ANCIEN TESTAMENT, AVENT, DEUXIEME LIVRE DE SAMUEL, EVANGILE SELON SAINT JEAN, LETTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS, NOUVEAU TESTAMENT, PSAUME 88

Dimanche 20 décembre 2020 : 4ème dimanche de l’Avent : lectures et commentaires

Dimanche 20 décembre 2020 : 4ème dimanche de l’Avent

Chagall-Annonciation

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

PREMIERE LECTURE –2 Samuel 7, 1-5. 8b-12. 14a. 16

1 Le roi David habitait enfin dans sa maison.
Le SEIGNEUR lui avait accordé la tranquillité
en le délivrant de tous les ennemis qui l’entouraient.
2 Le roi dit alors au prophète Nathan :
« Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre,
et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile ! »
3 Nathan répondit au roi :
« Tout ce que tu as l’intention de faire,
fais-le,
car le SEIGNEUR est avec toi. »
4 Mais, cette nuit-là,
la parole du SEIGNEUR fut adressée à Nathan :
5 « Va dire à mon serviteur David :
Ainsi parle le SEIGNEUR :
Est-ce toi qui me bâtiras une maison
pour que j’y habite ?
8 C’est moi qui t’ai pris au pâturage,
derrière le troupeau,
pour que tu sois le chef de mon peuple Israël.
9 J’ai été avec toi partout où tu es allé,
j’ai abattu devant toi tous tes ennemis.
Je t’ai fait un nom aussi grand
que celui des plus grands de la terre.
10 Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël,
je l’y planterai, il s’y établira
et ne tremblera plus,
et les méchants ne viendront plus l’humilier,
11 comme ils l’ont fait autrefois
depuis le jour où j’ai institué des Juges
pour conduire mon peuple Israël.
Oui, je t’ai accordé la tranquillité
en te délivrant de tous tes ennemis.
Le SEIGNEUR t’annonce
qu’il te fera lui-même une maison.
12 Quand tes jours seront accomplis
et que tu reposeras auprès de tes pères,
je te susciterai dans ta descendance un successeur,
qui naîtra de toi,
et je rendrai stable sa royauté.
14 Moi, je serai pour lui un père ;
et lui sera pour moi un fils.
16 Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi,
ton trône sera stable pour toujours. »

PREMIERE SURPRISE : LE REFUS DE DIEU
Le roi David avait un projet : construire un temple à Jérusalem pour abriter l’Arche d’Alliance. A première vue, son intention était des plus louables ! Et donc, dans un premier temps, le prophète Nathan consulté lui répond : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le SEIGNEUR est avec toi ».
Mais la nuit porte conseil, même aux prophètes. Cette nuit-là, Dieu vient dire à Nathan ce qu’il pense, lui Dieu, de ce projet ; et tout bascule. La réponse de Nathan tient en deux points : d’abord un refus, puis une promesse. Commençons par le refus : il est assez surprenant, il faut bien le dire, « Est-ce toi qui me bâtiras une maison ? » : en bon hébreu, c’est un NON catégorique : « Non, toi, David, tu ne me bâtiras pas une maison. » Pour cela trois arguments très clairs : premièrement, je ne t’ai rien demandé. Deuxièmement, croistu que je suis un Dieu qu’on peut installer, fixer quelque part ? Troisièmement, ne cherche pas à renverser les rôles : entre Dieu et David, comme toujours entre Dieu et l’homme, celui qui est en position de bienfaiteur, c’est Dieu. Rappelle-toi les bienfaits de Dieu à ton égard.
Je reprends ces trois arguments du prophète, l’un après l’autre.
Premièrement, je ne t’ai rien demandé : Dieu n’attend pas le moins du monde que David lui bâtisse une maison. Simple tente ou palais princier, nos constructions n’ajoutent rien à la grandeur de Dieu.
D’autre part, le projet de Dieu n’est pas du tout un temple de pierre : sa volonté va beaucoup plus loin que des constructions matérielles ; ce qu’il veut, c’est établir durablement son peuple ; il le redit encore par l’intermédiaire de Nathan : « Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai, il s’y établira, il ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l’humilier… » C’est le peuple (et non le roi) qui est au centre du projet de Dieu. Et si Dieu protège le roi, c’est au bénéfice du peuple ; il le redit ici à David : « Je t’ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre… Je t’ai accordé la tranquillité en te délivrant de tous tes ennemis », mais il précise bien que c’est au profit du peuple : il suffit de noter la triple reprise de l’expression « mon peuple Israël » (aux versets 8 à 11).
Deuxièmement, crois-tu que je suis un Dieu qu’on peut installer, fixer quelque part ? Depuis le Sinaï, l’arche d’Alliance a toujours été abritée sous une simple tente de nomade et elle a accompagné le peuple dans tous ses déplacements ; comme un signe visible de la présence permanente de Dieu au milieu de son peuple. Et, depuis l’installation du peuple sur sa terre, cet état de choses n’a pas été remis en question ; (dans d’autres versets qui ne font pas partie de la liturgie de ce dimanche) Dieu envoie Nathan dire à David : « Je ne me suis pas installé dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Egypte les fils d’Israël : je cheminais sous une tente… je n’ai jamais réclamé qu’on me construise une maison. » (versets 6-7). Plus tard, ce sera très important de ne pas oublier que, quoi qu’il arrive, Dieu est toujours au milieu de son peuple, même dans les périodes où le temple est détruit, et même encore lorsque le peuple est loin de Jérusalem. (Je veux parler de l’Exil, bien sûr).
Troisièmement, ne cherche pas à renverser les rôles : entre Dieu et David, comme toujours entre Dieu et l’homme, celui qui est en position de bienfaiteur, c’est Dieu. On pourrait traduire : mon ami David, il ne faut pas te tromper : Dieu seul construit, Dieu seul fait vivre. « Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ?… C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé : j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. » Autrement dit, c’est David qui est dans la main de Dieu et non l’inverse.
DEUXIEME SURPRISE : LA PROMESSE DE DIEU
Voilà donc pour le refus. Ensuite vient la promesse : elle est double d’ailleurs ; encore une fois la reprise de l’antique promesse de la terre, mais surtout une nouvelle promesse, c’est celle qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui : c’est moi, dit Dieu qui te bâtirai une maison. Evidemment, vous n’imaginez pas Dieu avec une truelle à la main ; l’hébreu comme le français permet un jeu de mots : la maison, c’est l’habitation (la maison familiale ou le palais du roi ou le temple de Dieu), mais on peut dire aussi la maison royale dans le sens de descendance (comme on dit la maison royale de Belgique ou d’Angleterre, par exemple). Dieu dit : Non, tu ne me bâtiras pas une maison (au sens d’habitation), c’est moi, Dieu, qui te bâtirai une maison (au sens de dynastie) : « Le SEIGNEUR t’annonce qu’il te fera lui-même une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté… Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »
Dans un premier temps, David a entendu dans ces paroles la promesse d’une dynastie et de la consolidation de son royaume. De même que Dieu a choisi un peuple, et qu’il lui a assigné une terre et une ville, il a choisi une dynastie royale pour régner dans cette ville et gouverner son peuple.
Dans un deuxième temps, c’est à cause de cette promesse qu’on a commencé à attendre un Messie. « Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi » a dit Dieu. On en déduit que l’on peut compter sur le soutien indéfectible de Dieu à la dynastie qu’il a choisie ; de là est née l’espérance d’Israël ; depuis ce jour, pour entretenir l’espérance on se répète en Israël ce mot « toujours ».
Encore aujourd’hui le peuple juif l’attend parce qu’il sait que Dieu est fidèle.
———————
Complément
« Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. » (verset 14). C’était une formule d’alliance, employée par le suzerain envers son vassal. Elle était prononcée sur le roi le jour de son sacre, d’où le titre de Fils de Dieu porté par le roi. (cf infra, le commentaire du psaume 88/89). Au cours de l’histoire biblique, grâce à la Révélation, le peuple d’Israël, dès l’Ancien Testament, a découvert que la relation de l’homme à Dieu n’était pas celle d’un vassal à son suzerain mais que le peuple des croyants peut dire en vérité « Notre Père ».

PSAUME – 88 (89), 2-3, 4-5. 27.29

2 L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante ;
ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
3 Je le dis : c’est un amour bâti pour toujours ;
ta fidélité est plus stable que les cieux.
4 Avec mon élu, j’ai fait une alliance,
j’ai juré à David, mon serviteur :
5 j’établirai ta dynastie pour toujours,
je te bâtis un trône pour la suite des âges.

27 Il me dira : « Tu es mon Père,
mon Dieu, mon roc et mon salut ! »
29 Sans fin je lui garderai mon amour,
mon alliance avec lui sera fidèle.

L’ALLIANCE DE DIEU AVEC LA DYNASTIE DE DAVID
Dès le début de ce psaume, nous reconnaissons la promesse faite par Dieu à David : « J’établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges. » Vous vous rappelez l’histoire : quand David, plein de bonnes intentions, a proposé de construire pour Dieu un temple aussi beau ou même encore plus beau que son propre château, curieusement, Dieu ne semblait pas du tout intéressé par cette proposition ; par l’intermédiaire du prophète Natan, il a fait une contre-proposition avec ce jeu de mots sur le mot « maison » que l’hébreu permet aussi bien que le français : tu veux me construire une « maison » pour que j’y habite, a dit Dieu, mais ce n’est pas cela qui m’intéresse… C’est moi qui te bâtirai une « maison », au sens de famille royale, de dynastie.
Et c’est Dieu qui prenait l’initiative et qui parlait d’Alliance : « Avec mon élu, j’ai fait une alliance, j’ai juré à David mon serviteur ». Si on y réfléchit, il y a là une grande audace théologique : Dieu est engagé par serment. « J’ai juré à David mon serviteur ».
Cette alliance entre Dieu et David s’exprime dans les mêmes termes que les traités de l’époque entre un suzerain et son vassal : « Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut ! Et moi, j’en ferai mon fils aîné » : c’est la reprise exacte de la promesse de Dieu par l’intermédiaire du prophète Natan : « Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils, dit Dieu » ; ici « père » veut dire « suzerain », et « fils » veut dire « vassal ». On ne rêve pas encore d’autre relation à Dieu que celle-là ; mais c’est déjà l’assurance de la fidélité sans faille d’un tel suzerain.
Encore un mot sur le titre « fils de Dieu » : primitivement, il était donc seulement synonyme de roi ; c’est le jour de son sacre que le roi le recevait officiellement ; le psaume 2 en porte la trace quand il rapporte la phrase qui était prononcée sur le roi par le prophète le jour du sacre : « Tu es mon fils, aujourd’hui, je t’ai engendré ».
Je reviens sur l’expression « J’ai juré à David mon serviteur ». En quoi David est-il le serviteur de Dieu ? Est-il au service de la gloire de Dieu ? Pas du tout. David est au service du peuple de Dieu : c’est l’une des très grandes insistances de tous les textes sur la royauté dans la Bible.
Il suffit de lire la très belle prière que David a formulée après la visite du prophète Natan. Dans le deuxième livre de Samuel, c’est la suite du texte que nous lisons aujourd’hui. Clairement, David avait compris que l’Alliance proposée par Dieu était bien plus profonde, bien plus belle que ce que nous aurions imaginé ; David faisait des rêves de grandeur à l’échelle humaine : un trône stable, durable, une dynastie à perte de vue… Dieu voit bien plus loin, bien plus grand : David proposait un temple grandiose : « Je vais bâtir une maison digne de toi, je vais te rendre gloire »… Dieu répond : « moi, je vais faire ton bonheur et le bonheur de mon peuple »…
Au fond, c’est toujours pareil ; c’est l’homme qui parle de grandeur, alors que Dieu parle de bonheur ! L’Alliance proposée par Dieu est une alliance pour le bonheur du peuple. Car le véritable bénéficiaire de la promesse de Dieu, on l’a déjà dit, ce n’était pas le roi lui-même, c’était le peuple.
Vous savez la suite : David n’a pas bâti de temple, il s’est contenté d’abriter l’Arche d’Alliance sous une toile de tente comme pendant la longue marche de l’Exode. Mais il a surtout compris une autre leçon, beaucoup plus importante : c’est que le roi n’est que le serviteur du peuple de Dieu.
PEUT-ON ENCORE Y CROIRE ?
Tous les versets que nous avons entendus aujourd’hui insistent donc sur cette promesse de Dieu au roi David ; mais, soyons francs, si, dans ce psaume, on rappelle avec tant de vigueur la promesse, c’est qu’on est en grand danger de ne plus y croire ! Effectivement, après la période de royauté prospère de David, puis Salomon, la Bible raconte que sont venus des jours moins glorieux.
En particulier, pendant l’Exil à Babylone : on avait tout perdu, la terre, le temple, la royauté… quant au peuple, il n’était plus qu’un petit reste… On pouvait bien se demander ce qui subsistait des promesses de Dieu. Pour le dire autrement, que pouvait bien signifier cette promesse faite à David au moment même où on était privé de roi et où le peuple n’était plus qu’un groupe de prisonniers loin de sa terre ? Dans la suite de ce psaume qui est très long, de nombreux versets sont effectivement des rappels de la détresse du peuple pendant l’Exil à Babylone.
Mais n’oublions pas que le peuple de la Bible est croyant ! Et voilà la merveille de la foi : justement parce qu’on avait apparemment tout perdu, sauf la foi, on a relu les vieilles promesses. « J’établirai ta dynastie pour toujours » : dans la foi, on ne peut pas douter de la promesse de Dieu ; forcément elle s’accomplira ; Dieu n’a certainement pas promis cela à la légère… donc, au moment même où il n’y a plus de roi sur le trône de Jérusalem, on continue à espérer : la dynastie de David ne peut pas s’éteindre ; il peut y avoir des jours sombres parce que la promesse de Dieu était assortie d’une condition de fidélité de la part du roi. Or les rois les uns après les autres ont manqué à leurs engagements envers Dieu et envers le peuple. C’est comme cela qu’on explique l’Exil à Babylone. Mais on est convaincus que la promesse de Dieu reste valable : il suffit que l’on retrouve le chemin de la fidélité.
Par conséquent, malgré toutes les apparences contraires, on attend un nouveau roi descendant de David. C’est comme cela qu’est née l’attente du Messie Et le mot « toujours » a pris alors la dimension d’une espérance invincible. On attend, on attendra aussi longtemps qu’il le faudra : le roi idéal promis par Dieu viendra. C’est ce qui a inspiré la fameuse profession de foi de Maïmonide (12ème siècle) : « Je crois d’une foi parfaite en la venue du Messie et, même s’il tarde à venir, je l’attendrai jusqu’au jour où il viendra »
———————–
Complément
Pour qui a la curiosité de ne pas se contenter des versets d’aujourd’hui mais de lire ce psaume en entier dans la Bible, il y a de quoi être surpris ! Il y a de tout dans ce psaume : la confiance tranquille pour commencer « L’amour du Seigneur, à jamais je le chante, et sa fidélité d’âge en âge ; je le dis, c’est un amour bâti pour toujours »… et puis une hymne au Dieu de l’univers « C’est toi qui maîtrises l’orgueil de la mer, quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises ». Car le seul vrai roi sur la terre, on le sait bien, c’est Dieu lui-même.
Mais il y a aussi des cris et des larmes : « Où donc, Seigneur, est ton premier amour, celui que tu jurais à David sur ta foi ? » (verset 50) ; ce qui veut dire qu’on est dans une période où le danger est grand de douter de l’amour de Dieu. Comme s’il avait rompu des fiançailles…
Il y a même presque un procès avec l’accumulation de tous les griefs que le peuple pourrait avoir à l’égard de Dieu : « Tu as méprisé, rejeté ton serviteur ; tu t’es emporté contre ton messie ; tu as jeté à terre et profané sa couronne… tu as brisé l’alliance… tu as mis en joie tous nos ennemis… tu as déversé sur nous la honte… » Et cette litanie se termine par « Combien de temps laisseras-tu flamber le feu de ta colère ? » Cette partie-là du psaume au moins a donc certainement été écrite à partir de l’expérience de l’Exil à Babylone.

DEUXIEME LECTURE – Romains 16, 25-27

25 A Celui qui peut vous rendre forts
selon mon Evangile qui proclame Jésus-Christ :
révélation d’un mystère
gardé depuis toujours dans le silence,
26 mystère maintenant manifesté
au moyen des écrits prophétiques,
selon l’ordre du Dieu éternel,
mystère porté à la connaissance de toutes les nations
pour les amener à l’obéissance de la foi,
27 à Celui qui est le seul sage, Dieu, par Jésus Christ
à lui la gloire pour les siècles. Amen.

LE GRAND PROJET DE DIEU AU BENEFICE DE TOUTE L’HUMANITE
Nous venons de lire les derniers mots de la lettre aux Romains, la conclusion de cette longue épître très dense, de seize chapitres ; rien d’étonnant donc à ce qu’on y trouve une finale très solennelle. Ici, comme dans le texte grec, ces trois versets ne forment qu’une seule phrase : Paul trace à grands traits toute la fresque de l’histoire humaine dans laquelle se déroule le projet de Dieu. Car c’est le noyau, le thème central de la lettre et aussi de toute la théologie de Paul : ce fameux « dessein bienveillant », conçu depuis toute éternité, révélé progressivement aux hommes, pour le bonheur de l’humanité tout entière.
L’expression « pour les conduire à l’obéissance de la foi » nous surprend peut-être ; en fait, la formule « l’obéissance de la foi » est très biblique dans la forme comme dans le fond ; dans la forme c’est tout simplement un pléonasme : la foi est synonyme d’obéissance, mais au très beau sens du mot « obéissance » dans la Bible, qui veut dire « confiance ». Dans le verbe « Ob-audire », il y a le mot « audire » (écouter) ; dans la Bible, obéir, c’est écouter amoureusement, parce qu’on vit dans la confiance ; c’est tout simplement avoir la foi. « Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? » (Ps 94/95) signifie « Aujourd’hui ferez-vous confiance à Dieu ? » Et d’ailleurs, l’expression grecque traduite ici par « obéissance de la foi » signifie en réalité « l’obéissance qu’est la foi ». C’est un thème qui revient tout le temps dans la Bible, y compris dans la fameuse profession de foi juive « Shema Israël » (Ecoute Israël, Dt 6,4) : « Ecoute », c’est-à-dire, fais confiance ; n’oublie jamais que Dieu t’a libéré et te veut libre toujours ; c’est pourquoi tu peux faire confiance et obéir ; c’est la même chose.
L’ENTREE DES NATIONS PAIENNES DANS LA FOI
Il s’agit donc de conduire à l’obéissance de la foi (c’est-à-dire à la foi tout court, à la confiance) toutes les nations païennes ; voilà encore un thème biblique : le projet de Dieu est universel. On dit souvent que Paul est l’apôtre des nations païennes, mais bien avant lui, l’Ancien Testament affirmait que le salut de Dieu concerne l’humanité tout entière. Ce fut, grâce à la Révélation, bien sûr, l’une des grandes avancées de la pensée biblique, surtout après l’Exil à Babylone ; par exemple, chez Isaïe : « Ma Maison sera appelée Maison de prière pour tous les peuples » (Is 56,7) ; ou dès avant l’Exil, chez Jérémie : « Moi, le SEIGNEUR, je suis le Dieu de toute chair » (Jr 32,27), et Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute chair » (Jl 3,1).
Une fois acquise cette conviction que le projet de Dieu est universel, c’est-à-dire qu’il concerne l’humanité tout entière, et pas seulement un peuple privilégié, alors on a relu dans ce sens la fameuse Parole de Dieu à Abraham « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12)
S’il a fallu le répéter si fort et si souvent, c’est bien parce qu’on avait tendance à l’oublier, peut-être ; mais ne jugeons personne : aujourd’hui encore ce rappel n’est sans doute pas inutile aux Chrétiens que nous sommes. Saint Paul s’inscrit donc tout à fait dans la même ligne : « Toutes les nations sont associées au même héritage. » (Ep 3, 6). Dernière remarque sur ce point : Que les païens soient admis au même héritage, encore une fois, l’Ancien Testament l’avait déjà dit ; ce qui est nouveau ici, bien sûr, c’est la référence à Jésus-Christ : « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. » Paul appelle cela la révélation du mystère et il emploie ici un mot que nous connaissons bien : « apocalypse » ce qui veut dire littéralement « dévoilement ».
DIEU SE FAIT TOUT PROCHE POUR NOUS REVELER SON PROJET
La grande découverte de l’Ancien Testament c’est que le Dieu Tout-Autre se fait le Tout-Proche : parce qu’il est le Tout-Autre, son projet n’est pas à la portée de notre intelligence humaine ; mais parce qu’il se fait Tout-Proche, il nous le révèle, il nous le dévoile, ou plus exactement, il nous invite à y entrer, à y participer. Paul est bien l’héritier de toute la méditation biblique ; il s’émerveille devant le Dieu Tout-Autre : dans cette même lettre aux Romains, il s’est écrié : « O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! Qui en effet a connu la pensée du Seigneur ? Ou bien qui a été son conseiller ?1… Car tout est de lui, et par lui, et pour lui. A lui la gloire éternellement. Amen. » (Rm 11,33-36).
Il s’émerveille aussi devant le Dieu qui se fait proche au point de nous faire entrer dans son mystère. « Oui, voilà le mystère qui est maintenant révélé ; il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd’hui il est manifesté. Par ordre du Dieu éternel, et grâce aux écrits des prophètes, ce mystère est porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi ». Il le dit ici, mais également dans sa première lettre aux Corinthiens : « Ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. » (1 Co 2,7). Un peu plus tard, la lettre aux Colossiens le dira dans une formule lapidaire : « Le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés » (Col 1,26).
Quand Paul écrit : « Le mystère est maintenant manifesté », il parle des temps nouveaux inaugurés par la venue du Christ. Il divise l’histoire humaine en deux temps : avant et après la venue du Christ ; le mystère de Dieu se déploie sur l’ensemble de l’histoire, mais avant il ne se dévoilait que partiellement, progressivement ; désormais, en Jésus-Christ, il est pleinement dévoilé ; il ne nous reste plus qu’à ouvrir les yeux.
Et là encore, nous retrouvons le génie de la construction de Paul : il termine sa lettre par là où il avait commencé (on a là une inclusion ou un parallèle, si vous préférez) ; rappelez-vous les premières lignes de sa lettre : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer la Bonne Nouvelle de Dieu. Cet évangile, que Dieu avait déjà promis par ses prophètes dans les Ecritures saintes, concerne son Fils, issu selon la chair de la lignée de David, établi selon l’Esprit-Saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection  d’entre les morts : Jésus Christ Notre Seigneur » (Rm 1,2-3).
————————
Note : « Qui en effet a connu la pensée du Seigneur ? Ou bien qui a été son conseiller ? » (citation d’Is 40,13)

EVANGILE selon saint Luc 1, 26 – 38

26 En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu
dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,
27 à une jeune fille vierge,
accordée en mariage à un homme de la maison de David,
appelé Joseph ;
et le nom de la jeune fille était Marie.
28 L’Ange entra chez elle et dit :
« Je te salue, comblée-de-grâce,
le Seigneur est avec toi. »
29 A cette parole, elle fut toute bouleversée,
et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
30 L’Ange lui dit alors :
« Sois sans crainte, Marie,
car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
31 Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils,
et tu lui donneras le nom de Jésus.
32 Il sera grand,
il sera appelé Fils du Très-Haut ;
le Seigneur Dieu
lui donnera le trône de David son père ;
33 il règnera pour toujours sur la maison de Jacob,
et son règne n’aura pas de fin. »
34 Marie dit à l’Ange :
« Comment cela va-t-il se faire,
puisque je ne connais pas d’homme ? »
35 L’Ange lui répondit :
« L’Esprit-Saint viendra sur toi,
et la puissance du Très-haut
te prendra sous son ombre ;
c’est pourquoi celui qui va naître sera saint,
il sera appelé Fils de Dieu.
36 Or voici que, dans sa vieillesse, Elisabeth, ta parente,
a conçu, elle aussi, un fils
et en est à son sixième mois,
alors qu’on l’appelait « la femme stérile ».
37 Car rien n’est impossible à Dieu. »
38 Marie dit alors :
« Voici la servante du Seigneur ;
que tout m’advienne selon ta parole. »
Alors l’Ange la quitta.

 L’HEURE DE L’INCARNATION A SONNE
Jusqu’ici personne n’avait entendu parler de Nazareth ! Petit village sans importance d’une province assez mal vue des autorités de Jérusalem ; et pourtant c’est là que l’Ange Gabriel est allé décerner à une toute jeune fille le plus haut compliment qu’une femme ait jamais reçu : « Comblée-de-grâce » ; c’est-à-dire toute baignée de la grâce de Dieu, sans ombre.
Pas étonnant qu’à la fin de la rencontre, celle qui était si bien accordée au projet de Dieu ait répondu spontanément : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Entre ces deux phrases, l’histoire humaine a basculé : l’heure de l’Incarnation a sonné. Désormais, plus rien ne sera jamais comme avant. Toutes les promesses de l’Ancien Testament trouvent ici leur accomplissement. Chacune des paroles de l’Ange vient évoquer ces promesses et détailler l’une des facettes de l’attente du Messie telle qu’elle se développait depuis des siècles.
Tout d’abord, on attendait un roi descendant de David : or ici, on entend un écho de la promesse faite à David par le prophète Natan que nous entendons en première lecture ce dimanche (2 S 7). C’est à partir de cette fameuse promesse que s’est développée toute l’attente messianique. Or ici, c’est le centre des paroles de l’ange Gabriel : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la Maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »1 (versets 32-33). Autre titre : « Il sera appelé Fils du Très-Haut » : en langage biblique, cela veut dire « roi » ; en écho à la promesse que Dieu avait faite à David, chaque nouveau roi recevait le jour de son sacre le titre de Fils de Dieu.
Marie a tout compris, mais elle se permet de rappeler à l’Ange qu’elle est encore une jeune fille et que donc elle ne peut normalement pas concevoir d’enfant. Ce à quoi l’Ange apporte la réponse que nous connaissons, mais qui, elle aussi, évoque d’autres promesses messianiques, tout en les dépassant infiniment : « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint. » On savait que le Messie serait investi de la puissance de l’Esprit-Saint pour accomplir sa mission de salut ; Isaïe, par exemple, avait dit : « Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines, sur lui reposera l’Esprit du SEIGNEUR » (Is 11,1-2). Mais l’annonce de l’Ange, ici, va beaucoup plus loin : car l’enfant ainsi conçu sera réellement Fils de Dieu : « celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu ».
LE FILS DE DIEU
Visiblement, saint Luc insiste sur le fait que cet enfant n’a pas de père humain, il est « Fils de Dieu » ; deux preuves dans ce texte : premièrement la remarque de la Vierge « je ne connais pas d’homme » ce qui veut dire « Je suis vierge ». Deuxièmement, la formule « Tu lui donneras le nom de Jésus » est adressée à la mère, ce qui est tout à fait inhabituel et ne s’explique que s’il n’y a pas de père humain : d’habitude, c’était le père qui donnait le nom à l’enfant. Par exemple, on se souvient que, au moment de la naissance de Jean-Baptiste, les proches demandaient à Zacharie, pourtant muet, et non à Elisabeth, de décider du nom de l’enfant.
L’expression « La puissance du Très-haut te pren
dra sous son ombre » fait penser à une nouvelle création : on pense évidemment à cette phrase du livre de la Genèse « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux » (Gn 1,2). Cette présence privilégiée de Dieu sur le Christ est encore suggérée par l’évocation de « l’ombre du Très-Haut » ; déjà elle était le signe de la Présence de Dieu au-dessus de la Tente de la Rencontre, pendant la marche de l’Exode ; le jour de la Transfiguration, la même nuée, la même ombre désignera le Fils de Dieu : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai élu, Ecoutez-le ! »

 Face à toutes ces annonces de l’Ange, la réponse de la Vierge est d’une simplicité extraordinaire ! On peut dire qu’on a là un bel exemple « d’obéissance de la foi », comme dit Paul, c’est-à-dire de confiance totale. Elle reprend le mot de tous les grands croyants depuis Abraham : « Me voici » ; Marie répond tout simplement : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Le mot « servante » n’évoque pas ici la servilité, mais la libre disponibilité au projet de Dieu. Il suffit de dire « Oui », car « Rien n’est impossible à Dieu ».
Grâce à ce « oui » de la jeune fille de Nazareth, « Le Verbe se fait chair et il vient habiter parmi nous » ; on entend ici résonner la lumineuse promesse de Sophonie qui annonçait la venue de Dieu au milieu de son peuple : « Pousse des cris de joie, fille de Sion2 ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem !… Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. » (So 3,14-15).
Mais tout est encore plus beau que ce que l’on avait pu imaginer. Marie n’aura pas trop de toute sa vie, sûrement, pour « méditer toutes ces choses dans son cœur  ».
———————–
Notes
1 – « Son règne n’aura pas de fin » : cette phrase évoque également les paroles du prophète Daniel sur le « fils d’homme » qui devait recevoir une royauté éternelle.
2 – En hébreu, « fille de Sion » désigne Sion, c’est-à-dire le peuple de Dieu (et non pas une femme précise). La promesse de Sophonie s’adressait à ses contemporains. Plus tard, les Chrétiens ont considéré que cette parole s’appliquait particulièrement bien à Marie.

ANCIEN TESTAMENT, DEUXIEME LIVRE DES ROIS, EVANGILE SELON MATTHIEU, LETTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS, NOUVEAU TESTAMENT, PSAUME 88

Dimanche 28 juin 2020 : 13ème dimanche du Temps Ordinaire : lectures et commentaires

Dimanche 28 juin 2020 :

13ème dimanche du Temps Ordinaire

DDtjJkUXkAECZEt

 

Commentaires de Marie-Noëlle Thabut,

1ère lecture

Psaume

2ème lecture

Evangile

 

PREMIERE LECTURE – Livre du deuxième livre des rois 4, 8 – 11. 14 – 16a

8 Un jour, le prophète Elisée passait à Sunam ;
une femme riche de ce pays
insista pour qu’il vienne manger chez elle.
Depuis, chaque fois qu’il passait par là,
il allait manger chez elle.
9 Elle dit à son mari :
« Ecoute, je sais que celui qui s’arrête toujours chez nous
est un saint homme de Dieu.
10 Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ;
nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe,
et quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »
11 Le jour où il revint,
il se retira dans cette chambre pour y coucher.
14 Puis il dit à son serviteur :
« Que peut-on faire pour cette femme ? »
Le serviteur répondit :
« Hélas, elle n’a pas de fils,
et son mari est âgé. »
15 Elisée lui dit :
« Appelle-la. »
Le serviteur l’appela et elle se présenta à la porte.
16 Elisée lui dit :
« A cette même époque,
au temps fixé pour la naissance,
tu tiendras un fils dans tes bras. »

Cela se passe donc à Sunam, qui est un petit village du royaume du Nord ; Elisée est au début de sa carrière, vers 850 av. J.C. Et il va s’instaurer entre l’homme de Dieu, Elisée, et cette famille, une relation forte et durable d’amitié. Evidemment, on peut se demander pourquoi les auteurs bibliques s’intéressent de si près à l’histoire d’une famille de Sunam ; ce n’est certainement pas uniquement pour l’anecdote. Aucun livre de la Bible n’est écrit dans le seul but de nous donner des connaissances historiques ! Les auteurs ont toujours un but théologique qui est de nous faire connaître et vivre la proposition d’Alliance de Dieu.
Et ce qui intéresse l’auteur du livre des Rois, ici, c’est qu’il voit dans la longue Alliance entre le prophète Elisée et la famille de Sunam une image de l’Alliance entre Dieu et le peuple d’Israël ; mais commençons par lire l’histoire de cette famille de Sunam et de son amitié avec le prophète Elisée.
Elle se déroule en quatre actes ; ce dimanche, nous lisons seulement le premier épisode.
Le premier acte, c’est donc la promesse d’un enfant pour une femme stérile ; à vues humaines, il n’y avait certainement plus d’espoir de grossesse pour cette femme puisqu’elle ne prend pas la promesse au sérieux ; elle semble même reprocher au prophète de remuer le couteau dans la plaie en la berçant d’illusions ; nous avons entendu la promesse d’Elisée « L’an prochain, à cette même époque, tu tiendras un enfant dans tes bras »… mais nous n’avons pas entendu la réponse de la Sunamite, la voici : « Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante ». Ce qui prouve que, même si elle considère Elisée comme un homme de Dieu, elle n’est pas crédule pour autant.
Sa réaction fait irrésistiblement penser, bien sûr, à celle de Sara, la femme d’Abraham, au chêne de Mambré. Elle aussi stérile, recevant, elle aussi, une promesse de naissance, elle avait trouvé cette affirmation si saugrenue, vu son âge, qu’elle s’était mise à rire… Et son fils, Isaac, s’appelle justement « l’enfant du rire ». Notre Sunamite ne rit pas, mais elle ne prend pas plus au sérieux la promesse d’Elisée ; et elle lui rappelle gentiment que lui, homme de Dieu, ne peut pas se permettre de mentir… Mais l’année suivante, le bébé était là.
Deuxième acte, quelques années passent, l’enfant grandit, mais un jour qu’il a accompagné son père aux champs pour la moisson, il est pris d’un violent mal de tête, peut-être une insolation, et quelques heures après, il meurt sur les genoux de sa maman. Elle ne perd pas la tête, elle dépose l’enfant sur le lit du prophète, et elle court le chercher. Elle ne prévient même pas son mari : inutile de l’affoler puisque, de toute manière, d’ici peu, l’enfant sera debout ! On a envie de dire « C’est beau la foi »… Elle se précipite donc chez Elisée ; et la première chose qu’elle lui dit, c’est : « Quand tu m’as promis cet enfant, je ne t’avais rien demandé, à tel point, rappelle-toi, que je ne pouvais pas y croire ; et je t’avais dit « Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne dis pas de mensonge à ta servante ». Sous-entendu, « Tu ne m’as pas donné cet enfant, que je ne te demandais pas, pour me le reprendre ! »… Et vous connaissez la suite, Elisée ressuscite l’enfant (2 R 4, 18-37).
Troisième acte, quelques années passent encore, et fidèle à cette amitié, Elisée va sauver, une fois de plus, la famille de la Sunamite ; il la prévient de la famine imminente : « Elisée parla à la femme dont il avait fait revivre le fils et dit : ‘Lève-toi, pars, toi et ta famille, émigre où tu pourras, car le Seigneur a appelé la famine et même elle vient sur le pays pour sept ans ». Et la suite nous apprend qu’elle écoute le conseil et s’exile pour sept ans au pays des Philistins.
Seulement voilà « qui va à la chasse perd sa place » ; quand la petite famille revient, ses biens, qui n’étaient pas minces, puisqu’on disait qu’elle était riche, sa maison et son champ ont été réquisitionnés par les officiers du roi (c’était la règle, d’ailleurs). C’est encore l’intervention d’Elisée qui la fait rentrer en possession de sa terre, et c’est le quatrième acte (2 R 8).
Voici donc l’histoire d’Elisée et de la famille sunamite. Mais quelle leçon l’auteur biblique en tire-t-il à notre profit ? Je vous l’ai dit, il considère cette histoire comme symbolique de l’Alliance entre Dieu et son peuple, Israël ; le prophète étant l’image de Dieu. On peut relever au moins cinq traits : d’abord, la durée de cette histoire dit la fidélité de Dieu que même l’incrédulité ne rebute pas. Ensuite, la sollicitude sans faille de l’homme de Dieu pour son hôtesse dit la sollicitude constante de Dieu pour son peuple. Et cette sollicitude va jusqu’à vouloir habiter au milieu de son peuple, comme Elisée accepte de s’installer dans la chambre sur la terrasse ; (rappelez-vous toute l’histoire de la construction du Temple de Salomon : Dieu habite au milieu de son peuple). Plus tard, ce souci d’Elisée de redonner à la femme ses biens évoquent la promesse de Dieu de redonner à Israël sa terre ; or, vous savez qu’on pense généralement que le livre des Rois date de la période de l’Exil à Babylone : un moment où il est essentiel de relire l’histoire et de s’appuyer sur les promesses de Dieu. Enfin, la promesse de la naissance et la résurrection de l’enfant sont le signe que Dieu est le Dieu de la vie.
Quant à la femme, son attitude nous est donnée en modèle ; un modèle finalement bien simple à suivre : « accueillir le prophète en sa qualité de prophète », comme dira plus tard Jésus (Mt 10, 41, notre évangile de ce dimanche) et faire une confiance si totale qu’on ose parler du fond de son coeur, y compris pour dire ses besoins et sa révolte. Heureuse la femme de Sunam qui a su reconnaître en Elisée un « saint homme de Dieu » ; mais au fait, nous savons désormais que Dieu habite le coeur de tout homme ; à nous de savoir l’y reconnaître et d’accueillir tout homme en conséquence.

 

PSAUME – 88 (89)

2 L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante
ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
3 Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ;
ta fidélité est plus stable que les cieux.

16 Heureux le peuple qui connaît l’ovation !
SEIGNEUR, il marche à la lumière de ta face ;
17 tout le jour, à ton nom il danse de joie,
fier de ton juste pouvoir.

18 Tu es sa force éclatante ;
ta grâce accroît notre vigueur.
19 Oui, notre roi est au SEIGNEUR ;
notre bouclier, au Dieu saint d’Israël

La première lecture de ce dimanche nous faisait entendre le récit de la longue amitié qui s’était nouée au fil des ans entre une famille de Galilée et le prophète Elisée, l’homme de Dieu, comme on disait. A travers cette histoire d’une belle relation humaine, nous étions invités à méditer sur l’Alliance éternelle entre Dieu et son peuple, et plus largement, l’Alliance entre Dieu et l’humanité tout entière : « L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux ».

Ceci dit, nous savons tous que cette merveilleuse histoire d’amour entre Dieu et les hommes ne ressemble pas toujours à un chemin parsemé de roses ! Nous avons entendu ici quelques versets seulement du psaume 88/89 (qui en comporte en fait cinquante-trois) et tout a l’air si simple ! Apparemment, c’est l’euphorie ; mais justement c’est cette facilité qui doit nous mettre la puce à l’oreille ; nous l’avons appris avec les prophètes : plus un passage parle de lumière, de victoire, plus on devine qu’il a été écrit en période sombre, en temps de défaite.
Ici, les premiers mots du psaume, ce sont l’amour et la fidélité du Seigneur : autant dire tout de suite qu’il était urgent d’y croire si on ne voulait pas sombrer dans le découragement. Et si vous ne me croyez pas, allez voir dans vos Bibles le verset 50 : « Où donc est, Seigneur, ton premier amour, celui que tu jurais à David sur ta foi ? » Ce qu’on semble affirmer si fort, dans les autres versets, en réalité, on craint bien de l’avoir perdu…
Deuxième remarque préliminaire : dans la Bible, l’ensemble des psaumes est composé de cinq livres dont chacun se termine par une formule de bénédiction ; ce psaume 88/89 est le dernier du troisième livre et son dernier verset est « Béni soit le SEIGNEUR pour toujours ! Amen ! Amen ! » Mais c’est l’ensemble de ce psaume qui a un caractère de conclusion ou plutôt de synthèse : écrit très probablement pendant l’Exil à Babylone, il brosse en fait la fresque de l’histoire d’Israël : les commencements de l’Alliance, les promesses faites à David, l’attente du Messie et maintenant l’Exil, c’est-à-dire l’écroulement : plus de roi à Jérusalem, plus d’héritier royal, donc pas de Messie… Dieu aurait-il oublié ses promesses ? « Où donc est, Seigneur, ton premier amour ? »
Ces deux remarques pour dire tout de suite qu’en chantant les quelques versets de ce dimanche, il ne faut pas oublier tout le reste du psaume, sous peine de le défigurer. Mais venons-en aux versets proposés pour la messe de ce treizième dimanche ; et puisqu’ils sont courts, profitons-en pour les regarder d’un peu plus près ; souvent, ces dernières semaines, nous nous sommes émerveillés de la richesse du contenu des psaumes et nous n’avons pas pris le temps de nous arrêter sur la forme ; pour changer, commençons par là.
La construction de la première strophe est magnifique : « L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux ». Vous avez remarqué d’abord le parallélisme des versets, c’est-à-dire que la deuxième partie du verset (ce qu’on appelle le deuxième « stique ») est parallèle à la première : « L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge ». L’amour du SEIGNEUR / ta fidélité … je le chante / je l’annonce … sans fin / d’âge en âge… Venons-en au deuxième verset : « Je le dis : c’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux » : on retrouve le même parallélisme : un amour / ta fidélité … bâti / stable… Le dernier couple de mots « pour toujours / les cieux » vous surprend peut-être, mais il s’agit quand même d’un parallélisme, mais entre l’espace et le temps, cette fois. Nous sommes véritablement devant une construction très savante qui devrait nous pousser à soigner le chant des psaumes.
Dans ces deux premiers versets nous avons déjà rencontré deux fois le couple de mots « amour » et « fidélité » ; si vous avez la curiosité de lire ce psaume 88/89 en entier, vous les retrouverez sept fois et ce chiffre sept n’est pas non plus le fruit du hasard. Et dans cette expression « amour et fidélité » vous avez reconnu la traduction qu’on a toujours faite de la Révélation que Moïse avait reçue du Seigneur au Sinaï : « Dieu miséricordieux et bienveillant, plein de fidélité et de loyauté » (Exode 34, 6).
Et quand le premier verset nous fait dire : « L’amour du SEIGNEUR, sans fin je le chante » : le mot amour (dans le texte hébreu) signifie en fait « les gestes d’amour de Dieu » : Dieu n’aime pas seulement en paroles, mais « en actes et en vérité », comme dirait Saint Jean.
C’est précisément en Exil que le peuple d’Israël se remémore plus que jamais tous les « gestes d’amour de Dieu » pour lui : car la tentation est trop forte de penser que Dieu aurait pu oublier son peuple. Et un noyau de croyants compose des hymnes qui rappellent à tout le peuple que Dieu n’a jamais cessé d’être le roi d’Israël. C’est le sens de cette dernière phrase curieuse : « Notre roi est au SEIGNEUR ; notre bouclier, au Dieu saint d’Israël » ; très difficile à traduire en français, et prononcée justement à un moment où il n’y a plus de roi en Israël, elle signifie en fait « notre roi, c’est le Seigneur, notre bouclier, c’est le Saint d’Israël ».
Et pour le dire encore mieux, on utilise un vocabulaire royal : « ovation… pouvoir… force… vigueur… bouclier… » Le mot « ovation », en particulier, désigne la « terouah », c’est-à-dire la grande acclamation pour le roi le jour de son sacre ; c’est une acclamation guerrière et plusieurs de ces mots (comme force… vigueur… bouclier) sont typiquement guerriers parce que, à cette époque, le roi est avant tout celui qui marche à la tête de ses armées.
Mais on sait par la suite de ce psaume ce qu’il en est de ces accents victorieux : en voici les derniers versets en guise d’aperçu : « Rappelle-toi, Seigneur, tes serviteurs outragés… Oui, tes ennemis ont outragé, SEIGNEUR, poursuivi de leurs outrages ton Messie ». Raison de plus pour se répéter les promesses de Dieu.
Décidément, ce psaume nous donne une leçon : c’est la nuit qu’il faut croire à la lumière.

 

DEUXIEME LECTURE – Lettre de saint Paul aux Romains-6, 3 11

Frères,
ne le savez-vous pas ?
3 Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus,
c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême.
4 Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort,
nous avons été mis au tombeau avec lui,
c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi,
comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père,
est ressuscité d’entre les morts.
8 Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ,
nous croyons que nous vivrons aussi avec lui.
9 Nous le savons en effet :
ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ;
la mort n’a plus de pouvoir sur lui.
10 Car lui qui est mort,
c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ;
lui qui est vivant,
c’est pour Dieu qu’il est vivant.
11 De même, vous aussi,
pensez que vous êtes morts au péché,
mais vivants pour Dieu en Jésus Christ.

Ce texte de Paul est peut-être bien sa réponse à un reproche qu’on lui fait souvent. Je m’explique : le thème majeur de la lettre aux Romains pourrait se résumer ainsi : « Dieu nous sauve par pure grâce, qui que nous soyons ; il nous suffit d’accueillir ce salut dans la foi » ; cette insistance de Paul sur la gratuité du salut lui vaut une objection que nous entendons aussi parfois aujourd’hui, ici ou là : on lui dit : « A trop insister sur la gratuité du salut de Dieu, vous encouragez le péché » (sous-entendu, alors on peut faire n’importe quoi, vous prêchez le laxisme). Paul s’en défend ici en disant : Ne me faites pas dire qu’il est sans importance de pécher sous prétexte qu’il y a la grâce de Dieu ; car désormais, le péché ne nous concerne plus ; depuis notre Baptême, nous sommes des créatures nouvelles sur lesquelles le péché n’a plus de prise. « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. » (2 Co 5, 17).
Sa réponse à ses détracteurs n’est pas fondée sur des principes moraux, mais sur le mystère du salut. Il faut dire que Paul vit son Baptême avec une telle profondeur que nous avons un peu de mal à le suivre ! Quand Paul parle de création nouvelle, il parle d’expérience : sur le chemin de Damas, quand il s’est relevé, il était un autre homme ! Il était mort à tout ce qu’était sa vie antérieure, une certaine manière de voir, d’agir, de croire surtout.
C’est ce mot « mort » qui représente pour nous l’une des principales difficultés de ce texte, car il revient pratiquement à toutes les lignes, et il nous est bien difficile de lui donner un autre sens que celui de notre langage courant : la mort biologique qui attend tous les humains et qui nous fait si peur. Or Paul lui donne un tout autre sens dans ce texte qui se place à un niveau uniquement théologique : « Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés… nous sommes passés par la mort avec le Christ… lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes… pensez que vous êtes morts au péché. »
Il s’agit d’un baptême, d’un passage, d’une mort au péché. Un autre texte de Paul peut nous donner la clé de ces mots ; il écrit dans sa première lettre aux Corinthiens : « Nos pères étaient tous sous la nuée, tous ils passèrent à travers la mer, et tous furent baptisés en Moïse, dans la nuée et dans la mer. » (1 Co 10, 1-2). Il s’agit là des événements fondateurs du peuple d’Israël : Dieu libère son peuple de l’esclavage et le fait naître à une nouvelle vie par son passage à travers les eaux. C’est cela que Paul appelle le Baptême d’Israël ; Moïse a rompu là l’engrenage d’une captivité de plus en plus impitoyable : travail forcé, meurtre des enfants, mauvaise foi de Pharaon. Le passage de la mer a consacré cette rupture, cette mort à l’esclavage.
De même, nous dit Paul, Jésus accomplit une rupture radicale : l’homme, dans sa révolte contre Dieu, est prisonnier de ses doutes, de ses soupçons, de ses refus d’aimer, en un mot prisonnier de son péché. L’engrenage de la haine et de la violence semble impitoyable.
Jésus, lui, se fait « obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix » (Phi 2, 8) ; sa confiance en Dieu (c’est le sens du mot « obéissance » chez Paul), son harmonie parfaite avec toute la volonté de son Père rompt le cercle infernal du péché des hommes. Ainsi, sa mort est un triomphe, l’acte victorieux du premier homme vraiment libre. « Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant. »
De quelle mort parle-t-il ? Paul nous dit « « Nous sommes passés par la mort avec le Christ », mais pourtant, nous nous sentons bien vivants, sinon nous ne serions pas là, vous et moi ! C’est donc qu’il ne s’agit pas de la mort biologique. Il emploie ici ce mot « mort » pour évoquer une rupture radicale avec le passé.

Quand Paul dit « nous sommes morts au péché », il veut dire que nous sommes morts à notre mauvaise manière de vivre. Désormais, nous vivons une vie nouvelle : nous avons abandonné les fausses valeurs du monde pour vivre à l’image de Jésus. Imiter Jésus, c’est sortir de l’engrenage de la haine et de la violence, du goût du pouvoir ou de l’argent. C’est le choisir, lui, comme notre seul maître et entrer dans une nouvelle manière de vivre faite d’amour et de service des frères. Et c’est notre baptême qui a inauguré pour nous ce changement radical d’orientation, le commencement de notre nouvelle vie. Paul envisage donc le baptême comme une véritable libération.
Alors Paul peut dire à ceux qui se sont attachés au Christ : « Vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ. » Ailleurs, il dira que le baptisé est un « homme nouveau » : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec lui par le Christ. » (2 Co 5, 17-18).
Cette transformation est donc déjà chose faite, mais en même temps elle reste à faire : notre vie nouvelle est inaugurée par notre Baptême, à nous maintenant, d’y conformer tous nos comportements quotidiens. Paul répond donc ainsi aux objections qui lui étaient faites, de présenter un tableau un peu trop rose de la vie du Chrétien : car sa conclusion représente une exigence formidable, finalement : « De même vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus Christ. »
Oui, entrer dans le salut est très simple, il suffit d’y croire, mais c’est très exigeant ! Car, désormais, nous nous devons de mener une vie nouvelle, conforme à l’Esprit du Christ.
La lettre aux Ephésiens le redit aux Chrétiens : « Il vous faut, renonçant à votre existence passée, vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l’effet des convoitises trompeuses ; il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. » (Ep 4, 22-24). Le secret pour nous laisser renouveler entièrement, comme dit l’apôtre ici : rester les yeux fixés sur la croix du Christ, lui qui nous donne l’exemple parfait de l’obéissance et de la douceur seules capables de casser l’enchaînement de la violence : « Demeurez en moi comme je demeure en vous ! De même que le sarment, s’il ne demeure sur la vigne, ne peut de lui-même porter du fruit, ainsi vous non plus si vous ne demeurez en moi. » (Jn 15, 4).

 

EVANGILE – selon saint Matthieu 10, 37 – 42

En ce temps-là,
Jésus disait à ses Apôtres :
37 « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi
n’est pas digne de moi ;
celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi
n’est pas digne de moi ;
38 celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas
n’est pas digne de moi.
39 Qui a trouvé sa vie
la perdra ;
qui a perdu sa vie à cause de moi
la gardera.
40 Qui vous accueille
m’accueille ;
et qui m’accueille
accueille Celui qui m’a envoyé.
41 Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète
recevra une récompense de prophète ;
qui accueille un homme juste en sa qualité de juste
recevra une récompense de juste.
42 Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche,
à l’un de ces petits en sa qualité de disciple,
amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

A première vue, ce texte est une succession de maximes dont on peut même se demander si Jésus les a toutes prononcées à la suite et on ne voit pas bien le lien entre elles. Mais à force de les lire et relire, on découvre au contraire qu’il s’agit d’un même appel, celui des choix nécessaires, des renoncements exigés par la fidélité à l’évangile. On savait déjà que l’évangile exigeait d’aimer : tout le discours sur la montagne l’a dit. Ici Jésus parle d’autres exigences.
Je prends le texte en suivant :
« Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Il ne faut pas entendre le mot « aimer » au sens habituel des affections familiales ; Jésus ne nous dit pas de ne pas aimer notre prochain ; ce serait nouveau ! Mais on est dans un contexte de persécution : aussi bien quand Jésus parle, puisqu’il en mourra, que quand Matthieu écrit son évangile ; un peu plus haut, il a prévenu ses apôtres : « Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant ; les enfants se dresseront contre leurs parents et les feront condamner à mort. » (Mt 10, 21) ; et encore « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa maison. » (Mt 10, 34 -35 ; Michée 7, 6).
Tous les temps de persécution provoquent des drames cornéliens : le choix se pose entre la fidélité ou la mort ; même en dehors d’un contexte de persécutions violentes, on sait bien que c’est en famille et avec les amis les plus proches qu’il est souvent le plus difficile de témoigner de ses convictions. Et parfois de véritables déchirures peuvent se produire dans le tissu familial.
« Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui veut garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la gardera ». « Prendre sa croix » : que pouvait signifier cette expression dans la bouche de Jésus à ce moment-là ? La crucifixion était un supplice courant qui sanctionnait tout manquement à l’ordre public. Le long des routes de l’Empire romain, il arrivait qu’on voie des crucifixions par centaines et même par milliers. Ce supplice infâmant inspirait l’horreur et exposait à l’opprobre des foules et à la risée des passants celui qui méritait d’être retranché du peuple. D’ailleurs, on le voit au moment de la condamnation du Christ, il n’était pas question de crucifier quelqu’un dans l’enceinte de la ville. Tout le monde connaissait la phrase du Deutéronome d’après laquelle tout condamné à mort au nom de la Loi était maudit de Dieu (Dt 21, 22-23). Rappelez-vous encore le psaume 21/22 : « Je suis un ver et non plus un homme, injurié par les gens, rejeté par le peuple. Tous ceux qui me voient me raillent ; ils ricanent et hochent la tête ».
Jésus exprime ici la conscience qu’il a de la persécution qui l’attend, lui et tous ceux qui prendront sa suite. Car, si les disciples vont au bout du témoignage, ils courront inévitablement le risque de se heurter aux autorités. Il leur faudra accepter d’être méconnus, humiliés. Il leur a bien dit : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ; s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi. » (Jn 15, 20).
« Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé ». Il me semble que cette phrase vise à fortifier les apôtres, comme s’il leur disait : « Tenez bon ». Tous ces risques courus pour l’Evangile vous rapprochent de moi et de mon Père ».
« Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité d’homme juste recevra une récompense d’homme juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : il ne perdra pas sa récompense ». A première vue, nous voilà en plein dans une optique de récompense, de donnant-donnant ; mais non, car nous ne sommes pas dans le domaine de l’avoir ; puisqu’en amour on ne compte pas. Ce que Dieu nous donne n’est pas quantifiable ; c’est du domaine de l’être. C’est la vie éternelle, c’est-à-dire la vie dans son intimité. Tous les saints témoignent d’une qualité de bonheur, pas d’une quantité de biens. Et même, humainement, ceux qui vivent une véritable relation d’amour, quelle qu’elle soit, savent que l’avoir compte peu en regard de la profondeur des sentiments, la communication entre les êtres. Jésus le dit lui-même un peu plus loin : « Quiconque aura laissé maisons, frères, soeurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra beaucoup plus et, en partage, la vie éternelle. »
Saint Paul exprime cette expérience : « Toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme des pertes à cause du Christ. Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus-Christ le Seigneur… Il s’agit de le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, de devenir semblable à lui dans sa mort, afin de parvenir, s’il est possible, à la résurrection d’entre les morts. Non que j’aie déjà obtenu tout cela ou que je sois devenu parfait ; mais je m’élance pour tâcher de le saisir parce que j’ai été saisi moi-même par Jésus-Christ. » (Phi 3, 7…12).
« Etre saisi par le Christ » comme dit Saint Paul, voilà l’enjeu, un enjeu vital. Et c’est cela, peut-être, le lien entre toutes ces phrases de Jésus : « Etre saisi par le Christ » comme un feu intérieur qui inspire tous les renoncements exigés par la fidélité à l’évangile : le renoncement aux affections, à la considération, à l’avoir… On entend ici résonner les Béatitudes : « Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse car votre récompense est grande dans les cieux. »

EUCHARISTIE, EVANGILE SELON SAINT JEAN, EVANGILE SELON SAINT LUC, JEUDI SAINT, LETTRE DE SAINT PAUL AUX CORINTHIENS, LIVRE D'ISAÎE, LIVRE D'ISAÏE, LIVRE DE L'APOCALYPSE, LIVRE DE L'EXODE, PSAUME 115, PSAUME 88

Jeudi Saint : Messe chrismale, lavement des pieds et institution de la Cène

18 AVRIL 2019

Jeudi Saint — 

 

MESSE CHRISMALE

messe-chris

PREMIÈRE LECTURE

Le Seigneur m’a consacré par l’onction, il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, et leur donner l’huile de joie

Lecture du livre du prophète Isaïe (61, 1-3a.8b-9)

L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles,
guérir ceux qui ont le cœur brisé,
proclamer aux captifs leur délivrance,
aux prisonniers leur libération,
proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur,
et un jour de vengeance pour notre Dieu,
consoler tous ceux qui sont en deuil,
ceux qui sont en deuil dans Sion,
mettre le diadème sur leur tête au lieu de la cendre,
l’huile de joie au lieu du deuil,
un habit de fête au lieu d’un esprit abattu.
Vous serez appelés « Prêtres du Seigneur » ;
on vous dira « Servants de notre Dieu ».
Loyalement, je vous donnerai la récompense,
je conclurai avec vous une alliance éternelle.
Vos descendants seront connus parmi les nations,
et votre postérité, au milieu des peuples.
Qui les verra pourra reconnaître
la descendance bénie du Seigneur.

  

PSAUME

(88 (89), 20ab.21, 22.25, 27.29)

Autrefois, tu as parlé à tes amis,
dans une vision tu leur as dit :
« J’ai trouvé David, mon serviteur,
je l’ai sacré avec mon huile sainte.

« Ma main sera pour toujours avec lui,
mon bras fortifiera son courage.
Mon amour et ma fidélité sont avec lui,
mon nom accroît sa vigueur.

« Il me dira : “Tu es mon Père,
mon Dieu, mon roc et mon salut !”
Sans fin je lui garderai mon amour,
mon alliance avec lui sera fidèle. »

  

DEUXIÈME LECTURE

« Il a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père »

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean (1, 5-8)

Que la grâce et la paix vous soient données
de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle,
le premier-né des morts,
le prince des rois de la terre.

À lui qui nous aime,
qui nous a délivrés de nos péchés par son sang,
qui a fait de nous un royaume
et des prêtres pour son Dieu et Père,
à lui, la gloire et la souveraineté
pour les siècles des siècles. Amen.
Voici qu’il vient avec les nuées,
tout œil le verra,
ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ;
et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre.
Oui ! Amen !

Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga,
dit le Seigneur Dieu,
Celui qui est, qui était et qui vient,
le Souverain de l’univers.

  

ÉVANGILE

« L’Esprit du Seigneur est sur moi ; il m’a consacré par l’onction »

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (4, 16-21)

En ce temps-là,
Jésus vint à Nazareth, où il avait été élevé.
Selon son habitude,
il entra dans la synagogue le jour du sabbat,
et il se leva pour faire la lecture.
On lui remit le livre du prophète Isaïe.
Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
L’Esprit du Seigneur est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
annoncer aux captifs leur libération,
et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue,
remettre en liberté les opprimés,
annoncer une année favorable accordée par le Seigneur.

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit.
Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire :
« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture
que vous venez d’entendre. »

++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

MESSE DU SOIR

jeudi_10

PREMIÈRE LECTURE

Prescriptions concernant le repas pascal (Ex 12, 1-8.11-14)

Lecture du livre de l’Exode (12, 1-8.11-14)

En ces jours-là, dans le pays d’Égypte,
le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron :
« Ce mois-ci
sera pour vous le premier des mois,
il marquera pour vous le commencement de l’année.
Parlez ainsi à toute la communauté d’Israël :
le dix de ce mois,
que l’on prenne un agneau par famille,
un agneau par maison.
Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau,
elle le prendra avec son voisin le plus proche,
selon le nombre des personnes.
Vous choisirez l’agneau d’après ce que chacun peut manger.
Ce sera une bête sans défaut, un mâle, de l’année.
Vous prendrez un agneau ou un chevreau.
Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour du mois.
Dans toute l’assemblée de la communauté d’Israël,
on l’immolera au coucher du soleil.
On prendra du sang,
que l’on mettra sur les deux montants et sur le linteau
des maisons où on le mangera.
On mangera sa chair cette nuit-là,
on la mangera rôtie au feu,
avec des pains sans levain et des herbes amères.
Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins,
les sandales aux pieds,
le bâton à la main.
Vous mangerez en toute hâte :
c’est la Pâque du Seigneur.
Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ;
je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte,
depuis les hommes jusqu’au bétail.
Contre tous les dieux de l’Égypte j’exercerai mes jugements :
Je suis le Seigneur.
Le sang sera pour vous un signe,
sur les maisons où vous serez.
Je verrai le sang, et je passerai :
vous ne serez pas atteints par le fléau
dont je frapperai le pays d’Égypte.

Ce jour-là
sera pour vous un mémorial.
Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage.
C’est un décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. »

  

PSAUME

(115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18)

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

  

DEUXIÈME LECTURE

« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur »

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (11, 23-26)

Frères,
moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur,
et je vous l’ai transmis :
la nuit où il était livré,
le Seigneur Jésus prit du pain,
puis, ayant rendu grâce,
il le rompit, et dit :
« Ceci est mon corps, qui est pour vous.
Faites cela en mémoire de moi. »
Après le repas, il fit de même avec la coupe,
en disant :
« Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang.
Chaque fois que vous en boirez,
faites cela en mémoire de moi. »

Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain
et que vous buvez cette coupe,
vous proclamez la mort du Seigneur,
jusqu’à ce qu’il vienne.

  

ÉVANGILE

« Il les aima jusqu’au bout » (Jn 13, 1-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (13, 1-15)

Avant la fête de la Pâque,
sachant que l’heure était venue pour lui
de passer de ce monde à son Père,
Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu’au bout.

Au cours du repas,
alors que le diable
a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote,
l’intention de le livrer,
Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains,
qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,
se lève de table, dépose son vêtement,
et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;
puis il verse de l’eau dans un bassin.
Alors il se mit à laver les pieds des disciples
et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.
Il arrive donc à Simon-Pierre,
qui lui dit :
« C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
Jésus lui répondit :
« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ;
plus tard tu comprendras. »
Pierre lui dit :
« Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »
Jésus lui répondit :
« Si je ne te lave pas,
tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon-Pierre
lui dit :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds,
mais aussi les mains et la tête ! »
Jésus lui dit :
« Quand on vient de prendre un bain,
on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds :
on est pur tout entier.
Vous-mêmes,
vous êtes purs,
mais non pas tous. »
Il savait bien qui allait le livrer ;
et c’est pourquoi il disait :
« Vous n’êtes pas tous purs. »

Quand il leur eut lavé les pieds,
il reprit son vêtement, se remit à table
et leur dit :
« Comprenez-vous
ce que je viens de faire pour vous ?
Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”,
et vous avez raison, car vraiment je le suis.
Si donc moi, le Seigneur et le Maître,
je vous ai lavé les pieds,
vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
C’est un exemple que je vous ai donné
afin que vous fassiez, vous aussi,
comme j’ai fait pour vous. »

ANCIEN TESTAMENT, BIBLE, PSAUME 88, PSAUMES

Le Psaume 88

PSAUME 88

Mother playing guitar in nature

 L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.

Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux.

 « Avec mon élu, j’ai fait une alliance, j’ai juré à David, mon serviteur :

J’établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges. »

Que les cieux rendent grâce pour ta merveille, Seigneur, et l’assemblée des saints, pour ta fidélité.

Qui donc, là-haut, est comparable au Seigneur ? Qui d’entre les

Parmi tous les saints, Dieu est redoutable, plus terrible que tous ceux qui l’environnent.

Seigneur, Dieu de l’univers, qui est comme toi, Seigneur puissant que ta fidélité environne ?

C’est toi qui maîtrises l’orgueil de la mer ; quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises.

C’est toi qui piétinas la dépouille de Rahab ; par la force de ton bras, tu dispersas tes ennemis.

A toi, le ciel ! A toi aussi, la terre ! C’est toi qui fondas le monde et sa richesse !

C’est toi qui créas le nord et le midi : le Tabor et l’Hermon, à ton nom, crient de joie.

A toi, ce bras, et toute sa vaillance ! Puissante est ta main, sublime est ta droite !

Justice et droit sont l’appui de ton trône. Amour et Vérité précèdent ta face.

Heureux le peuple qui connaît l’ovation ! Seigneur, il marche à la lumière de ta face ;

tout le jour, à ton nom il danse de joie, fier de ton juste pouvoir.

Tu es sa force éclatante ; ta grâce accroît notre vigueur.

Oui, notre roi est au Seigneur ; notre bouclier, au Dieu saint d’Israël.

Autrefois, tu as parlé à tes amis, dans une vision tu leur as dit : « J’ai donné mon appui à un homme d’élite, j’ai choisi dans ce peuple un jeune homme.

 « J’ai trouvé David, mon serviteur, je l’ai sacré avec mon huile sainte ;

et ma main sera pour toujours avec lui, mon bras fortifiera son courage.

 « L’ennemi ne pourra le surprendre, le traître ne pourra le renverser ;

j’écraserai devant lui ses adversaires et je frapperai ses agresseurs.

 « Mon amour et ma fidélité sont avec lui, mon nom accroît sa vigueur ;

j’étendrai son pouvoir sur la mer et sa domination jusqu’aux fleuves.

 « Il me dira : Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut !

 Et moi, j’en ferai mon fils aîné, le plus grand des rois de la terre !

 « Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle ;

 je fonderai sa dynastie pour toujours, son trône aussi durable que les cieux.

 « Si ses fils abandonnent ma loi et ne suivent pas mes volontés,

s’ils osent violer mes préceptes et ne gardent pas mes commandements,

 « je punirai leur faute en les frappant, et je châtierai leur révolte,

mais sans lui retirer mon amour, ni démentir ma fidélité.

 « Jamais je ne violerai mon alliance, ne changerai un mot de mes paroles.

je l’ai juré une fois sur ma sainteté ; non, je ne mentirai pas à David !

 « Sa dynastie sans fin subsistera et son trône, comme le soleil en ma présence,

comme la lune établie pour toujours, fidèle témoin là-haut ! »

Pourtant tu l’as méprisé, rejeté ; tu t’es emporté contre ton messie.

Tu as brisé l’alliance avec ton serviteur, jeté à terre et profané sa couronne.

Tu as percé toutes ses murailles, tu as démantelé ses forteresses ;

tous les passants du chemin l’ont pillé : le voilà outragé par ses voisins.

Tu as accru le pouvoir de l’adversaire, tu as mis en joie tous ses ennemis ;

tu as émoussé le tranchant de son épée, tu ne l’as pas épaulé dans le combat.

Tu as mis fin à sa splendeur, jeté à terre son trône ;

 tu as écourté le temps de sa jeunesse et déversé sur lui la honte.

Combien de temps, Seigneur, resteras-tu caché, laisseras-tu flamber le feu de ta colère ?

 Rappelle-toi le peu que dure ma vie, pour quel néant tu as créé chacun des hommes !

Qui donc peut vivre et ne pas voir la mort ? Qui s’arracherait à l’emprise des enfers ?

Où donc, Seigneur, est ton premier amour, celui que tu jurais à David sur ta foi ?

Rappelle-toi, Seigneur, tes serviteurs outragés, tous ces peuples dont j’ai reçu la charge.

 Oui, tes ennemis ont outragé, Seigneur, poursuivi de leurs outrages ton messie.

Béni soit le Seigneur pour toujours ! Amen ! Amen !

veille-pascale-anne-c-19-638