HISTOIRE DE LA PROVENCE, MARSEILLE (Bouches-du-Rhône), NOËL 1720 ET FÊTES DE FIN D'ANNEE A MARSEILLE, PESTE, PESTE (1720-1722), PESTE (Marseille ; 1720)

Noël 1720 et fêtes de fin d’année à Marseille

A MARSEILLE LE 27 DÉCEMBRE 1720 –

CÉLÉBRATION DE NOËL AU TAMBOUR DES ÉGLISES

PROCESSION AUX CHARNIERS POUR LA SAINT-SYLVESTRE 

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Il ne fut pas possible de célébrer la naissance du Christ à l’intérieur des églises selon la coutume. Mgr de Belsunce fut donc obligé de limiter les festivités à trois messes par église. Et encore devaient-elles être dites et chantées au tambour, c’est-à-dire dans une sorte de SAS en bois situé à l’entrée de l’église. Malgré les précautions prises par les prêtres, le commandant Langeron, qui redoutait les conséquences préjudiciables de ces rassemblements sur la santé, en fut très contrarié. D’ailleurs, quelques jours plus tard, il y eut de nouveaux malades à Marseille intra-muros. Convaincu de ce que la fin de l’épidémie ne viendrait que de la clémence divine, Mgr de Belsunce organisa le jour de la Saint Sylvestre une invraisemblable procession le long des remparts en remontant du Midi au nord, de la Porte de Rome jusqu’à la Porte de la Joliette en passant par celle de Bernard du Bois. Autrement dit, l’évêque, le clergé et les fidèles cheminèrent le long des plus horribles charniers situés sur les lices extérieures nord. La procession s’acheva à la cathédrale Sainte-Marie-Majeure dite La Major.

Le Père Giraud :

« Le 24, M. l’évêque permit de célébrer trois messes à l’autel du tambour de toutes les églises de la ville, de donner la bénédiction du saint sacrement après les trois messes, et à l’issue des vêpres, le jour de Noël, le 26 et le 27, on ne célébra au tambour qu’une messe, mais on donna aussi la bénédiction le matin, et après les vêpres. La solemnité des cloches fut fort réjouissante.

« Le 24, M. l’évêque célébra trois messes au tambour de la porte de l’église de la Major, y donna la bénédiction à un grand peuple assemblé. Mr le commandant désapprouva toujours ces sortes d’assemblées comme très dangereuses et préjudiciables à la santé publique.

« Le 26, les prêtres des quartiers qui se soutenoient encore après avoir dit la messe sur quelques hauteur ou à la porte de leurs églises, publièrent une nouvelle ordonnance qui leur défendoit de les ouvrir et d’y laisser entrer le monde jusqu’à nouvel ordre. Les prêtres qui étoient dispersés dans le terroir célébroient indifféremment la messe dans des chapelles domestiques, sur des balcons ou dans des sales, sans que Mr l’évêque leur en eut accordé ni refusé aucune permission, il n’étoit guère le tems de la lui demander ni d’attendre de ses réponces par écrit.

« Le 30, il y eut plusieurs nouveaux malades, on en étoit chaque jour aux expédients, comme c’étoit toujours à recommencer, on ne scavoit plus comment s’y prendre. Aussi, M. l’évêque n’espéroit plus la fin des malheurs de Marseille que de la miséricorde de Dieu.

« Dans cette vue, le 31 il convoqua ses chapitres, les paroisses et les communautés délabrées dans l’église de Saint-Ferréol, où il fit une exhortation pathétique et fort touchante. Sur les trois heures après midi, ayant pris en main le saint ciboire, précédé de son clergé séculier et régulier sans croix, il sortit par la porte de Rome, vint tout le long des murailles, marchant sur les corps morts depuis la porte de Bernard du Bois jusques au près de celle d’Aix, entra par la Joliette, se rendit à la porte de la Major où il donna la bénédiction et d’où chacun se retirat. Toutes les troupes en faction aux portes se tenoient à genouil [genoux], la bayonète au bout du fuzil, ce fut un spectacle afreux d’avoir eu à marché sur des cadavres hideux moitié enterrés, pourris ou déssechés, les uns levant les mains desséchées vers le ciel et les autres ayant un pié en l’air, un genouil, une épaule moitié enterrée, on en voyoit d’autres dans des postures indécentes et des attitudes horribles. Ainsi fut terminée cette année mémorable dont les historiens et les peintres ne donneront jamais qu’une faible idée et une légère et imparfaite ébauche ».

Le Dr Bertrand :

« On passa même les fêtes de la Noël sans pouvoir les solemniser dans les exercices ordinaires de Religion, il salut se contenter d’entendre une Messe basse fort à la hâte : l’on continuoit toujours d’en dire à la porte des Eglises, & l’on n’entroit point encore dans l’interieur. Mr. l’Evêque cependant n’oublioit pas de réveiller de tems en tems la piété des fidèles par tous les actes de Religion, que la conjoncture du tems lui permettoit de faire. Le dernier jour de l’année il fit une procession au tour des remparts, – portant le saint Sacrement  , & précédé du reste de son clergé, que le mal avoit épargné ; il donna la bénédiction aux portes de la ville, & dans les endroits où étoient les fosses, pour attirer – la miséricorde du Seigneur sur nous, & sur ces infortunés défunts, que cette calamité avoit privé de la sépulture écclesiastique. Le peuple édifié de la piété de son Pasteur, témoignoit beaucoup d’empressement à le suivre dans cette procession, & ce ne fut qu’avec peine qu’on le retint par le moyen des soldats, qui suivoient la procession, avec une modestie tout-à-fait édifiante ».

 https://www.musee-histoire-marseille-voie-historique.fr/content/chroniques-de-la-peste-1720

MARSEILLE (Bouches-du-Rhône), PESTE (1720-1722), PESTE (Marseille ; 1720), PRINCIPAUX ACTEURS DE LA PESTE DE MARSEILLE (1720-1722), PROVENCE

Principaux acteurs de la peste de Marseille (1720-1722)

Principaux acteurs de la peste de Marseille (1720-1722)

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François-Xavier de Belsunce de Castelmoron

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François-Xavier de Belsunce (ou de Belzunce) de Castelmoron est un ecclésiastique français né au château de La Force dans le Périgord le 3 décembre 1671 et mort à Marseille le 4 juin 1755.

Evêque de Marseille durant la peste de 1720, il fut ensuite nommé par Louis XV évêque-duc de Laon en 1723 et Pair de France, en remplacement de Charles de Saint-Albin, mais il refusa ce poste et ce fut Etienne-Joseph de La Fare qui fut nommé.

Naissance et études

Henri François-Xavier de Belsunce de Castelmoron était le second fils d’Armand II de Belsunce de Castelmoron, marquis de Castelmoron, baron de Gavaudun, seigneur de Vieille-ville et de Born, grand sénéchal et gouverneur des provinces d’Agenais et de Condomais, et de Anne Nompar de Caumont de Lauzun, sœur de Antonin-Nompar de Caumont, le célèbre duc de Lauzun. Son frère aîné se nommait Armand, il en eut deux autres, Antonin et Charles-Gabriel et une sœur, Marie-Louise, qui fut abbesse de Ronceray.

Élevé dans la religion réformée, , il devint catholique à l’âge de 16 ans. Il fit ses études au collège Louis-le-Grand et entra chez les Jésuites en 1689, et les quitta en 1701 pour des raisons de santé. Il garda toujours de bonnes relations avec eux ce qui fit écrire à Saint-Simon dans ses Mémoires : « Les jésuites le mirent hors de chez eux pour s’en servir plus utilement2 ». Il fut ordonné prêtre en 1703.

En 1706 il perdit sa tante, Susanne-Henriette de Foix de Candalle et écrivit son premier livre sur sa vie.

L’évêque

Après avoir été vicaire général du dioèse d’Agen, , il fut nommé à l’évêché de Marseille par le Roi le 5 avril 1709, décision ratifiée par le pape le 19 février 1710. Il resta évêque de Marseille pendant 45 ans, jusqu’à sa mort en 1755.

 La période 1710-1720

En 1713, le pape Clément XI condamne un livre de Pasquier Quesnel de l’Oratoire estimant qu’il renfermait des erreurs : c’est la bulle Unigenitus. Belsunce accepta la bulle et s’opposa vigoureusement à ceux qui protestèrent — les dénommés « Appelants » — notamment aux Oratoriens et à plusieurs chanoines. Il ne se contenta pas d’interdire aux pères de l’Oratoire l’exercice de la prédication mais aussi l’administration des sacrements. Dans ces querelles contre le jansénisme, il se prononça avec force contre ce mouvement et s’attira ainsi des ennuis avec le Parlement d’Aix.

 La peste de 1720

L’événement qui marqua l’épiscopat de Mgr de Belsunce fut la grande peste de Marseille de 1720. Son attitude, pendant cette période, fut très courageuse. Beaucoup furent frappés de son dévouement auprès des malades. Il multiplia les gestes spectaculaires en exorcisant le fléau du haut du clocher des Accoules ; ce fait est rapporté ainsi par Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-tombe  : « Quand la contagion commença de se ralentir, M. de Belsunce, à la tête de son clergé, se transporta à l’église des Accoules : monté sur une esplanade d’où l’on découvrait Marseille, les campagnes, les ports et la mer, il donna la bénédiction, comme le pape à Rome, bénit la ville et le monde : quelle main plus courageuse et plus pure pouvait faire descendre sur tant de malheurs les bénédictions du ciel ? ». Il fait des processions et consacre la ville au Sacré-Cœur pendant une messe célébrée le 1er novembre 1720 sur le cours qui porte désormais son nom.  Cette dernière démarche lui aurait été suggérée par la visitandine Anne-Marie Rémusat. La basilique du SacréCœur a été construite à l’occasion du bicentenaire de cette consécration.

À cette occasion, Belsunce déclara :

« À Dieu ne plaise que j’abandonne une population dont je suis obligé d’être le père. Je lui dois mes soins et ma vie, puisque je suis son pasteur. »

L’évocation par Albert Camus de l’évêque de Belsunce dans son roman La Peste parait exagérée :

« Ici, le père Paneloux évoqua la haute figure de l’évêque de Belsunce pendant la peste de Marseille. Il rappela que, vers la fin de l’épidémie, l’évêque ayant fait tout ce qu’il devait faire, croyant qu’il n’était plus de remède, s’enferma avec des vivres dans sa maison qu’il fit murer ; que les habitants dont il était l’idole, par un retour de sentiment tel qu’on en trouve dans l’excès des douleurs, se fâchèrent contre lui, entourèrent sa maison de cadavres pour l’infecter et jetèrent même des corps par-dessus les murs, pour le faire périr plus sûrement. Ainsi, l’évêque, dans une dernière faiblesse, avait cru s’isoler dans le monde de la mort et les morts lui tombaient du ciel sur la tête. »

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Pincette pour porter l’hostie avec détail, collection MHM

 

Après la peste (1722-1755)

Après la fin de la contagion, il y eut une grande admiration pour le prélat. Afin de le récompenser de son dévouement et sur les recommandations de son oncle le duc de Lauzun, le Régent le nomma en octobre 1723 à l’évêché de Laon. Il fit part au jeune roi Louis XV de sa renonciation à l’évêché de Laon qui fut attribué à Mgr de La Fare. En effet, il préférait rester à Marseille au milieu de ses ouailles qui avaient connu les terribles épreuves de la peste.

En 1726, Belsunce assista au synode provincial d’Embrun réuni pour condamner les opinions jansénistes de Soanen, évêque de Senez. Après 1730 il procède à une surveillance minutieuse de l’enseignement primaire et secondaire. Il favorise les jésuites et leur nouveau collège qui porte son nom et qui s’installe rue des nobles, rebaptisée rue Belsunce. Cette rue disparaît lors de l’aménagement du quartier de 1911 à 1938.

La présence de la franc-maçonnerie à Marseille est décelée par l’évêque en 1737, qui écrit un mandement daté du 28 septembre à l’intention de l’intendant de police, en ces termes : « Je ne sais, Monsieur, ce que sont les Francmaçons (sic), mais je sais que ces sociétés sont pernicieuses à la religion et à l’État ».

Il a été abbé commendataire non résidant de l’abbaye des Chambons dans le Vivarais. Membre de l’Académie de Marseille, il assiste à plusieurs réunions en particulier à celle du 12 janvier 1746 qui accepte Voltaire comme membre-associé. Il signe le procès-verbal sans réserve ce qui montre de sa part une certaine tolérance inhabituelle dans de nombreuses autres situations.

De 1747 à 1751, furent publiés sous sa signature les trois volumes de L’Antiquité de l’église de Marseille et la succession de ses évêques. Il est actuellement admis que le véritable auteur serait le père jésuite Claude Maire (1694-1761) qui était son conseiller théologique et son principal collaborateur.

Durant les dernières années, il constate avec tristesse un éloignement des pratiques religieuses surtout parmi les classes les plus favorisées.

Il meurt à Marseille le 4 juin 1755. L’évêché et la ville lui firent des funérailles grandioses. L’oraison funèbre fut prononcée par le jésuite Lenfant. Il institua l’hôpital de la Grande Miséricorde de Marseille, son légataire universel. Il fit quelques donations particulières aux jésuites qui héritèrent de sa bibliothèque, à ses domestiques, aux indigents et à ses parents.

C’est de Mgr de Belsunce que Victor Hugo parle quand il défend l’enseignement laïque et déclare : « L’enseignement religieux véritable, celui devant lequel il faut se prosterner, le voici : c’est le Frère de la Merci rachetant l’esclave, c’est Vincent de Paul   ramassant l’enfant trouvé, c’est la sœur de charité au chevet du mourant, c’est l’évêque de Marseille au milieu des pestiférés, c’est l’archevêque de Paris affrontant avec un sourire sublime le faubourg Saint-Honoré  révolté, s’inquiétant peu de recevoir la mort pourvu qu’il apporte la paix. »

Millevoye a chanté son dévouement dans le poème de Belsunce. L’abbé de Pontchevron a publié une biographie, en 1854 à Marseille.

Œuvres

Abrégé de la vie de Suzanne-Henriette de Foix de Candale, éd. Guillot, Agen, 1707.

Neuf lettres à M. de Colbert, Évêque de Montpellier, éd. Brébion, Marseille, 1730

Le Livre de Saint Augustin traduit en français, éd. Brébion, Marseille, 1740

L’Antiquité de l’Église de Marseille et la succession de ses évêques, 3 volumes in-quarto, éd. Vve J. P. Brébion, Maseille, 1747-1751

L’Art de bien mourir par le cardinal Robert de Bellarmin, traduit du latin, éd. Brébion, Marseille, 1752

Instructions sur l’incrédulité, éd. Brébion, Marseille, 1753

Œuvres choisies de l’évêque de Marseille, publiées par l’abbé Jauffret, 2 volumes, Metz, 1822

Correspondance

Lettre datée du 22 octobre 1720 qu’il adresse à Louis de La Tour-du-Pin-de-Montauban, évêque de Toulon au sujet de la peste.

Hommages

Statue de Mgr de Belsunce
(cathédrale de la Major, Marseille)

De nos jours, on trouve :

à Marseille :

un quartier à son nom,

une statue à son effigie sculptée par Ramus et placée initialement en 1853 sur le cours qui porte son nom puis déplacée sur le parvis de la cathédrale de la Major en 1892. Pendant l’occupation, les Allemands se livrèrent à une recherche de métaux non ferreux. En avril 1944 des résistants abritèrent les 2 800 kg de bronze de la statue sous des branchages dans un entrepôt du boulevard de Louvain où les Allemands ne la décelèrent jamais. Le jour de la libération de la ville, la statue fut découverte en fanfare et illuminée de lampions9. Cette statue repose sur un socle en pierre de Cassis sur lequel sont fixés deux hauts-reliefs en bronze : à droite « Monseigneur de Belsunce donnant la communion aux malades » et à gauche « Monseigneur de Belsunce en prière intercédant en faveur de Marseille ». Sur le devant du piédestal une dédicace en lettres d’or est gravée : « À Monseigneur de Belsunce pour perpétuer le souvenir de sa charité et de son dévouement durant la peste qui désola Marseille en 1720 »

un Institut Belsunce,

le canton de Marseille-Belsunce ;

à Paris:

la rue de Belzunce dans le 10e arrondissement ;

à Nantes:

la rue de Belsunce, dans le quartier Centre ville.

La position adoptée par sa statue, les bras ouverts avec les paumes vers le haut font ressembler Belsunce à quelqu’un qui a les mains vides, d’où l’expression marseillaise « arriver comme Belsunce » alors qu’on est invité.

Dans l’album Dante d’Abd-al-Malik la chanson Le Marseillais, l’auteur cite « Il est arrivé comme Belsunce dans notre quartier. »

Armoiries

Ses armes sont : « Écartelé, au premier, tranché d’or et d’azur, à la bande de gueules, qui est de Lauzun ; au deuxième, d’azur, à trois léopards couronnés d’or, qui est de La Force ; au troisième, écartelé, d’or et de gueules, qui est de Gontaut-Biron ; au quatrième, de gueules, à trois chevrons d’argent, qui est de Luxe. Sur le tout, écartelé, aux 1er et 4e d’or, à deux vaches de gueules, accornées, colletées et clarinées d’azur, qui est de Béarn ; aux 2e et 3e, d’argent, à l’hydre de sinople, ayant la première tête coupée et pendante, avec le sang qui dégoutte, de gueules, qui est de Belsunce ».

 

Jean-Baptiste Chataud

Jean-Baptiste Chataud, né à Marseille le 14 octobre  1681 et mort  , le 17 novembre le 1728, est le capitaine du navire le Grand SaintAntoine qui a introduit la peste à Marseille et dans toute la Provence à partir de 1720.

Biographie

Jean-Baptiste Chataud est le fils de Nicolas Chataud et de Mageleine Aubert. Il épouse Louise Chaud, fille d’un des propriétaire de la cargaison du Grand Saint Antoine. Le bateau est en effet armé par Ghilhermy et Chaud, Jean-Bapstiste Estelle, Antoine Bourguet et Jean-Baptiste Chataud, intéressés chacun pour un quart.

En 1719, commandant le Grand Saint Antoine, Chataud était parti de Marseille pour le Proche-Orient. Ayant embarqué des passagers turcs à Tripoli, l’un d’entre eux mourut. Lorsque le chirurgien et trois matelots moururent aussi, Chataud retourna à Chypre , où il prit une patente de santé. II toucha à Livourne , où il déclara que divers de ses gens étaient morts de « fièvres pestilentielles ». Arrivé en rade de Marseille le 25 mai 1720, au lieu de s’arrêter à l’île Jarre, endroit destiné à la désinfection des navires contaminés, il vint mouiller à Pomègues, d’où il se rendit par chaloupe au bureau de la santé où il déclara que divers de ses gens étaient morts « de mauvais aliments ». Une partie des marchandises ayant été débarquées aux infirmeries, lorsque le garde mis à bord et les portefaix moururent, les intendants de santé firent alors passer le navire à l’île de Jarre. Mais il était trop tard et la peste s’était déjà répandue dans la ville.

Tenu pour responsable, Chataud fut emprisonné au château d’If pendant près de trois ans.

Les derniers foyers de peste en Provence ne s’éteignent qu’en janvier 1723, avec un bilan effroyable de 120 000 victimes sur les 400 000 habitants que comptait la région à cette époque, soit près d’un tiers de la population.

De nouvelles analyses révèlent que cette épidémie de peste « marseillaise » ne viendrait pas du Moyen-Orient comme on le pensait, mais pourrai-être une résurgence de la grande peste noire ayant dévasté l’Europe au xive siècle. Lebacille Yersinia pestis, à l’origine de l’épidémie de peste qui a ravagé Marseille et la Provence entre 1720 et 1722, pourrait donc être resté latent 4 siècles

 

Jean-Baptiste Estelle

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Jean-Baptiste Estelle, né à Marseille en janvier 1662 et mort dans la même ville en janvier 1723,   est un négociant, diplomate, et homme politique français. Il a été consul de France au Maroc et en Syrie, puis échevin de la ville de Marseille pendant la peste de 1720.

Biographie

Jean Baptiste Estelle est le fils de Pierre Estelle, consul de France, et de Gabrielle de Moustiers. Il épouse Elisabeth de Bonnaud de Roquebrune.

 Le consul

En 1680, Jean-Baptiste Estelle est appelé à Alger par son père Pierre Estelle qui y est consul depuis 1670. Après un retour à Marseille en 1683, il suit également son père en 1685 au Maroc à Tanger puis à Tétouan. En 1688, il est chargé par la chambre de commerce de Marseille de favoriser les échanges avec le Maroc. Il fut chargé, discrètement, par Moulay Ismaïl, de mener des négociations commerciales, en favorisant les intérêts du Maroc. Les hauts fonctionnaires et dignitaires dans l’entourage de Moulay Ismaïl lui attribuèrent le quolibet de commerçant ould stilla selon l’historien marocain Abderahmane Ben-Zidane, voulant dire littéralement « fils du petit seau ». Jean-Baptiste Estelle aurait fait fortune grâce aux largesses du monarque.

D’autres missions lui sont également confiées et, en 1690, il est nommé consul de France à Salé, mission au cours de laquelle il développe les relations commerciales entre les deux pays et s’occupe du rachat des prisonniers chrétiens.

En 1699, il est muté au consulat de Seyde en Syrie où il pourra constater les ravages que fait la peste dans ce pays. En 1711, il abandonne ses fonctions pour rentrer à Marseille et se consacrer au négoce.

 Le négociant

Il entre en relation avec la maison Guilhermy, Chaud et Cie qu’il avait connue au Levant. Il développe le commerce avec le Proche-Orient, notamment avec Seyde. Il devient un notable de la ville de Marseille et, le 28 octobre 1718,  il est élu premier échevin de Marseille.

 L’échevin et la peste

Le 25 mai 1720, le voilier Le Grand-Saint-Antoine qui vient d’Orient (Syrie-Chypre) mouille à l’île de Pomègues dans la rade de Marseille. La cargaison de ce navire appartient pour une part à Estelle et ses associés. D’après le règlement, ce bateau qui avait eu à son bord durant sa traversée neuf personnes mortes, aurait dû aller directement en quarantaine à l’île Jarre située à 15 km de la ville. Or il n’en a rien été. Une controverse s’est élevée sur ce qui s’est passé et sur le rôle exact de l’échevin. Les archives de Marseille montrent qu’il a joué de son influence pour que les intendants sanitaires autorisent un débarquement des riches marchandises pour une mise en quarantaine à la Nouvelle Infirmerie, aussi appelée Lazaret qui était située à l’époque au nord de l’agglomération plutôt que de le mettre en quarantaine sur l’île Jarre, comme cela doit être le cas lorsqu’il y a eu des morts à bord du bateau. La peste a été transmise à partir de ces locaux à toute la ville et au-delà. Estelle était au courant, grâce à ses séjours au Proche-Orient (alors appelé le Levant), des risques encourus. Il aurait rencontré le capitaine Chataud, commandant le navire, qui aurait mouillé près de Toulon, et lui aurait conseillé de passer à Livourne en Italie. Il y obtient alors un certificat de mort de fièvre pestilentielle, considéré différent de la peste à cette époque et lui permet ainsi d’éviter de risquer d’abîmer les marchandises sur l’île de Jarre. Un document conservé aux archives nationales de France, une lettre signée par Benoît de Maillet, correspondant attitré du ministère de la Marine, y décrit cette rencontre. Les intendants, également négociants, désignés par les échevins, auraient également fermé les yeux devant le danger. Les registres montrent qu’ils étaient au courant de la peste qui circulait alors en Syrie et Palestine. Cependant, la cargaison était faite de plus de 700 balles de coton et de soie et de toiles très fines provenant de Dama, pour une valeur de 300 000 livres, soit l’équivalent de 9 millions d’euros actuels.

Quoi qu’il en soit, une fois la peste déclarée, après plusieurs jours d’épidémie, Estelle se montre très courageux et à la hauteur de sa tâche, sans doute par remord. Il veille à l’évacuation des cadavres, recherche des médecins et s’inquiète du ravitaillement. C’est finalement le chevalier Roze qui mettra fin à la maladie.

À son époque, Estelle fut diversement jugé. Le gouvernement le croit tout d’abord coupable. La Cour ne tarde pas à revenir sur sa sévérité initiale. Le maréchal de Villard écrit le 6 novembre 1721 :   « S.A.R. elle-même m’a dit que le sieur Estelle auquel on avait voulu d’abord attribuer le commencement des malheurs, s’était bien justifié de cette fausse accusation et qu’il avait fort bien servi ainsi que ses confrères. ».

Le 19 janvier 1722, Lebret propose Estelle pour l’octroi de lettres de noblesse et d’une gratification de 6 000 livres. Anobli par le roi au mois de juillet, il meurt peu de temps après en janvier 1723.

Une rue du 1er arrondissement de Marseille  porte son nom.

 

Charles-Claude Arnault de Langeron et Famille Andrault de Langeron

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Langeron chef d’escadre, lithographie de Ringué, 19e siècle, MHM 80 3 24 C

 La famille Andrault de Langeron olim Andrault est une famille de la noblesse française originaire du Limousin, fixée au début du XVè siècle en Nivernais. Elle a donné trois branches dites de Langeronde Maulévrier et de Buy. La branche ainée de Langeron est éteinte en ligne légitime depuis 1831, mais a donné une descendance naturelle reconnue, anoblie en 1822, qui continua en Russie, en Belgique puis aux Etats-Unis. La branche de Maulévrier est éteinte depuis le début du XIXè siècle, la branche de Buy s’est éteinte sous ce nom au xviie siècle en Pologne. Cette famille compte parmi ses membres plusieurs officiers généraux qui combattirent en France, en Pologne et en Russie, dont un maréchal de France, un feld-maréchal russe, et plusieurs lieutenants-généraux des armée, ainsi que des hauts fonctionnaires polonais .

 

Cardin Le Bret de Flacourt (1675-1734)

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Cardin Le Bret de Flacourt par Hyacinthe Rigaud en 1712.

Cardin Le Bret, seigneur de Flacourt, comte deSelles, né le 26 octobre 1675 à Flacourt (78) et mort le 16 octobre 1734 à Aix-en-Provence,  est un magistrat français.

 Biographie

Fils de Pierre-Cardin Lebret de Flacourt et de Marie-Françoise Veydeau de Grandmont, conseiller au parlement de Provence (1694), maître des requêtes ordinaires de l’Hôtel du roi (1696), commissaire du roi de France (1701), il reçoit les pleins pouvoirs pour délimiter les frontières entre la France et l’Espagne.

En 1704, il est nommé au poste d’Intendant à la place de son père et, fidèle à la couronne, il vend sa vaisselle d’argent afin de faire un emprunt pour payer l’armée et repousser l’invasion du duc de Savoie en Provence. Il se voit récompensé en étant nommé, à la suite de son père, premier président à mortier au parlement de Provence, le 30 juin 1710. Commandant de la force armée (1724), il devient comte de Selles en 1727 et s’éteint paisiblement dans la nuit du 14 octobre 1734. Le Comte de Selles a su se faire aimer du peuple, admirer et respecter par ses pairs : ce magistrat réunissait les postes qui donnent de l’autorité en Province écrit son neveu, le Marquis d’Argenson. Il a su garder la faveur des deux grands rois : « J’ai connaissance de votre zèle pour mon service » (lettre de Louis XIV) ; « Ne doutez pas que je sois toujours très content de vos services » (lettre de Louis XV).

Cardin Le Bret de Flacourt fit quatre mariages :

le 30 juillet 1697 avec Marie-Thérèse de Lubert (1677-1699), fille de Louis Lubert, trésorier général de la marine

le 12 mai 1708 avec Marguerite-Charlotte-Geneviève Le Ferron (morte sans enfants la même année), fille de Jean-Baptiste Le Ferron, seigneur du Plessis-aux-Bois, maître des comptes à Paris et Grand maître des Eaux-et-Forêts de Flandre, Normandie, d’Île-de-France et Soissonnais.´

en 1710 avec Thérèse-Angélique Croisset (morte en 1712), fille de Louis-Alexandre Croisset, marquis d’Estiau, premier président du parlement de Paris

en juillet 1712 avec Marguerite-Henriette de Labriffe, d’où postérité.

 Iconographie

Cardin Le Bret de Flacourt commanda un premier portrait à Hyacinthe Rigaud en 1708 puis en 1712 .

Alors qu’il avait souhaité un simple buste lors de sa nomination comme premier président au parlement, Cardin opte cette fois-ci pour une posture plus ostentatoire : « Le comte est représenté debout, en grand costume de premier président, robe rouge, manteau d’hermine ; la main droite levée, la gauche appuyée sur son mortier […] tout est admirable dans ce tableau qui est un chef d’œuvre du maître »

On retrouve en contrepartie la même expression du visage dans la gravure de Cundier, que Henri Van Hulst et Pierre Hulsr et Pierre-Jean Mariette disaient « inspiré sans aucun changement [d’un] portrait jusqu’aux genoux ».

On sait par divers témoignages qu’au moins deux portraits de Cardin étaient encore conservés, à la fin du xviiie siècle, en Provence. En 1790, Fauris de Saint-Vincens mentionnait également, « à l’hôtel de ville d’Aix, dans une salle à côté de celle ditte du conseil […] le portrait de M. Lebret peint par Rigaud ». Ce dernier portrait semble avoir été détruit en 1792.

 

Charles Peyssonnel

Charles Peyssonnel, né à Marseille vers 1640 et mort de la peste à Marseille le 20 septembre 1720, est un médecin marseillais.

Biographie

Charles Peyssonnel issu d’une famille de médecins est lui-même médecin. Il a deux fils : Jean-André Peyssonnel (1694-1759) médecin et naturaliste et Charles de Peyssonnel (1700-1757) avocat et diplomate.

Ancien élève des Oratoriens, il reste fidèle à ses maîtres et sera poursuivi comme Janséniste et condamné par l’intendant de Provence le 12 février 1689à sept ans de bannissement hors du royaume et à 1 500 livres d’amende. Il s’exile au Caire en Egypte où il exerce la médecine. Il séjourne également en Tunisie de 1697 à 1699. Rentré à Marseille, il est en 1720 le doyen des médecins. Il exerce les fonctions de médecin chef de l’Hôtel-Dieu. Durant lla peste de 1720 il est le premier à diagnostiquer officiellement la peste le 9 juillet 1720 en examinant un enfant malade rue Jean-Galant et alerte les échevins. Il aura une attitude admirable et décédera de la peste, victime de son dévouement.

 

Jean-André Peyssonnel

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Jean-André Peyssonnel, gravure Étienne Fessard.

Jean-André Peyssonnel, né le 19 juin 1694 à Marseille et mort le 24 décembre 1759 à Saint-Bertrand de l’Isle Grande-Terre en Guadeloupe, est un médecin et naturiste français.

Biographie

Son père Charles Peysonnel, né en 1640, était un médecin renommé qui succomba à 80 ans à la peste de 1720, victime de son dévouement aux malades de l’Hôtel-Dieu. Son frère, Charles de Peyssonnel,  prénommé Charles comme son père, né à Marseille le 17 décembre 1700, était avocat à Aix-en-Provence et fut chargé du consulat de Smyrne où il décéda le 16 juin 1757.

Il effectua des études au Collège des Oratoriens de Marseille, particulièrement attentifs à l’histoire des sciences, puis à l’Université d’Aix-en-Provence où il obtint le grade de docteur en médecine en 1718. Avant de commencer sa carrière de naturaliste, il débuta comme médecin, son dévouement aux malades lors de l’épidémie de peste de Marseille en 1720 lui valant une rente annuelle du roi. La proximité de la mer et sa curiosité scientifique le poussèrent progressivement vers une recherche sur des « productions marines » comme le corail, les éponges, les algues

Le comte Luigi-Ferdinando Marsigli (1658-1730), fondateur de l’Institut de Bologne, l’initia à l’histoire naturel. Il entreprit divers voyages sur les côtes méditerranéennes pour étudier la nature du corail. L’Académie des sciences le nomma correspondant en 1723 d’Etienne-François Geoffroy (1672-1731) et à compter de 1731 d’Antoine de Jussieu (1686-1758).

Il alla en Afrique du Nord en 1724. Il rédigea un mémoire, Voyage dans les régions de Tunis et d’Alger. De retour à Marseille, il participa à la fondation de l’Académie de Marseille (1726).

Nommé médecin royal à la Guadeloupe en 1727, il partit pour cette destination où il poursuivit une investigation méthodique de l’archipel, notamment de la Soufrière   dont il donnait à l’Académie de Marseille, le 1er juillet 1733, une remarquable description. Il continua ses recherches sur le corail. Il montra en 1750 que le corail appartenait au règne animal et élabora à ce sujet un ouvrage qu’il envoya à l’Académie des sciences et à l’Académie royale de Londres. Cet ouvrage ne parut que sous forme d’analyse dans les transactions philosophiques de la Société royale de Londres. Le 7 mai 1752, un résumé de ses travaux fut présenté à la Société par William Watson, qui souligna la haute qualité du travail de Peyssonnel. C’est peut-être cela qui le poussa à s’exiler en Angleterre, alors qu’en France tous lui donnaient tort. Pour qu’on donne raison à Jean-André Peyssonnel, il fallut attendre la découverte de l’hydre d’eau douce par le Suisse Abraham Trembley (1710-1784).

Son décès, survenu le 24 décembre 1759, resta longtemps ignoré des membres de l’Académie de Marseille. Il ne lui fut rendu hommage qu’en 1778 par M. Collé dans son discours de réception ; il confirme la découverte par l’analyse chimique et proteste énergiquement contre un article de Michel Adanson   (1727-1806) paru dans le supplément de L’Encyclopédie.

Pour sa part, René-Antoine Ferchault de Réamur 1683-1757) douta d’abord de cette découverte, mais il est vrai que personne ne la proclama ensuite plus noblement.

Georges-Louis Lelerc,  comte de Buffon (1707-1788), dans l’article VII du premier discours de son histoire naturelle indique bien que « Peyssonnel avait observé et reconnu le premier que les coraux devaient leur origine à des animaux ».

Œuvres

La Contagion de la peste et les moyens de s’en préserver, Marseille, 1722.

Voyage dans les régences de Tunis et d’Alger, Paris, 1838 ; réédition, Paris, La Découverte, 1987, avec une présentation et des notes de Lucette Valence.

Ouvrage manuscrit, Traité du corail, (Bibliothèque du Muséum)

Ouvrage manuscrit, Observation faite sur la montagne dite la Soufrière, dans l’île de la Guadeloupe 1732, Académie de Marseille, sciences physiques.

Hommages

Une rue de Marseille et une rue d’Aix-en-Provence portent son nom.

Le nom générique d’une algue rouge, Peyssonnelia, a été donné en sa mémoire

 

Anne-Madeleine Rémusat

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Madeleine Rémusat (Marseille, le 29 novembre 1696 – Marseille le 15 février 1730 ), en religion sœur Anne-Madeleine, est une religieuse visitandine,  morte à 33 ans. Elle est considérée comme le successeur de sainte Marguerite-Marie Alacoque, et appelée à ce titre « l’apôtre du Sacré-Cœur ». Elle a été la propagatrice de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus et a été déclarée vénérable. Stigmatisée, « morte en odeur de sainteté”, elle avait reçu des messages de miséricorde du Sacré-Cœur. Elle fit consacrer le diocèse et la ville de Marseille au Cœur Sacré de Jésus par Mgr de Belsunce le 1er novembre 1720,

Un boulevard Madeleine Rémusat porte son nom dans le 13è arrondissement de Marseille.

Biographie

Anne-Madeleine Rémusat est la fille de Hyacinthe de Rémusat, un négociant marseillais, et d’Anne Constans

Fondatrice

Après en avoir reçu l’approbation dans un bref du pape Clément XI en date du 30 août 1717 Anne-Madeleine Rémusat fonde l’ Association de l’Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. À l’invitation de Mgr de Belsunce, elle en rédige elle-même les statuts qui, joints aux prières, litanies et exercices qu’elle modifie considérablement par rapport aux documents dont elle s’inspire, sont publiés le 30 mars en un petit livret ayant pour titre Manuel de l’Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur. À sa mort, l’association comptera soixante mille membres, et elle sera élevée au rang d’archiconfrérie par le pape Léon XIII le 31 août 1880.

La peste à Marseille

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« La Vble A M Remuzat inspire à Mgr de Belsunce en 1720 de consacrer Marseille au Sacré-Coeur pour obtenir la cessation de la peste » (Vitrail de la basilique du Sacré-Coeur à Marseille)

La célèbre peste de Marseille se déclare en juillet 1720. En octobre, alors qu’elle est en adoration, le Christ lui fait entendre qu’à la faveur de ce fléau elle verra se réaliser l’institution d’une fête en l’honneur de son Cœur sacré. Le message est transmis à Mgr de Belsunce, qui décide le 1er novembre 1720  de consacrer Marseille et son dioèse au Sacré-Cœur de Jésus. Elle répandit alors des scapulaires  du Sacré-Cœur portant le nom de sauvegarde, « petites pièces de drap rouge, sur lesquelles le divin Cœur est imprimé en noir sur une pièce d’étoffe blanche cousue sur la première. Il y est parfois écrit : Ô Cœur de Jésus, abîme d’amour et de miséricorde, je mets en vous toute ma confiance et j’espère tout de votre bonté. »

 Procès en béatification

Joseph-Hyacinthe Albanès, docteur en théologie, historien de la Provence, fut chargé d’instruire la cause de béatification d’Anne-Madeleine Rémuzat après avoir instruit celle du pape Urbain V..

La cause de beatification a été introduite le 24 décembre 1891, puis reprise en 1921 sans aboutir, les preuves des miracles effectués par elle ayant été brûlées.

Le 9 avril 2009, Mgr Georges Pontier, archevêque métropolitain de Marseille, a nommé Mgr Jean-Pierre Ellul postulateur de la cause en béatification. Mgr Ellul est recteur de la basilique du Sacré-Coeur de Marseille,  lieu où est conservé le cœur d’Anne-Madeleine Rémuzat.

En février 2011, Mgr Ellul a été reçu au Vatican, à la Congrégation pour la cause des saints.. Il a pu rencontrer le Père Daniel OLS, O.P., rapporteur pour les causes françaises et celle au Monastère Mater Ecclesiae des Visitandines de Rome à qui il a remis un dossier, transmis au Saint-Père Benoît XVI.

En parallèle, Mgr Ellul travaille à faire connaître la vie et l’œuvre de la vénérable Anne-Madeleine Rémuzat sur Internet, à travers un site qu’il met à jour régulièrement et même d’une page sur un réseau social bien connu. Il espère ainsi permettre l’accélération de cette cause, notamment, grâce à l’aide des internautes, par la découverte de documents disparus depuis le XIXè siècle.

Avec l’accord et la présence de Mgr  Georges Ponier, la session d’ouverture de l’Enquête du procès en béatification et canonisation se tient dans la basilique du Sacré-Coeur de Marseille le samedi 15 février 2014.

 Œuvres

Manuel de l’Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur (1718)9, dans lequel elle inclut des litanies. Ce sont ces litanies (connues sous le nom de Litanies de Marseille) qui seront approuvées par le pape Léon XIII pape  en 1899.

 

Nicolas Roze (chevalier)

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Nicolas Roze, plus connu sous le nom de Chevalier Roze, est né en 1675 et mort en 1733 à Marseille. Il se distingue en 1720 lors de l’épidémie de peste à Marseille.

Biographie

Nicolas Roze est issu d’une famille de cultivateurs de Solliès. L’un de ses ancêtres, Antoine Roze, viendra s’établir à Marseille comme hôtelier en 1580. Ses descendants s’intéressent au domaine maritime, notamment comme charpentiers constructeurs de galères et pateons de barque. La rue du Petit Chantier perpétue le souvenir de l’emplacement de ce chantier, connu à l’époque sous le nom de l’« Isle de Roze ». Nicolas Roze est le fils de Firmin Roze et de Virginie Barthélémy.

Devenu armateur, il pratique à partir de 1695 le « nolis », c’est-à-dire l’affrètement, le courtage, l’armement de navire à partir d’un comptoir en Espagne, à Alicante fondé et dirigé par son frère aîné, Claude Roze, de toute évidence aussi doué pour les affaires que son frère cadet était aventureux. La même année, Nicolas Roze se marie avec Claire Amiel. Le couple aura trois enfants, une fille, Virginie, née le 5 juin 1696 qui deviendra religieuse, et deux garçons qui mourront jeunes.

Blessé pendant la Guerre de Succession d’Espagne  , au cours de laquelle il avait levé une armée à ses frais pour défendre ses intérêts comme ceux de la France, Nicolas Roze rentre à Marseille. Louis XIV   le nommait chevalier de l’ordre de Saint-Lazare, et lui attribue une pension de dix mille livres. Ce titre lui vaudra son surnom de « Chevalier Roze ».

À partir de 1716, il est vice-consul d’un comptoir sur la côte ouest du Péloponèse aux côtés du consul Joseph Maillet. Il est chargé de la surveillance et de l’entretien des installations portuaires, du contrôle et de la protection du commerce mais aussi de faire face aux épidémies récurrentes.

Après le décès de Joseph Maillet, il ne s’entend pas avec son fils et successeur, Pierre Maillet. Les autorités de Marseille les rapatrient tous deux, notamment en vue de demander quelques explications à Pierre Maillet sur ses comptes, et au Chevalier Roze, d’éclaircir certains rachats de prisonniers pas toujours sujets du Roi de France. Pierre Maillet et Nicolas Roze embarquent tous deux sur l’ « l’Hirondelle », pilotée par le Capitaine Segond, et arrivent à Marseille le 20 mai 1720. Cinq jours plus tard le « Grand-Saint-Antoine » piloté par le Capitaine Chataud, arrive en rade de Marseille porteur du bacille de la peste qui coûtera la vie à quelque 50 000 personnes, soit la moitié de la population en quatre ans.

Devant l’épidémie de peste de 1720, Roze propose immédiatement son aide aux échevins. Du fait de l’expérience qu’il a acquise au Levant, , il est nomme commissaire général pour le quartier de Rive-Neuve. Il boucle le secteur dont il a la charge en élaborant des postes de contrôle, fait même dresser une potence en vue de dissuader les pillards, fait creuser cinq grandes fosses destinées à recevoir les cadavres, convertit les voûtes de la Corderie en un hôpital pour abriter les malades atteints de la contagion, et procédera à la distribution des secours. Il organise aussi le ravitaillement de la ville.

Le 16 septembre 1720, Roze dirige une compagnie d’environ 150 soldats et forçats, les « corbeaux »,  équipés de tombereaux, de pinces et de râteaux, à enlever plus de mille deux cents cadavres amoncelés sur l’esplanade de la Tourette, un quartier pauvre du port. Les plus récents de ces cadavres sont vieux de trois semaines et les sources contemporaines les décrivent comme « présent[ant] à peine la forme humaine et dont les vers mettent les membres en mouvement ». En une demi-heure, les cadavres sont jetés dans les excavations des deux bastions, tout de suite comblées de chaux vive et de terre jusqu’au niveau de l’esplanade.

Sur le total de 1 200 volontaires et forçats chargés de combattre la peste, il n’y eut que trois survivants. Le chevalier Roze fut lui-même atteint de la peste, mais il en réchappa (les chances de survie de la peste étant de 20 à 40 % en l’absence de traitement moderne).

Il fut nommé gouverneur de Brignoles en 1723.

Veuf après l’épidémie, le chevalier Roze se remarie à 47 ans avec Magdeleine Rose Labasset, 17 ans. Ils résident dans un immeuble, rue Poids de la Farine, à deux pas de la Canebière. C’est là que Nicolas Roze s’éteignit le 2 septembre 1733.

Commémoration

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Buste du chevalier Roze à Marseille

Son nom a été donné :

sur une rue du 2è arrondissement de Marseille ;

au virage sud du stade Vélodrome, à Marseille.

Un buste en bronze signé Jean-Baptiste Hugues (1849-1930) avait été inauguré en 1886 sur l’Esplanade de la Tourette où le Chevalier Roze s’illustra. Ce buste fut déplacé derrière le Vieux-Port rue de la Loge en 1936, transféré après la 2e guerre mondiale sur place Fontaine-Rouvier puis sur l’île de Ratonneau, dans la cour de l’ancien Hôpital Caroline, ce dernier visant à accueillir les voyageurs mis en quarantaine. Depuis mars 2017, le buste a retrouvé sa place initiale sur l’esplanade de la Tourette.

Il est cité dans le roman de Victor Hugo Les Misérables..

 

Michel Serre

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Autoportrait de Michel Serre peignant les ravages de la peste devant l’hôtel de ville.

 Michel Serre, né à Tarragone (Espagne) le 10 janvier 1658 et mort à Marseille le 10 octobre 1733, est un peintre baroque français. Il est connu pour ses tableaux religieux et surtout pour ses représentations de la peste à Marseille en 1720.

 

Biographie

Sa jeunesse

Michel Serre, quatrième enfant de Jacques Serres, marchand ambulant, et de Marie Barbos est né à Tarragone le 10 janvier 1658. Orphelin très tôt, il est accueilli à la chartreuse de Scala Dei, située à une quarantaine de kilomètres de Tarragone. En 1670, il se rend en Italie où il apprend la peinture dans différents ateliers à Rome, Naples et Gènes.

En 1675, il quitte l’Italie pour s’installer définitivement à Marseille.

Ses débuts

Peu de temps après son arrivée à Marseille, il obtient une importante commande pour l’église des Dominicains, Le martyre de Saint Pierre Vérone (musée des beaux-arts de Marseille). En 1684, il peint pour les Chartreux l’immense toile de Madeleine enlevée par des anges conservée dans le chœur de l’église des Chartreux   à Marseille.

Le 1er mai 1685, à Notre-Dame-des-Accoules, il épouse Florie Régimonde, fille de Jean Régimonde et de Jeanne Montaignon. En juin 1688, il achète un terrain à Suzanne de Marle et André Venture, puis y fait construire une grande maison dans la future rue Venture. L’emplacement exact de cette habitation n’a pu être trouvé.

Le 10 maiu 1685, il obtient des échevins une lettre de citadinage et accepte de peindre pour l’hôtel de ville une toile, actuellement disparue, représentant le Christ mourant sur la croix.

Pour le récompenser de ses succès, Louis XIV le nomme peintre des galères et maître à dessiner des officiers et pilotes. Il travaille aux ouvrages de peinture des galères et enseigne aux jeunes officiers. Il exécute plusieurs portraits de chefs d’escadre, dont celui de Louis de Montolieu (musée des beaux-arts de Marseille).

Les années de maturité

Le 27 février 1704,   il donne procuration à sa femme pour régir ses biens et se rend à Paris. C’est là qu’il rencontre Jean-Baptiste Oudry qui devient son élève pendant quelque temps. Il se fait connaître par l’exécution de diverses toiles dont celle du Christ chassant les vendeurs du temple (Versailles, , église Saint-Symphorien). Il envoie un tableau représentant Bacchus et Ariane à l’Académie de Paris qui l’admet au nombre de ses adhérents le 6 décembre 1704 (musée des Beaux-Arts de Caen, œuvre détruite en 1944).

Ayant acquis une certaine fortune, il achète les charges de lieutenant du roi de la ville de Salon-de-Provence et de major de la ville de Gardanne. Louis XIV   signe les lettres patentes correspondantes respectivement le 22 janvier 1712 et le 22 ocrobre 1712.. Ses armes sont d’azur à trois serres d’aigles d’or posées l’une sur l’autre.

Il achète de nombreuses maisons de rapport et des terrains à bâtir dans les quartiers de Mazargues et de Saint-Giniez.

La peste et les années de vieillesse

Pendant la grande peste qui sévit à Marseille en 1720, Michel Serre se distingue par sa conduite. Il se révèle un homme de cœur et d’action. Il accepte la responsabilité de commissaire général de son quartier Saint-Ferréol et préside aux opérations de déblaiement du quartier. Il s’attira l’attention de l’intendant Lebret qui écrit aux échevins le 18 décembre 1721 : « Comme j’espère aller dans peu à Marseille, je verrai avec vous ce qui pourra se faire pour le tableau du sieur Serre dont je connais le mérite ».

Il distribue sa fortune pour soulager la misère des survivants. Son nom figure sur la stèle élevée en 1802 et placée actuellement au square du palais des Arts. Ayant été un très proche témoin de cette terrible épidémie, il peindra trois toiles qui sont ses œuvres majeures.

En 1726 il acquiert une chapelle qu’il dédie à Saint Jean de la Croix dans l’église des Carmes déchaussés.

Deux tableaux représentent la peste dans l’église paroissiale de La Ciotat. L’un des deux est du peintre Michel Serre. Il représente Le grand Saint Antoine, le bateau qui apporta la peste en Provence, en 1720, quittant sans secours la baie de La Ciotat.

Il meurt à Marseille le 10 octobre 1733, veuf et ruiné, mais entouré du respect de tous. Il est enseveli à la paroisse Saint-Ferréol.

Une rue du 16è arrondissement de Marseille porte son nom.

Son œuvre

La virtuosité de Michel Serre lui a permis de réaliser un très grand nombre de peintures dont plusieurs ont disparu. Il a surtout peint des scènes bibliques ou de la vie de la Vierge et du Christ. Il a également exécuté des tableaux relatifs à la mythologie et des représentations historiques, ainsi que des portraits. Ses tableaux sont conservés au musée des beaux-arts de Marseille et dans des églises de Marseille et de sa région.

Tableaux religieux

Sainte Marguerite, église des Augustins de Marseille.

Musée des beaux-arts de Marseille.:

La Madeleine pénitente

Éducation de la Vierge

Présentation de la Vierge au temple

La Visitation

Présentation de Jésus au temple

Jésus parmi les docteurs

Saint-Benoît ressuscite un jeune moine mort

Cycle de La Vie de Saint-François (quatorze toiles, dont deux ont disparu)

Le martyre de Saint-Pierre de Vérone, provenant de l’église des prêcheurs. Une copie a été faite par Joseph Coste qui remporte avec elle le prix d’encouragement

Le Miracle de Saint Hyacinthe

La Vierge à l’enfant, Saint-François de Sales et Sainte Jeanne de Chantal

Eglise des Augustins de Marseille :

Sainte Marguerite

La Vierge à l’enfant apparaissant à Saint Pierre et Saint Paul. Ce tableau se trouve à l’intérieur d’un retable placé au-dessus de l’autel dit des portefaix dans l’église des Augustins à Marseille. Ce retable est couronné par un fronton animé de putti situés de part et d’autre d’une gloire qui rayonne autour d’une tiare et des clefs qui sont le symbole de l’apôtre Pierre, premier Pape de l’Église. L’attribution de cette œuvre peinte en 1692 pour la confrérie des portefaix à Michel Serre a été remise en question par l’historienne de l’art Marie Claude Homet.

Le Repos pendant la fuite en Égypte

La Vierge à l’enfant apparaissant à Saint Pierre et Saint Paul, église des Augustins de Marseille..

Marseille, église des chartreux: Madeleine enlevée par les anges

Marseille, église Saint-Matthieu de Château-Gombert :

Le Christ roi, la Vierge et Saint-Joseph, ou Le Purgatoire

L’Agonie de la Madeleine (attribution).

Franciscains devant la Vierge ou Apothéose de saint François (attribution)

Abbaye Saint-Victor de Marseille  : La Vierge en prière dans l’atelier de Nazareth

Marseille, église Saint-Cannat :

La Vierge à l’enfant et le purgatoire

La Purification de la Vierge

Marseille, église des Grands-Carmes : cycle de La Vie de la Vierge, six toiles classées en 1911

Apothéose de saint Roch, Marseille, église de Mazargues.

Marseille, église de Mazargues : Apothéose de saint Roch. L’église actuelle de Mazargues construite de 1849 à 1851 est dédiée à saint Roch, patron des pestiférés. Sur l’emplacement de cette église était érigée une chapelle dédiée au même saint. En effet lors de la peste de 1387 qui fit mourir le tiers de la population marseillaise, Mazargues reçut un afflux considérable de Marseillais qui fuyaient le fléau. Saint Roch fut tellement invoqué dans la vieille église que son nom y primât tous les autres. la présence dans cette église du tableau de Michel Serre représentant ce saint peut s’expliquer par le fait que l’artiste possédait une maison de campagne dans ce quartier, mais aucun document n’a fait explicitement mention de cette œuvre, pas même au début du xixe siècle. Ainsi l’abbé Marius Ganay précise seulement dans son livre La poétique histoire de Mazargues « derrière le maître-autel il y a une grande peinture qui représente l’apothéose de saint Roch ». Ce tableau d’un format remarquable (320 x220 cm) cintré à deux « oreilles » a été daté de la fin du xviie siècle. Sa forme particulière semble indiquer que cette œuvre devait venir s’encastrer dans le plafond d’un monument : église conventuelle ou chapelle d’hôpital. Au cours du xviiie siècle eut lieu sa transformation en toile encadrée pour orner un espace réduit par exemple un autel de chapelle ou d’église. Cette apothéose de saint Roch a fait l’objet de 2004 à 2008 d’une minutieuse restauration par le Centre Interrégional de Conservation et Restauration du Patrimoine à Marseille. Cette restauration a permis de constater que le châssis en bois résineux présentait la particularité d’être pliant suivant son axe vertical : des marques de pliage ont été constatées sur la couche picturale. L’étude des singularités du châssis indique que le tableau n’est probablement pas dans son format d’origine. Saint Roch contracta la peste au cours d’un pèlerinage qu’il fit en Italie et fut sauvé grâce à un chien qui venait le nourrir. Il est donc traditionnellement représenté revêtu du costume de pèlerin avec un bâton et une coquille cousue sur le manteau, un bubon pesteux sur la cuisse et accompagné d’un chien. Une statue placée dans la même église de Mazargues représente bien ainsi saint Roch. Or dans le tableau le saint montant au ciel ne présente pas le symptôme de la peste et n’est pas accompagné d’un chien : on peut donc supposer que le tableau représenterait en fait saint Jacques lui-même qui est le patron de l’Espagne, patrie originelle du peintre. Ce tableau fait partie des décors baroques plafonnants réalisés en Provence à la fin du xviie siècle pour des églises conventuelles ou des hôtels particuliers et dont Michel Serre a réalisé un certain nombre, aujourd’hui tous disparus.

Annonciation, saint Jean-Baptiste et saint Étienne, Marseille, église de la Pomme.

Marseille, église de la Pomme : Annonciation, saint Jean-Baptiste et saint Étienne. Ce tableau orne le chevet plat du chœur de l’église. Cette toile a été peinte au début du xviiiesiècle pour orner le maître-autel de la chapelle des Comtes située traverse des Comtes à Marseille, placée alors sous le vocable de l’Annonciation. Très usé, le tableau a fait l’objet d’une restauration en 1978 pour l’exposition l’âge d’or de la peinture provençale et a été ensuite placé dans l’église de la Pomme. Michel Serre réalise ici une mise en abyme peignant un tableau dans un autre tableau : l’Annonciation est réalisée dans un cadre semblant flotter dans les airs devant saint Jean-Baptiste à gauche portant un agneau et saint Étienne à droite en habit de diacre. Les rideaux qui bordent la composition créent un élément d’illusion propre au théâtre.

Église d’Allauch (Bouches-du-Rhône) :

Mort de Saint-Joseph. Ce tableau a appartenu à Julie Pellizzone.  

La Fuite en Égypte

Eglise Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence : Apothéose de Saint-Augustin

Eglise de la Madeline, Aix-en-Provence  :

Le Christ et sainte Madeleine chez Simon le lépreux

Ex-voto offert pour la peste de 1720

Église du Bausset (Var) : Le Vœu de Mgr de Belsunce

Saint-Maximin, la Sainte-Baume (Var), basilique Sainte-Marie-Madeleine :
Michel Serre peint pour cette basilique quatre toiles de dimension à peu près identique (190 cm × 140 cm) encastrées dans les boiseries du pourtour du chœur. Elles ont été réalisées très probablement en même temps que ces boiseries c’est-à-dire entre 1689 et 1692, et sont malheureusement en mauvais état. Elles ne constituent pas à proprement parler un cycle car elles ne traitent pas d’un même sujet ; elles représentent les scènes suivantes :

L’Enfant Jésus. Ce tableau dont le cadre adopte une forme compliquée est placé au-dessus d’un grand tabernacle en bois sculpté destiné à recevoir une crèche aujourd’hui disparue. L’enfant Jésus, glorieux et triomphant, est représenté vêtu de draperies flottantes autour de lui, le fond lumineux étant peuplé d’anges. Cet ensemble aimable annonce cependant la passion.

Sainte-Anne, la Vierge et l’enfant jésus, Saint-Joseph. Ce tableau représente la Vierge assise tenant sur ses genoux l’enfant Jésus se tournant vers sainte Anne. En arrière est représenté saint Joseph.

La Vierge à l’Enfant et le purgatoire. Ce thème du purgatoire est fréquent à la fin du xviie siècle en raison du changement des mentalités qui se produit après 1660 époque où on prévoit la fin du monde pour le dernier tiers du siècle présent, le temps du nouveau Testament devant égaler celui de l’ancien. Le séjour en purgatoire devient le passage obligé après la mort d’où de nombreuses représentations de ce thème. Dans la partie inférieure du tableau est évoqué le séjour douloureux du purgatoire avec des flammes tandis que la partie supérieure représente l’entrée au ciel facilitée par la sainte Vierge. Ce tableau est à rapprocher de celui qui se trouve dans l’église Saint-Cannat à Marseille.

Saint Thomas d’Aquin foudroyant l’hérésie. Le saint est représenté tenant dans sa main gauche l’ostensoir tandis qu’il brandit de la main droite la foudre pour terrasser l’hérésie qu’il piétine : il s’agit probablement du protestantisme car la toile a été réalisée peu de temps après la révocation de l’édit de Nantes 1685). Derrière saint Thomas d’Aquin, l’artiste a représenté un fond architectural avec à droite une niche contenant une statue représentant un personnage barbu. Le saint est représenté en pleine force de l’âge, c’est l’homme d’action qui triomphe plus par la force que par la persuasion.

Tableaux de la basilique Sainte-Marie-Madeleine  

L’Enfant Jésus.

 Sainte Anne, la Vierge et l’enfant Jésus et saint Joseph.

 La Vierge à l’enfant et le purgatoire.

 Saint Thomas d’Aquin foudroyant l’hérésie.

Vierge des grâces et purgatoire, La Ciotat, église Notre-Dame.

La Ciotat église Notre-dame :

Vierge de grâces

Vierge de grâces et purgatoire

Sainte Marie-Magdeleine et Saint Maximin (tableau non visible)

Marseille, musée Grobet-Labadié : Notre-Dame du bon voyage

Marseille, villa Gaby Deslys : La Résurrection de Lazare

Draguignan église Saint-Michel : Vierge donnant le scapulaire à Simon Stock

Aix-en-Provence, musée Granet: La vierge à l’enfant, moine bénédictin, Sainte félicité et Perpétue

Versailles, église Saint-Symphorien : Les Vendeurs chassés du temple

Œuvres de Michel Serre

La Fuite en Égypte, Allauch, église Saint-Sébastien.

 La Mort de saint Joseph, Allauch, église Saint-Sébastien.

 Agonie de la Madeleine, Marseille, Château-Gombert, église de Saint-Matthieu.

 Le Purgatoire, Marseille, Châtau-Gombert, église Saint-Matthieu.

 Apothéose de l’ordre de saint François, Marseille, Château-Gombert, église Saint-Matthieu.

 Vierge des grâces, La Ciotat, église Notre-Dame.

 Apothéose de Saint-Augustin, Aix-en-Provence, église Saint-Jean-de-Malte.

 Vierge en prière dans l’atelier de Nazareth, Marseille, abbaye de Saint-Victor.

 Vierge à l’enfant et le purgatoire, Marseille, église de Saint-Cannat.

Tableaux historiques

Les trois tableaux peints peu de temps après la peste de 1720 représentant les scènes de cette épidémie sont les plus connus. Ces œuvres qui eurent un très grand retentissement à leur époque, demeurent un témoignage majeur de cet évènement.

Musée des beaux-arts de Marseille :

Vue du Cours pendant la peste, Hauteur = 3,17 m × Largeur = 4,10 m

Vue de l’hôtel de ville pendant la peste, Hauteur = 3.06 × Largeur = 2,77 m

« Ces deux tableaux représentent le déplorable aspect qu’offraient alors les quais et le cours : là on voit les moribonds étendus, ayant près d’eux une cruche et un vase que quelques personnes compatissantes remplissent avec terreur d’eau et de bouillon ; le cours est jonché des cadavres de ceux qui ont cherché l’ombrage de ses arbres ou celui des toiles que les officiers municipaux y ont fait tendre : partout ce sont des scènes déchirantes d’enfants, de femmes, de vieillards expirants. »

Stendhal a apprécié ces deux tableaux : « Je viens de monter au premier étage de la Bourse (à l’époque bâtiment de l’hôtel de ville) pour les tableaux de Michel Serre. Contre mon attente, je les ai trouvés fort bons. »

Montpellier, musée Atger : La Scène de la peste de 1720 : épisode de la tourette, Hauteur = 1,25 m × Largeur = 2,10 m

Tableaux de la peste à Marseille

Vue du Cours pendant la peste de 1720, musée des beaux-arts de Marseille.

 Vue de l’hôtel de ville pendant la peste de 1720, musée des beaux-arts de Marseille.

ARLES (Bouches-du-Rhône), LA PESTE A ARLES EN 1721, MALADIE, PESTE, PESTE (1720-1722), PROVENCE

La peste à Arles en 1721

Peste d’Arles (1720-1721)

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A Arles, la peste de 1720-1721, venue de Maseille contaminée le 25 mai 1720 fut tardive et particulièrement violente. Cette épidémie correspondant à une résurgence de la deuxième pandémie de peste. La contagion qui emporta plus de 40 % de la population avec environ 10 000 décès pour 23 000 habitants, provoqua, chose unique en Provence, des mouvements populaires réprimés par la troupe. D’après les descriptions réalisées, nous savons que cette épidémie fut principalement d’origine bubonique.  Sur le plan démographique, à la suite de ces milliers de morts, la cité dut attendre plus d’un siècle pour retrouver son niveau de population d’avant 1720.

Contexte et premières mesures

Une ville déjà frappée par la peste

En 1720, En quand éclate l’épidémie de Marseille, la peste, à Arles, n’est pas une inconnue. La cité rhodanienne a déjà été frappée par les grandes pandémies historiques : celle de la fin du VIè siècle ou Peste de Justinien du  et celle de 1348 appelée la Peste noire. Moins célèbres, de nombreuses autres contagions, en particulier les épidémies très meurtrières de 1449, 1481 et  de 1580 de sont restées dans la mémoire des Arlésiens. La dernière crise historique remonte au XVIIè siècle,  quand en 1629 la peste tue environ 900 habitants.

 Les premières mesures

Aussi, dès la connaissance de la contagion dans la ville de Marseille en mai 1720, la ville d’Arles prend-t-elle ses précautions. Un Bureau de Santé de soixante nobles et bourgeois est mis en place pour organiser les mesures indispensables telles l’interdiction du commerce avec les Marseillais et la constitution de réserves alimentaires.

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Mur de la peste – Cette construction a été édifiée dans les Monts de Vaucluse afin de protéger le Comtat Venaissin de l’épidémie de peste qui frappa Marseille et une partie de la Provence (1720-1722), lorsque la peste franchit la Durance.

En août 1720, la cité ferme toutes ses portes à l’exception de celles du Marché-Neuf (vers Marseille) et du Pont (vers Tinquetaille, ie Languedoc)  gardées jour et nuit. Ces deux portes sont vitales car elles permettent l’accès aux territoires agricoles et pastoraux de la cité : la Crau et la Camargue, deux zones peu peuplées et de ce fait, potentiellement moins dangereuses. Il faut souligner que la porte nord dite de la Cavalerie, en direction de Tarascon et d’Avignon, sources probables de contagion, est condamnée. Parallèlement et à la même date, l’extrait des registres du parlement de Provence est lu3 dans les places publiques d’Arles ; afin que «nul ne l’ignore», les nouvelles mesures prises pour lutter contre la peste qui sévit à Marseille et dans toute la Provence sont placardées. L’affiche interdit aux habitants de sortir chasser hors de la ville, de maintenir du fumier dans les maisons ou basses-cours, et de jeter des ordures dans la rue, sous peine de fouet. Les habitants sont aussi tenus de nourrir les malades et d’en prendre soin, sans les amener à l’hôpital Saint-Jacques. Enfin, l’arrêt précise que toutes les marchandises susceptibles de communiquer la peste («indienes et coutonines») doivent être brûlées. À partir de ce même mois, l’embouchure du grand-Rhône est gardée et les Arlésiens interdisent la remontée du fleuve à tout navire qui n’a pas une patente de santé en bonne forme.

La contagion empirant, la Provence est déclarée en quarantaine par arrêté du Conseil d’état du roi en date du 14 septembre 1720. Il est fait défense aux habitants et aux marchandises de franchir le Verdon, la Durance et le Rhône. Les foires sont supprimées. Et en octobre les édiles de la ville d’Arles demandent aux habitants de déclarer toutes personnes étrangères qui sont logées chez eux depuis deux mois.

Chronologie

 La contagion initiale

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La Crau, entre Marseille et Arles.

D’après les historiens, la peste d’Arles commence le 26 novembre 1720 quand Marguerite Poncet, dite Mérone, meurt à la tapie en Crau, petit cabaret à trois lieues de la ville d’Arles7. Son corps examiné par le médecin Simon n’aurait montré aucune marque de contagion. Toutefois, ce cabaret avait été fréquenté par un poissonnier, dénommé Simiot, qui venant de Marseille aurait apporté la peste à Tarascon..

Le 17 décembre 1720, la peste entre dans la ville avec le dénommé Claude Robert, dit Poncet Méron et neveu de Marguerite Poncet, venant malade de ce fameux cabaret en Crau; il avait résidé dans le Mas de Perne contaminé par un proche d’un trafiquant. À Arles, il loge dans une maison des arènes où il meurt deux jours plus tard. Bien que son décès n’ait pas été identifié initialement comme causé par la peste, son cas demeure suffisamment suspect pour que toute la population résidant dans les arènes (400 à 500 personnes) soit mise en quarantaine par la fermeture de toutes les issues. La ville leur fait distribuer du pain et des vivres pour 40 jours.

Le mal présent dans la cité inquiète tous les Arlésiens et ceux qui le peuvent – peut-être jusqu’à 10 000 – se réfugient en campagne dans leurs résidences ou dans des cabanes de fortune. Certaines professions, en dépit des précautions et directives des consuls, viennent ainsi à manquer comme celle des notaires :

« Il est décidé le 3 janvier que les testaments pourront être reçus par les aumôniers car il ne reste dans la ville plus qu’un seul notaire ».

Pendant ces quarante jours, seules 3 ou 4 personnes tombent malades. L’hiver se passe sans alarme supplémentaire et on ne dénombre pas plus de 5 décès, tant à la ville que dans les campagnes, probablement à la suite de la vigilance exercée par le commandant M. de Baumont, frère de M. Arlatan. Le mal semble « sous clef ». Mais en campagne apparaissent quelques cas et dès le 14 mars la Camargue est consignée.

 La reprise de l’épidémie

Les Arènes d'Arles loties avant le dégagement au 18e siècle
Les arènes loties du XVIIIè siècle 

À la fin avril 1721, l’infection se répand soudainement dans les arènes puis rapidement dans tout le quartier de la Major. Les autorités font dresser immédiatement des barrières pour éviter au peuple de ce quartier de venir dans le reste de la ville et séquestrent les mendiants au quartier de Trinquetaille.. Fait exceptionnel dans toute la Provence, une émeute éclate au début juin 1721 quand après le 25 mai les troupes du marquis de Caylus coupent la population de son terroir au moment des moissons. Dès le 3 juin un grenier à blé du quartier de la Cavalerie, les greniers à sel et un magasin de farine sont pillés. Le 4, les barrières sont enfoncées par une mutinerie des habitants, mutinerie rapidement réprimée par une troupe de 1 200 à 1 500 hommes de guerre commandée au nom du roi par le marquis de Caylus (il y a 3 fusillés le 9 juin), et le mal gagne la ville tout entière. Les églises sont fermées et les messes célébrées en plein air.

Toutefois, à la suite de ces incidents, le blocus est assoupli et les moissons autorisées.

 

Une mortalité effrayante

Dès lors, les quarantaines n’étant plus respectées, l’épidémie devient foudroyante ; des gens barricadés depuis des mois sont contaminés et meurent chez eux. La mortalité atteint des sommets, plus de 100 morts par jour en juin et juillet (soit une mortalité quotidienne de 0,5 % de la population totale). Les responsables de la cité, contrairement à ceux de la plupart des villes provençales, ne fuient pas leur responsabilité et nombreux meurent en service : en juin 1721, le commandant de la ville Jacques d’Arlatan meurt et est remplacé, sur instruction du roi, par Dominique de Jossaud; en juillet, c’est au tour du premier consul M. de Fourchon, puis du consul Grossy. Le 21 juillet une procession expiatoire à saint Roch est organisée.

Parallèlement à ces problèmes sanitaires, la ville doit faire face aux pillages en particulier des corbeaux, c’est-à-dire des hommes qui enlèvent les cadavres et les jettent dans la fosse commune. Des exécutions sont prononcées comme par exemple le 3 juillet ou le 23 août. À la mi-août, des campagnes jusque-là épargnées commencent à être attaquées (Corrègemas de VerdMas de la Flèche en Crau, …) Le 4 août la municipalité réussit toutefois à faire proclamer une nouvelle quarantaine. Le 15, l’ancien archevêque de la ville, le cardinal de Reims François de Mailly, envoie, à titre de secours, un fonds de 10 500 livres.

 

La fin de l’épidémie

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Statue de saint Roch au 14 rue du Quatre-Septembre, à Arles.

En août, l’état sanitaire de la ville commence à s’améliorer. Le 21 septembre avec la mort déclarée suspecte de l’avocat Brun, revenu semble-t-il en ville après être resté dans sa résidence de campagne avec sa mère, Arles enregistre le dernier décès du à la peste. À la fin septembre, une procession solennelle d’action de grâce est rendue aux saints anti-pesteux, sainte Rosalie, saint Roch et saint François-Régis .Persuadé que le fléau n’a cessé que par ces actions religieuses et populaires, l’archevêque d’Arles Jacques de Forbin-Janson proclame une procession annuelle en l’honneur de saint Roch. Le 25 septembre, la quarantaine est levée et cinq jours plus tard, les survivants commencent les vendanges, d’abord en Crau puis à partir du 10 octobre en Camargue, au Plan du Bourg et au Trébon.

Le 18 décembre est célébrée dans l’allégresse générale la fin de la seconde quarantaine : c’est la constatation officielle de la fin de la contagion. Et le 20 décembre, la peste ayant disparu, les églises rouvrent leurs portes. L’épidémie, entre le premier cas déclaré dans la ville (17 décembre 1720) et la fin officielle de la contagion (18 décembre 1721), a donc pratiquement duré un an jour pour jour.

Conséquences

 Démographiques

Sur le plan démographique la peste de 1720-1721 est particulièrement meurtrière. D’après Charles-Roux, dans son ouvrage Arles :

« … dans la ville 8 57224 individus avaient péri, et dans la banlieue 1 638 ; parmi eux, 4 consuls, 35 membres du corps municipal, 11 nobles, 7 avocats, 17 bourgeois, 72 prêtres et 35 médecins ou pharmaciens. La population totale d’Arles étant à cette époque de 23 178 habitants, on voit ce qu’une telle année lui avait coûté … »

Toutefois, Odile Caylux dans un ouvrage plus récent avance différents chiffres dont celui plus modeste de 7 500 victimes pour la ville seule. Le clergé arlésien est décimé en particulier les Minimes qui ont converti leur monastère en hôpital pour pestiférés. La noblesse et la bourgeoisie paient également un lourd tribut au fléau même si certains de leurs membres se sont réfugiés dans leurs propriétés camarguaises dès les premiers signes de l’épidémie, entraînant de vives tensions notamment aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Dans les années qui suivent, Arles, contrairement à Marseille, va mettre beaucoup de temps pour afficher à nouveau une population comparable à celle d’avant la peste ; la ville doit en effet attendre la fin des années 1840   pour retrouver ses 23 000 habitants.

 Économiques et financières

La ville déjà endettée avant l’épidémie doit faire face au défaut d’encaissement des taxes et à la disparition de nombreux contribuables.  De plus, la cité a du mal à trouver de nouveaux prêteurs, et en dépit de dons et de diverses aides ainsi que la négociation dans de bonnes conditions de ses billets avant la faillite de la banque Law, la ville va mettre plus de 20 ans pour rétablir ses finances.  Mais cette mortalité n’affecte pas uniquement les finances communales : elle augmente, à la suite de la disparition de nombreux journaliers, le prix de la main-d’œuvre, ce qui obère en particulier les revenus des fermes des grands propriétaires arlésiens. Notons enfin que la peste se déclare à une période où la campagne arlésienne est dévastée par une invasion de sauterelles qui détruisent les récoltes sur pieds aggravant ainsi la détresse de la population.

 Autres

À côté des impacts démographiques, financiers et économiques, cette peste, curieusement, a également des conséquences juridiques. Le déguerpissement des notaires dès le début de la contagion avait en effet obligé les aumôniers à recueillir les testaments, testaments rédigés pour la plupart sur papier libre et sans témoin, ce qui entraîne après l’épidémie de nombreuses contestations et procès.

Après les ravages de la peste, Arles connait un regain extraordinaire de ferveur religieuse, caractérisé par la multiplication des processions. La Vierge et les nombreux saints honorés de la cité continuent à être l’objet d’une dévotion traditionnelle, tandis que se développe le culte du Sacré-Cœur, considéré par l’Église comme antidote au rationalisme des Lumières.

Quelle peste ?

Dès le début de l’épidémie, chaque mort suspecte donne lieu à une inspection pour déterminer si le décès relève ou non de la contagion puis à compter du 5 avril 1721, la ville d’Arles est divisée en cinq quartiers auxquels sont associés cinq médecins : MM. Simon, Arnaud, Laurens, Compagnon et Pomme. Lors de ces inspections conservées pour la plupart aux archives municipales d’Arles, les médecins notent les principaux symptômes visibles sur les cadavres des personnes décédées. Ils décrivent aussi les patients soupçonnés d’être contaminés pour les transférer si nécessaire dans des hospices ou les mettre en quarantaine. Ainsi on a conservé une source relativement bien documentée de cette maladie.

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Malades atteints de peste bubonique

Les éléments les plus fréquemment relevés font référence à des bubons  aux aisselles, aux aines, derrière les genoux, sur les seins, et leurs différents états (presqu’ouverts, …) ; viennent ensuite les charbons, les taches noires ou pourprées et la langue noire. On signale également des tumeurs en général au cou ou des taches livides et flexibles. Dans certains cas seule apparait la mention mort suspecte  ou même comme pour Marguerite Poncet, sans marque de contagion. Les médecins signalent parfois les symptômes ayant précédé la mort : grande douleur à la têtevisage enflammésoif ardentegrosse fièvrefièvre maligne ou vomissements..

La mort est en général rapide, de quelques heures à quelques jours ; exceptionnellement le délai peut aller jusqu’à deux semaines. Toutefois, les médecins rapportent des rémissions spontanées, même après l’apparition de bubons.

La contagion d’Arles de 1720-1721 est donc une peste bubonique avec probablement quelques cas de peste septicémique et pneumonique.

Notes

Détails indiqués par Augustin Fabre in Histoire de Provence – 1833, page 248 et 249 :

« Le viguier et les consuls d’Arles avaient pris des mesures pleines de sagesse pour garantir celte ville de la maladie contagieuse, lorsqu’un pourvoyeur de Tarascon arriva dans la Grau au commencement de novembre 1720, apportant de Marseille, par contrebande, diverses marchandises pestiférées. Le nommé Robert, chez lequel ces marchandises avaient été déposées, ne tarda pas à se sentir malade. Il profita de la nuit pour entrer dans la ville sans être aperçu par les gardes et se rendit dans sa maison, au milieu des Arènes, où il mourut avec sa femme, malgré les secours les plus prompts. Sa belle-mère et plusieurs voisins qui avaient communiqué avec lui, succombèrent à la fin du mois de décembre. Les habitants prirent l’alarme. Cependant à la fin d’avril 1721, il n’était mort que quarante-six personnes. »

Augustin Fabre – Histoire de Provence – 1833, page 249 :

« Les mendians furent séquestrés au faubourg de Trinquetaille, et Jacques d’Arlatan de Beaumont, qui exerçait dans la ville le commandement militaire, la fit cerner par des troupes réglées, avec défense de passer la ligne prescrite sous peine de la vie. Le 4 juin ? trois mille individus, pâles de faim et de misère, se joignirent aux pestiférés en quarantaine, se répandirent dans la ville, enlevèrent le pain destiné aux malades et forcèrent les barrières de Trinquetaille. L’archevêque Jacques de Forbin-Janson sortit de son palais avec le chanoine Lecamus, son grand vicaire, le commandant d’Arlatan, les consuls et plusieurs notables pour calmer les perturbateurs. Il y parvint par ses paroles touchantes, après avoir été repoussé par les plus audacieux, dont un osa lui jeter une pierre. En ce moment de tumulte et de désordre les Corbeaux (on donnait ce nom aux hommes qui enlevaient les cadavres et les jetaient dans la fosse) se livrèrent à des pillages. Le lieutenant-général de Caylus, commandant en Provence, entra dans Arles pour y rétablir le bon ordre, et fit fusiller, au pont de Grau, trois chefs des révoltés. »

Sources et bibliographie

 Auteurs anciens

Augustin Fabre, Histoire de Provence, 1833, pages 248-251.

Victorin Laval Lettres et documents pour servir l’histoire de la peste d’Arles en Provence de 1720-1721. André Catelan éditeur, Nîmes, 1878

Jean-Charles Roux, Arles, 1914, réédition 1984

 Travaux récents

Jean-Maurice Rouquette (dir.), Arles, histoire, territoires et cultures, Actes Sud, 2008

Odile Caylux, Arles et la peste de 1720-1721, Publications de l’Université de Provence, collection Le temps de l’histoire, 2009

Robert Bouchet et Pauline Fargue, Les cahiers d’Arles n°1, « Chronique d’une année de peste Arles 1720-1721 », Actes sud, Arles, 2009.

EPIDEMIES, HENRI DE BELSUNCE (1671-1755), L'EGLISE E LA PESTE DE 1720-1722, MARSEILLE (Bouches-du-Rhône), PESTE, PESTE (1720-1722), PESTE (Marseille ; 1720)

L’Eglise et la peste de 1720-1722

L’Eglise pendant la peste de 1720-1722

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Les années 1720-1722  resteront  gravées pour longtemps dans les esprits en Provence car cette l’épidémie qui va ravager la Provence jusqu’au Languedoc.  L’année 2020 qui devait être celle de la commémoration de cet évènement est surtout marquée par une autre pandémie : la Covid-19 touche le monde entier. De ces deux évènements, à trois cents d’intervalle, on peut y trouver des similitudes : intervention du pouvoir central pour gérer l’épidémie, quarantaine (confinement) pour la population, contrôle de la circulation des personnes, interdiction de certaines activités…. L’histoire de cette épidémie en Provence a fait l’objet de nombreuses publications : livres, articles divers … Sans faire de rapprochements anachroniques on peut cependant en dégager quelques constantes en suivant les évènements centrés sur la ville de Marseille puisque c’est l’arrivée du navire du Grand Saint-Antoine dans le port en mai 1720 a provoqué cette catastrophe. L’accent a beaucoup été mis sur la personne de Mgr Henri de Belsunce, l’évêque de Marseille, et son rôle durant ces années : mais au-delà des images d’épinal il faut voir aussi d’autres réalités qui ne sont pas sans quelque rapport avec la situation actuelle : la fermeture des églises avec ses conséquences et la gestion des sépultures ; ceci  a été abondamment commenté depuis le début de la parution du Covid-19 en Europe parce que vécu comme un traumatisme .

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Rappel des faits

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La peste de Marseille de 1720, dernière grande épidémie en France, fut propagée à partir du bateau le Grand-Saint-Antoine qui accoste dans le port, en provenance du Levant (Syrie), le 25 mai 1720. Sa cargaison constituée d’étoffes et de balles est contaminée par le bacille de la peste ce qu’ignore le capitaine du navire, Jean-Baptiste Chabaud et les membres du bureau de santé Jean-Baptiste Estelle bien que de nombreux décès suspects aient eu lieu pendant le périple du navire. Suite à des négligences des responsables du bureau de santé du port et malgré la mise en quarantaine des passagers et des marchandises, la peste se propage dans Marseille puis dans toute la Provence jusqu’au Languedoc.  Les quartiers les plus anciens et les plus déshérités sont les plus touchés. L’épidémie fera entre 30 000 et 40 000 décès sur une population de 80 000 à 90 000 habitants. Dans toute la Provence on compte environ 90 000 et 120 000 victimes sur les 400 000 habitants

Le  commandant du navire, le capitaine Jean-Baptiste Chataud et le premier échevin, Jean-Baptiste Estelle furent accusés de ne pas avoir respecté la réglementation sanitaire  pour les navires potentiellement infectés bien qu’aucune preuve ne put être établie. Cependant  les échevins et les intendants de santé chargés de cette réglementation faisant preuve de beaucoup d’imprudence ont laissé débarquer à Marseille des marchandises, surtout des étoffes qui auraient dues être mises en quarantaine.

Lors de l’épidémie, l’alimentation de la population, l’enlèvement des cadavres vont mobiliser toute l’énergie des échevins de 1720 à 1722. Deux personnalités émergent durant cette période : le chevalier Nicolas Roze pour l’enlèvement des cadavres et celle de Mgr de Belsunce qui avec les prêtres et les religieux apportent un réconfort moral aux mourants

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Marseille ville catholique

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Marseille est une grande ville portuaire. Au-delà de cette activité qui en fait la richesse cette grande ville est aussi une ville catholique à la piété exubérante.  Les minorities juives ou protestantes  sont de peu d’importance ; les juifs se font discrets ; les protestants, depuis la Révocation de l’Edit de Nantes (16 octobre 1685) par Louis XIV forment ce que l’on appelle les “Nouvaux convertis” ou pour ce qui est des plus obstinés ils sont dans les Galères du Roi . La vitalité de l’Eglise se remarque dans l’importance numérique du clergé, des nombreux couvents . Et Marseille c’est aussi un diocèse depuis le Ier siècle. En 1720 c’est Mgr Henri de Belsunce qui en est l’évêque depuis 1710 et il le restera jusqu’à sa mort en 1755.

Qui était Monseigneur Henri de Belsunce l’évêque de Marseille ?

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Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron naquit en décembre 1671, au château de la Force, en Périgord. Il était le second fils d’Armand de Belsunce, marquis de Castelmoron, baron de Gavaudun, seigneur de vieille-ville et de Born, grand sénéchal et gouverneur des provinces d’Agenais et de Condomais, et de Anne Nompar de Caumont de Lauzun, sœur  de Antonin Nompar de Caumont, le célèbre duc de Lauzun.

Elevé dans la religion réformée, il opta à l’âge de 16 ans pour le catholicisme. Il fit ses études au collège Louis le Grand et entra chez les jésuites qu’il quitta en 1701et prêtre en 1703

Après avoir été vicaire général du diocèse d’Agen, le roi le nomma à l’évêché de Marseille le 5 avril 1709 et le Pape le proclama le 19 février 1710. Il resta évêque de Marseille pendant 45 ans jusqu’à sa mort en 1755.

En 1713, le Pape Clément XI condamne dans la bulle Unigenitus un livre du P. Quesnel de l’Oratoire estimant qu’il renfermait des erreurs. Conformément à sa formation au collège des jésuites, Belsunce accepta la bulle et s’opposa vigoureusement à ceux qui en appelèrent au Pape, dénommés « Appelants », surtout aux Oratoriens.  auxquels il interdit l’exercice de la prédication et aussi l’administration des sacrements. Dans ces querelles contre le jansénisme, il se prononça fortement contre ce mouvement et s’attira par là de vifs démêlés avec le Parlement d’Aix dans une région où ces thèses étaient défendues par certains membres de magistrats ou de prêtres.

L’évènement qui devait marquer pour toujours l’épiscopat de Mgr. de Belsunce fut la grande Peste de Marseille de 1720. Si son attitude pendant cette période fut objet de controverses, tous souligneront son dévouement infatigable auprès des malades. Il multiplia les gestes spectaculaires : exorcisme du fléau du haut du clocher des Accoules, des processions, consécration de la ville au Sacré-Coeur pendant une messe célébrée le 1er novembre 1720 sur le cours qui porte son nom. À cette occasion, Belsunce déclara : « A Dieu ne plaise que j’abandonne une population dont je suis obligé d’être le père. Je lui dois mes soins et ma vie, puisque je suis son pasteur. »

Après la fin de la contagion pour le récompenser de son dévouement le Régent le nomma en octobre 1723 à l’évêché de Laon mais il refusa préférant rester à Marseille au milieu de ceux  qui avaient connu les terribles épreuves de la peste.

En 1726 Belsunce assista au synode provincial d’Embrun réuni pour condamner les opinions jansénistes de Soanen, évêque de Senez. Après 1730 il procède à une surveillance étroite de l’enseignement primaire et secondaire. Il favorise les jésuites et leur nouveau collège qui porte son nom.

La présence de la franc-maçonnerie à Marseille est décelée par l’évêque en 1737, qui écrit un mandement daté du 28 septembre à l’intention de l’intendant de police, en ces termes : « Je ne sais, Monsieur, ce que sont les Francmaçons (sic), mais je sais que ces sociétés sont pernicieuses à la religion et à l’Etat ».

Il a été abbé commanditaire non résidant de l’abbaye des Chambons dans le Vivarais. Membre de l’académie de Marseille, il assiste à plusieurs réunions en particulier à celle du 12 janvier 1746 qui accepte Voltaire comme membre associé.

Il mourut à Marseille le 4 juin 1755. La ville lui fit des funérailles grandioses. Il institua l’hôpital de la Grande Miséricorde de Marseille, son légataire universel. Il fit quelques donations particulières aux jésuites qui héritèrent de sa bibliothèque, à ses domestiques, aux indigents et à ses parents.

LE CLERGE FACE A LA PESTE

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Les jansénites coupables de la peste de Marseille ?

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Il fallait trouver des coupables à ce grand malheur qui tombe sur la ville et la région. Ils furent vite désignés : ce fut pour l’évêque de Marseille, tout comme pour son collègue d’Arles, Mgr Jacques de Forbin-Janson, les jansénistes. En effet les thèses jansénistes malgré la bulle Unigenitus promulgué par le pape Clément XI en 1713  qui les excommuniait, étaient très répandues en Provence : les membres du Parlement d’Aix et les Oratoriens implantés à Marseille en sont proches.  Ceux qui rejettent la Bulle Unigenitus sont appelés “les appellants” (car ils appelaient à un Concile) et sont exclus des sacrements et ne peuvent bénéfiier d’une sépulture religieuse.

Pour Mgr de Belsunce : “Dieu irrité veut punir les péchés du peuple et en particulier, le mépris des censures et des excommunications de l’Eglise, le peu de respect, de soumission pour les pontifes de Dieu”. Ou encore : Si le mal continue d’augmenter… je suis bien tenté de denoncer alors excommuniés tous les appellants dont les sacrilèges multiplies sont, je crois, la principale cause de la peste qui nous consterne”. Que faut-il pour sauver la ville ? : “Une entière soumission d’esprit et de coeur aux sacrées décisions de l’Eglise, moyens sûrs et unique d’arrêter le bras d’un Dieu irrité”. C’est pourquoi il refusera que les Oratoriens présents dans la ville puissent assister les mourants en leur donnant  les sacrements.

De son côté Mgr  Forbin de Janson au début de l’épidémie de 1720-1722  appelle  « la vengeance du tout puissant sur tous ceux qui ont le tort de ne pas se conformer aux prescriptions de la bulle « Unigenitus »,

Calmer la colère de Dieu et implorer sa miséricorde

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Monseigneur de Belsunce pendant la peste de Marseille. Tableau de François Gérard (1824-1825)

Si les premiers cas de peste se manifeste dès le 20 juin 1720 il faudra attendre le 9 juillet pour que les médecins donnent leur diagnostic : c’est la peste. Les premières mesures sont prises pour isoler les maladies et le Parlement d’Aix isole la ville de Marseille par un cordon sanitaire le 31 juillet et ordonne fin août 1720 la fermeture des églises avant que, le 14 septembre  de la même année, le Conseil d’Etat ordonne le blocus de la ville et envoie des troupes pour faire appliquer les décisions prises.

En premier lieu Mr de Belsunce organisa des processions et demanda que l’on fasse des prières publiques. Ainsi le 15 juillet 1720 il promulgue une ordonnance pour des priers à Saint Roch ; le 29 juillet il réunit au Palais épiscopal  les cures et les supérieurs des communautés de religieux de la ville pour évaluer la situation. Le 30 du même mois il publie un mandement « ordonnant des prières publiques et un jeûne général pour apaiser la colère du Seigneur ». Il y réaffirme que « c’est le Dieu terrible, le Dieu de justice, mais c’est en même temps le Dieu de paix et de bonté qui nous châtie, qui ne nous afflige que pour nous engager à retourner à lui dans la sincérité de nos cœurs ». Mais le même jour les échevins recommandent de ne plus faire de processions.  Quand le 25 août toutes les églises seront fermées les prêtres continueront cependant à dire des messes et organiser des prières publiques sous les porches des églises. Mais rapidement devant le taux de mortalité (environ 1 000 personnes par jour) ces réunions publiques très fréquentées devenant des foyers d’infection sont également prohibées par les autorités locales. Par conséquent on peut dire que durant la période de août 1720 au mois d’août 1722 il n’y pas de messes, de processions et encore moins de célébrations de baptêmes, de mariages et encore moins d’enterrements

Le 8 septembre, jour de la Nativité de la Vierge les échevins de la ville invitent  Mgr de Belsunce à venir à l’hôtel de ville pour qu’il y célèbre la messe et reçoive le vœu qu’ils ont décidé de faire au nom de la ville. « Considér[an]t que la peste étant un fléau de la colère de Dieu, tous les secours des hommes et tous les efforts qu’ils ont résolu de faire seront vains et inutiles s’ils n’ont recours à sa miséricorde pour tâcher de la fléchir », ils s’engagent à donner chaque année à perpétuité 2000 livres à l’hôpital le plus récemment établi, en 1713, celui des orphelines, qui est sous le vocable de Notre-Dame de Bon-Secours.

Durant une accalmie de la peste de l’hiver 1720-1721 Mgr de Belsunce fait un geste spectaculaire que cite Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-Tombe ::  » Quand la contagion commença à se ralentir, Mgr Belsunce a la tête de son clergé, se transporta à l’église des Accoules : monté sur une esplanade d’où l’on découvrait Marseille, les campagnes, les ports et la mer, il donna la bénédiction, comme le pape à Rome, bénit la ville et le monde : quelle main plus courageuse et plus pure pouvait faire descendre sur tant de malheurs les bénédictions du ciel ? »

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Le 1er novembe, jour de la Toussaint, sur les conseil de Anne-Madeleine Remusat, visitandine, tout en bravant les consignes des échevins opposés à tout rassemblement public susceptible de propager la peste, l’évêque au cour d’une cérémonie publique sur le cour qui porte aujiurd’hui son nom consacra la ville de Marseille et son diocèse au Sacré-Coeur de Jésus et institua la fête du Sacré-Coeur comme fête d’obligation . « J’espère que le Cœur de Jésus aura été touché des larmes du pasteur et du troupeau réunis pour apaiser sa colère », écrit-il. A cet effet il traversa Marseille, pieds nus, sans mitre et corde au cou comme l’avait fait saint Charles Borromée pendant la peste de Milan en 1576. Il fit d’autre part imprimer et diffuser de petites images du Sacré-Cœur appelées garde-fous : de petits morceaux de tissu rouge, sur lesquels le Cœur était imprimé avec cette inscription : « Cœur de Jésus, abîme d’amour et de miséricorde, je place toute ma confiance en vous et j’espère pour toute votre bonté. »

Mgr de Belsunce sur les pas de Charles de Borromée

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À la fin de l’été 1720, la situation était désespérée : en trois mois, la ville avait été réduite de moitié, avec quarante mille morts. « Il y aura dans moins de huit jours, écrit un contemporain, quinze mille cadavres sur le pavé, tous pourris, par où on sera tout à fait contraint de sortir de la ville et de l’abandonner peut-être pour toujours à la pourriture, au venin et à l’infection qui y croupira. » (Praviel, p. 149). Tel était l’état la ville où Mgr de Belsunce allait exercer sonn activité pastorale.

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Durant toute cette période Mgr de Belsunce ne se contenta pas d’organiser des processions ou des prières publiques comme il ne resta pas enfermé dans son palais épiscopal qu’il dut quitter le 14 septembre 1720,  la rue étant infestée de cadavres abandonnés, pour aller loger chez l’intendant de la ville Monsieur Lebret. Grâce à son autorité et à son exemple de nombreux prêtres qui avaient quitté la ville renvinrent à Marseille où ils assistèrent les mourants en leur donnant, quand cela était possible, les derniers sacrements afin qu’ils “ne maudissent pas Dieu” in extremis. Il faut noter que certains ne suivirent pas cet exemple : ainsi les moines de Saint-Victor, les religieuses visitandines se mirent à l’abri derrière leurs murs se contentant d’envoyer des aumônes ; quant aux chanoines de Saint-Martin ils quittèrent la ville pour aller se réfugier à la campagne.

On peut suivre son activité presque jour après jour grâce aux notes laissées par l’Abbé Goujon, son secrétaire. Un témoin a pu aussi laisser ce témoignage : « Belsunce ne se borne pas à rester prosterné au pied des autels et à lever les mains au Ciel pour demander à Dieu la grâce de vouloir apaiser sa colère. » Après avoir prescrit des prières publiques, « sa charité est active ». Ayant exhorté son clergé à ne pas craindre la contagion, il donne lui-même l’exemple d’un dévouement héroïque : « Il est tous les jours sur le pavé, dans tous les quartiers de la ville, et va partout visiter les malades […]. Les plus misérables, les plus abandonnés, les plus hideux, sont ce sont ceux auxquels il va avec le plus d’empressement et sans craindre ces souffles mortels qui portent le poison dans les cœurs. Il les approche, les confesse, les exhorte à la patience, les dispose à la mort, verse dans leurs âmes des consolations célestes ». Il distribue tout ce qu’il peut de sa fortune pour soulager les misères de son cher troupeau ; et pour accroître ses aumônes, il se contente, « comme le peuple, de poisson salé et de pain bis ».

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Il encouragea les prêtres par de multiples conseils pour les encourager dans leur mission : administration des sacrements et aussi soulagement de la population. Grâce son autorité et par l’exemple qu’il donne il put pour une grande part  pour obtenir le retour de ceux qui étaient partis se réfugier à la campagne  : il fallait remplacer  ceux qui étaient morts de la peste (en effet l’on estime que un cinquième du clergé marseillais serait mort Durant cette période).

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Même si parfois il s’opposa aux échevins de la ville il les soutiendra dans leur combat en participant aux diverse réunions : un tableau de Michel Serre, un artiste contemporain, le représente  assistant à l’une de leur réunion . D’ailleurs, le 8 septembre, jour de la Nativité de la Viergel es échevins invitent  Mgr de Belsunce à venir à l’hôtel de ville pour qu’il y célèbre la messe et reçoive le vœu qu’ils ont décidé de faire au nom de la ville. « Considér[an]t que la peste étant un fléau de la colère de Dieu, tous les secours des hommes et tous les efforts qu’ils ont résolu de faire seront vains et inutiles s’ils n’ont recours à sa miséricorde pour tâcher de la fléchir », ils s’engagent à donner chaque année à perpétuité 2000 livres à l’hôpital le plus récemment établi, en 1713, celui des orphelines, qui est sous le vocable de Notre-Dame de Bon-Secours. Et le 4 jun 1722, le Premier échevin Moustier prononça solennellement la promesse dans la cathédrale où s’étaient assemblés tous les notables et fit l’offrande d’un cierge pesant quatre livres, ainsi que l’avait suggéré l’Evêque

Comment Mgr de Belsunce échappa à l’épidémie de peste.

Comme l’explique Régis Bertrand dans sa biographie Henri de Belsunce (1670-1755), l’évêque de la peste de Marseile (2020) ou encore Armand Praviel dans Belsunce et la peste de Marseille (1936) alors qu’un cinquième du clergé de Marseille périt de la peste, l’évêque traverse l’épidémie sans être frappé par la maladie. Pour lui, il doit cette protection à sa croix pectorale, qui contient des reliques de la Vraie Croix, envoyées par le pape, et qu’il porte sur lui dès qu’il sort : il appelle sa croix son “présevatif”. Une autre explication peut être avancée : Monseigneur de Belsunce se protège physiquement de la peste sans le savoir : en effet, entre sa perruque à la Louis XIV talquée tous les jours, sa soutane de taffetas, ses bas, ses chausses, ses souliers, il est couvert de la tête aux pieds ! Peu de risque d’être piqué par les puces, dont on ignore encore à cette époque qu’elles sont vectrices de peste. De plus, il prenait soin de changer de linge de corps tous les jours et il mettait devant sa bouche et son nez un mouchoir imprégné de vinaigre pour, ne pas être incommode par la terrible puanteur des cadavers vu qu’il a parcouru les rues de Marseilles tous les jours. Au contraire, les prêtres qui ne prenaient pas de telles precautions et les religieux, dont les capuchins,  les capucins, qui se déplaçaient en sandales et simple robe de bure, sans masque, sont très touchés par la maladies.

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Pour finir

Ce n’est que le 22 août 1722 que les églises purent enfin ouvrir et le culte être célèbre normalement et le 22 octobre de la même année que la peste fut officiellement declare pour la Provence alors qu’il faudra attendre le 31 décembre pour le Languedoc.

Sans vouloir trop comparer deux époques différentes : les années 170-1722 et l’année 2020 on peut s’apercevoir que malgré les décisions drastiques prises par le pouvoir royal, du moins en ce qui concerne le culte (puisque les églises étaient fermées et les célébrations impossibles) le clergé de cette époque a su allier une certaine contuinité dans la vie spirituelle des habitants à une assistance charitable envers toute une population dont une grande partie parmi le plus pauvres ne faisait que survivre  le ravitaillement étant extrèmeent difficile pour une ville mise à l’écart de toute communication avec les villes voisines.

Si les survivants témoins de la Grande Peste de 1720-1722 peut-être seraient-ils étonnés ou scandalisés de voir nos réactions, nos contestations et nos réclamations devant les contraintes qui nous sont imposes aujourd’hui pour lutter contre la pandémie du Cocid-19 ? Le monde d’aujourd’hui habitué à son confort serait-il capable de vivre et de surmonter une pareille épreuvre ?

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Il soutient de tout son pouvoir le courage des échevins, tout particulièrement dans l’écrasante charge qui leur incombe d’ensevelir les morts. À la fin de l’été 1720, la situation était désespérée : en trois mois, la ville avait été réduite de moitié, avec quarante mille morts. « Il y aura dans moins de huit jours, écrit un contemporain, quinze mille cadavres sur le pavé, tous pourris, par où on sera tout à fait contraint de sortir de la ville et de l’abandonner peut-être pour toujours à la pourriture, au venin et à l’infection qui y croupira. » (Praviel, p. 149).

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LA PESTE EN PROVENCE EN 1720-1722

Marseille en quarantaine : la peste de 1720

La peste en Provence et en Languedoc de 1720 à 1722

Vingt-sept mois de confinement, quatre ans pour rouvrir complètement la cité, la moitié de la population disparue : voilà ce qu’a subi Marseille, frappée par la peste en 1720. Comment la ville et ses habitants ont-ils fait face ?

La dernière grande épidémie qui frappe massivement la France à l’Époque moderne est la peste de Marseille, qui débute en juin 1720. Très étudiée comme l’un des trois fléaux d’Ancien Régime avec la famine et la guerre, la peste est un sujet qui a longtemps été rattaché au champ de l’histoire économique puis des mentalités, puisque les crises démographiques permettent de comprendre le rapport entretenu par les populations à la peur et à la mort [1]. Mais peu d’études se sont penchées sur le quotidien en temps de quarantaine, en prenant en compte également la capacité d’agir des couches sociales les plus défavorisées.

Dans une perspective microhistorique et d’histoire par en bas, les archives policières et judiciaires peuvent pourtant apporter des éclairages inédits sur cette question, offrant un regard d’une part sur les réponses des gouvernants à l’épidémie (ordonnances de police et règlements), d’autre part sur les ajustements quotidiens que les habitants adoptent pour survivre à la situation (procédures judiciaires, correspondances et relations de peste – des récits des événements rédigés par des témoins de l’épidémie). Pendant cette période, en effet, le pouvoir politique local est modifié, et des mesures d’exception sont mises en place pour tenter de contenir l’épidémie.

Des étoffes infectées

La peste n’avait pas atteint Marseille depuis quelque soixante-dix ans. Il s’agissait alors, pour le port franc prestigieux du début du XVIIIe siècle, d’une maladie d’un autre temps, d’autant que la ville était dotée d’un système sanitaire opérationnel censé la prévenir des épidémies. Toute cité atteinte en Méditerranée s’exposait à une fermeture et une quarantaine.

Depuis la franchise du port accordée par Colbert en 1669, assurant des privilèges douaniers, Marseille était une ville florissante, avec un quasi-monopole du commerce destiné au Levant. Cette grande cité comptait près de 100 000 âmes en incluant le « terroir » (l’arrière-pays, ce qui représente aujourd’hui le territoire de la ville) et la « ville dans la ville » que constitue l’arsenal des galères.

Pourtant, la peste est apportée à Marseille le 25 mai 1720 par le Grand Saint-Antoine, un bateau de retour de Smyrne, ayant mouillé dans plusieurs échelles [2] où l’épidémie sévissait non loin, comme Seyde (Sidon), Tripoli (actuel Liban) ou Chypre – au Levant, la maladie était alors à l’état endémique. Le navire contenait des étoffes probablement infectées par le bacille de Yersin. Le navire est mis en quarantaine préventive, comme tous ceux de retour de ports possiblement infectés, sur les îles de Pomègues et Jarre, au large de la cité.

Le capitaine du bateau présente une patente nette (soit sans risque sanitaire) aux intendants de la Santé, mais certains membres de l’équipage sont tombés malades et sont morts pendant la traversée de retour. Un autre décès survient sur le bateau alors en quarantaine et ses membres sont transférés au lazaret, situé sur la côte d’Arenc, hors des remparts de la cité. La quarantaine des marchandises est quant à elle écourtée, afin de s’assurer de la vente de sa cargaison à la foire de Beaucaire le mois suivant.

La peste se répand hors du lazaret et frappe la vieille ville en juin. La première victime, si l’on en croit le médecin Jean-Baptiste Bertrand (qui a publié dès 1721 une Relation historique de la peste de Marseille en 1720), est Marguerite Dauptane, attaquée le 20 juin, suivie huit jours plus tard par un tailleur, Michel Cresp, et toute sa famille. Aucune mesure particulière n’est adoptée par les pouvoirs publics, les chirurgiens du lazaret examinant les corps ne concluant pas à la peste.

L’échevinage, qui dirige la ville, met de nombreuses semaines à reconnaître l’épidémie, le mot « peste » n’étant jamais prononcé publiquement jusqu’en septembre 1720 par les autorités, qui lui préfèrent les termes de « contagion » ou « fièvres pestilentielles ». La municipalité continue de cacher le mal aux habitants pendant plus de trois mois, par peur d’une possible émeute, et malgré un nombre de malades grandissant. Dans le déni de l’épidémie a peut-être joué aussi la culpabilité du premier échevin de la ville, Jean-Baptiste Estelle, qui possédait une partie de la cargaison du Grand Saint-Antoine. Le procès ouvert à son encontre après la peste n’aboutit pas, faute de preuves. Néanmoins, la population marseillaise a gardé une forte animosité à son égard, lisible dans les poèmes et chansons populaires composés à l’occasion de la peste et suite à celle-ci. Mais la principale cause qui peut expliquer la lente reconnaissance du mal serait la difficulté qu’ont les médecins et chirurgiens qui examinent les premiers malades de conclure unanimement à la peste.

Certains symptômes sont pourtant sans équivoque, tels les bubons et les charbons retrouvés sur les premiers malades, la forte fièvre et la contagiosité, puisque les membres d’une même maisonnée tombent simultanément malades. Mais l’on croit alors à de simples fièvres malignes dues à de mauvais aliments, touchant les pauvres gens. Les questions sont également nombreuses sur les modes de contagion de la peste au XVIIIe siècle : se transmet-elle par le souffle, les contacts humains, les contacts avec les cadavres, les rapports sexuels ? Les débats savants sur la contagion sont vifs.

La gravité de l’épidémie n’est réellement appréhendée qu’avec l’augmentation exponentielle du nombre de morts, qui atteint 1 000 décès par jour en août 1720, au pic de l’épidémie. La peste ravage alors la ville qui se vide peu à peu de ses habitants à cause des nombreux décès, mais aussi de tous ceux qui ont fui dans l’arrière-pays. Le négociant Roux parle de 30 000 à 40 000 personnes qui seraient parties dès fin juillet aux premières manifestations de la peste : ce nombre est peut-être exagéré, mais il montre tout de même l’ampleur de la fuite parmi la population. Certains abandonnent ainsi leurs fonctions pourtant nécessaires à la bonne marche de la ville (comme les intendants du Bureau de la santé) et propagent la maladie aux alentours.

La situation devient alors ingérable, les malades et les morts envahissant les rues : « De quelque côté que l’on jette les yeux, on voit les rues toutes jonchées des deux côtés de cadavres qui s’entre-touchent et qui, étant presque tous pourris, sont hideux et effroyables à voir », raconte Nicolas Pichatty de Croissainte, orateur du conseil de ville et procureur du roi en la police, dans son Journal abrégé de ce qui s’est passé en la ville de Marseille depuis qu’elle est affligée de la contagion.

Pour la première fois dans l’histoire de l’épidémie en Provence, le pouvoir royal intervient directement : des commandants militaires sont peu à peu nommés dans toutes les villes infectées. Dans la cité phocéenne, c’est le chevalier Charles-Claude Andrault de Langeron, par ailleurs déjà chef d’escadre des galères à Marseille et maréchal de camp, qui est désigné le 3 septembre 1720 pour « commander en ladite ville de Marseille tant aux habitants qu’aux gens de guerre qui y sont et seront ci-après en garnison » (Commission du roi). A l’échevinage traditionnel est donc substitué un gouvernement avec une composante militaire, sans pour autant destituer la municipalité en place avant la peste, qui continue de travailler de concert avec Langeron. Les commandants militaires sont dotés de pleins pouvoirs, faisant basculer les cités dans des états d’exception qui ne sont pleinement légitimés qu’après l’épidémie.

Isoler la ville

Localement, le pouvoir urbain tente de protéger le commerce et instaure de premières mesures prophylactiques (défense de laisser croupir l’eau dans les poissonneries, ou de faire des tas de fumier à l’intérieur des maisons). Le parlement de Provence, devant les cas qui se multiplient et le risque de contamination, va plus loin : il décide dès le 31 juillet 1720 d’isoler Marseille en défendant aux autres villes à la fois tout échange économique avec la cité phocéenne et la venue de Marseillais et d’habitants des alentours sous peine de mort. Il est demandé aux échevins de fermer les portes des remparts et de monter des barricades pour isoler le faubourg marseillais.

Une ligne de blocus militaire est déployée autour du terroir, avec la mise en place de 89 postes de garde. Ce cordon sanitaire est long de plus de 60 km à vol d’oiseau. L’épidémie se répandant hors de Marseille, jusqu’à Orange, un « mur de la peste » de 36 km est construit, isolant le Comtat Venaissin.

Pour ravitailler la ville, tant par terre que par mer, il est décidé le 6 août l’établissement de trois « bureaux d’abondance » sur le territoire marseillais (à Septèmes, la Bastidonne, l’Estaque), complétés par trois puis quatre autres pour centraliser les denrées arrivant à Marseille.

Sur place, des gardes sont postés en surveillance et une distance est demandée entre les individus pendant les transactions. Les denrées sont issues de la production locale, d’achats dans les différentes provinces du royaume et dans les autres pays, ainsi que d’un don de la papauté pour les plus nécessiteux.

Dispositif policier inédit

Pour faire respecter le blocus de la Provence, un quart des troupes royales sont envoyées dans la région et restent mobilisées pendant plus de deux ans et demi. A l’intérieur de Marseille, deux compagnies de régiment sont déployées pour contribuer au maintien de l’ordre, et un quadrillage de la cité est adopté afin d’assurer, quartier par quartier, puis rue par rue, le contrôle et la surveillance de l’épidémie et des habitants. Dans la ville, avant la peste, 146 hommes environ étaient pourvus des missions de police : bourgeois appartenant à une milice chargés d’un tour de garde, capitaines et lieutenants de quartier, enfin personnels composant la police urbaine (en charge de tout ce qui avait trait à l’administration de Marseille). A l’arrivée de la maladie, les autorités marseillaises instaurent un dispositif policier inédit, tant par son ampleur que par la multiplicité des tâches sanitaires qui lui sont octroyées. Près de 300 commissaires sont recrutés de façon temporaire. Ces hommes travaillent de concert avec les médecins, avec les commis, transporteurs, ou servants, autant de métiers indispensables et maintenus. De plus, des centaines de forçats sont sortis de l’arsenal des galères pour s’occuper des tâches les plus périlleuses, comme la désinfection, l’enlèvement et l’enterrement des cadavres (on nomme les galériens « corbeaux »), sous la supervision des commissaires. Une organisation similaire est établie dans le terroir

On suit cette recomposition de la police dans l’ensemble des ordonnances adoptées pendant la période, dont le nombre explose : plus de 200 textes sont ratifiés par la municipalité, alors que, hors temps d’épidémie, l’on compte une vingtaine d’ordonnances par an au maximum. Cette nouvelle législation d’exception constitue la base du droit pendant les années de peste et touche l’ensemble de la vie sociale. Elle s’attache à quatre grands domaines, déclinés par la suite en des règlements plus détaillés : la prévention de la contagion ; la circulation des biens et des personnes ; la gestion des malades et des morts ; la désinfection. C’est par exemple sous la supervision de cette police de peste que les malades sont d’abord ravitaillés à domicile, puis transférés dans les hôpitaux.

Les mesures sanitaires visent à immobiliser au maximum les habitants, en contrôlant tout mouvement. Pour circuler, les Marseillais doivent se munir d’un billet de santé attestant qu’ils ne sont pas atteints de peste, signé par un représentant de leur quartier (prêtre ou commissaire). Les espaces publics sont interdits : fermeture des écoles et du collège, des églises et de tous les lieux de rassemblement. Les maisons atteintes de peste sont marquées d’une croix rouge, et ceux qui y vivent sont mis en quarantaine dans leurs habitations. Le nombre de malades augmentant, ceux-ci sont peu à peu transférés dans des hôpitaux de peste. Les espaces publics sont désormais déserts et non praticables, réservés aux seules personnes en charge d’enrayer l’épidémie.

Les « groupes à risque », du fait de leur métier (fripiers), de leurs mouvements (étrangers), de leur rôle dans la gestion de la peste (galériens) ou de leur statut déconsidéré (prostituées), sont particulièrement surveillés afin « d’éviter toutes communications pernicieuses », comme on peut le lire dans une procédure judiciaire. La municipalité recense les malades et les morts et, pour finir, l’ensemble de la population pour tenter de savoir qui a survécu.

Les peines prévues à l’encontre des contrevenants aux mesures sanitaires sont progressivement durcies et couvrent l’ensemble des châtiments corporels de l’Ancien Régime (fouet, carcan, galères, enfermement), jusqu’à la peine de mort, qui concerne essentiellement le franchissement des barrières mises en place (bien qu’aucun acte officiel de condamnation à mort n’ait été par la suite retrouvé).

Hôpitaux de peste

La municipalité met progressivement en place, à partir du 9 août et jusqu’au 4 octobre, un réseau de six hôpitaux de peste et de maisons de convalescence ou de quarantaine affiliées, couvrant l’ensemble de l’espace urbain. Au pied des remparts en dehors de la villel’hôpital du Mail est ainsi construit en urgence à l’automne pour faire face à la saturation des autres hôpitaux réquisitionnés. Il reçoit essentiellement les malades du terroir, touché après la ville. Les taux de mortalité dans ces institutions peuvent atteindre des chiffres effarants : jusqu’à 92 % de décès en décembre 1720 à l’hôpital du Mail. Intra-muros, la mortalité moyenne, d’octobre 1720 à février 1721, se situe autour de 54 % pour l’hôpital de la Charité [3]

A l’intérieur des hôpitaux, les soins apportés par les soignants sont bien peu efficaces face à la violence de la maladie, même si de nouveaux traitements chirurgicaux sont testés [4] et que l’on note un développement des autopsies permettant de mieux connaître les causes de la maladie. Les médecins de la ville, prudents, conseillent, eux, de s’en tenir à une alimentation suffisante (tenter de manger de la viande plusieurs fois par semaine), à des remèdes à base de plantes (des concoctions telles que la thériaque de l’émétique, de l’antimoine, du potassium ou du sirop royal). Ils se méfient des remèdes « violents et actifs », causant la plupart du temps la mort du malade, et ne conseillent d’opérer les bubons qu’en cas d’extrême nécessité. Il y a tout de même un pourcentage de guérisons observées, et plusieurs témoignages font penser qu’une certaine immunité était acquise après avoir guéri de la peste.

Dans quelques établissements, des religieux s’efforcent de maintenir une préparation digne à la mort, mais la contagiosité de la peste suspend les rites funéraires ordinaires et les morts sont jetés pêle-mêle, sans aucune cérémonie, dans de gigantesques charniers ouverts aux limites de la cité et des hôpitaux. Cette modification de l’administration de la fin de vie est terrible pour les vivants, qui ne peuvent accompagner leurs proches décédés. On trouve ainsi des mentions d’habitants faisant fi de l’obligation d’enterrer les cadavres dans les fosses communes, qui « sans craindre le péril embrassaient leurs parents morts ou les traînaient jusques dans les plus proches cimetières » (Journal historique de Paul Giraud).

La vie continue

Malgré la mortalité et le risque quotidien de périr, la vie doit continuer pour les habitants. Il y a bien sûr des comportements extrêmes, voire irrationnels, liés à la peur, comme le désespoir ou la folie qui guettent tout individu en période de forte mortalité, ce qu’ont souvent souligné les historiens [5]. Mais, même au cœur de l’épidémie, les procédures judiciaires mentionnent des actes d’entraide, de solidarité et de compassion envers les mourants. Ainsi, Anne, servante de maître Gueyrard, atteint par la contagion, le « secourut jusques à la mort », sa fille précisant qu’elle fut « tout attristée de cette mort pour avoir donné ses soins au défunt ».

Installés dans une quarantaine qui semble sans fin, les habitants s’organisent. Face à la fermeture des églises, certains prêtres continuent de prêcher à l’air libre au début de l’épidémie. L’évêque Belsunce organise des processions et des prières collectives, mais la municipalité finit par les interdire pour éviter de faire durer la contagion. Les liens sociaux se maintiennent au sein des familles et avec le voisinage. La vie continue donc malgré tout : en novembre 1720, alors que les morts sont encore nombreux, les noces d’un boulanger sont célébrées dans la maison du négociant Joseph Comte, avec la présence d’un joueur de violon. Peu de registres paroissiaux ont été tenus à jour sur l’ensemble de la période mais l’on note une natalité plus forte suite à l’épidémie, concomitante avec une « frénésie des mariages » remarquée par tous les contemporains (740 par an avant la peste, 1 472 après) [6].

Face aux limites imposées aux déplacements, et à l’enfermement à domicile, on constate une panoplie de tactiques pour entretenir un lien social, tout en se protégeant de la contagion : se parler à distance, au seuil des portes et des fenêtres, utiliser massivement le vinaigre comme désinfectant, maintenir une correspondance avec ses proches pour les lettrés quand les familles sont séparées dans des villes distinctes. Les capacités à faire face à la situation de peste et de quarantaine sont multiples et démontrent ainsi l’aptitude de l’homme à survivre aux épidémies et à s’adapter de façon active aux situations les plus terribles.

Dans Marseille toujours confinée, après le paroxysme de l’épidémie en août-décembre 1720, est venu le temps de l’apaisement et de la désinfection. La maladie semble disparaître, jusqu’à une rechute en mai 1722 qui cause environ 200 morts supplémentaires. A ces phases successives correspondent le durcissement ou au contraire l’allégement des mesures pour tenter de contrôler l’épidémie.

Les populations peuvent de nouveau circuler hors du terroir à partir de décembre 1722. A cette date, lorsque les barrières sont levées, la peste de Marseille a fait périr, selon les plus hautes estimations, près de la moitié des habitants, soit environ 50 000 personnes en incluant le terroir.

La ligne de blocus de la Provence est levée en mai 1723. La région compte 120 000 morts au total (Marseille comprise), soit un tiers de sa population. Le rétablissement complet du commerce n’interviendra, lui, que début 1724, trois ans et demi après la fermeture de Marseille en juillet 1720.

Une fois la peste passée, l’accentuation de certains dispositifs disciplinaires laisse des traces au cours du XVIIIe siècle, notamment en ce qui concerne la police des étrangers. Le répertoire d’actions adoptées pendant l’épidémie sert alors de base au renforcement des contrôles sanitaires. La mémoire de l’événement, quant à elle, est toujours présente aujourd’hui à Marseille.

Fleur Beauvieux

L’auteure: Fleur Beauvieux a soutenu une thèse sur les « Expériences ordinaires de la peste. La société marseillaise en temps d’épidémie, 1720-1724 ». Elle a participé à Police ! Les Marseillais et les forces de l’ordre (dir. B. Marin, C. Regnard, Gaussen, 2019).

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Image : Détail du tableau Vue de l’hôtel de ville pendant la peste de 1720, Michel Serre, 1721.
Marseille, musée des Beaux-Arts, Jean Bernard/Bridgeman Images.

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Notes

1. Cf. J. Delumeau, Y. Lequin (dir.), Les Malheurs des temps. Histoire des fléaux et calamités en France, Larousse, 1987.

2. Les ports et principales escales sous la domination du sultan ottoman où les nations étrangères peuvent jouir de privilèges.

3. Cf. C. Carrière, M. Courdurié, F. Rebuffat (Pour en savoir plus, p. 19).

4. Voir la thèse de J. El Hadj, « Les chirurgiens et l’organisation sanitaire contre la peste à Marseille, XVIIe-XVIIIe siècle », EHESS, 2014.

5. Cf. J. Delumeau (Pour en savoir plus, p. 19).

6. Cf. C. Carrière, M. Courdurié, F. Rebuffat, p. 233 (Pour en savoir plus)

Mots Clés

Échevinage
Municipalité. A Marseille, l’échevinage est composé de quatre échevins, membres de la bourgeoisie marseillaise.

Lazaret
Établissement de quarantaine où sont isolées les personnes ou les marchandises de retour depuis des lieux infectés.

Patentes de santé
Certificats sanitaires donnés aux navires lors de leur appareillage. Ces patentes peuvent être de trois types : « nette » si le bateau provient d’un port sain ; « touchée » ou « soupçonnée » si le port est sain mais la région infectée ;« brute » si le port est contaminé.

Toute la Provence touchée

La peste se répand rapidement en Provence : Cassis est touchée dès le 21 juillet 1720. Le 14 septembre, l’autorité royale promulgue un arrêt plaçant toute la Provence en quarantaine : c’est la première épidémie qui provoque une réaction à l’échelle du royaume. Des cordons sanitaires sont mis en place avec des postes de surveillance. Un mur est construit pour isoler le Comtat Venaissin. On dénombre près de 20 000 morts à Toulon, 13 000 à Arles.

Des mesures policières et sanitaires exceptionnelles

Pour lutter contre la peste et sa contagion, un cordon de postes de garde est établi qui coupe la ville et son arrière-pays du reste de la région. Des quartiers sont délimités pour un meilleur quadrillage. Des hôpitaux sont mis en place et des marchés sont créés pour assurer le ravitaillement de la ville.

Dates Clés

1720

25 mai : Arrivée à Marseille du Grand Saint-Antoine.

20 juin : Première victime de la peste dans la ville.

21 juillet : Cassis est touchée.

31 juillet : Le parlement de Provence ordonne la mise en quarantaine de la ville.

Août-septembre : Paroxysme de l’épidémie.

3 septembre : Nomination de Langeron à la tête de la ville par la royauté.

1721

Janvier-septembre : Désinfection de la ville, dénombrement des morts et des vivants.

Septembre 1721-mai 1722 : Latence de la maladie à Marseille ; la peste s’est étendue au reste de la Provence ; reprise de la vie ordinaire dans la cité.

1722

Mai : Rechute épidémique dans Marseille.

1er décembre : Levée de la ligne de blocus avec la Provence.

1723

4 septembre : Départ du commandant militaire.

27 mai : Échanges rétablis entre Marseille et le reste de la France.

1724 : Rétablissement total des échanges avec le reste du monde.

Chiffres
Pic épidémique en août 1720

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On compte 1 000 décès par jour en août 1720 à son paroxysme. Une reprise de l’épidémie en mai 1722 entraîne environ 200 morts supplémentaires.

Quarantaines, îlots et lazarets en Méditerranée

La menace endémique de la peste en Méditerranée entraîne, dès le XIVe et le XVe siècle, le développement de structures et magistratures sanitaires destinées à juguler les risques d’épidémie. Particulièrement exposées, Raguse (Dubrovnik) et Venise sont les premières villes à imposer un isolement de quarante jours pour les navires, les hommes et les marchandises suspects d’avoir fréquenté des régions infectées. Venise construit ainsi des « lazarets », des bâtiments érigés sur des îlots de la lagune éloignés du centre urbain, afin d’organiser et de contrôler la bonne tenue des quarantaines, ainsi que les opérations de désinfection par des fumigations à base de parfums. Le traumatisme des violentes épidémies des années 1630 et 1650 en Italie amène à renforcer les mesures prophylactiques, peu à peu imitées en Europe.

A Marseille, les dispositifs contre la peste sont durcis au début du XVIIe siècle, à mesure que le port devient la principale tête de pont du commerce français avec l’Empire ottoman, où la peste sévit de manière chronique. Le Bureau de la santé de Marseille, véritable « place forte » (Françoise Hildesheimer) de la défense sanitaire de la France, s’occupe de collecter des renseignements sur l’état des épidémies en Méditerranée, grâce à un vaste réseau d’informateurs ( bureaux-relais établis sur les littoraux du royaume, consuls à l’étranger, marchands et marins, etc.). Les magistratures de santé ou les consuls délivrent aux capitaines des « patentes » qui indiquent l’état sanitaire de leur port de départ. En fonction de ces patentes et des déclarations des capitaines sur leurs voyages, les intendants de la Santé dirigent les navires vers le lazaret, au nord de Marseille, ou bien vers les îles de Pomègues ou Jarre pour les cas les plus dangereux. Cette surveillance n’est pas toujours bien vécue par les marchands ou les marins, souvent pressés de débarquer ou de repartir. Cependant, la réputation sanitaire des places méditerranéennes joue un rôle économique important. Comme le résument les Vénitiens lors de la violente irruption de peste à Marseille en 1720, « si l’âme de l’État est le commerce […], l’âme du commerce est la santé ».

Guillaume Calafat

A savoir

Le bacille de Yersin
Maladie infectieuse, la peste/ se présente sous deux formes cliniques principales. La plus répandue est la peste bubonique, propagée par les rats et transmise par des piqûres de puces. Elle se manifeste par des plaques noires autour de la piqûre (« charbon pesteux »), et par des bubons (gros ganglions durs et douloureux). En quelques jours, la maladie se dissémine dans le corps, entraînant la mort dans deux cas sur trois. Plus grave encore, la peste pulmonaire, transmise directement par voie aérienne d’homme à homme, atteint les poumons et conduit la plupart du temps à une issue fatale. Les symptômes de la peste sont reconnus par les médecins depuis le Moyen Age, mais ce n’est qu’en 1894 que le médecin pastorien Alexandre Yersin identifie la bactérie responsable de la peste : le bacille qui portera son nom. Aujourd’hui, la peste est traitée par les antibiotiques.

Masque et bâton de saint Roch

Le masque du médecin de peste, resté célèbre aujourd’hui lors des carnavals de Venise, a-t-il été utilisé en 1720 à Marseille ? Rien n’est moins sûr. Ce masque de protection en forme de bec d’oiseau (image de droite), dont l’usage est attesté dans les épidémies italiennes depuis le XVIIe siècle, n’apparaît en effet nulle part dans les témoignages des contemporains. Les transporteurs de cadavres, dont les forçats, ne disposaient pour se protéger de l’infection que d’un simple tissu sur le visage (on le voit sur les tableaux de Michel Serre). Le religieux Paul Giraud parle de « cassolettes ou pommes de senteur sous le nez » que certains habitants employaient (ce à quoi fait peut-être référence la caricature de gauche). La fumigation d’herbes aromatiques et d’épices entrait dans les processus de désinfection, puisque, selon les thèses aéristes, la peste pouvait être présente dans l’air.

Autre élément du costume visible sur ces illustrations : le bâton de bois qui servait à rester à distance des malades. Ces « bâtons de saint Roch » (du nom du saint protecteur de la peste) sont mentionnés dans les sources.

Les habits et chaussures de cuir, également représentés ici, étaient recommandés pour les médecins et chirurgiens, de même que le port de gants pour éviter la contagion lors des soins donnés aux malades.

Il n’est pas certain que le personnel soignant ait disposé de suffisamment de matériel de protection en 1720 étant donné l’impréparation de la municipalité et la mise en place en urgence des hôpitaux pour tenter de contenir la maladie. Mais ces deux illustrations montrent qu’au sein des lazarets, lorsque la peste n’atteignait pas les populations, des costumes spéciaux et sans doute efficaces étaient prévus pour se protéger de la maladie.

Fleur Beauvieux

Dans le texte

Désespoir d’un médecin

« [Deux marchands] […] expliquent ce système populaire, qui consiste à encore croire que la peste étant un fléau du Ciel, elle n’est pas moins au-dessus de la connaissance des médecins que de leurs remèdes, ils prouvent le premier article par l’Écriture, & le second par le propre aveu des médecins, & par le petit nombre des guérisons qu’ils ont opérées […]. Ils se retranchent pour tout remède à la simple tisane & à quelque léger cordial, selon l’usage du Levant, où la maladie est familière. Ils appuient leur pratique par cette réflexion, que la peste attaquant plus les pauvres que les riches, elle ne demande que les aliments & les remèdes les plus simples. »

Relation historique de la peste de Marseille en 1720 par le médecin

Jean-Baptiste Bertrand, Amsterdam, J. Mossy, 1779, pp. 344-345.

Dans le texte
« Chacun commença de respirer »

Le 18 [novembre 1722], on vit ce que l’on n’avait pas vu dans Marseille depuis le commencement de la contagion. Toutes les portes de la ville furent ouvertes sans soldats, sans aucune garde bourgeoise, il fut permis d’entrer et de sortir sans billet, de porter et de rapporter le linge blanc et sale et toute sorte de meuble sans la permission par écrit des commissaires. Chacun commença de respirer et se flatta de voir bientôt les barrières du terroir abattues. […] L’on apprit que le roi avait donné un édit à Versailles le 19 novembre, dans lequel il ordonnait qu’à commencer du 1er décembre prochain toutes les lignes qu’il avait fait établir sur les frontières […] seraient levées et que les gens de guerre et habitants des lieux préposés à leur garde se retireraient.”

Paul Giraud, « Journal historique de ce qui s’est passé dans la ville de Marseille et son terroir, à l’occasion de la peste, depuis le mois de mai 1720 jusqu’en 1723 », Bibliothèque municipale à vocation régionale de l’Alcazar, Marseille (Ms1411, fol. 344)

Une forte empreinte dans la ville

La peste de Marseille offre au moins deux paradoxes. Ce n’est sans doute pas l’épidémie la plus catastrophique pour la ville, mais c’est la seule à avoir laissé une forte empreinte dans la mémoire marseillaise. La trace dans la cité d’aujourd’hui est bien visible. L’évêque Belsunce a ainsi donné son nom à un quartier, sa statue a été érigée au milieu du XIXe siècle devant la cathédrale Sainte-Marie-Majeure (photo). Plus significatif encore, la tribune sud du stade vélodrome s’appelle « Chevalier Roze », seul personnage historique au milieu des célébrités sportives marseillaises ! La peste est aussi l’événement historique qui a inspiré le plus d’artistes et d’écrivains provençaux. Marcel Pagnol a ainsi laissé une nouvelle inédite, Les Pestiférés (devenue une bande dessinée). Second paradoxe : la ville s’est rapidement relevée de la catastrophe. Dès 1721, les mariages se sont multipliés et les « gavots » descendus de la montagne alpine ont comblé les décès. Le XVIIIe fut un beau et grand siècle pour Marseille malgré la peste.

Philippe Joutard

Pour en savoir plus

G. Calvi, Histories of a Plague Year. The Social and the Imaginary in Baroque Florence, Berkeley, University of California Press, 1989 [première étude sur la peste à utiliser l’approche microhistorique].

C. Carrière, M. Courdurié, F. Rebuffat, Marseille ville morte. La peste de 1720, [1968], Autres Temps Éditions, 2008 [ouvrage de référence sur la peste à Marseille].

S. K. Cohn Jr., Epidemics. Hate and Compassion from the Plague of Athens to AIDS, Oxford, Oxford University Press, 2018 [pour une étude récente des réactions face aux épidémies dans le temps long].

J. Delumeau, La Peur en Occident, XVIe-XVIIIe siècle, [1978], Fayard, 2006 [sur les comportements collectifs en temps de peste].

F. Hildesheimer, La Terreur et la pitié. L’Ancien Régime à l’épreuve de la peste, Publisud, 1990 [ouvrage de référence sur la peste en France]

https://www.lhistoire.fr/marseille-en-quarantaine%C2%A0-la-peste-de-1720