile, que “la peine de mort est une mesure inadmissible qui blesse la dignité personnelle” et elle s’engage de façon déterminée, en vue de son abolition partout dans le monde », peut-on lire dans le texte modifié de l’article 2267.

Annoncée le 11 octobre, lors d’une conférence organisée à Rome pour le 25anniversaire de la première publication du Catéchisme en 1992, cette modification permet de prendre en compte dans la doctrine les efforts répétés de Jean-Paul II puis de Benoît XVI pour faire évoluer la vision de l’Église en la matière. Dans une lettre aux évêques également publiée hier, le cardinal Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, explique en quoi cette formulation « ne contredit pas les enseignements antérieurs » du Magistère. « Cette décision est encore un exemple que le pape actuel n’a pas peur de faire évoluer la doctrine », note le théologien néerlandais Hendro Munsterman.

 

« C’est une avancée très importante, on l’attendait depuis si longtemps! »

 Ce spécialiste remarque également que la modification de l’article 2267 ne s’appuie pas tant sur des avancées exégétiques ou théologiques que sur « une prise de conscience qui vient de l’intérieur de notre société, et qui n’a pas forcément besoin de Dieu pour se dire humaniste ». On lit en effet dans l’article modifié« Aujourd’hui, on est de plus en plus conscient que la personne ne perd pas sa dignité, même après avoir commis des crimes très graves. » Il est également précisé que des « systèmes de détention plus efficaces » ont été mis en place pour garantir la sécurité des citoyens tout en sauvegardant la vie du coupable.

« C’est une avancée très importante, on l’attendait depuis si longtemps! » se réjouit Bernadette Forhan, présidente de l’Acat France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture). Ainsi modifié, le Catéchisme pourrait constituer une « autorité morale » offrant davantage de légitimité au discours abolitionniste de son association. « Quand on fait des interventions dans des églises, on entend régulièrement des paroissiens dire qu’il faudrait, dans certains cas, revenir à la peine de mort… Ce type de discours a notamment pris de l’ampleur après les attentats », dit-elle.

En ce qui concerne les autres pays du monde (ils sont encore 57 à appliquer la peine de mort), Bernadette Forhan veut croire qu’un tel changement dans la doctrine catholique pourrait avoir un impact politique. « C’est d’autant plus important aujourd’hui qu’un certain nombre de pays envisagent un retour en arrière sur ce point, explique-t-elle. Aux Philippines, par exemple, le président Rodrigo Duerte  veut rétablir la peine de mort pour les trafiquants de drogue… On pourra désormais lui dire: vous, pays catholique, entrez une fois de plus en contradiction avec le Catéchisme! »

 «  Jésus est celui qui donne toujours une chance à chacun »

 « La peine de mort et sa logique de rétribution ne sont pas compatibles avec l’Évangile, soutenait déjà en octobre Mgr Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg et président de la Comece (Commission des épiscopats de la commission européenne). Jésus est celui qui donne toujours une chance à chacun. Cet amour infini de Dieu donne à chaque homme une dignité que même des crimes ne sauraient enlever. »

Par le passé, l’Église s’est méfiée des mouvements abolitionnistes apparus au XVIIIe siècle. Ceux-ci lui apparaissaient comme une concession à l’esprit des Lumières, opposé à la tradition chrétienne. Mais en 1969, soit douze ans avant la France, l’État du Vatican avait aboli la peine capitale, et toutes les déclarations officielles du Saint-Siège marquent, depuis plus de vingt ans, un refus très net de l’usage de cette sentence.

 

 Peine de mort : l’évolution du « Catéchisme »

 Le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) est un ouvrage d’instruction à la doctrine catholique, résumant la foi, l’enseignement et la morale de l’Église catholique. Cette somme de plus de 650 pages a été publiée le 7 décembre 1992 puis rééditée, dans sa version définitive, en août 1997.

► 1992

La première version du Catéchisme n’exclut pas le recours à la peine de mort « dans les cas d’extrême gravité ». Elle la justifie « si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains » (§2267).

► 1997

Parmi la centaine de modifications que comporte l’édition définitive du Catéchisme par rapport à la version de 1992, la plus notable concerne la peine de mort. Le Catéchisme reprend désormais la position de l’encyclique « Evangelium vitae » de 1995 (§56), qui rend la peine capitale inapplicable en raison du progrès de nos sociétés. « Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’État dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable « sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » (Evangelium vitae, n. 56) »

► 11 octobre 2017

Le pape a estimé mercredi 11 octobre que la doctrine exprimée par le Catéchisme de l’Église catholique n’était pas figée et qu’elle devait pouvoir évoluer, notamment sur la peine
de mort.

 

 Peine de mort, ce qu’en disent les religions et les confessions chrétiennes

 

Le pape François a estimé, mercredi 11 octobre, que la doctrine de l’Église catholique devait pouvoir évoluer, notamment sur la peine de mort.

La question de la peine capitale interroge profondément les religions tant elle touche à la définition même de la vie. Le point sur les positions des confessions chrétiennes et des religions monothéistes sur la peine de mort.

 

Alors que la peine capitale était reconnue par la tradition rabbinique selon quatre modalités (lapidation, bûcher, épée et strangulation), elle a évolué avec le changement des mentalités. « La peine capitale n’a pas été déclarée abolie, mais les conditions de son application sont tellement complexes qu’elle est impossible », explique Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’École pratiques des hautes études et spécialiste du judaïsme. En Israël, la peine capitale est retenue dans le cadre de crime de génocide et d’actes de trahison mais le seul cas d’exécution dans le pays fut celui du criminel nazi Adolph Eichmann en 1962. « Si la peine de mort n’est, en principe, pas jugée illégitime, il y a quand même la volonté de ne pas s’arroger une prérogative divine et un tel respect de la vie humaine qu’on répugne à la retirer. »

  

Islam

Parmi les cinq pays où Amnesty International a recensé le plus grand nombre d’exécutions en 2016, quatre sont majoritairement musulmans: l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Irak et le Pakistan. « Et, sauf en droit, ne tuez point la vie qu’Allah a rendue sacrée. Quiconque est tué injustement, alors Nous avons donné pouvoir à son proche [parent]. Que celui-ci ne commette pas d’excès dans le meurtre car il est déjà assisté par la loi », est-il écrit dans le Coran (17,33). « La loi islamique est claire en ce qui concerne le meurtre: la peine capitale est prononcée par l’autorité centrale selon la loi du’un pour un’selon des conditions strictes; de même pour ceux qui prennent les armes contre des innocents à l’image de Daech, explique Tarik Abou Nour, imam et théologien. La loi du talion est faite pour protéger la vie. Il s’agit de faire prendre conscience qu’on risque sa vie en attentant à celle d’autrui. Mais la peine est rarement mise à exécution. »

Au Maghreb par exemple, la peine capitale n’est plus appliquée depuis plus de 20 ans mais demeure très répandue au Moyen-Orient. « La peine de mort fait débat depuis longtemps puisque dans l’islam la vie est sacrée et perçue comme un dépôt de Dieu en nous puisqu’il a créé la vie et la mort », souligne Tarik Abou Nour.

 

 Protestantisme

« La peine de mort a longtemps été admise comme légitime par la tradition éthique protestante (Luther ou Calvin l’approuvent) au nom d’une compréhension littérale du pouvoir de l’autorité politique d’user du « glaive » (Rom. 13, 4) comme anticipation du jugement de Dieu, ou au nom d’une théorie de l’expiation réparatrice. » (Encyclopédie du protestantisme, Cerf/Labor et Fides, 1995). Les débats éthique et théologique ont pris de l’ampleur sur cette question au XIXe et XXe siècle. Un courant abolitionniste gagne les milieux théologiques protestants et de nombreux fidèles s’engagent dans différents mouvements contre la peine de mort. En août 1989, l’Alliance réformée mondiale affirme ainsi clairement sa position: « Là où la peine de mort est préconisée, l’amour rédempteur et réconciliateur de Dieu est violé. »« L’idée d’une incompatibilité entre l’Évangile et l’espérance qui existe pour chaque personne avec la peine capitale s’est imposée, assure le pasteur Louis Schweitzer, ancien membre du Comité consultatif national d’éthique. Seuls une minorité d’évangéliques trouvent qu’elle est bibliquement acceptable. »

  

Orthodoxie

Les Églises orthodoxes n’ont pas de position unifiée sur la question. En mai 1998, Alexis II, patriarche de Moscou, affirmait que « la peine capitale constitue un homicide avec préméditation et une violation du commandement biblique enjoignant de ne pas tuer ». De même, l’Église orthodoxe d’Amérique s’est clairement prononcée contre la peine de mort dans une résolution du Concile de 1989. En Russie, où la dernière exécution remonte à 1999, l’Église orthodoxe russe a assuré, en 2000, qu’elle « croit que la décision d’abolir ou de ne plus appliquer la peine de mort doit être prise librement par la société, en prenant en considération le taux de criminalité et l’état de développement de son système judiciaire et plus encore le besoin de protéger la vie de ses membres. » Certains religieux orthodoxes se sont exprimés pour la suppression du moratoire sur la peine de mort dans le cas d’actes terroristes.

  

Catholicisme

La première version du Catéchisme n’exclut pas le recours à la peine de mort « dans les cas d’extrême gravité ». Elle la justifie « si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains » (§2267). Mercredi 11 octobre, le pape a estimé que la doctrine exprimée par le Catéchisme de l’Église catholique n’était pas figée et qu’elle devait pouvoir évoluer, notamment sur la peine de mort.

 

https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/Peine-mort-levolution-Catechisme-2017-10-12-1200883780