EGLISE CATHOLIQUE, FRERE GERARD, GERARD TENQUE, ORDRE DE MALTE, ORDRE DE SAINT JEAN DE JERUSALEM, ORDRE DES HOSPITALIERS DU SAINT-ESPRIT, ORDRE SOUVERAIN MILITAIRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE JERUSALEM RODHES ET MALTR, ORDRES HOSPILATIERS ET MILITAIRES, PROVENCE

Frère Gérard (1047-1120)

Frère Gérard

Frère Gérard ou Gérard l’Hospitalier, né vers 1047 dans une famille de la région d’Amalfi (Italie), et mort le 3 septembre 1120, est le fondateur d’une congrégation, les Hospitaliers de Saint-Jean, qui deviendra par la suite l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

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Origine

Frère Gérard est quelquefois appelé Pierre-Gérard de Martigues pour appuyer son lieu de naissance à Martigues en Provence. Mais cette origine n’est pas établie. Une autre version voudrait que frère Gérard soit originaire d’Amalfi ce qui parait plus probable. L’écrivain et historien italien Gian Francesco Galeani Napione et l’historien de la ville d’Amalfi, Giuseppe Gargano, auraient retrouvé frère Gérard dans un certain Gerardo Sasso ou Saxus, mais les preuves apportées ne sont pas convaincantes.

 

Gérard Tenque

Appelé souvent par erreur Gérard Tenque ou Tum, Tune, ou encore Thom, cette confusion vient d’une erreur de traduction de Pierre-Joseph de Haitze qui traduit des textes latins, entre autres, pour l’écriture de son Histoire de la vie et du culte du bienheureux Gérard Tenque, fondateur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Il aurait appelé le frère Gérard, Gérard Tenque : « Fr. Gerardus tunc Hospitalis praefectus cum a Christianis duce Godefredo Hyerusalem capta est anno domini MLXXXIX » où tunc doit se traduire par « à l’époque » ou « alors » : « Frère Gérard, à l’époque administrateur des Hospitaliers… » et non « Frère Gérard Tenque, administrateur des Hospitaliers… ». C’est Ferdinand de Hellwald qui a relevé l’erreur de traduction en 1885.

 

Biographie

 

Guillaume de Tyr donne pour origine une famille d’Amalfi. Il attribue la construction d’origine à Pantalone di Mauro commerçant amalfitain à Constantinople. Son commerce le menait régulièrement à Jérusalem où il allait prier au Saint-Sépulcre, partiellement reconstruit en 1048. Mauro aurait obtenu du calife fatimide du Caire, gardien des lieux, l’autorisation de construire une maison. L’autorisation obtenue, il fit construire, en plus d’une maison, un monastère et une église, Sainte-Marie-Latine. Il en confia la gestion à des moines bénédictins. Quelque temps plus tard, il fit construire un couvent et un oratoire dédiée à Marie-Madeleine réservée aux femmes. Enfin, il fit construire un xenodochium pour accueillir des pèlerins. Lorsque les croisés prirent Jérusalem ils trouvèrent Agnès, l’abbesse du couvent féminin, et Gérard qui n’était sans doute pas un religieux

C’est comme oblat des moines bénédictins de Sainte-Marie-Latine qu’il soignait, et dirigeait sous leur autorité, les malades au xenodochium (hôpital en grec) de Jérusalem que des marchands d’Amalfi avaient construit entre 1068 et 1071 et dédié au bienheureux Jean l’Aumônier. Lors du siège de Jérusalem par les croisés de Godefroy de Bouillon, il est suspecté d’entente avec l’ennemi, et, à la prise de la ville, il se met à la disposition de tous les blessés.

À la suite de la conquête latine de la première croisade, le xenodochium et son recteur Gérard se séparent des moines bénédictins de Sainte-Marie-Latine, et changent de patronage en le dédiant désormais à saint Jean-Baptiste. Gérard se consacre aux pauvres et aux pèlerins, recrutant du personnel et recevant de nombreux dons de toute la chrétienté. Il fit construire une église dédiée à Jean le Baptiste et un monastère lui aussi dédié au même saint. Ses premiers compagnons dans la congrégation qu’il fonde seront les aides des malades, impressionnés par son engagement et sa foi.

Frère Gérard institua peut être une règle pour régir l’Hospital en s’inspirant de celle de saint Augustin et de saint Benoît mais il n’en a pas laissé trace. La première règle connue date de Raymond du Puy.

Frère Gérard meurt à Jérusalem le 3 septembre 1120, il est considéré comme bienheureux par l’Église catholique.

 

Les donations à L’Hospital

Les premiers dons viennent d’abord de Godefroy de Bouillon qui va faire donation aux Hospitaliers de frère Gérard d’un casal à Hessilia et de deux tours à Jérusalem, le premier patriarche d’Antioche lui cède un emplacement face à l’hôpital d’Antioche puis le roi de Jérusalem Baudouin de Boulogne qui confirme, en 1110, toutes les possessions de L’Hospital à Jérusalem, Naplouse, Jaffa, Acre, Ascalon, Azot, Césarée, Qaqoum, dans le Soeth, à Haïfa, Capharnaüm, Ramallah, Saint-Georges, Saint-Abraham et Jéricho ; en 1118, l’archevêque d’Apamée, pour le comté de Tripoli et Roger de Salerne, régent d’Antioche, confirment à leur tour les possessions hospitalière. L’Église ne veut pas être en reste et en 1112 elle exempt les Hospitaliers du paiement des dimes dans le patriarcat de Jérusalem et dans l’évêché de Césarée. Mais cela ne s’arrête pas à la Terre sainte mais aussi en Angleterre à Clerkenwell vers 1100 ; en Espagne à Seron, Angglerilium,  Lhorens et Biosea en 1109, d’une dime à Benaias en 1110, des églises de Cireza, Llorach  en 1111, Guillaume Arnal de Perbes donne avec l’accord d’Arnal Mir, comte de Pallars, le huitième de la dime qu’il perçoit de Roger et de Bernard de Sotsterres en 1113, donations à Balaguer, Iborra, Vallesa et Bóveda en 1116, de Taniol et de Mamez en 1118 ; au Portugal, d’Idanha a Velha en 1114 ; en Italie, d’hôpitaux à Asti, Pise, Bari, Otrante et Messine en 1113.  

La reconnaissance papale

C’est le pape Pascal II dans une bulle Pie postulatio voluntatis datant du 15 février 11137 qui fait du fondateur, le recteur Gérard, « instituteur et prévôt du xenodochium de Jérusalem » Il obtient divers privilèges, avantages et exceptions pour L’Hospital, une institution, une sorte de congrégation, sous la tutelle et protection exclusive du pape. La bulle précise également qu’à la mort de frère Gérard, les frères éliront entre eux son successeur15. Elle confirme aussi toutes les donations faites aux Hospitaliers et les autorisent à lever la dîme sur leurs terres.

Le 19 juin 1119, le pape Calixte II, par la bulle Ad hoc nos disponente, confirme toutes les possessions et privilèges de L’Hospital en l’étendant aux dîmes et églises récemment acquises dans l’évêché de Tripoli.

 

Les Hospitaliers ne sont pas des gents d’armes

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Il faut se poser la question aux regards de son évolution ultérieur et la réponse est non. Gérard, involontairement sans doute, en payant des gents d’armes et des chevaliers pour protéger les pèlerins sur les chemins de la Méditerranée à Jérusalem, engagea l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans la direction de la militarisation qui ne sera effective que le 15 mai 1179 sous Roger de Moulins. Si les Hospitaliers avaient participé en tant que gents d’armes, il n’aurait pas manqué d’historiens pour relater les faits comme ils le feront plus tard quand ce sera le cas.

Le miracle de Gérard

Gérard est resté dans Jérusalem lors de l’attaque de la ville par les croisés. Il aidait ceux-ci en leur jetant du haut de la muraille des miches de pain. Surpris, il fut conduit devant le gouverneur de la ville. Les miches de pain s’étaient transformées en pierres. Le gouverneur n’y vit pas malice et renvoya Gérard lapider les croisés avec … des miches de pain

Les reliques de la chapelle du château de Manosque

Il ressort d’un longue étude d’Alain Beltjens au sujet des différentes reliques qui, avant et après la révolution française, ont été attribuées à Gérard l’Hospitalier, elles ne seraient en fait que celles de saint Géraud d’Aurillac. Géraud fut déclaré saint par la voix populaire. C’est un des premiers exemples de saint à avoir été canonisé sans avoir subi le martyre ou être entré dans les ordres. Beltjens dénie la béatification de frère Gérard , car les Hospitaliers auraient profité de la confusion entretenue entre Géraud et frère Gérard qui lui, n’aurait jamais été déclaré saint par la voix populaire

 

Mémoire

A Martigues, dans le quartier de Jonquières, se trouve la Place Gérard Tenque.

À Manosque se trouve la rue Gérard Tenque.

À Saint-Mitre-les-Remparts se trouve l’impasse Gérard Tenque.

À Gimeaux, dans la banlieue d’Arles, se trouve le chemin Gérard Tenque.

 

Sources bibliographiques

Alain Beltjens, « Trois questions à propos de l’hospitalier Gérard : les reliques, qui ont reposé pendant plusieurs siècles dans la chapelle du château de Manosque, appartenaient-elles au premier chef de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ? Dans la négative, de qui étaient-elles et sommes nous encore en droit de décerner à l’hospitalier Gérard le titre de bienheureux ? », Revue de la société de l’histoire et du patrimoine de l’ordre de Malte, nos 19 et 20,‎ 2008 et 2009

Alain Beltjens, Aux origines de l’ordre de Malte. De la fondation de l’Hôpital de Jérusalem à sa transformation en ordre militaire, Alain Beltjens, 1995

Nicole Bériou (dir. et rédacteur), Philippe Josserand (dir.) et al. (préf. Anthony Luttrel & Alain Demurger), Prier et combattre : Dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Âge, Fayard, 2009, 1029 p.

Lucien Dégut et Octave Vigné, Martigues, Uzès, La Capitelle, 1964, p. 252

Joseph Delaville Le Roulx, Les Hospitaliers en Terre sainte et à Chypre, 1100-1310, Paris, Ernest Leroux éditeur, 1904

Alain Demurger, Les Hospitaliers, de Jérusalem à Rhodes, 1050-1317, Paris, Tallandier, 2013, 574 p. )

Bertrand Galimard Flavigny, Histoire de l’ordre de Malte, Paris, Perrin, 2006

Eugène Harot, Essai d’armorial des Grands-Maîtres de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, Rome, Collegio Araldico, 1911

 

Bibliographie

Giacomo Bosio Dell’istoria della sacra Religione, dell’illustrissima milizia di Santo Giovanni Gierosolimitano, Rome, 1621

Abbé de Vertot, Histoire des chevaliers hospitaliers de S. Jean de Jerusalem, appellez depuis les chevaliers de Rhodes, et aujourd’hui les chevaliers de Malte, À Paris, chez Rollin, Quillau, Desaint, 1726,

BEATRICE DE PROVENCE (1229-1267), FRANCE, HISTOIRE DE FRANCE, HISTOIRE DE LA PROVENCE, Non classé, PROVENCE

Béatrice de Provence (1229-1267)

Béatrice de Provence

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Béatrice de Provence, née en 1229 et morte à Nocera le 23 septembre 1267, est une comtesse de Provence et de Forcalquier, fille de Raimond-Bérenger IV, comte de Provence et de Forcalquier, et de Béatrice de Savoie. Par mariage, elle devient reine de Naples et de Sicile.

Biographie

 Origine

Béatrice naît en 1229. Elle est la fille de Raimond-Bérenger IV, comte de Provence et de Forcalquier, et de Béatrice de Savoie, dont elle porte le prénom.

À la mort de son père, le 19 août 1245, elle devient l’héritière du comté de Provence et celui de Forcalquier.

 Mariage de la Provence et de la France

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Béatrice de Provence et Charles Ier d’Anjou

Un projet de mariage est organisé par la reine Blanche de Castille, soutenu par le pape Innocent IV, avec Charles, frère du roi de France, Louis IX. Ce dernier a épousé Marguerite, la sœur aînée de Béatrice En 1245, le mariage est préparé par sa mère, Béatrice, comtesse douairière de Provence, et le Conseil de régence. Le projet est engagé puisque le roi de France a obtenu l’accord de son côté L’oncle de Béatrice, l’archevêque de Lyon Philippe de Savoie, devient l’intermédiaire privilégié entre les différentes parties

Toutefois, certains princes ne sont pas favorables à ce rapprochement entre la Provence et le royaume de France. Ainsi, le comte de Toulouse, qui ne participe pas aux tractations, menace d’envahir le comté. Son voisin, le roi d’Aragon Jacques Ier, approche avec son armée. Charles intervient en pénétrant en Provence avec une troupe de chevaliers, obligeant le roi d’Aragon à se retirer

La jeune fille est remise à Charles, avec le consentement du roi Louis IX. De fait, Charles devient comte de Provence. Le mariage se déroule le 31 janvier 1246 à Aix. Après un court séjour en Provence, les jeunes époux rentrent en France.

Ce mariage est qualifié par l’historien Gérard Sivéry comme « l’un des chefs-d’œuvre de la grande stratégie matrimoniale médiévale ».

Ses deux autres sœurs, Éléonore (1223-1291), reine consort d’Angleterre depuis 1236, et Sancie (1228-1261), comtesse de Cornouailles, réclament une part d’héritage de la Provence

Comtesse de Provence

Charles de France est adoubé en mai 1246. Trois mois plus tard, il est fait par son frère comte d’Anjou et du Maine.

Charles d’Anjou reprend la politique d’expansion en direction de la péninsule italienne entamée par le comte Raimond-Bérenger IV de Provence.

Les Provençaux se soulèvent contre ce prince étranger au printemps 1246. Il faut attendre l’année 1265 pour que son pouvoir soit définitivement assis sur la Provence.

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Statue de Béatrice de Provence

Famille

Béatrice épouse en 1246 Charles Ier (1226 † 1285), roi de Naples et de Sicile (1266-1285), comte d’Anjou et du Maine (1246-1285), et ont :

Louis (1248 † 1248)

Blanche (1250 † 1269), mariée en 1265 avec Robert III de Dampierre (1249 † 1322), comte de Flandre

Béatrice (1252 † 1275), mariée en 1273 à Philippe Ier de Courtenay (1243 † 1283), empereur titulaire de Constantinople

Charles II de Naples (1254 † 1309), comte d’Anjou et du Maine, roi de Naples

Philippe (1256 † 1277), prince d’Achaïe, marié en 1271 avec Isabelle de Villehardouin (1263 † 1312), princesse d’Achaïe et de Morée

Robert (1258 † 1265)

Isabelle (ou Élisabeth) (1261 † 1303), mariée à Ladislas IV (1262 † 1290), roi de Hongrie

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Statue de Béatrice de Provence (Eglise Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence)

Bibliographie complémentaire

Thierry Pécout, « Celle par qui tout advint : Béatrice de Provence, comtesse de Provence, de Forcalquier et d’Anjou, reine de Sicile (1245-1267) », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, nos 129-2,‎ 2017 

FRANCE, HISTOIRE DE FRANCE, PROVENCE, RAYMOND-BERENGER V DE PROVENCE (1198-1209)

Raymond-Bérenger V de Provence

RAYMOND-BERENGER V DE PROVENCE

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Statue du comte Bérenger V de Provence dans l’Eglise Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Raimond-Bérenger IV/V de Provence

Raimond Bérenger IV1 ou V, né vers1198, mort le 19 août 1245 à Aix, futcomte de Provence et de Forcalquier de1209 à sa mort.

Numérotation
Lors de la minorité d’un précédent comte, la régence fut exercée par Raimond-Bérenger IV de Barcelone, qui est parfois comptabilisé parmi les comtes de Provence. Il s’ensuit que le comte Raimond-Bérenger IV de Provence est souvent nommé Raimond-Bérenger V de Provence.

Biographie
Jeunesse
Raimond Bérenger IV de Provence est le seul fils d’Alphonse II (v. 1180-1209), comte de Provence (1195-1209), et de Garsende, comtesse de Forcalquier, issue de la maison de Sabran.
En février 1209, alors que Raimond Bérenger IV a environ douze ans, son père meurt à Palerme. Son oncle, le roi Pierre II d’Aragon assure sa tutelle. L’éducation du jeune prince est confiée à Guillaume de Montredon, maître de province de l’ordre du Temple et Raymond de Penafort, fameux théologien du xiiie siècle. Sa mère Garsende lui cède le comté de Forcalquier le 30 novembre 1209, permettant la réunion de ces deux comtés rivaux depuis un siècle
Pierre II d’Aragon est tué à la bataille de Muret, Sanche, oncle de Pierre II, prend en charge la régence d’Aragon et laisse celle de Provence à son fils Nuno. Des dissensions éclatent au sein des Catalans de Provence, entre les partisans de la comtesse Garsende de Forcalquier et ceux de Nuno, qui semblent vouloir évincer le jeune comte. La noblesse provençale en profite pour s’agiter. Elle prend finalement le parti de Garsende de Forcalquier, évince Nuno, place Raimond Bérenger IV de Provence sous la tutelle de sa mère et créent un conseil de régence.

Comte de Provence
Il parvient à se débarrasser de son rival le comte de Toulouse, également marquis de Provence, dont la famille a toujours eu l’ambition d’annexer la Provence. Pour cela, il n’hésite pas à soutenir la croisade albigeoise et soumet dans l’ordre les consulats d’Arles et de Marseille qui créaient des troubles dans le comté. Il conquit Avignon avec le roi de France Louis VIII en 1226.

Les armes de Provence, étaient devenus également celles de la Catalogne après le mariage de Douce de Provence avec Raimond Bérenger III comte de Barcelone. Depuis lors elles se ressemblent étonnamment si ce n’est la disposition des pals, afin de ne pas les confondre, elles seront en effet mises horizontalement pour la Catalogne.
Il fit montrer sous son royaume les « bailes » qui devinrent les représentants du pouvoir comtal. Il bâtit la ville de Barcelonnette en 1231 en honneur de ses origines catalanes ainsi que l’église Saint Jean de Malte premier édifice gothique de Provence à Aix-en-Provence.

Il meurt le 19 août 1245, et est enseveli à Aix-en-Provence, auprès du tombeau de son père, dans l’église Saint-Jean-de-Malte d’Aix-en-Provence.

Raimond Bérenger IV est le dernier membre de la famille des comtes de Catalogne à avoir régné en Provence. Il laisse par testament, daté du 20 juin 1238, ses domaines à sa quatrième fille, Béatrice, la seule qui n’est pas encore mariée. A sa mort la Provence unifiée entre dans la mouvance du roi de France rompant ainsi aec son passé catalan.

Comte troubadour
Il reste de Raimond-Bérenger V (ou IV) deux tensons et deux coblas.

Union et descendance
Le 5 juin 1219, Raimond Bérenger IV de Provence épouse Béatrice de Savoie (1198-1266), fille de Thomas Ier (1177-1233), comte de Savoie (1189-1233), et de Marguerite de Genève (1180-1252 ou 1257). De cette union sont issues quatre filles :

Marguerite de Provence (1221-1295), reine de France (1234-1270) par mariage en mai 1234 avec Louis IX (1214-1270), roi de France (1226-1270) ;
Éléonore de Provence (v. 1223-1291), reine d’Angleterre (1236-1272) par mariage en 1236 avec Henri III (1207-1272), roi d’Angleterre (1216-1272) ;
Sancie de Provence (v. 1225-1261), comtesse de Cornouailles (1243-1261) par mariage en 1243 avec Richard de Cornouailles(1209-1272), comte de Cornouailles (1227-1272) et roi des Romains (1257-1272) ;
Béatrice de Provence (1234-1267), comtesse de Provence et de Forcalquier (1245-1267), mariée en 1246 avec Charles Ier d’Anjou (1227-1285), comte d’Anjou et du Maine (1246-1285), roi de Sicile (1266-1282), puis roi de Naples (1282-1285), et comte de Provence et de Forcalquier (1246-1267) par mariage, mais qui continuera à porter les titres jusqu’à sa mort.

Par ces alliances entre les filles de Raimond-Bérenger IV, les rois de France Louis IX (Saint Louis) et de Sicile Charles Ier qui étaient déjà frères, deviennent beaux-frères l’un de l’autre, outre la parenté d’alliance du même degré avec le roi d’Angleterre Henri III et le futur roi des Romains Richard de Cornouailles, frère d’Henri III, ces deux derniers devenant aussi beaux-frères l’un de l’autre.
Marguerite et Béatrice deviennent belles-sœurs, tandis que la même parenté d’alliance se crée entre Éléonore et Sancie.

Source : Wikipédia

 

RAYMOND-BERENGER V FAIT NAITRE LA PROVENCE

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BERENGER V DE PROVENCE : L’INVENTION DE LA PROVENCE

THIERRY PECOUT

PARIS, PERRIN, 2004

 

En ce mois de novembre 1216, une galée appareille en pleine nuit du port catalan de Salou vers les rives du comté de Provence. À son bord, un jeune adolescent, escorté par des chevaliers provençaux venus l’arracher à son exil aragonais.

Ainsi commence l’histoire de Raymond Bérenger V, héritier d’une Provence déchirée par des rivalités entre factions nobles et les villes comme Marseille, Avignon, Arles, Tarascon, Nice ou Grasse. Il hérite d’un comté à l’histoire mouvementée et qui est convoité par des voisins qui voudraient bien s’approprier ce comté : que ce soit l’Empereur de l’Empire germanique Frédéric II au nord, le comte de Toulouse à l’ouest quand ce ne sont pas les rois d’Aragon (qui furent comtes de Provence) et même le roi de France qui cherche à agrandir son royaume afin d’avoir un débouché sur la Méditerranée.

Beaucoup voient en ce jeune prince le seul dépositaire d’un pouvoir légitime. Sa mère et tutrice, la comtesse Gersende de Forcalquier, ne peut plus désormais espérer gouverner sans lui. Rien ne laisse alors présager que ce jeune homme sera l’artisan d’un rétablissement de l’État comtal. Pourtant, depuis sa capitale aixoise, il fait de sa principauté l’un des laboratoires de l’État moderne. Raymond Bérenger rompt avec le passé catalan de la Provence, mais aussi avec l’empire germanique de Frédéric II. Les temps lui sont favorables : de Nice à Marseille, le commerce des ports provençaux est prospère. Cette richesse bénéficie aux églises, châteaux et villes qui arborent de neuves parures. Le comte fonde Martigues et Barcelonnette. Pour la première fois de son histoire, la Provence paraît une principauté cohérente, gouvernée par un prince soucieux de ses prérogatives. La mort prématurée de Raymond Bérenger en 1245, sans héritier, laisse la Provence aux mains de son gendre, frère du roi de France. Une page achève de se tourner.

 

L’auteur

Thierry Pécout, né en 1967, ancien élève de l’École normale supérieure, maître de conférences en histoire du Moyen Âge à l’université de Provence, auteur d’une biographie du roi Charles V (2001), travaille actuellement sur l’histoire des pouvoirs dans le comté de Provence.

CAMARGUE (Provence), FOLCO DE BARONCELI (1863-1943), PROVENCE

Le marquis Folco de Baroncelli

Folco de Baroncelli

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Folco de Baroncelli en 1906.

Folco de Baroncelli (né le 1er novembre 1869 à Aix-en-Provence et mort le 15 décembre 1943 à Avignon) est un écrivain et manadier français.

Disciple de Frédéric Mistral et majoral du Félibrige, il est considéré comme l’« inventeur » de la Camargue. Il en a exploité des traditions avérées et en a instauré de nouvelles en s’inspirant du Wild West Show de Buffalo Bill lors de son passage dans le Midi.

 

Biographie

Famille et jeunesse

Marie Joseph Lucien Gabriel Folco de Baroncelli-Javon est né à Aix-en-Provence, mais sera baptisé à Avignon où demeurent ses parents.

Celui qui devait devenir gentilhomme-gardian appartient par son père, Raymond de Baroncelli à une famille florentine remontant au xiiie siècle et de tradition gibeline. La branche à laquelle il appartient est installée en Provence depuis le xve siècle. Sa famille possède depuis le début du xvie siècle dans le diocèse de Carpentras, la seigneurie et le château de Javon; toutefois le titre de marquis porté par le chef de famille n’est que de courtoisie. Leur principale demeure est située dans le centre d’Avignon, et baptisée « hôtel de Baroncelli-Javon » avant d’être surnommée « palais du Roure » par Frédéric Mistral.

Il est le frère du cinéaste Jacques de Baroncelli et de Marguerite de Baroncelli, reine du Félibrige de 1906 à 1913, égérie du poète provençal Joseph d’Arbaud et épouse du peintre Georges Dufrénoy.

Il passe son enfance à Bouillargues mais surtout au Château de Bellecôte près de Nîmes, où il fait ses études.

Revenu dans la demeure familiale d’Avignon alors capitale des félibres, le jeune Folco y rencontre Roumanille, dont la librairie était voisine de l’Hôtel de Javon, et Mistral en 1889. Il s’enthousiasme pour la langue provençale qu’il introduit dans son milieu familial, par essence aristocratique, même s’il prétendit par la suite que « les Baroncelli avaient toujours pratiqué le provençal dans leur vie courante ». Dès 1890, il publie un premier ouvrage en provençal, la nouvelle Babali. Conscient que son nouvel ami porte un nom prestigieux qui servirait la cause provençale, Mistral lui confie l’année suivante la direction de son journal L’Aiòli. En 1905, il devient majoral du Félibrige, mais démissionne en 1926.

 

Mas de l’Amarée

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En 1895, lou Marqués (le Marquis), comme on l’appellera désormais, se rend en Camargue et monte une manade, la Manado Santenco (la Manade saintine), aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Peu de temps auparavant, le 7 février 1895, il avait épousé Henriette Constantin, fille d’Henri Constantin, propriétaire du Domaine des Fines Roches à Châteauneuf-du-Pape. De ce mariage naitront trois filles bien que, sa femme supportant mal le rude climat camarguais, leur vie commune soit épisodique. Néanmoins, le 30 juillet 1899, il s’installe définitivement aux Saintes-Maries-de-la-Mer sur la petite route du Sauvage, au Mas de l’Amarée, comme locataire du propriétaire d’alors, Monsieur Allègre.

En 1905, il fait connaissance à Paris de Joe Hamman, qui lui présente Buffalo Bill à l’occasion d’une représentation de la tournée de sa troupe américaine en Europe. Baroncelli propose à ce dernier les services de ses gardians qui participent avec les Indiens et les cows-boys aux spectacles que Buffalo Bill organise alors dans le cadre de son Wild West Show. Il y trouvera l’inspiration pour créer ses jeux de gardians. A partir de 1909, Baroncelli met à disposition d’Hamman ses gardians et ses taureaux pour ses films faits en Camargue, qui seront parmi les premiers Westerns tournés, outre ceux réalisés États-Unis.

En septembre 1907, les crues liées aux orages du 27 de ce mois noient une partie de sa manade.

En mai 1908, il rencontre à Arles, l’industriel Jules Charles-Roux et la femme de lettres Jeanne de Flandreysy à l’occasion du tournage de la première version cinématographique de Mireille. Cette rencontre avec Jeanne de Flandreysy, déjà aperçue quatre ans plus tôt à Valence, le marque à jamais. Il tombe amoureux de cette belle mais très indépendante femme, véritable égérie provençale. Si leur relation amoureuse fut brève, leur amitié dura jusqu’à la mort du marquis.

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Dès le début du xxe siècle, le marquis s’attelle avec d’autres à la reconquête de la pure race Camargue, tout comme il participe activement à la codification de la course camarguaise naissante. La sélection draconienne qu’il opère est récompensée par son taureau Prouvènço, historique cocardier qui déchaîne les foules, baptisé ainsi autant pour ses qualités esthétiques que ses aptitudes combatives.

Le 16 septembre 1909, il crée la Nacioun gardiano (la « Nation gardiane »), qui a pour objectif de défendre et maintenir les traditions camarguaises. Il avait aussi participé à la sauvegarde des la Confrérie des Gardians de Saint-Georges, fondée à Arles en 1512, qui avait alors failli disparaître.

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Mobilisé, il est profondément affecté par les carnages de la guerre de 1914-1918. À la suite de propos prétendument « anti-militaristes » qu’il aurait proférés et qui furent dénoncés, il est interné au fort de Peccais.

À la fin de la Guerre et plus précisément le 18 avril 1918, Jeanne de Flandreysy, associée à son père Étienne Mellier, rachète le palais du Roure, vendu par le marquis et ses frères et sœurs à la mort de leur mère. Ce palais, maison historique et familiale des Baroncelli, avait été mis en vente au cours de l’été 1907 puis vendu le 15 mai 1909 à la société Immobilière de Vaucluse qui en avait dispersé la plupart des trésors, dont de superbes boiseries. C’est à cette époque que Jeanne de Flandreysy l’incite à écrire.

Le 17 octobre 1921, à Nîmes, il conduit la « Levée des Tridents », à la tête de la Nacioun gardiano et en compagnie de son ami Bernard de Montaut-Manse, pour protester contre l’interdiction des corridas. Il s’agit d’un défilé pacifique comme le montrent les anciennes photographies. Bernard de Montaut-Manse réussit à faire débouter la SPA de son action en justice contre les corridas à Nîmes.

En 1924, il demande à Hermann Paul de concevoir et dessiner la croix camarguaise, dont le modèle est réalisé par Joseph Barbanson, forgeron aux Saintes-Maries-de-la-Mer. La croix est inaugurée le 7 juillet 1926 sur un terre-plein de l’ancienne sortie sud-est de la cité camarguaise.

 

Le mas du Simbèu

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Toutefois, les problèmes financiers s’accumulent et en 1930, désargenté, il doit quitter le mas de l’Amarée dont il n’est que locataire. Les Saintois se cotisent alors et lui offrent un terrain sur lequel il construit une réplique du mas de l’Amarée, le mas du Simbèu (littéralement « signe », « enseigne », « point de mire », nom donné au vieux taureau, chef du troupeau) ; le 1er octobre 1931 à minuit, il quitte l’Amarée pour le Simbèu.

Dans les années 1930, il dénonce le projet d’assèchement du Vaccarès, se bat pour la création d’une réserve en faisant valoir l’importance à venir du tourisme et manifeste pour le maintien des courses camarguaises. Il témoigne aussi en faveur du maire communiste des Saintes-Maries-de-la-Mer, Esprit Pioch, et prend parti dans la guerre d’Espagne pour les Républicains espagnols. Il soutient également les gitans et leur pèlerinage. À sa demande, l’Archevêque d’Aix, Monseigneur Roques, tolère que la statue de Sara, patronne des gitans, soit amenée jusqu’à la mer, ce qui est réalisé, pour la première fois, le 25 mai 1935. Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1953 que des prêtres participeront à cette procession.

 

« Le crépuscule du Marquis »

La fin des années 1930 n’est pas très heureuse pour le marquis. En février 1935, il tombe gravement malade puis est très affecté par le décès de son épouse, survenu le 8 août 1936. En 1938, à nouveau gravement malade, il est transporté d’urgence au centre médical de Nîmes. Et à la veille de la guerre, en février 1939, c’est la fin de sa manade. En 1940, il proteste auprès de Daladier après des manœuvres de tirs d’avions dans le Vaccarès.

La guerre 1939-1945 lui sera en quelque sorte fatale. Lors de leur arrivée en zone libre en 1942, les Allemands s’installent, dès le 16 novembre 1942, dans son mas du Simbèu, réquisitionné en janvier 1943. Finalement, le 17 février, le marquis de Baroncelli en est expulsé et s’installe dans le village même des Saintes, chez sa fille (place Saint-Pierre). Affaibli par la maladie et terriblement attristé, il reçoit l’extrême onction et meurt le 15 décembre, peu avant 13 heures, à Avignon.

 

Tombeau

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Son mas Lou Simbèu est détruit à l’explosif en 1944 par les troupes allemandes lorsqu’elles quittent le pays. Il n’aura duré que 13 ans. Le 21 juillet 1951, les cendres du Marqués sont transférées dans un tombeau à l’endroit même où se trouvait le mas du Simbèu mais son cœur est placé dans la chapelle de ses ancêtres, au palais du Roure, ancien hôtel de Baroncelli-Javon. Lors de ce transfert, alors que le convoi funèbre longe les prés, les taureaux de son ancienne manade se regroupent et suivent lentement le cortège, comme accompagnant leur maître une dernière fois. Ainsi, selon sa volonté :

lorsque je serai mort, quand le temps sera venu, amenez mon corps dans la terre du Simbèu, ma tête posée au foyer de ma vie, mon corps tourné vers l’église des Saintes, c’est ici que je veux dormir,

le marquis repose sur les lieux de son dernier mas. On peut se rendre sur sa tombe, qui est d’une grande sobriété.

 Legs

Selon le professeur américain Robert Zaretsky, Folco de Baroncelli a contribué à transformer la Camargue, jusque-là étendue sauvage et désolée, en une nature ordonnée et apprivoisée, devenue parc naturel et l’une des destinations de vacances les plus courues. « À l’instar de Claude François Denecourt, l’« inventeur » de la forêt de Fontainebleau, Baroncelli est pour la Camargue, le génie des lieux ». Et d’ajouter : « poète médiocre devenu manadier, révolutionnaire indécis devenu homme de spectacle, régionaliste mué en bricoleur de l’histoire et du folklore camarguais, Baroncelli a participé à la création de la France moderne ».

 

Œuvre

Blad de Luno (Blé de Lune), préface de Frédéric Mistral, Paris (Lemerre) et Avignon (Roumanille), 1909, 155 pages, recueil de poèmes bilingue provençal-français.

Babali, Nouvello prouvençalo, préface de Frédéric Mistral, Paris (Lemerre) et Avignon (Roumanille), bilingue provençal-français, 1910, 53 pages, 33 illustrations, 8 reproductions d’aquarelles inédites de Ivan Pranishnikoff, Teissère de Valdrôme, Roux-Renard, Morice Viel et 4 lettrines de Louis Ollier

Les Bohémiens des Saintes-Maries-de-la-mer, Paris (Lemerre), traduit du provençal, 1910, 32 p., fig. en noir et en couleur

L’élevage en Camargue Le Taureau (tiré-à-part des travaux du 5e Congrès du Rhône), Tain-Tournon, ed. Union Générale des Rhodaniens, 1931, 14 pages.

Souto la tiaro d’Avignoun – Sous la tiare d’Avignon, Société Anonyme de l’Imprimerie Rey, Lyon, 1935.

Recueil de poèmes bilingue français-provençal contenant : Les deux veuves ; Préface ; La cavale de Grégoire XI ; Le nombre 7 et la Provence ; Le jour de la Saint-André (30 novembre) et les Pénitents gris d’Avignon ; Politesse provençale ; La Madone du Château de Bellecôte ; La chèvre d’or ; La chasse au perdreau en Camargue ; Les chevaux camarguais ; Le grand loup ; Bauduc ; La Madone de l’hôtel de Javon ; Valence, cité cavare et provençale.

 

Bibliographie

Jean des Vallières, Le Chevalier de la Camargue – Folco de Baroncelli, marquis de Javon, Éditions André Bonne, collection « par 4 Chemins ». Prix Boudonnot 1957 de l’Académie française.

« Baroncelli », dans Ivan Gaussen (préf. André Chamson), Poètes et prosateurs du Gard en langue d’oc : depuis les troubadours jusqu’à nos jours, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Amis de la langue d’oc », 1962 p. 104.

Henriette Dibon dite Farfantello, Folco de Baroncelli, Imprimerie René, Nimes, 1982, 429 p.

René Baranger, En Camargue avec Baroncelli, l’auteur, Clichy, 1983, 164 p. (Récit des quatorze années passées par l’auteur comme gardian au mas de l’Amarée puis au mas du Simbèu).

Les Indiens de Buffalo Bill et la Camargue, sous la dir. de T. Lefrançois, avec la participation de Remi Venture, Serge Holtz et Jacques Nissou, Paris, La Martinière, 1994.

Robert Zaretsky, Le Coq et le Taureau, Comment le Marquis de Baroncelli a inventé la Camargue, traduit de l’anglais (américain) par Cécile Hinze et David Gaussen, Éditions Gaussen, 2008. (L’auteur, qui enseigne la culture française à l’Université de Houston au Texas, replace l’action et l’œuvre de Baroncelli dans le contexte de la formation de la France moderne. Avant-propos de Sabine Barnicaud, conservatrice du palais du Roure – Références de l’édition en anglais : Cock & Bull Stories, Folco de Baroncelli and the Invention of the Camargue, Lincoln & London, University of Nebraska Press, 2004, 192 p.)

Palais du Roure, Le crépuscule du Marquis, Éditions Palais du Roure, Avignon, 2013,

Jacky Siméon, Dictionnaire de la course camarguaise, Vauvert, Au Diable Vauvert, 142 p. p. 19-20

AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), FRANCE, HISTOIRE D'AIX-EN-PROVENCE, HISTOIRE DE FRANCE, PROVENCE

Une histoire de la ville d’Aix-en-Provence

Histoire d’Aix-en-Provence

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Blason d’Aix-en-Provence

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Aix-en-Provence (Aix jusqu’en 1932) est la capitale historique de la Provence. Son histoire débute avec la soumission aux Romains des Salyens, fédération gauloise regroupant plusieurs peuples de la Basse-Provence. Leur capitale, située à l’oppidum d’Entremont, est habitée depuis le début du iie siècle av. J.-C. En 124 av. J.-C., le consul romain Gaius Sextius Calvinus démantèle l’oppidum et crée deux ans plus tard la ville d’Aquae Sextiae, au pied d’Entremont. C’est cette ville romaine qui est devenue Aix. Située sur un axe stratégique entre l’Italie et l’Espagne (sur la via Aurélia), Aix permet à la République romaine de sécuriser toute une région alors aux mains des Salyens. Pourtant, des incursions ennemies viennent mettre en péril la sécurité de la Gaule narbonnaise et, en 102 av. J.-C., le consul Caius Marius détruit une armée de Cimbres et de Teutons, non loin d’Aix. Cette bataille, dénommée bataille d’Aix, permet de protéger l’Italie d’une invasion de ces tribus germaines. Dans le même temps, Aix se développe et prend les caractéristiques d’une ville romaine. Elle se dote d’un forum, mais aussi d’un théâtre, de thermes et d’aqueducs.

Le iiie siècle est marqué par le début du déclin démographique d’Aquae Sextiae. À la même époque, Aix est capitale de la Narbonnaise Seconde et domine alors sur un plan politique des villes antiques majeures, comme Fréjus (Forum Julii)Antibes (Antipolis), Riez (Reis Appolinaris), Apt (Apta Julia), Sisteron (Segusterone) ou Gap (Vapincum). C’est à Aix qu’est créé l’archevêché, ce qui lui assure une position prééminente tout au long du Moyen Âge, confirmée par la création d’une université (1409), puis peu après le rattachement à la France, du Parlement de Provence (1501).

Son importance en Provence fléchit quelque peu avec la Révolution française : le Parlement et l’université sont supprimés, et Aix n’est plus que chef-lieu d’un des quatre départements créés avec la province. Sans liaison ferroviaire, la ville gagne le surnom de « belle endormie » au xixe siècle.

 

Antiquité

L’oppidum d’Entremont

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Restes de l’oppidum d’Entremont.

L’oppidum d’Entremont se présente comme typique des bourgades celto-ligures de son temps. Peuplée de Salyens (Salluvii) de l’arrière-pays marseillais, elle a été considérée dès le xixe siècle comme une polis antique, constituée d’une agglomération et de son territoire.

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Carte des tribus gauloises de Provence.

Avant l’apparition de l’agglomération d’Entremont, un sanctuaire semble avoir existé dès le premier Âge du fer. Les éléments de ce sanctuaire ont servi de remploi lors de la construction de la seconde et peut-être de la première agglomération.

Au fil des siècles, une structure d’habitat se met en place et le premier rempart est érigé vers -175. Les 25 années qui vont suivre constituent la première phase d’habitat de l’oppidum. La ville ne s’étend alors que sur un hectare environ et forme un parallélogramme à l’aplomb de deux abrupts : au sud et à l’ouest.

Rapidement, la ville doit s’agrandir et l’on procède à la construction d’un deuxième rempart qui va porter la superficie de la ville à 3,5 hectares environ5. On est alors aux alentours de 150 av. J.-C. Ce rempart n’aura rien de commun avec le précédent : 6 à 7 mètres de hauteur, 3,25 mètres de largeur, renforcé de tours de 8 à 9 mètres tous les 18,5 mètres.

Au moment de la prise de la ville, en 123, le roi (ou basileus) Teutomalios (ou Toutomotulus) fuit chez ses alliés allobroges en compagnie des princes (dunastai) salyens d’Entremont. Plusieurs chercheurs ont toutefois émis des doutes sur cette hypothèse, considérant que le véritable abandon de la ville provient d’une destruction militaire survenue vers 110 à 90 av. J.-C1. Une faible population continue d’habiter le bourg pendant vingt à trente ans, dans l’ombre d’Aquae Sextiae, même si Entremont n’est plus qu’une « ville pérégrine étroitement contrôlée par un praesidium romain.. » Mais progressivement, la ville va être totalement désertée et finira ruinée.

Aquae Sextiae

Fondation de la ville d’Aix

On ne peut affirmer que la ville était dénommée Aquae Sextiaedès sa fondation. En revanche, elle portait ce nom au plus tard en 102 av. J.-C.Tite-Live parle en effet de « duobus deinde proeliis circa Aquas Sextias eosdem hostes delevit »Pline l’Ancien, lui, évoque « Aqua Sextia Salluviorum ».

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Fondation d’Aix par Sextius Calvinus (Joseph Villevieille, 1900).

Les récits concernant la fondation d’Aix sont peu connus. Cassiodore (v. 485-v. 580) en fait une relation plutôt détaillée dans sa Chronique, mais celle-ci présente l’inconvénient d’être très postérieure aux événements. Cassiodore y indique que la création de la ville résulte des opérations militaires du consul Caius Sextius Calvinus menées en 124 av. J.-C. contre l’oppidum d’Entremont, qu’il appelle « la capitale des Salyens ». Deux ans plus tard, le même Sextius Calvinus fonde « dans les Gaules une ville où sont les eaux sextiennes » (122 av. J.-C.). Strabon qualifiera l’établissement sextien de polis (« ville ») qu’il prend soin de distinguer de la phoura (« garnison ») qui s’y trouve.

Aix, première ville romaine fondée sur le territoire de la France actuelle, a pour vocation de surveiller une région à peine pacifiée et sert de base à l’armée romaine en prévision d’une conquête de la Gaule narbonnaise, quatre ans plus tard. Placée sous le contrôle d’un præsidium romain, Aix abrite dès lors les populations refoulées d’Entremont et devient de facto « le chef-lieu du pays salyen entré par la force dans l’orbite romaine. »

Il n’est pas possible de déterminer avec précision l’emplacement de l’établissement romain et de la garnison qui s’y trouvait. La raison en est que l’on ne trouve pas de source archéologique remontant à la fondation de la ville. Les historiens se fient donc au déplacement de la ville antique au cours des siècles et ses diverses localisations : d’abord dans la ville des Tours, puis sur l’emplacement du palais comtal et enfin dans le bourg Saint-Sauveur. La plupart des érudits locaux localisent la ville antique au bourg Saint-Sauveur, alors que des vestiges retrouvés sur place et identifiés à l’époque romaine s’avéraient en fait être ceux de la ville du xiie sièclePaul-Albert Février s’oppose à cette localisation : « Vouloir retrouver dans cette ville de basse époque [le bourg Saint-Sauveur] le plan de la fondation de Sextius est un simple jeu de l’esprit. »

Bataille d’Aquae Sextiae

En 102 av. J.-C., lors de la bataille d’Aquae SextiaeGaius Marius tient tête, au pied de la montagne appelée plus tard Sainte-Victoire, aux hordes d’Ambrons et de Teutons qu’il défait. Ceux-ci, venus de la Baltique, se rendent en Italie. Marius choisit avec précaution une position forte, une colline, pour y attirer les Teutons avec l’aide de sa cavalerie et de son infanterie légère de tirailleurs (composée pour l’essentiel de Ligures alliés).

Les éléments de l’avant-garde teutonne, les Ambrons, mordent au piège et attaquent. Ils sont bientôt suivis par le reste de leur troupe. Or Marius a caché une petite force romaine de 4 000 hommes à proximité. Au moment de la bataille, cette force sort de sa cachette, attaquant les Teutons par derrière et provoque chez eux confusion et déroute. Les décomptes romains prétendent que, dans le massacre qui suit, 90 000 Teutons sont tués et 20 000, parmi lesquels leur roi Teutobod, sont capturés. Les seuls rapports qui ont survécu sont romains et ils exagèrent l’unilatéralité de la bataille mais l’anéantissement complet des Teutons et des Ambrons est bien en faveur de la sévérité de leur défaite.

Développement de la ville

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Vestiges de l’aqueduc de la Traconnade sur la commune de Meyrargues (Bouches-du-Rhône).

Le ier siècle voit le développement de la ville au niveau architectural. Si, jusqu’alors, il fallait voir en Aquae Sextiae une ville très similairese dresse le théâtre antique où les citoyens viennent assister à des spectacles de mime et de pantomime, mais qui joue aussi un rôle religieux lié au culte de l’empereur.

L’approvisionnement en eau est assuré par trois aqueducs : l’aqueduc de Traconnade, au nord, l’aqueduc de Vauvenargues et celui du Tholonet à l’est. L’aqueduc de Traconnade, qui prend sa source à Jouques (Bouches-du-Rhône), était long de 27 kilomètres. Il peut encore être observé sur le territoire de la commune de Meyrargues ;  à Entremont la Gauloise, celle-ci va prendre progressivement des caractéristiques romaines. Ainsi, l’urbanisme s’oriente selon les canons romains. Un axe nord-sud (le cardo) vient couper un autre axe, orienté est-ouest (le decumanus). À leur intersection se dresse le forum de la ville, place publique et lieu de rencontres et de discussions. À l’ouest d’Aquae Sextiae, tout contre le rempart, trois piles et arcades se dressent au milieu d’un champ, dans un décor bucolique. « Le ciment qui lie [ses] pierres, raconte l’historien Garcin en 1835, est plus dur que le poudingue le plus compact. » Cet aqueduc est considéré par d’aucuns comme une réelle prouesse technique du fait qu’il parcourt plusieurs kilomètres sous le plateau qui sépare la vallée de l’Arc et celle de la Durance. Au temps d’Aquae Sextiae, ces aqueducs, que l’on estime dater du iie siècle, viennent alimenter les thermes de la ville, mais sert aussi à la consommation quotidienne des Aquenses.

Les premiers thermes aixois remontent à la seconde moitié du ier siècle. Ils se situent approximativement à l’emplacement actuel des thermes de la ville, près du cours Sextius.

Mutations urbaines (iiie et ive siècles)

Le iiie siècle est marqué par le début du déclin démographique d’Aquae Sextiae. Dans un premier temps, des domus résidentielles sont abandonnées de leurs habitants, mais peu à peu ce phénomène s’étend à de nombreuses maisons du centre de la ville. Livrées à l’abandon, ces maisons tombent en ruines et leurs pierres servent de carrières de matériaux. Les habitations délaissées le plus tardivement semblent être celles du quartier nord, dont certaines sont même embellies durant cette période où tant d’autres subissent un abandon définitif. Le phénomène concerne aussi les services municipaux qui semblent beaucoup moins efficient. L’entretien du réseau des collecteurs publics, notamment, se relâche, ce qui conduit au colmatage de nombreux conduits d’égouts. Au milieu du ive siècle, la plupart de ces conduits sont devenus inopérants.

Il ne faut pas nécessairement voir dans l’abandon de zones d’habitats entières le déclin de la ville, mais plutôt une évolution dans le mode de vie des Aquenses. À la même époque, Aix est capitale de la Narbonnaise Seconde, statut incompatible avec une ville à l’abandon. Aix domine alors sur un plan politique des villes antiques majeures, comme Fréjus(Forum Julii), Antibes (Antipolis)Riez (Reis Appolinaris)Apt (Apta Julia)Sisteron (Segusterone) ou Gap (Vapincum).

L’Aix catholique

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Sarcophage chrétien d’Aquae Sextiae, à la cathédrale Saint-Sauveur, attribué à saint Mitre.

L’empereur Théodose, de confession chrétienne, élève le christianisme au rang de seule religion officielle et obligatoire par un édit en date du 28 février 380. Il s’agit de l’édit de Thessalonique. Pour permettre l’accord entre la religion triomphante et les institutions romaines, l’Église adopte une hiérarchie calquée sur l’administration telle qu’elle est pratiquée à Rome. C’est ainsi qu’à Aix l’évêque reçoit le titre de « métropolitain » de la Narbonnaise seconde. Au Moyen Âge, ce titre deviendra « archevêque ».

Les premiers temps de cette nouvelle église sont difficiles toutefois, car Aix doit faire face à la concurrence de diocèse plus anciens, comme celui de Marseille ou d’Arles. Le plus ancien évêque connu d’Aix est Lazare. Il accède à la dignité de l’église aixoise en 408. Pourtant, certains estiment que Lazare ne fut pas le premier évêque aixois, mais qu’il eut au moins un prédécesseur, dont le nom est inconnu à ce jour.

Constantin III. Au revers son programme politique : la victoire et Rome, assise tenant le globe du monde.

En 407, sur l’île de Bretagne est élu, contre toute voie légale, un nouvel empereur désigné par l’armée stationnée dans la province. Cet usurpateur, sous le nom de Constantin III, est le troisième empereur usurpateur, après Marcus et Gratien. Après un passage par Trèves puis Lyon durant l’été 407, Constantin marche sur Arles à la fin de cette même année, ou au début de 408. Il y entre et s’y installe comme empereur, faisant de la cité la nouvelle capitale des Gaules au détriment de Trêves. Une de ses premières actions d’empereur régnant est de nommer deux hommes parmi ses fidèles, deux moines, à la tête de l’Église d’Arles et de celle d’Aix, afin de contrôler les organes locaux du pouvoir. Héros devient évêque d’Arles. Sur le diocèse d’Aix va dominer un évêque connu sous le nom de Lazare d’Aix. Si la nomination d’Héros se fait sans opposition majeure, il n’en est pas de même pour Lazare, dont la nomination se déroule dans le sang, dans la cathédrale d’Aix, aujourd’hui disparue. À Rome, la situation n’est pas tolérée et Flavius Honorius, l’empereur légal, envoie le général Flavius Constantius à l’assaut d’Arles qui tombe. L’usurpateur est exécuté en novembre 411. Ses deux évêques sont destitués. Lazare est expulsé de son diocèse par la population aixoise. Si un évêque prend la place d’Héros à Arles, l’Église d’Aix, elle, restera sans évêque plusieurs décennies.

Si la destitution d’Héros ne fait pas de doute, celle de Lazare fait davantage débat. Selon certains, deux ans après, en 413, Lazare est encore à la tête de l’épiscopat aixois et fait construire un baptistère dans son groupe épiscopal, à côté de l’ecclesia major. Historiens et archéologues estiment pour la plupart que le site originel de ce groupe épiscopal se situe à Notre-Dame de la Seds. Un siècle plus tard environ, alors que le forum antique est détruit, ainsi que d’autres bâtiments publics sans doute, un groupe épiscopal, qui deviendra la cathédrale d’Aix, est construit.

Moyen Âge

Au ive siècle, Aix devient la capitale de la Narbonensis Secunda. Elle est ensuite occupée par les Wisigoths en 477. Au siècle suivant, elle est envahie tour à tour par les Francs et les Lombards, puis en 731 par les Sarrasins.

Le Haut Moyen Âge

Introduction du catholicisme

Le ve siècle marque le développement de la cathédrale Saint-Sauveur qui, si elle n’a longtemps été qu’un lieu de culte secondaire à Aix, n’en demeure pas moins un monument de haute Antiquité, sans doute contemporain des premiers chrétiens. C’est l’époque où vit Mitre d’Aix, auquel les Provençaux rendront ultérieurement un culte, un homme qui, à l’âge de vingt-quatre ans, quitte ses parents en Grèce pour la Provence dans l’espoir d’y vivre une vie de charité et de dénuement. Accusé de sorcellerie et jeté dans le cachot d’une tour romaine, il est décapité dans la cour du prétoire d’Aix en 466. Selon la légende, il ramasse alors sa tête, la serre contre sa poitrine et la porte jusqu’à l’autel de l’église de Notre-Dame de la Seds. Enfin, il expire. Sa statue est visible aujourd’hui autour du portail de la cathédrale Saint-Sauveur.

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Vers l’an 500, le baptistère de Saint-Sauveur est construit et l’édifice se développe au fil des siècles tout autour de ce monument à l’aspect quasi inchangé depuis le ve siècle. On ne connaît pas le nom du constructeur de ce baptistère. On évoque toutefois le nom de Basilius, évêque d’Aix comme auteur probable, dans la mesure où l’on retrouve son inscription funéraire tout à côté

Le temps des invasions

La Provence subit plusieurs vagues d’invasions étrangères dès l’Antiquité tardive : les Wisigoths en 476, les Ostrogoths en 508 et les Francs en 536. Celles-ci se poursuivent au Haut Moyen Âge. Ainsi, les Lombards descendent de Germanie jusqu’en Italie et passe par la Provence qu’ils pillent. Sous l’empire carolingien, la région aura à subir les invasions répétées des Sarrasins du viiie au xe siècles. Les documents archéologiques manquent pour indiquer la part de destruction qu’Aix a subi à la suite de ces attaques répétées. Pour Pierre-Joseph de Haitze, en revanche, la destruction est totale, ou presque : « Cette dévastation fut si grande qu’après leur retraite, on ne trouva d’entier en cette ville que les tours du palais, encore beaucoup endommagées, et quelques autres ouvrages des Romains enterrés. » Le doute peut entourer cette affirmation. Les bâtiments qui, pour de Haitze, ont résisté aux attaques, sont les bâtiments romains encore debout à son époque. Rien ne vient étayer une telle affirmation, même s’il est à supposer que la ville d’Aix subit probablement les conséquences des passages de ces troupes hostiles, tant militairement qu’économiquement.

Alors que les remparts de la ville sont fortifiés pour faire face aux attaques, la population d’Aix ne peut plus compter sur l’approvisionnement de la part des aqueducs qui ceinturent la région. Ceux-ci sont soient délabrés, soit subissent les attaques d’ennemis destinées à enclaver la cité et à l’assoiffer. Par chance, Aix possède des nappes phréatiques immenses, tant d’eaux froides que d’eaux chaudes, et doit procéder au creusement de puits qui assureront le rôle que jouaient jadis les aqueducs. C’est ainsi que fleurissent aux quatre coins de la ville des puits publics et privés.

Politiquement, Aix souffre considérablement de ces attaques ennemies. Après l’invasion franque de 536, elle est destituée de son statut de capitale de la Narbonnaise Seconde au profit d’Arles, mais le retrouvera sous les Carolingiens, à une époque où sa population est pourtant faible au regard de son passé glorieux.

Aix au temps des Carolingiens

À la fin du viiie siècle, il n’existe plus que trois lieux de peuplement à Aix qui n’a plus rien à voir avec la riche Aquae Sextiae : on habite encore autour du site de Notre-Dame de la Seds, autour de la cathédrale Saint-Sauveur et un peu plus au sud de la cathédrale, dans le secteur de l’actuelle place de Verdun.  Pour le reste, tout est désertifié. Ces trois zones se développent progressivement, gagnent des habitants et se fortifient et constituent dès lors trois bourgs distincts : la ville des Tours, le bourg Saint-Sauveur et la ville comtale, dont chacun se dote de remparts. Les siècles vont avoir raison de la ville des Tours qui va être abandonnée aux alentours du xive siècle, mais les deux autres bourgs vont prospérer.

Le Bas Moyen Âge

La ville doit attendre l’année 1189 pour retrouver le lustre qui était le sien dans les premiers siècles qui suivent sa fondation. Cette année, les comtes de Provence décident de faire d’Aix leur nouveau lieu de résidence, au détriment d’Arles et Avignon qu’ils habitaient jusqu’alors. Cet acte donne de facto à Aix le titre de « capitale de la Provence », titre qu’elle conservera jusqu’à la Révolution.

Aix et le « bon roi René »

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Statue du roi René, cours Mirabeau.

Partage de la Provence au xiie siècle entre comté et marquisat de Provence et comté de Forcalquier

Aix ne retrouve sa splendeur qu’à partir du xiie siècle, où les comtes de Provence (maisons d’Anjou et d’Aragon) y tiennent une cour raffinée et lettrée,

En 1357, l’enceinte de la ville est revue et améliorée. La partie des faubourgs située contre les murailles est incendiée, afin de dégager un glacis

À la mort de Jeanne Ire de Naples (la reine Jeanne), Aix est à la tête de la ligue des communautés et villes qui s’opposent à la dynastie angevine au sein de l’Union d’Aix, mais finit par se rallier devant les promesses de Marie de Blois. Louis II d’Anjou fait son entrée dans la ville le 21 octobre 1387.

Aix connait une autre période faste au xve siècle sous le bon roi René, duc d’Anjou, comte de Provence, roi titulaire de Sicile. Le roi René, esprit éclairé, transforme la ville en un célèbre centre culturel et universitaire (1409). Il organise des fêtes populaires comme la procession de la Tarasque, à Tarascon ou la Fête-Dieu à Aix qui durait plusieurs jours et rassemblait des centaines de troubadours. Il est également à l’origine de l’importation du raisin muscat. Il épouse Isabelle de Lorraine, puis Jeanne de Laval et meurt à Aix en 1480, à l’âge de 72 ans.

Dans ses Chroniques, le célèbre chroniqueur Jean de Joinville parle d’Aix-en-Provence à propos d’une visite de Saint-Louis : « Le roi s’en vint par la comté de Provence jusqu’à une cité qu’on appelle Aix, en Provence, là où l’on disoit que le corps de Magdeleine gisoit ; et nous allâmes dans une voûte de rocher moult haut, là où l’on disoit que la Magdeleine avoit été en hermitage dix-sept ans. »

Époque moderne

Aix la Française

À partir de 1486 et le rattachement de la Provence à la France, le gouverneur y réside.

En 1501, Louis XII y établit le Parlement de Provence qui perdura jusqu’à la Révolution. Le plus souvent, les États s’y réunissaient pour voter l’impôt. Ce Parlement était si peu populaire qu’un dicton est apparu : « Parlementmistral et Durance sont les trois fléaux de la Provence ».

En 1545, c’est le président du parlement d’Aix, Oppède, soutenu par le cardinal de Tournon, qui organise le massacre des vaudois du Luberon.

Les guerres de religion

Charles IX passe dans la ville lors de son tour de France royal (15641566), accompagné de la Cour et des Grands du royaume : son frère le duc d’AnjouHenri de Navarre, les cardinaux de Bourbon et de Lorraine. La ville est alors en révolte contre le gouverneur de Provence, le comte de Tende, trop tolérant avec les protestants, celui-ci en effet était le mari de Françoise de Foix, seigneur de Marignane, elle-même huguenote. Il est accueilli par la cour des Comptes ; le roi fait abattre le pin d’Eguilles, où les catholiques avaient pendu de nombreux protestants les années précédentes.

En octobre 1590, le duc de Savoie se fait nommer comte de Provence par la Ligue et prend la ville

Le xviie siècle aixois

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Pluie de sang en Provence en juillet 1608

Début juillet 1608, les faubourgs d’Aix-en-Provence furent recouverts d’une pluie de sang. Quelques moines désireux d’exploiter la crédulité humaine n’hésitèrent pas à voir dans cet évènement des influences sataniques. Nicolas-Claude Fabri de Peiresc fit des relevés de cette pluie en recueillant quelques gouttes sur la muraille du cimetière de la cathédrale. Il découvrit que c’était les excréments des papillons qui avaient été observés récemment. Le centre ville n’ayant pas été envahi, il était resté épargné. Cette explication scientifique ne calma pas la terreur populaire.

 

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Portrait de Louis XIV en 1661, un an après son passage à Aix.
(Charles Le Brun.)

Au retour d’une expédition contre les Huguenots en 1622, Louis XIII s’arrête à Aix qui l’accueille avec enthousiasme

En 1630, alors que la ville est en proie à un épisode de peste, le cardinal Richelieu décide de priver les États de Provence de la collecte et de la répartition des impôts, transférés au pouvoir royal. Une insurrection, dénommée la révolte des Cascaveous, fait plier le cardinal.

Louis XIV séjourne plusieurs fois à Aix : il joue notamment au Jeu de Paume, transformé au xviii en un théâtre à l’italienne du même nom ; c’est à Aix que le Roi Soleil signe la paix avec le Prince de Condé. En 1660, lorsqu’il dort dans l’hôtel particulier de Châteaurenard, il est ébloui par une peinture en trompe-l’œil de Jean Daret (peintre flamand) et le fait nommer peintre du Roi à la Cour de Versailles. Aix éprouve une admiration sans borne pour le souverain. Outre le luxe des fêtes organisées pour sa venue, la population s’inquiète pour sa santé qui se dégrade en 1685. Mais l’annonce de son rétablissement provoque des acclamations dans la ville, qui organise un mois entier des réjouissances en l’honneur du monarque.

Dernier agrandissement de la ville

La nomination de Michel Mazarin au poste d’archevêque d’Aix va permettre une forte extension de la ville vers le sud. Sur autorisation du roi de France, il fait abattre le rempart sud et fait enclore un nouveau quartier, représentant près d’un tiers de la ville, dans un nouveau rempart plus au sud. Ce quartier, dénommé plus tard quartier Mazarin, est conçu grâce aux conseils de l’architecte Jean Lombard. Les bourgeois dont les demeures sont situées tout contre l’ancien rempart demandent que la zone se trouvant devant leurs bâtiments reste vierge de construction et devienne une promenade pour badauds et carrosses. Cette requête est acceptée et le cours ainsi créé va devenir la porte d’entrée de la nouvelle ville. Ce n’est qu’en 1876 toutefois qu’on lui donnera le nom de « cours Mirabeau ».

Le nouveau quartier Mazarin coûte cher à réaliser : plus de 55 000 livres. Somme que se partagent la municipalité d’Aix, sous la contrainte du Parlement, des marchands de biens, des acquéreurs d’emplacement, les communautés de Provence et le duc de VendômeLouis de Mercœur. L’archevêque bâtisseur, personnalité fort controversée au demeurant, laisse son nom à plusieurs rues de ce nouveau quartier : la rue Cardinale, la rue Saint-Michel, aujourd’hui rue Goyrand, la rue Mazarine et la rue Saint-Sauveur (aujourd’hui rue du Quatre-Septembre).

Aix au temps de la Révolution française

La Constituante

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Pendaison de Pascalis, La Roquette et Guiramand sur le cours Mirabeau le 14 décembre 1790 ; eau-forte contemporaine.

Les convictions politiques de Jean Joseph Pierre Pascalis, l’un des avocats les plus réputés du barreau d’Aix, fervent défenseur de la constitution provençale, de l’égalité proportionnelle et du maintien des libertés publiques lui valent l’opposition de nombreux adversaires qui le jugent antirévolutionnaire. Le plus acharné d’entre eux est l’abbé Jean-Joseph Rive, bibliothécaire aixois et fondateur en novembre 1790 du « club des Antipolitiques », installé rue des Bernardines, à Aix. Celui-ci voit en Pascalis le pire de ses ennemis. Dans un pamphlet, il le traite de « scélérat » et de « mortel exécrable » et appelle au meurtre de l’avocat.

L’Assemblée départementale des Bouches-du-Rhône s’installe à Aix le 20 juillet 1790. Cette création a pour conséquence le démembrement de l’ancienne administration provençale. L’article 10 du décret du 2-10 septembre 1790 provoque la suppression du Parlement de Provence. Sous le coup d’une vive colère devant l’état de ruines des anciennes institutions de la province, Pascalis décide dans ces conditions de se retirer des affaires politiques et du barreau. Le 27 septembre, il entre en robe au palais du Parlement d’Aix en compagnie de plusieurs avocats. Annoncé par l’huissier, il prononce un discours qui aura des conséquences majeures. Au cours de son allocution, il n’a pas de mots assez durs pour fustiger les partis révolutionnaires.

La teneur de ce discours se répand dans toute la ville en quelques heures et, tandis qu’il éveille les sentiments monarchistes d’une frange silencieuse de la population, il provoque un déchaînement de colère chez les partisans de la Révolution et de la crainte chez les administrateurs d’Aix.

Aix devient en 1790, chef-lieu du district d’Aix et du département des Bouches-du-Rhône.

La conspiration du Sud-Est

La création d’une société monarchique à Aix va mettre le feu aux poudres. Le 11 décembre, un écuyer à l’Académie royale d’équitation, le chevalier de Guiramand, accompagné de quatre hommes, demande l’autorisation de la création de sa société, la « société des amis de l’ordre et de la paix » à l’hôtel de ville. Celle-ci tient ses réunions au cercle Guion, sur le cours Mirabeau. Une rumeur se répand, selon laquelle un projet de contre-révolution se mettrait en place dans Aix. Aussitôt, on s’agite dans les clubs patriotiques. Alors que Pascalis se retire au château de la Mignarde (quartier des Pinchinats), un groupe de forcenés l’arrache et le jette en prison à Aix. Le lieu où il est enfermé, en compagnie d’un royaliste, M. de Guiramand, est pris d’assaut par une foule agitée et manipulée, qui les pend à un réverbère. La tête de Pascalis est ensuite tranchée et exhibée au bout d’une pique pendant trois heures sur la route menant à Marseille.

La monarchie constitutionnelle (1791-1792)

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Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau.

Le 22 août 1792, la salle du Conseil, à l’hôtel de ville d’Aix, est saccagée par « une horde de brigands étrangers à la ville d’Aix et même à celle de Marseille d’où ils étaient venus. » Quantité de tableaux inestimables sont arrachés de leur cadre et brûlés sur la place de l’Hôtel-de-Ville

Le 24 floréal an III, les royalistes des compagnies du soleil massacrent trente jacobins dans la prison de la ville.

Époque contemporaine

Le xixe siècle

Aix est connue pour avoir acquis au xixe siècle le surnom de « belle endormie », faisant allusion à la léthargie, voire à l’immobilisme, de ses administrateurs urbains. Cette image est illustrée par le commentaire de Taine en 1866 pour qui Aix est « tombée ou laissée de côté par la civilisation qui se déplace ». Pour l’historien Philippe Vaudour, l’appellation mérite toutefois d’être nuancée. Aix a connu dès les années 1850 une politique urbaine dynamique, concrétisée par la construction de nouvelles voies ou le projet de création de nouveaux quartiers.

Les principales entreprises de la ville sont alors des échoppes de chocolatiers, de fabricants de chapeaux, de savon, d’huile et de nougat. C’est un artisanat relativement peu développé, qui devra attendre les années 1840 pour connaître un essor.

Aménagements urbains

Rues d’Aix

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Vue de la principale entrée de la ville d’Aix, Meunier, 1792.

La ville se dote à partir de 1811 de ses premières dénominations officielles de rues, qui succèdent aux appellations révolutionnaires d’isles, facilitant par là le premier recensement. Pour cette première re-dénomination des rues aixoises, trois personnalités d’Aix sont honorées, avec la fondation de la rue Peiresc, la rue Monclar et la rue Tournefort. Ce mode de nomination se poursuivra lentement jusqu’à 1870 environ, date à laquelle il s’accélère, de nombreuses rues et avenues étant alors rebaptisées. Le cours Mirabeau reçoit son nouveau nom en 1876. Jusqu’alors, il était connu sous la simple appellation de « Cours».

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Fontaine de la Rotonde.

Aix se dote en 1860 d’une fontaine monumentale qui vient trôner sur la place de la Rotonde, véritable porte d’entrée de la ville et confluent des routes d’Avignon et de Marseille. Conçue par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Théophile de Tournadre, elle est aujourd’hui l’un des monuments les plus connus d’Aix-en-Provence. Son bassin a un diamètre de 32 mètres et la fontaine s’élève à 12 mètres de hauteur. Trois statues de marbre, réalisées chacune par un sculpteur différent, ornent son sommet. Chacune a une signification particulière et regarde vers une voie. La sculpture qui regarde vers le cours Mirabeau a été réalisée par l’Aixois Joseph Marius Ramus (18051888). Elle symbolise la justice. La statue qui regarde la route de Marseille (avenue des Belges), œuvre de Louis-Félix Chabaud (1824-1902), sculpteur de Venelles, symbolise le commerce et l’agriculture. Enfin, la troisième, orientée vers la route d’Avignon, a été sculptée par Hippolyte Ferrat (18301882) et symbolise les beaux-arts. Le piédestal qui surmonte la vasque a été réalisée par François Truphème (18201888).

Démolition du rempart (1848-1874)

Alors que la municipalité aixoise envisage de supprimer les parapets de la partie supérieure du rempart en 1819, la démolition pure et simple de l’ouvrage fait progressivement son chemin. La mairie entreprend des travaux sans l’accord de la préfecture. Dans les 50 années qui suivent la Révolution, le rempart, d’une hauteur de 6 mètres en moyenne et d’une épaisseur de 3 mètres, n’est pas entretenu ni restauré. Progressivement, il se détériore au point de présenter une menace pour le public. Finalement, une délibération municipale du 28 décembre 1848 (municipalité Aude) met à adjudication la démolition des portes Bellegarde, d’Italie, de Villeverte et d’Orbitelle et le rabaissement du rempart longeant le cours d’Orbitelle (sud de la ville) Trois maçons de la ville sont chargés des travaux : Arnaud Claude, Antoine Bey et Michel Léouffré.

Six autres portes sont encore à démolir et ce sont les municipalités suivantes qui s’en chargent. Jassuda Bédarride (18481849) puis Émile Rigaud (18491863) organisent la démolition de la plus grande partie du rempart ainsi que de plusieurs portes. Les deux dernières portes, la porte Notre-Dame (nord de la ville) et celle de la Plateforme (est) sont réalisées en 1874.

Aix et le chemin de fer

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La chemin de fer à Aix.

Le chemin de fer est arrivé tardivement dans la ville. Au début des années 1840, la compagnie du PLM crée la ligne de Paris-Lyon à Marseille-Saint-Charles et le tracé passe loin de la ville. De même, le 19 juin 1857, un décret impérial décide de la création d’une ligne de Gap à Avignon, sans passer non plus par Aix De fait, la ville souffre au niveau économique de ces décisions politiques qui l’isolent en Basse-Provence. Les industries locales souffrent aussi de cette situation car beaucoup dépendent du commerce des bœufs et des moutons avec les Alpes, entre autres.

En 1870 est créé un tronçon reliant Aix à Meyrargues et trois stations de voyageurs et de marchandises, à La CaladeVenelles et Meyrargues. En 1877 est ouverte une ligne reliant Aix à Marseille, via Gardanne. Ces nouveaux tronçons permettent à Aix de conserver une bonne partie de ses échanges avec les régions de la Durance, mais constitue un handicap dans son commerce avec la vallée de l’Arc qui décline progressivement, ce dont Marseille profite

La ville des peintres

Aix-en-Provence est bien sûr la ville qui a vu naître et mourir Paul Cézanne (1839-1906). C’est au collège Bourbon d’Aix que naquit la profonde amitié entre Cézanne et Émile Zola.

Une ville de soldats

De nombreuses unités ont stationné à Aix, cours Sainte-Anne, durant le xixe siècle, comme le 112e régiment d’infanterie qui y a été établi en 1874. Plus tard, d’autres unités y stationnent, comme les 55e et le 61e régiments d’infanterie en 1906.

Le xxe siècle

Le grand tremblement de terre de 1909

Le 11 juin 1909, plusieurs villages au nord d’Aix sont frappés par un séisme dont la magnitude est évaluée à 6,2 sur l’échelle ouverte de Richter : il provoque la mort de 46 personnes et de nombreux dégâts. La ville d’Aix échappe à de lourds dégâts. La toiture de la vermicellerie Augier s’effondre et quelques murs se lézardent. En revanche, les quartiers au nord de la ville sont plus sérieusement touchés, Puyricard en tête, où les dégâts sont considérables.

Entre-deux-guerres

La ville fut reliée à Marseille par le tramway de la Compagnie des tramways électriques des Bouches-du-Rhône (absorbée en 1921 par la Régie départementale des chemins de fer des Bouches-du-Rhône), qui circulait de 1903 à 1948

La ville d’Aix, qui portait ce nom depuis plus d’un millénaire, après celui d’Aquae Sextiae, prend en 1932 le nom officiel d’Aix-en-Provence.

Les années 1970

Les années 1970, sous la municipalité de Félix Ciccolini, marquent un développement sous plusieurs aspects qui modifie le visage économique d’Aix-en-Provence. De nombreuses entreprises et industries, génératrices d’emploi, s’installent dans les Bouches-du-Rhône : le complexe pétrochimique de l’étang de Berre, le centre d’études nucléaires de Cadarache, notamment. Aix profite de ces créations d’emploi et voit sa population augmenter.

Dans le même temps, l’essor touristique voit de plus en plus de visiteurs passer par la ville, ce qui provoque de facto le développement d’activités liées à ce secteur et, par effet de retombée, permet à la culture aixoise de prospérer ; le festival d’art lyrique en est une illustration.

Aix au xxie siècle

Aix est aujourd’hui une ville qui mêle passé historique et avenir technologique notamment avec le projet ITER à Cadarache (communauté du Pays d’Aix), la gare TGV, les technopoles de l’Arbois et de Rousset…

Aix compte de nombreuses universités et Grandes écoles (LettresDroit, Économie, Sciences PoArts et Métiers, Beaux Arts…)

Aix a fêté le centenaire de la mort de Paul Cézanne avec notamment l’exposition internationale au musée Granet : « Cézanne en Provence » du 9 juin au 17 septembre 2006 qui a rassemblé près de 120 œuvres du maître sur le thème de sa « chère Provence ».

L’atelier des Lauves (atelier que Cézanne a fait construire quelques années avant sa mort), les Carrières de Bibémus où il allait « peindre sur le motif » et le Jas de Bouffan (la maison familiale) se visitent.

L’écrivain Émile Zola s’est inspiré d’Aix pour décrire la célèbre ville de Plassans dans les Rougon-Macquart.

 

Activités d’urbanisation de la ville

Opération Sextius-Mirabeau

La ville d’Aix-en-Provence s’est dotée d’une opération d’urbanisme exemplaire déclarée d’utilité publique par l’État en 1992 : l’opération Sextius-Mirabeau.

Elle s’étend sur 20 hectares.

Son objectif est de relier la ville ancienne aux quartiers neufs, tout en apportant des solutions pour de plus importants équipements publics et espaces de vie, mais aussi pour une circulation plus fluide et une animation toujours plus importante des quartiers de la Cité.

Aix-en-Provence se dote ainsi de nouveaux immeubles de logements, d’espaces de bureaux, de commerces avec « Les Allées Provençales » et de lieux culturels tels que le « Pavillon Noir » (Centre National Chorégraphique), le « Grand Théâtre de Provence, GTP » et le conservatoire Darius Milhaud.

Cependant il est regrettable que l’ensemble soit trop minéral, les architectes n’ayant pas non plus travaillaient dans des matériaux qui permettent la construction durable et HQE. Cela manque de vie la nuit contrairement au reste de la ville.}

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Bibliographie

Les Rues d’Aix, Ambroise Roux-Alphéran, 18461848.

Évocation du vieil Aix-en-ProvenceAndré Bouyala d’Arnaud, éd. de Minuit1964.

Institutions et vie municipale à Aix-en-Provence sous la Révolution, Christiane Derobert-Ratel, éd. Édisud, 1981,

Vivre au pays d’Aix aux temps de la reine Jeanne et du roi René, Jean Fabre et Léon Martin, éd. Aubanel, coll. « Archives du sud », ).

Le Guide d’Aix-en-Provence et du Pays d’Aix, Nerte Fustier-Dautier, Noël Coulet, Yves Dautier, Raymond Jean, éd. la Manufacture, 1988.

Le notaire, la famille et la ville, « Aix-en-Provence à la fin du xvie siècle », Claire Dolan, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1998,

Les folies d’Aix ou la fin d’un mondeMichel Vovelle, éd. Le Temps des cerises, 2003,

Architecture et urbanisme à Aix-en-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles, du cours à carrosses au cours Mirabeau, Jean Boyer, éd. Ville d’Aix-en-Provence, 2004,

Carte archéologique de la Gaule : Aix-en-Provence, pays d’Aix, val de Durance, 13/4, Fl. Mocci, N. Nin (dir.), Paris, 2006, Académie des inscriptions et belles-lettres, ministère de l’Éducation nationale, ministère de la Recherche, ministère de la Culture et de la Communication, maison des Sciences de l’homme, centre Camille-Jullian, ville d’Aix-en-Provence, communauté du pays d’Aix

Aix-en-Provence, promenades du peintre, Aleš Jiránek, Jacky Chabert, éd. Cerises & Coquelicots, 2007,

Deux siècles d’Aix-en-Provence. 1808-2008, Académie d’Aix éditions, Aix-en-Provence, 2008.

Histoire d’une ville. Aix-en-Provence, Scéren, CRDP de l’académie d’Aix-Marseille, Marseille, 2008,

Aix-en-Provence 1850-1950 Les faux-semblants de l’immobilisme, Philippe Vaudour, Publications de l’Université de Provence, coll. « le temps de l’histoire », Aix-en-Provence, 2010, 284 p., ).

Aix en archéologie, Núria Nin, éd. Snoeck, 2014, 525.p.

Aix antique. Une cité en Gaule du Sud, Núria Nin, conservateur en chef du patrimoine, responsable de la Direction archéologique de la Ville d’Aix-en-Provence, dans Archéologia n°529, février 2015, pp.20-39.

Rémy Aubert et Antoine Torres, avec la collaboration de Brigitte Aubert, Pascal Bonneau, Jean Piere Chesta, Catherine Fouré, Eulalie Scotto di Liguori, Reflets du temps jadis, Aix-en-Provence, Éditions Reflets du temps jadis, 10 juillet 1980, 63 p.

Premier volume d’une série sur les villes d’art; son but est de découvrir, ou de mieux connaître, les charmes d’une ville par le dessin (Ouvrage tiré à 2500 exemplaires)

Bruno Durand, « Le rôle des consuls d’Aix dans l’administration du pays », dans Provence historique, 1956, numéro spécial Mélanges Busquet. Questions d’histoire de Provence (XIe-XIXe siècle), p. 244-259

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Sources diverses

AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), ANGERS (Maine-et-Loire), ANJOU, ANJOU (histoire de l'), HISTOIRE DE FRANCE, HISTOIRE DE LA PROVENCE, PROVENCE

Le Roi René d’Anjou (1409-1480)

 

René d’Anjou

René Ier

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Portrait du roi René par Nicolas Froment,
détail du Diptyque des Matheron (1474), Parismusée du Louvre.

 

René d’Anjou, ou René Ier d’Anjou, ou encore René Ier de Naples ou René de Sicile, dit le « Bon Roi René », né le 16 janvier 1409 à Angers, et mort le 10 juillet 1480 à Aix-en-Provence, est seigneur puis comte de Guise (1417-1425), duc de Bar(1430-1480) de fait dès 1420, duc consort de Lorraine (1431-1453), duc d’Anjou (1434-1480), comte de Provence et de Forcalquier(1434-1480), comte de Piémont, comte de Barcelone, roi de Naples (1435-1442), roi titulaire de Jérusalem (1435-1480), roi titulaire de Sicile (1434-1480) et d’Aragon (1466-1480), marquis de Pont-à-Mousson (-1480)1, ainsi que pair de France et fondateur de l’ordre du Croissant.

 

Biographie

Héritages

Il est le second fils de Louis II d’Anjou, duc d’Anjou, roi titulaire de Naples et comte de Provence, et de Yolande d’Aragon, et naît le 16 janvier 1409 dans une des tours du château d’Angers, par un des hivers les plus froids que la France ait connus. Il est élevé par sa mère Yolande d’Aragon au château d’Angers et dans le Berry au milieu de ses frères et sœurs et en compagnie de son cousin le futur roi de France Charles VII de France, comte de Ponthieu, quatrième fils du roi Charles VI de France et de la reine Isabeau de Bavière.

À la mort du duc Louis II son père (1417), il reçoit la terre de Guise qui sera érigée en comté par son beau-frère le futur Charles VII. Les Anjou sont partisans du dauphin et le duc de Bedford, régent au nom du roi d’Angleterre Henri VI, confisque leurs possessions au nord de la Loire et attribue Guise à Jean de Luxembourg, comte de Ligny, qui prend Guise en 1425.

Entre 1419 et 1420, sa mère Yolande d’Aragon, nièce de Louis Ier de Bar (cardinal-duc de Bar), réussit à faire adopter René par celui-ci (dernier héritier de la famille de Bar, luimême ecclésiastique sans enfants). Ainsi, le duché de Bar reviendrait au jeune René, Yolande abandonnant elle ses prétentions sur le Barrois, pour lequel elle était depuis de longues années en procès avec son oncle le cardinal-duc. Yolande et Louis arrangèrent aussi un mariage avec Isabelle, la fille du duc de Lorraine et seule héritière du duché… C’était un succès politique considérable pour Yolande d’Aragon, qui faisait entrer une partie de l’Est de la France dans le giron angevin. René quitte alors l’Anjou pour le duché de Bar. Le 20 octobre 1420, il se marie ainsi, à onze ans, avec Isabelle, sa cadette de quelques mois.

En 1424, alors âgé de quinze ans, il prend les armes pour la première fois et assiège le château d’Antoine de Vaudémontcomte de Vaudémont, qui lui envie la Lorraine. La garnison se rend après trente-sept mois de siège.

En 1427, Isabelle met au monde le premier de leurs neuf enfants.

René devient duc consort de Lorraine en 1431 à la mort de Charles II de Lorraine.

Le duché de Lorraine fut contesté par Antoine de Vaudémont, soutenu par le parti bourguignon, qui le battit en 1431 (bataille de Bulgnéville). René fut fait prisonnier par Philippe III, duc de Bourgogne, dit Philippe le Bon, qui ne le libéra qu’en échange de ses fils Jean et Louis. Soutenu par l’empereur Sigismond de Luxembourg dans ses prétentions au duché de Lorraine, il fut à nouveau emprisonné par Philippe le Bon, puis libéré contre une rançon en 1437.

À la mort de son frère, Louis III d’Anjou, décédé sans postérité en 1434, il hérite de ses titres et devient roi titulaire de Sicile et de Jérusalem, comte de Provence.

Il hérite du royaume de Naples en 1435, en vertu du testament de Jeanne II reine de Naples et se battit, de 1438 à 1442, sans succès, contre Alphonse V d’Aragon pour faire valoir ses droits, malgré la résistance de son fidèle lieutenant et chambellan Jean Cossa. Il rentra en France en 1442, ne gardant du royaume de Naples que le titre de roi de Jérusalem et de Sicile. Les guerres de Naples avaient épuisé ses finances et le forcèrent de recourir aux emprunts. De retour en Provence en 1449, il demeura un temps dans le château de Tarascon qu’il avait fait restaurer sous la surveillance de Jean de Serocourt, capitaine du lieu, et de son proche parent, Regnault de Serocourt, qui le secondait de par sa charge de lieutenant. Ce fut au pied de cette forteresse que ce roi organisa en juin, le célèbre tournoi du « Pas de la bergère ». En 1450, des bourgeois d’Avignon lui prêtèrent des sommes considérables qu’il s’obligea de leur rembourser dans les six mois. Ce terme étant échu sans qu’il pût les satisfaire, les principaux seigneurs et officiers de sa cour lui ouvrirent leur bourse et il leur délégua le produit de ses salins du Rhône et des côtes maritimes de Provence par ses lettres-patentes du dernier jour de février 1451. Parmi ces seigneurs figuraient entre autres Tanneguy IV du Chastel, sénéchal de Provence, Louis de Beauvau sénéchal d’Anjou et son chambellan Fouquet d’Agoult.

En 1453, à la mort d’Isabelle Ire de Lorraine son épouse, René, alors âgé de quarante-quatre ans, transmit le duché de Lorraine à son fils Jean II, duc de Calabre ; il se remaria avec Jeanne de Laval l’année suivante. Ils s’installèrent d’abord à Saumur puis en 1472 à Aix-en-Provence.

La guerre de Cent Ans

Lors de la guerre de Cent Ans, il soutint son beau-frère Charles VII — le souverain est l’époux de sa sœur Marie d’Anjou— contre les Anglais, non sans hésitations et ambiguïtés.

Le 16 juillet 1429, le roi René apporte officiellement l’hommage de la Lorraine et de Bar (qu’il a acquis par son mariage avec Isabelle de Lorraine), au roi de France Charles VII. Il participe, aux côtés du roi de France et de Jeanne d’Arc, à leur entrée triomphale à LaonSoissonsProvinsCoulommiers et CompiègneIl côtoie Jeanne d’Arc à la bataille de Montépilloy, près de Senlis.

Le 4 août, le duc de Bedford, régent du royaume de France, quitte Paris avec une armée de dix mille hommes pour venir à sa rencontre. Les deux armées de forces égales se déploient le 14 août 1429 près du village de Montépilloy. Le combat n’aura finalement pas lieu et René d’Anjou apportera l’ordre de lever de camp à Jeanne d’Arc.

René contribue à l’arrêt des luttes franco-anglaises en jouant un rôle actif dans les négociations de Tours.

En 1445, il marie sa fille Marguerite d’Anjou au roi Henri VI d’Angleterre.

Gestionnaire éclairé et amoureux des arts

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Le roi René et ses troupes, lors de la guerre de Cent Ans. Miniature issue du manuscrit de Martial d’AuvergneLes Vigiles de Charles VII, vers 1484, BNF.

Il consacre son temps à l’administration et au développement de l’Anjou, de la Lorraine et de la Provence. Il fait prospérer ainsi les villes d’AngersAix-en-Provence, Avignon et Tarascon.

Il s’entoure de proches conseillers efficaces, tels que Fouquet d’Agoult, son chambellan, et Guillaume de Rémerville, son secrétaire.

Il enrichit son château des Ponts-de-Cé ainsi que son manoir de Chanzé à Angers et son pavillon de chasse du château de Baugé, tous les trois situés en Anjou. Il fait aménager, en Anjou et en Provence, des lieux de promenades et des jardins fleuris où vivent des paons ainsi que des enclos pour biches et des ménageries où le peuple peut venir découvrir des lions et des léopards.

Il s’intéresse également à l’entretien des forêts et à la bonne santé des vignobles.

Il aime la fête, la musique, et les tournois. Amoureux des arts, le roi René est un des mécènes les plus importants, les plus curieux et les plus originaux de la fin du Moyen Âge. Toute sa vie, René a enrichi sa bibliothèque de livres somptueusement enluminés, établissant des relations étroites avec des artistes parmi lesquels se dégage la personnalité artistique de grands maîtres comme Barthélemy d’Eyck (identifié au Maître du Roi René ou Cœur d’amour épris), Georges Trubert mais aussi de grands ateliers angevins sollicités par René, comme ceux du Maître de Jouvenel, le Maître du Boccace de Genève ou du Maître du Psautier de Jeanne de Laval. Il s’entoure de peintres, de brodeurs, d’orfèvres et d’enlumineurs célèbres.

À Aix-en-Provence et à Angers, il entretient une cour littéraire et savante et ne dédaigne pas lui-même, en tant que poète, de composer plusieurs ouvrages dans la lignée des romans courtois et de chevalerie :

Traité de la forme et devis comme on fait les tournois (14511452) ;

Le Mortifiement de Vaine Plaisance (1455) ;

Le Livre du Cuer Damours espris (1457).

Il est notamment le protecteur à Avignon du peintre Nicolas Froment. Vers 14601470, il commande l’ouvrage Le Mystère des Actes des Apôtres à Simon Gréban, chanoine du Manset à son frère Arnoul Gréban, dramaturge français.

Bien que consacrant du temps à toutes ses possessions, René, tout comme son fils Jean II passent du temps également en des expéditions lointaines.

La confiscation de l’Anjou et danger bourguignon

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Vassal rendant hommage au roi René (Aveu à René, vers 1469), Archives nationales.

Son fils Jean II, duc de Lorraine, meurt en 1470 laissant le trône lorrain à son fils Nicolas Ier. Le duché de Lorraine étant bordé au nord et au sud par les terres bourguignonnes, un projet de mariage entre le jeune duc et la fille de Charles le TéméraireMarie de Bourgogne, est envisagé. Le jeune souverain meurt brutalement à l’âge de vingt-cinq ans en 1473, et son oncle le roi Louis XI de France est soupçonné de l’avoir fait empoisonner. Le trône lorrain passe à sa tante Yolande d’Anjou qui le rétrocède immédiatement à son fils René de Vaudémont, qui devient René II de Lorraine.

Le 22 juillet 1474, le roi René lègue, par son troisième testament, l’Anjou et la Provence à son neveu, Charles III du Maine ainsi que le duché de Bar à René II de Lorraine, un fils de sa fille Yolande d’Anjou. Après avoir été informé de ce testament, le roi Louis XI étant lui-même son neveu fait occuper le duché, le 31 juillet 1474, sous prétexte de l’absence d’héritier mâle direct. Louis XI octroie solennellement et définitivement une municipalité à la ville d’Angers, en février 1475, par la charte de création de la mairie. Le roi René tente de résister et de chercher l’appui de Charles le Téméraire qui eut une alliance en 1465, avec Jean II de Lorraine son fils. Le 6 avril 1476, le Parlement de Paris déclare le roi de Sicile coupable de lèse-majesté et ordonne son emprisonnement. Vraisemblablement en raison de l’âge du bon roi, Louis XI lui envoie ses meilleurs ambassadeurs. Le roi René accepte une pension de dix mille livres par an, à condition que, après sa mort, la Provence revienne à Charles du Maine, dont Louis XI serait l’héritier, et que l’Anjou revienne au royaume de France.

À soixante-cinq ans, le roi René ne veut point commencer une guerre avec son neveu le roi de France. René lui cède l’Anjou sans combattre et se tourne vers la Provence dont il est le souverain et qu’il rejoint aussitôt. Louis XI nomme Guillaume de Cerisay gouverneur de l’Anjou ainsi que maire de la cité d’Angers. L’Anjou cesse dès lors d’être un apanage et entre définitivement dans le domaine royal.

En 1476, le roi René accueille, à Aix-en-Provence, sa fille Marguerite d’Anjou, laquelle était retenue en Angleterre depuis la mort de son époux Henri VI. Le roi de France Louis XI avait payé une rançon de 50 000 écus d’or pour la libération de Marguerite qui fut remise à Rouen aux officiers royaux le 29 janvier 1476. Toutefois, il fallut qu’elle renonçât à ses droits sur l’héritage angevin, en faisant un testament en faveur du roi le 7 mars 1476, avant qu’elle ne s’en aille en Provence. Elle reste près de son père jusqu’à la mort de celui-ci.

Ayant envahi la Lorraine en 1475, le duc de Bourgogne est défait et tué par les troupes de René II le 5 janvier 1477, lors de la bataille de NancyMarie de Bourgogne épouse en urgence l’empereur Maximilien Ier du Saint-Empire afin de sauvegarder ses terres, mais la Bourgogne est rattachée au domaine royal français à l’exception du comté de Charolais qui résiste et reste fidèle à la fille du Téméraire, Marie de Bourgogne.

La mort d’un personnage

René Ier mourut à Aix-en-Provence le 10 juillet 1480. Les Provençaux désiraient garder la dépouille du monarque sur leurs terres, mais sa seconde épouse, Jeanne de Laval décida de respecter les dernières volontés de son époux et de le faire enterrer en la cathédrale Saint-Maurice d’Angers aux côtés de sa première épouse Isabelle Ire de Lorraine.

La reine organisa, de nuit, la fuite du corps du défunt en le dissimulant dans un tonneau. Une fois mis sur une embarcation, celle-ci s’éloigna discrètement sur le Rhône. Le corps du roi René arriva en Anjou et fut placé, avec honneur et dévotion, dans le tombeau qu’il avait fait réaliser lui-même dans la cathédrale d’Angers. Le roi René mort, sa fille Yolande (déjà duchesse de Lorraine depuis 1473), transmet, à son fils René II, le duché de Bar.

La postérité a gardé de René d’Anjou l’image du bon roi René, mais son action est discutée par certains historiens, les Provençaux l’ont affublé d’un masque de bonhomie17. Son œuvre politique a longtemps été surestimée.

Œuvre

Selon les historiens, le roi René a contribué à la relance de l’économie de l’Anjou, très affectée au début du xve siècle par les séquelles de la peste noire (1347-1350) et par les conflits incessants, dont la guerre de Cent Ans (1337-1453).

Il a gagné l’amitié du roi de France Charles VII dont il a soutenu la politique visant à rassurer les paysans du royaume, face à la détérioration de leurs rapports avec la noblesse.

Dans son comté de Provence il a réduit le pouvoir de la noblesse, soutenu les travaux d’irrigation dans le Luberon et la plaine de la Durance par l’intermédiaire de son chambellan Fouquet d’Agoult, à partir du barrage de l’« étang de la Bonde », l’un des premiers construits en France.

Il fut un homme d’une grande culture. Fin lettré, il parlait plusieurs langues, avait des connaissances en latin, en italien et en grec, et s’intéressait à l’alphabet arabe. Il était passionné par l’Orient. Il entretenait une troupe de théâtre dirigée par Triboulet, qui aurait probablement écrit chez lui la Farce de Maître Pathelin. Les sciences, comme la médecine et la biologie, l’intéressaient également.

Un tournoi est donné à Bruges le 11 mars 1392, où se dispute un combat entre Jean IV van der Aa, seigneur de Gruuthuse et le seigneur Gérard de Ghistelles. Suite à ce tournoi René d’Anjou, compose pour Louis de Bruges, fils de Jean IV van der Aa, un Traité des Tournois dans lequel il réunit, les lois, règlements, usages, cérémonies et détails observés dans ces exercices. Ce fut sans doute pour en conserver le souvenir, que Bruges institue, à partir de 1417, les joûtes ou tournois de la société dite de “l’Ours blanc, dont le chef, ou plutôt celui qui y remportait le prix de valeur et d’adresse, était pendant l’exercice de ses fonctions, qui durait un an, qualifié de “Forestier”, en mémoire des anciens gouverneurs de la Flandre, que les rois de France, avaient revêtus de ce titre.

Le 11 août 1448, René d’Anjou créait, à Angers, le second ordre du Croissant, totalement distinct du précédent. L’ambition de cet ordre était d’être d’un niveau de prestige comparable à celui de la Toison d’Or, créé quelques années auparavant par Philippe le Bon, duc de Bourgogne.

 

Descendance

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René et son épouse Jeanne, détails du Triptyque du buisson ardent peint par Nicolas Froment en 1475cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence.

De sa première épouse, Isabelle Ire de Lorraine, René a :

Isabelle, morte jeune, sans postérité ;

Jean II de Lorraine (1425-1470), duc de Lorraine, et postérité ;

Louismarquis de Pont-à-Mousson (1427-1445), sans postérité ;

Nicolas (1428-1430), jumeau de la suivante, sans postérité ;

Yolande d’Anjou (1428-1483), jumelle du précédent, mariée à Ferry II de Lorrainecomte de Vaudémont, et postérité dont : René II de Lorraine, et descendance à nos jours, notamment par les Habsbourg-Lorraine ;

Marguerite d’Anjou (1429-1482), mariée à Henri VI, roi d’Angleterre, d’où un fils ;

Charles (1431-1432), sans alliance ;

Louise (1436-1438), sans alliance ;

Anne (1437-1450), sans alliance.

Il a plusieurs enfants naturels, parmi lesquels sont connus :

Blanche d’Anjou (1438-1471), mariée à Bertrand de Beauvau (1382-1474) ;

Jean d’Anjou marquis de Pont-à-Mousson, seigneur de Saint-Rémy et de Saint-Cannat (mort en 1536), épouse Marguerite de Glandevès, petite-fille de Palamède de Forbin le 15 mai 1500, d’où trois filles : Catherine (morte en 1589), Françoise et Blanche ;

Madeleine d’Anjou, épouse en 1496 Louis Jean de Bellenave ;

Françoise.

Selon Généalogies historiques des rois, empereurs, & de toutes les Maisons souveraines,  le roi René eut Blanche, Jean et Madeleine « d’une Demoiselle de Provence de la Maison d’Albertas ». Certains généalogistes lui donnent comme identité Catherine d’Albertas.

Armoiries

Les armoiries de René d’Anjou ont évolué au cours du temps en fonction de ses fortunes et infortunes, ainsi que de ses prétentions.

En 1420, il épouse Isabelle Ire de Lorraine, héritière du duché de Lorraine, dont l’oncle, le duc Louis Ier de Bar, le désigne comme son successeur : il adopte un écartelé entre l’Anjou et le Barrois et met la Lorraine en abîme, ce qui donne :

écartelé, en 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lys d’or et à la bordure de gueules, en 2 et 3 d’azur semé de croisettes d’or et aux deux bars d’or. Sur le tout, d’or à la bande de gueules chargé de trois alérions d’argent.

En 1434, son frère Louis III meurt, suivi en 1435 de la reine Jeanne II de Naples, laquelle l’avait désigné comme héritier. René reprend alors à son compte leurs prétentions : son écu est divisé en 6 parties, chacune correspondant à la Hongrie, la Sicile, Jérusalem, Anjou, Bar et Lorraine, ce qui donne :

coupé et tiercé en pal, en 1 fascé de gueules et d’argent, en 2 d’azur semé de lys d’or et au lambel de gueules, en 3 d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même, en 4 d’azur semé de lys d’or et à la bordure de gueules, en 5 d’azur semé de croisettes d’or et aux deux bars d’or et en 6 d’or à la bande de gueules chargé de trois alérions d’argent.

En 1443, sa mère Yolande d’Aragon meurt, lui léguant ses prétentions sur le royaume d’Aragon. Elle était la fille unique du roi Jean Ier d’Aragon, mais le trône était passé au frère cadet, puis au fils d’une des sœurs de Jean Ier. Yolande avait alors revendiqué le trône, sans succès. René ajouta alors les armes d’Aragon sur son blason :

coupé et tiercé en pal, en 1 fascé de gueules et d’argent, en 2 d’azur semé de lys d’or et au lambel de gueules, en 3 d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même, en 4 d’azur semé de lys d’or et à la bordure de gueules, en 5 d’azur semé de croisettes d’or et aux deux bars d’or et en 6 d’or à la bande de gueules chargé de trois alérions d’argent. Sur le tout, d’or aux quatre pals de gueules.

En 1453, Isabelle de Lorraine meurt, et c’est leur fils Jean II de Lorraine, qui devient duc. René enlève alors la Lorraine de son blason :

coupé, le chef tiercé en pal, en 1 fascé de gueules et d’argent, en 2 d’azur semé de lys d’or et au lambel de gueules, en 3 d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même et la pointe partie d’azur semé de lys d’or et à la bordure de gueules, et d’azur semé de croisettes d’or et aux deux bars d’or. Sur le tout, d’or aux quatre pals de gueulesJean II de Lorraine en profite pour adopter l’ancien blason de son père.

En 1470, il renonce à l’Aragon après la mort de son fils Jean II de Lorraine qui tentait d’en faire la conquête. D’autre part les lys de France furent simplifiés au xve siècle et se réduisirent à trois fleurs de lys d’or, ce qui fut appliqué à l’Anjou, mais pas à Naples. L’écu fut réorganisé, avec un écartelé en sautoir :

écartelé en sautoir, en 1 d’azur semé de lys d’or et au lambel de gueules, en 2, fascé de gueules et d’argent, en 3 d’argent à la croix potencée d’or, cantonnée de quatre croisettes du même, en 4 d’azur semé de croisettes d’or et aux deux bars d’or. Sur le tout, d’azur aux trois fleurs de lys d’or et à la bordure de gueules.

Armes de René d’Anjou

1420-1434.

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1434-1443.

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1443-1453.

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1453-1470.

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1470-1480.

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Hommages

En 1823, inauguration du Monument au roi René à Aix-en-Provence. Cette œuvre fut réalisée par le sculpteur David d’Angers. Le monument en pierre fut restauré et protégé au titre des monuments historiques. Dans le cadre des Journées du Patrimoine, la ville d’Aix-en-Provence a fait procéder à sa restauration en 1995 ;

En 1853, inauguration du Monument au roi René à Angers, œuvre en bronze de David d’Angers;

Un buste en médaillon du roi René par Jean-Baptiste-Jules Klagmann (1810-1867) orne la façade de l’opéra d’Avignon ;

En janvier 2009, mise en circulation d’un timbre postal français en l’honneur du roi René Ier d’Anjou, pour le 600eanniversaire de sa naissance. Le timbre gravé en taille-douce et aux couleurs pastels, représente d’une part le château d’Angers, symbole de l’Anjou ainsi que le Monument au roi René à Aix-en-Provence, symbole de la Provence. Ces deux provinces sont ainsi associées dans ce timbre philatélique rappelant l’attachement de ce prince à ses deux terres dans lesquelles il résida alternativement.

Galerie

Enluminures par Barthélemy d’Eyck (vers 1460) extraites du Livre du cœur d’Amour épris du duc René d’Anjou,Vienne, Bibliothèque nationale autrichienne

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Iconographie moderne du roi René

David d’Angers, Monument au roi René (1823) sur le cours Mirabeau à Aix-en-Provence.

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David d’Angers, Monument au roi René (1853) à Angers.

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Jules Dauban, Remise de la charte aux bourgeois de la ville d’Angers par le roi de France Louis XI en 1474 (1901), hôtel de ville d’Angers.

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Bibliographie

Albert Lecoy de La Marche, Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires, d’après les documents inédits des archives de France et d’Italie, t. 1, Paris, Librairie de Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1875, XVI-559 p.

Albert Lecoy de La Marche, Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires, d’après les documents inédits des archives de France et d’Italie, t. 2, Paris, Librairie de Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1875, 548 p.

Marie-Louyse des Garets, Le Roi René 1409-1480, La Table Ronde, 1946. Réédition : 1980.

Jacques Levron, Le Bon Roi René, Arthaud, 1973. Réédition : Perrin, 2004.

Élisabeth Verry, Le Roi René : à l’occasion de la commémoration du cinquième centenaire de sa mort, 1480-1980 : [Saumur, château de Baugé, musée de Cholet, 1981] / [exposition organisée par les] Archives départementales de Maine-et-Loire [et le] Conseil général de Maine-et-Loire, Angers, Archives départementales, 1981, 47 p.

Noël Coulet, Alice Planche et Françoise Robin, Le Roi René : le prince, le mécène, l’écrivain, le mythe, Aix-en-Provence, Édisud, 1982, 242 p. .

Françoise Robin, La Cour d’Anjou-Provence. La vie artistique sous le règne de René, Paris, Picard, 1985.

Christian de Mérindol, Le Roi René et la seconde Maison d’Anjou : emblématique, art, histoire, Paris, Le Léopard d’or, 1987, XII-488 p.

Françoise Robin, Le Roi René : Prince des fleurs de lys, Éditions Ouest-France, 2015, 68 p.

Noël-Yves Tonnerre (dir.) et Élisabeth Verry (dir.), Les Princes angevins du xiiie au xve siècle : un destin européen, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2003, 320 p

Jean Favier, Le Roi René, Paris, Fayard, 2008, 742 p. 

Jean-Michel Matz (dir.) et Élisabeth Verry (dir.), Le Roi René dans tous ses États, Paris, Éditions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2009, 239 p.(

Jean-Michel Matz, « Les chanoines d’Angers au temps du roi René (1434-1480) : serviteurs de l’État ducal et de l’État royal », dans Les serviteurs de l’État au Moyen Âge : XXIXe Congrès de la SHMES, Pau, mai 1998, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire ancienne et médiévale » (no 57), 1999, 308 p. (), p. 105-116.

Jean-Michel Matz (dir.) et Noël-Yves Tonnerre (dir.), René d’Anjou (1409-1480) : pouvoirs et gouvernement, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2011, 400 p.

Marc-Édouard Gautier (dir.) et François Avril (dir.), Splendeur de l’enluminure : le roi René et les livres, Angers / Arles, Ville d’Angers / Actes Sud, 2009, 415 p

Chantal Connochie-Bourgne (dir.) et Valérie Gontero-Lauze (dir.), Les arts et les lettres en Provence au temps du roi René, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, coll. « Senefiance » (no 59), 2013, 292 p.

Yannick Frizet, Louis XI, le roi René et la Provence, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », 2015, 368 p.

Source : Wikipédia

 

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L’Eglise du Saint-Esprit vue de l’extérieur

Eglise du Saint-Esprit : Extérieur

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Vue sur la façade de l’église du Saint-Esprit

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Saint Roch : Au dessus du presbytère

 

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Au dessus des portes de l’église

 

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Détail d’un chapiteau

 

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Les grandes portes de l’entrée de l’église

 

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La porte de l’entrée de « l’accueil »

 

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Détail qui orne la porte de l’entrée de l’église

 

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Ornementation de l’une des portes de l’glise

 

 

Porte d’entrée et plaque en l’honneur de l’abbé Emery, curé de la paroisse du Saint-Esprit

 

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Rue Espariat ; hier et aujourd’hui (Bibliothèque Méjanes)

AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), GRANDE RUE SAINT-ESPRIT, PAROISSE DU SAINT-ESPRIT (Aix-en-Provence : Bouches-du-Rhône), PROVENCE, RUE ESPARIAT, SAINT-ESPRIT (paroisse ; Aix-en-Provence), SAINT-ESPRIT (paroisse du ; Aix-en-Provence)

Grande rue Saint Esprit

Les Rues d’Aix – Grande rue St Esprit

Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851

PARTIE SUPÉRIEURE

DE LA

GRANDE-RUE-SAINT-ESPRIT

A portion de la rue actuelle de ce nom , qui s’étend depuis la place Saint-Honoré jusqu’à l’ouverture de la rue de Nazareth, n’en faisait pas partie anciennement et se trouvait comprise dans ce qu’on appelait la rue des Salins qui se prolongeait jusqu’à l’extrémité orientale de celle des Gantiers. 1 Sur la ligne septentrionale de cette portion, est situé le bel hôtel d’Eguilles auquel sont attachés une foule de souvenirs. Cet hôtel fut bâti vers 1675, sur les dessins du célèbre architecte Pierre Puget, surnommé le Michel-Ange français, par les soins de Magdelaine de Forbin d’Oppède, veuve de Vincent de Boyer, seigneur d’Eguilles, conseiller au parlement, le même qui avait été l’héritier du poète Malherbe. 2 Jean-Baptiste de Boyer d’Eguilles, conseiller au parlement, né à Aix le 21 décembre 1645, mort le 4 octobre 1709, fut un amateur très distingué des beaux-arts et possédait l’un des plus riches cabinets qui aient jamais existé dans cette ville. On y voyait un grand nombre de tableaux originaux de Raphaël, d’André del Sarto, du Titien, de Michel-Ange Caravage, de Paul Véronèse, du Corrège, du Carrache, du Tintoret, du Guide, de Poussin, de Bourdon, de Lesueur, de Puget, de Rubens, de Van-Dyck, etc. Il avait gravé lui-même plusieurs de ces tableaux qu’on trouve dans la première édition de ses estampes, publiée en 1709, par Coelmans 3 et par Barras 4, et qui ne se trouvent plus dans la seconde édition donnée par Mariette, à Paris, 1744, in-f°. 5
Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, 6 célèbre petit-fils du précédent, né dans cet hôtel le 27 juin 1703, et non le 24 juin 1704, comme il est dit dans toutes les biographies, 7 est si connu par le nombre et la nature de ses ouvrages, qu’il serait superflu d’en parler longuement ici. Nous nous bornerons donc à dire que le grand Frédéric roi de Prusse, dont le marquis philosophe fut longtemps le chambellan et l’ami, lui fit élever dans l’église des minimes d’Aix, à sa mort arrivée en 1771, un mausolée en marbre qui se trouve aujourd’hui au musée de la ville, et dont on petit lire la description dans Millin. 8
Alexandre-Jean-Baptiste de Boyer, seigneur d’Eguilles, président au parlement, frère puîné du marquis d’Argens, né dans le même hôtel le 29 mars 1708, mort le 8 octobre 1785, fut un des plus grands magistrats de son temps. En 1745 le roi Louis XV le députa auprès du Prétendant d’Angleterre, le prince Charles-Edouard Stuart, auquel il conduisit un secours en hommes et en argent lors de sa descente en Ecosse.
En 1762 commencèrent les poursuites que le parlement d’Aix dirigea, comme les autres parlements de France, contre la société de Jésus et qui se terminèrent par son fameux arrêt du 28 janvier 1763, portant suppression des jésuites dans toute l’étendue de son ressort, condamnation de leur morale, etc. Le président d’Eguilles et plusieurs de ses collègues dévoués à la société, tentèrent d’incroyables efforts pour empêcher sa ruine, prévenir l’arrêt ou le faire révoquer. Le président rendit publics des mémoires qu’il avait présentés au roi contre le parlement qu’il accusait de prévarication dans cette affaire; ensuite de quoi il fut mis en mercuriale par sa compagnie qui, par arrêt du 17 mai de la même année 1763, condamna le président de Boyer d’Eguilles à être et demeurer banni du royaume à perpétuité ; l’abbé de Barrigue-Montvalon, conseiller-clerc, à être banni de la province et du ressort de la cour pendant le temps et terme de vingt années ; les conseillers de Coriolis, Laugier de Beaurecueil, Deydier-Curiol de Mirabeau, d’Arbaud de Jouques père, de Barrigue-Montvalon père, et de Barrigue-Montvalon fils, à être rayés de la liste des officiers de la cour comme incapables d’exercer aucun office de magistrature ; enfin, les conseillers Méri de la Canorgue et de Cadenet de Charleval, à être et demeurer interdits de toutes fonctions de leurs charges pendant le temps et terme de quinze années.
Cet arrêt, auquel concoururent trente-trois membres du parlement, les autres s’étant abstenus soit comme parents des prévenus, soit comme ayant témoigné dans la procédure, excita des haines dans Aix qui ne disparurent entièrement qu’à la révolution, lorsque des dangers communs réunirent les hautes classes de la société menacées également par les partisans des nouvelles opinions. 9

Le président d’Eguilles laissa en mourant des mémoires très curieux contenant l’histoire de sa vie et qui sont demeurés manuscrits, sauf la partie relative à l’expédition du prince Edouard. 10 M. de Monclar les appelait, assez plaisamment. le roman de M. d’Éguilles, voulant faire allusion à ceux que le marquis d’Argens, son frère, avait publiés en si grand nombre.
Un autre de leurs frères, Luc de Boyer d’Argens, chevalier de Malte, né à Aix en 1710, a fait imprimer, à la Haye, chez Paupie, en 1739, des Réflexions politiques sur l’état et les devoirs des chevaliers de Malte, en un petit volume in-16.
L’hôtel d’Albertas qui touche immédiatement le précédent, est infiniment plus vaste et le surpassait en magnificence. Les vieillards se souviennent encore du grand état de maison que ses maîtres y tenaient avant la révolution, à l’égal de ceux du gouverneur ou du commandant en chef de la province, du premier président du Parlement qui unissait à ses fonctions celles d’intendant de Provence, de l’archevêque président-né des états et premier procureur-né du pays, et d’autres nobles seigneurs que leur haute position et leur grande fortune plaçaient à la tête de la province et de la cité. Ces hautes positions et ces grandes fortunes qui élevaient jadis la ville d’Aix au rang des premières villes de France, ont disparu avons-nous dit plus haut. Puissent du moins nos faibles écrits en perpétuer pendant quelque temps le souvenir !
Henri-Reynaud d’Albertas, seigneur de Bouc et de Dauphin, etc., succéda en 1707, aux quatre Seguiran, marquis de Bouc, ses aïeux maternels qui, durant un siècle, avaient occupé, de père en fils, la charge de premier président de la Cour des comptes, aides et finances de Provence. C’est lui qui, sur la fin de ses jours, entreprit la construction du superbe hôtel dont nous parlons. Jean-Baptiste d’Albertas, son fils et son successeur, en acheva la bâtisse et fit construire au-devant, en 1745 et 46 la jolie place en forme de fer à cheval qui porte son nom, ornée de maisons d’une élégante symétrie, au nombre desquelles se trouve celle de l’honorable chef actuel de la cité. 11 Jean-Baptiste d’Albertas, après avoir résigné sa charge à son fils 12 en 1775, jouissait en paix des douceurs de la vie et d’une considération justement méritée, lorsque la révolution éclata, il fut l’un des premiers gentilshommes possédant fiefs qui, aux états-généraux de Provence tenus à Aix au commencement de 1789, fit volontairement le sacrifice des privilèges pécuniaires dont jouissaient ses terres nobles et il signala par de nombreux actes de bienfaisance son désir de maintenir la paix publique. Le 14 juillet 1790, jour mémorable de la fédération qu’on célébrait dans toute la France, il partageait l’allégresse générale dans son parc de Gémenos, se mêlant familièrement à ses anciens vassaux, lorsqu’un monstre s’approcha de lui et le perça d’un coup de couteau qui l’étendit mort sur la place. Les repas, les jeux et les danses furent interrompus à l’instant et le lâche auteur de cet exécrable assassinat, Anicet Martel, fut arrêté et conduit à Aix où il ne tarda pas à expier son crime sur l’échafaud. Par arrêt du Parlement, le dernier que cette cour prononça eu matière criminelle, Anicet Martel fut roué vif, le 2 août suivant malgré quelques tentatives qui furent faites sur le lieu et au moment de l’exécution pour le soustraire au supplice. 13
Nous avons tous vu en 1814 les fêtes brillantes, les superbes illuminations qui eurent lieu à l’hôtel d’Albertas, à l’occasion du retour des Bourbons. La vertueuse fille du duc de Penthièvre, alors duchesse douairière d’Orléans, y logea pendant quelques jours au mois de juillet et S. A. R. MONSIEUR, comte d’Artois qui a été depuis l’infortuné Charles X, y passa une partie de la journée du 29 septembre et la nuit suivante, puis une seconde fois, à son retour de Marseille et de Toulon, charmant tous les cœurs par sa douce affabilité, son urbanité chevaleresque et toutes les grâces répandues sur sa personne. Combien la ville d’Aix était heureuse alors de le posséder dans ses murs ! Quel enthousiasme, disons mieux, quel délire l’accompagnait partout où il se montrait! Et qu’on était loin de prévoir les nouveaux malheurs qui devaient accabler ce prince et son auguste famille !
Sur l’emplacement de cet hôtel existait à la fin du XVIe siècle la maison qu’habitait Jean Agar, de Cavaillon, conseiller au Parlement d’Aix, l’un des plus ardents ligueurs de Provence. Il commanda plusieurs fois les troupes levées par sa compagnie contre le service d’Henri III et d’Henri IV, notamment en 1589 au siége de Grasse après la mort du baron de Vins. S’étant brouillé à cette époque avec la fameuse comtesse de Sault dont nous parlerons ailleurs 14 et qui méditait déjà d’appeler le duc de Savoie en Provence, il fit cacher dans le palais, de concert avec trois de ses collègues, pendant la nuit du 14 au 15 mars 1590, trois cents hommes de troupe, espérant forcer le Parlement à se déclarer contre la comtesse et faire prévaloir le comte de Carces sur le duc.
Mais les consuls et le conseiller Honoré Sommat du Castellar, chef de la faction opposée, s’étant montrés ayant à leur suite deux pièces de canon et environ neuf cents hommes qui criaient dans les rues : Vive la Messe et son Altesse ! ceux qui gardaient le palais prirent la fuite ; Agar et ses collègues les conseillers Pierre Puget, seigneur de Tourtour, Melchior Desideri et Arnoux de Bannis, seigneur de Châteauneuf, coururent se cacher derrière une vieille tapisserie où il furent bientôt découverts. 15 On les traîna honteusement en prison d’où ils furent transférés le 7 mai suivant au château de Meyreuil. Le duc de Savoie les en fit sortir au mois de novembre 1591 après s’être brouillé à son tour avec la comtesse de Sault, et ils rentrèrent dans la compagnie. Agar mourut le 4 septembre 1595, huit mois après que la ville d’Aix eût reconnu Henri IV, et il fut enseveli le lendemain dans l’église des Augustins, accompagné de toute la cour, des consuls et des plus notables habitants de la ville qui tous honoraient son mérite personnel, malgré les égarements dans lesquels l’esprit de parti l’avait entraîné.
Sur le sol de la place d’Albertas existait la maison de la famille de Paule, qui nous était venue de Marseille où elle tenait un rang honorable. Louis de Punie, reçu procureur général au parlement d’Aix en 1611, puis conseiller en la même cour en 1614, était soupçonné d’être favorable à l’établissement des Elus que les états de la province repoussaient comme contraire aux privilèges du pays. C’en fut assez pour que ses ennemis ameutassent la populace contre lui en 1650, lorsque le cardinal de Richelieu, premier ministre, voulut faire cet établissement. La maison de Paule fut saccagée et pillée le 27 octobre, comme celles du prévôt Dumas, de l’auditeur Chaix et du greffier Menc, ainsi que nous le dirons plus longuement ailleurs. 16 Quant à de Paule, il en fut dédommagé deux ans plus tard par le don que lui fit le roi de la charge de président, qui venait d’être confisquée sur Laurent de Coriolis. 17
La maison qui fait le coin opposé à l’hôtel d’Albertas et dont nous avons vu abattre une partie, il y a peu d’années, pour l’élargissement de la rue de l’Official, a appartenu, pendant près de trois cents ans, à l’une des plus anciennes familles consulaires, aujourd’hui éteinte, et celle qui avait peut-être le mieux mérité l’affection et la reconnaissance du pays. Nous voulons parler de la famille Gaufridi dont le nom est cependant presque oublié dans Aix, au point qu’on l’y appelle Gaufrédi lorsqu’on parle d’un charmant pavillon qui lui avait également appartenu pendant plus de deux siècles, et qui est situé à l’extrémité du Faubourg, sur la route d’Avignon, dans le voisinage de l’ancien couvent des chartreux et de celui des dames du Sacré-cœur. 18 Sans entrer dans la généalogie de cette famille, qui avait fourni un très grand nombre de consuls et d’assesseurs d’Aix depuis 1572, et des magistrats distingués tant au parlement qu’à la cour des comptes, nous allons mentionner ceux d’entre eux qui se firent le plus remarquer par leur amour pour la patrie, leurs lumières et leur talent. Alexis Gaufridi était assesseur lorsque fut mis à exécution le célèbre édit de la réformation de la justice en Provence, donné par François 1er, au mois de septembre 1535, et en vertu duquel il fut mis en possession, avec les trois consuls ses collègues, par le président Feu, commissaire à ce député par le roi, en présence des Etats-généraux assemblés dans le réfectoire des PP.prêcheurs, le 4 décembre de la même année 1535, de la charge de procureurs-nés des gens des trois états du pays et comté de Provence. L’empereur Charles-Quint entra dans cette province au mois d’août de l’année suivante 1536. Gaufridi et ses collègues s’en étaient déjà absentés pour ne pas être contraints de paraître devant lui et de subir la loi de cet ennemi de leur légitime souverain, comme on le verra ailleurs ; 19 et depuis il fut deux fois premier consul, en 1543-44 et en 1551-52, 20 donnant toujours des preuves de son zèle et de sa capacité. Il mourut en 1584, faisant profession de la religion reformée. 21
Jacques Gaufridi, son petit-fils, né à Aix en 1597, fut deux fois assesseur d’Aix, ensuite président de la chambre des requêtes établie près le parlement en 1641, enfin premier président du parlement semestre. Il fut le principal conseil du comte d’Alais, gouverneur de Provence, et partagea la haine populaire que l’établissement du Semestre excita contre ce prince c’est pour cette raison que sa maison, qui est celle dont nous parlons, fut saccagée, ses meubles et ses livres pillés ou brûlés le 20 janvier 1649, 22 et il fut obligé lui-même de s’absenter de la province pendant un grand nombre d’années pour échapper à la rage de ses ennemis. Revenu à Aix longtemps après, il vécut dans la retraite et mourut en 1684, dans son pavillon voisin des chartreux, dont nous avons parlé ci-dessus et à l’occasion duquel nous donnerons ci-après une biographie plus ample de cet illustre magistrat.
Jean-François de Gaufridi, baron de Trets, fils du précédent, naquit à Aix le 13 juillet 1622 et fut reçu conseiller au parlement en 1660. Il composa une Histoire de Provence, qu’après sa mort, arrivée le 2 novembre 1689, Anne de Grasse-Mouans, sa veuve, et l’abbé de Gaufridi, leur fils, donnèrent au public, en deux volumes in-f°.23 Cette histoire est exacte pour les faits, particulièrement ceux du XVIe siècle, et renferme des recherches curieuses; mais l’auteur ne cite jamais les sources où il a puisé, et ce défaut nuit beaucoup à la confiance qu’on peut avoir en lui.
Jacques-Joseph de Gaufridi, fils de l’historien, né encore dans la maison dont nous parlons le 1er janvier 1674, fut reçu, en 1701 avocat-général au parlement, et se signala par son érudition et son éloquence jusqu’à sa mort arrivée en 1741. C’est lui qui vendit l’ancienne demeure de sa famille.

1 C’est encore une des bévues commises en 1811 et dont nous avons parlé plus haut. pag. 8, note 1Retour

2 Voyez nos Recherches biographiques sur Malherbe et sur sa famille, Aix, Nicot et Aubin, 1840, in-8° de 64 pag., avec fac-similé de quatre signatures différentes de Malherbe. Ces recherches se trouvent aussi dans le tome IV des Mémoires de l’Académie des sciencesagriculture, arts et belles-lettres d’Aix. Elles furent suivies d’un appendice, à Aix, chez les mêmes, 1841, trois p. in-8°. Retour

3 Jacques Coelmans, né à Anvers, de Guillaume Coelmans et de Marguerite de la Garde, se fixa à Aix vers la fin du XVIIe siècle, et s’y fit connaître par un nombre infini de gravures, notamment de portraits que les curieux conservent encore. Il s’était marié à Aix en 1699 et y mourut le 11 février 1732, âgé de 66 ans. Retour

4 Sébastien Barras, peintre et graveur, était né en 1653, ce qui résulte de son acte de mariage avec Catherine Orcel, du 25avril 1691, paroisse Ste Magdelaine, où il se dit âgé de 38 ans et fils de Bris Barras et de Françoise Jaubert. Ses gravures sont aussi rares qu’estimées et par cela même très recherchées. Ses peintures ne sont pas moins précieuses. La principale est un plafond magnifique dans la grande salle du rez-de-chaussée de l’hôtel d’Eguilles, hôtel appartenant aujourd’hui à M. Augier, négociant, et où l’on ne voit plus que ce plafond peint par Barras et une superbe statue colossale représentant un Faune qu’on attribue à P.Puget, et qui est plus probablement de Christophe Veyrier, son élève. Tout le reste du beau cabinet de messieurs d’Eguilles a disparu. Retour

5 Voyez son article dans la Biographie universelle de Michaud, t. V, p. 246, où il y a bien des erreurs quant aux dates. Retour

6 La terre d’Argens, près Castellane, fut érigée en marquisat en 4722, en faveur de Pierre-Jean de Boyer, seigneur d’Eguilles, procureur-général au parlement, qui en fit prendre le nom et le titre à son fils aîné alors âgé de 19 ans. Retour

7 Nous avons commis la même erreur dans nos Recherches biographiques sur Malherbe, pag. 58, et nous la rectifions ici, après avoir vérifié les registres des baptêmes de la paroisse Sainte Magdelaine. Retour

Voyage dans les départements du midi, tom. II, p. 249 et suiv. Retour

9 Le roi adoucit, quelques années après, la rigueur de cet arrêt qui n’avait été rendu que par contumace contre le président, et il lui fut permis de se retirer dans sa terre d’Éguilles où il mourut. On raconte qu’il s’y faisait raser par un barbier qui était en même temps le chirurgien du lieu. Un jour ayant été assez fortement indisposé, il fit appeler le docteur Pontier, habile médecin et chirurgien d’Aix, en qui il avait confiance, ce qui humilia singulièrement le barbier. Celui-ci lui en fit ses plaintes, prétendant qu’il en aurait su autant que le docteur, et citant pour exemple l’opération de la pierre qu’il avait pratiquée depuis peu sur un habitant d’Eguilles. – Tu as raison d’en tirer vanité, dit le président ; n’est-il pas vrai que le malade mourut dans tes bras, sous l’opération ? – Belle question répondit le barbier; le malade mourut dans mes bras, je l’avoue ; mais n’est-il pas vrai aussi que je finis par lui extraire la pierre ? (Noun aguéri la peiro !). Le malheureux avait terminé l’opération sur le cadavre du patient ! Retour

10 On la trouve dans les Archives littéraires de l’Europe, etc., par une société de gens de lettres, t. 1er, p. 78 à 101, Paris, 1804, in-8°. Retour

11 M. Antoine-François Aude, notaire royal, maire d’Aix, officier de l’ordre royal de la Légion D’honneur. Retour

12 M. le marquis d’Albertas (Jean-Baptiste Suzanne), qui fut depuis préfet des Bouches-du-Rhône et pair de France sous la Restauration, mort en 1829.Retour

13 Anicet Martel et l’exécuteur étaient à peine arrivés sur l’échafaud, lorsque des pierres, lancées par des malintentionnés répandus dans la foule des spectateurs qui encombraient la place et la toiture des maisons voisines, annoncèrent le dessein formé d’exciter du désordre et d’enlever l’assassin. Mais quelques coups de fusils chargés à poudre et tirés en l’air par les soldats de l’escorte, suffirent pour dissiper les attroupements. Cependant l’exécuteur s’était évadé et Martel se voyant libre, s’était élancé de l’échafaud, espérant se sauver à l’aide du tumulte. Un capitaine au régiment de Lyonnais, M. Payan de la Tour, qui commandait l’escorte, le retint en le collant à terre avec la pointe de son épée qu’il lui appuya sur la poitrine. Le bourreau ayant été retrouvé dans un confessionnal de l’église des capucins, hors la ville (aujourd’hui celle de l’hôpital Saint-Jacques), où il était allé se cacher, fut ramené sur les lieux et il consomma l’exécution. A. Martel, à peine âgé de vingt ou vingt-un ans, était un très petit homme, bossu, ayant la tête grosse et le visage effilé. Retour

14 Voyez ci-après, rue du Pont-MoreauRetour

15 C’est ce qu’on nomma dans le temps la journée du palaisRetour

16 Voyez ci-après rue du Grand-Séminaire, Petite rue saint jean, place de la Plate forme et rue Villeverte. Retour

17 Le dernier rejeton de la famille de Paule, vendit cette maison à M. d’Albertas qui la fit abattre pour y construire la place actuelle. Nous avons ouï dire à notre aïeul maternel, dont la maison visait sur cette place, que M. de Paule, voulant forcer pour ainsi dire la vente de la sienne, en avait fait barbouiller la façade en gris très foncé et presque noir, en sorte que l’hôtel d’Albertas était dans l’obscurité pendant la plus grande partie du jour, la rue des Salins, comme on l’appelait encore alors, étant fort étroite à cette époque, principalement dans cette partie. Retour

18 Le dernier Gaufridi, fils de l’avocat-général, fit héritier de ses biens son neveu d’Estienne du Bourguet, conseiller au parlement, à la charge de porter le nom et les armes de Gaufridi. Croirait-on que le fils de celui-ci étant mort en 1851, on a placé sur sa tombe, au cimetière d’Aix, une inscription sépulcrale dans laquelle il est nommé d’Estienne-Gouffrédy ? Cette erreur a sans doute été commise à l’insu de la famille à laquelle nous la signalons pour l’honneur d’un nom aussi recommandable à tant de titres, et qu’on ne devrait pas défigurer, ce nous semble. Retour

19 Voyez rue Sainte-CroixRetour

20 Nous observerons une fois pour toutes, que jusqu’en 1669, les consuls et assesseur d’Aix et avant eux les syndics de la ville, entraient en exercice le 1er novembre et restaient en charge jusqu’au 31 octobre de l’année suivante, ce que nous expliquons par abréviation on disant 1543-44, 1551-52, et ainsi chaque fois que l’occasion s’en présentera. Faute d’avoir fait cette observation, quelques auteurs ont placé sous tel ou tel consulat des faits qui appartenaient au consulat précédent ou au suivant, et nous en citerons plusieurs exemples remarquables. Retour

21 Voyez son testament du 1er juin 1584, Nicolas Borrilli, notaire, par lequel il exprime la volonté d’être enterré suivant les usages de cette religion.Retour

22 Voyez ci-après rue et procession de Saint SébastienRetour

23 A Aix, chez David, 1694. Voyez le Journal des savants du 19 Janvier 1699 ;
– la Bibliothèque historique de la France, par P. Lelong, tom. III, n° 38110 ;
-et la Biographie universelle de Michaud, tom. XVI, pag. 575, au mot GaufridiRetour

AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), DANIEL DE COSNAC (1628-1708), DIOCESE D'AIX ET ARLES (France ; Bouches-du-Rhône), PROVENCE, SAINT-ESPRIT (paroisse ; Aix-en-Provence), SAINT-ESPRIT (paroisse du ; Aix-en-Provence)

Monseigneur Daniel de Casnac, archêque d’Aix-en-Provence

Monseigneur Daniel de Cosnac

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C’est sous l’épiscopat de Mgr Daniel de Cosnac que commencent les travaux pour la construction de l’église du Saint-Esprit

  

Daniel de Cosnac (Cosnac, 18 janvier 1628–Aix-en-Provence, 21 janvier 1708) est un prélat français qui fut archevêque d’Aix de 1693 à 1708.

Fils cadet de François de Cosnac, théologien devenu maître de camp d’infanterie et auteur d’ouvrages contre le protestantisme, et d’Eléonore de Talleyrand-Chalais, petite-fille du maréchal Blaise de Monluc et petite-nièce de Jean de Monluc, évêque de Valence et de Die.

 

Années de jeunesse

D’origine limousine (de la commune de Cosnac, en Corrèze), issu d’une famille dont Saint-Simon disait qu’elle fournissait des évêques « de père en fils », il fut attaché fort jeune à la maison du prince de Conti, gouverneur du Languedoc résidant à Pézenas, en qualité de gentilhomme où se produisit grâce à lui la troupe itinérante de Molière qui prit alors le titre de « comédiens de S.A.S. le prince de Conti ». Il se trouva donc mêlé aux troubles de la Fronde ; il semble qu’il ait fait le bon choix puisqu’il décida le prince à faire la paix avec la cour et resta fidèle à Mazarin. Cette attitude lui valut en récompense l’évêché de Valence et de Die, quoiqu’il n’eût que 24 ans (1654) et n’eût même pas encore reçu les ordres religieux ; il ne le fit qu’après sa nomination, lors de laquelle Mazarin lui aurait dit : « Le roi vous fait maréchal sur la brèche ».

 

Carrière ecclésiastique

Très actif auprès des Conti et à l’assemblée générale du clergé (qui dura de 1655 à 1657 et valida sa nomination malgré un recours de l’évêque de Grenoble), il ne fit ses entrées dans ses villes épiscopales qu’en 1657, en septembre à Valence et en novembre à Die.

Il fut présent également au mariage de Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz où il prononça le discours et fit la quête avec une bourse de daim brodée aux armes de France et d’Espagne. Il présida en mars 1661 au mariage de Monsieur avec la princesse Henriette d’Angleterre, malgré la contestation de l’abbé de Montaigu, aumônier de la reine d’Angleterre, et devint possesseur de tapisseries dites de Mortlake qui obligèrent les héritiers à agrandir les salons de leur château.

Le 17 avril 1666, il fut chargé du discours de clôture de l’assemblée du clergé (1665-1666), dont le sujet principal était la question des huguenots et l’interprétation de l’édit de Nantes, et durant laquelle il obtint du roi les fonds, prélevés sur le Dauphiné, pour la reconstruction de la cathédrale de Die

Peu après, il devint aumônier de Monsieur, frère du roi, déplut à ce prince par les efforts même qu’il fit pour le ramener au bien et le rapprocher de Madame, et fut, sur la demande du prince, enfermé au For-l’Évêque, Saint-Simon, mauvaise langue notoire, écrit de lui : « Personne n’avait plus d’esprit ni plus d’activité, d’expédients, de ressources ; né pour l’intrigue, il avait le coup d’œil juste, au reste peu scrupuleux et extrêmement ambitieux ». Il rentra cependant en grâce et fut nommé en 1687 archevêque d’Aix et commandeur du Saint-Esprit. Du fait des querelles entre Louis XIV et le pape Innocent XI, il ne reçut confirmation de sa nomination que par bulle du 9 novembre 1693. Il fut abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Riquier de 1695 à 1708.

 Anecdote

Une anecdote racontée que François-Timoléon de Choisy tient sans doute de Cosnac lui-même montre l’humour de cet homme épris de pouvoir et d’action. Cosnac se rend chez M. de Paris (l’archevêque de Paris) :

« Le Roi, lui dit-il, monseigneur, m’a fait évêque ; mais il s’agit de me faire prêtre.
— Quand il vous plaira, répondit M. de Paris.
— Ce n’est pas là tout, répliqua M. de Valence; c’est que je vous supplie de me faire diacre.
— Volontiers, lui dit M. de Paris.
— Vous n’en serez pas quitte pour ces deux grâces, monseigneur, interrompit M. de Valence ; car, outre la prêtrise et le diaconat, je vous demande encore le sous-diaconat.
— Au nom de Dieu, reprit brusquement M. de Paris, dépêchez-vous de m’assurer que vous êtes tonsuré, de peur que vous ne remontiez la disette des sacrements jusqu’à la nécessité du baptême. »

Cosnac a laissé des Mémoires, qui n’ont été publiés qu’en 1852, par le comte Jules de Cosnac. Ces mémoires, écrits par un homme d’esprit, qui avait été mêlé à toutes les intrigues de la cour, offrent un vif intérêt.

 

Bibliographie

Chanoine Jules Chevalier, Essai historique sur l’église et la ville de Die, tome 3, 1909, p. 444-512.

M.-M. Macary, Châteaux de Corrèze, 1977, p. 6-7.

 

AIX-EN-PROVENCE (BOUCHES-DU-RHÔNE), ANJOU, BARTHELEMY D'EYCK (1420-1470), PEINTRE FLAMAND, PEINTRES, PEINTURE, PROVENCE, RENE D'ANJOU (1409-1480), RETABLE DE L'ANNONCIATION

Retable de l’Annonciation de Barthélémy d’Eyck

Le retable  de l’Annonciation de Barthélémy d’Eyck

Retable de l’Annonciation – ©Jean-Pierre Remy / CC-BY-SA

1954

Le retable de l’Annonciation

Voici le retable le plus connu comme chef d’oeuve à Aix-en-Provence : celui de l’Annonciation. Autrefois placé dans la cathédrale Saint-Sauveur puis transféré dans l’église de la Madeleine, il se trouve depuis 2006 au Saint-Esprit et transféré en 2016 au Musée du Viel Aix. Le panneau central se trouve ici à Aix. Les deux autres morceaux (les prophètes Isaïe et Jérémie) ont été dispersés dans les musées d’Amsterdam, de Bruxelles et de Rotterdam. Daté de 1445, on l’attribue au Flamand Barthélémy d’Eyck ou au Dijonnais Guillaume Dombet, installé à Aix à cette époque.

On a souvent parlé des détails « bizarres » de cette peinture. Qu’en est-il vraiment ? La scène se passe vraisemblablement dans une des églises aixoises. L’ange Gabriel, à genoux, dit à la Vierge : Ave gracia plena, Dominus tecum qui veut dire « Je vous salue Marie pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ». Marie reçoit le message, un peu étonnée. En haut à gauche, Dieu envoie un rayon de lumière sur elle : un petit singe lève la tête vers ce rayon divin. Que cherche-t-il à faire ?

Plus étonnant encore ; au milieu du rai de lumière, on distingue une  forme quasi humaine.  On dirait bien un Jésus à l’état de fœtus, portant une croix, envoyé par Dieu en personne : une suggestion avant l’heure du dogme de l’Immaculée Conception.

Au premier plan, un  vase rempli de fleurs qui pose des questions : pourquoi lui avoir donné tant d’importance ? Et les fleurs qu’il contient pourraient-elles avoir un sens ?

Certains pensent que oui : dans le Guide de la Provence mystérieuse (éd Tchou), on peut lire qu’il s’agirait de belladone et de digitale, plantes considérées comme diaboliques à l’époque médiévale ! Diaboliques, comme ces étranges chauves-souris au-dessus de la tête de Gabriel, qui soit dit en passant, a des ailes en plumes de chouette, oiseau maudit par excellence ! Si la perspective est superbe, les drapés magnifiques, les visages sereins, tous ces petits détails troublants aiguisent la curiosité ! 

La légende veut que le peintre, pas assez payé par le commanditaire du retable, se soit vengé en intégrant des éléments inquiétants et très peu chrétiens dans son œuvre ! Na, il ne l’emportera pas au paradis…

 

Triptyque de l’Annonciation d’Aix

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Le Triptyque de l’Annonciation d’Aix est un retable peint daté des années 1443-1445 autrefois conservé dans la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence et aujourd’hui démembré en six panneaux dispersés entre trois musées et une église. Le panneau central est conservé en temps habituel à l’église de la Madeleine à Aix-en-Provence et actuellement visible au Musée du Vieil-Aix.

 

Historique

La provenance du retable est bien connue grâce à sa description dans un document d’archives. Il est commandé le 9 décembre 1442   dans le testament d’un drapier aixois, Pierre Corpici, fournisseur du roi René d’Anjou, pour être placé sur l’autel de sa chapelle dans la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence. Il commande avec une prédelle en partie basse ainsi qu’un superciel en partie haute dont on ne sait pas s’ils ont été réalisés. Le tableau est achevé soit pour le jour de l’Annonciation 1444 soit en 1445. En 1618, l’ensemble est déplacé de la chapelle au baptistère de la cathédrale. En 1623, il est toujours décrit avec ses volets ce qui n’est plus le cas en 1679. En 1791, la partie centrale est toujours placée au même endroit selon le maire de l’époque, Alexandre de Fauris de Saint-Vincens. Celui-ci le fait déplacer dans l’église de la Madeleine après la Révolution française. Cette dernière église étant fermée pour des raisons de sécurité depuis 2006, le tableau a été transféré dans une autre église d’Aix, l’église du Saint-Esprit2. Il est de nouveau déplacé au Musée du Vieil-Aix en mars 2016.

On retrouve la trace du volet gauche vers 1900 avec le prophète Isaïe et la Madeleine au revers mais mutilé, ayant perdu son entourage de colonnes et la nature morte en partie supérieure. Il appartient alors à la collection Cook de Richmond. Dès 1909, l’historien de l’art flamand Georges Hulin de Loo fait le rapprochement avec l’Annonciation d’Aix. La Nature morte aux livres est retrouvée la même année lors d’une vente à Amsterdam et achetée par le Rijksmuseum.

Le panneau droit, resté lui complet, réapparait lors d’une vente à Paris en mars 1923, le catalogue indiquant une provenance d’une résidence des environs d’Aix-en-Provence. Il est alors acheté par les Musées royaux des beaux-arts de Belgique à la demande justement de Hulin de Loo. L’ensemble de ces panneaux sont présentés ensemble dans une exposition pour la première fois en 1929 au musée du Louvre.

 

Composition

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Partie centrale : L’Annonciationéglise de la MadeleineAix-en-Provence

Volet gauche, partie supérieure : Nature morte aux livres, Rijksmuseum, Amsterdam

Volet gauche, partie inférieure : Le Prophète IsaïeMusée Boijmans Van BeuningenRotterdam

Volet droit : Le Prophète Jérémie, Musée royal d’art ancienBruxelles

Revers du volet gauche : La Madeleine agenouillée, Musée Boijmans Van Beuningen

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Revers du volet droit : Le Christ du Noli me tangere, Musée royal d’art ancien de Bruxelles

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Attribution

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Après des attributions fantaisistes au début du xixe siècle, les historiens de l’art français y voient un artiste français, peut-être de Bourgogne, passé en Flandres et actif en Provence. C’est le cas notamment lors de l’exposition sur les Primitifs français en 1904 au pavillon de Marsan au musée du Louvre. À l’inverse, un certain nombre d’historiens de l’art flamands y voient un artiste flamand s’étant installé dans le midi de la France. Georges Hulin de Loo y voit notamment des caractères « eyckiens » dans le tableau et forge pour la première fois le nom conventionnel de « Maître de l’Annonciation d’Aix ». Charles Sterling suit cette hypothèse. Dès 1904, le critique belge Hulin de Loo le rapprocha de l’auteur du Portrait d’homme de 1456. Depuis, il est généralement admis aujourd’hui par les historiens de l’art, tels que Charles SterlingMichel Laclotte, Dominique Thiébaut, Nicole Reynaud, qu’il s’agit de Barthélemyd’Eyck, peintre actif à la cour du roi René d’Anjou, originaire du diocèse de Liège.

 

Bibliographie

Jan Białostocki, L’art du xve siècle des Parler à Dürer, Paris, Le Livre de Poche, coll. « La Pochothèque », 199), pp. 151-153 et note 9

Dominique Thiébaut (dir.), Primitifs français. Découvertes et redécouvertes : Exposition au musée du Louvre du 27 février au 17 mai 2004, Paris, RMN, 2004, 192 p., p. 124-130

Yves Bottineau-Fuchs, Peindre en France au xve siècle, Arles, Actes Sud, 2006, 330 p. ( p. 119-126

Nicole Reynaud, « Barthélémy d’Eyck avant 1450 », Revue de l’Art, vol. 84, no 84,‎ 1989, p. 22-43

Yoshiaki Nishino, « Le Triptyque de l’Annonciation d’Aix et son Programme iconographique », Artibus et Historiae, vol. 20, no 39,‎ 1999, p. 55-74

Rose-Marie Ferré, « Le retable de l’Annonciation d’Aix de Barthélemy d’Eyck : Une pratique originale de la vision entre peinture et performance », European Medieval Drama, vol. 12,‎ 2008, p. 163-183

Louis-Philippe May, « L’Annonciation d’Aix », p. 82-98, dans Provence historique, 1954, tome 4, fascicule 16

 

 

Barthélemy d’Eyck

 

Barthélemy d’Eyck est un artiste peintre originaire de la principauté de Liège et actif entre 1444 et 1470, peintre de René d’Anjou, à qui plusieurs peintures sur bois, enluminures et dessins sont attribués.

Les archives le désignent à plusieurs reprises comme peintre de René d’Anjou, originaire de la région de Maaseik dans les Pays-Bas, vivant dans l’intimité du prince, par ailleurs roi titulaire de Naples. Cependant, à aucun moment, la documentation historique ne permet de lui attribuer une œuvre avec certitude, seules des déductions de styles effectuées par plusieurs historiens de l’art permettent de lui constituer un corpus d’œuvres. Après quelques hypothèses avancées dès la fin du xixe siècle, c’est principalement depuis les années 1980 que plusieurs historiens tels que Charles Sterling et François Avril ont permis de mettre son nom sur plusieurs œuvres jusque-là attribuées à des maîtres anonymes.

Barthélemy d’Eyck a été identifié au peintre, jusqu’alors anonyme, désigné sous le nom de convention de « Maître du cœur d’amour épris », appelé aussi « Maître du roi René », qui est l’auteur probable des enluminures d’une dizaine de manuscrits réalisés pour René d’Anjou dont le Livre du cœur d’Amour épris, un manuscrit de la Théséide, le Livre des tournois et peut-être même quelques ajouts au calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. Il est aussi assimilé au « Maître du triptyque d’Aix », auteur du Triptyque de l’Annonciation d’Aix, ce qui a permis de voir sa main dans plusieurs autres panneaux sur bois du deuxième tiers du xve siècle. Son style, inspiré de Robert Campin et empruntant à Jan van Eyck, est caractérisé par des personnages d’aspect massif, au regard énigmatique glissant sur le côté. Il use particulièrement de jeux d’ombres et du clair-obscur qui viendraient de son séjour en Provence. Enfin, il manie à de multiples reprises les symboles héraldiques et les emblèmes, sans doute sous l’influence directe de son mécène, le roi René, dont il est très proche. Ces attributions d’œuvres font de plus en plus l’unanimité parmi les historiens d’art, même si certaines d’entre elles sont encore sujettes à controverses.

 

Éléments biographiques

Ses origines et sa formation

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Ancienne abbatiale de l’abbaye d’Aldeneik à Maaseik.

Très peu d’éléments permettent de connaître la vie du peintre. Il serait originaire du diocèse de Liège, sans doute dans sa partie néerlandophone, plusieurs documents l’attestant. Il est en effet le fils d’une certaine Ydria Exters, originaire de la région de Maaseik qui s’est remariée en secondes noces à Pierre du Billant, brodeur attitré et valet de chambre de René d’Anjou, lui aussi néerlandais d’origine. Un acte notarié d’Aix-en-Provence, daté du 28 juin 1460 atteste en effet de ce mariage. Selon ce même acte, le frère de Barthélémy s’appelle Clément d’Eyck et est désigné comme « noble homme du diocèse de Liège ». D’autre part, une pierre tombale retrouvée dans le cimetière de l’abbaye d’Aldeneik, dans l’actuelle ville de Maaseik, dans la province de Limbourg, contient les armes des Van Eyck, celles du premier mari d’Ydria, associées aux armes des Van Biljandt ou du Billant. Ces indications font penser que Barthélemy d’Eyck pourrait avoir été parent de Jan et d’Hubert van Eyck, eux aussi originaires de cette région.

Selon Charles Sterling, Barthélemy aurait suivi une formation de peintre vers 1430-1435 aux Pays-Bas bourguignons, dans des milieux proches des frères van Eyck et de Robert Campin, alias le Maître de Flémalle. D’après l’historien de l’art allemand Eberhard König, il aurait participé directement à des œuvres issues de l’atelier de Jan van Eyck, notamment en contribuant à l’enluminure de trois pages des Très Belles Heures de Notre-DameRené d’Anjou, son futur mécène, aurait d’ailleurs peut-être visité l’atelier de Van Eyck en 1433. Cependant, cette attribution n’a pas été reprise par les autres historiens de l’art. Au contraire, d’après son style, plusieurs d’entre eux penchent plutôt pour une formation auprès de Robert Campin

Toujours selon Sterling, il aurait peut-être rencontré le peintre suisse d’origine allemande Conrad Witz, dont les œuvres possèdent des analogies marquées avec celles attribuées à Barthélemy. Cette rencontre aurait pu avoir lieu en 1434, à l’occasion du concile de Bâle. Par la suite, Barthélemy aurait fait connaissance avec René d’Anjou en 1435 à Dijon. Ce dernier, à la suite de son mariage avec Isabelle Ire de Lorraine, hérite du duché de Lorraine en 1431 détenu jusque-là par son beau-père. Cependant, Antoine de Vaudémont lui conteste ce titre. René d’Anjou est défait au cours de la bataille de Bulgnéville et est retenu en otage dans la capitale bourguignonne par le principal soutien de Vaudémont, le duc Philippe le Bon. Un peintre du nom de Barthélemy est d’ailleurs signalé à la cour de Bourgogne en 1440-1441 mais rien n’indique qu’il s’agit du même.

 

Un voyage en Italie ?

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Vue de Naples en 1472, Tavola Strozzi, Musée San Martino.

Très tôt, les historiens de l’art ont discerné des signes d’une influence italienne dans les œuvres attribuées au Maître du roi René et, symétriquement, des signes d’une influence du maître sur certains artistes italiens. L’humaniste italien Pietro Summonte   prétend en 1524 que la technique flamande de la peinture à l’huile a été enseignée au peintre napolitain Colantonio par le roi René lui-même, lors de son séjour sur place entre 1438 et 1442. À la suite de la mort de son frère Louis III d’Anjou en 1434, René hérite non seulement du duché d’Anjou, mais est également désigné comme l’héritier de Jeanne II de Naples. Après sa libération, René gagne le sud de l’Italie le 19 mai 1438 pour faire valoir son titre de roi de Naples contre Alphonse V d’Aragon.

Les historiens de l’art ont préféré voir plutôt les peintres de l’entourage du roi dans l’apprentissage de la technique flamande à Colantonio, ce qui incite l’Italienne Fiorella Sricchia Santoro et la Française Nicole Reynaud à écrire que Barthélemy d’Eyck devait alors accompagner son mécène. La présence de son beau-père Pierre du Billant est en tout cas attestée à Naples en 1440. Ces mêmes historiennes pensent qu’il a réalisé les feuillets de la Chronique Cockerell lors de son séjour sur place. Il pourrait avoir aussi accompagné le roi lors de son escale à Gênes en 1438 au cours du voyage vers Naples, où il aurait vu le Triptyque Lomellini de Jan van Eyck aujourd’hui disparu. Mais les avis divergent sur la fin du séjour. Selon Sricchia Santoro et l’historien Carlo Ginzburg, il serait resté à Naples avec le roi jusqu’en juin 1442 et rentré avec lui en passant par Florence, où ils auraient séjourné pendant l’été chez les Pazzi. Pour Nicole Reynaud, il serait rentré plus tôt, en compagnie de l’épouse du roi Isabelle de Lorraine et de ses enfants, accompagnés sans doute par Pierre du Billant, dont la présence est attestée à Aix-en-Provence dès mars 1441. Ce voyage reste une supposition, aucun document n’attestant même du fait que Barthélemy était bien au service de René d’Anjou pendant cette période. Bien qu’admis par plusieurs historiens de l’art, il est remis en cause par d’autres. Selon François Avril ou Eberhard König, Barthélemy d’Eyck pourrait tout aussi bien avoir réalisé la Chronique Cockerell à partir de documents rapportés d’Italie.

 

Le peintre attitré du roi René

Sa présence est par la suite attestée en Provence. Il est ainsi mentionné à Aix-en-Provence dans un acte notarié datant de 1444 comme un maître peintre (« magister et pictor »), aux côtés d’un autre grand peintre de l’époque résidant dans la région, le picard Enguerrand Quarton. Puis, il apparaît dans les comptes du roi René comme peintre ayant la charge officielle de valet de chambre entre 1446 et 1470, et à partir de 1459, il devient son valet tranchant, c’est-à-dire chargé habituellement de découper sa viande. Ces titres, purement honorifiques, sont très souvent donnés à l’époque à des peintres officiels de cour et leur permettent de bénéficier de revenus réguliers. En 1460, il obtient une nouvelle charge, celle d’écuyer du roi de Sicile, un des titres du roi René. Cependant, à aucun moment dans les comptes de René d’Anjou n’apparaît la moindre commande précise d’une œuvre. Il est simplement chargé par le prince d’acquérir d’autres œuvres d’art ainsi que des parchemins. À tel point que certains historiens de l’art, tel Albert Châtelet, ont même douté qu’il puisse avoir été un artiste, préférant y voir plutôt un secrétaire particulier.

René d’Anjou se montre très proche de son peintre. Tout d’abord, il lui accorde régulièrement des dons. Il finance lui-même des ateliers avec le mobilier nécessaire dans certaines de ses résidences, non loin de ses appartements. C’est le cas dans le château de Tarascon où est mentionné en 1447 « en ung restraiz du roy oudit chastel de Tharascon et là ou besogne Berthélémieu, peintre dudit seigneur » ; dans le palais comtal d’Aix-en-Provence, où l’on décrit, dans un inventaire datant de 1462, le « scriptorio » et le « studio » de « Bartholomei » ; à l’hôtel royal de Marseille où l’on signale la chambre haute de Barthélemy la même année. C’est aussi le cas dans son château d’Angers : un inventaire des biens de ce dernier palais, datant de 1471-1472, signale : « En la chambre du petit retrait du roy. Item ung petit basset en forme d’escabeau sur lequel escript Barthélemy […] Item une cherre à coffre et à ciel, sur laquelle se siet Berthélemy pour besongner ». Enfin, le peintre suit à de nombreuses reprises son maître dans ses déplacements. Outre son possible séjour à Naples déjà évoqué entre 1438 et 1442, il effectue ensuite plusieurs voyages entre l’Anjou et la Provence. Enfin, il accompagne le prince lors d’un déplacement en Guyenne au début des années 1450.

Vues des demeures de René d’Anjou où la présence de Barthélemy d’Eyck est attestée

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Vue actuelle du château de Tarascon.

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Vue de l’ancien palais comtal d’Aix-en-Provence, dessin à la plume et lavis du xviiie siècle.

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Château d’Angers, galerie du roi René.

L’inventaire du château d’Angers indique que Barthélemy est encore en vie en 1472. En revanche, sans doute entre 1475 et 1480, dans une lettre qu’adresse Jehanne de la Forest, veuve du peintre, à René d’Anjou, on apprend que le prince demande de lui transmettre les « pourtraistures de feu Berthelemy » encore en sa possession. Cette lettre atteste, outre de la mort récente du peintre, de l’existence d’œuvres de la main de Barthélemy, même s’il n’est pas précisé de quels travaux il s’agit. Les « pourtraistures » désignent à l’époque des dessins, pas forcément des portraits. Ainsi, même après la mort de l’artiste, le prince lui témoigne toujours son attachement

Le style du peintre

 

L’influence de Jan van Eyck, Robert Campin et Conrad Witz

Barthélemy d’Eyck était originaire des Pays-Bas et les œuvres qui lui sont attribuées s’en ressentent. Elles sont à de nombreuses reprises marquées par l’art des Primitifs flamands des années 1430, à l’époque présumée de sa formation. Le triptyque d’Aix présente des similitudes avec une autre Annonciation : celle de la National Gallery of Art peinte par Jan van Eyck, œuvre datant des années 1434-1436 et peut-être commandée par le duc de Bourgogne. C’est précisément à cette époque que Barthélemy se serait rendu à Dijon lors de sa rencontre avec René d’Anjou, alors prisonnier. Dans les deux tableaux, la scène se déroule dans une église, choix relativement rare à l’époque, dans une architecture apparente.  Dans le panneau d’Aix, une messe se déroule en arrière-plan, tout comme à l’arrière-plan d’un autre tableau marial de Jan van Eyck : Vierge dans une église (Gemäldegalerie, Berlin). Cette influence de Van Eyck est surtout constituée d’emprunts de motifs plus que d’un style. C’est le cas par exemple dans la scène de dédicace de la Théséide de Vienne où figure la silhouette de la femme au portrait des Époux Arnolfini

L’Annonciation de Jan van EyckNational Gallery of Art, Washington D.C.

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Panneau central du Triptyque de l’Annonciation d’Aix.

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Les Époux Arnolfini de Jan van Eyck, National Gallery.

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Scène de dédicace de la Théséide de Vienne, f.14v.

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Mais c’est surtout dans l’art de Robert Campin que le peintre semble trouver son inspiration : s’y retrouvent le même intérêt pour des lumières claires et franches et les ombres portées, mais aussi la recherche d’un rendu réaliste des modelés, des textures et des surfaces des objets et des tissus. Cette influence se ressent particulièrement dans le tableau de la Sainte Famille du Puy-en-Velay ou dans les Heures Morgan, qui présentent des ressemblances avec des œuvres attribuées à l’atelier de Campin.

La Sainte Famille, cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation du Puy-en-Velay.

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Vierge à l’enfant dans un intérieur, atelier de Robert CampinNational Gallery.

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Un autre peintre, non plus flamand, mais suisse d’origine allemande, semble avoir également influencé Barthélemy d’Eyck, au point que Sterling a pu supposer une rencontre entre les deux : il s’agit de Conrad Witz. Certains détails très particuliers au peintre helvète se retrouvent chez lui : c’est le cas notamment de l’usage des plissés de robes et de voiles de forme tubulaire et brisée. Il lui emprunte aussi des thèmes très rares dans la peinture de l’époque comme David et les trois vaillants dans les miniatures des Heures Egerton, thème déjà présent dans le retable du Miroir du Salut de Bâle peint par Witz vers 1435.

David et les trois vaillants, folio 139 des Heures EgertonBritish Library.

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David et les trois vaillants, retable du Miroir du salut, Kunstmuseum (Bâle).

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Les plis tubulaires dans le manteau de Salomon et la reine de Saba, Gemäldegalerie (Berlin).

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Un style propre et original

Même si des influences extérieures peuvent être discernées, le peintre se démarque par un style véritablement original. Ses œuvres présentent à de nombreuses occasions des organisations spatiales complexes comme dans le Triptyque de l’Annonciation d’Aix, un sens du mouvement et de l’action dans plusieurs miniatures comme celles de la Théséide de Vienne et le Livre des tournois. Il n’hésite pas à déployer cette action sur une double page, dans ces deux manuscrits, ce qui constitue « une innovation majeure qui fit date dans la mise en page de l’imagerie des manuscrits » d’après François Avril.. Il fait d’autre part un usage régulier du clair-obscur et des jeux d’ombres, comme dans le Livre du cœur d’Amour épris : ces éclairages seraient la marque de l’influence de son séjour en Provence et de la lumière dont bénéficie la région. Selon certains historiens d’art, ce sont ces mêmes ombres qui permettent de déceler sa main dans certains ajouts au calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry.

Son traitement des surfaces planes ou modelées est aussi très particulier : il réalise des coups de pinceau sous la forme de très fines hachures appelées aussi flochetage. Certaines de ses couleurs sont également uniques : il utilise rarement le bleu azur comme la plupart des enlumineurs de son époque, mais plutôt un bleu pervenche, par exemple dans le livre que tient Jérémie dans le Triptyque d’Aix

Ses personnages sont aussi caractéristiques : ils sont d’aspect massif, liés entre eux par des positions pivotantes de la tête et du corps, et possèdent généralement un regard énigmatique glissant sur le côté. Ils traduisent souvent une mélancolie qui se retrouve dans les textes de son mécène, le roi René d’Anjou. Leurs mains sont aussi particulières : fortes et moelleuses, aux phalanges osseuses et ongles courts, avec des gestes récurrents comme lorsqu’elles désignent quelque chose du doigt.

Le clair-obscur dans le Livre du cœur d’Amour épris, f.2.

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Le sens du mouvement dans le Livre des tournois, f.76v-77.

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La position des personnages et leur regard dans la Théséide de Vienne, f.64.

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Le bleu pervenche du livre tenu dans les mains par Jérémie dans le Triptyque d’Aixmusées royaux des beaux-arts de Belgique.

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Une maîtrise de l’héraldique et de l’emblématique

Tous les manuscrits attribués à Barthélemy d’Eyck révèlent une grande maîtrise de la science héraldique ainsi que de l’art des emblèmes, , très important à la fin du Moyen Âge. Le peintre est à l’origine de la peinture en 1452 du premier Armorial de l’ordre du croissantordre de chevalerie créé par René d’Anjou, dont le manuscrit original a aujourd’hui disparu mais dont des copies sont conservées. Son aisance dans la représentation des armoiries se retrouve dans les récits de tournois qu’il a illustrés ainsi que dans les emblèmes représentés dans les marges des livres d’heures. Il est originaire des Pays-Bas, qui est le lieu, à l’époque, où se définit cette science et dont les préceptes sont aussi bien suivis en France qu’en Allemagne. Barthélemy pourrait avoir assuré la fonction de héraut d’armes pour René d’Anjou. Outre le fait que cette fonction était fréquemment assurée par des peintres, plus aucun autre héraut n’est mentionné après 1446 au sein de la cour de Provence et d’Anjou.

D’autre part, les blasons et cimiers représentés dans le Livre des tournois sont directement inspirés des décorations héraldiques qui existent à la même époque entre Rhin et Meuse, soit la région d’origine de Barthélemy d’Eyck.

Présentation des drapeaux et des cimiers dans le Livre des tournois, f.67v-68.

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Armes de René d’Anjou ajoutées aux Heures Egerton, f.4v.

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Décor de marges fait de flocs bleus et noirs, emblème de Louis de Luxembourg-Saint-Pol à qui est dédié le manuscrit du Pas de la bergère de TarasconBNF, Fr1974, f.1.

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Marge des Heures de René d’Anjou, décorée d’un toupin de cordier symbolisant l’union qui fait la force. BNF, Lat17332, f.31.

 

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Œuvres attribuées

Chaque attribution ne se faisant que sur des éléments de style et non sur une documentation, elle peut se trouver contestée par un ou plusieurs historiens de l’art.

Tableaux

 La Sainte Famille devant une cheminée

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La Sainte Famille devant une cheminée

Ce tableau, daté des environs de 1435 et peint à la détrempe, est actuellement conservé à la cathédrale Notre-Dame-de-l’Annonciation du Puy-en-Velay, mais provient du couvent des Clarisses de cette même ville. Longtemps attribué à un suiveur de Robert Campin, alias le Maître de Flémalle, l’historienne de l’art Nicole Reynaud a proposé de l’attribuer à Barthélemy d’Eyck sur des critères de style. La forme des visages, mais surtout leur inclinaison sur le côté, la forme des plis empruntés à Conrad Witz font penser au peintre du roi René d’Anjou qui assista au jubilé du Puy-en-Velayen 1440.

Pour Nicole Reynaud toujours, l’attribution de ce tableau engage à considérer un dessin d’une Vierge à l’Enfant actuellement conservé au Nationalmuseum de Stockholm comme la copie d’un tableau disparu de Barthélemy d’Eyck. S’y retrouve un regard glissant de côté de la Vierge identique à celui du tableau du Puy, le même dessin de la main, les mêmes plis rectangulaires du manteau.

 

Le Triptyque de l’Annonciation d’Aix

Triptyque de l’Annonciation, reconstitution de l’œuvre attribuée à Barthélemy d’Eyck, 1443-1444.


1280px-Barthélemy_d'_Eyck_001 (1).jpgCe retable a pour scène principale une Annonciation. Autrefois conservé en l’église de la Madeleine d’Aix-en-Provence, il est aujourd’hui démembré, les volets ayant été dispersés entre le Rijksmuseum (Amsterdam), le musée Boijmans Van Beuningen, (Rotterdam) et le musée royal d’art ancien à Bruxelles. Seule la partie centrale est toujours conservée à Aix. Les origines du retable sont bien connues grâce à un document d’archives datant du 9 décembre 1442 qui signale qu’il a été commandé par un drapier fournisseur de René d’Anjou du nom de Pierre Corpici à destination de son autel dans la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence. Cependant aucun nom de peintre n’est mentionné. Après de nombreuses attributions fantaisistes au cours du xixe siècle, le tableau est attribué en 1904 par l’historien de l’art belge Georges Hulin de Loo, à un peintre anonyme, d’inspiration très eyckienne selon lui, formé en Flandre, entré en contact avec Conrad Witz et actif en Provence. Il lui attribue le nom de convention de « Maître de l’Annonciation d’Aix ». Dès cette date, il y voit peut-être Barthélemy d’Eyck.  Pendant longtemps les historiens de l’art français ont préféré y voir un peintre français formé à l’art flamand. Après une restauration, les petits personnages présents au fond de la scène ont été rapprochés des personnages de la scène d’embarquement du Livre du cœur d’Amour épris (f.51v). Depuis, la plupart des historiens de l’art s’accordent sur cette attribution à Barthélemy d’Eyck, même si, par exemple, Albert Châtelet préfère y voir la main d’un certain Arnolet de Catz, peintre d’Utrecht marié à la fille d’un peintre d’Avignon en 1430 mais décédé en 1434.

 

Le Christ en croix

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Christ en croix, RF 1993-4

Ce petit panneau est un fragment d’un panneau plus grand, daté de 1444. Il provient peut-être d’une ancienne prédelle découpée au niveau des mains et des pieds. Il a été acquis par le musée du Louvre en 1993. Le tableau contient un fond reproduisant un tissu damassé très fréquent dans la peinture provençale de l’époque. La forme trapue du visage du Christ et son regard glissant sur le côté sont caractéristiques du style de Barthélemy d’Eyck.

 

Portrait d’homme de 1456

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Ce portrait d’un anonyme au strabisme divergent, conservé au Liechtenstein Museum de Vienne a longtemps été attribué à Jean Fouquet. Hulin de Loo, conteste cette attribution dès 1906 et y voit plutôt un « disciple avoué, manifeste, incontestable exclusif et direct de Johannes [van Eyck] qui aurait pu se fixer en Bourgogne ou en Provence ». Il le désigne sous le nom de convention de « Maître de 1456 ». Cependant, là encore, des « traces de francisation », selon lui, le rapprochent de l’auteur du Triptyque de l’Annonciation d’Aix, notamment par la teinte des chairs et le dessin des ongles. Malgré l’hostilité de plusieurs historiens de l’art, Dominique Thiébaut, conservateur en chef au département des peintures du musée du Louvre, reprend en 1983 cette hypothèse d’un peintre provençal et avance le nom de Barthélemy d’Eyck. Depuis, cette attribution au peintre de René d’Anjou est généralement admise, parfois avec un point d’interrogation comme lors d’une exposition à Bruges en 2002.

 

Enluminures et dessins

Chronique Cockerell, feuillet du Metropolitan Museum

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La Chronique Cockerell[

Neuf feuillets dessinés et peints, aujourd’hui dispersés entre le Metropolitan Museum of Art, (New York), le Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), les musées nationaux de Berlin, la National Gallery of Victoria (Melbourne), le Rijksmuseum (Amsterdam) et la National Gallery of Art (Washington), sont les derniers vestiges d’un manuscrit copié de la Chronique Crespi vers 1438-1442. Il doit son nom à son ancien propriétaire, le conservateur britannique Sydney Cockerell. Ces feuillets, qui proviennent d’Italie et plus précisément de Naples où ils se trouvaient encore à la fin du xve siècle, ont été rapprochés de la peinture française et notamment de l’entourage du roi René. Ils pourraient avoir été réalisés à l’occasion du séjour du roi René sur place entre 1438 et 1442. La présence de Pierre du Billant sur place pendant cette période est attestée par les textes. Les historiens de l’art, parmi lesquels Nicole Reynaud, en concluent que Barthélemy d’Eyck pourrait être l’auteur de cette chronique.

 

Les Heures Morgan

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Ce livre d’heures à l’usage de Rome, dites Heures Morgan, est conservé à la Pierpont Morgan Library de New York (M358)15. Sa décoration a été réalisée dans les années 1440-1445 en collaboration avec Enguerrand Quarton, mais laissée inachevée. Sept miniatures et la plupart des 24 médaillons du calendrier au début du manuscrit sont l’œuvre de Barthélemy, tandis que trois autres sont l’œuvre du Picard. C’est François Avril qui a décelé dans ce calendrier une inspiration eyckienne et les jeux d’ombres caractéristiques du « Maître du roi René ». La révélation de l’acte notarié mettant en scène les deux hommes à la même époque a confirmé cette attribution à Barthélemy d’Eyck.

 

Les Heures Egerton

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Ce livre d’heures (ms.1070, British LibraryLondres) a été enluminé à Paris dans les années 1410. Plusieurs textes sont ajoutés après son acquisition par le roi René dans les années 1440, ainsi que cinq miniatures. Les Armoiries du roi (f.4v), une Vue du Saint-Sépulcre de Jérusalem (f.5), l’image du Roi mort (f.53), la Sainte hostie de Dijon (f.110) et enfin Les Trois Vaillants portant l’eau de Bethléem au roi David (f.139) sont attribuées par la plupart des historiens à Barthélemy d’Eyck. Ces miniatures présentent en effet une influence très eyckienne tout en possédant un caractère très français. Cette attribution est cependant contestée par Katherine Reynolds ou par Nicole Robin qui préfère y voir la main de Pierre du Billant.

 

Quelques ajouts aux Très Riches Heures du duc de Berry

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Miniatures du mois de Septembre des Très Riches Heures du duc de Berry, f.9v.

Plusieurs historiens de l’art s’accordent pour voir la main de Barthélemy d’Eyck dans l’un des plus célèbres manuscrits enluminés, actuellement conservé au musée Condé de Chantilly (Ms.65). D’après l’Italien Luciano Bellosi, le manuscrit des frères Limbourg, décédés en 1416, est complété par un peintre qui serait intervenu dans les années 1440. Les miniatures de certains mois — mars, juin, septembre, octobre et décembre — sont réalisées ou achevées à cette époque : certains costumes y sont caractéristiques de la mode de la deuxième moitié du xve siècle. L’usage des ombres derrière les personnages est aussi sa marque de fabrique, à tel point qu’il a été surnommé le Maître des Ombres. Même si cette datation par la mode a été discutée, plusieurs innovations graphiques présentes dans ces miniatures — comme le plus grand réalisme des paysans ou de la nature — peuvent ainsi s’expliquer par une datation du milieu du xve siècle. D’autres ajouts de style eyckien sont décelables dans certains personnages de l’illustration des Litanies de saint Grégoire (f.71v-72). Cette existence d’un peintre intermédiaire un peu avant le milieu du siècle fait désormais l’objet d’un quasi-consensus parmi les historiens de l’art. Selon Bellosi, ce peintre, qui possède des caractères eyckiens et vivait sans doute dans l’entourage royal ou dans celui de René d’Anjou, beau-frère de Charles VII, pourrait être Barthélemy d’Eyck. Pour Nicole Reynaud, la représentation des chiens de Décembre, avec la bave aux lèvres, vaut une quasi-signature de l’artiste.

Cette attribution à Barthélemy d’Eyck a été contestée par plusieurs spécialistes. C’est le cas par exemple de l’historienne de l’art britannique Catherine Reynolds, pour qui le style des ajouts de ce peintre intermédiaire ne correspond pas à celui de Barthélemy d’Eyck. D’autre part, des emprunts à ces parties des Très Riches Heures se retrouvent très tôt dans certaines miniatures de manuscrits dans deux livres d’heures attribués au maître de Dunois : une scène de semailles d’octobre dans un manuscrit conservé à Oxford et une Présentation au temple dans les Heures de Dunois. Or, c’est entre 1436 et 1440 que ces manuscrits sont produits. Dès lors, les ajouts du peintre intermédiaire doivent être datés au plus tard à la fin des années 1430. Cependant, à cette époque, Barthélemy d’Eyck, actif uniquement à partir de 1444, ne peut avoir eu entre les mains les cahiers inachevés du duc de Berry selon Reynolds.

Pour l’historienne de l’art Inès Villela-Petit, ce problème de datation pourrait s’expliquer par le fait que les dessins du calendrier avaient déjà été en grande partie tracés par les frères de Limbourg, à défaut d’en avoir achevé la peinture. Ainsi, le maître de Dunois aurait consulté ces dessins pour réaliser ses propres miniatures dans les années 1436-1440, et non les ajouts à ces dessins effectués par Barthélemy d’Eyck après 1440. Cette hypothèse permet d’expliquer l’intervention du peintre du roi René à telle période. Plus précisément, le peintre pourrait être intervenu à la demande de Charles VII, propriétaire de l’ouvrage, alors que le roi séjournait à Saumur en 1446 chez son cousin René d’Anjou

 

Pas d’arme de la bergère de Tarascon

Ce texte, rédigé en vers par un proche du roi René, Louis de Beauvau, rend compte d’un tournoi organisé en 1449, mettant en scène des chevaliers et dames déguisés en bergères et bergers. Le seul manuscrit de ce récit (Bibliothèque nationale de France, Fr1974) contient une miniature en frontispice représentant une bergère tressant des lauriers pour le futur vainqueur. Cette scène présente des similitudes avec l’Émilie au jardin représentée dans la Théséide de Vienne, particulièrement dans le rendu des mains. L’illustration suit d’autre part le texte par de nombreux détails iconographiques. Tous ces éléments plaident selon François Avril pour une attribution à Barthélemy

 

Le Mortifiement de vaine plaisance

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Il existe une douzaine de manuscrits de ce traité de morale religieuse écrit aussi par René d’Anjou en 1455. L’exemplaire sans doute original et personnel de René d’Anjou a aujourd’hui disparu, mais cinq miniatures sont conservées par la bibliothèque municipale de Metz. Ces miniatures sont attribuées à l’enlumineur de Bourges Jean Colombe, mais Barthélemy d’Eyck pourrait y avoir contribué. Selon François Avril, le peintre du roi René les aurait entamées et laissées dans un état très avancé. Plusieurs détails de ces peintures rappellent d’autres œuvres du peintre : la chaumière, la lourde maçonnerie du château, la rivière et ses rives rocheuses se retrouvent dans différentes miniatures du Livre du cœur d’Amour épris. Plusieurs détails architecturaux et notamment les murs en brique se retrouvent dans le manuscrit de la Théséide. Jean Colombe ou son atelier aurait achevé ces miniatures par leur mise en couleur dans les années 1470, soit après la mort de Barthélemy.

 

Le Livre du cœur d’amour épris

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Désir rencontre le messager d’AmourLivre du Cœur d’Amour épris, f.31

Cette œuvre est une épopée chevaleresque nourrie de littérature courtoise écrite en vers et en prose par le roi René en personne en 1457. Le manuscrit conservé à Vienne (Vindobonensis 2597) a été écrit vers 1458-1460. Ses enluminures sont entamées sans doute par Barthélemy d’Eyck vers 1465. Elles sont interrompues par la mort de l’artiste : 16 miniatures sont peintes sur les 44 prévues, sur les 50 premiers feuillets. Ces miniatures, très proches du texte, résument le plus souvent en une image plusieurs épisodes évoqués dans la même page. Formant chacune de petits tableaux, elles utilisent très fréquemment les clairs-obscurs et les jeux d’ombres, comme dans ses ajouts aux Très Riches Heures.

 

Heures de René d’Anjou (Latin 17332)

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Ce livre d’heures, datant des années 1459-1460, est sans doute le dernier en possession du roi (BNF, Latin 17332). Il est probablement exécuté sous son contrôle direct. Une seule miniature a été réalisée : celle représentant la Vierge telle que dans un tableau votif, en buste, la tête inclinée, la tête couverte d’un voile bleu. Cette image reprend sans doute un tableau ayant appartenu à René d’Anjou mais aujourd’hui disparu. Le manuscrit contient également des décorations de marge présentant des symboles rappelant le roi René et son histoire à la fin de sa vie mais restant en grande partie obscure. Cette proximité avec le duc d’Anjou ainsi que cette maîtrise des emblèmes du duc plaident là encore pour une attribution à son peintre le plus proche, Barthélemy d’Eyck, même si celui-ci n’a fait peut-être que superviser la réalisation des décors de marges.

 

Le Livre des tournois

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La remise du prixLivre des tournois, f.103v

Le Traité de la forme et devis comme on fait un tournoi est un texte écrit par René d’Anjou lui-même décrivant un nouveau modèle de déroulement de tournoi de chevalerie, prenant l’exemple d’un affrontement fictif entre l’entourage du duc de Bretagne et celui du duc de Bourbon. Les illustrations occupent 36 pleines pages soit un tiers de ce manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (Fr2695). Il s’agit non pas d’enluminures traditionnelles mais de dessins à l’encre rehaussés de lavis. Ces illustrations traduisent une étroite connivence entre le roi écrivain et son peintre : les miniatures fourmillent de dizaines de détails présents dans le texte dont il est sans doute le manuscrit original. La façon d’afficher les armoiries, les formes des cimiers typiques des régions entre Rhin et Meuse, ainsi que l’usage du clair-obscur rappellent l’art de Barthélemy d’Eyck. Le manuscrit est daté des années 1460, d’après son filigrane et les symboles héraldiques utilisés.

 

La Théséide de Vienne

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Ce manuscrit, actuellement conservé à la Bibliothèque nationale autrichienne (Vindobonensis 2617) est la seule version illustrée d’une traduction française de la célèbre œuvre de Boccace. Il a été rédigé dans les années 1460 pour recevoir de grandes miniatures occupant plus de la moitié des pages. Seize ont été peintes au total. Barthélemy d’Eyck a sans doute réalisé la première campagne d’enluminure, qui couvre la première partie du livre dans les années 1460 à Aix-en-Provence. Outre une initiale historiée représentant Boccace dans son atelier (f.3), il s’agit de miniatures représentant une scène de dédicace (f.14v), La Victoire de Thésée contre les Amazones (f.18v-19), Le Triomphe de Thésée à Athènes (f.39), Émilie au jardin (f.53), La Libération d’Arcita (f.64), Émilie témoin du duel d’Arcita et Palamon (f.76v-77) La Prière d’Arcita, Émilie et Palamon(f.102). Les autres sont de la main d’un autre peintre favori du roi René, le Maître du Boccace de Genève, qui s’y attelle à Angers dans les années 1470. Il a aussi achevé certaines des miniatures de Barthélemy, comme les visages de la double page 76v-77. Le style de Barthélemy se retrouve dans les personnages de grande taille et des paysages à l’horizon bas et peu détaillés. Il a transposé une histoire antique dans le décor de son temps : les accessoires, les costumes, l’architecture et les bateaux datent des années 1460.

 

Portrait de Louis II d’Anjou

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Portrait de Louis II d’Anjou

Ce dessin à la plume et aquarelle sur papier conservé au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France représente Louis II d’Anjou (1377-1417), père de René. Il s’agit probablement de la copie d’une peinture plus ancienne contemporaine du modèle : en effet, le filigrane du papier utilisé, diffusé en Provence, indique une date entre 1456 et 1465, soit bien après sa mort. En outre, la finesse des traits du visage et du chaperon indique une influence de Van Eyck. Il a sans doute été agrandi au xviiie siècle comme le montrent clairement les marges. Selon François Avril, seul Barthélemy d’Eyck serait capable d’atteindre un tel niveau dans ce portrait considéré comme l’un des plus beaux portraits du xve siècle. Il parvient à la fois à réaliser un fac-similé d’une œuvre plus ancienne, comme il l’a déjà fait dans la miniature de la Vierge du livre d’heures de René d’Anjou ou dans la Chronique Cockerell, tout en y insérant certaines des caractéristiques de son style, telle la représentation des matières et de la peau.

 

Un peintre de cartons et de modèles ?

Il serait aussi l’auteur de cartons préparatoires (disparus) à la réalisation de panneaux de broderies représentant des scènes de la vie de saint Martin, sans doute brodées par son beau-père, Pierre du Billant. Ils pourraient avoir été réalisés à l’occasion du mariage par procuration de la fille de René d’Anjou, Marguerite, avec Henri VI d’Angleterre en 1444 en l’abbaye Saint-Martin de Tours. Ces noces furent, pour le père de la mariée, l’occasion de nombreuses dépenses somptuaires. Quatre sont parvenues jusqu’à aujourd’hui : l’une au musée national du Moyen Âge, deux au musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon et une dernière dans une collection privée. Toujours selon Nicole Reynaud, il pourrait avoir réalisé des modèles pour des peintures murales, représentant des scènes de joutes et décorant autrefois la grande salle du château de Saumur .

La guérison de la femme aveugle. Broderie des miracles de saint Martin, musée de Cluny.

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Vitrail représentant René d’Anjou, la Vierge et Jeanne de Laval, chapelle du château d’Angers.

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Détail d’un vitrail de la Sainte-Chapelle de Riom.

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D’autres œuvres ont été rapprochées de Barthélemy : l’historienne de l’art suisse Brigitte Kurmann-Schwarz voit sa main dans les cartons des vitraux de la Sainte-Chapelle de Riom3. Christian de Mérindol la voit encore dans les plafonds peints du château de Tarascon : une mention dans les comptes du duc en 1447 confirmerait cette attribution. Cependant, ces dernières attributions ne rencontrent pas l’adhésion des spécialistes du peintre. Cela n’empêche pas François Avril de voir dans les « pourtraistures de feu Berthelemy » justement des modèles pour d’autres techniques que la peinture. Selon lui, son dessin serait à l’origine du vitrail provenant de l’abbaye de Louroux et actuellement conservé dans la chapelle du château d’Angers.

Postérité et influence

Barthélemy d’Eyck laisse peu de traces dans les écrits de ses contemporains mais aussi après sa mort. Un rare témoignage de Jean Pèlerin Viator datant de 1521 l’évoque peut-être dans une citation où il l’associe à d’autres peintres : « O bons amis trespassez et vivens […] Berthelemy fouquet/poyer/copin ». Cependant la ponctuation défaillante a fait dire à certains qu’il ne s’agissait pas de Barthélemy d’Eyck mais d’un certain Barthélemy Fouquet inconnu. D’autres historiens d’art ont tenté de déceler les traces du style attribué à Barthélemy d’Eyck chez d’autres peintres postérieurs.

 

En Provence et dans le Val de Loire

Retable de Boulbon, anonyme, vers 1450, musée du Louvre

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Pour Charles Sterling, le Maître d’Aix a marqué d’autres artistes en Provence, particulièrement dans le domaine de la peinture de retable. Est cité en exemple notamment le Retable de Boulbon, actuellement conservé au musée du Louvre, même si le mauvais état de ce panneau permet difficilement de juger de son style. Il aurait aussi pu avoir influencé certains maîtres verriers de la région. Enfin, François Avril a réuni un petit corpus de manuscrits provençaux dans lequel il distingue une influence directe du Maître du roi René et qu’il attribue à Pierre Villate — également collaborateur d’Enguerrand Quarton pour La Vierge de miséricorde de la famille Cadard du musée Condé.

En Anjou, Barthélemy a évidemment influencé les autres peintres ayant travaillé pour le roi René : cette influence est relativement évidente chez celui désigné sous le nom de convention de Maître du Boccace de Genève, qui a achevé la Théséide de Vienne, entamée par Barthélemy. Le Maître du Boccace lui emprunte des motifs et notamment des têtes, des gestes et des rendus de tissus. Il a sans doute rencontré Barthélemy selon Eberhard König, soit dans les années 1460, soit dès les années 1450

Cette influence s’étend dans le Val de Loire jusqu’à Bourges, où est installé Jean Colombe : celui-ci achève certains de ses manuscrits et en réalise aussi des copies, comme l’exemplaire du Mortifiement de vaine plaisance conservé à la Fondation-Martin-Bodmer à Genève.

 

Cruxifixion d’Antonello de Messine

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CrucifixionAntonello de Messine, vers 1460, musée national d’art de Roumanie

Plusieurs influences ont été décelées chez certains peintres italiens. Pour Fiorella Sricchia Santoro, le style de Barthélemy d’Eyck pourrait avoir influencé Antonello de Messine par l’intermédiaire de son maître, Colantonio. Dans son tableau de la Crucifixion conservé au musée national d’art de Roumanie, les personnages présentent, selon elle, des similitudes avec ceux de L’Annonciation d’Aix. Selon Mauro Lucco, il aurait pu aussi influencer Giovanni Bellini. Des relations auraient pu se nouer entre les deux artistes puisque René d’Anjou a lui-même reçu en cadeau un manuscrit d’une Géographie de Strabon enluminé par ce peintre. Carlo Ginzburg voit même une influence de Barthélemy sur Piero della Francesca6. Si un éventuel voyage de Barthélemy sur place pourrait expliquer ces influences, celles-ci pourraient aussi provenir des échanges de dessins et d’œuvres entre la Provence et l’Italie à l’époque. En effet, les voyageurs italiens parcourent régulièrement la région. Enfin, puisque René d’Anjou a reçu des manuscrits italiens en cadeau, il a tout à fait pu faire don en retour d’un manuscrit de son peintre favori en Italie.

Quelques œuvres espagnoles sont marquées par l’art de Barthélemy d’Eyck. Des historiens de l’art ont en effet noté la parenté entre l’art du peintre du roi René et certains retables, comme celui de la Vierge de Belen à Laredo (Cantabrie). La statue de la Vierge du retable présente de grandes similitudes avec le dessin du musée de Stockholm27. Cette influence vient peut-être de la présence de nombreux Espagnols à la cour de René d’Anjou, dont la mère, Yolande, était d’origine aragonaise.

 

Historiographie

Selon Dominique Thiébaut en 2004, « aucun peintre actif sur le sol français, n’a suscité une littérature aussi abondante et des discussions aussi passionnées, ces dernières années que le mystérieux Barthélemy d’Eyck ». L’historien Auguste Vallet de Viriville mentionne pour la première fois son existence en 1858 après avoir retrouvé sa trace dans les comptes du roi René mais sous le nom de Barthélemy de Clerc, à la suite d’une erreur de transcription. Albert Lecoy de La Marche, autre archiviste-historien, complète la connaissance sur le personnage grâce à ses travaux sur les comptes du roi René en 1875. En 1892, Paul Durrieu est le premier à attribuer des œuvres au peintre du roi René : il s’agit du Livre du cœur d’Amour épris et de la Théséide, tous deux conservés à Vienne.  Par la suite, Georges Hulin de Loo lui attribue en 1904 le triptyque d’Aix avec beaucoup de prudence, préférant dans le même temps lui forger le nom de convention de « Maître de l’Annonciation d’Aix ». À son tour très prudent, Paul Durrieu lui attribue le Livre des tournois en 1911 mais forge lui aussi un nom de convention : le « Maître du Cœur d’amour épris » ou « Maître du roi René ».  Si les noms de convention sont abondamment repris, le rapprochement avec Barthélemy d’Eyck, avancé avec beaucoup de précautions, rencontre dans un premier temps peu d’échos parmi les autres historiens d’art.

Le rapprochement entre le Maître d’Aix et le Maître du Roi René est suggéré dès 1928 par le conservateur du Louvre Louis Demonts puis par l’historien de l’art allemand Paul Wescher en 1945. C’est surtout Jacques Dupont qui effectue un rapprochement entre les petits personnages du Triptyque d’Aix et ceux du Livre du cœur d’Amour épris en 1950.  Mais là encore, ces propositions sont peu reprises et le lien n’est pas fait avec Barthélemy d’Eyck. Une autre hypothèse est avancée à la même époque : selon l’historien de l’art autrichien Otto Pächt, René d’Anjou aurait réalisé les illustrations de ses propres manuscrits et il n’y aurait selon lui pas nécessité de chercher un autre peintre derrière le Maître du roi René. Là encore, cette hypothèse rencontre peu de succès.

Barthélemy d’Eyck est remis en avant à l’occasion d’une nouvelle découverte dans les archives, faite par Charles Sterling en 1981 : sa présence est attestée à Aix en compagnie d’Enguerrand Quarton au moment de la réalisation des Heures Morgan, que François Avril avait quelques années plus tôt attribuées au Maître du roi René. En 1983, dans sa monographie consacrée à Quarton, Sterling y inclut un chapitre restituant la vie et l’œuvre de Barthélemy d’Eyck à partir des éléments documentaires et des œuvres qui sont attribuées au Maître du roi René et au Maître d’Aix. À partir de cette date, de nombreux historiens de l’art, jusque-là critiques sur le rôle de Barthélemy, lui emboîtent le pas et enrichissent le corpus de ses œuvres. Michel Laclotte et Dominique Thiébaut valident l’hypothèse dans leur ouvrage sur l’école d’Avignon, François Avril lui attribue le Livre des tournois à l’occasion de sa publication en 1986, l’historienne de l’art italienne Fiorella Sricchia Santoro accrédite, la même année, l’idée de son voyage à Naples. L’historienne autrichienne Felicitas Brachert publie la Théséide de Vienne en 1989 en lui attribuant le manuscrit, et Eberhard König fait de même en 1996 pour le Livre du cœur d’Amour épris. Il confirme aussi l’attribution des ajouts au calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. Nicole Reynaud publie de nouveaux documents sur le peintre et lui attribue encore d’autres œuvres en 1989. L’historien italien Carlo Ginzburg écrit en 1996 que « le Maître de l’Annonciation d’Aix a pu être identifié en toute certitude avec Barthélemy d’Eyck », celui-ci faisant le lien, selon lui, entre Jean Fouquet et   Piero della Francesca. Bien que de nombreux musées et expositions n’hésitent plus à donner son nom sur les cartels de ses œuvres sans point d’interrogation, cela n’empêche pas quelques historiens de l’art, de plus en plus rares comme Albert Châtelet, de s’opposer avec virulence à ces attributions.

 

Bibliographie

 

Ouvrages

François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, BNF/Flammarion, 1993, 439 p. , p. 224-237

Dominique Thiébaut (dir.), Primitifs français. Découvertes et redécouvertes : Exposition au musée du Louvre du 27 février au 17 mai 2004, Paris, RMN, 2004, 192 p.(), p. 123-141

Yves Bottineau-Fuchs, Peindre en France au xve siècle, Arles, Actes Sud, 2006, 330 p. (. 119-141

Marc-Édouard Gautier (dir.), Splendeur de l’enluminure. Le roi René et les livres, Ville d’Angers / Actes Sud, 2009, 416 p. 

 

Articles

Nicole Reynaud, « Barthélémy d’Eyck avant 1450 », Revue de l’Art, vol. 84, no 84,‎ 1989, p. 22-43

Albert Châtelet, « Pour en finir avec Barthélemy d’Eyck », Gazette des Beaux-Arts, vol. 131, no 6,‎ mai-juin 1998, p. 199-220 ()

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