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Les secrets de Saint Jacques de Compostelle

Les secrets de Saint Jacques de Compostelle

Philippe Martin

Paris, La Librairie Vuibert, 2018. 319 pages.

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Résumé :

Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle reposerait-il sur un mythe ? Et si l’homme enterré là n’était pas l’apôtre Jacques, mort en Terre sainte, mais l’hérétique Priscillien ? Charlemagne est-il vraiment venu défendre le tombeau contre l’envahisseur musulman ? Les guides touristiques et les premiers papiers d’identité seraient-ils un héritage des pèlerins du Moyen Âge ?
Tout au long des siècles, les chrétiens ont marché vers Saint-Jacques-de-Compostelle, écrivant une histoire riche de mythes et de légendes, mais aussi de secrets bien gardés.
Philippe Martin, historien et marcheur, nous raconte, des origines à nos jours en passant par la Reconquista et les turbulences du XXe siècle, les multiples métamorphoses du légendaire Camino. Il nous entraîne sur les pas de millions de pèlerins d’hier et d’aujourd’hui, dont il peint le vivant portrait : qui sont-ils, comment voyagent-ils ? Quels sont leurs rites et les périls qui les guettent ? Quelle espérance les guide ?
Jamais le « chemin semé d’étoiles » n’aura paru aussi fascinant.

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Critique

Comment résumer en peu de mots cet ouvrage qui  s’attache à passer en revue les mythes et autres légendes urbaines du Camion, non pour les ridiculiser mais les resituer dans leur contexte : contexte social, contexte religieux et politique.La figure de l’apôtre saint Jacques qui n’a peut-être jamais mis les pieds en Espagne sert en effet des objectifs religieux (lutter contre les musulmans en Espagne et faire de ce pays une terre chrétienne), objectifs politiques pour asseoir la légitimité des souverains espagnols, puis du régime franquiste sur la péninsule ibérique Le tout est bien documenté pour nous faire comprendre comment la légende de saint Jacques est née puis s’est enrichie au fil des différentes époques et canalisée par l’Eglise

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Philippe Martin (professeur à l’Université de Lyon 2) passe également, avec de nombreux documents à l’appui,  en revue la diversité des pèlerins qui font le Camino pour rejoindre l’extrême Nord-Ouest du Chemin de Saint-Jacques :

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« Les marcheurs ne savent pas se définir, mais se devinent différents… Si la communauté existe vue de l’extérieur, vue de l’intérieur, est-elle homogène ? L’enquêteur est immédiatement marqué par la diversité des figures qu’il rencontre. Un couple de Coréens qui, avant un mariage arrangé par leurs familles, se découvrent sous le regard d’un chaperon qui a tant de mal à marcher. Des convertis de fraîche date qui croisent ces catholiques en quête de paix. Un quinquagénaire soufflant sur son vélo, transpirant avec force, pour remercier le saint de l’avoir guéri d’un cancer. Une horde de jeunes Espagnols repus de joie d’avoir réussi leurs examens. Ce Néerlandais longiligne qui avance de plus de 60 kilomètres par jour. Ces Brésiliens qui enchantent le Camino de leurs légendes et de leurs rires. Et tant d’autres. »

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Ainsi après l’esquisse du portrait de saint Jacques (exercice difficile tant les sources très nombreuses sont contradictoires. Mais cette enquête éclaire sur le sens que lui donnent les marcheurs et leurs motivations. Si le chemin de Compostelle a connu des périodes de déclin il est aujourd’hui un vrai phénomène de société. : 278 000 pèlerins pour l’année 2017 ayant accompli au moins les 100 derniers kilomètres de la « voie des étoiles ».

« Face à cette avalanche de doutes, l’historien doit avoir deux réflexes. le premier est de considérer que nombre de documents originaux ont disparu et que leurs copies doivent être analysées avec la plus grande prudence. le second est de ne pas commettre d’anachronisme. C’en serait un que de faire de nos auteurs des falsificateurs. Cette notion n’existe pas dans leur esprit : selon eux, pour qu’un légendaire survive, il doit s’actualiser, s’enrichir. le passé n’est pas une donnée figée, c’est une construction faite pour satisfaire les contemporains qui écoutent les histoires. Si nous utilisions un vocabulaire commercial, nous pourrions assurer qu’un pèlerinage – Compostelle ou un autre – est un « produit sacré ». À ce titre, on doit assurer sa promotion » !

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La marche à pied est l’un des nombreux mythes qui ne résiste pas devant la recherche historiographique de P. Martin : contrairement à ce qu’on croit aujourd’hui, le chemin préféré des pèlerins pour arriver au but était… la mer ! Les jaquets d’Europe centrale et du nord débarquaient à La Corogne (Galice) d’où il ne leur restait plus que 70 petits kilomètres à parcourir. Quant aux Italiens, Autrichiens et Croates, ils passaient volontiers par le détroit de Gibraltar pour débarquer en territoire lusophone.

Autre légende véhiculée depuis la « redécouverte » du Camino dans le dernier tiers du XXe siècle : la capillarité exercée par les principales et autoproclamées « Voies de Saint-Jacques » sur le flot des peregrinos: voies d’Arles au sud, du Puy pour les Suisses et les Lyonnais, de Vézelay pour les Allemands et les Scandinaves, de Tours pour les Parisiens et les Belges… Contrairement aux marcheurs du XXIe siècle, leurs prédécesseurs entre le Moyen-Âge et le Temps des Lumières prenaient  de grandes libertés avec les soi-disant itinéraires « officiels » : très souvent ils faisaient des détours pour visiter le tombeau d’un ou plusieurs saints dont ils voulaient vénérer les reliques. Si Saint-Jacques était la finem ultimum (le but à atteindre), cela n’empêchait nullement « la concurrence sainte » de mériter un crochet.
Idem pour la phrase souvent lue et entendue : « les pèlerins d’autrefois devaient revenir à pied de Galice. Ils parcouraient donc deux fois le chemin. » Selon les récits d’archive épluchés par l’universitaire lyonnais, il n’était pas rare que celui qui était venu plus ou moins à pied (« la triche » avec des tronçons franchis en calèche était courante !) rentrât chez lui en bateau depuis la Galice ou le Portugal !

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Aujourd’hui, en oubliant tout un pan de l’histoire du Camino, on a assiste à une simplification historique voulue par l’Europe dans un à la fois politique et idéologique :  « Les instances européennes ont tout intérêt à ce que le Camino existe : il sert à unifier des nations bien différentes ; il est la trace d’un passé d’échanges et de liens relativisant les guerres qui ont ravagé le continent. Même la figure de Jacques est transformée. Lui qui, pendant des siècles, a attiré des chevaliers participant à la croisade contre les musulmans, est désormais un pauvre qui chemine humblement à la rencontre d’autrui. le Chemin crée un sentiment d’identité, une identité vécue avec ces milliers de marcheurs, de cyclistes ou de cavaliers qui, tous les ans, lui donnent vie. »

© Claude Tricoire

30 juin 2022

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Extraits et citations

Nous nions la liberté des anciens pèlerins, leur faculté de se perdre en détours, de partir à l’aventure, de musarder et d’avancer à leur rythme ; nous refusons leur capacité à prendre leurs propres routes ; nous oublions leurs récits si différents les uns des autres pour nous réfugier entre les pages du récit unique d’Aimery Picaud, qui nous offre le confort d’une géographie linéaire.

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Quand un pays entre dans l’Union, de nouvelles cartes apparaissent. Aux quatre routes d’Aimery Picaud s’est substitué un écheveau complexe qui part de Pologne ou de Grèce. En actualisant sans cesse le Camino, l’Europe se crée des racines, un moule par lequel tous les peuples seraient passés, une expérience médiévale commune préfigurant l’actuelle construction politique.
Le phénomène, depuis plus de vingt ans, s’autogénère.
Jacques a été si populaire par le passé qu’il est facile de trouver, dans la moindre région du continent, une chapelle, une statue ou le souvenir d’une confrérie.
La tentation est grande de tracer des lignes entre ces points épars. Et voilà le Camino, vous assure-t-on, qui se concrétise ! Si ce n’est que nous sommes victimes d’une reconstruction, voire d’une invention historiographique. Nous confondons le culte de l’apôtre et la dévotion pèlerine ; nous mêlons dans un passé idéalisé et intemporel des éléments qui n’ont jamais existé ensemble et se sont étalés sur plus d’un millénaire…

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On ne le dira jamais assez : méfions-nous des a priori ! Aujourd’hui, penser au Camino, c’est penser à la marche à pied. L’image est tellement ancrée dans nos imaginaires que nul ne penserait à la remettre en cause. Et pourtant ! Pendant des siècles, la plus sûre route pour Compostelle est la mer. Depuis l’Antiquité, les côtes espagnoles sont fréquentées.
À partir du XIe siècle, avec l’affirmation de royaumes chrétiens dans le Nord de l’Espagne, les ports cantabriques prennent une importance majeure dans les échanges européens : le trafic maritime favorise celui des pèlerins dont le transport devient une activité à part entière. Anglais, Suisses, Français, Flamands ou Allemands se rendent donc en Galice en débarquant si possible à La Corogne ; de là, reste environ 70 kilomètres en terrain assez aisé.

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La joie de la rencontre va-t-elle survivre à la cohabitation ? Aux ronflements la nuit, à ce qui est interprété selon les cultures comme un manque de savoir-vivre, à la brutalité de certains propos, aux rythmes de marche différents ? Va-t-on partager la nourriture transportée ?
Va-t-on attendre celui qui boite ? Vivre avec l’autre est une des principales questions. Chacun développe sa stratégie : un tel dédaigne celui qui a un gros appareil photographique, car il le prend pour un touriste ; un autre fuit celui qui arbore une croix, le jugeant trop catholique ; un autre encore déguerpit devant le porteur d’un piolet, parce qu’il estime que cet esprit sportif n’est pas celui du chemin… En fait, chacun cherche son « semblable », cet inconnu qui saura avoir la même vision du Camino.
Inconsciemment se forge un adage : « Dis-moi comment tu marches, je te dirai si tu es un des miens. » Car le marcheur espère toujours à composer un groupe qui va l’épauler. Tout se construit en fonction de l’opposition pèlerin-touriste, qui cache le dualisme vrai-faux. Chacun se range bien sûr du côté du « véritable pèlerin », mais ceux qu’il méprise n’en pensent pas moins de leur côté. Ainsi se forment des exclusions, alors même que tout concourt à les rapprocher face à ceux qui ne marchent pas.

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Disons-le nettement, Le Chemin, cette route unique qui aurait drainé les foules européennes vers l’apôtre, n’a jamais existé. Si, aujourd’hui, se développe une mystique du chemin, la circulation réelle est plus complexe. Il y a des étapes obligatoires, imposées par la topographie, comme le col de Roncevaux pour traverser les Pyrénées, ou par les capacités d’accueil, à l’image de l’hôpital d’Aubrac.
Entre ces points, chacun tente de trouver la route qui lui convient : parce qu’elle est facile, parce qu’il y trouvera un gîte, parce qu’il souhaite voir une relique, parce qu’il espère trouver un petit travail capable de nourrir son pécule…

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Ultreïa : le chant des pèlerins de Compostelle

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Ultreïa (du latín ultra — au-delà — et eia, interjection évoquant un déplacement) est une expression de joie du Moyen Âge, principalement liée au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est une expression que se lancent les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle dans les moments difficiles, et dont le sens peut être traduit par : « Aide-nous, Dieu, à aller toujours plus loin et toujours plus haut ». Dans cette formulation, on retrouve évidemment, les deux dimensions du Chemin : la dimension horizontale de l’être qui avance, et la dimension verticale qui permet de s’élever vers l’entité à laquelle on s’adresse.

Ce mot était associé à des chants médiévaux rapportés dans le Codex Calixtinus.

Plus récemment, ce cri est devenu le titre d’un chant contemporain, également connu sous le nom de « Chant des pèlerins de Compostelle », composé par Jean-Claude Benazet. Il se transmet tous les jours sur le chemin, notamment à l’abbaye de Conques ou à la messe du pèlerin à Santiago.

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Paroles de chants médiévaux

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Herru Santiagu,
Got Santiagu,
E ultreia, e suseia,
Deus adiuva nos.

Unde laudes regi regum
solvamus alacriter,
Cum quo leti mereamur
vivere perhenniter.
Fiat, amen, alleluia,
dicamus solempniter
E ultreia esus eia
decantemus iugiter.

Paroles du chant moderne

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Tous les matins nous prenons le chemin,
Tous les matins nous allons plus loin,
Jour après jour, la route nous appelle,
C’est la voix de Compostelle.

Ultreïa ! Ultreïa ! Et sus eia
Deus adjuva nos !

Chemin de terre et chemin de Foi,
Voie millénaire de l’Europe,
La voie lactée de Charlemagne,
C’est le chemin de tous les jacquets.

Ultreïa ! Ultreïa ! Et sus eia
Deus adjuva nos !

Et tout là-bas au bout du continent,
Messire Jacques nous attend,
Depuis toujours son sourire fixe,
Le soleil qui meurt au Finisterre.

Ultreïa ! Ultreïa ! Et sus eia
Deus adjuva nos !

Traduction du refrain : Aide-nous, Dieu, à aller toujours plus loin et toujours plus haut.

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Saint Jacques de Compostelle : la légende

 

La Légende de Compostelle : le Livre de saint Jacques

Bernard Gicquel, Denise Péricard-Méa

Paris, Taillandier, 2003. 760 pages.

 

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La plupart des documents, essentiellement médiévaux, qui traitent de saint Jacques sont inaccessibles en français. En archéologue des textes anciens, Bernard Gicquel exhume, traduit et analyse les récits, souvent mal connus, qui composent la  » Légende de Compostelle « , des origines au XIIe siècle : Martyre de saint Jacques, récits de translations, invention du tombeau, Livre des Miracles, sans oublier la Chronique de Turpin qui raconte l’histoire de Charlemagne et de Roland partis délivrer l’Espagne. Mais la pièce maîtresse de cette étude est sans conteste le Liber sancti Jacobi, ou Livre de saint Jacques, qui désigne l’ensemble des textes réunis dans le manuscrit connu sous le nom de Codex Calixtinus, réalisé entre 1160 et 1164 et conservé dans la cathédrale de Compostelle. Ce Codex réunit tout un éventail de discours sur saint Jacques, dont un guide de pèlerinage, conçu comme un itinéraire touristico-initiatique, qui présente les étapes incontournables du chemin de Compostelle, les sanctuaires à visiter, la meilleure façon de se loger, les pièges à éviter… Par le nombre des documents présentés et la finesse de leur analyse, ce livre offre une nouvelle vie à la légende de saint Jacques en la replaçant dans son contexte et son histoire. Chaque lecteur, pèlerin ou simple curieux, y trouvera matière à alimenter sa réflexion et son imagination. A chacun de s’en faire maintenant un compagnon de voyage.

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Les Saintes Maries-de-la-Mer : le village et le sanctuaire

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Saintes-Maries-de-la-Mer ou Les Saintes-Maries-de-la-Mer sont une commune française du département des Bouches-du-Rhône en région Provence-Alpes-Côtes-d’Azur. C’est la troisième commune de France métropolitaine en superficie, après Arles qu’elle jouxte au Nord-Est, et Val-Cenis.

Capitale de la Camargue, elle est également un lieu de pèlerinage et une station balnéaire de Provence.

Construite autour de son église des xie et xiie siècles et longtemps enserrée dans une enceinte, la commune conserve encore aujourd’hui trace de ce passé historique dans la configuration de ses ruelles souvent étroites.

Ses habitants sont appelés les Saintois.

 

Géographie

Localisation

La commune est située dans le sud de la France, sur la côte méditerranéenne, en Camargue, à environ un kilomètre à l’est de l’embouchure du Petit-Rhône, où elle s’étend sur les 2 rives, et à 30 kilomètres à vol d’oiseau au sud-ouest d’Arles.

 Géologie et relief

La superficie de la commune est de 37 461 hectares ; son altitude varie entre 0 et 6 mètres

Très étendue, c’est la troisième commune de France métropolitaine après Arles,  sa voisine, et Val-Cenis (Savoie). Elle comprend essentiellement des terres alluviales et des marais. Les terres agricoles sont situées à l’ouest de la commune, le long du petit-Rhône et les marais à l’est où se trouve l’étang du Vaccarès.

Voies de communication et transports

Elle est reliée à la ville d’Arles, distante de 38 km, et à la petite Camargue vers Aigues-Mortes et Montpellier par le bac du Sauvage,, le pont de Sylvéeal et le pont de Saint-Gilles. Une piste permet d’accéder au phare de la Gachole puis à ceux deBeauduc et de Faraman.

Il n’y a plus de gare mais une ligne d’autocars publics permet d’accéder tous les jours à Arles.

Toponymie

En occitan provençal, le nom de la commune est Lei Santas / Lei Santei Marias de la Mar selon la norme classique ou Li Santo / Li Sànti Marìo de la Mar selon la norme mistralienne, en occitan médiéval La Vila de la Mar / Nòstra Dòna de la Mar). La prononciation locale est /li ˈsaŋtɔ/.

Histoire

Antiquité

La première mention explicite du village qui soit connue date du ive siècle. Elle nous vient du poète et géographe Avenus, qui au ive siècle, signalant plusieurs peuplades dans la région, cite oppidum priscum Ra, que le grand historien des Gaules Camille Jullian place à l’endroit de l’actuelle commune. Oppidum signifiant forteresse et priscum ancienne, ce serait donc « l’ancienne forteresse Ra ». Aviennus y voyait le nom égyptien d’une île consacrée à Râ, le dieu du Soleil et père de tous les dieux. Mais, cet oppidum priscum traduit probablement le plus ancien mot gaulois rātis « forteresse »

 Moyen Âge

En 513, le pape Symmaque donne à Césaire le droit de porter le pallium et fait de lui son représentant en Gaule. À cette époque, l’évêque d’Arles évangélise les campagnes encore fortement imprégnées de cultes païens ou romains en transformant si nécessaire d’anciens lieux cultuels en édifices chrétiens. Il crée ainsi un monastère ou une église aux Saintes, ce qui constitue un argument en faveur de la présence d’un temple païen plus ancien en ces lieux. On ne dispose pas de la date exacte de la naissance de cette nouvelle appellation, mais l’on sait que saint Césaire d’Arles a légué par testament, à sa mort en 542, Sancta Maria de Ratis à son monastère.

Le village devint donc Saintes Maries de la Barque (ou Saintes Maries de Ratis), aussi nommé parfois Notre-Dame de la Barque (ou Notre-Dame de Ratis).

Pendant l’hiver 859-860, resté comme le plus rude du ixe siècle, les Vikings hivernent en Camargue et selon toute vraisemblance, aux Saintes, avant d’entreprendre leur razzia dans la basse vallée du Rhône jusqu’à Valence où ils sont arrêtés par Girart de Roussillon.

En septembre 869, les Sarrasins surprennent lors d’un raid en Camargue, l’évêque d’Arles Rotland en train de superviser la mise en défense de la région. L’évêque, fait prisonnier, est échangé contre des armes, des esclaves, et autres richesses. Malheureusement, les Arlésiens ne récupèrent que son cadavre, habillé et mis sur un siège par les Sarrasins au moment de la remise de rançon qui se tient probablement sur la plage des Saintes-Maries-de-la-Mer, à l’embouchure du Rhône de Saint-Ferréol, bras encore actif à cette époque.

L’église telle qu’elle se dresse aujourd’hui date des xie et xiie siècles, les deux dernières travées ayant toutefois été refaites en partie (partie supérieure des murs et toit) au milieu du xviiie siècle. Le clocher a subi de son côté de nombreuses réfections, l’état actuel datant de 1901.

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C’est environ au xiie siècle que ce nom se transformera en Notre-Dame-de-la-Mer.

En 1448, sous l’impulsion du Roi René, a lieu l’invention des reliques des saintes-Maries Jacobé et Salomé. L’archevêque d’Arles, Louis Aleman n’assiste pas à cette événement, car il est excommunié depuis 1440 à la suite du concile de Bâle ; en son absence, l’autorité papale est représentée par son légat, Pierre de Foix, l’archevêque d’Aix Robert Damiani et l’évêque de Marseille Nicolas de Brancas. Les comptes rendus de l’époque signalent une église primitive à l’intérieur de la nef actuelle. Pour certains, ce bâtiment pourrait correspondre à une chapelle mérovingienne du vie siècle.

 Les temps modernes

La peste de 1720 qui tue la moitié de la population marseillaise et le tiers de celle d’Arles, a épargné, contrairement à celle de 1348, la communauté des Saintes qui s’oppose avec véhémence à l’accueil de réfugiés arlésiens. À la Révolution, le culte est suspendu entre 1794 et 1797. Les créneaux de l’église sont démolis et leurs pierres vendues ; ils seront rénovés en 1873.

En 1838, le village prend le nom des « Saintes-Maries-de-la-Mer » et, peu après, le pèlerinage des Gitans est mentionné pour la première fois : au mois de mai, ils viennent de toute l’Europe honorer ici leur sainte patronne, Sara, la Vierge noire. Au début du mois de juin 1888, Vincent van Gogh, juin qui vient d’arriver en Provence, fait un court séjour de cinq jours aux Saintes. Il y dessine et peint notamment les barques sur la plage, le village vu des dunes côtières et quelques cabanes couvertes de sagne.

Peu de temps après au mois d’août 1892, est inauguré la ligne Arles – les Saintes, de la compagnie des Chemins de fer de Camargue, appelée le « petit train ». La ligne, devenue non rentable à la suite du développement de l’automobile, ferme en octobre 1953.

En 1899, le Marquis de Baroncelli s’installe aux Saintes sur la petite route du Sauvage, au mas de l’Amarée ; il s’attelle avec d’autres à la reconquête de la pure race Camargue, tout comme il participe activement à la codification de la course camarguaise naissante. En juillet 1909, il crée la Nacioun gardiano (Nation gardiane), qui a pour objectif de défendre et maintenir les traditions camarguaises.

Dès la fin du xixe siècle, mais surtout après la Première Guerre mondiale, le village reçoit la visite d’artistes et d’écrivains : Yvan Pranisnikoff en 1899, Hemingway en 1920, et plus tard celles des peintres Picasso et Brayer dans les années 1950.

De nombreux films y sont tournés, comme Crin Blanc en 1952 et D’où viens-tu Johnny ? en 1963.  De même, la séquence d’ouverture du film, Le Professionnel (1981) située en Afrique a été tournée sur le territoire du Grand Radeau aux Saintes-Maries-de-la-Mer. En 1975, Bob Dylan passe quelques jours dans la cité lors du pèlerinage du mois de mai.

En 1948, Mgr Roncalli, nonce apostolique en France célèbre aux Saintes le cinq centième anniversaire de l’invention des reliques.

Depuis 1960, la cité vit principalement du tourisme dont le développement à compter des années 1980 se veut mieux maîtrisé. Toutefois, cette évolution marquée par un accroissement démographique, de 1 687 habitants en 1946 à environ 2 500 en 2005, entraîne de profonds changements :

au niveau socio-professionnel, avec la disparition des pêcheurs et des agriculteurs au bénéfice des commerçants et des retraités, ces derniers souvent étrangers à la région,

sur le plan de l’urbanisme, avec le creusement d’un port et la création de nombreux lotissements comprenant un pourcentage important de résidences secondaires4 et d’habitations de location.

Ces changements se retrouvent notamment au niveau politique avec le basculement à droite d’une mairie longtemps détenue par les partis de gauche.

Démographie.

L’évolution du nombre d’habitants est connue à travers les recensements de la populations effectués dans la commune depuis 1793. En 2016, la commune comptait 2 504 habitants, en augmentation de 4,51 % par rapport à 2011.

Manifestations culturelles et festivités

Chaque 24 mai, plus de 10 000 gens du voyage (Yéniches, roms, manouches, gitans, sintis…)  affluent de toute l’Europe vers Saintes-Maries-de-la-Mer pour vénérer leur sainte Sara la noire ou Sara-la-Kali, et baptiser leurs enfants selon le rituel catholique.

En juin, le village accueille une Fête Votive, au cours de laquelle les jeunes et les « festaïres » du village animent les rues et places, vêtus aux couleurs de la Fête, se mesurant aux taureaux au cours d’abivado, de bandido et de courses de taureaux, improvisées.

Autour du 14 juillet, le village organise pendant trois jours une Feria du Cheval, qui présente des spectacles inspirés des piliers de l’identité camarguaise que sont le Cheval, le Taureau et la musqiue gitane.

Le 11 novembre, le Festival d’Abrivado regroupe plus de 200 gardians et 1000 chevaux venus de toute la Provence sur les plages des Saintes Maries exceptionnellement ouvertes aux cavaliers et à leurs montures ce jour-là.

Pendant les fêtes de fin d’année entre Noël et jour de l’An, le village présente un programme d’animations témoins de la tradition camarguaise. Ainsi, on peut assister à un Abrivado aux Flambeaux (lâcher de taureaux emmenés par des gardians portant des flambeaux), que les visiteurs peuvent admirer à la tombée du jour.

Chaque année a lieu aussi la Festo Vierginenco, qui est la cérémonie, pour les filles âgées de 16 ans, de passage du statut d’adolescente à celui de jeune femme

Culture locale et patrimoine

Lieux et monuments

L’Eglise fortifiée des xie et xiie siècles destinée à protéger les reliques des saintes (mais aussi les Saintois) en cas d’incursion des Sarrasins : la chapelle haute forme un véritable donjon, entouré, à la base, d’un chemin de ronde et surmonté d’une plate-forme crénelée.

Le pèlerinage les 24-25 mai   et de fin octobre (saintes Marie-Jacobé et Salomé) ;   celui du 24 mai est aussi célébré pour la patronne des Gitans, la « Vierge noire » sainte Sarah. Les deux premiers pèlerinages sont historiquement très anciens et évoquent une tradition chrétienne, celle du débarquement des premiers chrétiens sur le rivage de Camargue. Celui des Gitans, plus récent, n’est pas mentionné avant le milieu du xxe siècle.

Le musée et la maison du marquis de Baroncelli : installé dans l’ancienne mairie, le musée présente des documents recueillis par le marquis Folco de Baroncelli-Javon : mode de vie traditionnel de Camargue de , histoire de la ville, dioramas présentant la faune camarguaise (dont une héronnière), le mobilier provençal du xviiie siècle, les vitrines consacrées à Van Gogh, au Marquis et à ses amis comme le peintre russe Yvan Pranishnikoff.

Les arènes des Sainte-Marie-de-la-Mer construites au début des années 1930. La ville est membre du l’Union des villes taurines françaises.. Dans une région où la tauromachie est très ancrée depuis le xvie siècle et même selon certains chercheurs, depuis le xiie siècle, les arènes des Saintes-Maries-de-la-Mer font partie des hauts lieux de tauromachie française. Elles proposent trois formes de course de taureuax : la course camarguaise, la corrida, et la corrida de rejon

La Croix et Mas de Méjanes, mieux connu sous le vocable domaine Paul Ricard, sur les rives de l’étang de Vaccarès.

La sculpture de Ben K, baptisée « Camargue », érigée au centre du village, à l’occasion du passage au nouveau millénaire, est inaugurée par le maire Roland Chassain, le 1er janvier 2001.

La mairie, construite dans les années 1930 et décorée par le peintre Marcel Dyf.

Les marchés : tous les lundis et vendredis sur la place de la mairie.

La présence à proximité du village d’un plan d’eau spécialement aménagé pour les tentatives de record de vitesse en planches à voile.

 Les cabanes des Launes

Une trentaine de cabanes de gardians se dressent, alignées face à la mer, entre le front de mer et l’étang des Launes, à l’ouest de l’agglomération. Apparues dans les années 1950 sur une bande de terre alors quasiment vierge, elles ont pour origine l’initiative prise par le maire de l’époque, Roger Delagnes, , de créer, à l’entrée ouest du village, une zone réservée à la seule construction de cabanes camarguaises à couverture de sagne (roseau des marais). Construites par des artisans cabaniers, ces cabanes semblent être sorties du même moule. Il s’agissait, pour la plupart d’entre elles, de résidences destinées à un séjour saisonnier, balnéaire, et, pour quelques-unes, de points de départ pour randonnées équestres.

Immortalisées par de nombreuses cartes postales dans les années 1950 à 1970, elles constituent, outre un pan du passé récent des Saintes-Maries, une curiosité architecturale et urbanistique unique en son genre en Europe.

 Personnalités liées à la commune

Folco de Baroncelli Javon, (1869-1943), écrivain, poète, manadier, mainteneur et rénovateur des traditions camarguaises, est enterré à l’emplacement de son mas du Simbèu, près de l’embouchure du Petit-Rhône, fondateur de la Nacioun gardiano

Ivan Petrovitch Pranishnikoff, peintre russe, mort et inhumé en 1909 aux Saintes-Maries-de-la-Mer.

Vincent van Gogh : lors de son séjour aux Saintes-Maries-de-la-Mer, du 10 au 16 juin 1888, l’artiste peint trois tableaux et réalise onze dessins.

Hermann Paul, peintre français, mort et inhumé en 1940 aux Saintes-Maries-de-la-Mer.

Denys Colomb de Daunant, écrivain, poète, photographe et cinéaste connu pour être l’auteur et le coscénariste du film Crin-Blanc (1952) réalisé par Albert Lamorisse.

Manitas de Plata venait toujours aux Saintes-Maries-de-la-Mer à l’occasion du pèlerinage.

Bibliographie

J.H. Esteban, L’été gitan en Camargue, Nîmes, Christian Lacour. Louis Borel, Histoire des Saintes-Maries de la Mer, Editions Errance,  2012.

Jean Lamoureux, Les Saintes Maries de Provence. Leur vie et leur culte, éditions Belisane, 1999.

Frédéric Simien, Camargue, fille du Rhône et de la mer, Editions Alan Sutton, 2010.

Frédéric Simien, Saintes-Maries-de-la-Mer, Editions Alan Sutton, 2012.

Frédéric Simien, Saintes-Maries-de-la-Mer, tome II, Editions Alan Sutton, 2013.

Jean-Baptiste Maudet, Terres de taureaux – Les jeux taurins de l’Europe à l’Amérique, Madrid, Casa de Velasquez, 2010, 512 p.  Annexe CD-Rom 112 pages

Jean-Baptiste Maudet, Terres de taureaux – Les jeux taurins de l’Europe à l’Amérique, Madrid, Casa de Velasquez, 2010, 512 p. (

Véronique Flanet (dir.) et Pierre Veilletet (dir.), Le Peuple du toro : ouvrage collectif, Paris, Hermé, 1986

Sophie Bergaglio, L’histoire du pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-mer, 2016, Éditions des Lilas (www.bergaglio.fr) 

 

Pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer

Le pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer, dit encore pèlerinage des Gitans est une manifestation religieuse, doublée d’un phénomène touristique, qui se déroule en Camargue aux Saintes-Maries-de-la-Mer, , chaque année les 24 et 25 mai. Ce pèlerinage, avec la présence massive de tsiganes venus de toute l’Europe, est l’objet d’une forte médiatisation. Cette tradition camarguaise est pourtant récente puisqu’elle a été instaurée sous sa forme actuelle par le marquis Folco de Baroncelli, en 1935.

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Des origines au xixe siècle

Comme le rappelle Jean-Paul-Clébert, Strabon indiquait que c’est sur l’emplacement des Saintes-Maries-de-la-Mer que les Phocéens de Massalia érigèrent un temple à Artémis. De plus des vestiges sous-marins ont été identifiés comme un habitat antique au large de la côte. Ils sont antérieurs à la colonisation grecque.

La première mention d’une cité est faite dans les Ora maritima d’Acenus. Il la nomme oppidum priscium Râ. Ce vieil oppidum devint au vie siècle Sancta Maria de Ratis (du radeau)., nom qui évolua vers Notre-Dame-de-la-Barque lorsque se popularisa la légende du débarquement des Trois-Maries   sur la côte camarguaise. Cette mutation se passa à partir de 547, quand Césaire d’Arles   y installa une communauté de religieuses avec comme mission de veiller sur des reliques.

En 1926, le chanoine Chapelle écrivit à ce propos : « C’est là que va être plantée la première croix, là que va être célébrée la première messe sur la terre des Gaules. C’est de là que va partir l’étincelle qui portera la lumière de l’Évangile à la Provence d’abord, ensuite au reste de la France ». Selon cet auteur les Saintes-Maries étaient un lieu de pèlerinage dès avant l’arrivée des Saintes, et il décrit les restes d’un temple païen successivement dédié à Mythra puis à Diane d’Ephèse.

La seule chose qui est assurée est qu’un culte chrétien se juxtaposa au païen et que la construction de l’église-forteresse au xiie siècle l’annexa définitivement au christianisme. Au xive siècle, sous le pontificat des papes d’Avignon, le pèlerinage y était très populaire. À tel point qu’en 1353, Benoît XII fixa la célébration des Saintes au 25 mai et au 22 octobre.

Jean de Venette, , auteur d’un poème sur l’Histoire des Trois Maries raconte qu’il visita Pierre de Nantes, évêque de Saint-Pol-de-Léon, alors atteint de la goutte et que ce dernier n’aurait dû sa guérison qu’à l’intercession des trois Maries. L’évêque accomplit alors en remerciement un pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer en 1357.

Ce pèlerinage ne put qu’être connu des premiers Gitans qui entrèrent en Europe au début du xve siècle. Primitivement associée aux deux autres Maries, Marie Madeleine avait vu son culte se centrer sur la Sainte-Baume, et Sara la noire l’avait remplacé dans la triade. Au cours de l’été 1419, les premières tribus gitanes apparurent sur le territoire de la France actuelle en trois lieux différents : Châtillon-sur-Chalaronne, Mâcon et Sisteron. Ces nouveaux venus furent craints car identifiés aux bandes armées qui dévastaient ces régions. Aussi, préférait-on les payer pour obtenir d’eux une passade rapide.

Les archives de la ville d’Arles conservent la trace de leur passage en avril 1438. Ils étaient alors à dix lieues des Saintes-Maries-de-la-Mer. Dix ans plus tard, en 1448, ce fut l’invention des reliques sous le règne du roi René. Sous l’autel de l’église ont découvrit des ossements. Ils furent placés dans des châsses et transportés dans la chapelle haute. Lors des fouilles que le comte de Provence avait ordonnées trois cippes furent exhumés, ils furent considérés comme les oreillers des Saintes. Toujours visibles dans la crypte de l’église des Saintes-Maries-de-la-Mer, les deux premiers sont consacrés aux Junon et le troisième est un autel taurobolique ayant servi au culte de Mithra. Jean-Paul Clébert suggère que le culte des trois Maries (les Tremaie) s’était substitué à un antique culte rendu aux trois Matres, divinités celtiques de la fécondité, et qui avait été romanisées sous le vocable des Junons.

La découverte des reliques attribuées aux Saintes-Maries s’accompagna de la décision de les ostenter trois fois l’an, le 25 mai, pour la fête de Marie-Jacobé, le 22 octobre pour celle de Marie-Salomé et le 3 décembre. Une procession à la mer, avec la barque et les deux saintes, eut désormais lieu en mai et en octobre. Au cours de celle du 24 mai était associée Sara la Noire.

La première mention de Sara se trouve dans un texte de Vincent Philippon, bayle du viguier du comté de Provence, rédigé vers 1521 : La légende des Saintes Maries et dont le manuscrit est à la bibliothèque d’Arles. On l’y voit quêtant à travers la Camargue pour subvenir aux besoins du pèlerinage. En vérité, nul ne sait qui est Sara la Noire, ni comment son culte s’instaura aux Saintes-Maries. Ce qui est certain, c’est que la dévotion à Sara commença dans l’église des Saintes bien avant la venue des Gitans en Camargue.

On les retrouve, en 1595, au pied du mont Ventoux, au village de Faucon arrivant de Basse-Provence. Leur passade est rétribuée avec quatre pichets de vin. Comme ils reviennent le 19 du même mois, ils n’ont plus droit qu’à trois pichets. Nouvelle venue, le 23 juillet d’une bande de seize personnes qui accepte de ne pas s’attarder contre un pichet. Le vin étant apprécié, le 14 octobre une troupe plus nombreuse apparaît qui accepte de partir contre deux pichets. Le pichet valant alors trois sols, ce village du Comtat Venaissin  s’en tirait à bon compte.

Quatre ans après, le village voisin du Crestet, résidence des évêques de Vaison, voit arriver Jean Delagrange, dit le comte des Bohémiens, avec sa tribu. Il achète sa passade contre quinze sous. Un demi-siècle plus tard, en 1655, le même village se trouve confronté à « la compagnie des Égyptiens du capitaine Simon ». Le ton a changé, il n’est plus question de négocier et les consuls ordonnent qu’ils soient expulsés « attendu le dégât que la compagnie aurait fait aux vignes et autres fruits du terroir »

Seule la Révolution française interrompit momentanément le pèlerinagequi reprit au début du xixe siècle lorsqu’on commença à reparler des miracles et guérisons attribués aux reliques des Saintes femmes.

Pourtant aux Saintes-Maries-de-la-Mer, c’est le « royaume de la misère et de la fièvre », comme l’explique le baron de Rivière dans son Mémoire sur la Camargue publié en 1825. Dans toute la Camargue sévissaient les fièvres paludéennes, le village des Saintes-Maries-de-la-Mer se désertifiait. Tour à tour avaient déserté le juge, les régents d’école, le médecin et les notaires. À la fin du siècle, Vidal de la Blache, après avoir passé une journée en Camargue, notait : « … En somme, pays en pleine décomposition sociale ».

Conscients de cette situation, les Saintois réclament le désenclavement de leur village, uniquement desservi par des chemins impraticables plusieurs mois dans l’année. Le projet des commerçants qui dirigent la mairie, en 1850, est de développer un tourisme balnéaire, le pèlerinage rapportant peu.

Pas question alors de Gitans puisque leur présence n’est attestée qu’à la moitié du xixe siècle. La première mention de leur participation aux pèlerinages des Saintes figure dans un article d’un journaliste de L’Illustration, Jean-Joseph-Bonaventure Laurens, en 1852, avec une gravure de l’auteur.

Frédéric Mistral racontant sa visite en Camargue, en 1855 nota : « L’église était bondée de gens du Languedoc, de femmes du pays d’Arles, d’infirmes, de bohémiens, tous les uns sur les autres. Ce sont d’ailleurs les bohémiens qui font brûler les plus gros cierges, mais exclusivement à l’autel de Sara qui, d’après leur croyance, serait de leur nation ».

En 1903, bénédiction de la mer par le chanoine Ribon, curé des Saintes-Maries, lors des processions de mai et d’octobre avec une présence uniquement provençale

Les Gitans ne sont pas signalés y compris dans les archives de police. Celles de la paroisse les ignorent, tout comme le journal du curé Escombard, qui fut en fonction aux Saintes-Maries de 1861 à 1893.

Les Gitans qui participent au pèlerinage durant cette période se fondent parmi les autres pèlerins. Ils dorment soit sous des tentes, soit dans l’église, ce que confirme le curé de la paroisse des Saintes : « C’est surtout par des gens du Languedoc qu’est fréquenté le pèlerinage du 25 mai ; on couche dans l’église ». Même si la présence, depuis la fin du xixe siècle, de l’archevêque d’Aix-en-Provence en mai et octobre confirmait l’importance accordée à ces pèlerinages, cette présence populaire gêna certains puisqu’en 1873, le curé fit installer des tribunes payantes et numérotées dans l’église. Elles demeurèrent en place durant un siècle, garantissant à la fois une vue imprenable et le respect de la hiérarchie sociale.

À partir de 1892, l’arrivée du train aux Saintes-Maries-de-la-Mer facilite l’accès au village. Les voitures de chemin de fer bondées déversent les pèlerins par centaines6. En conséquence, les horaires des cérémonies s’adaptent aux horaires du train. Le guide de voyage de Baedeker, dans son édition de 1886, ne mentionnait que l’existence des Saintes-Maries-de-la-Mer, mais, en 1897, il décrit la petite ville camarguaise accessible par voie ferrée, signale le pèlerinage et de la présence des Gitans.

Le journal paroissial, tenu par les curés des Saintes de 1861 à 1939,   quand il mentionne leur présence insiste sur « l’aspect étrange, déroutant ou les manifestations exubérantes et quelque peu encombrantes de leur dévotion ». Vers 1900, un curé se demanda même ce que ces Gitans venaient faire au pèlerinage de mai et quelles raisons peu avouables les faisaient se mêler aux pèlerins locaux.  Par ailleurs, l’occupation nocturne de l’église donnait lieu à toutes sortes d’élucubrations que publiaient les journaux, il y était question d’élection de la reine des gitans, de célébration de messe noire,   de rituels secrets et même de sacrifices sanglants.

Un autre curé moins hostile à leur présence, notait : « Les bohémiens sont déjà arrivés. Usant d’un droit très ancien qu’on leur a laissé d’occuper, sous le chœur de l’église, la crypte de Sainte Sara, leur patronne légendaire, ils sont là accroupis au pied de l’autel, têtes crépues, lèvres ardentes, maniant des chapelets, couvrant de leurs baisers la châsse de leur sainte, et suant à grosses gouttes au milieu de centaines de cierges qu’ils allument ».

Il est assez admiratif quand il rapporte : « Jour et nuit, ils chantent des cantiques et marmonnent des prières que personne ne comprend, dans un langage qui n’a pas plus de nom que d’histoire… C’est un spectacle unique que leur présence à ces fêtes. Elle donne au pèlerinage un caractère d’originalité qui ne manque pas de pittoresque et de grandeur ».

Si le curé des Saintes souligne « leur zèle excessif, leur démonstration enthousiaste, leur abandon diligent », il se demande s’ils sont véritablement chrétiens et il serait tenté d’en douter. Il explique : « Tout incline à croire qu’ils ne font aucune attention aux offices et ne prennent aucune part au culte traditionnel. Ils semblent consacrer toute leur dévotion à l’autel de leur sainte privilégiée. Au moment des acclamations aux Saintes Maries, la plupart restent muets ou s’obstinent à répondre par le cri unique de Vive sainte Sara ».

Il reconnait cependant que nombreux sont ceux qui sont attachés à la religion catholique, qui font baptiser leurs enfants ou qui appellent un prêtre pour leurs malades. Il constate de plus que « pendant les fêtes des Saintes Maries, leur attitude est des plus respectueuses. Les longues heures qu’ils passent à la crypte, la vénération qu’ils ont pour les saintes châsses, l’empressement qu’ils mettent à porter, toucher, baiser, faire baiser à leurs enfants, à la procession, la barque qui contient les statues des Saintes, se disputent les fleurs qui la parent, témoignent de leurs sentiments chrétiens. Pour être quelques fois bruyante et exagérée, leur dévotion ne dénote pas moins chez eux un certain esprit de foi et de confiance qui les honore et fait plaisir à voir ».

Dans le journal de la paroisse se trouvent aussi quelques indications sur le nombre de Gitans qui fréquentaient alors le pèlerinage. Jusqu’en 1939, sur un total de dix à vingt mille pèlerins, ils étaient un bon millier arrivant dans une centaine de roulottes.

Église et pouvoirs publics en cette fin de xixe siècle, début de xxe, ne savent point trop quelle attitude adopter face aux Gitans. En 1895, un arrêté préfectoral interdit leur présence lors des fêtes de mai. Il est annulé trois ans plus tard, mais il est institué un registre des visiteurs pour entrer dans l’église. En 1907, une proposition de loi est déposée par Fernand David, député de Savoie, pour interdire tout rassemblement gitan lors du pèlerinage de printemps.

Le marquis de Baroncelli crée une tradition

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Un avignonnais, le marquis Folci de Baroncelli Javon s’installe en Camargue en 1895. Sa présence sur place va tout changer car il va devenir le personnage incontournable de ce pèlerinage.

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Folco de Baroncelli, extrêmement attaché aux traditions provençales suit les recommandations de Mistral, il écrit de la poésie et se charge d’organiser des manifestations populaires En 1904, installé à la mande de l’Amarée, proche du village, il crée la Nacioun gardiani. Les gardians qui la composent participent aux processions, montés sur ses chevaux blancs. Ils sont très rapidement rejoints par les Arlésiennes en costume.

Le syndicat d’initiative de Provence ayant organisé un voyage spécial de Marseille aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour quelque deux cents touristes, le 17 mai 1908, , le marquis de Baroncelli prend l’initiative de les accueillir à la gare, à cheval avec ses gardians, puis de les accompagner jusqu’au village. Cela fait grand bruit et dès lors la « tradition » devient un des atouts majeurs du tourisme saintain.

En 1921, l’archevêque d’Aix, Maurice-Louis-Marie Rivière, autorise une messe réservée aux Gitans dans la crypte et ils participent pour la première fois à la descente des châsses de l’église haute. Baroncelli sent une nouvelle opportunité et, quatre ans plus tard, à la tête de ses gardians, le marquis escorte la barque des Saintes Maries le jour de la procession.

Mais son successeur, l’archevêque Emmanuel Coste, interdit le prêche en provençal et défend aux Bohémiens de porter la statue de Sara lors de la procession du 25 mai 1934. Afin que les Gitans aient leur place pleine et entière aux fêtes de mai, le Marquis se bat pour que le culte de Sara soit reconnu par l’Église. Le nouvel archevêque, Clément Roques l’écoute et il obtient gain de cause. Il accepte que lors de la bénédiction de la mer la statue de Sara soit présente et portée les Gitans en procession jusqu’à la mer. C’est l’évènement historique du 24 mai 1935. Le clergé, réticent, ne participe pas à cette procession en faisant savoir qu’elle n’était que toléré. Baroncelli contre-attaque et l’année suivante, c’est l’archevêque d’Aix qui précède et bénit la procession.

Fini le temps où, afin de préserver « la dignité des cérémonies dans le chœur », l’accès des Gitans à la crypte de Sara la noire ne se faisait que par une porte dérobée. Les liens étroits que le Marquis entretenait avec certaines familles gitanes de Saint-Gilles et l’archevêché d’Aix a payé. La fierté des Gitans est immense, le pèlerinage vient de changer définitivement d’aspect.

Tout faillit être remis en cause en 1958 par l’Aumônerie nationale des Gitans. Pour contrer Sara la noire dont elle conteste la sainteté, elle introduit dans le pèlerinage gitan une Notre-Dame des Roulottes. Cette initiative relègue Sara au second plan. La presse locale ne manque pas de rappeler que dans la tradition catholique, Sara n’est en fait qu’une servante venue avec les Trois Maries.

La réplique se fit sur le même terrain du légendaire provençal. La Nacioun gardiano et les tenants du pèlerinage gitan rappelèrent que pour le Marquis Sara était la fille d’un roi des premiers occupants de la Camargue, les ancêtres des Gitans, et accueille sur la plage les premiers chrétiens arrivés de Palestine. Le diadème la rétablit dans son rang princier et de première chrétienne d’Europe.

L’Église tenta de reprendre l’initiative en annonçant qu’elle avait l’intention de transformer la procession en chemin de croix. Cette proposition se heurta à un tollé général et à une opposition déterminée non seulement des Gitans, qui se voyaient déposséder de leur pèlerinage, mais aussi de la municipalité des Saintes qui voyait d’un mauvais œil disparaître une de ses principales ressources touristiques. Ce front unique contraignit le clergé à céder. Et depuis 1965, il participe, archevêque en tête, à la procession des Gitans et Sara à la bénédiction de la mer.

Le pèlerinage des Gitans

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Par la volonté de Folco de Baroncelli, l’intégration des Gitans au pèlerinage l’a métamorphosé. Tout d’abord il est devenu le pèlerinage international de tous les Gens du Voyage.

Durant la semaine qui précède la procession, des veillées se succèdent dans l’église de Notre-Dame-de-ma-Mer dont la crypte est embrasée de cierges et baigne dans une chaleur d’étuve. Les fidèles sont précédés des violons et des guitares. Chacun se doit de prier très fort, de clamer des invocations, de présenter ses enfants à bout de bras devant les statues. Outre les messages déposés dans la boite aux intentions, on y glisse des linges d’enfants ou des bijoux. Les femmes habillent Sara qui est alors revêtue d’une cinquantaine de robes différentes. De nombreuses familles profitent de ce rassemblement pour faire baptiser leurs enfants, dans le sanctuaire camarguais.

Fernand Benoît, qui fut le premier historien à décrypter ce folklore, souligne pour les trois Maries et pour Sara, l’importance de la procession à la mer. L’immersion de la sainte noire, que font les Bohémiens, précède d’un jour celle des Maries en leur barque. La statue de Sara est immergée jusqu’à mi-corps.

En Camargue, l’immersion rituelle dans la mer obéit à une tradition séculaire. Déjà au XVIIè siècle, les Camarguaises et Camarguais se rendaient à travers les bois et les vignes, sur la plage, alors éloignée de plusieurs kilomètres de l’église des Saintes, et se prosternaient à genoux dans la mer.

« Le rite de la navigation du « char naval », dépouillé de la légende du débarquement, apparaît comme une cérémonie complexe qui unit procession du char à travers la campagne et pratique de l’immersion des reliques, il se rattache aux processions agraires et purificatrices qui nous ont été conservées par les fêtes des Rogations et du Carnaval »

 Fernand Benoit, La Provence et le Comtat Venaissin, Arts et traditions populaires

Et l’historien de souligner que ces processions à la mer participent au caractère même de la civilisation provençale et à sa crainte respectueuse de la Méditerranée puisqu’elles se retrouvent tant aux Saintes-Maries-de-la-Mer, qu’à Fréjus, Monaco, Saint-Tropez, qu’à Fréjus, Monaco ou Collioure,  liées à d’autres saints ou saintes

Si le pèlerinage s’est transformé et renforcé jusqu’à nos jours, s’il a évolué, il l’a fait dans le cadre de l’évolution des rapports de la société saintoise et des populations gitanes. Comme l’explique Marc Bordigoni : « Le caractère emblématique de ce moment s’est traduit, par exemple en 2001, par la tenue de l’assemblée générale de deux importantes associations intervenant dans le monde du voyage, par la venue de dix élèves de l’École nationale d’Administration en voyage d’études, par un débat avec le préfet responsable des Gens du Voyage au ministère de l’Intérieur, par la présence d’un émissaire du Vatican »

Des quelques dizaines de verdines hippomobiles qui se garaient sans peine dans les rues du village, souvent devant la même maison, ce qui permettait de tisser des liens avec l’habitant, l’affluence des Gens du Voyage comme des touristes a modifié les règles du jeu. Les stationnements sont réglementés, les renforts de gendarmerie et de gardes mobiles omniprésents, les besoins en sanitaires et en points d’eau extérieurs importants. Il n’est même plus possible de faire des feux de camp.

Au cœur des Saintes se trouve la place des Gitans. Là stationnaient et stationnent encore, nombre de caravanes, tandis que les huit ou dix mille gens du voyage s’installent péniblement dans le bourg camarguais. Les caravanes forment une cité éphémère avec ses avenues, ses venelles et ses quartiers

Le pèlerinage a connu une croissance de quelques milliers de personnes au début du xxe siècle pour atteindre 40 000 personnes certaines années. Aujourd’hui on compte entre sept et dix mille Gitans pour quatre à cinq mille pèlerins venus des départements voisins

C’est une limite due à la situation géographique des Saintes, village entouré d’eau, par la mer au sud et par les étangs au nord. Mais tel qu’il est devenu le pèlerinage des Gitans bénéficie d’une large couverture médiatique, en particulier les médias privilégiant la photographie ou le film.

Il est sûr que la mise en scène voulue par le Marquis a donné à ce pèlerinage un impact touristique immense. Déjà, la descente de châsses et les deux processions à la mer constituaient un fait touristique important. Mais la présence majoritaire des Gitans, accueillis en Provence camarguaise est devenu l’élément le plus attractif.

Pour rompre avec la conception traditionnelle du Gitan et de sa famille, une exposition est organisée chaque année dans les locaux du Relais culturel. Elle permet de répondre aux interrogations des touristes, tout en mettant en valeur quelques artistes d’exception, dont les joueurs de flamenco. Le principal étant Manitas de Plata qui a ébloui Pablo Picasso et que Lucien Clergue a souvent photographié aux Saintes.

En l’an 2000 une soirée musicale s’est déroulée dans les arènes. Elle était organisée par Chico Bouchikhi (ex*Gipsy-Kings) et mêla un public de Saintois, de touristes et de gens du voyage, « tous devenant également spectateurs, chacun retrouvant sa place particulière dès le lendemain ». La gitanité était devenue à la mode.

Cette culture gitane a fait la renommée des Saintes. Elle est d’ailleurs indispensable à ce village, vivant du tourisme. Ses habitants s’en servent puisque nombre d’enseignes commerciales ont choisi un nom faisant référence au monde gitan.

Par contrecoup, certains touristes considèrent les Saintes à l’égal d’un Disneyland camarguo-gitan. Ils en réclament tous les services qu’ils pensent être en droit d’exiger. À contrario, certains restaurateurs tiennent à conserver leurs horaires, et refusent le service continu que d’autres offrent déjà. Ce tourisme de masse influence fortement la vie du village et induit plus de mutations que le traditionnel pèlerinage n’a jamais pu le faire.

Le spectacle est en ville. Il y a d’abord les musiciens, guitaristes de flamenco, accordéonistes roms, violonistes manouches. Ils provoquent ou accompagnent les danses gitanes, où s’exercent jeunes et moins jeunes, et se régalent d’accompagner des « dames originales, qui souvent d’une année sur l’autre reviennent et se voient attribuer un sobriquet, comme la Sardinha, par exemple ».

Pendant ce temps, les Romnia, ne se privent pas de lire les lignes de la main et de dire la bonne aventure sur la place de l’église. Les appareils photos crépitent et les caméscopes tournent. Photographes et cameramen ne sont pas tous des touristes. Chaque année, viennent une cinquantaine de professionnels pour couvrir l’évènement, dont quinze équipes de télévision.

Autre moment important lors des processions, la présence des Arlésiennes et des gardians en costumes traditionnels. Ces Provençaux sont un des sujets favoris des preneurs d’image.

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L’aspect le plus frappant de ces festivités est l’habit, ou plus précisément la gamme très variée des habits. Marc Bordigoni remarque : « On croise des Romnia avec leurs longues robes à fleurs, des Gitanes superbement habillées à la mode andalouse, des jeunes filles perchées sur des chaussures compensées de quinze centimètres et aux tenues plutôt sexy, des jeunes hommes en costume ou chemise blanche mais portant de la marque, de grosses chevalières d’or aux doigts, des tatouages plus ou moins discrets sur le bras, quelques enfants dépenaillés – presque grimés en pauvres gavroches dirait-on – une guitare à la main, des hommes sur leur trente et un avec ou sans chapeau, quelques types épatants de Voyageurs ». Cette variété vestimentaire n’est pas le seul fait des pèlerins Gitans et se retrouve chez tous les autres groupes sociaux.

Et l’ethnologue d’énumérer : « Mais l’on voit aussi des prêtres, des aumôniers et des religieuses, tantôt en civil, tantôt portant des aubes décorées de guitare, de feux de camp ou de roulotte ; des évêques avec mitre ; des gendarmes, en grand nombre, par groupes de six, en tenue d’été le jour, le soir gardes mobiles en « tortues Ninja », la police municipale de blanc vêtue, des fausses gitanes…, des gardians de tous âges et toutes nationalités, des Arlésiennes, d’Arles… de Savoie ou du Poitou, des originales, amatrices de flamenco comme la Sardinha ; des bourgeoises blondes et bronzées de Marseille ou Montpellier en T-shirt Thierry Lacroix au bras de leur compagnon arborant chemise camarguaise, jean et bottes texanes ; des bikers en cuir noir garant leurs trente Harley-Davidson devant l’office du tourisme ; quelques hippies ayant traversé l’espace-temps, etc. ».

Nul n’échappe à cette attraction vestimentaire, que Marc Bordigoni décrit comme une « mise en scène de soi » et les simples touristes, qui vont venir pour la première fois, ne manquent pas de s’informer auprès du syndicat d’initiative pour connaître la manière de s’habiller pour ne pas « passer pour des touristes ».

Le pèlerinage des Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer donne donc, pendant quelques jours, la possibilité à tout un chacun de se costumer, et ainsi de « dépasser les ennuis de la vie quotidienne, les incertitudes d’un monde de plus en plus monotone et agressif, en interrogeant leur passé, tant personnel que collectif, et à rompre ainsi leur solitude ».

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Bibliographie

Sophie Bergaglio (feat. Sébastien AUBLANC), L’histoire du pèlerinage des Saintes-Mariesde-la-mer, (2016) Edition des Lilas,

Jean-Paul Clébert.  Guide de la Provence mystérieuse, Éd. Tchou, Paris, 1972.

Fernand Benoît. La Provence et le Comtat Venaissin, Atrs et traditions populaires, Éd. Aubanel, Avignon, 1992

Marc Bordigoni, Le pèlerinage des Gitans, entre foi, tradition et tourisme, Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative (Idemec), Aix-en-Provence

Pierre Causse, Saintes-Maries-de-la-Mer, les deux Maries, in La Roulotte, no 149, avril 1999

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Source ; Wikipédia

CHJRISTIANISME, EGLISE CATHOLIQUE, PELERINAGE, PROVENCE, SAINTES-MARIES-DE-LA-MER

Santuaire des Saintes-Marie-de-la-Mer

Sanctuaire des  Saintes-Maries-de-la-Mer

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Historique

LE PREMIER SANCTUAIRE

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Une église primitive de dimensions modestes est construite autour du puits avant le VI°. Conservée à l’intérieur de l’église forteresse, elle est démolie lors des fouilles ordonnées par le roi René en 1448.

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Dans son testament de 542, saint Césaire, évêque d’Arles, mentionne une église dédiée à Notre Dame du Radeau. De dimensions modestes – on parle d’environ 15 mètres – elle était fermée devant par une grille de fer  et sur les trois autres cotés par une muraille de pierre de taille. Elle occupait la partie centrale de la nef actuelle, touchant le chœur. On l’avait construite autour du puits que l’on peut toujours voir de nos jours car la tradition disait que les Saintes avaient élevé là un autel à la Sainte Vierge, le premier sur la terre des Gaules, et avaient vécu près de ce puits.

Au moment de l’édification du premier sanctuaire, le pays jouissait d’un temps de paix : on ne le fortifia donc pas. A partir du IX°, les incursions des sarrasins venus de la mer entrainent la construction d’une église forteresse qui englobe l’église primitive. Celle-ci gênait la circulation : pour aller de la nef au cœur, il fallait passer par des couloirs entre les murs des deux églises ! On la conserva cependant car on pensait qu’elle renfermait le corps des Saintes et parce que c’est là que les pèlerins les priaient et déposaient des couronnes. En 1448, le roi René ordonna les fouilles pour retrouver les corps des Saintes. On les retrouve ! Les reliques, placées dans les châsses sont élevées à la chapelle haute. Le premier sanctuaire est alors démoli.

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LES SAINTES

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Les Saintes

PARENTES DE LA VIERGE ET MÈRES DES APÔTRES

Qui sont les Saintes ? Comment sont-elles arrivées ici ?

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Nos Saintes, Marie-Salomé et Marie-Jacobé, nous sont connues par l’Evangile (Mt 27/56; Jn 19,25; Mc 15,40; 16,1, etc…).

Marie-Salomé est la mère de Jacques le Majeur, vénéré à Compostelle, et de Jean l’évangéliste.

Marie-Jacobée est la mère de plusieurs apôtres dont Jacques le Mineur et José.

Proches parentes de Jésus, elles le suivent jusqu’au pied de la Croix avec d’autres femmes dont Marie-Madeleine. Venues au tombeau le dimanche de Pâques avec des parfums pour embaumer le corps du Christ, elles sont les premiers témoins de la Résurrection.

Lors de la persécution des chrétiens dans les années 45, elles sont chassées de Palestine.

La tradition les dit poussées à la mer, sur une barque sans voile ni rame, promises à une mort certaine, avec Marie-Madeleine, Marthe, Lazare, Maximin, et d’autres disciples.

Elles parviennent en Camargue où commence l’évangélisation de la Gaule.

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Dans l’Évangile de Saint Matthieu : Mt 27/50 – 28/10

Or Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
Et voilà que le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent,
les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent :
ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et se firent voir à bien des gens.
Quant au centurion et aux hommes qui avec lui gardaient Jésus, à la vue du séisme et de ce qui se passait, ils furent saisis d’une grande frayeur et dirent : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ! »
27/55-56 : Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là même qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient,entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
Le soir venu, il vint un homme riche d’Arimathie, du nom de Joseph, qui s’était fait, lui aussi, disciple de Jésus.
Il alla trouver Pilate et réclama le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna qu’on le lui remît.
Joseph prit donc le corps, le roula dans un linceul propre.
et le mit dans le tombeau neuf qu’il s’était fait tailler dans le roc ; puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
27/61 : Or il y avait là Marie de Magdala et l’autre Marie, assises en face du sépulcre.

28/1 : Après le jour du sabbat, comme le premier jour de la semaine commençait à poindre, Marie de Magdala et l’autre Marie vinrent visiter le sépulcre.
Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : l’Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s’assit

Il avait l’aspect de l’éclair, et sa robe était blanche comme neige.
A sa vue, les gardes tressaillirent d’effroi et devinrent comme morts.
28/5-10 : Mais l’ange prit la parole et dit aux femmes : « Ne craignez point, vous : je sais bien que vous cherchez Jésus, le Crucifié.
Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez voir le lieu où il gisait,et vite allez dire à ses disciples : Il est ressuscité d’entre les morts, et voilà qu’il vous précède en Galilée; c’est là que vous le verrez. Voilà, je vous l’ai dit. »
Quittant vite le tombeau, tout émues et pleines de joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
Et voici que Jésus vint à leur rencontre :
 » Je vous salue « , dit-il. Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui.
Alors Jésus leur dit : « Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront. »

 Dans l’Évangile de Saint Marc : Mc 15/37-16/6.

Jésus, jetant un grand cri, expira.
Et le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas.
Voyant qu’il avait ainsi expiré, le centurion, qui se tenait en face de lui, s’écria : « Vraiment cet homme était fils de Dieu ! »

15/40-41 : Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et Salomé,qui le suivaient et le servaient lorsqu’il était en Galilée ; beaucoup d’autres encore qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Déjà le soir était venu et comme c’était la Préparation, c’est-à-dire la veille du sabbat,

Joseph d’Arimathie, membre notable du Conseil, qui attendait lui aussi le Royaume de Dieu, s’en vint hardiment trouver Pilate et réclama le corps de Jésus.
Pilate s’étonna qu’il fût déjà mort et, ayant fait appeler le centurion, il lui demanda s’il était mort depuis longtemps.
Informé par le centurion, il octroya le corps à Joseph.
Celui-ci, ayant acheté un linceul, descendit Jésus, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans une tombe qui avait été taillée dans le roc ; puis il roula une pierre à l’entrée du tombeau.
15/47 : Or, Marie de Magdala et Marie, mère de Joset, regardaient où on l’avait mis.


16/1-6 : Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller oindre le corps.

Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil s’étant levé.
Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre hors de la porte du tombeau ? »

Et ayant levé les yeux, elles virent que la pierre avait été roulée de côté : or elle était fort grande.
Étant entrées dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d’une robe blanche, et elles furent saisies de stupeur.
Mais il leur dit :  » Ne vous effrayez pas. C’est Jésus le Nazarénien que vous cherchez, le Crucifié : il est ressuscité, il n’est pas ici. Voici le lieu où on l’avait mis

 Dans l’Évangile de Saint Jean : Jn 19/25-27.

Jn 19/25 : Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.
Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »
Puis il dit au disciple :  » Voici ta mère.  » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui.

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Le message des Saintes

PRÉSENTATION DU PÈRE JEAN-RÉMY FALCIOLA

Novembre 2016

Au moment où je viens de faire mes premiers pas en Terre de Camargue et plus précisément à la Paroisse Sanctuaire des Saintes Maries de la Mer je souhaitais à vous Saintois, pèlerins ou personnes de passage vous adresser ces quelques mots ayant été nommé prêtre desservant en étroite collaboration avec P. Michel DESPLANCHES, Vicaire Général du Diocèse d’Aix et Arles et qui en sera l’Administrateur.

Mon nom P. FALCIOLA est très chantant…marquant mes origines familiales de la région des lacs du nord de l’Italie mais aussi ardéchois du sud, mon prénom Jean-Rémy a un petit accent provençal ayant vécu quelques années dans la région de Nîmes, Avignon et Carpentras.

Mes passions ont d’abord été liées au théâtre puis sans transition au monde financier de la banque mais sans éteindre en moi ma passion pour le Christ et l’Evangile dès ma petite enfance pour la concrétiser en devenant prêtre diocésain. Mon ministère dans le Diocèse de Lyon d’où je suis natif a été très varié et m’a toujours apporté de grandes joies, en paroisse, dans des services diocésains, dans des Mouvements de Jeunes le MEJ, les Scouts puis comme Recteur du Sanctuaire de ND de Fourvère et Curé de la Cathédrale St Jean.

Mais assez parlé de moi… sinon vous saurez tout de moi alors que je souhaite d’abord vous connaître, vous découvrir pour me révéler progressivement le « Mystère spirituel » de ce haut lieu de la foi qu’est l’Eglise des Saintes.

C’est le bout du monde m’avait-on dit…pourtant en peu de jours, ayant vécu déjà des moments de grande profondeur spirituelle j’ai pris conscience que se trouvaient là à mes pieds la vague déferlante qui avait ancré le commencement de l’évangélisation de notre pays à ses origines chrétiennes.

Quelle joie de penser et de croire que le « bout du monde » est à l’origine de la merveilleuse Annonce de la Bonne Nouvelle : « Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité… »

Ici nous touchons du doigt grâce aux Saintes Femmes Marie Jacobé, Marie Salomé et Sainte Sara notre proximité au Christ dans l’ordinaire de notre vie.

Combien sont bénies ces rives de la mer qui ont accueilli le message des premiers témoins de la Foi. En débarquant en Terre de Camargue « les Saintes Maries » ont permis que le noble fleuve Rhône unisse ses deux bras pour faire remonter à contre courant jusqu’à Lyon (Lugdunum) et au-delà le souffle puissant de l’Evangile qui nous a offert le plus des cadeaux : la Miséricorde de Dieu.

Chers(es) Amis(es) ne cessons pas d’en rendre grâce chaque jour….   

Père Jean-Rémy 

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Sara

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Sainte Sara, humble servante ?
Patronne des gens du voyage, sainte Sara reste une énigme. L’histoire a conservé plusieurs traditions qui évoquent cette figure non attestée par l’Evangile. On raconte ce qu’elle a vécu de façon symbolique, comme bien des récits bibliques.

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Qui donc est sainte Sara ? La question revient sans cesse, très naturellement. D’autant plus que jusqu’à nos jours personne ne peut donner de réponse historique et scientifique définitive. Nos anciens prêtres, Père Morel et Causse, pour ne citer qu’eux, ont régulièrement répondu à cette question, se référant au mot de Mgr de Provenchères, ancien Archevêque d’Aix et Arles, qui disait : « Le culte de Sara est immémorial, c’est pourquoi je le maintiens sous sa forme traditionnelle ». Nous reproduisons ici un article du Père Causse paru dans LA ROULOTTE, journal de l’aumônerie des Gitans, en avril 1999 : « Quant à SARA, la légende chrétienne nous la présente comme l’humble servante, la familière, qui pleure sur la grève le départ de ses maîtresses Jacobé et Salomé, que la fureur des Juifs a jetées avec d’autres dans cette « barque sans rame ni voile ». Révoltée, Sara veut partager le sort des condamnées, quel qu’il soit. Alors, Salomé lui jette son manteau sur lequel elle marche à travers les flots et vient prendre place auprès de ses amies.
Tout autre est le récit de la tradition camarguaise. Pas plus qu’elle n’est servante, Sara n’est du voyage.

Une prêtresse ?
Comme la tige de lotus sacré, Sara, issue de race noble, monte des profondeurs mystérieuses s’épanouir au soleil. Reine autochtone de sa tribu, elle campe dans les forêts de pins parasols qui ombragent le territoire. Sylves et marécages, boeufs et chevaux sauvages font de ce pays une source d’abondance incomparable. Longtemps avant le Christ, cette population nomade avait en Camargue son port d’attache, sa vie, son temple. Sara ne serait-elle pas une de ses prêtresses? A l’arrivée des Saintes, Sara les accueillit, se convertit à leur prédication et reçut le baptême ainsi que sa tribu. Selon d’autres versions, il s’agirait de Sara l’Egyptienne, abbesse d’un grand couvent de Libye et fêtée par l’Eglise le 13 juillet. Ou bien encore, d’une Sara qui figurait dans un groupe de martyrs persans avec deux Maries et une Marthe et dont les reliques seraient parvenues jusqu’en Gaule. Enfin, la lettre apocryphe des Apôtres remontant incontestablement au II° siècle, nous présente une Sara découvrant, avec Marthe et Marie le tombeau vide et partant annoncer aux apôtres la Résurrection du Christ.

Honorée le 24 mai
La première version de Sara se trouve dans un texte de Vincent Philippon, baïle (ou préposé) du viguier du comté de Provence, rédigé vers 1521: « La légende des Saintes Maries » et dont le manuscrit est à la bibliothèque d’Arles. On l’y voit quêtant à travers la Camargue pour subvenir aux besoins de la petite communauté chrétienne. En vérité, nul ne sait qui est Sainte Sara, ni comment son culte s’instaura aux Saintes Maries de la Mer. Ce qui est certain, c’est que la dévotion à Sara commença dans cette église bien avant que les Gitans la fassent leur. Toutes les versions concordent en tout cas à montrer que Sara aimait nos Saintes, qu’elle a cru en leur parole, en leur témoignage sur la Résurrection du Christ. Nous ne pouvons mieux faire que de lui ressembler, et d’aimer nous aussi Marie-Salomé et Marie-Jacobé comme elle les a aimées. Sainte Sara est à jamais associée dans notre prière aux Saintes Femmes de l’Évangile. Nous l’acclamerons donc avec ferveur lors du pèlerinage du 24 Mai qui lui est particulièrement consacré : « Vive Sainte Sara ! »

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http://www.sanctuaire-des-saintesmaries.fr/le-sanctuaire-au-quotidien.html

 

 

COMPOSTELLE, JACQUES LE MAJEUR, PELERINAGE

La légende de saint Jacques le Majeur à Compostelle

SAINT JACQUES LE MAJEUR

selon la « Légende dorée » de Jacques de Vorogine

Traduction de l’abbé Roze publiée en 1900

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Cet apôtre fut appelé Jacques, fils de Zébédée, Jacques, frère de Jean, Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre, et Jacques le Majeur.

On appelle Jacques, fils de Zébédée, non pas seulement parce qu’il fut son fils selon la chair, mais pour faire comprendre son nom. Zébédée signifie donnant ou donné, et saint Jacques se donna lui-même à J. C. par sa mort qui fut un martyre; et il a été donné de Dieu pour être notre patron* spirituel.
* Le lecteur se rappelle que l’auteur s’appelle Jacques.

On l’appelle Jacques, frère de Jean, parce qu’il fut son frère et, selon la chair et selon la ressemblance de la conduite. Tous les deux en effet eurent le même zèle, le même désir de savoir, et firent les mêmes souhaits. Ils eurent le même zèle pour venger le Seigneur ; en effet comme les Samaritains ne voulaient pas recevoir J. C., Jacques et Jean dirent: « Voulez-vous que nous commandions que le feu du ciel descende et qu’il consume ces gens-là ? » Ils eurent le même goût pour apprendre : ce furent eux principalement qui interrogèrent J. C. au sujet du jour du jugement et des autres choses à venir. Ils firent les mêmes souhaits, car tous les deux voulurent avoir leur place pour s’asseoir l’un à la droite et l’autre à la gauche de J. C.

On l’appelle fils du tonnerre, en raison du bruit que faisaient ses prédications, parce qu’il effrayait les méchants, il excitait les paresseux, et il s’attirait l’admiration générale par la profondeur de ses paroles. II en fut de lui comme de saint Jean; dont Bède dit: « Il a retenti si haut que s’il eût retenti un peu plus, le monde entier n’aurait pu le contenir. »

On l’appelle Jacques le Majeur comme l’autre est appelé le Mineur : 1° en raison de vocation ; car il fut appelé le premier par J. C. 2° en raison de familiarité ; car J. C. parait avoir été plus familier avec lui qu’avec l’autre ; on en a la certitude, puisque le Sauveur l’admettait dans ses secrets ainsi il l’admit à la résurrection de la jeune fille et à sa glorieuse transfiguration; 3° en raison de sa passion ; car ce fut le premier des apôtres qui souffrit le martyre. De même qu’on l’appelle majeur pour avoir été le premier à l’honneur de l’apostolat, de même on peut l’appeler majeur pour avoir été appelé le premier à la gloire de l’éternité.

Saint Jacques, apôtre, fils de Zébédée, après l’ascension du Seigneur, prêcha en Judée et dans le pays de Samarie ; il vint enfin en Espagne, pour y semer la parole de Dieu ; mais comme il voyait que ses paroles ne profitaient pas, et qu’il n’y avait gagné que neuf disciples, il en laissa deux seulement pour prêcher, dans le pays, et il revint avec les autres en Judée. Cependant maître Jean Beleth dit qu’il ne convertit qu’un seul homme en Espagne.

 

Pendant qu’il prêchait en Judée, la parole de Dieu, un magicien nommé Hermogène, d’accord avec les Pharisiens, envoya à saint Jacques un de ses disciples, nommé Philétus, pour prouver à l’apôtre que ce qu’il annonçait était faux. Mais l’apôtre l’ayant convaincu devant une foule de personnes par des preuves évidentes, et opéré en sa présence de nombreux miracles, Philétus revint trouver Hermogène, en justifiant la doctrine de saint Jacques : il raconta en outre les miracles opérés par le saint, déclara vouloir devenir son disciple et l’exhorta lui-même à l’imiter.

 

Mais Hermogène en colère, le rendit tellement immobile par sa magie qu’il ne pouvait remuer un seul membre : « Nous verrons, dit-il, si ton Jacques te déliera. » Philétus informa Jacques de cela par son valet, l’apôtre lui envoya son suaire et dit : « Qu’il prenne ce suaire et qu’il dise : « Le Seigneur relève ceux qui sont abattus ; il délie ceux qui sont enchaînés (Ps. CXLV). » Et aussitôt qu’on eut touché Philétus avec le suaire, il fut délié de ses chaînes, se moqua des sortilèges d’Hermogène et se hâta d’aller trouver saint Jacques.

 

Hermogène irrité convoqua les démons, et leur ordonna de lui amener Jacques garrotté avec Philétus, afin de se venger d’eux et qu’à l’avenir les disciples de l’apôtre n’eussent plus l’audace de l’insulter. Or, les démons qui vinrent vers Jacques se mirent à hurler dans l’air en disant : « Jacques, apôtre, ayez pitié de nous ; car nous brûlons dès avant que notre temps soit venu. » Saint-Jacques leur dit : « Pourquoi êtes-vous venus vers moi ? » Ils répondirent : « C’est Hermogène qui nous a envoyés pour vous amener à lui, avec Philétus ; mais à peine nous dirigions-nous vers vous que l’ange de Dieu nous a liés avec des chaînes de feu et nous a beaucoup tourmentés. » « Que l’ange du Seigneur vous délie, reprit l’apôtre; retournez à Hermogène et amenez-le moi garrotté, mais sans lui faire de mal. »

 

Ils s’en allèrent donc prendre Hermogène, lui lièrent les mains derrière le dos et l’amenèrent ainsi garrotté à saint Jacques, en disant : « Où tu nous as envoyés, nous avons été brûlés et horriblement tourmentés. » Et les démons dirent à saint Jacques :  » Mettez-le sous notre puissance, afin que nous nous vengions des injures que vous avez reçues et du feu qui nous a brûlés. » Saint Jacques leur dit : « Voici Philétus devant vous, pourquoi ne le tenez-vous pas ? » Les démons répondirent : « Nous ne pouvons même pas toucher de la main une fourmi qui est dans vôtre chambre. » Saint Jacques alors dit à Philétus . « Afin de rendre le bien pour le mal, selon que J. C. nous l’a enseigné, Hermogéne vous a liés; vous, déliez-le. »

 

Hermogène libre resta confus et saint Jacques lui dit : « Va librement où tu voudras ; car nous n’avons pas pour principe de convertir quelqu’un malgré soi. » Hermogène répondit : « Je connais trop la rage des démons : Si vous ne me donnez un objet que je porte avec moi, ils me tueront. » Saint Jacques lui donna son bâton : alors Hermogène alla chercher tous ses livres de magie et les apporta à l’apôtre pour que celui-ci les brûlât. Mais saint Jacques, de peur que l’odeur de ce feu n’incommodât ceux qui n’étaient point sur leur garde, lui ordonna de jeter les livres dans la mer. Hermogène, à son retour, se prosterna aux pieds de l’apôtre et lui dit : « Libérateur des âmes, accueillez un pénitent que vous avez épargné jusqu’ici, quoique envieux et calomniateur. » Dès, lors il vécut dans la crainte de Dieu, au point qu’il opéra une foule de prodiges.

 

Alors les Juifs, transportés de colère en voyant Hermogène converti, vinrent trouver saint Jacques et lui reprochèrent de prêcher Jésus crucifié. Mais il leur prouva avec évidence par les Écritures la venue du Christ et sa passion, et plusieurs crurent. Or, Abiathar, qui était grand-prêtre cette année-là, excita une sédition parmi le peuple; il fit conduire à Hérode Agrippa l’apôtre, une corde au cou. Le prince ordonna de décapiter saint Jacques et un paralytique couché sur le chemin lui cria de le guérir. Saint Jacques lui dit : « Au nom de J. C. pour la foi duquel on va me couper la tête, lève-toi guéri, et bénis ton créateur. » A l’instant il se leva guéri et bénit le Seigneur. Or, un scribe appelé Josias, qui avait mis la corde au cou de l’apôtre et qui le tirait, à la vue de ce miracle, se jeta à ses pieds, lui adressa des excuses et demanda à se faire chrétien. Abiathar à cette vue le fit empoigner et lui dit : « Si tu ne maudis le nom du Christ, tu seras décapité en même temps que Jacques. » Josias reprit : « Maudit sois-tu toi-même, maudites soient tes années, mais que le nom du Seigneur J. C. soit béni dans les siècles. » Alors Abiathar lui fit frapper la bouche à coups de poing et envoya demander à Hérode l’autorisation de le décapiter avec Jacques. Tous les deux allaient être décapités quand saint Jacques demanda au bourreau un vase plein d’eau, et baptisa Josias, immédiatement. L’un et l’autre consommèrent leur martyre, un instant après, en ayant la tête tranchée.

 

Saint Jacques fut décollé le 8 des calendes d’avril (25 mars), le jour de l’Annonciation du Seigneur; son corps fut transporté à Compostelle, le 8 des calendes d’août (25 juillet) et enseveli le 3 des calendes de janvier (30 décembre), parce que la construction de son tombeau dura de août à janvier. L’Église établit qu’on célébrerait universellement sa fête au 8 des calendes d’août, qui est un temps plus convenable. Or, après que saint Jacques eut été décollé, ainsi que le rapporte Jean Beleth, qui a écrit avec soin l’histoire de cette translation, ses disciples enlevèrent son corps pendant 1a nuit par crainte des Juifs, le mirent sur un vaisseau et abandonnant à la divine Providence le soin de sa sépulture, ils montèrent sur ce navire dépourvu de gouvernail ; sous la conduite de l’ange de Dieu, ils abordèrent en Galice, au royaume de Louve.

 

Il y avait alors en Espagne une reine qui portait réellement ce nom et qui le méritait. Les disciples déchargèrent le corps, et le posèrent sur une pierre énorme, qui, en se fondant comme de la cire sous le corps, se façonna merveilleusement en sarcophage. Les disciples vinrent dire à Louve : « Le Seigneur J. C. t’envoie le corps de son disciple, afin que tu reçoives mort celui que tu n’as pas voulu recevoir vivant. » Ils lui racontèrent alors le miracle par lequel il avait abordé en son pays sans gouvernail ; et lui demandèrent un lieu convenable pour sa sépulture. La reine entendant cela, toujours selon Jean Beleth, les adressa, par supercherie, à un homme très cruel, ou bien, d’après d’autres auteurs, au roi d’Espagne, afin d’obtenir là-dessus son consentement ; mais ce roi les fit mettre en prison. Or, pendant qu’il était à table, l’ange du Seigneur ouvrit la prison et les laissa s’en aller en liberté.

 

Quand le roi l’eut appris, il envoya à la hâte des soldats pour les ressaisir. Un pont sur lequel passaient les soldats vint à s’écrouler, et tous furent noyés dans le fleuve. A cette nouvelle, le roi, qui regrettait ce qu’il avait fait et qui craignait pour soi et pour les siens, envoya prier les disciples de revenir chez lui et leur permit de lui demander tout ce qu’ils voudraient. Ils revinrent donc et convertirent à la foi tout le peuple de la cité. Louve fut très chagrinée en apprenant ces: faits ; et quand les disciples la vinrent trouver pour lui présenter l’autorisation du roi, elle répondit : « Prenez mes boeufs qui sont en tel endroit ou sur la montagne ; attelez-les à un char, portez le corps de votre maître, puis dans le lieu qu’il vous plaira, bâtissez à votre goût. »

 

Or, elle parlait en louve, car elle savait que ces boeufs étaient des taureaux indomptés et sauvages ; c’est pour cela qu’elle pensa qu’on ne pourrait ni tes réunir, ni les atteler, ou bien que si on pouvait les accoupler, ils courraient çà et là, briseraient le char, renverseraient le corps et tueraient les conducteurs eux-mêmes. Mais il n’y a point de sagesse contre Dieu (Prov., XXI). Ceux-ci, ne soupçonnant pas malice, gravissent la montagne, où ils rencontrent un dragon qui respirait du feu ; il allait arriver sur eux, quand ils firent le signe de la croix pour se défendre et coupèrent ce dragon par le milieu du ventre. Ils firent aussi le signe de la croix sur les taureaux qui, instantanément, deviennent doux comme des agneaux ; on les attelle on met sur le char le corps de saint Jacques avec la pierre sur laquelle il avait été déposé. Les boeufs alors, sans que personne les dirigeât, amenèrent le corps au milieu du palais de Louve qui, à cette vue, resta stupéfaite. Elle crut et se fit chrétienne. Tout ce que les disciples demandèrent, elle le leur accorda ; elle dédia en l’honneur de saint Jacques son palais pour en faire une église qu’elle dota magnifiquement ; puis elle finit sa vie dans la pratique des bonnes œuvres.

 

Le pape Calixte dit qu’un homme du diocèse de Modène, nommé Bernard, était captif et enchaîné au fond d’une tour ; constamment il invoquait saint Jacques. Le saint lui apparut : « Viens, lui dit-il, suis-moi en Galice » ; puis il brisa ses chaînes et disparut ; alors le prisonnier suspendit ses chaînes à son cou, monta au haut de la tour d’où il ne fit qu’un saut sans se blesser, bien que la tour eût soixante coudées de hauteur.

 

Un homme, dit Bède, avait commis à plusieurs reprises un péché énorme ; or, l’évêque, peu rassuré en l’absolvant en confession, envoya cet homme à Saint-Jacques en lui donnant une cédule sur laquelle ce péché avait été écrit. Le pèlerin posa, le jour de la fête du saint, la cédule sur l’autel et pria saint Jacques de lui remettre le péché par ses mérites ; après quoi il ouvrit la cédule et trouva tout effacé ; il rendit grâces à Dieu et à saint Jacques et raconta publiquement le fait à tout le monde.

 

Trente hommes de la Lorraine, au rapport de Hubert de Besançon, allèrent vers l’an 1080 à Saint-Jacques, et se donnèrent l’un à l’autre, un seul excepté, la promesse de s’entr’aider. Or, l’un d’eux étant tombé malade, ses compagnons l’attendirent pendant 15 jours ; mais enfin tous l’abandonnent à l’exception de celui-là seul qui ne s’était pas engagé. Il le garda au pied du mont Saint-Michel ; mais sur le soir le malade mourut.  Or, le survivant eut une grande peur occasionnée par la solitude de l’endroit, par la présence du cadavre, par la nuit qui menaçait d’être noire, enfin par la férocité des barbares du pays ; à l’instant saint Jacques lui apparut, sous la figure d’un chevalier et le consola en disant : « Donne-moi ce mort, et toi, monte derrière moi sur le cheval. » Ce fut ainsi que, cette nuit-là avant le lever du soleil, ils firent quinze journées de chemin et arrivèrent à Montjoie qui n’est qu’à une demi-lieue de Saint-Jacques. Là le saint les mit à terre et commanda de convoquer les chanoines de Saint-Jacques pour ensevelir le pèlerin qui était mort, et de dire à ses compagnons, que, pour avoir manqué à leur promesse, leur pèlerinage ne vaudrait rien. Le pèlerin accomplit ces ordres, et ses compagnons furent très saisis et pour le chemin qu’il avait fait, et des paroles qu’il leur rapporta avoir été dites par saint Jacques.

 

D’après le pape Calixte, un Allemand, allant avec son fils à Saint-Jacques, vers l’an du Seigneur 1090, s’arrêta pour loger à Toulouse chez un hôte qui l’enivra et cacha une coupe d’argent dans sa malle. Quand ils furent partis le lendemain, l’hôte les poursuivit comme des voleurs et leur reprocha d’avoir volé sa coupe d’argent. Comme ils lui disaient qu’il les fît punir s’il pouvait trouver la coupe sur eux, on ouvrit leur malle et on trouva l’objet : on les traîna de suite chez le juge. Il y eut un jugement qui prononçait que tout leur avoir fût adjugé à l’hôte, et que l’un des deux serait pendu. Mais comme le père voulait mourir à la place du fils et le fils à la place du père, le fils fut pendu et le père continua, tout chagrin, sa route vers Saint-Jacques. Or, vingt-six jours après, il revint, s’arrêta auprès du corps de son fils et il poussait des cris lamentables, quand voici que le fils attaché à la potence se mit à le consoler en disant : « Très doux père, ne pleure pas, car je n’ai jamais été si bien ; jusqu’à ce jour saint Jacques m’a sustenté, et il me restaure d’une douceur céleste. » En entendant cela, le père courut à la ville, le peuple vint, détacha le fils du pèlerin qui était sain et sauf, et pendit l’hôte.

 

Hugues de Saint-Victor raconte qu’un pèlerin allait à Saint-Jacques, quand le démon lui apparut sous la figure de ce saint et lui rappelant toutes les misères de la vie présente, il ajouta qu’il serait heureux s’il se tuait en son honneur. Le pèlerin saisit une épée et se tua tout aussitôt. Et comme celui chez lequel il avait reçu l’hospitalité passait pour suspect et craignait beaucoup de mourir, voilà que, à l’instant, le mort ressuscite, et dit qu’au moment où le démon, à la persuasion duquel il s’était donné la mort, le conduisait au supplice, le bienheureux Jacques était venu, l’avait arraché des mains du démon et l’avait mené au trône du souverain juge ; et là, malgré les accusations du démon, il avait obtenu d’être rendu à la vie.

 

Un jeune homme du territoire de Lyon, selon le récit de Hugues, abbé de Cluny, avait coutume d’aller souvent à Saint-Jacques et avec dévotion. Une fois qu’il y voulait aller, il tomba, cette nuit-là même, dans le péché de fornication. Il partit donc; et une nuit, le diable lui apparut sous la figure de saint Jacques et lui dit : « Sais-tu qui je suis? » Le jeune homme lui demanda qui il était, et le diable lui dit : « Je suis l’apôtre Jacques que tu as coutume de visiter chaque année. Tu sauras que je me réjouissais beaucoup de ta dévotion, mais dernièrement, en sortant de ta maison, tu as commis une fornication et sans t’être confessé, tu as eu la présomption de t’approcher de moi, comme si ton pèlerinage pût plaire à Dieu et à moi. Cela n’est pas convenable : car quiconque désire venir à moi en pèlerinage doit d’abord s’accuser de ses péchés en confession et ensuite faire le pèlerinage pour expier ses péchés. » Après avoir dit ces mots; le démon disparut. Alors le jeune homme tourmenté se disposait à revenir, chez lui, à se confesser, et ensuite à recommencer son voyage. Et voici que le diable lui apparaissant de nouveau, sous la figure de l’apôtre, le dissuada complètement de son projet, en l’assurant que jamais son péché ne lui serait remis, s’il ne se coupait radicalement les membres qui servent à la génération, qu’au reste il serait plus heureux, s’il voulait se tuer et être martyr en son honneur et nom. Pendant la nuit, et quand ses compagnons dormaient, le jeune homme prit une épée, se coupa les membres de la génération, ensuite il se perça le ventre avec le même instrument. Ses compagnons à leur réveil, voyant cela, eurent grande peur, et prirent aussitôt la fuite de crainte de passer pour coupables de cet homicide. Néanmoins pendant qu’on préparait sa fosse, celui qui était mort revint à la vie. Tout le monde s’enfuit épouvanté, et le pèlerin raconta ainsi ce qui lui était arrivé : « Quand je me fus tué à la suggestion du malin esprit, les démons me prirent ; et ils me conduisaient vers Rome, quand voici saint Jacques qui accourut après nous, en reprochant vivement ces tromperies aux démons. Et après s’être disputés longtemps, saint Jacques les y forçant, nous vînmes dans un pré où la sainte Vierge s’entretenait avec un grand nombre de saints. Jacques l’ayant implorée pour moi, la sainte Vierge adressa des reproches sévères aux démons et ordonna que je revinsse à la vie. Alors saint Jacques me prit et me ressuscita, comme vous voyez. » Et trois jours, après il ne lui restait de ses blessures que des cicatrices ; après quoi il se remit en route, et quand il eut rejoint ses compagnons, il leur raconta tout ce qui s’était passé.

 

Un Français, ainsi que le raconte le pape Calixte, allait, en l’an 1100, avec sa femme et ses fils, à Saint Jacques, tant pour éviter la mortalité sévissant en France, que pour accomplir le désir de visiter saint Jacques. Arrivé à Pampelune, sa femme mourut, et son hôte s’empara de tout son argent et du cheval qui servait de monture à ses enfants. Il s’en alla désolé portant plusieurs de ses enfants sur ses épaules et menant les autres par la main. Un homme avec un âne le rencontra et touché de compassion, il lui prêta son âne, afin que les enfants montassent dessus. Quand le pèlerin fut arrivé à Saint-Jacques, pendant qu’il veillait et priait, le saint apôtre lui apparut et lui demanda s’il le connaissait ; et il répondit que non ; alors le saint lui dit : « Je suis l’apôtre Jacques qui t’ai prêté mon âne et je te le prête encore pour ton retour ; mais tu sauras d’avance que ton hôte mourra en tombant de l’étage de sa maison ; tu recouvreras alors tout ce qu’il t’avait volé. » Les choses étant arrivées ainsi, cet homme revint joyeux à sa maison ; et quand il eut descendu ses enfants de dessus l’âne, cet animal disparut.

 

Un marchand, injustement dépouillé par un tyran, était détenu en prison, et invoquait saint Jacques à son secours. Saint Jacques lui apparut en présence de ses gardes et le conduisit jusqu’au haut de la tour qui s’abaissa aussitôt de telle sorte que le sommet était au niveau de la terre : il en descendit sans faire un saut et s’en alla délivré. Les gardes qui le poursuivaient passèrent auprès de lui, sans le voir.

 

Hubert de Besançon raconte que trois militaires, du diocèse de Lyon, allaient à Saint-Jacques. L’un d’eux, à la prière d’une pauvre femme qui le lui avait demandé pour l’amour de saint Jacques, portait sur son cheval un petit sac qu’elle avait plus loin, il rencontra un homme malade et qui n’avait plus la force de continuer sa route, il le mit encore sur son cheval ; quant à lui, il portait le bourdon du malade avec le sac de la femme en suivant l’animal : mais la chaleur du soleil et la fatigue du chemin l’ayant accablé, à son arrivée en Galice, il tomba très gravement malade : et comme ses compagnons l’intéressaient au salut de son âme, il resta muet pendant trois jours ; mais au quatrième, alors que ses compagnons attendaient le moment de son trépas, il poussa un long soupir et dit : « Grâces soient rendues à Dieu et à saint Jacques, aux mérites duquel je dois d’être délivré. Je voulais bien faire ce que vous me recommandiez, mais les démons sont venus m’étrangler si violemment que je ne pouvais rien prononcer qui eût rapport au salut de mon âme. Je vous entendais bien, mais je ne pouvais nullement répondre. Cependant saint Jacques vient d’entrer ici portant à la main gauche le sac de la femme, et à sa droite le bâton du pauvre auxquels j’avais prêté aide en chemin, de sorte qu’il avait le bourdon en guise de lame et le sac pour bouclier, il assaillit les diables comme s’il eût été en colère, et en levant le bâton, il les effraya et les mit en fuite. Maintenant c’est grâce à saint Jacques que je suis délivré et que la parole m’a été rendue. Appelez-moi un prêtre, car je ne puis plus être longtemps en vie. » Et se tournant vers l’un deux, il lui dit : « Mon ami, ne reste plus davantage au service de ton maître, car il est vraiment damné et dans peu il mourra de malemort. » Quand cet homme eut été enseveli, le soldat rapporta à son maître ce qui avait été dit : celui-ci n’en tint compte, et refusa de s’amender : mais peu de temps après il mourut percé d’un coup de lance dans une bataille.

 

Le pape Calixte rapporte qu’un homme de Vézelay, dans un pèlerinage qu’il fit à Saint-Jacques, se trouvant à court d’argent, avait honte de mendier. En se reposant sous un arbre, il songeait que saint Jacques le nourrissait. Et à son réveil, il trouva près de sa tête un pain cuit sous la cendre, avec lequel il vécut quinze jours, tant qu’il arriva chez lui. Chaque jour il en mangeait deux fois suffisamment, et le jour suivant, il le retrouvait entier dans son sac.

 

Le pape Calixte raconte que vers l’an du Seigneur 1100, un citoyen de Barcelone, venu à Saint-Jacques, se contenta de demander de ne plus tomber à l’avenir dans les mains des ennemis. En revenant par la Sicile, il fut pris en mer par les Sarrasins et vendu plusieurs fois dans les marchés, mais toujours les chaînes qui le liaient se brisaient. Ayant été vendu pour la treizième fois, il fut garrotté avec des chaînes doubles. Alors il invoqua saint Jacques qui lui apparut et lui dit : « Quand tu étais dans mon église, tu as demandé la délivrance du corps au préjudice du salut de ton âme ; c’est pour cela que tu es tombé dans ces périls; mais parce que le Seigneur est miséricordieux, il m’a envoyé pour te racheter. » A l’instant ses chaînes se rompirent, et passant à travers le pays et les châteaux des Sarrasins, emportant avec lui une partie de sa chaîne pour témoigner du miracle, il arriva dans son pays, au vu et à l’admiration de tous. Lorsque quelqu’un le voulait prendre; il n’avait qu’à montrer sa chaîne et l’ennemi s’enfuyait : et quand les lions et autres bêtes féroces voulaient se jeter sur lui, en passant dans les déserts, seulement en voyant sa chaîne, ils étaient saisis d’une grande terreur et s’éloignaient.

 

L’an du Seigneur 1238, la veille de saint Jacques, en un château appelé Prato situé entre Florence et Pistoie, un jeune homme, déçu par une simplicité grossière, mit le feu aux blés de son tuteur qui voulait usurper son bien. Pris et convaincu, il fut condamné à être brûlé, après avoir été traîné à la queue d’un cheval. Il confessa son péché et se dévoua à saint Jacques. Après avoir été traîné en chemise sur un terrain pierreux, il ne ressentit aucune blessure sur le corps et sa chemise ne fut pas même déchirée. Enfin on le lie au poteau, on amasse du bois autour ; le feu est mis, le bois et les liens brûlent ; mais comme il ne cessait d’invoquer saint Jacques, aucune tache de feu ne fut trouvée ni à sa chemise, ni à son corps. On voulait le jeter une seconde fois dans le feu, le peuple l’en arracha, et Dieu fut loué magnifiquement dans la personne de son saint apôtre.      

FATIMA, MAHOMET, PELERINAGE, PORTUGAL

Fatima

fatima

Pourquoi la ville de Fatima porte le nom de la fille du prophète Mahomet ?

  Derrière ce symbole mystérieux se dessine une raison historique.

 

Fêtée le 13 mai, Notre-Dame de Fatima est mondialement connue et vénérée. Mais certains pourront être surpris par la toponymie peu catholique de ce village portugais où est apparue la Sainte Vierge. Fatima est en effet un prénom musulman, celui de la fille préférée de Mahomet, raison pour laquelle de nombreuses femmes musulmanes sont prénommées ainsi (ou Fatma, Fatoumata, Fatou, etc.). Fatima occupe une place éminente et singulière dans l’islam puisque Mahomet l’aurait qualifiée de « reine des femmes du Paradis ».

Si le petit village portugais, où se déroulèrent les apparitions de 1917, porte ce nom c’est probablement pour une raison historique. Au cours du VIIeet VIIIsiècle, l’expansion arabe s’étend de manière irrésistible. Le bannières de l’islam s’établissent en Afrique du Nord. En 711, c’est au tour de la péninsule ibérique de basculer sous la coupe maure, à l’issue de la sanglante bataille de Guadalete qui voit les Omeyyades triompher des Wisigoths. La région s’appelle désormais Al-Andalus.

 

Reconquista

Au XIsiècle, les chefs chrétiens reprennent le combat contre les Arabes qui n’avaient pas réussi à contrôler complètement les territoires ibériques. C’est l’aube de la « Reconquista » qui s’achèvera en 1492. Au cours d’une bataille menée par le comte d’Ourem (une localité proche de l’actuel sanctuaire marial) une princesse arabe, prénommée Fatima, est capturée. Au contact du comte, elle se convertit au catholicisme, prend le nom d’Oriane, et l’épouse en 1158. En hommage, la localité aurait été baptisée de son prénom musulman.

La Vierge Marie a t-elle sciemment choisi de s’adresser aux petits bergers en raison de cette toponymie ? C’est une question que peuvent légitimement se poser les mariologues et qui incitent de nombreux fidèles à prier Notre Dame de Fatima pour la conversion des musulmans.

 

Source : Aleteia

ANNEE SAINTE - BULLE D'INDICTION, MISERICORDE, PELERINAGE, PELERINAGE A LOURDES

Comment vivre le Jubilé de l’Année Sainte à Lourdes

MISERICORDE

Avec ces paroles le Saint Père nous invite à célébrer l’Année jubilaire de la Miséricorde qui commencera avec l’ouverture de la Porte Sainte à Rome, dans les cathédrales et sanctuaires du monde entier, du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016.

Le Sanctuaire de Lourdes, par décision de Mgr Brouwet, se fait écho de cette invitation du Pape François et c’est avec une joie immense qu’il offre ces réflexions autour de la miséricorde pour aider tous les pèlerins à vivre cette Année Jubilaire accompagnés de Notre-Dame de Lourdes, Mère de Miséricorde, et Bernadette témoin de la miséricorde de Dieu.

1 – Qu’est-ce que la Miséricorde ?

Dans le langage quotidien, la miséricorde est un sentiment qui inspire une attitude et certains gestes. Le dictionnaire donne la définition suivante : «C’est le sentiment par lequel la misère d’autrui touche notre cœur.» Il s’agit en effet, d’un cœur qui devient sensible à toute situation de misère que traverse notre prochain. La compassion, est une manière d’exprimer la miséricorde, elle consiste à compatir avec celui qui souffre, même si l’on ne peut prendre totalement la place de celui qui est dans la souffrance. Mais la miséricorde se pratique aussi à l’égard de celui qui ne souffre pas et fait souffrir les autres. Dans ce cas, il ne s’agit plus d’un sentiment, mais d’un acte de notre volonté qui consiste à pardonner. Ainsi, lorsque nous parlons de la miséricorde nous faisons à la fois référence au sentiment de compassion à l’égard de celui qui est dans la souffrance et à l’acte volontaire de pardonner, et d’effacer le mal qu’il a commis.

Dieu est Miséricorde

Si Dieu est miséricorde cela signifie que la miséricorde est un don. Don du Père parce qu’il nous livre son Fils unique «car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… (Jn 3,16). Il a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.» (Jn 3, 17) Don du Fils qui se livre à nous pour nous révéler la miséricorde du Père : «Voici pourquoi le Père m’aime: parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de  moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père.» (Jn 10, 17) Don de l’Esprit Saint… « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé,  proclamer aux captifs la délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur.»(Lc 4, 18-19) Ainsi, «le regard fixé sur Jésus et son visage miséricordieux, nous pouvons accueillir l’amour de la Sainte Trinité. La mission que Jésus a reçue du Père a été de révéler le mystère de l’amour divin dans sa  plénitude. L’évangéliste Jean affirme pour la première et unique fois dans toute l’Écriture : «Dieu est amour» (1 Jn 4, 8-16). Cet amour est désormais rendu visible et tangible dans toute la vie de Jésus. Sa personne n’est rien d’autre qu’amour, un amour qui se donne gratuitement. Les relations avec les personnes qui s’approchent de lui ont quelque chose d’unique et de singulier. Les signes qu’il accomplit, surtout envers les pauvres, les exclus, les malades et les souffrants, sont marqués par la miséricorde.  Rien en lui ne manque de compassion.» (Pape François, “Misericordiæ vultus”, § 8)

L’Église, sacrement de la Miséricorde du Christ

«La miséricorde est le pilier qui soutient la vie de l’Église. Dans son action pastorale, tout devrait être  enveloppé de la tendresse par laquelle on s’adresse aux hommes. Dans son annonce et le témoignage qu’elle donne au monde, rien ne peut être privé de miséricorde. La crédibilité de l’Église passe par le chemin de l’amour miséricordieux et de la compassion. L’Église “vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde”. Peutêtre avons-nous parfois oublié de montrer et de vivre le chemin de la miséricorde. D’une part, la tentation d’exiger seulement la justice a fait oublier qu’elle n’est qu’un premier pas, nécessaire et indispensable, mais l’Église doit aller au-delà pour atteindre un but plus haut et plus significatif. D’autre part, il est triste de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaître. Sans le témoignage du pardon, il n’y a qu’une vie inféconde et stérile, comme si l’on vivait dans un désert. Le temps est venu pour l’Église de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance.» (Pape François, “Misericordiæ Vultus”, § 10)

«Le langage et les gestes de l’Église doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père. Là où l’Église est présente, la  miséricorde du Père doit être manifestée… là ou il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une oasis de miséricorde. » (Pape François, “Misericordiæ vultus”, § 12)

La miséricorde crée la fraternité : «les œuvres de miséricorde»

«J’ai un grand désir que le peuple chrétien réfléchisse durant le Jubilé sur les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles…

Redécouvrons les œuvres de miséricorde corporelles: Donner à manger aux affamés. Donner à boire à ceux qui ont soif. Vêtir ceux qui sont nus. Accueillir les étrangers. Assister les malades. Visiter les prisonniers. Ensevelir les morts. Et n’oublions pas les œuvres de miséricorde spirituelles : Conseiller ceux qui sont dans le doute. Enseigner les ignorants. Avertir les pécheurs. Consoler les affligés. Pardonner les offenses. Supporter patiemment les personnes ennuyeuses. Prier Dieu pour les vivants et les morts. » (Pape François, “Misericordiæ Vultus”, § 15)

Dans l’Évangile, la Béatitude de la Miséricorde : «Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde» (Mt. 5, 7), nous apprend : – qu’elle est solidarité et engagement d’amour efficace à l’égard des frères qui sont dans le besoin et dans la misère, – et qu’elle est pardon et réconciliation des offenses reçues et commises. Le Seigneur nous apprend que la pratique de la miséricorde est une voie universelle qui crée des liens de fraternité entre les hommes. C’est le message de la parabole du bon Samaritain (Lc. 10, 29-37). A la fin de la parabole, Jésus pose cette question : «Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ?» Cela veut dire que tous n’ont pas été frères du blessé. Ils auraient pu l’être mais en fait le seul fut «celui qui s’est montré miséricordieux avec lui». Pour Jésus, être frère n’est pas quelque chose d’“automatique”, comme un droit acquis. Nous ne sommes pas frères tant que nous n’avons pas agi en tant que tel, nous sommes invités à le devenir par la pratique de la miséricorde.

L’Évangile nous apprend que de fait nous ne sommes pas frères. L’expérience de la haine, de la division, de l’injustice et de la violence nous prouve tous les jours que c’est le contraire. Nous ne sommes pas frères, mais nous sommes invités à le devenir. En effet, Jésus nous invite et nous donne la force pour «devenir frères». Mais cela dépend d’un choix concret que nous devons faire et qui engage notre liberté, celui d’être charitables et miséricordieux.

Le Samaritain est devenu le frère du blessé. Non pas à cause de sa religion, de sa race, de sa nationalité, de son idéologie mais tout simplement par la pratique d’une attitude de miséricorde. Ainsi mon prochain n’est pas celui qui partage ma religion, ma patrie, ma famille ou mes idées. Mon prochain est celui avec qui je partage ma vie parce que nous avons besoin les uns des autres. Pour s’approcher de l’homme blessé, le bon Samaritain a dû faire un effort pour sortir de lui-même, de sa race, de sa religion, de ses préjugés. «… En effet, les juifs ne fréquentent pas les Samaritains.» (Jn.4, 9) Il a dû laisser de  côté son monde et ses intérêts personnels. Il a abandonné ses projets, il a donné son temps et son argent. En ce qui concerne les autres personnages de la parabole, le prêtre et le lévite, eux n’ont pas voulu abandonner leurs projets les considérant plus importants que l’invitation à devenir frères du blessé.

Être frère de quelqu’un suppose donc de sortir de «son monde» pour entrer dans le «monde de l’autre». Partager sa culture, sa mentalité, ses besoins, sa pauvreté. Devenir le frère de l’autre, c’est comme un exode, une réconciliation. Les «œuvres de la miséricorde» sont l’occasion qui nous est donnée durant le pèlerinage de notre vie, pour être «miséricordieux comme le Père», c’est-à-dire, justes et charitables pour être en communion les uns avec les autres.

La miséricorde qui va plus loin que la justice : le pardon

La miséricorde en tant que pardon des offenses est l’autre visage de l’amour fraternel. Si la miséricorde en tant qu’engagement construit la fraternité, le pardon mutuel reconstruit et consolide la fraternité. Elle évite que la division et la rancune que produisent les offenses ne paralysent la communauté.

Qu’est-ce que la réconciliation chrétienne ? La réconciliation est le retour de l’amitié ou de la fraternité entre personnes, familles, groupes sociaux ou pays, appelés à être frères, qui ont cassé cette fraternité ou cette amitié. La réconciliation est plus grande que la «conciliation» (qui est un compromis plus ou moins provisoire entre les partis) : c’est la restauration de la fraternité détruite. C’est pour cela que la réconciliation prend la formule d’un «retour», d’une reconstruction, de retrouvailles : «Je me lèverai et j’irai vers mon père…» (Lc. 15,18) «…il se leva et s’en alla vers son père…» (Lc 15, 20), dans cette parabole,  l’enfant prodigue cherche à revenir à la maison du père.

La célébration du sacrement de la réconciliation est le lieu où la conversion à Dieu et la réconciliation avec Lui et les autres devient un événement réel dans nos vies. Là, réellement et sacramentellement nous regrettons les fautes commises et nous accueillons la présence de Dieu, qui nous attend pour recevoir notre conversion et nous donner sa grâce d’amour et de miséricorde. Dans la célébration de ce sacrement, la rencontre vivifiante avec le Christ prend la forme du pardon et de la miséricorde. C’est vrai que nous sommes invités à nous repentir et à demander pardon, en dehors du sacrement de la   réconciliation. Mais ces repentirs sont comme une préparation pour la grande rencontre sacramentelle  avec Celui qui est la source de toute miséricorde : le Christ. En même temps, notre repentir et notre conversion sont confirmés par la grâce du sacrement, et acquièrent ainsi une dimension ecclésiale, ils contribuent au bien de tout le Corps du Christ et de toute l’Église.

En conclusion, notre authentique participation au sacrement de la réconciliation nous introduit dans une authentique expérience de l’Esprit Saint qui nous identifie avec la mort du Christ, et nous fait mourir à nos propres péchés, à nos racines, aux tendances profondes du mal qui sont en nous, et que seul l’Esprit  peut arracher. La célébration de ce sacrement est toujours un recommencement, un renforcement de notre esprit pour aller au-delà de nos faiblesses et de nos tentations: c’est une expérience qui nous fait rencontrer le visage miséricordieux du Christ.

2 – Lourdes, le pèlerinage de la Miséricorde

La porte de la Miséricorde

«Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain un «viator» (marcheur), un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte Sainte à Rome, et en tout lieu, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion : en passant la Porte sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.» (Pape François, “Misericordiæ Vultus”, § 14).

En cette année jubilaire, notre pèlerinage, personnel ou communautaire, aura l’opportunité de traverser la porte de la Miséricorde qui sera située à l’entrée Saint-Michel. Cette porte sera en communication directe avec le Calvaire Breton. Là nous pourrons contempler Jésus crucifié, mort pour nous et porte de la  miséricorde. Au même moment nous contemplerons la Vierge Marie, mère du crucifié, au pied de la  Croix. «Or, près de la croix de Jésus, se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère: “Femme, voici ton fils.” Puis il dit au disciple : “Voici ta mère.” Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.» (Jn. 19, 25-27)

«Voici ton fils…», cette parole prononcée par Jésus n’est pas une simple recommandation que Jésus fait à sa mère, c’est une manière de mettre en évidence une nouvelle façon d’être engendré grâce à la  maternité de Marie. «Le disciple que Jésus aimait…» est celui que Jésus aime d’un amour préférentiel, l’amour qui occupe la première place dans la relation : «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure.» (Jn. 15,16) Il s’agit  aussi d’un amour qui fait de l’autre un «disciple», un «ami», c’est l’amour qui perfectionne (rend parfait) :  «Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour.» (Jn. 15, 10) Et le fruit de cet amour est la joie parfaite : «Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite.» (Jn. 15, 11)

L’expression «le disciple que Jésus aimait» est moins l’indication d’un amour de prédilection pour un disciple en particulier, qu’une explication visant à situer le disciple en tant que tel dans la sphère de l’amour et de la miséricorde. L’expression a donc une valeur symbolique et désigne tous les croyants. C’est le croyant qui est confié à Marie et qui la reçoit comme Mère. C’est le pèlerin qui est confié à Marie. C’est dans cette perspective qu’il faut entendre qu’«à partir de cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui» (Jn 19,27). Ce «chez lui» ne désigne pas la seule maison, mais désigne aussi les biens propres qui lui appartiennent en tant que disciple : le lien de foi qui le rattache au Christ et qui s’exprime dans la pratique du commandement de l’amour. C’est dans cet espace spirituel que le disciple reçoit Marie comme mère. C’est dans cet espace spirituel que Bernadette et les pèlerins de tous les temps accueillent la présence de Marie comme mère.

Marie, mère de miséricorde, est toujours présente dans la vie du croyant au service de l’alliance entre son Fils et ses disciples. Et cette alliance a un nom : la miséricorde.

Le 11 février 1858 Bernardette reçoit la grâce de «bien faire le signe de la croix» : «J’ai voulu faire le  signe de la croix, ma main tomba elle était paralysée ; jusqu’à ce que la Dame l’eût fait et à ce moment-là, moi aussi, j’ai pu le faire.» Pour «bien faire le signe de la croix» il lui a suffi de regarder la Dame et de le faire comme elle-même l’accomplit. De nombreux témoins nous diront que par ce simple geste, bien faire le signe de la croix, elle semblait, en effet, entrer dans une autre réalité.  Cette autre réalité est celle que le Seigneur nous propose dans l’Évangile : passer du péché à la grâce, de l’égoïsme au partage, de la division à la communion, de l’isolement à la rencontre, de la tristesse à la joie, de la haine au pardon, etc.

En franchissant la Porte de la Miséricorde nous sommes invités, avec Marie et Bernadette, à faire le signe de la croix pour ainsi montrer notre décision d’entrer dans la réalité de la grâce de la  miséricorde pour nous et pour tous ceux que nous côtoyons.

La Grotte

La Grotte de Lourdes est le lieu où Bernadette Soubirous a rencontré 18 fois, entre le 11 février et le 16 juillet 1858, la Vierge Marie, la Mère de Dieu. Cette rencontre entre ces deux personnes était en vue d’une troisième rencontre, celle du Christ. En effet, tout au long des apparitions, la Vierge se présente toujours comme celle qui se met au service de Bernadette pour lui faire découvrir petit à petit, et à travers une catéchèse et une pédagogie formidable, la présence de la source au fond de la cavité. La source, que Bernadette découvrira lors de la neuvième apparition, est le symbole même de tout le message que Marie confie à Bernadette. Cette source symbolise la personne même du Christ. Lorsque la Dame dit à Bernadette : «Allez boire à la source et vous y laver», c’est une invitation qu’Elle lui adresse à entrer dans le mystère de la vie de son Fils. Il ne suffit pas de découvrir la source (le Christ), il faut encore boire à la source et s’y laver. Cela veut dire se nourrir de la Parole de Dieu et se laisser transformer par sa présence sacramentelle dans la Réconciliation et l’Eucharistie.

La Grotte est aussi le lieu du silence et de la prière nécessaires pour dialoguer avec le Seigneur. La Grotte est aussi le lieu d’un commencement, d’un début, d’un départ, d’une nouveauté, la Grotte est un lieu de rencontre où l’homme et la femme se découvrent beaux aux yeux de Dieu, aimables aux yeux des autres.

A la Grotte de Lourdes, naissent des amours et des amitiés de toute une vie et nombreux sont ceux qui entendent l’appel et reçoivent la grâce de consacrer leur existence au Seigneur et à leurs frères.

Devant la Grotte, nous découvrons la présence maternelle de Marie et nous faisons l’expérience de ce visage maternel de l’Église, c’est pour cela que la Grotte est un lieu d’accueil, d’écoute, de compréhension, d’ouverture à l’autre, de la préférence de l’autre à soi exprimée par le don de soi, du service de l’autre.

La Grotte est le reflet de l’humanité nouvelle, d’une création nouvelle.

La Grotte, c’est la beauté de l’Immaculée Conception, la merveilleuse rencontre entre la Sainte Vierge et Bernadette, et la grâce qui s’ensuivit a marqué à jamais ces lieux.

La Grotte est un lieu qui accueille notre humanité telle qu’elle est, avec ses joies et ses peines, ses  blessures, ses frustrations, ses échecs et ses triomphes. Et en même temps, c’est un lieu où nous faisons l’expérience de l’irruption de Dieu dans la personne de Marie. Comme le dit l’Apôtre Paul : «Là où le péché a abondé, là-même a surabondé la Grâce.» (Rm. 5, 20)

La Grotte est ainsi le lieu de toutes les miséricordes.

Les piscines et les fontaines

A la Grotte de Lourdes, Marie introduit Bernadette dans l’Évangile. La catéchèse de Marie rejoint Bernadette dans ce qu’elle est : sa condition humaine marquée par le péché. En même temps, elle est rejointe dans sa réalité, sa pauvreté, son ignorance, sa maladie, son indigence.

Durant les apparitions pénitentielles (8ème-11ème), à la demande de la Dame, Bernadette réalisera trois gestes : marcher à genoux et embrasser le sol de la Grotte, manger quelques herbes et se  barbouiller le visage avec la boue de la Grotte. Ces gestes sont des gestes bibliques, éminemment pénitentiels qui nous renvoient aux grands moments de la Passion du Fils de Dieu.

Marcher à genoux et embrasser le sol de la Grotte : c’est le geste de l’abaissement du Fils de Dieu, c’est le geste de l’Incarnation : «Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.  Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu  homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.»  (Ph. 2, 5-8)

Manger quelques herbes qui poussaient à l’intérieur de la Grotte. Les herbes amères du Livre de l’Exode nous parlent de l’agneau immolé avec lequel les Hébreux appelleront les bonnes grâces de Dieu : «Le dix de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël on l’immolera au coucher du soleil. On prendra du sang, que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons où on le mangera. On mangera  sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères.» (Ex. 12, 3b-8). Les herbes amères dans la Bible signifient le péché, ce qui fait du mal à l’homme. Et  voilà Bernadette à l’image de l’agneau de Dieu qui mange ces herbes pour nous signifier que l’homme est libéré du péché par le sacrifice de l’agneau de Dieu, le Christ.

La boue qui défigure le visage de Bernadette est l’image du «serviteur souffrant de Dieu» dont nous parle le prophète Isaïe (Is. 52, 14).

Ces gestes réalisés par Bernadette à la demande de la Dame de manière répétée ont pour objectif de nous faire découvrir une autre réalité. Marcher à genoux et embrasser le sol sont des gestes d’abaissement qui sont aussi des gestes de tendresse envers le sol de la Grotte. Les deux autres, manger de l’herbe et prendre de la boue, expriment le désir de désencombrer ce sol. Il faut passer  par cette purification pour que puisse apparaître ce qui est caché et qui est le véritable trésor : la  source.

Il faut aimer l’homme, enfant de Dieu, qui est pécheur, pour le libérer du péché, afin qu’il puisse découvrir dans son cœur la source d’amour et de charité, car l’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu : «Allez à la source, boire et vous y laver», dira Marie à Bernadette le 25 février, lors de la neuvième apparition. Dans la contemplation du Fils de l’Homme défiguré, couronné d’épines, ensanglanté, nous contemplons le tragique de l’histoire des hommes. Mais  simultanément, dans le Fils de l’Homme, se manifeste l’amour de Dieu envers l’humanité : «L’un  des soldats, de sa lance, lui perça le côté et il sortit aussitôt du sang et de l’eau.» (Jn. 19, 34) En faisant le geste de boire et de nous laver nous exprimons le besoin de cette purification de nos sentiments et de nos paroles afin que nous puissions communiquer avec nos frères, non pas au niveau superficiel, mais au niveau de la source de charité qui sommeille en nous. À l’exemple de la Samaritaine, notre conversion est possible selon les paroles du Christ : «L’eau que je lui donnerai  deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle.» (Jn. 4, 14)

En passant par les piscines et en faisant le geste de l’eau, le pèlerin que nous sommes veut signifier ce besoin d’être purifié par la grâce de Dieu et en même temps il explicite le désir de faire jaillir du plus profond de son cœur la charité qui est déjà en lui pour la communiquer aux autres.

En conclusion, nous sommes invités à nous donner à boire les uns aux autres. Cela veut dire donner à l’autre le meilleur de nous-mêmes. J’ai soif de la miséricorde de mon frère et mon frère a soif de la miséricorde de mon cœur. L’époux doit pouvoir boire et se laver dans le cœur miséricordieux de son épouse et vice versa. La famille est appelée à communiquer au niveau le plus profond de la miséricorde.

La chapelle de la réconciliation

Le 11 février 1858, Bernadette, déjà marquée par l’asthme, la malnutrition et la faim, se rend devant une grotte humide et obscure à la recherche de bois sec et d’os. Et c’est à ce moment précis, après avoir écouté «comme un coup de vent», qu’elle tourne son regard vers la Grotte et voit une Dame vêtue de blanc et enveloppée de lumière. Celle-ci se reflète sur son visage qui devient ainsi le signe de la lumière. Marie réfléchit la lumière de Celui qui est la lumière, le Christ. Et si Bernadette réfléchit cette lumière sur son visage, c’est parce que son cœur est illuminé par cette lumière. En même temps, cette lumière lui  montre les ténèbres de son cœur. C’est pour cela que la jeune fille, le samedi suivant, va chercher l’Abbé Pomian pour lui confier l’extraordinaire expérience qu’elle vient de vivre et se confesser pour la première fois de sa vie. Rencontre avec le prêtre hautement significative, puisqu’elle nous suggère que cette même lumière qu’elle voit dans la Grotte se trouve dans le sacrement de la réconciliation, de l’eucharistie, dans la vie sacramentelle, dans la vie en l’Église.

«Le Christ est la lumière des peuples. Le Saint Concile souhaite donc, en annonçant à toutes les  créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église.» (Con. Vat. II Lumen Gentium, n°1)

En face de l’Accueil Notre-Dame, lieu de rencontre des personnes malades et des hospitaliers, sur l’autre rive du Gave, se trouve la chapelle de la réconciliation. Elle occupe l’ancien Asile Notre-Dame. C’est un beau symbole : Dieu veut la guérison totale de l’homme. Maladie et péché doivent être bien distingués. Jésus est très clair sur ce point. Mais l’être humain souffre d’être divisé. Il aspire à la réconciliation: avec lui-même, avec les autres, avec le monde qui l’entoure mais aussi avec Dieu, son Créateur et son Sauveur.

La chapelle de la réconciliation est la plus belle de toutes les chapelles du Sanctuaire, non pas par sa beauté matérielle mais par la beauté de ce qui se vit à l’intérieur de ce bâtiment: un pénitent, animé par un désir de conversion à travers le pardon demandé et reçu, et un prêtre, ministre de la miséricorde, redisent d’une manièreconcrète le Oui de l’alliance de miséricorde que Dieu fait avec toute l’humanité.

Les accueils de malades : Notre-Dame, Saint-Frai et Salus

«Les accueils des malades ne seraient que des structures collectives analogues à toutes les autres s’il n’y avait pas les Hospitalités, ces dizaines de milliers de bénévoles qui, chaque année, donnent de leur temps et dépensent de leur argent pour accompagner ou accueillir à Lourdes des personnes malades ou handicapées. Lourdes est un lieu où il est possible à bien des personnes de vivre la parabole du bon Samaritain. Le Samaritain s’est arrêté, alors qu’il était peut-être pressé. Il n’a pas reculé devant la blessure de l’homme à demi mort. De même, les Hospitaliers arrêtent la course de leurs occupations ou de leurs loisirs et acceptent de regarder ceux que notre mode de vie actuel relègue souvent dans des lieux à part. Le Samaritain est bien content de trouver une auberge où il peut conduire en toute sécurité le blessé du bord de la route. Il le confie à quelqu’un d’autre, sans se désintéresser de lui puisqu’il repassera et réglera le supplément. C’est un bon exemple pour les hospitaliers : le malade ne leur appartient pas. Ce ne serait plus Lourdes si nous avions construit de beaux Accueils, gérés par un personnel qualifié, mais sans la gratuité de la présence des bénévoles. Ce serait dommage pour les personnes accueillies mais, tout autant, pour les bénévoles, car servir est un chemin de découverte, un chemin de foi au Serviteur. Il est heureux que tant de jeunes aiment à remplir ce service » (Mgr Jacques Perrier «L’Évangile de Lourdes»).

Père Horacio Brito, Missionnaire de l’Immaculée Conception de Lourdes, chapelain

Prière du Jubilé de la Miséricorde

Seigneur Jésus-Christ,

toi qui nous as appris à être miséricordieux comme le Père céleste, et nous as dit que te voir, c’est Le voir. Montre-nous ton visage, et nous serons sauvés.

Ton regard rempli d’amour a libéré Zachée et Matthieu de l’esclavage de l’argent, la femme adultère et Madeleine de la quête du bonheur à travers les seules créatures ; tu as fait pleurer Pierre après son  reniement, et promis le paradis au larron repenti. Fais que chacun de nous écoute cette parole dite à la Samaritaine comme s’adressant à nous : Si tu savais le don de Dieu ! Tu es le visage visible du Père invisible, du Dieu qui manifesta sa toute puissance par le pardon et la miséricorde : fais que l’Eglise soit, dans le monde, ton visage visible, toi son Seigneur ressuscité dans la gloire. Tu as voulu que tes serviteurs soient eux aussi habillés de faiblesse pour ressentir une vraie compassion à l’égard de ceux qui sont dans l’ignorance et l’erreur : fais que quiconque s’adresse à l’un d’eux se sente attendu, aimé, et pardonné par Dieu. Envoie ton Esprit et consacre-nous tous de son onction pour que le Jubilé de la Miséricorde soit une  année de grâce du Seigneur, et qu’avec un enthousiasme renouvelé, ton Eglise annonce aux pauvres la bonne nouvelle, aux prisonniers et aux opprimés la liberté, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue. Nous te le demandons par Marie, Mère de la Miséricorde, à toi qui vis et règnes avec le Père et le Saint Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

Pape François

ANNEE SAINTE - BULLE D'INDICTION, PAPE FRANÇOIS, PELERINAGE

ANNEE SAINTE (Extraits)

  1. PELERINAGE EN TERRE SAINTELe pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte: il est limage du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain unviator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. Pour passer la Porte Sainte à Rome, et en tous lieux, chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion: en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous.

Le Seigneur Jésus nous montre les étapes du pèlerinage à travers lequel nous pouvons atteindre ce but: «Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et lon vous donnera: cest une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous» (Lc 6, 37-38). Il nous est dit, dabord, de ne pas juger, et de ne pas condamner. Si lon ne veut pas être exposé au jugement de Dieu, personne ne doit devenir juge de son frère. De fait, en jugeant, les hommes s’arrêtent à ce qui est superficiel, tandis que le Père regarde les coeurs. Que de mal les paroles ne font-elles pas lorsqu’elles sont animées par des sentiments de jalousie ou d’envie! Mal parler du frère en son absence, cest le mettre sous un faux jour, c’est compromettre sa réputation et l’abandonner aux ragots. Ne pas juger et ne pas condamner signifie, de façon positive, savoir accueillir ce qu’il y a de bon en toute personne et ne pas permettre qu’elle ait à souffrir de notre jugement partiel et de notre prétention à tout savoir. Ceci n’est pas encore suffisant pour exprimer ce qu’est la miséricorde. Jésus demande aussi de pardonner et de donner, d’être instruments du pardon puisque nous l’avons déjà reçu de Dieu, d’être généreux à l’égard de tous en sachant que Dieu étend aussi sa bonté pour nous avec grande magnanimité.

Miséricordieux comme le Père, c’est donc la “devise de l’Année Sainte. Dans la miséricorde, nous avons la preuve de la façon dont Dieu aime. Il se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour. Il vient à notre secours lorsque nous l’invoquons. Il est beau que la prière quotidienne de l’Eglise commence avec ces paroles: «Mon Dieu, viens me délivrer; Seigneur, viens vite à mon secours» (Ps 69, 2). L’aide que nous implorons est déjà le premier pas de la miséricorde de Dieu à notre égard. Il vient nous sauver de la condition de faiblesse dans laquelle nous vivons. Son aide consiste à rendre accessible sa présence et sa proximité. Touchés jour après jour par sa compassion, nous pouvons nous aussi devenir compatissants envers tous.

 

 

ISRAËL, PELERINAGE, TERRE SAINTE

EN TERRE SAINTE : SUR LES PAS DE JESUS

Sur les pas de Jésus

Sur les traces de Jésus en Terre Sainte
Visiter un pays chargé d’Histoire en suivant les pas du fondateur d’une religion aurait peu de sens si l’on ne connaissait pas sa vie et sa spiritualité. Replongeons-nous un instant dans les évangiles.
Jésus de Nazareth quitte le foyer familial vers trente ans afin de mener sa vie publique à travers la terre d’Israël. Il se rend d’abord sur les rives du Jourdain, où il est baptisé par Jean, puis il se retire dans le désert en solitaire pour se préparer à sa mission. De retour en Galilée après quarante jours, il entreprend un ministère itinérant auprès des populations rurales. Accompagné de douze apôtres qu’il a choisis, il s’adresse aux habitants avec éloquence et opère de spectaculaires guérisons miraculeuses auprès des personnes malades et handicapées. Sa renommée d’orateur et de thaumaturge se diffuse dans tout le pays et l’on vient en foule pour le rencontrer.
La théologie de Jésus s’exprime à travers des paraboles inspirées de la vie ordinaire et dotées d’un sens moral et spirituel. Il décrit la relation avec un Dieu totalement bienveillant, qui invite chaque être humain à construire sa vie sur un altruisme pacifique, l’invitant à se mettre au service de ses semblables au point de s’effacer lui-même. Aimer son prochain à l’exemple de Jésus, soutenir les personnes en difficulté, ne pas thésauriser, éviter de juger, pardonner en toutes circonstances, être confiant dans la prière : tous les efforts consentis ne seront rien devant le bénéfice réel attendu d’En-haut.

Le lac de Tibériade vu du mont Arbel.

Une importance première est accordée au souci des personnes défavorisées, que Jésus délivre de leurs maux tout en leur transmettant la « bonne nouvelle », un message d’espoir pour l’Au-delà. Pourtant il ne cache pas qu’après la mort une sélection est faite entre les âmes en fonction des actes accomplis sur Terre. Le royaume céleste est promis à ceux qui font preuve d’une grande humanité. Pour cela Jésus veut sauver toutes les consciences égarées, préconisant la conversion des pécheurs par la patience et la prière plutôt que leur condamnation. Toute prière peut être exaucée avec une foi profonde, et même les miracles sont à la portée de chacun.
Jésus se réclame du judaïsme auquel il veut cependant donner une dimension nouvelle. Tout en respectant la loi hébraïque, il la libère de la rigidité d’une pratique trop littérale. La conception d’un Dieu juste et autoritaire fait place à celle d’un Dieu d’amour et de compassion. Pourtant son interprétation de la Loi dérange les habitudes des prêtres et des docteurs, dont il fustige l’hypocrisie. Il entre peu à peu en conflit avec le pouvoir religieux du Temple, celui-ci considérant qu’il blasphème lorsqu’il déclare être le fils de Dieu.
Son enseignement se transmet oralement lors des déplacements en Terre sainte à travers la Galilée, la Judée, la Samarie et occasionnellement dans les pays limitrophes.
Bien qu’il soit impossible de reconstituer l’itinéraire exact qu’il suivit, un grand nombre de lieux qu’il traversa sont aujourd’hui assez bien identifiés. Quelques-uns sont marqués par la tradition locale ou sont sortis de terre à la suite de fouilles archéologiques.
Capharnaüm
Les écritures font en quelque sorte de Capharnaüm la seconde patrie de Jésus après Nazareth. Elles rapportent en effet que Jésus s’y rendit plusieurs fois et qu’il y résida : « Puis, quittant Nazareth, il habita Capharnaüm aux bords de la mer ». Il y accomplit plusieurs miracles, notamment les guérisons du serviteur d’un centurion, de la belle-mère de l’apôtre Pierre et d’un paralytique. Il enseigna dans la synagogue de cette ville, où il guérit également un possédé.
La ville fut identifiée en 1838 par l’archéologue américain Edouard Robinson au site désolé de Tel Hun, sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. Le terrain fut acheté par l’ordre des franciscains en 1894, qui y mena plusieurs campagnes de fouilles dont la plus importante fut conduite entre 1968 et 1986 par les pères Virgilio Corbo et Stanislao Loffreda.
L’occupation du site est attestée à partir du IIème siècle avant notre ère. Ce village de pêcheurs était également un poste-frontière avec la Transjordanie et comprenait un bureau de douane. La présence d’une garnison romaine est évoquée dans les évangiles, qui précisent que le centurion dont Jésus guérit le serviteur avait fait construire la synagogue de cette cité.
Une ancienne borne militaire trouvée en 1975 près des ruines de Capharnaüm porte les noms de plusieurs citoyens romains. Bien qu’en partie illisible, cette pierre atteste d’une présence romaine en ce point qui contrôlait la route principale vers Damas.
Les restes d’un antique bâtiment prestigieux se dressent encore dans la plaine, constitué de hautes colonnes de calcaire blanc et d’un seul pan de mur, qui tiennent sur une vaste terrasse dallée. Les parois et les chapiteaux des piliers sont ornés de nombreux motifs sculptés évoquant la liturgie hébraïque : un chandelier à sept branches, l’Arche d’Alliance et plusieurs espèces d’animaux. Il s’agit visiblement des restes d’une synagogue dont la construction remonte au IVème siècle de notre ère.
La structure repose sur un soubassement de basalte noir, qui contraste avec la clarté du dallage en calcaire. Sa position surélevée suggéra aux fouilleurs qu’elle pouvait dissimuler un monument plus ancien construit en dessous. C’est ce que l’équipe du père Corbo tenta de révéler à partir de 1969, en retirant une partie du dallage de la terrasse. On exhuma en effet de vieux murs d’habitations et une seconde cour qui semblait appartenir à un monument public. Il s’agissait vraisemblablement d’une autre synagogue plus ancienne. Celle-ci fut datée du Ier siècle de l’ère chrétienne, ce qui permit de l’identifier à celle que Jésus devait fréquenter lorsqu’il séjournait à Capharnaüm.
Une autre découverte d’importance majeure a été faite à une trentaine mètres au sud de la synagogue. Au milieu des ruines d’anciennes habitations, la base d’une petite église byzantine du IVème siècle furent mise au jour, curieusement disposée selon un plan en deux octogones concentriques. Sous cette structure se trouvaient les restes d’une simple habitation, qui portait les traces explicites d’un christianisme primitif. Plusieurs graffiti inscrits sur les restes des murs portent en effet les noms de Jésus et de Pierre, ainsi que les mots « Messie », « Seigneur », « Dieu », de même que des dessins de croix, de navires et de poissons.
Les moines qui ont examiné ces précieuses inscriptions ont fait un rapprochement avec le contenu d’un document littéraire susceptible de se rapporter à ce site. C’est le récit de voyage de la pèlerine Egérie (IVème siècle), qui nous apprend que : « A Capharnaüm, la maison du prince des apôtres (Pierre) est devenue une église. Les murs sont restés jusqu’aujourd’hui tels qu’ils étaient ». Il est possible que ce texte concerne la maison aux graffiti, puisqu’une église paléochrétienne de l’époque d’Egérie lui est superposée. Ces éléments menèrent à la conclusion que cette maison n’était autre que la demeure de saint Pierre, et que Jésus-Christ lui-même avait vécu dans cette habitation.
Depuis la découverte de la « maison de Pierre », les vestiges de Capharnaüm sont redevenus un lieu de pèlerinage. Juste au-dessus des fouilles a été récemment construit un bâtiment contemporain surélevé, dont le plancher partiellement vitré offre de l’intérieur une vue sur les anciens murs.

Tibériade
Sur les rives du lac auquel elle a donné son nom, la ville de Tibériade fut fondée vers l’an 26 de notre ère par le tétrarque Hérode Antipas, pour honorer l’empereur romain alors en place. Elle est citée une fois dans l’évangile de Jean (6, 23) alors que Jésus parcourt la Galilée et la région du lac. Il n’est pas précisé si Jésus s’est rendu à Tibériade. Cependant, les ruines de cette cité ont réservé aux archéologues de belles surprises.
Bien identifiée sur la rive occidentale du lac (appelé également lac de Génésareth, ou mer de Galilée), elle est entourée d’une muraille du VIème siècle d’une longueur exceptionnelle, qui escalade les pentes escarpées du mont Bérénice en incluant le sommet dans son périmètre. Ce point culminant a été fouillé en 1990 par Yizhar Hischfeld, du Département des Antiquités d’Israël, qui cherchait alors le palais de la reine Bérénice de Judée. Au lieu d’un palais, c’est en fait un important complexe ecclésiastique et une superbe basilique qui l’attendaient. L’église byzantine du VIème siècle qu’il dégagea était entourée d’une vaste cour et de nombreuses salles aux sols couverts de mosaïques. Les splendides sols multicolores représentaient des oiseaux, des plantes et des motifs géométriques. Les fouilleurs se demandaient ce qui avait pu justifier la construction d’un tel complexe en un tel lieu, lorsqu’ils constatèrent qu’il dissimulait un objet inhabituel.
Sous la base de l’autel principal de la basilique, une plaque de marbre attira l’attention des chercheurs. En la soulevant, ils virent apparaître une fosse contenant une grande pierre taillée d’une manière particulière. Longue de un mètre, sa base était grossièrement taillée en pointe et son centre était percé d’un trou biconique. A quel usage cet objet était-il destiné ? De toute évidence, cette pierre était une ancre de navire. C’est son emplacement qui est le plus surprenant. Pourquoi une ancre était-elle enterrée sous l’autel de cette église ? Si l’on sait que les chrétiens placent parfois des reliques sous leurs autels, on peut supposer que cette ancre en était une. La proximité du lac de Tibériade permet d’envisager un lien avec une barque qui servit à Jésus ou à ses proches. Cependant, si cette ancre a la forme de celles des barques du Ier siècle, sa taille est en revanche nettement supérieure ; elle correspondrait plutôt à une ancre plus ancienne de quelques siècles. L’ « église à l’ancre » n’a pas fourni davantage d’explications.

Gennésareth
Une belle opération d’archéologie de sauvetage fut réalisée à la faveur d’une forte sécheresse, qui marqua l’année 1986 et qui provoqua une baisse exceptionnelle du niveau du lac de Tibériade. Ce fut pour deux pêcheurs israéliens l’occasion de réaliser un vieux rêve.
Les frères Yuval et Moshe Lufan habitaient le village de Kibboutz Ginosar, un port de pêche implanté sur la rive nord-ouest du lac. Ils pratiquaient occasionnellement l’archéologie en amateurs dans l’espoir de découvrir quelque vestige ou épave antique. Ils arpentaient les berges semi-asséchées du lac, lorsqu’ils distinguèrent les contours d’un objet ovale ayant la forme d’une barque qui affleurait dans la boue. En grattant le sable ils virent que l’objet était fait de bois vermoulu. Petite coïncidence, l’instant de la découverte s’accompagna d’un phénomène naturel extrêmement rare : un arc-en-ciel lunaire …
L’existence de l’épave fut signalée au professeur Shelley Wachsmann, spécialiste d’archéologie sous-marine au Département des Antiquités d’Israël. L’expert l’examina et confirma qu’elle semblait très ancienne et qu’elle justifiait un sauvetage. On décida d’extraire l’objet de la boue, entreprise à la fois délicate et urgente avant la remontée des eaux. Une méthode adaptée à la situation fut définie, et l’opération fut menée promptement durant onze jours et onze nuits avec la participation active des villageois.
La méthode consista à créer d’abord une digue d’assèchement, qui permit d’évacuer manuellement la glaise entourant le navire. Puis l’épave fut conditionnée dans une enveloppe de mousse polyuréthane, remise à l’eau ainsi empaquetée et remorquée jusqu’au port de Gennésareth. Arrivé à bon port, le vieux navire fut délivré de sa mousse et plongé dans un bain chimique soigneusement contrôlé. Le traitement avait pour but de remplacer progressivement l’eau imprégnant le bois par de la cire synthétique. L’épave demeura ainsi immergée pendant une durée de sept ans. Ce processus terminé, l’objet fut empaqueté de nouveau et emporté par une grue jusqu’à son lieu de conservation définitif, c’est-à-dire dans le musée Ygal Allon de Kibboutz Ginosar créé pour l’occasion.
L’examen détaillé du navire révéla que c’était un voilier de pêche d’époque romaine. Mesurant plus de huit mètres, il fut construit avec des matériaux de réemploi fixés avec des tenons et des mortaises, et avait subi plusieurs réparations avec des bois d’essences différentes. Le lieu de sa découverte était jonché de clous et d’attaches métalliques, et la coque contenait une petite lampe à huile. Le professeur Richard Steffy, de l’Université du Texas, estima son âge, d’après les techniques employées, à une période comprise entre le Ier siècle avant et le second siècle après J.-C. Des analyses au carbone 14 complétèrent la datation en donnant une fourchette de 50 avant à 75 après J.-C.
Le navire est désormais l’une des épaves les mieux conservées de cette époque. C’est probablement un navire de ce type qu’utilisèrent Jésus et ses apôtres, ce qui a rendu cet objet célèbre sous le nom de « barque de Jésus ».
Le puits de Jacob – la Samaritaine
Tout voyageur qui se rend par voie terrestre de Judée en Galilée est obligé de traverser la région de Samarie. Si l’on remonte à l’Ancien Testament, les habitants de la Samarie étaient les héritiers de l’ancien royaume du Nord qui avait fait sécession à la mort du roi Salomon. Cette séparation avait laissé dans les esprits une forte animosité. Les Samaritains construisirent même leur propre Temple sur le mont Garizim, ce qui fut une source supplémentaire de différend. Bien que majoritairement déplacée sous la domination assyrienne, la petite communauté des Samaritains subsiste encore aujourd’hui, et a conservé sur place ses rites propres issus de leurs origines hébraïques, toujours pratiqués après trois millénaires.
Jésus traversa la Samarie à plusieurs reprises pour se rendre en Galilée. Le regard qu’il portait sur ses habitants était différent de celui des autres Juifs, comme le montre l’évangile de la femme samaritaine avec laquelle Jésus entra en conversation au bord d’un puits (Jean. 3). Celle-ci s’étonna d’abord qu’il daigne lui parler, puis réalisa sa qualité de prophète lorsqu’il devina sa vie privée. Lorsqu’elle lui demande de quelle montagne le culte devait être rendu, Jésus répondit de manière sibylline : « En esprit et en vérité ». Entendant qu’il était le messie, elle retourna hâtivement en informer les habitants de la ville.
L’évangile précise en outre que ce puits avait jadis appartenu au patriarche Jacob, et que son fils Joseph y avait été enterré au retour d’Egypte (Gn. 34 ; Js. 24, 32).
Non loin de Sichem en Samarie, il existe un « puits de Jacob » que la tradition locale rattache aux récits des deux Testaments. Les premières fouilles furent effectuées en 1893 sur le site du puits. Il est permis de rapprocher ce puits de celui de l’évangile, si l’on tient compte de plusieurs éléments. Le point d’eau semble d’abord très ancien et daterait de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne. De plus, dans sa conversation avec Jésus la Samaritaine désigne une montagne sacrée toute proche ; or le puits de Jacob traditionnel se trouve précisément au pied du mont Garizim. La Samaritaine précise également que le puits est profond, ce qui est le cas de celui-ci qui descend à 46 mètres. Ces caractéristiques correspondent bien aux indications des textes bibliques.
L’histoire du puits de Jacob durant les siècles suivants est assez bien documentée. Au IVème siècle de notre ère, les Byzantins élevèrent au-dessus du puits une petite église grecque en forme de croix. Elle fut rasée au IXème, puis remplacée par une autre en 1150, qui se dégrada. Les moines orthodoxes grecs firent l’acquisition du site en 1860, et entamèrent une nouvelle construction qui resta inachevée. Ce n’est qu’en 2007 que fut menée à son terme la construction d’une église moderne de grandes dimensions. Si l’on descend aujourd’hui dans la crypte de ce vaste sanctuaire, on peut encore s’asseoir comme le fit le Christ sur la margelle du vénérable puits.

La montagne de la Multiplication des pains
L’un des miracles les plus célèbres semble s’être déroulé en un lieu aujourd’hui marqué par une pierre désignant l’endroit exact où il se produisit. Jésus accompagné par la foule s’était éloigné de toute habitation, et la journée était bien avancée lorsque les apôtres soulevèrent le problème du ravitaillement. La foule qui avait suivi Jésus était innombrable, au moins cinq mille personnes est-il écrit. Il prit alors les seuls cinq pains et deux poissons qu’on avait trouvés et les fit distribuer au peuple, qui en reçut en quantité plus que suffisante.
Les indications géographiques données quant au lieu du miracle sont assez floues. La multiplication des pains se serait déroulée « de l’autre côté de la mer de Galilée, de Tibériade ». Il est également précisé qu’ « Il les prit alors avec lui en direction d’une ville appelée Bethsaïde », qu’ « Ils partirent donc en barque pour gagner un lieu solitaire, isolé » et qu’ « Il y avait en cet endroit beaucoup d’herbe ». Le souvenir du lieu a été perdu au VIIème siècle, lorsque le pays fut dévasté par l’invasion perse. Sa redécouverte fut possible des siècles plus tard grâce aux écrits de la pèlerine Egérie, une voyageuse espagnole du IVème siècle. Son témoignage décrit le lieu du miracle comme un lieu verdoyant placé en bordure du lac :
« Dans ces lieux–mêmes (non loin de Capharnaüm), face à la mer de Galilée, est une terre où l’eau abonde, où pousse une végétation luxuriante, aux nombreux arbres et palmiers. A proximité se trouvent sept sources qui fournissent de l’eau en abondance. Dans ce jardin fertile Jésus nourrit cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons. La pierre sur laquelle le Seigneur déposa le pain devint un autel. Les nombreux pèlerins venus sur le site la brisèrent en pièces pour soigner leurs maux. »
Cette description pourrait correspondre à un lieu-dit appelé Tabgha, une vallée fertile située sur la rive nord-ouest du lac entre Capharnaüm et Magdala, et arrosée par plusieurs sources. Le nom de Tabgha est peut-être une déformation arabe du mot grec Heptapegon qui signifie « sept sources ».
Le terrain de Tabgha fut acquis en 1888 par la Deutsche Katholische Palestinamission, qui avait l’intention d’y entreprendre des fouilles. En 1932, ce furent les archéologues allemands Mader et Schneider qui s’attelèrent à cette tâche. Ils ne furent pas déçus, car les bases d’une splendide église byzantine du Vème siècle se révélèrent à eux. Le monument intégrait une magnifique mosaïque qui recouvrait tout le sol de la nef. Cette oeuvre exceptionnelle représentait un environnement fluvial et marécageux plein de bonheur, avec diverses espèces d’oiseaux et de plantes aquatiques.
Juste devant l’autel, une image devenue célèbre montre une corbeille contenant cinq pains et entourée de deux poissons. Elle a permis d’identifier le lieu : c’est l’église des pains et des poissons, que l’on a reliée au récit biblique du miracle. Sous la table du même autel se trouve l’élément le plus important, un bloc de calcaire non taillé qui émerge au milieu de la mosaïque. Si la description d’Egérie est juste, il s’agit alors de la pierre sur laquelle Jésus aurait déposé le pain au moment de sa multiplication …
Les fouilles de Tabgha révélèrent également que l’église byzantine du Vème siècle était construite sur les fondations d’un autre sanctuaire encore plus ancien, qui fut identifié comme une chapelle du IVème siècle. L’ensemble du site a été patiemment restauré, et son architecture antique même respectée, puisqu’en 1982 une église a été rebâtie sur les ruines de celle du Vème siècle, selon un plan autant que possible conforme à l’originale.

Le mont de la Transfiguration
Jésus se déplaça jusqu’à la région de Césarée de Philippe, dans le sud de la Syrie. Il gravit une haute montagne accompagné de trois de ses apôtres qui furent les témoins d’une vision surnaturelle. Devant eux son aspect physique changea soudain pour apparaître extrêmement lumineux. Deux autres personnages apparurent au cours de cette vision, identifiés aux anciens prophètes Moïse et Elie. Une voix céleste retentit et recommanda de faire confiance au Fils Bien-aimé (Mt. 17, 1 ; Mc. 9, 2).
Le nom de la montagne où se passa la Transfiguration n’est pas précisé, ce qui ne facilite pas son identification. On a longtemps situé cet épisode sur le mont Thabor, une colline haute de 600 mètres située au sud-ouest du lac de Tibériade. Cette position est défendue par certains textes anciens. Pourtant le mont Thabor est peu élevé et bien éloigné de la nordique Césarée de Philippe. La ville de Césarée de Philippe se trouve à cinquante kilomètres au nord du lac, et sur la rive est du Jourdain. De plus, le sommet du Thabor était au premier siècle occupé par un fort militaire.
En revanche, une autre montagne qui a davantage ses chances est la chaîne de l’Hermon, un massif situé encore plus au nord que Césarée et qui culmine à 2800 mètres. C’est plutôt dans ce lieu lointain et isolé que le phénomène se serait produit. Toujours est-il que la tradition a conservé le mont Thabor comme lieu supposé de l’évènement ; c’est sur le Thabor, plus facile d’accès pour les pèlerins, qu’ont été construites plusieurs églises successives dont l’actuelle basilique de la Transfiguration.
L’absence de certitude sur l’authenticité du lieu a cependant laissé de la place pour le rêve et l’imagination. Un pèlerin du Vème siècle plein d’inspiration eut un jour l’idée de concrétiser les paroles prononcées par Pierre pendant la vision : »Maître, il est heureux que nous soyons ici ; dressons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie ». Trois sanctuaires byzantins furent par conséquent élevés sur le mont Thabor. Démolis et reconstruits plusieurs fois durant les siècles suivants, leurs restes sont aujourd’hui intégrés à l’actuelle basilique franciscaine de la Transfiguration bâtie en 1924.
Si l’on descend dans la crypte de la basilique, on peut admirer quatre magnifiques mosaïques représentant la vie du Christ. Les moines franciscains aiment à dire que par beau temps, les rayons solaires filtrent à travers les vitraux et jouent avec les couleurs des mosaïques, produisant des effets merveilleux en souvenir de la luminosité du Christ resplendissant.

Le ministère de Jésus
à Jérusalem
Jésus se rendit plusieurs fois dans la capitale judéenne ; il fit sa dernière entrée en apparaissant monté sur un âne et fut reçu triomphalement par les habitants, qui élevèrent des palmes en son honneur et disposèrent leurs manteaux sur son chemin. Il fréquenta ensuite largement le Temple d’Hérode, où il diffusa librement son enseignement, quoique ses relations avec le clergé fussent tendues. Il opéra plusieurs miracles dans la grande cité.
La piscine de Siloé
La guérison d’un aveugle de naissance se fit au contact de l’eau d’un bain public. Jésus mit de la boue sur les yeux de l’aveugle, puis l’envoya se laver dans la piscine de Siloé. A son retour l’aveugle avait acquis la vue (Jean. 9, 7).
L’ancienne piscine de Siloé n’a pas été identifiée sans erreur du premier coup. On a longtemps cru que cette piscine n’était autre que la sortie étroite et sombre du canal souterrain d’Ezéchias, à l’extrémité sud de la cité de David. Cependant une meilleure proposition fut faite en 2004.
Des travaux réalisés sur une canalisation proche de là permirent de découvrir les marches d’un très large escalier de calcaire qui descendait en pente douce vers un jardin. Des fouilles furent aussitôt menées par l’archéologue Elie Shoukron, du Bureau des Antiquités d’Israël, et par le professeur Ronny Reich, de l’université de Haïfa. Elles permirent de dégager une grande partie de l’escalier, qui devait constituer le pourtour d’une ancienne piscine. Des tessons de poterie récoltés confirmèrent que ces bains étaient en usage au Ier siècle.
Bien mieux que la sortie obscure du canal d’Ezéchias, la disposition plus spacieuse du nouveau site s’accorde avec un bain public antique. Les larges marches entourant le plan d’eau devaient permettre à un grand nombre de personnes d’y accéder. Sa proximité avec le débouché du tunnel et le quartier de Siloé permet de les identifier à coup sûr à la piscine citée dans l’évangile. Ce site archéologique a été considéré par ses découvreurs comme l’une des plus importantes trouvailles récentes en matière de vestiges bibliques

La piscine de Bézetha
Un autre récit de guérison par contact avec l’eau figure dans un passage moins connu de l’évangile de Jean, celui du paralytique et de la piscine de Bézétha, ou Béthesda (Jn. 5, 1-9). Ce point d’eau, dit l’évangéliste, était déjà un lieu où des miracles se produisaient fréquemment. L’eau de la piscine se mettait régulièrement à bouillir, sous l’action d’un ange disait-on, et dès cet instant la première personne malade qui s’y plongeait guérissait. Le paralytique ayant expliqué à Jésus qu’il y parvenait toujours trop tard, Jésus le délivra alors de son infirmité sur le champ.
La piscine de Bézétha est décrite dans le texte comme étant proche de la « porte des Brebis » et dotée de cinq portiques. C’est l’Allemand Conrad Schick qui la redécouvrit au XIXe siècle, tout près de l’église Sainte-Anne au Nord du mont du Temple.
Des fouilles menées par les Pères blancs dans les années 1950-60, révélèrent un bassin rectangulaire encadré sur ses quatre côtés par une colonnade, et séparé en deux par une cinquième [2]. L’identification du site avec la Bézétha évangélique ne fait aucun doute, soutenue également par l’âge des monnaies trouvées sur place et qui s’échelonnent entre 10 et 68 ap. J.-C. On trouva également sur place d’autres constructions de factures romaines, byzantines et médiévales. Un temple païen dédié à Esculape a suggéré que les guérisons pouvaient également être attribuées à ce dieu. La piscine de Bézétha fut l’un des rares endroits où des guérisons surnaturelles étaient signalées indépendamment des interventions de Jésus [3][4].
Le Temple d’Hérode
Comme le mentionne le Nouveau Testament, Jésus de Nazareth fréquenta plus d’une fois le Temple de Jérusalem. Parvenu dans l’enceinte du sanctuaire, il provoqua un incident en chassant les marchands d’articles de sacrifices. A l’adresse de ses disciples qui en admiraient l’architecture, Jésus annonça prophétiquement la ruine prochaine du monument (Jean. 2, 20, Marc. 13, 2).
Cette prédiction ne manquerait pas de se réaliser, car le sanctuaire fut détruit en l’an 70 par l’armée romaine lors de la grande révolte juive. Il ne reste aujourd’hui qu’une portion de son mur de soutènement, le fameux « mur des Lamentations » ou Kotel, visible de l’extérieur par sa face sud-ouest et devant lequel les Juifs du monde entier viennent se recueillir. Ce vestige symbolique du Temple hérodien est un lieu de première importance pour la communauté juive actuelle.
Les informations dont nous disposons sur ce Second Temple, également disparu, proviennent essentiellement des écrits de l’historien juif Flavius Josèphe et de la Mishna rabbinique [5]. Le sanctuaire magnifique qu’avait construit Salomon, abattu par les Babyloniens en 587 et partiellement remis en état après l’exil à Babylone, fut remplacé en l’an 19 avant notre ère par un monument entièrement neuf bâti par Hérode le Grand. Elevé à la place du premier sur la même colline du mont du Temple, il fut achevé en une quarantaine d’années
Sa construction nécessita des travaux encore plus conséquents que le premier. L’esplanade fut pratiquement doublée de surface, ce qui nécessita le creusement de la colline rocheuse au Nord et l’agrandissement du remblai au Sud. La nouvelle cour fut entourée d’un mur de soutènement cylopéen qui la maintenait sur quatre côtés. L’esplanade se divisait en plusieurs zones, d’abord le « parvis des gentils », c’est-à-dire des païens, puis une zone accessible aux seuls Juifs, elle-même compartimentée en parvis réservés aux hommes, aux femmes et aux prêtres. C’est dans ce dernier périmètre qu’était bâti le Temple proprement dit.
Les architectes d’Hérode reproduisirent plus ou moins fidèlement l’ouvrage de Salomon. Plus grand que le premier avec ses cinquante mètres de haut, cinquante mètres de long, cinquante mètres de large en façade et trente-cinq à l’arrière, il était également subdivisé intérieurement en trois salles : porche, lieu saint et lieu très saint. Ce dernier était séparé du précédent non plus par une porte mais par un rideau, et n’était plus occupé par l’Arche d’Alliance qui avait entretemps disparu.
La vaste cour extérieure communiquait avec le reste de la ville par huit portes. Celles du sud-ouest donnaient sur des escaliers d’accès supportés par des arches dont les extrémités sont encore visibles aujourd’hui, l’arche de Wilson et l’arche de Robinson. La partie sud-est du remblai est encore soutenue aujourd’hui par un réseau caché de piliers et d’arches souterrains, qui forment une vaste salle portant l’appellation impropre d’ « écuries de Salomon ».
Les recherches contemporaines menées par les archéologues israéliens se sont concentrées autour du mur de soutènement de l’esplanade des mosquées. Des fouilles conduites au Sud du mont du Temple à partir de 1968 par le professeur Benjamin Mazar, de l’Université hébraïque de Jérusalem, ont permis de dégager des ruelles antiques pavées et entourées de boutiques couvertes, des restes d’habitations et un large escalier d’accès à la face sud du mont du Temple. Quelques éléments exhumés à cette occasion semblent provenir du Temple d’Hérode. Ainsi une grande pierre taillée en angle porte une courte inscription gravée en hébreu qui signifie : « à la place des trompettes ». Mazar l’identifia avec la pierre d’angle du parapet d’où un prêtre venait rituellement sonner de la trompe. Un autre bloc porte également une inscription gravée en grec interdisant l’entrée du sanctuaire aux non-juifs. Il s’agit sans doute d’une portion du parapet qui séparait la cour des gentils des différents parvis, et qui portait des mentions d’interdiction d’accès
Un tunnel permet aujourd’hui de longer la base du mur occidental, depuis le Kotel jusqu’à l’extrémité nord de l’enceinte. Il a été creusé à la demande du rabbin Meir Yehuda Guetz, afin d’explorer les fondations enfouies du mur de soubassement. Ce travail a permis de constater que la maçonnerie était entièrement hérodienne, et laisse songeur quant à l’ampleur des moyens employés. Les blocs taillés sont des monolithes géants, polis avec soin et reliés entre eux par des attaches métalliques. Le plus volumineux de ces blocs cyclopéens ne mesure pas moins de treize mètres de long ! Ce gigantisme dans la méthode de construction est à la hauteur des ambitions hérodiennes.
Dans cette terre d’Israël occupée où le nationalisme juif et l’autoritarisme romain s’affrontaient par le biais de la question religieuse, le prophète Jésus défendait une position spirituelle à la fois monothéiste et pacifique. Toutefois sa mission de ne se limitait pas à des miracles et à des paroles éloquentes. Elle avait également un caractère sacrificiel. Le Nazaréen affirmait devoir subir une peine mortelle en réparation des fautes commises par l’Humanité. Ce processus allait s’accomplir à Jérusalem où Jésus serait condamné à périr dans d’inhumaines conditions.
Le procès de Jésus
Quelques jours avant la Pâque juive, Jésus se rendit à Jérusalem en même temps que de nombreux pélerins juifs venus célébrer la fête religieuse traditionnelle. Il y fit une entrée triomphale, monté sur un âne et salué par une population en liesse qui agitait des branchages pour l’honorer. Il était pourtant conscient qu’il allait être arrêté et condamné à mort, mais il ne chercha aucunement à éviter l’issue fatale qu’il considérait comme une nécessité théologique.
Jésus prit son dernier repas en compagnie des douze apôtres, dans l’angoisse d’un soir précédant la Pâque et la veille de son arrestation. Il institua le rite de l’Eucharistie, qui consistait à consommer du pain et du vin identifiés à son corps et à son sang.
En référence à l’Ancien Testament, le dîner pascal commémorait la libération des Hébreux retenus esclaves en Egypte. Ceux-ci avaient consommé un agneau sacrifié la veille de leur départ. Jésus renouvela le rite en s’offrant lui-même en sacrifice, le pain et le vin consommés s’assimilant à la chair et au sang de l’agneau tué. Sa démarche spirituelle s’inscrivait dans le plan divin du rachat des fautes de l’humanité par le sacrifice du Christ sur la croix.
Le Cénacle
Le dernier repas de Jésus, appelé la Cène, fut pris au premier étage d’une demeure de Jérusalem, dans une salle qui avait été réservée par les apôtres à la demande de Jésus (Mc. 14, 12-17). Pierre et Jean s’étant rendus en ville, ils suivirent « un homme portant une cruche d’eau ». Entrés à sa suite dans une habitation, ils demandèrent à réserver la salle du haut, « une grande pièce garnie de coussins ». Les apôtres y préparèrent le repas prévu pour le soir-même.
La tradition chrétienne a gardé mémoire de cette pièce, appelée le Cénacle ou encore la « chambre haute ». Elle se trouve sur la colline de Sion, à quelques mètres au sud de la muraille actuelle de la ville et de la porte de Sion. Cette pièce devait encore servir après la mort de Jésus, comme lieu de réunion et de refuge pour les apôtres et les premiers chrétiens. C’est là qu’aurait eu lieu une apparition de Jésus ressuscité, et c’est également là que se déroula la Pentecôte.
Au cours des siècles suivants, la « chambre haute » fut démolie et reconstruite. Au XIVème siècle on lui donna la forme d’une chapelle gothique à plan carré, avec une magnifique voûte en ogives. Aujourd’hui il en reste une belle pièce carrée au premier étage d’un bâtiment complexe. Le rez-de-chaussée est connu pour abriter un autre lieu saint traditionnel : le tombeau supposé du roi David, qui n’est en fait qu’un cénotaphe, ou mémorial.

L’arrestation à Gethsémané et le procès juif
Le repas terminé, Jésus et ses disciples se rendirent dans un jardin appelé Gethsémané, sur le mont des Oliviers situé à l’est de la ville, de l’autre côté de la vallée du Cédron. Jésus passa la nuit sans dormir dans l’angoisse et la prière, redoutant le sort terrible qui l’attendait. Son arrestation eut lieu en fin de nuit dans ce même jardin. Jésus fut saisi par un groupe d’hommes armés qui firent irruption dans le jardin, sous l’ordre des prêtres juifs et guidés par l’apôtre Judas, qui servit de témoin pour identifier Jésus à coup sûr.
Sur cette colline est bâtie depuis 1924 une « église de toutes les nations », à la construction de laquelle de nombreux pays ont participé. A l’intérieur de ce sanctuaire et devant l’autel est visible un large rocher plat sur lequel Jésus aurait prié et pleuré pendant les longues heures nocturnes.
A quelques mètres de là se trouve un autre lieu-symbole de la Passion : l’endroit supposé de l’arrestation. La tradition identifie ce point avec l’entrée d’une grotte, bien que les évangiles n’en fassent pas état. La vénération de cette caverne est attestée par saint Jérôme au VIème siècle. Un récit apocryphe de la Passion déclare que les moments les plus angoissés de Jésus ont été passés dans une caverne. En 1956, le site fut fouillé par les moines franciscains, qui y trouvèrent des fragments de mosaïque et d’autres vestiges remontant aux cinq premiers siècles. Parmi ceux-ci figuraient un pressoir à huile d’olive et une citerne. On comprend mieux que les évangiles aient employé le nom de Gethsémané, car il signifie effectivement « pressoir à huile ».
Jésus fut d’abord conduit au domicile du grand-prêtre Caïphe, où le conseil des prêtres (Sanhédrin) s’était réuni. Ce conseil religieux exerçait une autorité pour faire appliquer la loi juive. Il déclara que le prisonnier méritait la mort parce qu’il avait blasphémé. Cependant le clergé hébreu n’étant pas habilité à prononcer la peine capitale, Jésus fut présenté à l’autorité romaine qui seule décidait de la vie ou de la mort.
Jésus au prétoire : le procès romain
Le gouverneur romain Ponce Pilate qui siégeait dans le prétoire (le palais du prêteur), fut embarrassé par le cas de ce prisonnier qui lui semblait innocent. Apprenant que Jésus était originaire de Galilée, il le fit transférer vers le tétrarque de Galilée, Hérode Antipas, de passage à Jérusalem. Celui-ci ne voulut pas le condamner non plus et renvoya le prisonnier vers Pilate. Les prêtres et le peuple juif insistèrent alors lourdement auprès du romain pour que Jésus fût condamné à la croix. Ils arguèrent du fait que Jésus s’était déclaré « roi des Juifs », alors que le seul roi légitime était César. Pilate finit par céder sous la pression de la foule, et la sentence de mort par crucifixion fut prononcée. Il rendit son jugement depuis un tribunal séparé appelé Lithostratos, c’est-à-dire « siège de pierre ».
Une tradition répandue identifie le prétoire à la forteresse Antonia, un bastion militaire qui se dressait à l’angle nord-ouest du mont du Temple. Ce terrain est aujourd’hui occupé par le monastère des soeurs de Sion, ou couvent de l’Ecce homo, bâti au XIXème siècle sur un site où subsistent des vestiges romains. Le sous-sol du couvent contient un lieu assimilé au Lithostratos, une grande salle où subsiste aujourd’hui un dallage romain. Des graffiti gravés sur le sol figurent le « jeu du roi » que les légionnaires devaient pratiquer pour s’occuper. On reconnaît le tracé de la lettre B qui pourrait être l’initiale du mot Basileus (roi, en grec). Au niveau le plus bas subsiste la « citerne de Strouthion », un réservoir d’eau voûté qui alimentait probablement la garnison romaine. Au sous-sol toujours, une cellule de prison porte l’inscription grecque : « Prison du Christ », où Jésus aurait été enfermé et maltraité. Cependant rien de tout cela n’est attesté, car le prétoire pourrait tout aussi bien se trouver dans le palais d’Hérode le Grand implanté à l’ouest du mont du Temple.
Des informations historiques sur le gouverneur Ponce Pilate sont fournies par des auteurs anciens comme Tacite, Philon d’Alexandrie et Josèphe, ainsi que par quelques pièces de monnaie émises sous sa législature. L’existence de Pilate a également été confirmée en 1961, par une stèle trouvée dans la ville de Césarée maritime, à quatre-vingts kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Cette cité construite sur la côte méditerranéenne avait été bâtie par le roi Hérode le Grand au service de l’occupant romain. Lorsque les archéologues italiens fouillèrent Césarée, l’équipe du docteur Antonio Frova dégagea un ancien théâtre, au milieu duquel trônait une dalle de calcaire de réemploi portant l’inscription latine suivante : « Tiberieum, Pontius Pilatus, Prefectus Iudea », c’est-à-dire : « A Tibère, Ponce Pilate, préfet de Judée ».
Il est intéressant de remarquer que l’historien Tacite donne par erreur à Pilate le titre de procurateur. La présente inscription « rétablit » Pilate dans sa fonction de préfet ; en effet le titre de préfet disparut à la fin du premier siècle, remplacé par celui de procurateur. Les évangiles, quant à eux, emploient simplement le terme de gouverneur.

Le jour du dernier repas
Si le récit de la Passion de Jésus de Nazareth est rapporté en détail, il donne en revanche assez peu d’informations permettant d’en connaître la date exacte. Les historiens qui ont essayé de la calculer se sont plongés dans de difficiles reconstitutions du calendrier. L’un des problèmes rencontrés concerne le déroulement de la semaine sainte qui précède la condamnation, car le calendrier recèle une contradiction : alors que les trois premiers évangiles font de la Cène un repas pascal (Matthieu. 26,17 ; Marc. 14,12 ; Luc. 22,7), l’évangile selon saint Jean place le dernier repas un ou plusieurs jours avant la fête de la Pâque (Jean. 13,1 ; Jean. 18,28).
D’autres incohérences ont été relevées dans le récit. Habituellement, la liturgie chrétienne célèbre le dernier repas pascal de Jésus le jeudi saint, et sa mort le lendemain vendredi saint. Le problème tient au laps de temps écoulé entre son arrestation et son exécution, délai qui peut paraître bien court pour un déroulement complet du procès. En l’espace d’une nuit, Jésus aurait été transféré chez l’ancien grand-prêtre, puis chez le nouveau, puis deux fois au prétoire où siégeait Pilate, et entretemps chez Hérode … Il faut aussi tenir compte de certaines lois et pratiques juives qui figurent dans le Talmud : interdiction pour un tribunal de siéger la nuit, interdiction de condamner à mort un prisonnier en moins de vingt-quatre heures, et interdiction de condamner à mort une veille de sabbat.
Crucifixion
L’exécution de Jésus, telle qu’elle est rapportée dans les évangiles, est précédée du récit des épreuves qui lui furent infligées. Dès la sentence prononcée Jésus fut maltraité, flagellé, coiffé par dérision d’une couronne tressée d’épines, puis dirigé vers le lieu d’exécution. Il fut contraint de porter sa croix et fit plusieurs chutes en subissant les coups des soldats. Un passant nommé Simon de Cyrène fut réquisitionné pour l’aider à porter son fardeau.
Les Ecritures désignent le lieu de la mise à mort par le mot « Golgotha », qui signifie « crâne » en hébreu et qui se trouvait à l’extérieur du rempart. On peut croire que l’itinéraire suivi correspond à l’actuelle Via dolorosa, une ruelle qui traverse d’Est en Ouest le centre ancien de Jérusalem, à partir du couvent de l’Ecce homo et jusqu’à la Basilique du Saint-Sépulcre.
Jésus fut cloué sur la croix en même temps que deux autres condamnés. Un écriteau portant la mention : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs » fut fixé au-dessus de sa tête. Une foule de témoins hostiles assista à l’affreuse agonie en l’insultant. Quelques-uns de ses proches étaient également présents, dont sa mère, l’apôtre Jean et Marie de Magdala. Les soldats récupérèrent même ses vêtements en se les partageant par tirage au sort. On lui tendit à boire une éponge imbibée de vinaigre qu’il refusa de prendre. Vers la sixième heure (environ midi) le ciel s’assombrit et demeura obscur jusqu’à la neuvième heure (trois heures de l’après-midi), moment où il mourut à l’issue de douleurs extrêmes.
Si l’on en croit les Ecritures, l’instant de sa mort s’accompagna de phénomènes extraordinaires : séisme, fissuration du sol, déchirement du rideau du Temple et résurrection des morts dans les cimetières. Le centurion s’en émut et reconnut Jésus comme le « fils de Dieu », tandis qu’un autre soldat lui perçait la poitrine d’où sortirent du sang et de l’eau. Entretemps on avait brisé les jambes des autres crucifiés pour hâter leur mort, mesure épargnée à Jésus qui avait déjà expiré (Matthieu. 27, Marc. 15, Luc. 23, Jean. 19).
Le récit de cet évènement fondateur contient des faits dont la crédibilité relève de la foi. Cependant les informations figurant dans ces textes nous ont permis de retrouver quelques éléments concrets relatifs au martyre.
Les témoignages historiques
Les plus anciens échos de la crucifixion de Jésus de Nazareth apparaissent dans la littérature antique des Ier et IIe siècles. Ce sont des écrits émanant d’historiens non chrétiens qui évoquent l’existence de Jésus-Christ et sa condamnation à mort. Le plus important d’entre eux est sans doute celui de Flavius Josèphe (37-97), qui écrivit vers 93 dans ses Antiquités judaïques :
« En ce temps-là paraît Jésus, un homme sage, si toutefois il faut l’appeler un homme, car c’était un faiseur de prodiges, un maître des gens qui recevaient avec joie la vérité. Il entraîna beaucoup de Juifs et aussi beaucoup de Grecs ; Celui-là était le Christ. Et quand Pilate, sur la dénonciation des premiers parmi nous le condamna à la croix, ceux qui l’avaient aimé précédemment ne cessèrent pas ».
Au début du IIe siècle, l’historien romain Tacite (v. 55-120 ap. J.-C.) déclare dans ses Annales (15, 44) à propos d’un incendie ayant ravagé la ville de Rome : « Néron accusa ceux que leurs abominations faisait détester et que la foule appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui fut condamné sous le principat de Tibère par le procurateur Ponce Pilate. Réprimée sur le moment, cette détestable superstition perçait de nouveau, non pas seulement en Judée mais encore à Rome ».
Un orateur syrien du IIe siècle, Lucien de Samosate (125-192), affirme également que le fondateur du christianisme a été crucifié : « Celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes … Le premier législateur [des chrétiens] les a encore persuadés qu’ils sont tous frères. Dès qu’ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux des Grecs et adorent le sophiste crucifié dont ils suivent les lois ».
Citons enfin un document judaïque, le Talmud de Babylone (Sanhédrin 43a), compilé à partir du IIIe siècle et qui indique : « La veille de Pâques, on a pendu Yéshu (Jésus). Pendant les 40 jours qui précédèrent l’exécution, un héraut allait en criant : ‘Il sera lapidé parce qu’il a pratiqué la magie, trompé et égaré Israël. Si quiconque a quelque chose à dire en sa faveur, qu’il s’avance en son nom.’ Mais on ne trouva personne qui témoignât en sa faveur et on le pendit la veille de Pâques »
La crucifixion dans l’Antiquité
En-dehors de son application au personnage de Jésus, la pratique de la crucifixion à l’époque romaine est attestée par d’autres textes anciens. Cette méthode d’exécution qui consistait à suspendre ou clouer les condamnés sur des planches de bois pour provoquer leur mort par asphyxie fut d’abord pratiquée chez les Celtes, les Perses et les Phéniciens avant d’être introduite chez les Romains. Ceux-ci l’utilisèrent parfois en masse, comme en 71 av. J.-C. lorsque six mille partisans de l’insurrection spartakiste furent crucifiés sur la Via Appia, ou lors de la révolte juive de 70 ap. J.-C. quand le général Titus fit crucifier des milliers de Juifs à Jérusalem. Considéré comme la plus cruelle des formes de mise à mort, ce supplice fut finalement interdit au IVe siècle par l’empereur Constantin.
Pendant longtemps on ne disposa pas de trace matérielle de cette pratique barbare, jusqu’à ce qu’en 1968 l’archéologue israélien Vassilios Tzaferis découvre dans une tombe de Givat ha-Mivtar, près de Jérusalem, le squelette d’un homme qui avait été crucifié. Le corps trouvé dans un sarcophage avait les chevilles traversées de part en part par un clou long de 17 centimètres. L’état des poignets montrait qu’ils avaient également été percés de clous. Le tibia gauche présentait une fracture, indiquant qu’il avait reçu le coup de grâce comme le notent les évangiles. Le talon avait éclaté, témoignant de la violence des coups portés par le bourreau.
Le nom gravé sur le cercueil précise l’identité du condamné : Yohan, fils de Hagakol. Son exécution date probablement de l’an 70, moment où Titus ordonna la crucifixion de plusieurs milliers de Juifs. Cette découverte est l’unique preuve archéologique connue de la réalité de la crucifixion en Israël.
La date de la crucifixion de Jésus
Ceux qui reconnaissent la réalité historique de la Passion de Jésus-Christ ont cependant encore à résoudre le problème de sa chronologie. En deux millénaires de chrétienté, de nombreux savants ont tenté de retrouver par le calcul la date précise de l’évènement, sans pour autant parvenir à un véritable consensus.
Les calculs se fondent d’abord sur les indices temporels fournis par les textes bibliques. Des évangiles il ressort que l’exécution a eu lieu une veille de sabbat, donc un vendredi, et que la Pâque juive tombait cette année-là un samedi. Or d’après l’Ancien Testament (Ex. 12,18), la Pâque juive se place le 14 ou le 15 du mois de Nisan (mars-avril). Par ailleurs, nous savons par des sources historiques que le gouverneur Ponce Pilate fut préfet de Judée de 26 à 36. Durant cette décennie, il se trouve seulement cinq années pour lesquelles le 14 ou le 15 de Nisan tombe un samedi. Par recoupements, les historiens retiennent fréquemment les deux dates les plus plausibles pour la crucifixion, celles du vendredi 26 mars 30 et du 3 avril 33.
Un moyen de départager ces deux possibilités se trouve peut-être dans le récit de la Passion lui-même, qui décrit la survenue de phénomènes surnaturels et spectaculaires perçus par les témoins de la scène.
Le premier élément de comparaison concerne les ténèbres qui auraient accompagné la crucifixion de Jésus. A ce propos, l’auteur chrétien Jules l’Africain (v. 160-240) cite un historien mal connu du Ier siècle, un certain Thallus : « Thallus, au troisième livre de son Histoire, explique cette obscurité par une éclipse, ce qui me parait inacceptable ! » [4].
Il est certes tentant d’attribuer à une éclipse l’obscurité signalée dans le récit. En fait une éclipse de Soleil (le Soleil masqué par la Lune) n’est pas envisageable, car la Pâque juive a toujours lieu en période de pleine Lune et les éclipses de Soleil sont alors impossibles. Seule une éclipse de Lune (la Lune dans l’ombre de la Terre) peut se produire pendant cette période, mais en aucun cas elle ne peut expliquer une telle obscurité, et certainement pas pendant trois heures.
Jules l’Africain cite également l’historien Phlégon de Tralles, qui aurait mentionné l’observation d’une éclipse anormale à cette époque : « Phlégon rapporte qu’au temps de César Tibère, pendant la pleine Lune, il y eut une éclipse totale de Soleil de la sixième à la neuvième heure »
Ce passage paraît concorder de manière surprenante avec les évangiles. Un texte comparable du même Phlégon et cité par saint Jérôme (347-420) en dit davantage : « La quatrième année de la 202ème Olympiade, une éclipse de soleil se produisit, plus importante et plus extraordinaire que toutes les précédentes. A la sixième heure, le jour se transforma en nuit noire de sorte que les étoiles furent visibles dans le ciel. Un tremblement de terre ébranla en Bithynie de nombreuses constructions dans la ville de Nicée »
Ces affirmations reprises par des auteurs chrétiens ont certes pu être influencées par le contexte religieux de leur époque ; quoi qu’il en soit, cet extrait donne un élément chronologique, car la 202ème olympiade correspond à l’an 32 ou 33 de notre ère. Ce qui n’explique pas l’origine de l’obscurité, à moins de croire à un véritable miracle au sens strict.
La Lune prend parfois une couleur rougeâtre
pendant une éclipse de Lune
Une étude publiée en 1983 dans la revue Nature par deux physiciens de l’université d’Oxford, Colin J. Humphreys et W. Graeme Waddington, reprenait la piste de l’éclipse de Lune en supposant que la Lune ait pris ce jour-là une couleur rougeâtre, comme pourrait le suggérer l’interprétation de certains textes [7]. Ces chercheurs constataient avec surprise qu’une telle éclipse avait effectivement eu lieu le 3 avril 33, l’une des deux dates déjà pressenties par ailleurs. Cette date emportait donc leur adhésion pour s’apparenter à celle de la mort du Christ. Quant à l’origine de l’obscurité, elle serait due à un phénomène de vent des sables. Cette conclusion est-elle satisfaisante ? A défaut d’un scénario plus convaincant ou plus complet, le mystère demeure.
Une solution élégante a été proposée en 1959 par une spécialiste de l’exégèse biblique et chercheur au CNRS, Annie Jaubert. Elle a publié une étude remarquable qui permet de lever la contradiction tout en étalant davantage dans le temps le récit du procès. Son travail se fonde sur une information déterminante fournie par les manuscrits de la mer Morte.
En effet les rouleaux de parchemin découverts à Qumran nous apprennent l’existence d’un deuxième calendrier hébreu utilisé au temps de Jésus. Les incohérences tombent si l’on suppose que les quatre évangélistes n’ont pas utilisé le même calendrier. Cette hypothèse met les quatre textes d’accord en proposant que la Cène se soit déroulée non pas le jeudi, mais le mardi. De ce fait, les contradictions disparaissent, les délais sont respectés et le déroulement devient plausible.
La thèse est en outre appuyée par des témoignages chrétiens très anciens, comme la Didachè des apôtres, un texte catéchétique du Ier ou du IIème siècle retrouvé en 1873 à Constantinople. Ce document semble indiquer qu’au temps de l’Eglise primitive la Cène était célébrée le mardi soir. Si Jésus prit réellement son dernier repas pascal un mardi, il aurait donc passé deux jours en captivité.
Le résultat de ce travail a emporté de nombreux suffrages chez les exégètes, y compris même au sein du Vatican. Toutefois, cette conclusion risque de perturber les habitudes de la pratique chrétienne. Faut-il pour autant remettre en question le calendrier liturgique actuel de Pâques ? Pas nécessairement : celui-ci a une vocation de célébration plutôt que de reproduction rigoureuse des faits.
Golgotha et le tombeau de Jésus-Christ
Le lieu précis où Jésus de Nazareth aurait été exécuté, appelé « Golgotha » par les évangiles, c’est-à-dire « lieu du crâne » ou « Calvaire », était d’après ces sources situé tout près de Jérusalem. Deux millénaires se sont écoulés depuis, et l’emplacement supposé du martyre du Christ attire toujours la piété des pélerins. Aujourd’hui, la recherche de sa localisation exacte relève de l’enquête archéologique.
De timides indices descriptifs figurent dans les textes eux-mêmes. Le soir de la mort de Jésus, ses proches détachèrent son corps de la croix et le déposèrent dans une tombe implantée à proximité immédiate qu’un prêtre du Temple et sympathisant, Joseph d’Arimathie, mit à sa disposition. Le Nouveau Testament précise que cette tombe était située dans un jardin, taillée dans le rocher, que c’était un tombeau neuf et qu’après l’inhumation on la referma en roulant devant son entrée une grande pierre ronde sur laquelle on pouvait s’asseoir (Matthieu. 27-28 ; Marc 15-16 ; Luc 23-24 ; Jean. 19 ; Hébreux. 13).

La basilique du Saint-Sépulcre
La plus ancienne tradition chrétienne place le tombeau de Jésus dans l’actuelle basilique du Saint-Sépulcre, construite au l’intérieur de la cité historique de Jérusalem et à l’Ouest du mont du Temple. A l’époque de l’évènement, le site se trouvait en-dehors de l’enceinte fortifiée de la ville, mais celle-ci fut agrandie en vers l’an 44, intégrant désormais le lieu saint dans le périmètre du rempart.
Le souvenir de l’emplacement de la tombe fut perdu au IIème siècle, lorsqu’à la suite de la révolte juive de 132 l’empereur romain Hadrien fit raser tous les lieux saints de Jérusalem. Dans le secteur de la future basilique, il fit élever une grande esplanade et bâtir un temple dédié à Jupiter.
En 323, l’empereur Constantin se convertit au christianisme et s’intéressa aux lieux saints chrétiens de Jérusalem. Il fit démolir le temple d’Hadrien et creuser sous l’esplanade. Selon l’évêque Eusèbe de Césarée, c’est là que la tombe de Jésus fut retrouvée, quoiqu’il ne précise pas comment elle fut identifiée. Selon d’autres sources, c’est à sainte Hélène, la mère de Constantin, que l’on doit la découverte du Sépulcre à la suite d’un rêve qui lui en révéla l’emplacement.
Constantin fit construire au-dessus de cette tombe une immense coupole, complétée par une vaste basilique. Le caveau fut entièrement dégagé de la masse de calcaire qui l’entourait, et devint un volumineux bloc rocheux isolé que l’on appela « édicule » et qui trôna prestigieusement sous la coupole.
L’histoire de la basilique de Constantin est mouvementée. En 1009, le calife arabe Al-Hakim fit entièrement démolir le monument, ainsi que le caveau lui-même qui fut littéralement pulvérisé … Au point qu’aujourd’hui il n’en reste que quelques fragments épars. La nouvelle de ce geste heurta les chrétiens d’Occident et contribua sans doute à motiver le mouvement des croisades. En 1099, les chevaliers français s’emparèrent de Jérusalem après cinq semaines de siège. Ils rebâtirent la basilique sur un plan plus modeste, celui que nous lui connaissons, et taillèrent un nouvel édicule pour remplacer le premier.
Aujourd’hui, l’un des lieux les plus saints de la Terre aux yeux des chrétiens est un monument bâti comme une sorte de labyrinthe truffé de passages dérobés et de curiosités historiques ; il mérite de ce fait une brève visite virtuelle.
Vu de l’extérieur, ses deux grandes coupoles et son clocher rapprochés lui donnent une allure compacte, enserré au milieu des constructions annexes. L’organisation de l’espace intérieur, décoré à profusion, se répartit entre plusieurs confessions chrétiennes. La nef est occupée en son centre par un vaste choeur au sol de marbre entouré d’un mur, où siègent les patriarches ortodoxes. Face à celui-ci et sur la gauche se tient un imposant cube de pierre, qui n’est autre que le massif édicule du tombeau de Jésus-Christ.
Autour du volume central de la basilique se greffent plusieurs salles annexes non dépourvues d’intérêt. L’une des chapelles latérales qui entourent l’édicule communique avec un ancien tombeau aménagé dans une antique carrière et appelé sans certitude « la tombe de Joseph d’Arimathie ». Face à l’entrée principale s’ouvre un double oratoire franciscain, ainsi qu’un long couloir en angle conduisant à une magnifique chapelle romane dite des Croisés.
Percé à l’extrémité est du monument, un large escalier descend vers une vaste salle souterraine, la chapelle Sainte-Hélène, qui possède elle-même encore deux ouvertures discrètes. L’une descend vers la citerne où la croix du Christ aurait été retrouvée, et l’autre vers une seconde cavité dénommée la chapelle Saint-Vartan.
A droite de l’entrée principale, deux escaliers étroits montent vers une double chapelle abondamment ornée d’or et d’argent et qui n’est autre que le traditionnel Calvaire. Un rocher protégé par une vitrine matérialise le point où aurait été plantée la croix.
Lorsqu’on retourne sur le parvis extérieur, on ne manquera pas d’aller explorer une autre curiosité souterraine. En traversant deux pauvres chapelles copte et éthiopienne, on atteindra une petite église copte dédiée à sainte Hélène, qui donne accès via un escalier rupestre à deux plans d’eau souterrains ; l’histoire admet qu’ils servirent de citernes au chantier de construction du premier sanctuaire.
L’importance que les pélerins accordent au Saint-Sépulcre ne prouve pas l’authenticité du lieu saint. Quels éléments pourraient l’attester ? Pour le savoir, une importante campagne de fouilles a été menée sur place à partir des années 1960, dans le cadre d’un programme interconfessionnel coordonné par le père Virgilio Corbo, du Studium Biblicum Franciscanum de Jérusalem. Après avoir retiré le dallage du sol, les fouilleurs trouvèrent des vestiges qui confirmaient l’existence d’une vaste carrière durant l’ère préchrétienne et d’un cimetière au temps de Jésus. Les tombes qui datent du Ier siècle accréditent le lien avec les évangiles de la Passion, quoique l’identification de celle de Jésus demeure incertaine.
Des recherches effectuées dans la chapelle Saint-Vartan ont cependant donné des résultats déterminants : d’autres traces de carrières, un pan de mur et surtout un antique graffiti qui représente un élégant navire marchand accompagné d’une inscription latine signifiant : « Seigneur, nous devons partir » (Domine ivimus). Or cette œuvre, datée à peu près du IIème siècle, est antérieure à l’époque byzantine ; elle prouve donc que la vénération du site est plus ancienne. Le site du Saint-Sépulcre semble dès lors compatible avec l’antique tradition.

La Tombe du Jardin
La solution précédente paraît donc solidement établie, et pourtant elle n’est pas la seule proposée. A partir du XVIIIème siècle en effet, des doutes furent émis quant à l’identification du Saint-Sépulcre au tombeau de Jésus-Christ. Les esprits sceptiques soulevaient le fait que la tombe traditionnelle se trouvait à l’intérieur du rempart de Jérusalem, alors que la crucifixion avait eu lieu en-dehors des murs. Partant de cette idée, le général britannique Charles Gordon se mit à la recherche d’un site alternatif, et prospecta en 1883 à l’extérieur du rempart. Il remarqua au Nord de la ville un escarpement rocheux percé de deux grandes cavités qui ressemblaient étrangement aux orbites d’un crâne humain. Faisant alors le rapprochement avec l’expression de « lieu du crâne » citée dans l’Ecriture, il pensa que c’était là le lieu historique de la crucifixion.
L’hypothèse de Gordon fit son chemin dans la société britannique. Un rapport de fouilles de 1867 émanant de l’archéologue suisse Conrad Schick avait d’ailleurs déjà décrit une ancienne tombe rupestre découverte à quelques mètres du rocher de Gordon. La façade de cette tombe toujours accessible portait des traces évoquant la forme d’une grande pierre circulaire, ainsi qu’une rainure dans le sol, et l’intérieur consistait en deux petites pièces rectangulaires. Ces détails paraissant compatibles avec les écritures, un nombre croissant de pélerins se rangèrent à l’avis de Gordon. Aujourd’hui intégré à un jardin magnifique, le site est tenu par des pélerins protestants qui le considèrent comme la sépulture possible de Jésus de Nazareth.
Cependant les résultats des investigations ultérieures n’allèrent pas dans ce sens. Des fouilles menées sur place par Karl Beckholt en 1904 mirent au jour divers objets, parmi lesquels des figurines de terre cuite typiques de l’âge du fer. Le professeur israélien Gabriel Barkay, de l’Université hébraïque de Jérusalem, étudia à son tour le site en 1974 et en conclut que la disposition de la tombe du jardin indiquait également le VIIème siècle av. J.-C., d’autant plus qu’elle était entourée d’un immense cimetière lui aussi daté de l’âge du fer.
Dès lors que Jésus avait été enterré dans un tombeau neuf, la tombe du jardin ne pouvait plus prétendre être la sienne. Par suite, la tombe du jardin bénéficia de moins de crédit que celle du Saint-Sépulcre.
Au-delà du problème de l’authenticité de cette sépulture, les visiteurs apprécient néanmoins son intérêt pédagogique et le fait qu’elle est restée pratiquement dans son état d’origine.

Le caveau de Talpiot
En 2007, la diffusion télévisée d’un film documentaire intitulé « Le tombeau de Jésus » fit la « une » de la presse mondiale. Il décrivait une nécropole souterraine antique découverte en 1980 dans le quartier de Talpiot, dans la banlieue sud de Jérusalem. Elle contenait une dizaine d’ossuaires datant du premier siècle, dont six portaient des noms gravés parmi lesquels on pouvait lire des expressions à consonance biblique : « Jésus fils de Joseph », « Maria », « Yosé », « Matthieu », « Mariamene e Mara » et « Juda fils de Jésus ». Le cinéaste James Cameron affirmait qu’il s’agissait sans doute là de Jésus de Nazareth et de sa famille, suggérant que Mariamene n’était autre que Marie-Madeleine son épouse, et Juda leur fils. Maria devait être sa mère, et Matthieu et Yosé ses frères.
Cette thèse défendue par l’archéologue israélien Simcha Jacobovichi s’appuyait essentiellement sur des calculs statistiques d’occurrence des prénoms et sur des analyses de l’ADN trouvé sur des fragments d’ossements.
La diffusion de ce reportage souleva une controverse passionnée et surtout beaucoup de scepticisme. Le rapprochement avec le Jésus des évangiles paraissait un peu forcé pour plusieurs raisons. En premier lieu, les prénoms trouvés sur ces ossuaires étaient très courants à l’époque, et même l’expression « Jésus fils de Joseph » a été retrouvée dans deux ou trois autres tombes. Ensuite, aucun texte biblique ne présentait Jésus-Christ comme marié et père de famille. De même, le prénom de Marie-Madeleine n’existait pas au Ier siècle, et il n’avait rien à voir avec celui de Mariamene. Enfin, l’absence de parenté entre Mariamene et Jésus, indiquée par l’ADN, ne prouvait pas qu’ils étaient mari et femme. En résumé, cette enquête pêchait par un manque de rigueur et ne remporta pas beaucoup de suffrages dans le milieu universitaire.

Conclusion
Entre les trois sites précédemment décrits, l’identification du véritable tombeau de Jésus de Nazareth n’est plus guère discutée. Une longue tradition soutient le Saint-Sépulcre, et les résultats des fouilles semblent le confirmer. La tombe du jardin paraît trop ancienne pour être celle du Christ, et le caveau de Talpiot souffre d’un lien difficile à établir avec les évangiles. Cela dit, le choix d’une conclusion dépend également du regard que l’on porte sur le récit de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ.

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