Parler des questions qui fâchent en islam à propos des femmes n’est pas une provocation, mais une nécessité. Il s’agit de clarifier, de rectifier, mais aussi souvent de dénoncer. Clarifier la confusion entre le message spirituel du Coran et l’orthodoxie interprétative institutionnalisée. Rectifier le grand nombre de préjugés sexistes et parfois diffamatoires transcrits dans la tradition musulmane au nom des préceptes divins. Dénoncer ce qu’une culture patriarcale a forgé dans l’esprit des musulmans : la dévalorisation des femmes. Voile, polygamie, inégalité dans l’héritage… Asma Lamrabet inventorie les discriminations imposées aux femmes au nom de l’islam. Car la plupart des interprétations classiques, d’origine médiévale, produits de leur milieu social et culturel, se sont construites à la marge et parfois à l’encontre du Texte sacré, porteur, lui, d’une vision plus égalitaire et ouverte. Nul ne pourra dire désormais qu’il ignorait.
Biographie de l’auteur
?Asma Lamrabet, médecin biologiste, a été coordinatrice d’un groupe de recherche et de réflexion sur les femmes et le dialogue interculturel à Rabat (2004-2007), puis présidente du Groupe international d’études et de réflexion sur femmes et Islam (GIERFI) basé à Barcelone (2008-2010) et, enfin, directrice du Centre des études féminines en Islam au sein de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc (2011-mars 2018). Elle est l’auteure de plusieurs livres et articles sur le thème de l’islam et des femmes, et donne de nombreuses conférences sur ce sujet à travers le monde
Asma Lamrabet, un regard féminin sur le sacré en Islam
Asma Lamrabet.(ASMA LAMRABET)
« L’islam au Maroc est conciliant et ouvert. Mais sur la question des femmes, les responsables religieux et politiques, même libéraux ou socialistes, ont un discours machiste archaïque. »
À 54 ans, après un long travail de relecture des « textes sacrés dans une perspective féminine »,Asma Lamrabet a acquis cette conviction : le problème est « idéologique plus que religieux », mais l’ignorance des musulmans facilite cette « instrumentalisation » des textes.
« Une troisième voie »
Confidentiel au départ, son travail a gagné en notoriété, « mais plutôt dans le monde anglo-saxon ». Elle a même été invitée en Malaisie pour l’un de ces nombreux colloques ou conférences qui réunissent les « féministes musulmanes ». Ce médecin hématologue, spécialiste du diagnostic du cancer chez l’enfant, exerce d’ordinaire le matin à l’hôpital Avicenne de Rabat. L’après-midi, elle répond aux nombreux courriers et demandes d’interviews qu’elle reçoit.
Revers de la médaille, cette publicité accrue lui vaut aussi quelques soucis avec les religieux « conservateurs » qui l’accusent de « réformisme »… « Je propose une troisième voie en m’appuyant à la fois sur le référentiel islamique et la modernité, les droits de l’homme », se borne à leur répondre cette mère d’un garçon, qui sera « bientôt grand-mère ».
Au coeur du système
L’originalité d’Asma Lamrabet est d’avoir accepté de porter son combat à l’intérieur même du système : en 2011, elle a accepté la proposition d’Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des oulémas du Maroc – une association d’intérêt général créée par le roi Mohammed VI pour promouvoir un « islam ouvert et tolérant » –, de fonder au sein de cette institution un Centre des études féminines en islam.
« J’ai hésité parce que cela questionne mon indépendance intellectuelle. Dans mes conférences, je suis parfois obligée de préciser que je m’exprime en mon nom propre. Mais de l’autre côté, cela donne de la crédibilité à mon discours », explique-t-elle. Une crédibilité bien utile, par exemple, pour promouvoir « sur le terrain » la réforme du « code de la famille » (Moudawana), décidée en 2004, et qui instaure notamment une nouvelle « coresponsabilité parentale » qui remplace l’autorité du chef de famille…
« Ma foi me donne envie de changer les choses »
Sa position ne l’empêche pas de soulever quelques tabous. L’an dernier, elle a rappelé que « la mixité dans les mosquées n’était pas un interdit coranique ». Devant le tollé, la Rabita l’a soutenue dans une déclaration écrite. Quelques semaines plus tard, elle a affirmé que le port du voile n’était pas « une obligation » mais « un choix pour les femmes ». « Je ne suis pas une militante. Dans ma vie personnelle, je n’ai rien à revendiquer », explique-t-elle dans sa villa du quartier chic de Souissi, à Rabat. « Mais je le fais pour les autres. Surtout, ma foi me donne envie de changer les choses. »
À ceux qui la soupçonnent de « surfer sur une vague porteuse », ou de ne plus se consacrer assez à ses recherches, elle répond que « critiquer de l’intérieur est plus long et plus compliqué ». « Mais en dix ans, je vois déjà le changement », assure-t-elle, consciente toutefois de la nécessité d’une vraie réforme de l’enseignement religieux au Maroc. « Aujourd’hui, pour la plupart des Marocains, tout ce qui est sacré est intangible », regrette-t-elle.
Et qu’on ne lui parle pas de la création récente des « mourchidates », ces guides féminines de la prière : « Certes, sur le plan symbolique, faire entrer une femme dans l’espace du sacré est un pas en avant. Mais leur formation les cantonne à un discours très basique sur le voile, les ablutions, etc. Ce n’est pas elles qui vont revendiquer l’égalité entre hommes et femmes ! »
Son inspiration : une quête identitaire
À la fin de ses études de médecine, une « quête identitaire » pousse Asma Lamrabet à revenir « aux sources » de sa foi. « J’avais reçu une éducation très occidentalisée, et ma culture arabo-musulmane était défaillante », reconnaît-elle aujourd’hui. Guidée dans ses lectures par les érudits de sa famille, souvent soufis, elle relit les textes islamiques, leurs interprétations… et prend conscience « du décalage entre ceux-ci et l’interprétation sexiste et discriminatoire qui en est faite ». En Amérique latine, où elle a suivi son mari diplomate, les « croyantes à la fois pratiquantes et modernes » qu’elle rencontre, inspirées par « la théologie de la libération », achèvent de la convaincre de l’importance du travail à mener. En 2002, elle publie – en français – son premier ouvrage Musulmane tout simplement (Éditions Tawhid) dans lequel elle retrace ses découvertes.
À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars, « La Croix » décrypte le rôle accordé à la femme dans le Coran. Un sujet qui provoque aujourd’hui de nombreux débats.
Mahrukh Arif et Mélinée Le Priol,
Une femme priant à la mosquée Nasir-al-Molk à Chiraz en Iran, en mars 2016.SILVER-JOHN – FOTOLIA
Si l’une des 114 sourates du Coran est bien consacrée aux femmes de manière explicite (la quatrième, dite sourate des femmes, « An-nisâ »), une large partie du texte sacré de l’islam parle de l’être humain en général, sans précision de genre.
Omero Marongiu-Perria, sociologue spécialiste de l’islam en France (1), rappelle ainsi que le Coran recourt souvent au mot arabe « zawj », qui signifie aussi bien homme que femme, époux qu’épouse. « L’usage de ce terme a amené certains théologiens musulmans à dire que la personne humaine est indéterminée à la base, mais comme revêtue d’une enveloppe corporelle genrée », explique ce chercheur. Selon le Coran, l’homme et la femme naissent en effet « d’une âme unique » (4 : 1).
Par ailleurs, comme le précise l’imam Mohammed Azizi, aumônier régional des hôpitaux d’Île-de-France, Eve n’est pas plus responsable du péché originel qu’Adam, selon le Coran (2:36). « L’interprétation punitive n’existe pas en islam, explique-t-il. C’est Satan qui est derrière le péché, pas la femme. »
Un autre passage du Coran semble représentatif de l’indistinction de l’homme et de la femme devant Dieu : « Les musulmans et musulmanes, les croyants et croyantes, obéissants et obéissantes, les loyaux et loyales, les endurants et endurantes, les donneurs et donneuses d’aumônes, ceux et celles qui jeûnent, les gardiens de leur chasteté et les gardiennes, ceux et celles qui invoquent souvent Dieu : Dieu a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense. » (33 : 35)
Soumises et obéissantes ?
Cela dit, force est de constater que le Coran semble souvent véhiculer une vision inégalitaire des rapports hommes-femmes dans les réalités quotidiennes. Considérée comme la gardienne de la maisonnée et jouant un rôle de conseil auprès de son époux, la femme n’en est pas moins contrainte à l’obéissance, comme le rappelle ce verset de la sourate des femmes :
« Celles de qui vous craignez l’insoumission, faite-leur la morale, désertez leur couche, corrigez-les. Mais une fois ramenées à l’obéissance, ne leur cherchez pas prétexte. » (4:34)
À cela s’ajoutent d’autres mentions bien connues et parfois qualifiées de misogynes, comme notamment l’autorisation de la polygamie – jusqu’à quatre femmes par homme (4 : 3).
Des interprétations patriarcales
« Le Coran s’inscrit dans la réalité d’une société patriarcale, où ces rapports de domination existaient déjà », explique Omero Marongiu-Perria, précisant que l’idée d’obéissance de la femme au mari se retrouve aussi dans les autres traditions abrahamiques.
De même qu’avec la Bible, une connaissance insuffisante du contexte historique peut mener à des interprétations erronées. C’est ce qu’explique Asma Lamrabet, médecin et féministe marocaine, quand elle cite le verset coranique consacré à l’héritage : « Allah vous commande, dans le partage de vos biens entre vos enfants, de donner au fils la portion de deux filles » (4:11). Elle rappelle que dans les sociétés préislamiques, la femme n’avait tout simplement pas le droit d’hériter : ce passage du Coran est par conséquent pour elle « une révolution ».
Appelant à une lecture dépolitisée de l’islam, Asma Lamrabet déplore que l’exégèse du Coran soit le fait des seuls hommes, qui en produisent selon elle une « interprétation sexiste ». Elle souligne la nécessité de procéder à une lecture contextualisée du Coran et de faire la distinction entre les concepts universels du texte sacré de l’islam et les versets conjoncturels répondant à des circonstances historiques.
Car dans la pratique, ces textes sont aujourd’hui compris et interprétés de façons variées dans le monde. Si la place donnée à l’interprétation reste large, certains pays musulmans ont choisi d’appliquer celle qui leur convenait politiquement.
Une exégèse au féminin ?
Cependant, ces dernières années ont vu l’émergence d’un féminisme islamique revendiquant une modification des rapports hommes-femmes. La majorité de ces femmes musulmanes de tout horizon dénonce la misogynie banalisée dans les pratiques musulmanes et justifiée par le texte sacré.
« C’est totalement faux de penser que les femmes musulmanes n’ont pas leur mot à dire sur le Coran ou la religion », assure Nusrat Qudsia Wasim, présidente des femmes de l’association musulmane Ahmadiyya. « Dans l’islam, l’homme et la femme sont égaux devant Dieu. Les femmes ont d’ailleurs participé à l’exégèse du Coran, à commencer par Aïcha, la femme du Prophète : après la mort de son époux, plusieurs compagnons venaient la consulter pour des cas de jurisprudence islamique. Le prophète lui-même a enjoint aux croyants d’apprendre la moitié de leur religion auprès d’Aïcha. »
Pour cette session sur la question des relations interreligieuses nous avons invité Monseigneur Aveline qui est Archevêque de Marseille, président du conseil pour les relations interreligieuses à la Conférence des Evêques de France, fondateur de l’Institut des Sciences et Théologie des Religions, artisan fidèle du dialogue interreligieux, enseignant et théologien reconnu En effet si le dialogue interreligieux indique un véritable engagement pour le bien commun il ne peut se vivre sans avoir au préalable une formation légitime et éclairé. Pour cela notre centre, notre diocèse, notre évêque, Monseigneur Turini a souhaité vous offrir le meilleur nous allons accueillir Monseigneur Aveline
Merci beaucoup de votre accueil, du temps que vous consacré ce soir et demain à des questions qui ne sont pas faciles mais qui sont je le pense un levier important et qui sont une grande chance pour notre Eglise afin de mieux comprendre quelle est sa mission dans le monde d’aujourd’hui parce que les questions qui surgissent lorsqu’on prend au sérieux la pluralité des religions constituent un levier formidable pour penser la foi et qui du coup s’avèrent être une chose qui dépasse simplement la simple question des relations interreligieuses. C’est certain, c’est un vecteur de travail, c’est une logique très importante
Si vous avez loupé les épisodes précédents je disais que je veux vous remercier de consacrer du temps à ce travail ce soir et demain et puis je considére que c’était un travail très important bien au delà d’ailleurs des questions interreligieuses et relations interreligieuses parce que c’est un levier théologique important pour penser la foi aujourd’hui et penser la mission de l’Eglise aujourd’hui.
Voilà ces choses étant dites on a travaillé avec le Père Grégory Woimbé . Moi je voudrais aussi remercier Monseigneur Turini ; c’est un ami depuis longtemps ; merci beaucoup. Ce n’est pas la première fois que je viens à Perpignan ni dans ce département donc merci beaucoup de l’invitation et pour l’accueil. Je voudrais remercier aussi le Père Grégory, on s’était déjà vu à Toulouse et voilà c’est avec lui qu’on a essayé de bâtir l’itinéraire qu’on va vous proposer pendant ces deux jours. Je voudrais remercier Hélène et son mari, merci et toute l’équipe du centre Ramon Lulle. Merci beaucoup d’avoir organisé tout cela Je voudrais saluer tout particulièrement le Père Joseph Marty ; je me souviens de l’inauguration d’ici : je me souviens du Centre Ramon Bull et voilà merci beaucoup pour l’initiative, la ténacité et la persévérance pour tout cela et puis je vous salue tous. Je ne sais pas si le Père Christian Burillo est là mais il arrivera demain mais à travers lui je salue la Cerdagne avec laquelle j’ai quelques attaches estivales
Ce soir donc je vais vous proposer une petite introduction générale et puis demain une journée de réflexion plus approfondie. En gros on va faire ça ce soir à grandes enjambées et demain en petites foulées puis la question bien sûr qui va nous occuper c’est celle des relations entre les différentes traditions religieuses
DIALOGUE INTERRELIGIEUX : ITINERAIRE DE MONSEIGNEUR AVELINE
Et pour commencer je voudrais juste vous dire comment moi-même je me suis mis à ces questions ; c’est important de vous le dire car je n’y suis pas venu par un projet personnel : ça ne m’intéressait pas et je n’avais aucune compétence en la matière mais j’étais professeur de dogmatique au séminaire interdiocésain de Marseille ; ce séminaire à un moment les évêques de la région ont décidé de le fermer pour regrouper tous les séminaristes en Avignon ce qui fut fait et j’étais donc resté à Marseille
Et à ce moment là l’archevêque de Marseille était le cardinal Coffy. Il m’avait dit :
« Bon on va fermer le séminaire mais quand même il y a beaucoup de gens ici qui ne sont pas séminaristes, beaucoup de laïcs qui viennent suivre des formations, beaucoup de laïcs que ça intéresse et donc il faudrait qu’à Marseille qu’il y ait quand même un centre de formation théologique est ce que tu peux faire un petit rapport pour voir ce qui serait possible ? »
Alors moi je fais un petit rapport Il y avait déjà de la formation théologique dans la région à la Baume-les-Aix chez les jésuites en lien avec la faculté théologique de Lyon et puis après il y a en a eu un à Sophia Antipolis du côté de Nice alors j’avais dit à Monseigneur qu’au final ça avait du bon sens : « Si vous voulez faire ça et vous me demandez un rapport c’est oui, mais si vous voulez faire quelque chose dans la région à Marseille vous pourriez le faire sur les questions que posent la foi chrétienne, la pluralité religieuse parce que personne ne jugera déplacer de faire ça à Marseille qui compte dans ces huit cent mille habitants 1 million avec la périphérie et là dessus il y a environ 95 0000 personnes de confession musulmane, un sur quatre, il y a 80 mille personnes de confession juive , il y a à peu près vingt mille personnes de confession bouddhiste (il y a plusieurs grandes pagodes) et puis il y a à l’intérieur de la communauté chrétienne 80 000 l’arméniens, des maronites et des chaldéens. C’est donc est un laboratoire donc vous pourrez faire ça, personne ne trouvera à redire ».
Parce que vous savez (Joseph Marty le sait) quand on créé des centres de formation théologiques ailleurs que dans les villes où il ya des cathos et il faut montrer patte blanche parfois ; ici ça va mais chez nous il nous a fallu joué un peu des coudes , alors il fallait trouver l’astuce alors voilà « vous devriez faire ça puis c’est tout » Alors il me dit, (vous savez Coffy, avant on avait Etchegaray, lui il parlait beaucoup en général comme nous, mais lui ne parlait pas beaucoup –(il était de Haute Savoie ce n’est pas de sa faute) alors la première fois ça faisait drôle d’aller chez lui et puis il ne parlait pas, alors quand on disait un truc il ne parlait toujours pas ; au début c’était un peu difficile et il a fallu s’y faire et en plus il avait la pipe lui ; alors quand on allait lui poser des questions il bourrait la pipe et ça lui permettait de réfléchir et après répondait ; et moi il m’avait déjà fait cela plusieurs fois. Mais j’ai appris à avoir une confiance inouïe dans ce type là ; c’est lui qui m’avait dit au moment où le séminaire a fermé mais quand même il y a beaucoup de gens un peu comme ici qui sont passés sans être séminaristes, qui viennent suivre des formations et beaucoup de laïcs que ça intéresse et donc il faudrait que Marseille ait quand même un centre de formation théologique est ce que tu peux faire un petit rapport pour voir ce qui serait possible alors moi je fais un petit rapport mais quand même je n’avais qu’une envie c’est d’aller en paroisse et surtout ne plus habiter dans cette grande maison du séminaire alors je me dis bon puisque les séminaristes s’en vont et que moi je reste mais je voudrais aller en paroisse
« Ah oui oui je sais je sais on va voir on va voir » mais les mois passent et on ne voyait toujours rien venir et on arrive vers juin il m’invite à manger ; là peut-être je vais y arriver ; on mange et moi à l’époque ça m’impressionnait ; on mange, on arrive au fromage, on avait parler de plein d’autres choses mais pas ce qui m’intéressait moi ; alors je me risque à dire « non mais quand même alors vous avez réfléchi moi je peux aller en paroisse l’année prochaine ? » « Non moi je crois qu’il faut que tu restes dans cette maison » ; alors à bout d’arguments je lui dis :
« Vous savez moi je connais, cette maison je l’ai connu pleine et là je vais ouvrir les volets le matin il y aura personne, je suis au bout d’un couloir personne où il n’a a personne , il est froid et je vais être là dans cet appartement tout seul comme ça » et lui n’avait toujours pas changé d’idée. Alors à la fin en sortant la dernière carte je lui dis que « Vous savez pour moi je suis célibataire c’est pas un truc facile alors vous prenez des risques en me laissant tout seul là dedans » après je me suis dit : « Aveline qu’est-ce que tu as dis là » ; et là il a compris et alors sortant la pipe il me di : « Oui je sais c’est difficile d’ailleurs moi j’aurais du mal mais toi il faut que tu le fasses » et ça m’a fait un choc mais après ça c’était bon je n’avais plus besoin d’aller chercher des arguments
Et maintenant aujourd’hui comme évêque je me dis ça c’est un type qui m’a dit la vérité : il ne m’a pas dit « non mais tu verras ça va bien se faire », non il ne m’a dit ça il m’a dit « moi j’aurais du mal mais toi il faut que tu le fasses » et je l’ai fais et c’est comme ça qu’on a gardé ces locaux et c’est comme ça que un an plus tard quand j’ai remis le rapport et qu’il m’a dit « c’est une bonne idée ce rapport tu vas le faire toi » et moi je lui dit « enfin ça m’intéresse pas et je n’ai pas de compétences » , « non tu vas le faire toi ». Mais comme j’avais appris à lui faire confiance et parce que j’étais resté au séminaire, qu’on n’avait pas vendu cette maison on avait des locaux pour faire autre chose et plein d’autres et on a créé l’Institut. Il est venu à l’ouverture et puis dans le couloir il m’a dit : « Je vais te donner un conseil, ne faits jamais de publicité pour ton Institut, la seule publicité c’est la qualité de ton travail » ; je me suis dit quand j’ai vu après la publicité qu’on a fait pour le centre de l’Institut de Toulouse c’est que finalement eh bien il avait raison et pour vous dire encore un peu plus et puis je m’arrêterai là dessus pour Mgr Coffy. Il est mort le 15 juillet 1995. C’est lui qui m’avait demandé de faire un doctorat je ne voulais pas mais comme il me l’a demandé de la même façon que je reste je dis oui et puis il est mort ; quelques mois après sa cousine qui l’avait accompagné toutes ces dernières années vient de voir avec un truc dans un papier journal et me dit : « Voilà Père Aveline c’est la crosse de Robert je sais que c’est à vous qu’il faut qu’on la donne » ; c’était en 1995 et j’ai mis cette crosse dans un placard et je n’ai pas ouvert par l’armoire
Et dix huit ans plus tard quand j’ai été nommé évêque du coup je suis retourner dans d’armoire et j’ai pris la crosse et j’ai aujourd’hui la crosse de Robert Coffy mais c’est une histoire : je vous la raconte parce que c’est des choses de la vie mais qui pour moi ont beaucoup compté et c’est comme ça que je me suis retrouvé à travailler les questions qui nous rassemblent ce soir et comme je ne savais rien je me suis entouré de gens compétents Roger, Michel pour l’islam, Gérard Branche pour le judaïsme, Dennis Gira pour le bouddhisme Claire Ly, ensuite Christian Salenson, Paul Bony pour la Bible et on s’est entouré d’une équipe de gens compétents et c’est ainsi qu’on a travaillé ; très vite on a créé une revue Chemin de Dialogue car je me suis dit que pour un d’Institut comme ça il fallait lui donner un outil de publication donc c’est ce qu’on a fait et voilà ! Mais je tiens à vous dire ça parce que c’est pas l’expérience personnelle ni le goût qu’on aurait pour telle ou telle chose qui sont en ces matières les plus importants le plus important c’est de prendre au sérieux le défi de la société dans laquelle on est et du coup dans notre ville au milieu de cette société, c’ est d’essayer de penser, de travailler et alors il ne faut pas que penser : il nous il a fallu aussi créer tout en réseau de relations qui existaient avec les communautés religieuses présentes à Marseille.
Donc voilà c’est comme ça que ça c’est passé alors évidemment après très vite je me suis aperçu de l’importance de cette réflexion, de ce travail ; je m’en suis aperçu d’autant plus que l’actualité donnait à la question de la réflexion sur le phénomène religieux une importance de plus en plus grande et très vite d’ailleurs on a été sollicité par des catégories socio-professionnelles différentes qui étaient aux prises avec la question de la gestion du religieux dans l’espace public : des soignants, des enseignants, des élus, c’est à dire que ma petite question du début sur la foi chrétienne et les religions s’avérait avoir une portée plus importante et il fallait travailler sur ce que c’est qu’une religion, il fallait en plus une réflexion théologique, convoquer sur le chantier des corps de métiers différents : la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie et commencer à établir des conversations avec des compétences différentes et aider à travailler ensemble mais ça on l’a découvert ; ensuite je suis aperçu qu’on n’était pas les premiers sur ce travail là mais on l’a découvert en le faisant avec une équipe et puis après mon doctorat auquel Mgr Coffy m’avait incité et cela m’a quand même plusieurs années d’études sans lâcher l’Institut parce que c’était difficile (on en reparlera demain)
Mais après ce doctorat donc que j’ai soutenu en 2000 très vite j’ai été sollicité d’une part par l’archevêque de Rabat qui venait juste d’être nommé et qui m’a demandé de venir travailler à la formation des prêtres du diocèse de Rabat et pour moi ça a été découverte et du coup je me suis aperçu que ces questions avaient aussi des ramifications dans les questions méditerranéennes en général, la formation des prêtres du diocèse de Rabat, puis le cardinal Poupard m’avait demandé de travailler à la formation des directeurs des centres culturels catholiques du pourtour de la Méditerranée. Cela a été pour moi aussi une expérience extraordinaire d’aller un peu partout : à Rabat il y avait une bibliothèque, à Alger il y avait le Centre des Glycines, à Alexandrie il y avait un petit truc que les jésuites appellent le garage qui était un truc pour les jeunes de la rue, en Libye, je suis allé aussi en Jordanie et en Syrie, au Liban bien sûr.
Mais chaque fois ça m’a aidé à prendre conscience que la Méditerranée est déjà un laboratoire extrêmement important et aujourd’hui bien des années plus tard j’essaie de travailler de toutes mes forces à établir suffisamment de petites structures de coopération entre les différentes rives du pourtour méditerranéen pour que nous avancions et j’ai suggéré au Pape il y a un an et demi que de même que l’Amazonie avait eu son synode il serait pas complètement incongru que la Méditerranée bénéficie du sien parce qu’après tout cette région cumule un certain nombre de défis qui sont ceux de l’humanité aujourd’hui : défi migratoire, défi écologique, défi de la disparité économique, défi de la pluralité religieuse et culturelle enfin bref de nombreux défis (vous êtes bien placés ici aussi pour le savoir) et j’ai donc été très impliqué dans la naissance de ce qu’on appelle le processus de Bari qui a commencé il y a deux ans et demi à Paris, vous savez une réunion des évêques du pourtour méditerranéen, et qui s’est poursuivi il y a trois semaines à Florence avec une réunion aussi d’une soixantaine d’évêques du pourtour méditerranéen auxquels s’étaient joints une soixantaine de maires des villes du pourtour méditerranéen ; ces dix dernières années donc on a eu deux grosses réunions ; j’ai dit mais enfin bon (c’est un peu simple boutade) mais on avait commencé en février 2020 à Bari et là on était en février 2022 à Florence il vaut mieux ne pas en faire une 3e parce que si on va a Bari on va déclenché une pandémie et si on va à Florence on va déclenché une guerre, on va pas faire une troisième non !
Mais c’est cette rencontre nous a montré aussi que à la fois sur les rives de la Méditerranée comme on dit c’est trop étroit pour séparer et trop large pour confondre et de nos rives on peut distinguer maintenant cinq ensembles l’Afrique du Nord, le Proche-Orient, les Balkans l’Europe du sud à laquelle maintenant on prend davantage conscience de la rive slave car après tout la Mer Noire et même la mer d’Azov c’est la Méditerranée ; une goutte du Niepr finit un jour à Gibraltar et donc on s’aperçoit aussi quand on travaille ensemble comme on l’a fait à Bari ou a Florence on s’aperçoit à quel point à quel point on est proche par la Méditerranée bien sûr mais quelle distance quelle distance dans les contextes sociologique et ecclésiologique ; il y a des défis qui nous sont communs et puis à des situations qui sont extrêmement différentes .
Cela j’ai eu à m’en rendre compte au fur et mesure des mes responsabilités et puis pour terminer sur ce qui ce qui comme on disait autrefois d’où je parle j’ai eu à travailler au Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (j’y suis encore aujourd’hui) et c’est exactement un lieu d’observation de ce qui se passe dans le monde du point de vue des relations interreligieuses et maintenant vous êtes aussi bien placé puisque Norbert Turini est membre du conseil d’honneur de la Conférence des évêques de France sur ces questions et on voit toutes les difficultés de ce travail (on y ne reviendra ce soir ou dès demain) mais on va voir toutes les difficultés de ce travail aujourd’hui en particulier chez nous en France avec la grande difficulté de la représentation de l’Islam et toutes les questions que cela entraîne (et on n’en n’est pas sorti) (mais on va laisser ça pour l’instant).
La question que je voudrais aborder ce soir c’est en reprenant cet itinéraire dont je viens de donner quelques éléments : qu’est-ce que j’ai mieux compris moi–même de la mission de l’Eglise à la faveur de mon travail pastoral et théologique au service des questions des relations interreligieuses ? voilà c’est sous cet angle là que je prends cet enseignement pour ceux parmi vous qui sont étudiants et à qui on a demandé de travailler sur ces questions et je le fais parce que en vous expliquant par quelles étapes moi même je suis passé dans la compréhension de la mission de l’Eglise à la faveur des questions que posait la foi chrétienne, la prise au sérieux de la question religieuse je voudrais essayer d’ouvrir un certain nombre de pistes. Alors en tout pour qu’on ne s’y perdre pas trop en tout je voudrais dégager 4 étapes, 4 pistes de travail donc quatre étapes pour vous dire par où je suis moi même passé.
1 -LA MISSION DE L’EGLISE :
AU SERVICE DE LA RELATION DE DIEU AVEC LE MONDE
D’abord la première c’est une compréhension de la mission de l’Eglise comme étant au service de la relation de Dieu avec le monde : voilà vous voyez bien ce que j’essaye de dire. Et au bout quand on réfléchit sur les relations interreligieuses et des tas de problèmes qui se posent bien sûr mais la question théologique fondamentale elle abouti au fond sur la question « qu’est ce que la mission de l’Eglise ? ».
Je fais l’hypothèse que la prise au sérieux de ces questions peut nous aider à mieux comprendre ce qu’est la mission de l’Eglise et ça ça la déplace beaucoup aujourd’hui d’où l’importance de ce travail. Et pour me faire excuser encore une petite remarque d’introduction mais qui permet de mieux comprendre l’expression dialogue interreligieux car aujourd’hui c’est une expression qui a au moins deux grand sens : premièrement ça signifie ce que les pouvoirs publics voudraient que les religions fassent pour concourir à la paix sociale : le dialogue est un vecteur de paix sociale et c’est très important (et vous en avez certainement beaucoup l’expérience) mais l’expression dialogue interreligieux signifie aussi quelque chose qui est profondément théologique, qui décrit une attitude, l’attitude que l’Eglise entend adopter à l’égard des fidèles d’autres traditions religieuses que la sienne : voyez se sont deux choses très différentes ; c’est la même expression mais un c’est un vecteur de paix sociale et on peut s’y engager et c’est normal que les traditions religieuses s’y engagent et deuxièmement c’est une attitude de foi basée sur la foi et qui décrit l’attitude qu’on voudrait adopter et qu’on on veut adopter à l’égard des fidèles d’autres traditions religieuses : la première acception relève d’une théorie socio-politique du religieux, la deuxième s’appuie sur une réflexion théologique et pastorale alors c’est cette deuxième acception que je voudrais creuser ce soir
La première est importante aussi mais c’est sur la deuxième que je voudrais m’arrêter ce soir (c’est clair ? et si c’est pas clair dites-le moi car j’ai 400 heures de train dans les pattes j’ai pas forcément les idées claires). Alors je vous disais que si on est bien situé du point de vue théologique on voit que les questions arrivent et ça nous aide à mieux comprendre la mission d’Eglise et là je me dis moi il y a eu quatre étapes.
La première étape c’est que la mission d’Eglise au fond c’est de servir la relation d’amour de Dieu envers le monde, ça paraît banal de dire ça mais prenez juste un Jean chapitre 3 verset 16 : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son propre fils » : pour moi dans mon itinéraire la prise de conscience de ça c’est quelque chose de capital c’est à dire ce n’est pas Dieu a tant aimé l’Eglise c’est Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son propre Fils non pas pour que le monde soit jugé par lui mais parce que le monde soit sauvé. Ça veut dire au centre il n’y a pas l’Eglise, ça veut dire si tu veux comprendre la mission commence par accepter un décentrement ; voyez travailler à la mission c’est pas travailler à la survie de l’Eglise c’est travailler à ce qu’elle s’ajuste au service de la relation de Dieu avec le monde : il a tant aimé le monde qu’il a donné son propre Fils ce qui veut dire que il y à un décentrement ; si je le dis encore autrement ça veut dire que le centre de gravité de l’Eglise n’est pas en elle-même d’ailleurs dans son histoire et à chaque fois qu’elle a trop cru que le centre de gravité, son centre de gravité était en elle-même c’est-à-dire qu’elle se regarde et qu’elle essaye de se survivre ça finit pas très bien . Et si l’on veut aller plus loin c’est dire que le centre de gravité de l’Eglise n’est même pas dans une relation privilégiée qu’elle aurait elle avec Dieu comme si cette relation privilégiée lui permettrait de s’installer en douanière de l’au delà en permettant selon le certificat qu’on présente d’être assuré d’y aller ou pas ; ces attitudes qui ont eut lieu ou qui ont pu avoir lieu cours de l’histoire ne font pas justement ce décentrement et le centre de gravité n’est même ni dans une relation privilégiée qu’elle aurait elle-même avec Dieu, son centre de gravité c’est d’être au service d’une relation entre Dieu et le monde : c’est un peu ce que Jésus dit lui-même quand dans des paraboles il l’explique : c’est là que la parabole du levain c’est à dire que à la fin une fois que vous avez mis le levain dans la pâte et que la pâte a cuit à la fin vous pouvez pas retrouvé le levain ou alors ça n’a pas bien cuit et c’est pareil pour le sel si vous salez l’aliment et une fois que c’est fait vous n’allez pas chercher là le sel c’est la saveur mais c’est plus le grain de sel et si je puis dire c’est pareil pour la lampe après c’est lumière.
Voilà et bien c’est ça c’est à dire le centre de gravité de l’Eglise est le service d’une relation et cette relation c’est une relation d’amour de Dieu envers le monde : ça dit son regard, ça dit sa place. En latin un service se dit un ministère et on comprend mieux d’ailleurs pourquoi l’Eglise s’organise en ministères au pluriel et pourquoi d’ailleurs dans la phase où nous sommes elle a tout intérêt à augmenter cette dimension ministérielle pas uniquement des ministères ordonnés : elle est un service et c’est ce que le mot ministère traduit elle est un service, un ministère et puisque ce centre de gravité n’est pas en elle-même ni même dans la relation avec Dieu, l’Eglise donc n’est pas préoccupée de sa survie ni même de sa réussite en tant que l’Eglise, ce qu’elle sert c’est le Royaume et si on comprend ça on comprend aussi pourquoi l’Eglise n’est souvent pas tout à fait à l’aise dans ce que l’on appelle socialement le dialogue interreligieux où on fait venir toutes les religions ; ça m’est arrivé je ne sais combien de fois où on fait venir le grand mufti, le grand le grand imam, le grand vénérable, et le grand évêque, mais voyez dans son fond l’Eglise elle n’est pas une religion qui chercherait à se développer comme religion elle est un ministère de quelque chose qui la décentre d’elle-même.
Il m’est arriver de n’être tout à fait à l’aise quand autour de la table il n’y avait que des représentants de la religion puisque elle l’Eglise elle confesse que Dieu n’est pas plus proche de l’homme religieux que de l’homme séculier, que la relation d’amour elle est de Dieu pour le monde et pas pour ceux qui dans le monde ont une religion, elle est pour le monde C’est pour ça que quand on lui faire du dialogue interreligieux comme si il n’y avait que le religieux pour être acteurs de la paix sociale oui et non, oui parce que bien sûr elle est heureuse d’y coopérer mais non parce que parce que c’est pas tout à fait sa place non plus ; de plus quand elle y est invité c’est bien mais elle se rend très vite compte que c’est bien mais bon ce n’est pas son rôle et elle n’est pas dupe des rencontres où elle a un fauteuil mais que mais que au fond elle est prisonnière de ceux qui lui on donné le fauteuil c’est à dire que si tu veux garder une distance critique et prophétique au nom du message sur lequel tu prétends être fondé, il n’est pas sûr que le fauteuil que l’on te donne pour participer à la discussion dans un aréopage, donc finalement il n’est pas tout à fait sûr qu’ils aient toutes les composantes y soient et même ni même que ta place soit bien là : alors petit à petit trop contente d’avoir réussi à obtenir un fauteuil elle en deviendra moins éveillé pour exercer des paroles critiques et prophétiques à l’égard de ceux qui lui on donné le fauteuil ; il peut arriver que monsieur le Président de la région et des politiques qui nous ont invités ne soient pas d’accord et que nous ne soyons pas d’accord mais seulement s’il nous a donné le fauteuil : c’est comme si je parle trop longtemps ce soir une religion dans un fauteuil ça fini par s’assoupir donc il faut il faut rester éveillé, il faut garder ce potentiel critique et prophétique c’est une des choses très importante ça et d’ailleurs c’est souvent c’est souvent sur ce terrain-là que dans les relations interreligieuses il faut exercer certaine proximité parce que souvent les messages des religion contiennent cette dimension critique et prophétique et souvent c’est par là aussi qu’on peut se trouver à portée de voix en particulier pour la lutte contre l’injustice, pour l’accueil des plus des plus fragiles, pour toutes sortes de choses qui concernent la dignité de la personne humaine et l’unité de la famille même. Et donc voilà c’est pour cela que vous voyez en partant de cette de cette définition de la mission qui est un service et une relation d’amour de Dieu avec le monde on touche des questions importantes et profondes du point de vue du dialogue interreligieux .
En travaillant ces questions je m’étais dit aussi bon ben c’est sûr que quand on commence (et puis on en parlera demain) on comprend comment l’Eglise est une religion certes vu de l’extérieur sociologiquement mais vu de l’intérieur elle ne se définit pas elle même comme une religion : il a fallu attendre le quatrième siècle, il a fallu attendre Lactance pour qu’on ose employé ce mot qui était plus autre chose ou le mot qui désignait les coutumes païennes ; mais nous on n’était pas une religion, on était les adeptes de la Voie et donc la religion c’était pas bon et après on a perdu ce sens et aujourd’hui aussi on voit bien ce que je disais tout à l’heure : Dieu n’est pas plus proche de l’homme religieux que de l’homme séculier, on voit bien aussi qu’un certain nombre de nos contemporains et on l’a on en voit beaucoup qui sont pas forcément contre la relation avec Dieu mais qui ne trouvent plus dans le discours et la pratique des religions ce qui exprime cette relation et du coup beaucoup vont chercher ailleurs dans l’art, dans la culture dont la production littéraire des voix qui expriment le désir de Dieu qui est en eux et que les religions semblent avoir un peu trahi. Combien d’ailleurs (on va passer tout autant sur les questions interreligieuses) mais enfin pour une bonne partie des gens que nous rencontrons la religion il y a longtemps qu’ils ont pris leurs distances et même une bonne partie de nos contemporains ça veut pas qu’ils ont éteint le désir de Dieu, ça veut pas dire qu’ une dimension de profondeur n’existe plus mais cette dimension par prudence prend un peu de distance ça aussi il faut qu’on la voit briller dans l’ Eglise : Dieu a tant aimé le monde y compris tout ceux qui dans ce monde cherchent à assouvir en eux le désir de Dieu s’en sont aller puiser aux sources des traditions religieuses parce que parce que le message semble avoir été frelaté et donc il faut aussi prendre acte de ces difficultés là et bien comprendre aussi que les religions et peut-être surtout les monothéismes (on y reviendra demain) pourquoi les monothéismes parce que ils ont la prétention de reposer sur une révélation de l’absolu de Dieu et les religions monothéistes plus que d’autres parce qu’elles ont la prétention de reposer sur l’ absolu de Dieu et sont souvent amenés à confondre l’absolu de Dieu avec absolu de l’institution religieuse. Aucune religion est indemne de cette tentation d’ absoluité mais nous éprouvons plus encore aujourd’hui qu’il y a quelques années combien cette tentation d’absoluité est la matrice d’un grand nombre d’abus en tous genres lorsqu’on confond l’absolu de Dieu avec l’absolu de l’institution religieuse et c’est aussi pour ça que le dialogue interreligieux c’est bien mais voilà avec quelques critiques quand même, quelques réflexions critiques sur ce qu’est la religion (on y reviendra demain matin) puisque c’est une vision juste panoramique ce soir ce soir
C’est un apéro c’est pour mettre l’eau à la bouche de plusieurs choses et après on ira prendre qui les petits gâteaux qui les olives ou ce que vous voulez !
Il me semble aussi que par rapport à cette tentation d’absoluité et nous faisons une confusion de l’absolu de Dieu avec l’absolu de la tradition de la de l’institution religieuse il me semble et ça peut être intéressant qu’on peut repérer trois antidotes et ce qui est intéressant enfin pour moi c’est que ces antidotes sont communs à nos traditions religieuses différentes en tout cas au monothéisme on pourrait le faire aussi pour d’autres.
Le premier antidote – c’est ce que j’appellerai la posture du prophète. Le prophète c’est celui qui dit attention attention avec votre absolu et votre prétention absolue et attention Dieu n’en a rien à faire de vos liturgies, de vos libations, de vos sacrifices ce qui compte c’est la justice, c’est donc le souci de la veuve et de l’orphelin. Lisez Amos, Osée et tous les prophètes et donc le prophète est celui qui est un antidote contre la tentation d’absolu et au nom de l’impératif de la justice faites attention qu’à force de faire des liturgies extraordinaires vous soyez tenté de vous absolutiser et d’oublier l’impératif de justice ; et là les prophètes juifs sont une matrice pour ça mais vous pouvez en trouver d’autres par exemple les textes très beau chez saint Jean Chrysostome et d’autres aussi
La deuxième posture c’est la posture du mystique. Le mystique dit oui au truc d’absoluité c’est très bien tout ça très bien nous vous avez raison vous avez raison mais attention attention ne construisez pas des murs parce que l’élan vers Dieu peut monter plus haut que vos murs et l’union à Dieu n’a rien à faire de vos barrières dogmatiques : c’est la posture du mystique. Et le prophète et le mystique c’est pas une critique de l’extérieur de la religion c’est une critique qui s’élève de l’intérieur de la religion : le prophète à cause de ces deux impératif de justice, le mystique à cause de horizon de l’union de Dieu à toute personne humaine et quand d’ailleurs dans l’histoire de l’Eglise on a commencé à reconnaître que ces mystiques avaient une valeur que nous mettrions entre guillemets de sainteté et si vous voulez puisqu’ il faut pas non plus mettre tous les mots à la place des autres mais tout de même on commence à comprendre que le désir de Dieu peut trouver un élan au delà du mur que les dogmatiques par lesquelles ce qui est dogmatique nous sépare du prophète : posture du prophète, posture du mystique.
La troisième posture c’est la posture du théologien : le théologien dit c’est très c’est bien vos affaires c’est très bien mais attention il faut toujours convoquer la raison sur le terrain de la foi et si vous présentez la foi de telle façon qu’elle congédie la raison au prétexte que la prière là je ne sais quoi n’a pas besoin de la raison car après tout l’union à Dieu se fait sans la critique rationnelle alors là vous allez obtenir une religion qui en congédiant la raison a fait le lit de la violence ainsi que le reprendra beaucoup Benoît XVI.
Et donc ces trois postures sont des antidotes à la tentation d’absoluité et davantage c’est que l’ on peut les retrouver dans toutes les religions et le prophète et mystique pensez à Al-Hallaj que Matignon travailla avec autant de minutie et le théologien pensez au Kalâm . Ainsi donc voila c’était ma première étape à partir simplement de Jean 3, 16 et qui ouvre déjà un certain nombre de pistes de travail et qui nous aide à mieux comprendre ce qu’est la mission de l’Eglise.
2 –LA MISSION DE L’EGLISE : COOPERER AVEC L’ESPRIT-SAINT
Il y a une deuxième chose qui est venu elle aussi progressivement c’et si tu veux comprendre ce qu’est la mission décrite à partir de cette expérience là et bien on peut dire la mission d’Eglise est de coopérer avec l’Esprit Saint. Ça paraît banal de dire ça mais c’est un point qu’on n’a pas inventé bien sûr mais qui à la faveur des questions qui nous occupent ce soir s’éclairent un peu plus et permet de mieux comprendre la mission qui est la coopération avec l’Esprit Saint. Ça veut dire comme le disait saint-Irénée il faut regarder les deux mains du Père (c’est cette belle expression de saint Irénée) le Père travaille avec les deux mains celle du Fils et celle de l’Esprit et Irénée qui était un des grands docteurs de l’unité comme on le célèbre ces temps ci à la fois l’unité entre les deux Testaments, l’unité dans l’Eglise, des communauté dans le Christ ; avec Irénée encore on peut un peu mieux comprendre quelle est la place de l’Eglise, on a besoin de l’Eglise parce qu’elle est le peuple des témoins du Christ mais dans sa mission elle coopère avec l’autre main du Père qu’est l’Esprit Saint et l’Esprit Saint n’a pas attendu l’Eglise pour commencer le travail et donc ce qu’il nous faut c’est une théologie trinitaire de la mission qui va nous conduire à l’expérience de la relation inter religieuse et c’est le pourquoi de la nécessité d’une théologie trinitaire de la mission.
Je voudrais donner deux étapes donc qui pour moi étaient importants mais qui relève aussi du magistère récent :
La première est avec Paul VI dans l’Encyclique de Paul VI Ecclesiam suam publié le 6 août 1964 qui est un texte fondamental pour nos questions Dans cette Encyclique Paul VI et il est le premier vous savez dans le magistère de l’Eglise à employer le mot « koloko youm » qu’on traduit par dialogue pour désigner le geste par lequel Dieu se révèle (j’attire votre attention). Là le mot dialogue a une teneur théologique forte, il ne signifie pas un espèce de bavardages entre nous : la première fois qu’il est utilisé dans un texte magistériel par Paul VI le 6 août 1964 c’est pour désigner le geste révélationnel de Dieu dans toute sa teneur théologique et le dialogue ça dit pas ce que je fais là ou ce qu’on peut faire en discutant. Dialogue ça dit ce que je confesse car c’est une confession de foi, c’est pas une évidence mais je confesse moi chrétien d’ailleurs avec mon frère juif, je confesse que Dieu pour se révéler qui avait trente six mille façons de pouvoir le faire a choisi un mode dialogale c’est ça que la Bible raconte cela, elle raconte comment pour se révéler Dieu a choisi d’engager avec l’humanité un dialogue, un dialogue d’ailleurs dit Paul VI-« koloko youm säntis » c’est à dire un dialogue de salut . Et donc c’est ça que dit le mot dialogue c’est d’abord un geste de Dieu, un geste que je confesse être celui de Dieu donc chaque fois qu’on dit dialogue théologiquement parlant nous engageons une confession de foi qui concerne notre théologie de la révélation : le dialogue c’est le geste relationnel de Dieu et la Bible raconte cela sous la forme d’une histoire d’alliance au fond le mot alliance est le mot biblique d’où procède la notion théologique de dialogue c’est un geste de Dieu vous trouverez ça pour paragraphe 65 et 72 de l’Encyclique Ecclesiam suam et Paul VI va encore plus loin et encore plus loin c’est ce colloque ou « koloko youm » qui est avec toute l’humanité (ça on a déjà vu tout à l’heure) et il va encore un peu plus loin c’est que il dit en gros c’est parce que nous confessons que Dieu pour se révéler a choisi un mode dialogale avec Abraham, Moïse etc etc et les quatre alliances d’Irénée dialogue qui peut être comme l’Alliance accepté puis après refusé et puis après reproposer, ect., etc. …. C’est une histoire et Paul VI dit ça parce que nous confessions que Dieu pour se révéler a choisi un mode dialogale que nous comprenons que pour nous c’est l’Eglise dans sa mission qui doit s’ajuster au geste de Dieu et nous devons nous aussi adopter un mode dialogale. Voyez le raisonnement de Paul VI c’est parce que je confesse que c’est un geste révélationnel de Dieu que j’en déduis que ça doit être le geste missionnaire de l’Eglise de même que Dieu choisi le « koloko youm » pour se révéler que l’Eglise doit choisir le dialogue comme vecteur de sa mission
Voilà c’est ça que Paul VI a fait et c’est fondamental et pour le dire en une phrase voici ce qui fonde une théologie dialogale de la mission sur une théologie dialogale de la révélation; c’est ça qu’il a fait dans Ecclesiam suam .Voyez à quel point ça ouvre aussi beaucoup beaucoup beaucoup de perspectives : c’est déjà faire en sorte de dire que la révélation ne serait pas qu’un paquet de vérités qui descendrait un beau jour du ciel et heureusement j’étais pas trop loin donc j’ai eu accès et ceux qui étaient trop loin tant pis pour eux. La révélation est un une histoire, l’histoire d’un dialogue et nous savons tous d’expérience que Dieu ne se résigne pas à nos ruptures d’alliance ou à nos refus de dialogue et l’Apocalypse le dit à sa façon « Je me tiens la porte et je frappe, si tu m’ouvres ton cœur je ferais chez toi ma demeure ».
Cette histoire dont nous savons d’expérience que ce n’est même pas une théorie c’est une expérience spirituelle que nous vivons chacun et nous savons bien que la patience, la délicatesse et la persévérance de Dieu peuvent avoir raison de toutes nos fermetures, c’est toujours quelque chose à reproposer toujours toujours. Donc c’est une expérience spirituelle d’ailleurs il faudrait le dire et le redire tu ne comprends ces questions, à mes yeux, que si elles rejoignent ta propre expérience spirituelle. C’est pas des théories, c’est une conjugaison entre ce qui nous est donné de vivre spirituellement avec les défis de ton Eglise et de ta société que tu n’as pas choisi mais dans lesquels tu vis et l’histoire d’une tradition dont tu es l’héritier. La parole de Dieu et la tradition de l’Eglise c’est ce triangle là d’une une vie spirituelle, d’un défi social, ecclésial et tout ça et d’un héritage la parole de Dieu et la tradition qui sont les racines de la réflexion que l’on essaie d’avoir.
Donc la première étape c’était Paul VI. J’ai dis qu’il y en avait deux pour penser cette théologie de la mission pour penser justement cette dimension trinitaire cette théologie trinitaire de la mission tout vous comprenez aussi que c’est quand notre mission n’est plus un moment de théologie trinitaire que nous risquons de manquer de théologie dialogale de la mission , c’est quand notre théologie risque de ne pas être assez dialoguée. Dans l’histoire récente de la théologie occidentale cette nécessité d’approfondir la théologie trinitaire est de plus en plus importante. J’ai dit que Paul VI l’avait posé là les bases par le biais d’une réflexion sur la révélation. Il faudrait ajouter deuxièmement l’apport ici capital de Jean Paul II pour une théologie trinitaires et en particulier pour le développement d’une théologie de l’Esprit Saint
On doit à Jean-Paul II cette intuition qu’il exprime en plusieurs endroits que « toute prière aux dieux est une prière authentique et inspirée par l’Esprit Saint » (Jean Paul II au Rassemblement d’Assise, 22 décembre 1986) : c’est vite dit mais réfléchissez : « tout prière aux dieux est une prière authentique et inspirée par l’Esprit Saint »
Vous voyez prier des musulmans. Je pense à Charles de Foucault au Maroc qui est loin encore de tout ça mais la vue de cette prière ravive en lui quelque chose : ça va pas être immédiat, mais ça va avoir son effet. Souvenez vous quand Jean Paul II arrive quelque part le premier geste c’était d’embrasser la terre comme pour signifier que cette terre avait déjà été travaillé par l’Esprit Saint avant même que les pas des premiers missionnaires en aient foulé le sol. Souvenez-vous de cette séquence extraordinaire (quand on relit ça avec un peu de distance !) qui entre 1985 et 1986 a représenté sur la conduite de Jean Paul II un engagement fondamental de l’Eglise dans ce qui avait été posé aussi à Vatican II et qu’il a estimé qu’il fallait selon son expression « faire maintenant une leçon de choses », c’est son expression (je reprends la séquence parce qu’elle est très significative ). Le 19 août 1985 au retour d’un voyage apostolique en Afrique il s’arrête au Maroc et le jour la rencontre à Casablanca au stade de Casablanca les jeunes musulmans ( vous connaissez le discours et il ne faut pas se lasser de le relire) : je suis catholique vous êtes musulman voilà ce que moi je crois, voilà ce que je comprends que vous croyez, voilà me semble-t-il ce qui nous est commun, voilà me semble-t-il ce qui nous distingue mais probablement on doit pouvoir faire des choses ensemble et la première serait de prier
Regardez la séquence du 25 janvier 1986 : il annonce son intention dans le cadre de l’année de l’ONU pour la paix de convoquer à Assise à l’automne une journée de pèlerinage des jeunes, de prières pour la paix à laquelle participeront et seront invités à participer les responsables des églises les responsables des religions
25 janvier 1986 : c’est pas un hasard, c’est la conversion de saint Paul et la semaine de prière pour l’unité ; c’est aussi cette date (souvenez vous) qu’avait choisi Jean XXIII pour annoncer la convocation du Concile Vatican II le 25 janvier 1959.
Le 13 avril 1986 il se rend et c’est la première fois qu’un pape le fait à la grande synagogue de Rome. Je reviendrai là dessus parce que cette question judéo chrétienne est déterminante
18 mai 1986 mai il publie la lettre Encyclique Dominum et Vificantem: Surl’Esprit Saint dans la vie de l’Eglise et du monde et au numéro 53 vous avez cette phrase que j’ai cité tout à l’heure « toute prière authentique est inspirée par l’Esprit Saint »
Le 19 août, 25 janvier, 13 avril, 18 mai, Et puis le 27 octobre c’est la journée de prière des jeunes au pèlerinage pour la paix à Assise avec tout ce que ce dont vous souvenez et puis le 22 décembre 1986 c’est vous savez c’est la rencontre toujours du pape avec les cardinaux et la curie plus ça va plus on voit que c’est des rencontres que quand ils y vont ils sont un peu ennuyés
Parfait bon voilà ce que dit Jean-Paul II : « On a passé une bonne année et joyeux Noël mais enfin je voudrais vous dire ça quand même » parce que Jean Paul II savait très bien que dans la Curie les rencontres d’Assise n’avaient pas forcément été du goût de tout le monde. Et donc Jean-Paul II dit « Joyeux Noël et passez de bonnes années et moi ce que je retiens c’est la journée d’Assise et je vais vous dire pourquoi j’ai convoqué Assise ».
Et là je dis surtout aux étudiants si vous voulez avancer travaillez ce discours du 22 décembre 1986 ; il y reprend d’ailleurs la fameuse formule que je viens de vous dire sur l’Esprit Saint et là vous avez la théologie d’Assise par Jean Paul II lui-même et c’est extrêmement intéressant. Donc voyez on lui doit à lui aussi cet appel de fond à revigorer une pneumatologie de l’Esprit-Saint et entendez bien c’est pas une pneumatologie qui serait un dérivatif facile aux obstacles de la concrétude de la christologie. Voyez c’est évidemment nous avec le Christ qui est incarné et du coup c’est pas très universel puisque c’est un peuple, une culture, une date et tout ça heureusement on a l’Esprit-Saint alors celui-là il passe partout et ça c’est pas comment dire un équilibrage universaliste par une pneumatologie qui nous évite les ornières de la concrétude de la christologie car c’est bien l’Esprit de Jésus Christ ou comme dit saint Paul de Jésus Christ crucifié. Mais il y a justement besoin d’une théologie trinitaire et de relancer la pneumatologie, on est pas encore là, on n’a pas encore fait tout ce travail me semble-t-il : la piste est lancée mais on devrait peut-être d’ailleurs recueillir là les richesses de la réflexion trinitaire des chrétiens d’Orient qui a toujours été plus grande et plus forte que celle des chrétiens d’Occident. Ça serait ça serait une piste de travail aussi et puis on aurait chez saint Augustin, chez saint Thomas aussi dans bien des auteurs on aurait des possibilités magnifiques mais il faut aller les chercher. Mais une théologie trinitaire est nécessaire pour bien comprendre que la mission de l’Eglise c’est de coopérer avec l’Esprit Saint.
Pour dire de manière plus simple je voudrais qu’on comprenne c’est qu’en gros vous comprendrez dans le contexte mais ne sortez pas cette phrase de son contexte : l’Esprit-Saint peut tout sauf remplacer le disciple du Christ : il faut un Ananie pour Saul en Actes 9, il faut un Pierre pour Corneille en Actes 10 : il faut un témoin du Christ c’est à dire c’est comme si nous ( je là décris des choses qui ne se décrivent pas pour qu’on comprenne) comme si vous voulez dans ma foi je suis sûr que l’Esprit-Saint travaille déjà de l’intérieur mon interlocuteur qui ne croit pas mais qu’il lui faut à lui en dépit du travail que l’Esprit-Saint fait en lui, il lui faut la rencontre de quelqu’un qui croit non pas pour qu’il soit sauvé car c’est pas moi qui juge des conditions pour lesquels il le sera et il se peut très bien que jamais il ne rencontre un témoin du Christ, je ne peux rien en déduire quant à son salut mais parce que c’est la mission du chrétien que de dire à celui qu’il rencontre ce qui te travaille je vais te dire ce que c’est l’Esprit de Jésus et de Jésus Christ crucifié et comme disait Bernadette : « Je ne suis pas chargée de le faire croire je suis chargée de le dire ».
Voilà pourquoi il faut une Eglise de témoins mais l’essentiel du travail c’est l’Esprit Saint qui le fait d’une part à l’intérieur de la conscience de mon interlocuteur, d’autre part en moi car si je suis témoin du Christ c’est bien qu’il m’a travaillé aussi. Repenser l’Esprit Saint comme premier agent de la mission comme celui qui de l’intérieur de mon interlocuteur ajuste la serrure de son cœur à la clé du message. C’’est (vous en avez l’expérience) c’est l’Esprit Saint qui ajuste de l’intérieur la serrure à la clé et moi j’arrive je n’ai plus qu’à mettre la clé et c’est cela qui peut-être m’a fait comprendre pourquoi on représente toujours saint Pierre avec des clés. Mais pour cet homme vous comprenez bien qu’il faut bien quelqu’un qui ait la clé mais l’essentiel a été fait autrement de l’intérieur et ça peut permettre aussi de comprendre que la conversion de l’autre pour peu qu’elle arrive ne peut pas arriver si elle va pas de pair avec ma propre conversion : c’est le travail de l’Esprit Saint dans le monde. Le mot conversion est d’ailleurs suffisamment riche dans le christianisme pour qu’on ne réduise pas à l’opération qui consiste à changer de religion. Il y a là quelque chose d’extrêmement réducteur , d’ailleurs au moment des Cendres on nous a dit « convertissez-vous ! » et ça veut pas dire change de religion mais la conversion de l’autre et la mienne vont de pair : que comprendra de l’Evangile celui à qui je l’annonce s’il ne percevait pas que j’étais moi même toujours dans un travail de conversion par rapport à ce même Evangile ? Que comprendra-t’il s’il ne percevait que moi aussi je découvre des choses dans la relation avec lui qui est un rendez vous que le Seigneur nous a donné à la faveur du travail de l’Esprit
Voyez les deux mains du Père le témoin du Fils et le travail de l’Esprit. Il faut apprendre à coopérer avec l’Esprit Saint : voilà aussi qui libère de certaines angoisses qui peuvent se faire jour dans notre Eglise aujourd’hui où on est là à se demander, à regarder avec inquiétude les courbes de croissance ou de décroissance ou alors pire encore à lorgner de façon angoissée et envieuse certaines courbes de croissance des frères évangéliques. Mais le premier responsable c’est l’Esprit Saint et moi j’apprends à coopérer avec lui. Coopérer qu’est ce que ça veut dire ? ça veut dire chercher les traces du mystère pascal dans les expériences humaines avec lesquels je fais mon chemin de vie, c’est ce qu’on fait dans le travail pastoral à longueur de temps, cherchez les traces mystère pascal, lisez le paragraphe 25 de Gaudium et Spes : nous devons tenir que l’Esprit-Saint fera tout d’une façon que je connais la possibilité d’être associés au mystère pascal, ça veut dire aussi chercher les traces du désir de Dieu dans l’histoire religieuse et culturelle de l’humanité ; c’est ça apprendre à coopérer avec l’Esprit Saint et cette coopération n’est jamais à sens unique vous voyez bien c’est à dire qu’en même temps elle rejaillit sur ma propre sur ma vie, mon propre chemin de foi.
Un jésuite avait réfléchi à sa connaissance du monde Michel de Certeau dans un article paru dans la revue Christus en 1963. L’article s’appelait la conversion du missionnaire et Jean Michel de Certeau racontait et c’est toujours long les articles de Michel de Certeau.
Le missionnaire s’en va avec sa Bible dans son sac à dos tout heureux parce qu’enfin il va pouvoir annoncer l’Evangile aux peuplades qui ne la connaissent pas. Il arrive il arrive il arrive il arrive, il pose le sac et il va s’apercevoir que la Bible ils n’y comprennent rien parce qu’ils parlent pas sa langue. Alors il faut d’abord qu’il apprenne la langue et alors là ça va le retenir pour un certain temps et puis pas seulement la langue ; et puis il s’aperçoit aussi qui s’est pas uniquement apprendre dix mots, c’est comprendre des comportements de ces gens-là et qu’ils en vivent déjà. Pensez à Charles de Foucauld et le temps qu’il a passé dans ce dictionnaire touareg-français et français-touareg ; pensez à Albert Peyriguère qui est un disciple de Foucauld qui lui avait fait en arrivant au Maroc à El-Kbab un dictionnaire psychologique de la langue berbère parce que des dictionnaires ce n’étaient pas que des mots : Il faut comprendre l’état d’esprit dictionnaire psychologique de la langue berbère
Alors Michel de Certeau il regarde , il fait tout ça il fait tout ça et que tout ça il l’apprend et puis du temps qu’il apprend, et les regarde vivre et puis en regardant vivre sa vie mais il va comprendre des choses et là il comprend qu’ ils ont pas eu besoins qu’il leur explique tout ça car ils vivent déjà des choses que lui voulait leur dire au nom de l’Evangile. Et puis Michel de Certeau en continuant il s’aperçoit même qu’en les voyant vivre il comprend lui même des choses de l’Evangile que jusque là il n’avait pas compris. Et Michel de Certeau écrivait « comme si certaines fleurs encore closes de son jardin chrétien avait eu besoin pour pouvoir éclore du soleil qui lui viendrait d’une autre culture que ne ponctuait pourtant aucun signe chrétien » : c’est ça la coopération avec l’Esprit Saint elle n’est pas à sens unique, elle est à double sens alors j’avance j’ai dit un la mission comme service de la relation d’amour de dieu envers le monde
*« Fleurs closes depuis longtemps présentes dans son jardin chrétien, certains mots de l’Évangile – ceux qui disent la « fécondité » de la vie divine ou la mystérieuse connivence du Très-Haut avec les pauvres – s’ouvrent en ce matin d’une fraternité nouvelle et lui montrent un secret jusqu’ici inaperçu » (Texte original)
En deuxième partie j’ai évoqué la mission comme coopération avec l’Esprit Saint je voudrais maintenant dire et pour changer les choses ce que moi petit à petit j’ai découvert à force de travail et d’être aux prises avec ces questions d’avoir à expliquer les choses.
3 – LA MISSION DE L’EGLISE EST A COMPRENDRE SUR L’HORIZON DE LA PROMESSE
Maintenant en troisième partie je voudrais aborder la question : la mission est à comprendre sur l’horizon de la promesse
La mission est à comprendre sur l’horizon de la promesse. Pour moi ça a été une découverte progressive et pas du premier coup c’est parce j’ai été amené à y travailler et pourtant maintenant je pense mais ça c’est capital je vous dis comment j’y suis arrivé d’abord j’ai remarqué que c’était le chemin qu’avaient suivi nos Pères au Concile Vatican II c’est à dire qu’ils ne s’étaient pas mis dans la tête qu’ils allaient travailler sur les religions, ni même sur les relations de l’Eglise avec les religions. Nostra Aetate c’est le fruit de d’un certain nombre de choses mais c’était pas un objectif du Concile. On peut même remonter plus loin quand Jean XXIII a convoqué toutes les commissions préparatoires il s’était aperçu qu’aucune des commissions et des assemblées d’évêques pour contribuer à la préparation du Concile n’avait inscrite aucune contribution à l’agenda du travail de l’assemblée conciliaire la nécessité d’écrire un texte sur la relation entre l’Eglise et le peuple juif et ça Jean XXIII ne l’accepté pas pour deux raisons
La première c’est toujours pareil c’est l’expérience personnelle. Jean XIII avait été à Sofia pendant la guerre puis à Istanbul et il avait lui même joué un rôle dans le sauvetage d’un certain nombre de familles juives. Retenez ce je vous ai dit tout à l’heure : l’expérience est une expérience spirituelle. Et la deuxième raison c’est que il avait rencontré le lundi 19 juin 1960 Jules Isaac ; (pour les plus anciens cet historien c’était les manuels Malet et Isaac et Isaac qui était un historien important à cette période.
C’était un historien justement critique et prophétique pour reprendre l’expression tout à l’heure c’est à dire qu’il avait osé travailler après la fin du premier conflit mondial sur une analyse des discours des gouvernements français et allemand et du coup remettant en cause la théorie française comme quoi nous n’avions fait que nous défendre et que nous étions les victimes d’une agression à croire que l’Allemagne était l’agresseur mais que nous n’avions vraiment rien à nous reprocher et Isaac avait voulu travailler avec des historiens allemands, une petit groupe l’historien français et allemands, à retravailler sur une lecture critique des discours de chacun des deux pays ; évidemment cette initiative ça lui a valu qu’il a perdu tout place à l’Université mais il a continué. Et il s’était mis depuis quelques temps avant le deuxième conflit mondial sur un autre sujet qui étaient des racines chrétiennes de l’antisémitisme : quel l’antijudaïsme chrétien ? Quel est son lien avec l’anti sémitisme païen ?. Voilà comment il avait commencé ça .
Puis pendant la guerre alors qu’il était absent du domicile familial sa femme et ses enfants avaient été raflés comme on dit à Paris au Val d’Hiv puis de là transférés dans un camp de concentration dont ils ne revinrent pas ; mais à Drancy c’était bon signe et sa femme avait eu le temps de lui écrire des billets pour lui dire « voilà tout va bien, ne t’inquiète pas »et elle a terminé en disant « Tu sais le livre que tu as commencé sur Jésus Israël surtout fini le ! » . Et quand il a reçu ça ce projet qui était pour lui un livre parmi d’autres c’est devenu une cause à laquelle il a voué toute la suite de sa vie : il a fondé les amitiés judéo chrétienne, il a rencontré Pie XII en 1947 et ensuite Jean XXIII le 19 juin 1960 et il avait remis à Jean XXIII le fruit de son travail, le fruit de son travail avait déjà eu un certain nombre de conséquences et Jean XXIII connaissait en particulier le livre qui avait été publié en 1946 et qui se terminait par une vingtaine de propositions concrètes pour travailler contre les racines de d’antisémitisme, les racines chrétiennes de l’antisémitismes
Et l’année suivante en 1947 un pasteur protestant qui s’appelait Pierre Wisser avait pris l’initiative de convoquer en Suisse dans un petit village qui s’appelle Seelisberg , il avait pris l’initiative de convoquer là une réunion entre le 30 juillet et le 5 août 1947 de théologiens protestants juifs et catholiques pour travailler ensemble, pour essayer d’extirper de la pastorale et de la catéchèse chrétienne tout ce qui pourrait conduire à l’antisémitisme et ce groupe auquel évidemment participait Jules Isaac et quelques théologiens (un protestant et quelques théologiens catholiques), parmi les catholiques avaient été invités Jacques Maritain mais qui n’avait pas pu venir et qui avait confié ce qu’il avait préparé à un de ses amis qui lui était tout proche qui était à Fribourg c’était Charles Journet et donc Journet il y a aussi participé. Puis ils sont arrivés à un certain nombre de choses dans plusieurs commissions et l’une des commissions portait sur la rédaction de 10 points très simples qu’on appelle les dix points de Seelisberg pour qu’ils soient très faciles à retenir pour tenter d’extirper de la catéchèse, de la prédication chrétienne tout ce qui peut conduire à l’antijudaïsme ; mais c’est surtout le point 5 par exemple pour rappeler que Jésus était juif, rappeler que tous les apôtres étaient juifs etc etc et après vous évitiez de parler du peuple juif comme du peuple maudit ou comme un peuple déicide. C’était des trucs très simples au point que si vous le lisez une première fois et vous vous dites c’est magnifique que en 1947 deux ans après la fin du deuxième conflit mondial on soit parvenu chrétiens juifs et catholiques a posé ces choses, puis vous lisez une deuxième fois vous réfléchissez bien vite quand même c’est incroyable qu’il ait fallu le drame de la Shoah pour réaliser le fait aussi simple que Jésus était juif et ses apôtres aussi et caetera. Et je vous ne vous cache pas que si vous le lisez une troisième fois aujourd’hui vous vous dites combien aujourd’hui aussi il serait urgent de redonner à lire à un certain nombre de chrétiens les dix points de Seeliberg. Ç’ as fait beaucoup réfléchir !
Et une fois j’avais donné une conférence comme ça en Corse et qui explique Jules Isaac, Seelisberg, que Jésus est juif et ses apôtres aussi et à la fin au cours d’une séance de question une dame un peu âgée qui lève la main et dit « merci j’ai compris hein c’est vrai c’est vrai que Jésus ‘était juif et je pense que les apôtres aussi ils étaient juifs mais mais enfin mon Père pas la Madone quand même ! » . Alors c’est d’abord un travail mais aujourd’hui ce n’est pas de trop d’y revenir surtout quand on entend certains discours en vue des élections.
Alors voilà Seelesber, Isaac et donc Jean XXIII décide d’autorité d’inscrire à l’agenda de l’assemblée conciliaire la préparation d’un texte sur les relations entre foi chrétienne et foi juive ; et il confie ce travail au cardinal Augustin Béa qui est un jésuite allemand exégète (vous savez déjà son rôle dans le Concile) (bon on y viendra demain pour regarder un peu tout ça comment Nostra Aetate a été construit etc etc ).
Mais ce que je voudrais observer avec vous c’est la première raison de ces premiers points de friction sur l’horizon de la promesse : c’est que nos Pères du Concile n’en sont venus à parler d autres traditions religieuses que parce qu’ils ont commencé à travailler sur les relations judéo-chrétiennes c’est ce qui va devenir le paragraphe 4 de Nostra Aetate la seule chose prévu et c’est parce que lorsque le cardinal Béa a sorti un premier projet parce que quand il a sorti ce projet les évêques du Proche Orient ont dit niet : il n’est pas question que le Concile dise quelque chose sur le judaïsme surtout si c’est positif parce qu’alors vous aurez beau dire que c’est un machin pastoral et spirituel ça sera comme une reconnaissance de l’Etat d’Israël et qui sait qui va payer les pots cassés c’est nous les chrétiens d’Orient donc niet ! Il a fallu remettre le truc dans le tiroir et que Paul VI après Jean XXIII décide de le ressortir ; et c’est à cause de ça que les évêques d’Extrême-Orient et du Japon en particulier ont dit : non mais nous vous savez nous au Japon le judaïsme c’est loin mais s’il y avait une petite phrase sur le bouddhisme et sur l’hindouisme aussi ce serait bien et c’est comme ça que tout a commencé à ajoutez à ce texte sur le judaïsme quelques considérations sur qu’est-ce que c’est une religion et puis sur le bouddhisme et les autres ont dit et l’islam alors ! Du coup on a constitué une petite commission avec les Pères Blancs de Tunisie avec les dominicains d’Egypte pour arriver ainsi à un paragraphe sur l’islam et c’est comme ça que qu’on est arrivé à Nostra Aetate . Et voyez bien que sur la constitution de Nostra Aetate ont plané trois gros problèmes, trois gros orages qui n’ont pas terminés aujourd’hui de constituer un ciel menaçant d’abord les nuages politiques : qui dira aujourd’hui que dans les relations interreligieuses voire dans l’actualité récente œcuménique des questions politiques n’interfèrent pas ?
L’’autre nuage c’est le nuage méthodologique. On avait un texte qui était devenu un ovni : on était parti sur le judaïsme en disant c’est en scrutant son propre mystère que l’Eglise s’interroge sur les liens avec le peuple juif et puis après on a le bouddhisme et l’hindouisme ce n’est pas la même chose donc méthodologiquement fallait-il faire deux textes ou non et n’en garder qu’un et comme le temps passait, on était à 1962 puis on arrivait à 1965 ans fallait-il en garder un ou en faire deux. On a dit il fallait mieux garder un seul texte. Et il vaut mieux faire un seul texte et ce texte est devenu une déclaration. C’était le quatrième statut de ce texte et pour faire droit à ce problème technologique et bien on a fait un seul texte mais dans l’organigramme de la Curie on a fait deux trucs et dans le Conseil qui va devenir Conseil pour les relations interreligieuses mais qui ne travaille pas sur le judaïsme on a mis le judaïsme dans le Conseil qui est devenu pour l’Unité des chrétiens et c’est pareil à la Conférence des Evêques de France avec Norbert nous travaillons sur les relations interreligieuses est donc pas sur le judaïsme mais j’ai demandé depuis deux ans que nos responsables du Service national des relations avec le judaïsme participent à notre conseil
C’est quand bien même on voit bien où est le problème méthodologique concrètement on est confronté à des choses que nous faisons souvent à 3 et Norbert avait préparé ça pour la visite ad limina parce que c’est la vérité de notre chose mais vous voyez le nuage politique, le nuage méthodologique et le nuage théologique sur lequel on viendra plus tôt demain
Mais il n’a pas manqué de voix pour dire et s’élever pour dire que à force de parler de la liberté religieuse (et pour Humanae Vitae c’est une autre différence dont qu’il faudrait faire l’histoire) et puis il a des religions et de façon positive ne va-t-on pas être en contradiction avec l’héritage de la mission qui dit quand même que Jean 4 « le salut vient des juifs » qui dit quand même « hors de l’Eglise pas de salut » ? nous y reviendront demain) et l’on sait que les questions sur la liturgie, sur le latin qui des fois reviennent de Motu proprio en Motu proprio : on part derrière ce nuage théologique qui est celui de la fidélité ou non à l’interprétation d’une tradition (on y viendra aussi) mais voyez bien comment ces choses sont aujourd’hui nous sommes encore sous la menace de ses trois nuages menaçant
Mais ce qui est clair ce que le chemin de nos Pères conciliaires nous dit c’est que si l’on veut travailler sur les relations interreligieuses il faut commencer par la question de la relation entre juifs et chrétiens, c’est capital et dit autrement ça concerne la question de la relation entre identité et altérité : il faudrait ici évoqué une chose c’est que le virus du marcionisme qui n’est pas mort. Marcion, un évêque de Sinope, était celui (il y en avait d’autres) mais c’est le plus connu avait pensé que maintenant c’est bon on était chrétien on avait plus besoin de la Bible juive, que dans nos Bibles pas la peine qu’on garde l’Ancien Testament et que même dans le Nouveau Testament certaines choses sont tellement juives que c’est pas la peine de se trimbaler avec ces vieux trucs. Et donc Marcion c’est ça et il a été condamné en 144, en 144 c’est pas d’hier mais le virus a marché, a survécu à la condamnation de Marcion un peu comme le bacille de la peste dans le livre de Camus où une brave dame a le virus dans les plis d’un drap d’une armoire ! Et à plusieurs époques de l’histoire de l’Eglise il s’est réveillé et toujours dans son histoire elle a eu une relation pas simple avec le judaïsme parfois tentée comme dans certains textes de Chrysostome ou même un peu d’Augustin parfois, tentée de les considérer avec un certain mépris : s’il existe encore c’est bien parce que ça montre à quel point le triomphe de l’Eglise est total, que ce peuple n’étant plus qu’un peuple errant vous avez des choses comme ça et en même temps ils sont là et le salut vient des juifs et l’Epître aux Romains chapitre 9-11 . Il y a une espèce d’ambivalence dans l’histoire de l’Eglise entre la tentation triomphante et la nécessité du respect ça donne des fois des choses très belles la protection au moment où la société elle-même protège moins mais ça donne des fois des choses très douloureuses
Le virus du marcionisme n’est pas mort et parmi les époques de l’histoire où il s’est réveillé il y en a une qui est importante (on y viendra demain matin) c’est le début du 20e siècle lorsque en Allemagne ce virus est réapparu sous la plume de trois auteurs Adolf von Harnack, grand théologien protestant, un autre qui s’appelle Paul de la Garde, un orientaliste bien connu et un troisième Arthur Bonus (c’est comme ça c’est son nom), un pasteur protestant. Et le protestantisme allemand a repris cette idée qu’après tout le christianisme devait être arien et donc être débarrassé de toutes ces choses juives qui l’encombrent et que finalement on devait arriver (c’était le nom du mouvement) à un christianisme allemand débarrassé du judaïsme et là vous voyez avec quelle facilité le national-socialisme a pu prendre appui sur le christianisme allemand au point qu’un pasteur protestant Bernard Remond allemand décrit l’église protestante comme je cite « une Eglise a croix gammée » ; mais il a fallu la révolte d’un certain nombre et de la résistance d’un certain nombre de penseurs comme Muller, Dietrich Bonhoeffer et un suisse Karl Barth ; il a fallu le synode de Barmen en 1934 pour que l’on oppose au christianisme allemand les chrétiens confessant qui eux ne se résolvaient pas à cette façon de concevoir les choses.
Le courant marcionisme continue et aujourd’hui non plus il n’est pas tout à fait mort dans la relation du dialogue judéo-chrétien et parce que c’est le chemin de nos Pères dans la relations judéo chrétienne parce que le virus du marcionisme n’est pas mort et qu’au fond il faut accepter que nos Bibles soient des reliures.. Au fond pour le dire en une phrase, d’une phrase, il nous est demandé d’accepter que nous ne puissions pas comme chrétien décliner notre identité sans faire référence à une altérité qui lui est constitutive : nos Bibles sont des reliures, on ne peut pas décliné notre identité de chrétiens sans faire référence à une altérité juive qui lui est constitutive et chaque fois qu’on oublie trop ça finit mal, Et ça veut dire aussi que l’identité ne se boucle pas sur elle-même, chaque fois que l’identité oublie cette part d’altérité elle devient comme le dit Amin Maalaouf « une identité meurtrière » et aujourd’hui ce danger n’est pas mort et vous comprenez que du coup c’est parce que notre foi c’est quand même incroyable est d’abord une religion seconde, nous ne sommes que la greffe sur l’olivier du judaïsme et l’accepter c’est encore un autre décentrement et c’est à partir de ce décentrement qu’on peut s’interroger sur la place des autres traditions religieuses avec lesquels on n’entretient pas le même rapport qu’avec le judaïsme mais qui sont aussi une autre activité sur la place de ces altérité dans le dessein divin de salut.
C’’est pourquoi la mission doit être regardée sur l’horizon de la promesse parce que la promesse celle faite à Abraham au tout début de l’histoire du salut : «En toi seront bénies toutes les familles de la terre et un jour viendra où toutes les nations convergeront vers Jérusalem ». Mais regardez bien ça c’est une promesse mais le peuple juif n’a pas de commandement missionnaire : sa mission à lui c’est de croire en la promesse et de vivre concrètement de telle façon que sa vie exprime cette foi en la promesse : voyez la minutie des 613 préceptes (quand on dit nous on n’est débarrassé de ça !) mais c’est une façon d’exprimer une foi en la promesse et donc le peuple juif par lequel vient la promesse le salut vient les juifs n’a pas de commandement missionnaire il n’a jamais marqué « allez de toutes les nations faites des juifs » et la foi chrétienne greffée sur l’olivier de la foi juive comporte en plus de la promesse le commandement de la mission « allez de toutes les nations faîtes des disciples » et donc il ne faut pas oublier que le commandement de la mission est à comprendre sur l’horizon de la promesse.
Pour moi dans ma recherche à ce moment là c’était très important d’abord ça m’a invité à dire aux étudiants si vous voulez travailler sur l’islam, sur le bouddhisme etc… faites le mais passer par la case de la réflexion théologique sur la relation judéo chrétienne sans quoi vous accumulerez des connaissances certes mais vous ne serez pas parti de l’intérieur de la foi chrétienne, de son originalité, de ce lien avec l’altérité
Ca m’a aussi donné à lire (je le dis on y reviendra sans doute demain) un livre qui m’a beaucoup beaucoup inspiré qui est le livre de Joseph Ratzinger paris paru en 1967 en allemand et traduit en français en 1971 sous le titre Le nouveau peuple de Dieu et les deux derniers chapitres en particulier où Ratzinger a redéfini la notion comme accompagner la marche de Dieu vers les peuples du monde à cause de la promesse à cause la promesse : le salut vient de la promesse et non de la mission. Ça nous donne à voir et on aurait tort de se focaliser sur la mission qui tend à attraper les angoisses en oubliant que plus large que la mission il y à la promesse. Voyez tout ce que je vous dis depuis le début procède d’un mouvement de décentrement : la relation de Dieu avec le monde et puis après la coopération avec l’Esprit Saint et puis maintenant le lien entre la mission est la promesse (on y revient demain).
4 – LA MISSION DE L’EGLISE COMME REALISATION DE LA VOCATION DE L’EGLISE A LA CATHOLICITE
Je voudrais finir avec un quatrième point je serai plus bref la dessus. J’ai dis donc 1 voilà ce qui m’a ce que j’ai compris petit à petit la mission commune au service de la relation d’amour de Dieu avec le monde, 2 la mission en coopération avec l’Esprit Saint. Et tout ce que ça veut dire que déjà en3 la mission sur l’horizon de la promesse et 4 mais ça c’est beaucoup plus récent pour moi c’est de la mission comme réalisation de la vocation de l’Eglise à la catholicité, la mission comme réalisation progressive de la vocation de l’Eglise à la catholicité.
Pour expliquer un peu ça il faut bien sûr sortir très vite de l’idée que catholique égale une étiquette qui nous permet de dire moi je suis catholique ça veut dire moi je ne suis pas protestant ou je ne suis pas orthodoxe, ce n’est pas ça. Catholique c’est une vocation c’est comme quand on dit l’Eglise dans le Credo , elle est une, elle est sainte il y a encore du chemin, elle est apostolique il y a de la marge de progression enfin ça va elle est catholique mais c’est elle sera la fin si vous voulez
Mais c’est ça c’est ça l’idée c’est que la catholicité est une dynamique elle est plutôt même une vocation elle est ce à quoi toute l’Eglise est appelée c’est-à-dire les catholiques qui n’ont pas le monopole de la catholicité puisque c’est une vocation et il faut bien en prendre conscience et là aussi ça part de notre expérience personnelle, spirituelle. Il faut pour comprendre ça comprendre aussi que la vocation elle-même est quelque chose de dynamique et non pas de statique et qui peut dire moi je sais ma vocation moi je suis mère de famille, moi je suis évêque, moi je suis dominicain mais c’est pas ça ta vocation ? non c’est pas ta vocation c’est un choix de vie, un état de vie, un choix que tu as posé à un certain moment et encore c’est un choix c’est un choix c’est une foi mais comme dit le Seigneur « c’est pas moi c’est pas vous qui m’avez choisi c’est moi qui vous ai choisis » alors toi qui te met à choisir mais toi tu as choisi d’accepter d’avoir été choisi c’est ça, « c’est pas vous qui m’avez choisi c’est moi qui vous ai choisis ». Donc oui à un moment fort tu choisi d’accepter d’avoir été choisi pour appeler et est donc ça ta vocation c’est lié à ses choix alors il faut là aussi prendre conscience du devoir pour moi d’une chose c’est que dans la vie la majeure partie des choses je les ai pas choisis : j’ai pas choisi de naître, j’ai pas choisi de naître à cette période de l’histoire du monde dans tel pays, et puis et puis des trucs qui me constituent que la majeure partie des choses je les ai pas choisis mais dans tout ces choses qu’ont n’a pas choisi que parfois on appelle un destin j’ai choisi d’accepter d’entendre un appel et à cause de cet appel j’ai fait quelques petits choix : dans la vie on ne fait pas beaucoup finalement de choix et quelquefois ont fait de grands choix et après on essaye à partir d’une série de petits choix d’être le plus en plus en cohérence possible avec quelques grands choix qu’on a posés au milieu de la majeure partie des choses qu’on n’a pas choisi. C’est ça l’histoire d’une vie et donc une vocation c’est un travail de tissage entre les fils du destin et les fils d’un appel. On peut dire que la vocation est sans cesse en nous un travail d’enfantement et celui qui dirait moi c’est bon j’ai ma vocation alors celui qui dit ça c’est qu’il n’a pas fini le travail ou qui l’a pas compris cette dynamique qui peut pas savoir que ta vocation tu l’as comprendra à la fin quand tu reliras ta vie dans le regard de Dieu, c’est là que tu comprendras que la Bible donne ça donne à voir, à comprendre ça en Apocalypse au chapitre 12 verset 17 « au vainqueur je donnerai la manne cachée et sur le caillou blanc de l’autre rive est écrit le nom que ne connaît que celui qui le reçoit » : au fond une vocation et nos vies personnelles sont de cette expérience sont toujours entre eux Isaïe 49,16 et Apocalypse 2,17, Isaïe 49,16 « ne craint pas j’écris ton nom sur la peau de mes mains »
Et Apocalypse de 2, 17*« Au vainqueur je donnerai la manne cachée et le nom que ne connaît que celui qui le reçoit ». Entre les deux il y a un savant tissage de la liberté de la grâce mettant sur le métier les fils d’un destin et les fils d’un appel que peu à peu tu comprends et vis ta vocation mais que tu ne comprendras qu’à la fin ; la théologie de la vocation a cette dimension eschatologique qui est capital et rien n’est jamais fini :
Je travaille beaucoup Foucault en ce moment à cause de KTO : c’est un exemple en or pour ça en or mais ça rejoint toutes nos vies eh bien si tu comprends ainsi la dynamique de la vocation on peut transposer ça à la dynamique de la vocation de catholicité pour l’Eglise.
Elle aussi va correspondre peu à peu à cette vocation de catholicité mais cette vocation est au départ voyez c’est « ne crains pas ton nom est écrit» et c’est la promesse cette vocation comme le dit Henri de Lubac : Henri de Lubac m’a beaucoup éclairer là dessus au chapitre 7 de son livre programme Catholicisme paru en 1938 ; il écrit et c’est ce qu’on lui doit c’est une impulsion fondamentale : il écrit catholicisme mais l’Eglise est déjà catholique à la sortie du cénacle ils n’étaient pas nombreux mais ils étaient déjà catholiques quand elle était réduite à une poignée de personnes, de familles dispersées dans les ports et les bourgades de Méditerranée orientale, elle était déjà catholique ce qui veut dire que la catholicité de l’Eglise n’est pas proportionnelle à l’étendue de sa surface sociale.
C’est ça c’est que la catholicité c’est pas l’étendue de la surface sociale : la catholicité c’est la conscience d’avoir reçu en charge non pas à cause de nos mérites mais à cause de la grâce d’avoir reçu en charge de coopérer au salut du genre humain tout entier. Voilà ce qu’est la conscience de catholicité et de Lubac le développe : la catholicité non pas une surface sociale comme si on disait une surface sociale c’est ce qui entraînerait une théologie coloniale de la mission. Non la catholicité se mesure à la conscience d’avoir reçu en chargement non pas à cause de ses mérites mais à cause de la grâce de coopérer au salut du genre humain tout entier et ça c’est vrai dès le cénacle quand ils sont même pas une quinzaine et la catholicité est déjà là mais la vocation de catholicité est loin d’être finie et la mission de l’Eglise correspond à la réalisation progressive de cette vocation de catholicité.
Je vous donne une dernière chose car après il est trop tard : c’est que si vous voulez mieux comprendre : comparez le concept ecclésiologique de catholicité au concept christologique de récapitulation avec le mystère pascal la mort et la résurrection du Christ tout est accompli mais tout n’est pas récapituler et comme dit saint Paul c’est que « à la fin que tout sera récapitulé sous un seul chef le Christ les choses du ciel et celles de la terre » et bien là la récapitulation christologique correspond la vocation ecclésiologique de catholicité et ça pour moi c’est une découverte relativement récente.
C’est la dernière chose que j’ai voulu vous partager avec vous un peu cet itinéraire et ouvrir quelques perspectives de recherche dont nous essaierons demain de tirer quelques unes mais on aura le cas l’occasion de partagé. J’aimerais vous dire merci d’avoir partagé cet apéritif mais pas de résistance elle va demain
CONCLUSION
Merci merci à vous Monseigneur ! Pour quelqu’un qui est arrivé épuisé à la gare de Perpignan je vous ai trouvé bien en forme ce soir et en tout cas ce que vous nous avez donné c’est plus d’un apéritif. Alors moi j’ai l’impression qu’il contenait déjà une partie du plat de résistance et du dessert mais je n’ai jamais pris autant de notes mais c’est que vous nous avez offert une récapitulation et un panorama.
Et en vous écoutant je voyais ce tableau se construire à la lumière de votre expérience personnelle mais c’est aussi l’expérience que l’Eglise a faite finalement que vous avez embrassé. Et je me réjouissais quand même pour l’auditoire parce que je me disais ils ont tout de même de la chance d’aborder une question si difficile et aussi souvent peu accessible à travers tous les débats médiatiques et à travers tous les évènements que l’on peut vivre à travers ce flou et de confusion aussi qui s’empare des esprits par ces parasitages permanents et je me réjouissais pour l’auditoire de pouvoir aborder des questions si difficiles avec autant de profondeur.
Et moi le mot qui me vient en vous ayant écouté c’est vraiment le mot de sagesse et vous avez donné ça beaucoup d’éléments de connaissances mais vraiment sous un angle sapientiel avec le recul et l’expérience qui a été la vôtre mais qui est aussi celle de l’Eglise parce que vous nous avez fait entrer aussi dans l’histoire de l’Eglise à travers toutes les références théologiques et magistérielles et tous les événements que vous avez vous avez mentionné donc vraiment merci parce que je crois que ça donne le ton de la journée de demain.
Et j’ai un peu honte parce que je commence le matin et ils vont être déçus parce que là on va retomber un peu mais bon c’est ça la vie ! Je pense que je me fais un peu le porte parole de tout le monde et je me réjouis vraiment que vous soyez entrer dans cette question aussi fondamentale avec un avec un tel élan finalement, avec beaucoup de spiritualité parce que surtout à la fin je pensais justement à Charles de Foucault, à cette formule que je cite très souvent aux étudiants quand Foucault dit dans une correspondance « le chrétien c’est celui qui fait du salut de tous la grande affaire de sa vie » et là je trouve que au fond il y a quelque chose de très foucaldien dans l’intuition de la fin et assez audacieux aussi. Et je trouve aussi que vous vous avez eu uni la dimension de l’enseignement et de la réflexion de l’événement mais aussi de la spiritualité. Vous nous amenez finalement à un seuil de contemplation de ces questions et n’est pas simplement de conclusion mais aussi une leçon d’humilité face à des questions qui nous dépassent d’une certaine façon et donc merci
Chantal Delsol : La Fin de la Chrétienté ; Les Éditions du Cerf, Paris, 2021 ; 171 pages
1Le sujet de la fin de la Chrétienté en tant que civilisation n’est pas nouveau, et nous en avons déjà parlé dans ces colonnes. Cette disparition est une évidence sociologique dont les manifestations sont omniprésentes, en dépit des marques historiques de la Chrétienté qui jalonnent encore nos paysages. Mais, si le constat est partagé, il est intéressant de se pencher, avec Chantal Delsol, sur les causes et sur les conséquences concrètes de cet effacement survenu après seize siècles de régulation de l’Occident par la religion chrétienne. Et si Chantal Delsol s’adresse au premier chef, au fil de cet ouvrage, aux catholiques français, son analyse claire et concise revêt un grand intérêt pour qui veut comprendre et mettre des mots sur le phénomène d’inversion morale qui s’est brusquement accéléré au tournant du XXIe siècle. Non pour en tirer une forme de nostalgie – encore que la rupture décrite par Chantal Delsol ne laisse pas insensible, mais bien pour cerner quels sont les équilibres moraux et spirituels qui régentent désormais notre société : à l’heure où la cultivation des « forces morales » est érigée en priorité pour affronter le retour du tragique de l’Histoire, une telle réflexion n’est en effet pas inutile.
2Que voyons-nous donc se dessiner sous la plume de Chantal Delsol ?
3D’abord, l’histoire d’une grande inversion normative, désormais consommée, dans l’ordre moral : celle d’un retour au modèle du paganisme, après une longue période de prééminence du monothéisme chrétien. Faisant irruption il y a vingt siècles, le christianisme a provoqué une première inversion normative au cours du IVe siècle, en apportant une modernité basée sur de nouvelles croyances. Ce jaillissement du monothéisme a enfanté en Occident de nouvelles mœurs, l’Église remplaçant au passage l’État dans son rôle de source de normes morales. Une civilisation en est née, la Chrétienté. Seize siècles plus tard, c’est le mouvement inverse qui s’est désormais opéré selon Chantal Delsol, sous l’effet de deux facteurs : d’une part, la fin des croyances dans les vérités portées par le monothéisme chrétien (l’homme moderne « n’y croit plus », tout simplement) et, d’autre part, la crise de conscience profonde qui frappe un Occident à un point tel que les principes chrétiens sont remis en cause par les chrétiens eux-mêmes. Ce mouvement d’inversion étant arrivé à son terme, nous sommes de retour à une situation où l’État a repris sa place comme source de norme morale.
4Ensuite, le remplacement de la religion chrétienne par la morale et par les mythes. Chantal Delsol s’attache ici à réfuter les discours alarmistes selon lesquels l’éviction de la chrétienté et la réduction des chrétiens au statut de minorité ouvriraient la voie au nihilisme et au chaos. Au contraire, la nature ayant horreur du vide, c’est la morale en elle-même qui a remplacé la religion. Chantal Delsol va même plus loin : nous sommes, selon elle, passés à un âge de « religion morale ». Dans ce nouveau paradigme, la nouvelle source de la morale n’est plus l’Évangile, mais un corpus de mythes dont les manifestations principales sont l’humanitarisme et l’écologisme. Le gardien de la morale n’est plus l’Église, mais l’État. Les clercs ne sont plus les évêques, mais les législateurs et les animateurs de plateaux de télévision. Et, ultime manifestation de l’effacement de la croyance en une vérité unique, les spiritualités venues d’Asie font un retour en force en Occident.
5Enfin, la difficulté historique de toute forme de référence morale – a fortiori si elle est pluriséculaire – d’accepter sa relégation au statut d’opinion minoritaire. Sur ce sujet, Chantal Delsol décrit bien les mécanismes d’autodéfense qui traversent une partie des fragments de la Chrétienté, reconnaissant que « réduits à la situation de témoins muets, les chrétiens sont aujourd’hui voués à devenir les soldats d’une guerre perdue ». Le message du professeur de philosophie pour les catholiques est ici clair : plutôt que de s’enferrer dans les mécanismes défensifs d’une majorité déchue, il faut apprendre à cultiver les vertus des minorités (équanimité, patience et persévérance).
6Chrétien ou non, le lecteur de La Fin de la Chrétienté en tirera un excellent éclairage sur les ressorts moraux de la société française post-moderne. Non pas une société nihiliste comme la parenthèse des années 1960-1970 a pu le laisser croire, mais une société dont les croyances ont fondamentalement changé, érigeant en crime ce qui hier était permis ou toléré, et en bienfait ce qui hier était ostracisé. Une société qui n’est pas plus tolérante qu’avant (la morale moderne est à bien des égards très intolérante), mais une société désormais traversée par de nombreux paradoxes, où l’individualisme côtoie l’humanitarisme et où le transhumanisme côtoie l’écologisme. Une société où il n’y a pas moins de règles qu’avant, mais où les règles sont différentes. Pour un chef, en particulier s’il est militaire, le comprendre, c’est documenter l’exercice de son autorité.
Recension de l’ouvrage suivant dans la Revue Défense Nationale : Guillaume Cuchet : Comment notre monde a cessé d’être chrétien – Anatomie d’un effondrement ; Seuil, 2018 ; 276 pages.
Thibault Lavernhe
Dans Revue Défense Nationale2022/6 (N° 851), pages 153 à 154
Qui a divisé la Bible en chapitres et en versets ?
Shutterstock / Pamela D. Maxwell
Les « originaux » de la Bible étaient des blocs de textes, sans chapitres ni versets. Mais qui a introduit ces séparations ?
Des blocs de textes ! Dans les « originaux » de la Bible, aucun chiffre indiquant les chapitres et les versets auxquels nous sommes habitués aujourd’hui. Aucune séparation entre les mots, ni même les voyelles. Et aucune ponctuation, aucun titre de chapitre permettant de s’y retrouver dans les passages bibliques. Mais qui a introduit chapitres et versets dans la Bible ?
Dans l’Antiquité, et surtout s’agissant de la lecture liturgique, la nécessité de diviser le texte sacré se fit très vite sentir. Pour découper les évangiles en 1162 sections, il existait divers systèmes, aussi bien chez les juifs (« Sedarim », « Perashiyyot », « Pesuquim ») que chez les chrétiens (« Canones eusabiani », d’Eusèbe de Césarée).
Qui a ajouté les chapitres ?
C’est au XIIIe siècle, probablement autour de l’année 1226, que l’ecclésiastique anglais Étienne Langton, archevêque de Canterbury et grand chancelier de l’Université de Paris, divisa en chapitres l’Ancien Testament et le Nouveau Testament sur le texte latin de la Vulgate de Saint Jérôme
De la Vulgate, il passa au texte de la Bible hébraïque, au texte grec du Nouveau Testament et à la version grecque de l’Ancien Testament. Il établit une division en chapitres, plus ou moins égaux, très semblable à celle de la plupart de nos Bibles actuelles.
Vers 1226, les libraires de Paris introduisirent ces divisions en chapitres dans le texte biblique, donnant lieu à la « Bible parisienne ». Dès lors, cette division se répandit dans le monde entier.
Qui a ajouté les versets ?
Santes Pagnino (1541), juif converti, puis dominicain, natif de Lucques (Italie) consacra 25 années de sa vie à sa traduction de la Bible, publiée en 1527. Il fut le premier à diviser le texte en versets numérotés. Sa Bible fut imprimée à Lyon. C’était une version très littérale qui constitua une référence parmi les humanistes de l’époque et fut réimprimée plusieurs fois.
Robert Estienne, le célèbre imprimeur et humaniste français, réalisa en 1551 l’actuelle division en versets du Nouveau Testament. En 1555 il publia l’édition latine de toute la Bible. Pour les versets de l’Ancien Testament hébraïque, il prit la division faite par Santes Pagnino. Pour les autres livres de l’Ancien Testament, il élabora sa propre division et utilisa pour le Nouveau Testament celle que quelques années auparavant, il avait lui-même réalisé. Dès lors, le découpage du texte biblique en chapitres et en versets permet d’en retrouver immédiatement un passage, quelle que soit la mise en page adoptée par l’éditeur. Il s’agit d’un outil fondamental pour les chercheurs, qui permet à tous d’utiliser une même référence.
Première Bible imprimée avec chapitres et versets
La première Bible imprimée qui comporta totalement la division en chapitres et en versets sera ladite Bible de Genève, qui parut en 1560 en Suisse. Les éditeurs de la Bible de Genève optèrent pour les chapitres d’Étienne Langton et les versets de Robert Estienne, conscients de leur grande utilité pour la mémorisation, la localisation et la comparaison des passages bibliques.
En 1592, le pape Clément VIII, fit publier une nouvelle version de la Bible en latin pour l’usage officiel de l’Église catholique, qui comportait la division actuelle en chapitres et en versets. C’est ainsi qu’à la fin du XVIe siècle, les juifs, les protestants et les catholiques avaient adopté la division en chapitres introduite par Étienne Langton et la subdivision des versets par Robert Estienne. Dès lors, ces divisions en chapitres et en versets seront de plus en plus acceptées comme forme standard pour localiser les versets de l’Écriture et seront universellement adoptées.
L’expression versets sataniques évoque les versets du Coran où Satan aurait fait dire à Mahomet des paroles empreintes de conciliation avec les idées polythéistes. Cet épisode concerne les versets 19 à 23 de la sourate 53, An-Najm (L’étoile). Cet incident aurait eu lieu à La Mecque, huit ans avant l’hégire. L’épisode est « rapporté dans de nombreuses sources du commentaire islamique »
L’expression a été inventée par Sir William Muir dans les années 1850 et Salman Rushdie l’a retenue comme titre de son livre Les Versets Sataniques, ces termes renvoyant explicitement aux versets de la sourate 53.
Épisode des versets sataniques
Le terme « versets sataniques » est une appellation occidentale, inusitée dans la tradition arabo-musulmane.
L’épisode des versets sataniques relate l’événement au cours duquel Satan aurait tenté de dicter des enseignements hérétiques à Mahomet. Avant de fuir à Médine, Mahomet se serait assis à proximité de la Kaaba et aurait reçu la visite de l’ange Gabriel. C’est à ce moment que Satan aurait fait dire à Mahomet « des paroles de compromission et de réconciliation » en parlant de trois divinités mecquoises, al-Lt, al-Uzza et Manât : « Ce sont les sublimes déesses et leur intercession est certes souhaitée ». Al-Lat, al-`Uzzâ, et Manât étaient des déesses préislamiques. Les musulmans et les polythéistes se seraient alors inclinés ensemble.
Par la suite, cette révélation aurait été rectifiée et abrogée par celle du verset 52 de la sourate 22. Ces versets prennent le nom de « satanique » en raison du verset précédemment cité, que les exégètes ont rattaché « de manière assez superficielle » à cet épisode. Selon celui-ci, Allah abrogerait les versets que Satan « jette ». La tradition savante arabo-musulmane voit dans ce passage une tentative de compromis avec le polythéisme. Les trois divinités auraient été intégrées à la théologie musulmane, mais de manière subordonnée à Allah. Pour l’islam orthodoxe, une telle compromission ne peut avoir été dictée que par Satan.
Le terme « sublime déesse », utilisé dans la sourate 53, est une traduction d’un terme arabe obscur mais « qui reconnaît assurément aux trois déesses (al-Lat, al-Uzza et Manat) une essence surnaturelle ». L’épigraphie permet de comprendre que les « filles de Il » (terme probablement à l’origine de l’expression « fille d’Allah ») désigne des êtres surnaturels ayant un rôle de messager. Il s’agit d’un terme théologique polythéiste qui correspond au terme monothéiste d’ange. La compromission est donc double puisqu’elle inclut des divinités préislamiques à la théologie musulmane mais aussi par l’usage d’une terminologie polythéiste.
Cette tentative de synthèse théologique a rapidement été récusée « parce qu’il [Mahomet] n’était pas en position de force et semblait avoir cédé sur le monothéisme ». Une autre synthèse semblable se trouve, pour l’épigraphiste et orientaliste Christian Julien Robin, dans l’assimilation d’ar-Rahman avec Allah. L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanan », qui désigne le dieu des juifs, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans l’Arabie préislamique, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima al-kadhdhâb, un rival de Muhammad.
Récit de Tabari
Le récit des « versets sataniques » a, notamment été transmis par Ibn Sa’d et par Tabarî (839-923), historien et commentateur sunnite qui rapporte ainsi cette anecdote :
« Alors fut révélée au prophète la sourate de l’Étoile. Il se rendit au centre de La Mecque, où étaient réunis les Quraychites, et récita cette sourate. Lorsqu’il fut arrivé au verset 19 :
« Que croyez-vous de al-Lat, de `Uzza et de Manat, la troisième ?
Est-il possible que Dieu ait des filles, et vous des garçons ?
La belle répartition des tâches que ce serait là… »
Iblîs vint et mit dans sa bouche ces paroles :
« Ces idoles sont d’illustres divinités, dont l’intercession doit être espérée. »
Les incrédules furent très heureux de ces paroles et dirent :
« Il est arrivé à Mahomet de louer nos idoles et d’en dire du bien. »
Le prophète termina la sourate, ensuite il se prosterna, et les incrédules se prosternèrent à son exemple, à cause des paroles qu’il avait prononcées, par erreur, croyant qu’il avait loué leurs idoles. Le lendemain, Gabriel vint trouver le prophète et lui dit :
« Ô Mahomet, récite-moi la sourate de l’Étoile. »
Quand Mahomet en répétait les termes, Gabriel dit :
« Ce n’est pas ainsi que je te l’ai transmise ? J’ai dit : « Ce partage est injuste ». Tu l’as changée et tu as mis autre chose à la place de ce que je t’avais dit. »
Le prophète, effrayé, retourna à la mosquée et récita la sourate de nouveau. Lorsqu’il prononça les paroles :
« Et ce partage est injuste »
Les incrédules dirent :
« Mahomet s’est repenti d’avoir loué nos dieux. »
Le prophète fut très inquiet et s’abstint de manger et de boire pendant trois jours, craignant la colère de Dieu. Ensuite Gabriel lui transmit le verset suivant :
« Nous n’avons pas envoyé avant toi un seul prophète ou envoyé sans que Satan n’ait jeté à travers dans ses vœux quelque désir coupable ; mais Dieu met au néant ce que Satan jette à travers, et il raffermit ses signes (ses versets). »
Des versets controversés
Lors de l’épisode des versets sataniques, Mahomet fait des concessions à l’unicité divine afin d’attirer à sa nouvelle religion les Quraych polythéistes. Cet épisode est cité par al-Tabari. Si la version d’Ibn-Hisham des écrits d’Ibn Ishaq ne fait pas mention de cet épisode, Alfred Guillaume le réintègre au texte original d’Ibn Ishaq à partir des écrits de al-Tabari. En effet, l’immense majorité du contenu historique de l’édition d’Ibn Hisham provient d’Ibn Ishaq. Néanmoins, il a retranché beaucoup, semble-t-il, des épisodes, dont probablement celui-là.
Dans l’ouvrage collectif, Le Coran des historiens, Christian Julien Robin cite ces deux versets qui « auraient été déclamés, puis abrogés parce qu’ils ne s’accordaient pas avec le monothéisme radical de la prédication muhammadienne. La vulgate ne les reproduit pas, au contraire d’autres versets également abrogés, ce qui souligne la gêne qu’il ont provoquée » :
« 19. Avez-vous considéré al-Lat et al-Uzza
Et Manat, cette troisième autre?
bis [Ce sont les sublimes Déesses
ter. et leur intercession est certes souhaitée]
Avez-vous le Mâle et Lui la Femelle ! »
Christian Julien Robin poursuit en signalant que Mahomet a rapidement récusé cette tentative de synthèse entre polythéisme et monothéisme mais, paradoxalement, « bien plus tard, c’est une synthèse très semblable qu’il accepte quand, revenu en vainqueur, il propose l’assimilation d’Ar-Rahman avec Allah ». L’historien identifie dans cette appellation un nom dérivé de « Rahmanân », qui désigne le dieu des juifs vers le VIe siècle dans l’Arabie préislamique, mais aussi les dieux d’autres communautés monothéistes vivant dans la même région, que ce soit chez des chrétiens, ou chez le prédicateur Musaylima, un rival de Muhammad. À l’appui de cette analyse, Christian Robin précise : « Dans l’invocation bi-(i)smi (A)llâh ar-Rahmân ar-rahïm, il est clair que ar-Rahmân était à l’origine un nom propre et que le sens premier était : «au nom du dieu ar-Rahmàn le miséricordieux». Aux arguments historiques, on peut ajouter qu’en arabe, le mot rahmân ne se trouve que dans ce contexte. ».
Historicité
L’authenticité de ce récit est généralement admise. Pour certains orientalistes, il pourrait refléter une volonté de rapprochement avec les polythéistes. Si certains auteurs, comme Caetani considère ce récit comme une invention a posteriori, la majorité des chercheurs en défendent l’authenticité. Crone remarque néanmoins que ces versets sataniques s’intégreraient difficilement à la sourate 53.
Néanmoins, certains auteurs musulmans modernes rejettent ce récit, considérant que les versets actuels du Coran sont cohérents. Pour eux, le récit aurait été majoritairement accepté pour des raisons théologiques, celui-ci mettant en valeur le rôle passif de Mahomet dans la réception de la révélation coranique. Néanmoins, pour Bell, les versets 21-22 et 23 sont des ajouts postérieurs au texte.
La construction d’une figure de prophète infaillible
Portrait de Mahomet, tiré de l’Histoire générale de la religion des Turcs de Michel Baudier. Paris (1625).
Du point de vue du consensus actuel musulman, Mahomet, en tant que messager du message divin, ne saurait avoir ni sa foi, ni sa sincérité remises en cause, ni même voir sa vie être ramenée à une vie banale où l’erreur est possible. Pour Ibn Warraq, cette supposée concession à l’idolâtrie pose problème : « quelle foi pourrions avoir en un homme qui peut être aussi facilement corrompu par l’esprit du mal (…). Comment pouvons-nous être sûrs que d’autres passages ne sont pas inspirés par le diable ? ».
L’idée d’un prophète purifié apparaît dans certaines biographies anciennes. Ainsi, un hadith raconte une purification du cœur de Mahomet par des anges. Pour autant, le principe d’infaillibilité et de préservation du péché n’a pas pour origine le texte coranique, ni les hadiths. Il apparaît sous l’influence de la pensée orientale et à travers les chiismes avant d’intégrer la foi sunnite. Il concernait à ses origines l’Imam.
Cette notion, isma, évolue de la préservation de la simple révélation coranique à l’infaillibilité de l’ensemble des prophètes. Certains courants de l’islam ont alors continué à défendre, en s’appuyant sur le texte coranique, l’existence de péchés commis par les prophètes et Mahomet, entre autres, durant leur mission prophétique. Les xiie et xiiie siècles voient encore, à la suite des apports logiques de la philosophie grecque, une opposition entre ces différents courants, certains limitant l’impeccabilité de Mahomet et des prophètes, d’autres présentant des justifications aux péchés présentés dans le texte coranique. Une opposition est faite dans le courant muʿtazilite entre des fautes graves dont auraient été exemptés les prophètes et les fautes légères dues à l’inadvertance qu’ils ont pu commettre.
Ainsi, certaines justifications sont présentées et étudiées par Fakhr-ad-Dîn-ar-Râzî (xiie – xiiie siècle), défenseur d’une préservation des prophètes des erreurs et péchés. Les versets sataniques sont pour certains mis en doute, pour d’autres ils auraient été mal compris et auraient été à l’origine une phrase interro-négative, ou encore auraient désigné des anges et non les trois déesses. Pour d’autres encore, Satan aurait parlé et non Mahomet, niant ainsi une faute grave commise par le prophète. Selon l’islamologue Nadjet Zouggar, ces explications sont fondées sur des arguments que l’on peut qualifier de dialectiques ou spéculatifs, plutôt que scripturaires.
Les les sources et les puits, synonymes des promesses divines
L’eau, élément des plus rares dans les pays de la Bible, s’avère être un élément vital au quotidien. Sources et puits constituent des lieux incontournables qui prendront rapidement de riches significations tout au long de l’Ancien Testament jusqu’aux Évangiles.
Pas moins d’une soixantaine de fois, l’Ancien Testament emploie le mot « source », signe de son importance. Des premières tribus nomades, où ces points d’eau étaient incontournables, jusqu’aux nombreux villages après l’installation en Terre sainte bâtissant de nombreux puits, les sources font non seulement partie du quotidien, mais en constituent un élément vital. Aussi les textes bibliques ont eu recours à ces puissants symboles dans les régions arides du Proche-Orient. À la différence des citernes qui n’offrent pas l’eau vive, la source symbolise la richesse des promesses divines (Jr 2, 13)
Ce symbole se trouve repris de manière éclatante lors de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine au puits de Jacob. Alors que Jésus, fatigué, s’était assis près de la source à l’heure la plus chaude de la journée, une femme de Samarie s’approche pour puiser de l’eau. Jésus lui demande alors à boire, ce qui surprend la femme. Les Juifs ne fréquentant habituellement pas les Samaritains (Jn 4, 1-42).
La portée symbolique de l’eau de la source vive apparaît manifeste, la Parole venant de Jésus est source de vie éternelle signifiant par-là, qu’au-delà des biens terrestres pourtant indispensables, il est un bien plus grand encore.
Lieux de vie et de rencontres
L’épisode de la Samaritaine démontre également que les puits et sources ont toujours été dans la Bible des lieux de rencontres et d’échanges essentiels. C’est d’ailleurs près d’un puits que l’Ange de Dieu annonce à Agar, la servante d’Abraham, qu’elle attendra un enfant. (Gn16, 21).
La rencontre fertile sous la forme de la fécondité s’accomplit ainsi près d’une source. De même, de nombreux serments (Abraham et Abimélek) sont prêtés sous le signe de cet élément essentiel, sans oublier les innombrables rencontres de futurs époux tels Isaac et Rébecca, Jacob et Rachel, Moïse et Séphora. Mais le plus beau symbole de la Bible tiré du Cantique des Cantiques pou la Vierge Marie « Ô source des jardins, puits d’eaux vives qui ruissellent du Liban ! ».
L’eau du Déluge, préfiguration du baptême
Si l’eau symbolise souvent dans la Bible l’origine de la vie et la fertilité de la création, elle peut aussi revêtir des aspects plus terribles lorsqu’elle devient synonyme de destruction.
Le chrétien peut rester étonné lorsqu’il apprend que le thème si connu du Déluge recouvrant de ses eaux la terre entière avec la célèbre arche de Noé et tous ses animaux était déjà familier des civilisations antérieures à la Bible. C’est en fait un vaste fonds culturel et mythologique du Proche-Orient dont ont hérité les Hébreux. Avant eux, les civilisations mésopotamiennes et même indiennes connurent ce thème étrange d’un renouvellement de la vie par l’anéantissement des eaux.
L’histoire la plus connue est celle de l’épopée de Gilgamesh à l’époque mésopotamienne au XVIIIe siècle av. J-C. Ce héros cherchait, en vain, à parvenir à l’immortalité, mais au terme de son parcours il apprit que les dieux avaient fustigé les hommes qui ne cessaient par leur vacarme continu de les déranger. La vengeance des dieux Anou et Enlil fut terrible puisqu’elle consista à recouvrir la terre des eaux. Seul un homme en réchappa, Utanapishtim, embarqué sur une arche avec tous les animaux de la terre.
Noé et le Déluge
Si l’archéologie a révélé des traces très anciennes de déluge et même de bitume recouvrant les fondations de palais mésopotamiens pour les protéger des eaux, le récit biblique relaté au livre de la Genèse prend un tout autre sens symbolique que celui des civilisations du Proche-Orient. Cette catastrophe provoquée par le déchaînement des éléments et l’anéantissement des eaux sur toute la terre ne résulta pas, en effet, du caractère irascible et imprévisible des dieux mais bien de l’idée de punition des hommes ayant péché contre le Dieu unique (Gn 6, 7- 17)
L’eau prendra désormais dans le récit biblique un autre symbole à côté de celui de la vie. Elle sera également synonyme de punition et de purification avant la nouvelle alliance (Gn 6, 17) ; Gn 9, 11).
L’eau primordiale et féconde
La Bible a retenu de nombreux traits des Babyloniens, puissante civilisation qui s’inscrit dans l’Histoire dès 2500 av. J-C. L’eau en ces temps reculés comptait parmi les éléments essentiels nourrissant toute une symbolique dont les Écritures ont hérité.
Le récit des origines ou cosmogonie des plus anciennes civilisations antiques débutait la plupart du temps par une immensité liquide d’où naissait la vie. Les Babyloniens ont ainsi fait des eaux primordiales — existantes avant toute chose — le point de départ de l’histoire des dieux et des hommes. Tiamat, déesse de l’eau, donna alors naissance aux autres dieux de la terre et aux nuées… Abraham, originaire d’Ur en Mésopotamie, connaissait très probablement ces récits qui influenceront les premiers rédacteurs de l’Ancien
Eau et fécondité
Très rapidement, l’eau va apparaître comme le symbole de la fécondité dans toutes les religions antiques et notamment dans la Bible. Ainsi, parlant du puissant cèdre du Liban, le prophète Ezéchiel rappelle que « Les eaux l’ont fait grandir ; l’Abîme qui lui a donné de croître faisait couler ses fleuves autour du lieu où il était planté, et dirigeait ses canaux vers tous les arbres de la campagne ».
Les Psaumes célèbrent également de manière poétique cet élément fertile qu’est l’eau, source d’abondance (Ps 103, 6-13)
Le Seigneur féconde la terre par des eaux fertiles, un symbole puissant en ces contrées souvent arides du Proche-Orient où l’eau est un élément rare et vital. Transposée, l’eau deviendra source de vie spirituelle, là où règne l’aridité de l’incroyance…
L’ambivalence des eaux sombres
Cependant, soulignons que l’eau peut aussi prendre parfois dans la Bible des significations plussombres et inquiétantes lorsque leur profondeur reste insondable ainsi que le soulignent les Psaumes quant à la navigation sur mer, symbole éclatant des doutes et faiblesses possibles du parcours spirituel du croyant (Ps 106, 23-27).
Nous le voyons, dans ces passages, l’eau peut être synonyme de foi vacillante, de doute voire de mort. Un symbole pouvant représenter également les ennemis des premiers Hébreux pourchassés, ainsi qu’en témoignent encore les psaumes (Ps 123, 2-5).
Ainsi, en des terres où les crues fréquentes des fleuves comme celles de l’Euphrate ou du Nil dévastaient tout sur leur passage, l’eau peut à la fois évoquer la peur et la crainte, signe de sa toute-puissance, mais aussi la fertilité qui résultera de ses riches limons déposés sur la terre.
Le feu des prophètes
Les prophètes de l’Ancien Testament évoquent très souvent le feu dans leurs visions. Que ce dernier manifeste la présence de Dieu ou bien qu’il soit, comme pour le prophète Élie, un moyen d’accéder directement à cette même puissance grâce au char de feu, le feu visionnaire demeure l’un des quatre éléments le plus cité dans le récit biblique.
L’épisode du char de feu dérobant Élie à la vue d’Élisée et de ceux qui l’accompagnaient peut sembler troublant à notre époque habituée au rationalisme. Le deuxième Livre des Rois l’évoque en ces termes (2 R, 11-12). :
Quel peut bien être le symbolisme de cet équipage incandescent ? Il faut rappeler que cette image martiale est à rapprocher de celle de Dieu conduisant son peuple tel une armée. Aussi n’est-il pas étonnant que l’attelage ait été retenu pour décrire ce transport du prophète au ciel qui, à l’image d’un général victorieux, va trouver repos et paix auprès de Dieu.
Le fait que ce déplacement s’accomplisse par le feu des animaux et du char souligne combien rienn’est impossible à la puissance divine, le feu venant renforcer la pureté de cette présence, à l’image du Buisson ardent. Cette image du char de feu se retrouve également chez un autre prophète essentiel de l’Ancien Testament avec Isaïe (Is 66, 14-16).
Ici, c’est un autre aspect qui se trouve souligné dans ce passage d’Isaïe, à savoir la dimension belliqueuse de l’action divine, le feu combat et purifie du mal en un jugement sans appel. La colère divine n’est assouvie que par cette action purificatrice du feu. Ceci explique pour quelle raison le char de feu acquiert dans la Bible, plus précisément dans l’Ancien Testament, une telle force divine.
Feuet gloire du Seigneur
Un autre prophète, Ezéchiel, décrit en une de ses visions prophétiques la gloire du Seigneur en ces termes (Ez 1, 4 ; 27, 28).
Toutes ces visions ont en commun de souligner combien la manifestation de Dieu se réalise toujours dans la clarté et la puissance du feu. Ainsi, le prophète parvient à décrire ce qui ne peut être vu du commun des hommes, Dieu y apparaît comme l’éblouissement d’un feu puissant, une force rayonnante manifestant sa gloire inaccessible et que les fidèles se doivent pourtant de louer et d’approcher. Le feu dès lors n’est plus destructeur du mal, mais invite au contraire à une communion purificatrice des âmes.
La colonne de feu
Parmi les manifestations prodigieuses observées par les Hébreux lors de l’Exode, figure assurément au premier plan la fameuse colonne de feu et de nuée qui les guidera lors de cette longue traversée. Signe éclatant de la puissance divine pour ce peuple persécuté, ce symbole s’avère riche de sens encore de nos jours…
Dans l’Ancien Testament, le Livre de l’Exode dévoile deux types de colonnes associées aux Israélites, ainsi que leurs significations ( Ex 13, 21).
Deux sortes de colonnes sont ainsi distinguées dans ce passage : une colonne de feu qui éclaire la nuit, et celle de nuée – nuage formé de vapeur – réservée au jour. Quelles sont les fonctions réservées à ces manifestations impressionnantes ? La colonne éclaire et guide. La lumière et la nuéetracent ainsi le chemin à suivre, celui indiqué par Dieu à son peuple. Jour et nuit, c’est-à-dire à tous les instants de la vie, le croyant doit suivre la lumière, signe de la manifestation glorieuse de Dieu. Le feu, signe de purification et de puissance, vient rassurer au quotidien ce peuple persécuté et encore hésitant dans sa foi. Il est intéressant de relever que ce symbole précède les Israélites dans leur pérégrination, une manière là encore de rappeler à tous croyants que ce puissant phare doit toujours rester devant soi.
Le bras armé contre l’ennemi de la foi
« L’arrivee des Hebreux en terre promise apres le passage de la mer Rouge » Peinture de Frans Francken I dit l’ancien (1542-1616), 17eme siecle Aix en Provence, musee Granet (Photo by Photo Josse / Leemage via AFP)
Cette immense torche embrasée guidant les Hébreux dans leur cheminement vers la Terre promise peut également avoir d’autres fonctions, ainsi que le souligne la Bible (Ex 14, 19-20).
Cette fabuleuse colonne qui guide peut ainsi également avoir pour fonction de protéger Israël de ses ennemis. C’est alors qu’elle peut se déplacer, de l’avant à l’arrière, signe que d’où viennent les menaces, Dieu sera toujours présent. Cette manifestation rayonnante peut également se transformer en écran protecteur, rendant invisible le peuple d’Israël aux yeux des Égyptiens. Cettesymbolique puissante souligne combien toute personne ayant foi dans le Dieu unique se trouve protégée de ses ennemis.
Manifestation de la gloire divine
La colonne de feu et de nuée ne survient pas uniquement pour guider et protéger, elle peut également revêtir encore d’autres fonctions lorsque la foi d’Israël faiblit, notamment lors de latraversée du désert (Ex 16, 10 ; 40, 34-38).
Nuée et feu s’introduisent désormais en un lieu précis essentiel, la tente de la Rencontre, demeure de Dieu. Ces éléments symbolisent la présence divine et la manifestation la plus puissante de sa gloire en un lieu déterminé, préfigurant ainsi la sacralité et les rituels qui commencent à poindre dans la religion juive. Au IVe siècle après la mort du Christ, saint Ambroise, dans son Traité des mystères, soulignera combien la colonne de nuée de l’Ancien Testament annonce le baptême chrétien :
« Saint Paul nous enseigne que nos ancêtres ont tous été sous la protection de la colonne de nuée, qu’ils ont tous passé la mer Rouge et que tous, en Moïse, ont été baptisés dans la nuée et dans la mer. […] Tu entends annoncer que nos ancêtres ont été sous la nuée. Une nuée bienfaisante, qui refroidit le feu des passions charnelles ; une nuée bienfaisante, qui couvre de son ombre ceux que l’Esprit Saint visite. Ainsi est-il venu sur la Vierge Marie et la puissance du Très-Haut l’a-t-elle prise sous son ombre, lorsqu’elle engendra la rédemption pour le genre humain… »
C’est enfin cette même manifestation, cette nuée, qui recouvrira Jésus transfiguré et lors de l’Ascension (Ac 1, 9 ; Mt 9, 7).
Le sens oublié du candélabre
Sephardic style Menorah.
Le candélabre sacré, nommé menorah en hébreu, compte assurément parmi les symboles de la lumière dans la religion d’Israël. Sa forme caractéristique à six branches répond à une symbolique bien précise dont le christianisme a hérité certains traits.
Le candélabre ou grand chandelier à plusieurs branches constitue un symbole fort de lumière et de foi dans la religion juive. Destiné à recevoir des chandelles ou bougies, cet objet ne sert cependant point à des finalités pratiques d’éclairage comme la lampe, mais est plutôt spécifiquement destiné aux liturgies. Cette subtilité provient du fait que le candélabre sacré représente la lumière divine, la lumière de Dieu elle-même, et non, telle la lampe, symbole de la Bible également, la lumière qui éclaire le chemin.
C’est au Livre de l’Exode dans l’Ancien Testament que l’on trouve la première référence à ce bel objet qui s’imposera comme essentiel dans la religion d’Israël lorsque les Hébreux purent échapper au joug des Égyptiens et ainsi mieux honorer Dieu qui les avait libérés. Le Livre de l’Exode en donne une première description (25, 31-32.
Nous retrouvons ici le candélabre à sept branches (un corps et trois branches de chaque côté comportant chacune trois points lumineux) indissociable de la religion juive. À la lecture du Livre de l’Exode de l’Ancien Testament, il ressort que rien ne sera trop précieux pour fabriquer ce candélabre. La Bible rapporte en effet qu’un lingot d’or pur sera nécessaire afin de le forger d’une seule pièce, avec tous ses accessoires, telles ses pincettes et porte-lampes.
Les Écritures rappellent également que le candélabre biblique doit représenter un amandier :
« Sur une branche, trois coupes en forme d’amande avec bouton et fleur et, sur une autre branche, trois coupes en forme d’amande avec bouton et fleur ; de même pour les six branches sortant du chandelier. Le chandelier lui-même portera quatre coupes en forme d’amande avec boutons et fleurs : un bouton sous les deux premières branches issues du chandelier, un bouton sous les deux suivantes et un bouton sous les deux dernières ; ainsi donc pour les six branches qui sortent du chandelier ».
L’amande, dont on tire une huile sainte et dont le fruit demeure caché par une coque très dure, révèle le caractère précieux et difficilement accessible de ce fruit. Plus tard, le christianisme en retiendra également une image symbolique, la mandorle, cet ovale en forme d’amande encadrant les représentations sculptées les plus saintes.
Usages rituels
Le Livre de l’Exode souligne enfin que le candélabre des Hébreux ne brillait que la nuit et devait être alimenté par l’huile d’olive la plus pure ( Ex 27, 20-21).
La flamme issue du candélabre sacré et de cette huile d’olive la plus pure sert donc à dissiper les ténèbres devant la tente de la Rencontre où l’Arche d’Alliance était protégée. La flamme placée ainsi devant le Seigneur avait pour but rituel d’écarter la pénombre, signe du mal, soulignant par là même la fidélité du peuple d’Israël veillant aux moments les plus sombres.
Significations symboliques
Le candélabre à sept branches, objet liturgique si essentiel à la foi d’Israël symbolise souvent avec l’Étoile de David l’identité juive. Symbole puissant, il revêt également plusieurs significations, dont la plus connue est celle rapportée par le prophète Zacharie :
« Je vois un chandelier tout en or, avec un vase à son sommet, surmonté de sept lampes et de sept canaux pour ces lampes ; sur lui, il y a deux oliviers, l’un à la droite du vase et l’autre à sa gauche. » (Za 4, 2-3)
Zacharie reste étonné devant la forme élaborée du candélabre. Alors, l’ange répond à Zacharie que ces sept lampes représentent les yeux du Seigneur qui inspectent toute la terre. Les deux oliviers dont les branches déversent une huile dorée pour la flamme symbolisent, quant à eux, deux hommes, le prêtre et le roi, qui seront candidats à l’onction.
C’est cette symbolique puissante de ces deux fonctions servant la lumière divine que retiendra le christianisme durant les premiers siècles de notre ère. Ces deux pouvoirs temporel et spirituel seront, en effet, appelés à une longue destinée jusqu’au Moyen Âge avec la papauté et la royauté. Aux siècles suivants, le candélabre demeurera pour le christianisme un symbole important de la Bible mais qui sera le plus souvent réinterprété dans les liturgies catholiques par les cierges d’autel…
La lampe, rappel de la lumière divine
Si les Écritures offrent souvent des pages d’une limpidité « biblique », certains passages recèlent d’images et de symboles souvent difficiles à comprendre. Découvrez aujourd’hui la lampe, symbole de la lumière divine.
La lampe rapprochée de la lumière divine est certainement un des symboles bibliques les plus forts. Les Psaumes offrent l’un des plus beaux exemples de ce symbole suggéré par la Bible (Ps 17, 29-30 ; Ps 118, 105)).
Ce dernier extrait du psaume 118 fut retenu par le cardinal Carlo Maria Martini afin d’être gravé sur sa tombe au Duomo de Milan tant pour lui, bibliste réputé, ce symbole demeurait essentiel. À une époque où l’éclairage public était, dans la plupart des villes antiques, inexistant et que chaque foyer peinait à conserver le foyer pour la cuisson des aliments, la lampe à huile faisait figure de rayonnement essentiel pour accéder à la lumière. Aussi, afin de sortir de l’obscurité et des ténèbres, signes de peurs et d’égarements, l’Ancien Testament rapproche-t-il la lampe de la lumière divine, les posant comme synonymes ou du moins inséparables. Tel ce Psaume 118 où la parole de Dieu éclaire les pas du fidèle, et la lampe, le chemin emprunté.
La lampe symbolise ainsi cette lumière divine éclairant le chemin qui se matérialisera par la loi, cette « parole » qui éloigne les ténèbres comme le rappellent les Proverbes dans l’Ancien Testament (Pr 6, 23) ; Mt 5, 14-16).
Ainsi, la lumière des disciples ne saurait rayonner en eux seuls, mais leur exemple doit resplendir pour la multitude comme la lampe posée sur le lampadaire. Mais pour que cela soit possible, Jésus prend soin d’avertir que les disciples de la Parole se doivent d’être eux-mêmes dans la lumière et la sainteté (Lc 11, 34-36).
L’esprit prévoyant dans les ténèbres
La parabole des dix vierges évoquée par Jésus constitue peut-être le point culminant de ce puissant symbole biblique qu’est la lampe, synonyme également de prévoyance pour mieux accueillir l’époux, c’est-à-dire Jésus et la Parole. Cinq des dix vierges avaient prévu une réserve suffisante d’huile en cas de retard de sa venue, les autres insouciantes sortirent avec leur lampe sans emporter d’huile et les conséquences sont sans appel à leur encontre (Mt 25, 6-13).
Vierges folles et vierges sages
À la fin des temps, le livre de l’Apocalypse rappelle que ni la lampe ni sa lumière ne seront plus nécessaires car « La nuit aura disparu, ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera ; ils régneront pour les siècles des siècles » (Ap 22, 5.
L’olivier, symbole de paix et de martyre
L’art religieux, chrétien en particulier, a moins de limites qu’on pourrait l’imaginer. Les scènes bibliques et la vie des saints s’ouvrent largement sur la création, mettant à l’honneur le règne végétal, de façon parfois inattendue. Découvrez aujourd’hui la symbolique de l’olivier.
Dans la Bible, l’olivier apparaît dès la Genèse dans l’épisode de l’arche de Noé sous la forme d’un rameau. La colombe envoyée par le patriarche revient avec une branche (Gn 8, 11).
Dans l’art chrétien, le formidable imaginaire du poisson
L’art religieux, chrétien en particulier, a moins de limites qu’on pourrait l’imaginer. Les scènes bibliques et la vie des saints s’ouvrent largement sur la création, mettant à l’honneur le règne animal, de façon parfois inattendue. À l’instar du poisson.
Quand on évoque la vie aquatique dans la Bible, l’épisode de Jonas dans la baleine nous vient à l’esprit, mais s’il y avait d’autres pistes ? Les artistes ont été fascinés par ce passage incroyable de l’ancien testament dans lequel Jonas se retrouve dans le ventre d’un gros poisson, qu’on transformera plus tard en baleine… et en ressort trois jours après, image de la Résurrection.
L’imagination s’en est emparée, nous laissant de saisissantes évocations, comme cette miniature du XIVe siècle, provenant de la bible du pape Jean XXII…
Dans le Nouveau Testament, quelques exemples peuvent illustrer combien le thème de la pêche et du poisson est constant. Le poisson représente l’abondance dans l’Évangile : Jésus permet aux apôtres de faire une pêche tellement inhabituelle qu’elle en est miraculeuse.
Le poisson est alors le symbole de la vie et de l’infinie bonté de Dieu pour son peuple. L’ambiance est sereine face au Christ dans le panneau de Witz, réalisé pour la cathédrale de Genève…
Lorsque Jésus multiplie les pains et les poissons, il le fait avec les produits simples qui lui ont été apportés, nourriture quotidienne de ces familles qui l’ont suivi. Ce miracle est un des premiers épisodes à être repris dans les églises, à l’image de cette mosaïque de l’église de la multiplication des pains et des poissons, sur le site présumé de l’événement.
Il continuera à l’être, puisqu’on le retrouvera aussi bien dans les Très riches heures du duc deBerry au XVe siècle.
Dans les premiers temps de l’Église, la nécessité de la discrétion face aux persécutions incite les chrétiens à utiliser le poisson pour se reconnaître, et dire l’essentiel de la foi. ICHTUS : le poisson, en grec ancien, est aussi l’acronyme de Jésus-Christ, Fils de Dieu Sauveur. Les mosaïques et objets usuels utilisant ce symbole sont ainsi fréquentes au début de notre ère. Il sera progressivement remplacé par la croix.
Dans les premiers temps de l’Église, la nécessité de la discrétion face aux persécutions incite les chrétiens à utiliser le poisson pour se reconnaître, et dire l’essentiel de la foi. ICHTUS : le poisson, en grec ancien, est aussi l’acronyme de Jésus-Christ, Fils de Dieu Sauveur. Les mosaïques et objets usuels utilisant ce symbole sont ainsi fréquentes au début de notre ère. Il sera progressivement remplacé par la Croix. Les deux symboles cohabitent d’ailleurs sur cette sculpture copte du Ve siècle.
La mosaïque de la maison du poisson à Ostie contribue à nous rappeler à la fois l’eau baptismale et l’eucharistie. Un riche symbole à redécouvrir.
La montée vers Dieu, signe de l’élévation de l’âme
L’idée d’ascension vers Dieu est récurrente dans la Bible. L’élévation de l’âme vers le divin se traduit très tôt dans l’Ancien Testament par des symboles puissants et évocateurs. Le songe de Jacob compte parmi eux…
La Genèse rapporte un curieux songe du patriarche Jacob, fils d’Isaac et petit-fils d’Abraham. Alors que Jacob avait quitté Bershéba et se dirigeait vers Harane, il fit une halte et s’endormit. Il eut alors un songe étonnant : une échelle était dressée sur la terre et son sommet atteignait le ciel. Plus étrange encore, des anges de Dieu ne cessaient d’y monter et d’en descendre… C’est alors que le Seigneur, qui se tenait près de lui, dit (Gn 28, 13-16).
Par ces paroles, précise la Bible, Jacob réalisa alors que Dieu était présent en ces lieux et que cette rencontre renouvelait la promesse du don de la terre, faite à lui et à ses descendants. Le songe et l’échelle de Jacob s’avèrent riches d’enseignements et représentent un symbole puissant dont les théologiens ne manqueront pas de développer la portée, et les plus grands artistes, la beauté.
La montée vers Dieu
Par ce rêve, Jacob prend ainsi conscience qu’à l’image de ses parents, Abraham et Isaac, Dieu se tient toujours près de lui alors qu’il ne s’en rendait même pas compte (Gn 18, 16).
Cette proximité et fidélité l’aideront à accueillir cette réalité désormais indéfectible pour cet homme de foi ; le récit biblique rapporte en effet qu’il fut alors aussitôt saisi de crainte et qu’il ajouta (Gn 18, 16).
Ainsi, le songe sous la forme d’une échelle qui conduit à la porte du ciel, à « la maison de Dieu »,signifie également par sa force symbolique que tout croyant se doit d’élever son âme aux choses d’en haut, une élévation et une montée que l’échelle symbolise. La tradition juive verra dans cette échelle la représentation des différentes épreuves du peuple juif avant la venue du Messie, tout autant qu’un véritable pont entre le ciel et la terre, image puissante que l’évangile de Jean reprendra dans les paroles de Jésus : « Amen, amen, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (Jn 1, 51)
La consécration du lieu saint
L’échelle de Jacob aura aussi pour conséquence un acte de consécration de la part du patriarche. Conscient de la sacralité du lieu où Dieu lui est apparu, Jacob va dès lors se lever « de bon matin » rapporte la Bible, signifiant ainsi que cet évènement d’importance ne saurait attendre. De même, Jacob avant de s’endormir avait pris une pierre comme oreiller, et c’est cette même pierre dont il se servira pour dresser une stèle sur laquelle il versera de l’huile pour la consacrer. Dès la Genèse, nous voyons ainsi des rites de consécration très anciens apparaître, symbolisant le lieu divin. Du songe de Jacob naitront ainsi un lieu consacré et une promesse (Gn 28, 19-22.
Le contraste saisissant entre le songe d’une échelle et la matérialité de la pierre souligne l’importance des pratiques sacerdotales en devenir. Afin de servir la Maison de Dieu, élevée dans les hauteurs, le croyant se devra de faire reposer sa foi à partir d’une assise sûre et tangible avec les lieux consacrés et dont le Temple de Jérusalem sera en retour le sommet.
La montagne sainte, un lieu privilégié entre terre et ciel
La montagne dans la Bible prend immédiatement une valeur symbolique des plus sacrées. Contrairement aux plaines où l’homme réside, c’est le lieu par excellence des hauteurs inatteignables où Dieu apparaît.
Dès la Genèse, la montagne représente un lieu où se protéger à l’abri du mal. C’est la direction à suivre, intimée notamment par les deux anges à Loth et ses deux filles fuyant le mal de Sodome et de Gomorrhe (Gn 19, 17). C’est également sur une hauteur escarpée que Moïse découvrira le buisson-ardent et où Dieu lui ordonnera d’ôter ses sandales (Ex 3, 5).
Dans le livre des Rois, cette montagne se nomme Horeb, « montagne aride » ou « Montagne de Dieu ». La montagne par ses hauteurs difficiles à gravir forme un espace privilégié intermédiaire entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’homme. Le récit d’Élie dans le Livre de l’Exode le rappelle une nouvelle fois, lorsque le prophète découragé, marchera 40 jours et nuits pour atteindre la montagne de Dieu après avoir écouté l’ange : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » Ainsi, c’est sur la montagne que Dieu apparaîtra aux élus. On comprend pourquoi, dès lors, celle-ci a très tôt acquis, dans le récit biblique, une telle puissance symbolique.
Un lieu terrifiant
Mais, la montagne prend également rapidement dans la Bible une valeur de lieu mystérieux et terrifiant pour l’homme. Ainsi, la sainteté de la montagne, lieu élevé et escarpé, s’imposera-t-elle au peuple d’Israël sous la forme de manifestations imposantes et par des tremblements terribles, des orages effrayants ou encore de fumées… : (Ex 19, 16-19).
Face à ces éléments déchaînés, tonnerres, nuées, éclairs, le peuple conduit par Moïse ne pouvait, en effet, qu’être tourmenté et la Bible rapporte, nous l’avons souligné, que Dieu intima alors à Moïse que son peuple respecte ce lieu saint qu’est la montagne et ne la profane pas.
Un espace sacré
La montagne de Dieu délimite ainsi pour la première fois un espace sacré, distinct des espaces profanes, où l’homme ne peut se rendre s’il n’a pas été choisi par Dieu. En une préfiguration du Temple et des églises à venir, la montagne va désormais imposer un code à respecter. Le Livre de l’Exode le rappelle avec force : la montagne de Dieu exige le respect d’ablutions et représente surtout un lieu sacré inviolable (Ex 19, 10-12).
Ces ablutions nécessaires pour pouvoir regarder la montagne montrent combien cette dernière témoigne de la transcendance divine et symbolise sa force par sa hauteur. Ce lieu saint ne saurait être violé impunément au risque de la peine de mort enjoint la Bible. Seuls Moïse, son frère Aaron avec ses deux fils et soixante-dix des anciens d’Israël pourront gravir ces hauteurs où lesTables de la Loi seront données à Moïse pour son peuple.
Le souffle divin, synonyme de vie et de mort
Le souffle divin se manifeste à de nombreuses reprises dans la Bible. Expression la plus discrète de l’air, il n’en est pas moins un symbole de vie et de naissance non seulement de l’homme, mais aussi de l’âme. À l’heure du bruit omniprésent de nos vies modernes, apprenons à mieux percevoir ce souffle divin.
La Genèse dans l’Ancien Testament livre un témoignage sensible et poétique de la Création en relevant que la naissance de l’homme ne résulta pas du fracas et du tonnerre, mais bien d’un souffle léger, celui de l’haleine de Dieu dont fut habité le premier homme créé sur terre (Gn 2, 7).
Ce symbole riche et puissant, ce souffle divin que chaque mère perpétue lors de la maternité lorsque son enfant prend vie, habite et nourrit chacun d’entre nous. L’origine de l’homme se trouve à la conjonction de deux éléments fondamentaux, la terre et l’air, ce dernier prenant la forme du souffle de vie sans lequel nos existences ne seraient que factices.
Symbole de vie et de sagesse
Si le souffle divin se trouve à l’origine de la vie, il symbolise également le souffle vital nécessaire tout au long de la vie des hommes. C’est ce souffle originel qui guide, en effet, l’homme à suivre les commandements divins, ainsi que le souligne le Livre de Judith (Jdt 16, 14).
Dieu grâce à son souffle de vie propose à l’homme de suivre son chemin et sa sagesse, ce que confiera également avec une touchante émotion Job dans les terribles épreuves qu’il eut à souffrir (Jb 32, 8).
Le souffle de la colère
Mais, si le souffle divin peut être, bien qu’imperceptible, doux et chemin de vie, il peut aussi devenir le symbole de la colère divine lorsque son peuple se pervertit et ne suit pas ses voies (Is 4, 4).
Dieu peut alors souffler sa colère contre ses ennemis. Un souffle impitoyable, source de jugement divin et de feu destructeur souligné également par le prophète Isaïe (Is 30, 33).
Ainsi, symbole ambivalent, le souffle divin donne vie mais peut aussi la retirer, ce qu’exprime avec scepticisme le Qohéleth (Qo 3, 20-21).
Le souffle divin s’impose ainsi en un symbole riche et puissant de la Bible, synonyme de vie, comme de mort. Aussi, pouvons-nous retenir pour conclure la comparaison suggérée par la lettre de saint Jacques Apôtre : « Ainsi, comme le corps privé de souffle est mort, de même la foi sans les œuvres est morte »(Jc 2, 26).
L’Esprit, ce souffle invisible mais perceptible
La Bible emploie plus de cinq cents fois le terme « esprit », signe de la force et de la puissance de ce symbole biblique. Ce mot venant du latin « spiritus » est assimilé au souffle invisible et pourtant perceptible aux hommes qui souhaitent écouter Dieu…
Si le terme même de souffle est encore usité dans notre quotidien, le mot « esprit » semble bien plus complexe à comprendre pour nos contemporains. Or la Bible associe dès le départ ces deux notions en des symboles puissants à l’origine de la vie. L’esprit, rapidement, se trouve ainsi présent dans l’Ancien Testament et distingue l’être pensant de l’animal. Les Psaumes usent à plusieurs reprises du terme afin de souligner la rectitude du cœur : » (Ps 50, 12)
Cet esprit qui habite et guide l’homme peut également s’entendre en une dimension collectivelorsqu’il touche tout un pays ou une communauté entrés dans la confusion par volonté divine ainsi que le relève le prophète Isaïe (Is 19, 2-3)
Les esprits du mal
Très rapidement l’Ancien Testament, puis le Nouveau, distingueront esprit du bien et esprit du mal. Si l’esprit de sagesse doit guider les hommes dans leur conduite, d’autres formes d’esprit pourront cependant également les en éloigner. Ainsi parlera-t-on d’esprit de jalousie ou de luxure afin de symboliser les comportements contraires aux commandements divins. Une multitude d’esprits du mal peuplera dès lors la Bible pour montrer combien le cœur de l’homme est faillible et peut se trouver aux prises de ces entités qui le détruiront s’il n’y prend garde.
Jésus dans les dernières années de sa vie sera réputé dans la Galilée entière pour chasser ces mauvais esprits qui tourmentaient les femmes et les hommes qui lui étaient présentés : « Le soir venu, on présenta à Jésus beaucoup de possédés. D’une parole, il expulsa les esprits et, tous ceux qui étaient atteints d’un mal, il les guérit, pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe : Il a pris nos souffrances, il a porté nos maladies ». (Mt 8, 16-17)
À l’origine de tout
Paradoxalement, ce pouvoir de chasser les mauvais esprits valut à Jésus l’accusation par les pharisiens d’être l’instrument de Béelzéboul (Lc 11, 14-23).
Par cette réponse implacable à ses détracteurs, Jésus souligne combien le pouvoir qu’il possède sur les esprits du mal lui vient d’un souffle lui-même plus grand et plus puissant à savoir l’Esprit saint qui fut à l’origine même de son incarnation (Lc 1, 35).
Cet Esprit, ou Paraclet, à l’origine de tout par la volonté de Dieu et l’incarnation de son Fils complète la Trinité. Il guidera non seulement les apôtres dès la Pentecôte mais également toute l’Église naissante pour gagner chaque fidèle qui sera guidé par cet esprit de vérité et consolateur.
La terre, à l’origine de la vie
Les premiers versets de la Bible débutent par le récit de la Création. Première à être citée avec le ciel, la terre symbolise le début de nos origines. Sans elle, rien n’est possible. C’est de l’argile que Dieu créera le premier homme et c’est elle qui recueillera la vie à venir.
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». (Gn 1, 1) La terre se trouve dans le récit biblique « au commencement », traduction en hébreu du premier mot de la Bible — Beréchith — que les traducteurs grecs présenteront par le terme Génésis ou origines. « Aux origines », la Bible précise également que « La terre était informe et vide », c’est-à-dire qu’elle n’avait pas encore la physionomie que nous lui connaissons. Cet aspect informe qui s’apparente à la notion de chaos de la mythologie grecque trouve également des éléments de correspondance avec la physique moderne des premières secondes de l’univers. Divinité chtonienne chez les Grecs connue sous le vocable de Gaia, la terre s’impose dans la Bible en symbole de toute vie et succède ainsi au chaos : « Dieu appela la terre ferme « terre », et il appela la masse des eaux « mer ». Et Dieu vit que cela était bon ». (Gn 1, 10)
La terre, source de vie
La terre symbolisera ainsi rapidement l’origine de la vie dans le récit biblique. Véritable pivot, c’est à partir de sa formation que toute création sera possible selon le plan divin. Le livre de de la Genèse montre en effet combien l’alternance du jour et la nuit, le nombre de jour de la semaine, les premières plantes et les premiers animaux ne peuvent se réaliser qu’à partir de cet élément. La terre dans la Bible symbolise ainsi les conditions de la vie, elle rend possible un ordre parfait à partir duquel la Création pourra s’organiser selon la volonté divine. Pour que cette partition divine soit parfaite, c’est de la terre que l’homme sera créé (Gn 2, 7)
Ce récit des origines insiste sur la matière qui constitue l’homme, cette terre provenant du sol formel’élément à partir duquel celui-ci est créé par Dieu, et non point l’air ou l’eau, signe de l’importance de cet élément symbolique.
Terre nourricière et ordre divin
C’est bien un ordonnancement divin qui se trouve, en effet, symbolisé par ce récit des origines rappelé par la Genèse. Au lieu et place du chaos originel, c’est un ordre parfait qui se trouve ainsi institué régissant la terre et la vie qu’elle portera désormais. L’élément nourricier que constitue la terre prendra rapidement une valeur sacrée dans un grand nombre de civilisations et de religions dont la religion chrétienne.
L’homme qui vivra sur cette terre aura dès lors pour devoir de préserver cet ordre divin et nourricier par des règles qui devront veiller au respect de la terre et de ses éléments. Lorsqu’il suivra cette prescription, l’abondance de la nature récompensera son action, lorsqu’il enfreindra cet impératif, les ronces et le désert prévaudront. Ce que l’homme moderne appellera « écologie » et que la dernière encyclique Laudato S’ i du pape François célèbre.
La tempête, manifestation de la puissance divine
Manifestation extrême du vent, la tempête divine intervient en de multiples références dans la Bible. Simple comparaison de la puissance de cet élément ou subtile référence aux nombreux états de l’âme du croyant, ce symbole s’avère riche d’enseignements encore aujourd’hui.
La tempête divine apparaît plusieurs fois citée dans l’Ancien Testament comme étant un desinstruments au service de Dieu pour se manifester et punir les hommes. Les Psaumes multiplient ainsi les références à ce symbole biblique de manière tout autant poétique qu’explicite (Ps 10, 6). La référence à la tempête, ici, ne fait point débat, la colère divine s’abat sur ceux qui ne respectent pas sa parole sous la forme des éléments déchaînés dont le vent de tempête est l’une des manifestations extrêmes. La fameuse phrase du prophète Osée est même passée en proverbe populaire lorsque le peuple de Dieu s’était perdu avec les idoles et le veau d’or : « Ils ont semé le vent, ils récolteront la tempête ». (Os 8, 7)
L’idée d’un Dieu punisseur est ici flagrante et reprise également par le prophète Jérémie à trois reprises, notamment lorsque les hommes n’accomplissent pas les desseins divins (Jr 30, 23-24).
Une tempête alliée
Mais, la tempête divine n’est pas toujours symbole dans la Bible de la colère divine pour son peuple. Elle peut en effet dans certaines situations prendre également la forme d’une alliée à son service, notamment à l’encontre de ses ennemis dont le sort s’annonce terrifiant selon les termes mêmes du Psaume 82, 14-16.).
La tempête soumise à Jésus
S’il est un épisode biblique passé à la postérité quant aux éléments tempétueux, c’est bien le récit du Nouveau Testament lorsque Jésus fera taire les flots déchaînés sur le lac Tibériade. Une tempête s’était levée sur la barque transportant Jésus endormi et ses disciples. Ces derniers s’affolent et perdent constance ; Jésus commande alors aux éléments au grand étonnement de ses compagnons (Mc 4, 37-39).
L’évangile de Marc souligne deux réactions bien humaines des disciples à savoir leur peur de périr dans les flots avec la tempête et leur crainte encore plus grande quant à la force de Jésus sur les éléments qui allaient les engloutir. La tempête prend ici valeur de commandement aux fidèles : n’ayez pas peur ! La foi surmonte toutes les épreuves, même celles qui peuvent apparaître les plus terrifiantes.
Le vent divin, la force invisible
La Bible abonde de références au vent. Le terme se trouve employé plus d’une centaine de fois dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Cet élément naturel omniprésent dans la vie de tous les jours tisse progressivement tout un réseau de symboles riches de sens.
Le psaume 103 intime aux vents une mission importante, celle d’être les messagers divins. Cet élément de la vie terrestre transporte ainsi le Verbe et le fait connaître aux hommes, symbole à la fois de son immatérialité et de sa force. À l’image de Dieu invisible, le vent demeure insaisissable (Jn 3, 8).
Mais, porteur de vie avec les pluies qu’il véhicule, il peut être également symbole de destruction et de désolation lors des tempêtes qui manifestent sa force. La Bible se sert abondamment de ces symboles afin de souligner la richesse de la puissance divine au service de l’homme lorsqu’il suit fidèlement son chemin ou pour le punir lorsqu’il s’en écarte ainsi que le souligne Ben Sirac le Sage (Si 39, 28).
Symbole de fragilité
Cependant, la Bible use également du symbole du vent afin de souligner la fragilité de la vie de l’homme « tel un souffle qui passe ». C’est alors l’évanescence et la brièveté de sa vie qui se trouvent au cœur de ces nombreuses références au vent biblique et que souligneront par la suite les philosophes stoïciens Ps 102, 15).
Vent d’orgueil
Enfin, soulignons que le vent peut également être dans le récit biblique synonyme d’orgueil et de mensonge. Son caractère instable et ses multiples revirements témoignent alors de ce symbole négatif comme le relève le prophète Osée (Os 12,2).
Orgueil et mensonge deviennent, ici, synonymes du vent qui trompe et qui ruine, le peuple de Dieu s’éloigne alors de la vérité pour l’illusion des biens terrestres. Dès lors, comment ne pas retenir l’avertissement de saint Paul aux Corinthiens si criant d’actualité dans notre vie de tous les jours :
« Vous de même, si votre langue ne produit pas un message intelligible, comment reconnaître ce qui est dit ? Vous serez de ceux qui parlent pour le vent »…
Le baptême, un véritable acte de conversion
Le baptême est certainement le symbole lié à l’eau le plus puissant au cœur du Nouveau Testament. Annoncé par les rites d’ablution sous l’Ancien Testament et anticipé par Jean le Baptiste, le baptême sera consacré par Jésus au Jourdain et perdurera jusqu’à nos jours.
Lorsque Jean, surnommé Le Baptiste, se tient sur les rives du Jourdain et verse de l’eau sur les fidèles nombreux qui se pressent autour de lui, il ne s’agit pas d’un rite d’ablution de plus, mais bien d’un symbole nouveau le distinguant des rites anciens. Le symbole puissant de cet acte dépasse en effet les prescriptions religieuses héritées du judaïsme pour appeler à une véritable conversion du cœur. L’eau depuis l’aube des origines est purificatrice, et l’acte d’immersion du croyant lave ses péchés pour une nouvelle naissance : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 3,2)
L’imminence du royaume des Cieux impose au fidèle de convertir son cœur, c’est-à-dire de le tourner vers Dieu et sa Parole. Laver son corps par les eaux du baptême à l’époque de Jean Baptiste, c’est aussi laver son âme de tout ce qui l’entrave et l’obscurcit pour une renaissance du croyant.
Un sacrement essentiel
Le baptême auquel Jésus consentira lui-même des mains du Baptiste consacre cette humilité du cœur indispensable au fidèle. Celui qui n’avait pourtant pas connu le péché accepte le baptême des mains de son parent qui reconnaît en Jésus le Messie (Mt 3, 11).
Le baptême, s’il est matérialisé par l’ablution de l’eau sur le corps du chrétien, prend ainsi avec Jésus un sens plus profond encore. Jésus préfigure en quelque sorte avec cette immersion au plus profond des eaux sa mort prochaine. Mais celle-ci n’aura pas le dernier mot, en remontant vers la lumière, c’est à la vie éternelle qu’est invité par le baptême chaque croyant.
Symbole puissant de la Bible, le baptême prendra rapidement, dès les premiers siècles, chrétiens une place toujours plus importante, en témoignent les nombreuses mosaïques et autres arts paléochrétiens. Figurant parmi les sept sacrements de l’Église, le baptême ouvre la vie du chrétien ainsi que le rappelait le théologien Tertullien aux IIe et IIIe siècles : « On ne naît pas chrétien, on le devient ». Rapidement dès les premiers siècles de notre ère, la communauté chrétienne se réunira lors de la nuit de Pâques autour de ce sacrement essentiel. L’eau bénite par l’évêque, le cierge pascal puis les premiers baptistères, ces lieux où seront pratiqués les baptêmes, constituent autant de rites composant le baptême qui sont parvenus jusqu’à nous.
Les ablutions, acte de purification
Si le mot ablution n’est guère plus utilisé de nos jours dans le langage courant, cette pratique qui consiste à se laver le corps, en partie ou totalement, a toujours occupé une place importante dans les religions. La Bible n’y fait pas exception avec de nombreux symboles dont certains sont parvenus jusqu’à nous.
Le livre de la Genèse évoque les premières ablutions rituelles partagées par la plupart des civilisations antiques de cette époque lointaine (Gn 18, 4).
Le lavement des pieds prend ici une double signification. Celle hygiénique du soin du corps doublée d’un sens spirituel de purification, sens que l’on retrouve d’ailleurs dans l’épisode du Buisson ardent où Dieu intime à Abraham d’ôter ses sandales impures sur le lieu saint où il se trouvait. Les ablutions d’eau prennent dès lors un sens religieux essentiel, le Lévitique fournira d’ailleurs toute une liste de nombreuses prescriptions enjoignant les fidèles à cette pratique rituelle (Lv 14, 8-9).
Les contemporains de ces textes savaient que l’eau à elle seule ne pouvait suffire à guérir le lépreux de son mal, attribuant ainsi aux ablutions une dimension essentiellement symbolique par laquelle le rite confère à celui qui en bénéficie la protection divine. L’exemple le plus flagrant d’ablutions conduisant à la guérison réside certainement avec l’épisode du général de l’armée du roi d’Aram, nommé Naaman et atteint de la lèpre. Cet ennemi d’Israël accepte de rencontrer le prophète Élisée qui lui enjoint d’aller faire ses ablutions sept fois dans le Jourdain, un acte de soumission difficile à accepter pour le fier guerrier occupant (2 R 5°.
Après avoir tourné bride et être reparti en colère, Naaman accepta finalement de se soumettre à l’injonction et fut guéri instantanément…
Les ablutions au temps de Jésus
Jésus donnera un sens plus profond encore aux pratiques rituelles d’ablutions lors de l’émouvant épisode du lavement des pieds de ses disciples (Jn 13, 1-15).
Jésus par cette ablution répétée chaque année lors de la Semaine sainte dans nos églises dépasse la pratique rituelle pour lui conférer une autre dimension symbolique, celle de l’humilité et du don total de Celui qui va donner sa vie pour la multitude.
Du Jardin d’Eden au Jardin des Oliviers
Les premiers instants de la Genèse laissent apparaître non point un champ, une montagne, un lac ou une mer, mais un jardin luxuriant à la nature foisonnante. Ce lieu paradisiaque décidé par Dieu pour sa création livre un symbole essentiel que la culture occidentale développera abondamment…
Le Jardin d’Éden et le Paradis
« Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé ». (Gn 2, 8) Le tout début de la Genèse situe ainsi précisément en Éden à l’orient l’endroit protégé où toute la création de Dieu aura place, et en premier, l’homme à qui Dieu vient d’insuffler la vie.
Si la Bible ne précise pas où se situe en Orient l’Éden, la tradition semble privilégier un lieu situé en Mésopotamie. En cette région, lieu de terres fertiles et bénies, Dieu assura la luxuriance des arbres aux fruits savoureux. Tout y a été créé pour profiter à l’homme sans qu’il n’ait à se soucier de rien. Le jardin d’Éden prend ainsi rapidement dans la Bible valeur d’un espace sacré où le plan divin a été ordonné afin que l’homme croisse et dispose de tout ce dont il a besoin (Gn 2, 16-17).Une seule injonction, mais non des moindres, et malheureusement, nous connaissons la suite…
Le Jardin des Oliviers
C’est également dans un jardin – le Jardin des Oliviers – que Jésus connaîtra ses dernières heures terrestres avant sa Passion. L’évangile de Jean nous rappelle que Jésus aimait à s’y rendre entouré de ses disciples (Jn 18, 1-2).
En un singulier retour de l’Histoire biblique, le jardin, celui des Oliviers, réunira ainsi à la fois la paix et la joie d’enseigner à ses disciples, mais révèlera aussi le fruit de la tentation qui le livrera à ses ennemis. Jésus ne choisit pas un lien mondain où il est bon d’être vu mais un lieu retiré, à l’écart, loin du bruit de la ville voisine de Jérusalem pour prier et s’adresser à son Père.
Le contraste saisissant entre l’habitude paisible de se rendre en ce lieu aimé, lieu de partage avec ses disciples, et les instants tragiques qui allaient s’y dérouler, ne peut que questionner le fidèle. Lieu de vie et d’abondance, le jardin le plus agréable peut aussi se métamorphoser en espace d’angoisses, de trahisons et de violence, les racines du mal s’immisçant ainsi au cœur de l’homme.
Le Jardin des délices
Le peintre primitif flamand Jérôme Bosch (~1450-1516) a certainement livré l’une des plus belles évocations du jardin paradisiaque. En un contraste étonnant et qui n’a pas fini de nourrir les thèses les plus folles, l’artiste a dépeint de manière saisissante l’évolution entre les premiers instants du Paradis dans le Jardin de l’Éden sur le panneau de gauche, jusqu’à la terrible représentation de l’Enfer sur le volet de droite en passant par le dérèglement des passions au centre de l’œuvre.
Ce jardin nommé « Jardin des Délices » apparaît à la fois comme le symbole de la Création la plus sereine évoquée au début de la Genèse, mais aussi l’occasion de la perdition la plus extrême, contraste singulier à l’époque où cette œuvre fut conçue à la croisée du Moyen âge et de la Renaissance, mais aussi à la veille des Guerres de religion…
Les jardins dans la Bible, lieux de salut
Dieu aime les jardins. Il en fait des lieux de salut et la Bible en visite un nombre incalculable. Trois d’entre eux entourent le destin de l’humanité et créent une magnifique parabole : tout commence et tout finit dans un jardin.
Le premier jardinier de la Bible, c’est Dieu. C’est Lui qui dessine le jardin d’Éden qui est un « paradis terrestre ». Mais ce n’est qu’un début. Dieu plante des jardins un peu partout. Ils composent les lieux d’une œuvre qui se joue en plusieurs actes.
L’histoire du salut de l’homme commence dans le jardin d’Éden, le jardin du commencement de la vie dans lequel Adam et Ève sont en relation directe avec Dieu. Elle se termine dans un autre jardin, celui de la Résurrection.
Le jardin parle, l’esprit respire
Un jardin, c’est d’abord une clôture : « un espace délimité, protégé des regards et du monde, un lieu à part, secret. Car dans le jardin biblique, Dieu rencontre l’humanité, Il lui donne rendez-vous. « Il attend l’homme, dans le secret du cœur. Et pour ceux qui croient à la Résurrection du Fils de Dieu, le jardin de Dieu est désormais partout où l’on trouve un homme qui prie (…) Le jardin parle et l’esprit respire. »
La première mention du jardin dans le judaïsme se trouve dans l’Ancien Testament, dans le récit biblique du jardin d’Éden. Selon saint Augustin, c’est là que naît le temps. Le livre d’Ézéchiel le décrit comme « la sainte montagne de Dieu » , couverte de cyprès et de platanes, de pierres précieuses, de diamants, de saphirs, d’émeraudes et d’or. C’est le jardin où Dieu crée le premier homme, Adam (Gn 2, 8).
Ce paradis terrestre – Éden signifie « délices » – est le délice de Dieu : sa créature y est comblée. Le bonheur de Dieu est le bonheur de l’homme. Et réciproquement. Adam et Ève, le couple qui bouleverse l’histoire de l’humanité, y vit heureux en parfaite harmonie avec la nature : la terre produit le fruit nécessaire, les animaux sont soumis à l’homme, la souffrance et la mort sont exclues. Les lois de la nature sont directement commandées par la puissance divine. La vie y est douce. Mais ce paradis sera perdu. Adam et Ève en seront chassés. Le serpent, entré en scène, a fait miroiter au premier couple humain la possibilité d’être «comme des dieux ». Créés libres, l’un et l’autre se laissent alors tenter. Ainsi commence la longue histoire du mal.
Après la Cène, Jésus se rend au mont des Oliviers. Il laisse ses disciples à l’entrée du jardin, n’emmenant avec lui que Pierre, Jacques et Jean. II prie. Jésus ressent l’angoisse la plus profonde. Il sait que son heure d’être livré est venue, mais il fait confiance à son Père. Il leur dit :
«Mon âme est triste à mourir. Restez ici et veillez» (Mc 14, 32-34).
Mais malgré les demandes du Christ qui a besoin de les savoir près de Lui, Pierre, Jacques et Jean s’endorment… Le Christ est seul face à la mort. Gethsémani, le lieu de l’agonie et de l’arrestation du Christ n’est pas un jardin de plaisir aux fleurs et aux senteurs envoûtantes. C’est une oliveraie, le lieu de transformation où les olives sont pressées : c’est aussi le jardin de l’abandon. : « c’est au jardin d’Éden que l’homme trahit une première fois Dieu ; au jardin des Oliviers, il fait bien pire : il Le livre. » (Anne Ducrocq in Les Jardins spirituels).
Le récit de la Passion selon saint Jean commence dans un jardin, celui de Gethsémani. Il s’achève dans un autre où se trouve un tombeau neuf : là où sera déposé le corps de Jésus. Les récits de laRésurrection ont lieu dans un jardin (Jn 19, 41).
Marie-Madeleine y arrive au petit jour, éperdue de chagrin. Émue, elle veut voir le corps de Jésus. Mais le tombeau est vide. Elle sent une présence et se retourne. Un inconnu est là. Elle ne reconnaît Jésus ni à la vue ni à la voix. Car dans ce jardin de la Résurrection, Il ressemble à un jardinier. C’est ainsi que le Ressuscité l’arrache à la sidération de la mort. Il la rappelle au présent en l’appelant par son prénom, Marie-Madeleine. La grande amoureuse retrouve alors son Seigneur vivant.
Trois jardins qui entourent l’humanité
Le Christ est crucifié dans un jardin. Il est ressuscité dans un jardin, où il prend l’apparence d’un jardinier. La boucle est bouclée. Quand l’histoire du salut commence dans un jardin, elle se termine dans un autre jardin, celui de la Résurrection. Ainsi trois jardins entourent le destin de l’humanité : celui du Paradis, celui de l’Agonie et celui de la Résurrection. Ces trois jardins sont aussi ceux de nos vies.
Les pierres précieuses, un scintillement dans les ténèbres
S’il est une source lumineuse récurrente dans la Bible, c’est bien celle provenant des multiples pierres précieuses qui y scintillent. Symboles de royauté et de puissance céleste, ces joyaux participent au premier plan à la lumière divine.
Les pierres les plus fines sont rapidement devenues dans l’histoire de l’humanité symbole de pouvoir et d’autorité du fait de leur rareté et de leur prix. Aussi n’est-il pas étonnant que parmi les plus riches présents apportés par la reine de Saba au roi David figurent, précise le récit biblique, en première place les pierres les plus précieuses de son pays (1 R, 10,2).
Quelle place tiennent ces trésors terrestres sur un plan divin ? Ce qu’il y avait de plus rare et de plus riche constituait toujours un cadeau de prix au détenteur du pouvoir. Aussi le scintillement de ces gemmes uniques symbolisait-il la lumière provenant de celui-là même qui exerçait la fonction royale. Ceci explique le présent mythique de la reine de Saba. Par son abondance et rareté, il souligne l’importance qu’elle accordait au roi David qui à son pouvoir terrestre superposait une autre dimension, celle-ci toute spirituelle. Cette dimension se retrouve, bien sûr, également dans l’or, qui par son éclat à nul autre pareil, sa rareté et son caractère inaltérable se place avant ou vient sertir les pierres précieuses. Ainsi, parmi les présents apportés par les rois mages à Jésus nouveau-né dans la crèche figure en première place l’or, symbole de lumière et de royauté nous précisent les Évangiles (Mt 2, 11).
Un scintillement dans les ténèbres
La Bible abonde de références aux pierres précieuses afin de souligner l’incomparable lumière divine. Parmi ces dernières, le saphir semble, de par sa couleur, s’imposer comme la pierre précieuse du firmament (Ex 24, 9-10).
Le saphir, pierre très dure, se caractérise en effet par sa couleur et sa transparence bleutée. C’est ainsi la pierre du firmament et des trônes dont la pureté demeure extraordinaire, ce que confirme également le prophète Ezéchiel lorsqu’il perçoit la gloire du Seigneur (Ez 1, 26).
Ce thème de la cité céleste où trône le Seigneur dans une lumière minérale se retrouve également chez le prophète Isaïe qui promet au peuple exilé une Jérusalem nouvelle reposant sur les pierres les plus précieuses, allégorie de la foi au Dieu d’Israël (Ap 21, 8-12).
Saphir, jaspe, calcédoine, émeraude, sardoine, cornaline, chrysolithe… et autres pierres précieuses qui ornent les douze portes de la Jérusalem céleste soulignent l’extraordinaire rayonnement de la lumière divine.
Pierres précieuses et fonctions sacerdotales
Lumière divine, le scintillement des pierres les plus précieuses doit également rayonner sur le représentant du Seigneur lors des liturgies. Aussi Aaron, le grand prêtre, se devait-il de porter un pectoral, grande plaque portée sur la poitrine ornée de pierres précieuses, dont les soins apportés à sa fabrication par les plus grands artisans témoignent de son importance (Ex 28, 15, 21).
Ici, sardoine, topaze, émeraude, saphir, jaspe, agate, améthyste et autres pierres précieuses représentent les douze tribus d’Israël, des joyaux chargés de faire resplendir la gloire de Dieu. Nous retrouvons aujourd’hui toute cette puissante valeur symbolique des pierres précieuses par leur présence sur certains objets liturgiques, et plus modestement leurs incomparables couleurs dans les diverses parures liturgiques.
Ce petit livre est né d’une rencontre de l’auteur, prêtre spécialiste de la liturgie, avec la communauté et la synagogue de Tours. Il y montre l’influence de la liturgie juive du Temple sur les rites de la messe catholique. Il nous aide ainsi à comprendre et à vivre la messe en héritiers de nos frères aînés dans la foi. L’ouvrage du Père Jean-Baptiste Nadler nous rappelle ce que certains auraient malheureusement tendance à oublier, à savoir que tous les premiers Chrétiens étaient juifs, juifs pratiquants. Cette proximité explique cette autre vérité historique : la prenté entre les rites juifs et les rites chrétiens. Ce si grand patrimoine commun aux Chrétiens et aux Juifs n’empêche pas la différenciation entre les deux religions. C’est le propre de l’histoire humaine que chacun trouve son chemin propre. Mais c’est aussi la grandeur de l’homme de savoir trouver les points de convergence et de dépasser les différences afin de trouver l’espérance toujours partagée, comme le rameau sait trouver son ressourcement dans la sève de l’arbre dont il est l’une des ramifications.
Extrait de l’introduction
«Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre.»
Ces indications normatives données par le concile Vatican II pour son œuvre de restauration de la liturgie rappellent que les rites de l’Église nécessitent quelques explications en vue de leur juste compréhension, même si ces rites sont simples et sobres. Car la liturgie est un langage composé demots, de gestes, d’attitudes et de tout un ensemble de signes et de symboles. Ce langage est l’expression d’une pensée – celle de la foi – et donc d’une culture. Celui qui veut connaître une culture et entrer en dialogue avec elle doit en apprendre la langue. De même, celui qui veut pénétrer dans le vaste monde liturgique doit en apprendre le langage, la signification, l’histoire. Cela demande un effort et un apprentissage, en un mot, une éducation.
Sans cet effort, deux écueils menacent celui qui participe à la liturgie : le ritualisme et Ya-ritualisme. Le ritualisme est une application extrinsèque, vide et creuse des rites liturgiques, ce qui entraine souvent le relativisme («Si je fais tel geste sans en comprendre le sens, je pourrais tout aussi bien faire un autre geste à la place»). Nous trouvons une belle dénonciation de l’attitude ritualiste dans la bouche de Jésus, au début de l’évangile selon saint Matthieu : «Hypocrites ! Isaïe a bienprophétisé à votre sujet quand il a dit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte» (Mt 15, 6-9). L’a-ritualisme, quant à lui, est le mépris des rites matériels au nom d’une certaine conception de la pureté de la foi. Fruit d’un intellectualisme désincarné, il donne une prière sans chair. C’est précisément pour contrer ces deux erreurs que le concile Vatican II a voulu une réforme liturgique qui soit centrée sur la «participation pleine, consciente et active» des fidèles à la liturgie. Or, pour que notre participation soit «consciente», nous devons connaître la signification de rites qui s’expliquent en grande partie par leurs origines et leur histoire.
Mais une première question se pose : pourquoi avons-nous besoin de rites ? Et même, avons-nous encore besoin de rites ? La foi chrétienne n’est-elle pas un culte «en esprit et en vérité» et donc unelibération des vieux réflexes religieux païens ? Bien au contraire ! Dans le christianisme, la prière est et doit être plus liturgique que dans n’importe quelle autre tradition religieuse. À quoi servent en effet les rites, sinon à nous approcher de Dieu ? Lorsqu’Isaïe reçoit la vision du Seigneur dans le Temple de Jérusalem, et que les séraphins se crient l’un à l’autre la terrible sainteté de Dieu : «Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers !», le prophète est désemparé. «Malheur à moi ! s’écrie-t-il, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures». Avec des instruments liturgiques – la pince et le charbon pris sur l’autel de l’encens -, l’un des séraphins apaise Isaïe (Is 6, 1-7). Cet épisode nous donne tous les éléments pour comprendre l’importance des rites. Dieu est saint, totalement autre, immensément transcendant et inaccessible à nos propres forces. Mais pour notre bonheur, il s’approche de nous, il se rend accessible jusqu’à se faire l’un de nous par l’Incarnation de Jésus–Christ. En lui, jamais Dieu n’a été aussi proche ! Hélas, à cause de la faiblesse de notre nature, soit nous nous habituons à Dieu au point d’oublier sa sainteté et de le réduire à une idole, une chose, un objet ; soit nous nous réveillons de notre torpeur, comme Isaïe, nous prenons peur face à l’immense majesté de Dieu et nous cherchons à fuir et à nous cacher loin de sa face. C’est précisément à ce moment que les rites de la liturgie prennent tout leur sens. Par leur majesté et leur sacralité, ils nous aident à nous déshabituer de Dieu et entretiennent en nous la «crainte filiale», c’est-à-dire le respect humble et amoureux devant la grandeur de Dieu, tout en nous permettant réellement de nous approcher de lui sans craindre d’offenser sa majesté : «Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce» (He 4, 16).
Pour bien comprendre le sens des rites et y participer d’une manière consciente et active, il est nécessaire d’en connaître l’histoire, particulièrement leur origine. Or la plupart des rites chrétiens, surtout ceux qui composent la célébration du mystère de l’Eucharistie, s’ancrent dans les rites du peuple juif, tout en les menant à leur accomplissement. Le Christ, venu nom pour abolir mais pour accomplir, a donné son sens plénier à la liturgie de l’Ancienne Alliance, et les premier chrétiens, tous juifs, n’ont pas vécu leur foi nouvelle comme une rupture, mais comme une continuité dans la nouveauté de l’Evangile »
Analyse du Père Patrice Sabatier, c.m.
Il faut revenir en arrière, certainement sous le Pontificat de Pie XII, et les premiers écrits en 1962 de Jules Isaac sur « l’Enseignement du mépris » et de ceux d’André Neher pour vérifier le chemin parcouru par l’Eglise et, dans quelque autre mesure, par le judaïsme lui-même. Le 15 décembre 1959 à la Sorbonne, Jules Isaac prononce une conférence qu’il intitule : « Du redressement nécessaire de l’enseignement chrétien concernant Israël ». Cette dernière sera éditée par les Editions Fasquelle en 1960 sous le titre de « L’antisémitisme a-t-il des racines chrétiennes ? ». En 1948, déjà, le même historien avait publié « Jésus et Israël ». Ce travail long et patient est accompli de façon précise et définitive par Vatican II et les Déclarations conciliaires attachées au grand texte Nostra Aetate. Peu à peu, ce texte ainsi que les Dix points de Seelisberg se sont diffusés tant dans le christianisme que dans le judaïsme. Une nouvelle période de connaissance, de rencontres, de recherches, de débats et d’amitié allaient pouvoir commencer et perdurer.
Le livre du Père Jean-Baptiste NADLER – prêtre de l’Emmanuel -, préfacé par le Grand rabbin de France Haïm KORSIA, se situe justement à ce point de rencontre. L’ouvrage qu’il publie est d’ailleurs le fruit de rencontres multiples avec la communauté juive, et de présences soutenues à la synagogue de Tours. Il est beau de voir comment un homme – un chrétien et un prêtre – avec un cœur ouvert et aimable peut faire monter de cette présence amicale à la synagogue le fruit de son expérience…, et aussi de sa prière d’homme. Sans doute, ici, avons-nous plus qu’un livre sur la liturgie synagogale en ces rites et en ses intentions. En effet, ce serait davantage un témoignage au cœur d’une liturgie, au cœur d’un cheminement qui apprend à contempler et à regarder nos racines chrétiennes là où elles sont nées. Cependant, à aucun moment, le lecteur aura l’impression d’un quelconque syncrétisme ou d’une dilution faisant d’une religion l’antichambre de l’autre ou démontrant que l’une est supérieure à l’autre. L’auteur veut simplement mettre en lumière les traces de la liturgie du Temple dans nos rites chrétiens de la messe; et principalement ceux attachés à la Pâque juive – Pessah. L’auteur nous dit que « Jésus lui-même agit comme un rabbin, en faisant une relecture rabbinique d’interprétation de l’Ancien Testament. » Nous sommes bien là très loin du prêtre Marcion au IIème siècle voulant faire une coupure radicale avec la Première Alliance (Marcionisme) !
Deux grandes parties font le corps de l’étude ici présentée : Les origines juives des rites chrétiens et La liturgie de la messe accomplit les rites juifs. En suivant les Apôtres « assidus au Temple » et en entrant dans le Mystère d’Israël par le biais de la liturgie, le lecteur est appelé à renouveler sa compréhension de la messe, à la revisiter, à la vivre d’une autre manière en s’attachant aux mots, aux rites, aux symboles, aux mouvements et objets servant à la liturgie. On y perçoit, ainsi, l’influence de la liturgie juive du Temple sur les rites de la messe catholique.
Nous l’avons compris, ce livre court est didactique. Il se lit assez rapidement parce qu’il est pédagogique et va à l’essentiel. Les acteurs de la liturgie paroissiale, les catéchistes, les séminaristes, les délégués diocésains au dialogue avec le judaïsme… pourront se servir de ce petit livre au cœur de leurs responsabilités. Il renouvellera, sans aucun doute, aussi les prêtres et les évêques dans leurs pratiques liturgiques et dans la célébration de l’Eucharistie… Il peut être un bel outil de passage et de rencontres avec des communautés juives.
Les religions face aux épidémies – De la Peste à la Covid-19
Philippe Martin
Paris, Le Cerf, 2020. 277 pages.
De la peste médiévale au présent coronavirus, comment les religions ont-elles vécu les épidémies ? Cette enquête sur 3 000 ans et sur l’ensemble de la planète renseigne et interroge, épate et intrigue, amuse et épouvante, mais donne toujours à penser et à méditer. Un voyage sans précédent au cœur du divin face aux catastrophes létales pour l’humanité.
Pourquoi, en passant du corps humain au corps social, l’événement épidémique provoque-t-il immanquablement un séisme religieux ? Comment engage-t-il simultanément toutes les figures de la Providence divine, punisseuse, guérisseuse, horlogère, éthique ou miséricordieuse ? Comment divise-t-il profondément toutes les confessions, les forçant à penser et à agir autrement ? De la peste antique et médiévale au coronavirus contemporain, en passant par les varioles, les choléras et les grippes modernes, sans oublier le persistant sida, de Paris, Rome, Boston à Istanbul, Moscou, Islamabad, des cathédrales gothiques aux pagodes bouddhiques en passant par les synagogues sépharades et les mosquées chiites, voici le panorama époustouflant du face-à-face historique et mondial des religions face à l’irruption d’un mal invisible, incompréhensible et implacable. Cette étude sans précédent montre que nous n’avons rien inventé. Les hiérarques religieux ont pavé la voie des gouvernants politiques. Mobilisations sanitaires, mesures préventives, ritualisations collectives, discordances scientifiques, recherches de boucs émissaires, réflexes complotistes, contestations populaires : le clerc d’Église d’autrefois et le clerc d’État d’aujourd’hui ont à affronter la même crise de l’explication, de la certitude, de la résilience. Et ils le font avec les mêmes moyens. Car tous deux doivent restaurer la croyance, ici sacrée, là séculière. Cette somme sans concession, qui renseigne comme jamais, amuse souvent, effraie parfois, et conduit ainsi à la plus cruciale des questions actuelles : et si les images de Saint-Pierre, Lourdes, La Mecque, Bénarès vides pour la première fois indiquaient quela Covid-19 a effectivement inauguré une nouvelle page dans l’histoire de l’humanité ?
Biographie de l’auteur
Historien, professeur à l’université de Lyon-II, Philippe Martin est également directeur de l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité. Il a publié, entre autres, Le théâtre divin. Histoire de la Messe, XVIè-XIXè siècle.
Jean Delumeau, né le 18 juin 1923 à Nantes et mort le 13 janvier 2020, , est un historien français.
Universitaire, il est spécialiste des mentalités religieuses en Occident et, plus particulièrement du christianisme de la Renaissance et de l’Époque moderne.
Biographie
Carrière universitaire
Élève au lycée Masséna de Nice, puis au lycée Thiers de Marseille, il prépare le concours d’entrée de l’École normale supérieure, où il a comme professeur Roger Mehl (philosophie). Il est admis à l’ENS (promotion 1943), agrégé d’histoire, membre de l’École française de Rome et docteur ès lettres, il a enseigné l’histoire à l’École polytechnique, à l’université de Rennes II et à l’université de Paris I.
Détaché au Centre national de la recherche scientifique de 1954 à 1955, directeur du Centre armoricain de recherches historiques de 1964 à 1970 et directeur d’études à à l’École pratique des hautes études de 1963 à 1975 puis à l’École des hautes études ensciences sociales de 1975 à 1978, il est professeur puis professeur honoraire au Collège de France, où il occupa de 1975 à 1994 la chaire d’« Histoire des mentalités religieuses dans l’Occident moderne ».
Membre du comité éditorial de plusieurs revues académiques et professeur invité dans plusieurs universités d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, il est également membre honoraire de l’Institut universitaire de France et de l’Academia Europaea.
« De la peur, liée au pêché, vous avez trouvé et, avec les générations antérieures, éprouvé comme nous tous la prégnance, entretenue par une éducation incitant au scrupule. Vous y voyez, non sans raison, une des racines de la déchristianisation contemporaine. Cependant, votre propre anxiété désamorçait déjà le découragement. Alors, répondant à une attente, l’un de vos derniers livres, Rassurer et protéger, présente tout grand l’abri tutélaire du manteau de la Vierge intercédante. »
— Mollat du Jourdin
« Je suis fier et heureux, cher Philippe Wolff, de recevoir de vos mains cette épée que mes enfants ont choisie du début du xixe siècle afin de l’accorder au costume dessiné par David. Dans la ligne de ce qui vient d’être dit, je veux délibérément placer mon intervention et mes remerciements sous le signe de l’amitié. (…). L’épée fine, élégante et chronologiquement bien datée que je porterai désormais grâce à vous sous la coupole additionne à mes yeux trois significations. D’abord, elle me rappellera jusqu’en bout de carrière la chaleureuse sympathie dont vous m’avez entouré ce soir ; elle symbolise ensuite un attachement à l’histoire que j’ai manifesté dès l’enfance ; elle exprime enfin une sobriété de style dont j’aimerais faire passer quelque chose dans mon écriture »
En 2002, il est en vain candidat à l’Académie française.
Fonctions honorifiques et engagement
Il est membre d’honneur de l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR), une association multiconfessionnelle qui œuvre à la préservation et au rayonnement du patrimoine culturel français. Il est également membre du comité de parrainage de la Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix
Le 25 avril 2017, il fait partie des signataires d’une tribune de chercheurs et d’universitaires annonçant avoir voté Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle française de 2017 et appelant à voter pour lui au second, en raison notamment de son projet pour l’enseignement supérieur et la recherche.
Vie privée
Il est le père de l’historien Jean-Pierre Delumeau.
Le spécialiste de l’évolution de la conscience religieuse
Les ouvrages majeurs sur les thèmes qu’il travaille particulièrement concernent :
les pulsions avec en 1978 : La Peur en Occident, XIVe-XVIIIes et en 1983 : Le Péché, la Peur, la culpabilisation en Occident ;
les institutions avec en 1990 : L’Aveu et le Pardon, XIIIe-XVIIIes ;
les représentations avec en 1992 : Le Jardin des Délices.
Œuvres
Les ouvrages de Jean Delumeau ont été traduits dans de nombreuses langues dont le japonais, le portugais, le tchèque, le roumain, l’hongrois et l’italien.
Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du xvie siècle, Paris, De Boccard, 1957.
L’Alun de Rome, xve-xviiie siècles, Paris, École Pratique des Hautes Études, 1962.
Naissance et affirmation de la Réforme, Paris, PUF. Coll. « Nouvelle Clio », 1965.
Le Mouvement du port de Saint-Malo, 1681-1720 [sous la dir. de], Paris, Klincksieck, 1966.
La Civilisation de la Renaissance, Paris, Arthur. Coll. « Les grandes civilisations », 1967.
Histoire de la Bretagne [sous la dir. de], Toulouse, Privat, 1969.
Le Catholicisme de Luther à Voltaire, PUF. Coll. « Nouvelle Clio », 1971.
L’Italie de Botticelli à Bonaparte, Paris, Armand Colin, 1974, (réédité en 1991 chez Armand Colin sous le titre L’Italie de la Renaissance à la fin du XVIIIe siècle).
Rome au xvie siècle, Paris, Hachette, 1975.
La Mort des pays de Cocagne. Comportements collectifs de la Renaissance à l’âge classique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976
Le Christianisme va-t-il mourir ?, Paris, Hachette, 1977.
La Peur en Occident (xive-xviiie siècles). Une cité assiégée, Paris, Fayard, 1978.
Histoire vécue du peuple chrétien, 2 vols [sous la dir. de], Toulouse, Privat, 1979.
Le Péché et la peur : La culpabilisation en Occident (xiiie-xviiie siècles), Paris, Fayard, 1983.
Ce que je crois, Paris, Grasset, 1985.
Le cas Luther, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 1986.
Les Malheurs des temps. Histoire des fléaux et des calamités en France [sous la dir. de], Paris, Larousse, 1987.
La Première communion : quatre siècles d’histoire [sous la dir. de], Paris, Éditions Descléede Brouwer, 1987.
Rassurer et protéger. Le sentiment de sécurité dans l’Occident d’autrefois, Paris, Fayard, 1989.
Injures et blasphèmes [sous la dir. de], Paris, Imago, 1989.
L’aveu et le pardon. Les difficultés de la confession. XIIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1990.
Histoire des pères et de la paternité [sous la dir. de], Paris, Larousse, 1990.
Une histoire du Paradis. I : Le Jardin des délices, Paris, Fayard, 1992.
Le Fait religieux [sous la dir. de], Paris, Fayard, 1992.
La Religion de ma mère : Le Rôle des femmes dans la transmission de la foi [sous la dir. de], Paris, Éditions du Cerf, 1992.
Le Savant et la foi : des scientifiques s’expriment [sous la dir. de], Paris, Flammarion, 1993.
Une histoire du Paradis. II : Mille ans de bonheur, Paris, Fayard, 1995
Histoire artistique de l’Europe : La Renaissance (avec Ronald Lightbown), Paris, Le Seuil, 1996.
L’Historien et la foi [sous la dir. de], Paris, Fayard, 1996.
Des Religions et des Hommes (avec Sabine Melchior-Bonnet), Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 1997.
Entretiens sur la fin des temps (avec Umberto Eco, Stephen Jay Gould, Jean-Claude Carrière), Paris, Fayard, 1998.
Une histoire de la Renaissance, Paris, Perrin, 1999.
Une histoire du Paradis. III : Que reste-t-il du Paradis ?, Paris, Fayard, 2000.
Chrétiens, tournez la page (avec Yves de Gentil-Baichis, René Rémond, MarcelGauchet, Danièle Hervieu-Léger, Paul Valadier), Paris, Bayard, 2002.
Guetter l’aurore. Un christianisme pour demain, Paris, Grasset, 2003
Jésus et sa passion (avec Gérard Billon), Paris, Éditions Desclée de Brouwer, 2004.
La plus belle histoire du bonheur (avec André Comte-Sponville et Arlette Farge), Paris, Le Seuil, 2004.
Le Fait religieux, tome 1: Le Christianisme [sous la dir. de], Paris, Fayard, 2004.
Histoire des mentalités religieuses dans l’occident moderne, Paris, Collège de France / Le Livre Qui Parle, 2005.
Le Mystère Campanella, Paris, Fayard, 2008.
À la recherche du paradis, Paris, Fayard, 2010
La seconde gloire de Rome. xve-xviie siècle, Paris, Perrin, 2013.
De la peur à l’espérance, Paris, Robert Laffont. Collection « Bouquins », 2013.
L’avenir de Dieu, Paris, Éditions du CNRS, 2015.
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Jean Delumeau, historien de l’enfer et du paradis, est mort
Titulaire de la chaire d’histoire des mentalités religieuses de l’Occident moderne au Collège de France, ce penseur éclairé et intègre a mis au jour les mécanismes de la « pastorale de la peur » qui imprégna longtemps le christianisme. Sa famille a fait part à « La Croix » de son décès, ce lundi 13 janvier matin, à 96 ans.
Ceux qui ont eu la chance de suivre, fidèlement ou plus épisodiquement, les cours de Jean Delumeau au Collège de France se souviennent d’un orateur passionnant, d’une clarté cristalline, affable, précise. Et s’émerveillent encore de la manière dont il savait mettre le point final à sa leçon du jour, une seconde avant que l’horloge n’en indique le terme. Tant d’aisance et d’organisation intellectuelles charmaient et impressionnaient tout à la fois.
Né le 18 juin 1923 à Nantes au sein d’une famille croyante, Jean Delumeau avait reçu « la foi en héritage » selon ses termes mais porta vite « un regard critique sur la religion », suivi par « le doute comme (mon) ombre ». Agrégé d’histoire, professeur au lycée de Rennes puis, à partir de 1957, à la faculté des lettres, il franchit tous les échelons universitaires avec, en 1975, une nomination au Collège de France.
Marié en 1947, il aura trois enfants dont l’historien Jean-Pierre Delumeau. Si ses premières publications érudites portent sur l’histoire de Rome (il fut membre de l’École française de Rome), un public élargi le découvre en 1977 quand paraît Le Christianisme doit-il mourir ?, couronné du Grand prix catholique de littérature.
Une plongée dans la peur
Des travaux de cet éminent et lumineux historien des religions, on retient avant tout la notion de « pastorale de la peur », dont il a étudié la domination au sein de l’Église catholique depuis le Moyen Âge jusqu’aux Lumières. Ou la traque quasi-permanente du péché, assortie de la menace de l’enfer, dans le but, explicite ou non, de tenir les esprits à distance de toute tentative d’émancipation. La Peur en Occident publié en 1978 et, plus encore, Le Péché et la peur (1983) – véritable somme traduite en anglais mais aussi enbrésilien ou en japonais –, assirent la notoriété de Jean Delumeau, au-delà du cercle des spécialistes et des étudiants en histoire religieuse.
D’autant que leur auteur, loin de tout manichéisme, sut traduire auprès des lecteurs contemporains les subtilités de cette rigidité ecclésiale en la replaçant – donc la nuançant – dans le contexte médiéval et renaissant. Les épidémies ravageuses, les famines, les conflits politiques et les guerres religieuses, plongeaient les populations dans une « angoisse ordinaire » diffuse et mortifère. En instaurant une pastorale de la peur, en lui donnant des contours théologiques bien définis, l’Église montrait qu’il était tout de même possible d’agir contre le fléau du mal. À l’inverse des calamités naturelles qui s’abattent sur l’homme impuissant, le péché et le démon pouvaient être combattus, voire vaincus.
Un voyage au Paradis
Jean Delumeau, d’ailleurs, n’aura jamais considéré la terreur répandue par l’institution religieuse sous l’Ancien-Régime comme un sujet isolé. Ses travaux l’ont aussi conduit sur les chemins de l’espérance, et même jusqu’au paradis, auquel il a consacré tant d’années de sa vie, publiant une magnifique Histoire du Paradis, en trois tomes (1992, 1995 et 2000). Il y confrontait la vision théologique et les découvertes scientifiques, artistiques et humanistes à l’œuvre, dans un réseau d’interactions fécondes ou antagonistes mais toujours stimulantes.
Imprégné des réflexions et évolutions du concile Vatican II dans un Occident soumis à une forte déchristianisation, l’historien et homme de foi observait d’un commun mouvement de sa pensée et de son érudition, la face sombre et la face lumineuse de la religion de son enfance. Il s’en expliquait régulièrement, évoquant avec une tendre clairvoyance La Religion de (ma) mère, sous-titré Le Rôle des femmes dans la transmission de la foi (1992), ou invitant chacun de nous à Guetter l’aurore – Un christianisme pour demain, édité en 2003.
Ou, mieux encore, publiant en 2015 un Avenir de Dieu… « Le paradis ce seront les autres, écrivait-il alors, dans la lumière et la proximité de Dieu, dans une affection réciproque qui aura effacé toutes les incompréhensions et hostilités d’ici-bas ».
« Le message évangélique est intact »
Dans ses livres savants comme dans ses textes plus intimes, Jean Delumeau séduisait par l’élégance très classique de son style, la sympathie souriante qu’il portait aux figures du passé rencontrées au fil de ses écrits. Il avait cette plume qui parvient à faire comprendre et goûter des sujets complexes, à faire voyager dans l’histoire des idées et des hommes.
Collectif sous la direction de Ali Amir-mozzi, Guilluame Dye
Paris, Le Cerf, 2019. 4372 pages.
Présentation de l’éditeur
Evénement mondial ! Objet de toutes les controverses, le Coran n’avait jamais été commenté par les historiens. Réunissant 30 meilleurs spécialistes internationaux, cettesomme unique lève un tabou et inaugure un ère nouvelle d’interprétation.
Première mondiale, ce monument savant et accessible, qui réunit trente spécialistes internationaux, offre, en trois mille pages, une synthèse complète et critique des travaux passés et des recherches présentes sur les origines du Coran, sa formation et son apparition, sa composition et sa canonisation : vingt études exhaustives sur le contexte introduisent ici à l’analyse circonstanciée du texte, les éléments archéologiques et épigraphiques, les environnements géographiques et linguistiques, les faits ethnologiques et politiques, les parallèles religieux éclairant, verset après verset, en un commentaire total les cent quatorze sourates du livre fondateur de l’islam. Une aventure inédite de l’esprit. Une somme sans précédent dans l’histoire. Une contribution majeure à la science. Une avancée décisive pour la compréhension mutuelle des cultures.
Biographie de l’auteur
Professeur des Universités, membre de l’Académie Ambrosienne de Milan, Mohammad Ali Amir-Moezzi est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL. Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).
Éditeurs
Mohammad Ali Amir-Moezzi, Professeur des Universités, est directeur d’études à l’École pratique des hautes études/PSL et membre de l’Académie Ambrosienne de Milan.
Guillaume Dye est professeur d’islamologie à l’université libre de Bruxelles, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (CIERL).
Contributeurs
Mohammad Ali Amir-Moezzi (EPHE)
Mehdi Azaiez (Université de Lorraine/KU Leuven)
Samra Élodie Azarnouche (EPHE)
Meir M. Bar-Asher (Université Hébraïque de Jérusalem)
Mette Bjerregaard Mortensen (Université Libre de Bruxelles)
Anne-Sylvie Boisliveau (Université de Strasbourg)
Antoine Borrut (Université du Maryland)
Éléonore Cellard (EPHE)
Muriel Debié (EPHE)
Julien Decharneux (Université Libre de Bruxelles)
François Déroche (Collège de France)
Vincent Déroche (EPHE)
Guillaume Dye (Université Libre de Bruxelles)
Frantz Grenet (Collège de France)
David Hamidovic (Université de Lausanne)
Frédéric Imbert (Université Aix-Marseille)
Christelle Jullien (CNRS)
Manfred Kropp (Université de Mayence)
Paul Neuenkirchen (EPHE)
Karl-Friedrich Pohlmann (Université de Münster)
David S. Powers (Université de Cornell)
Gabriel Said Reynolds (Université de Notre Dame, USA)
Christian Julien Robin (CNRS)
Carlos A. Segovia (Université de Saint Louis de Madrid)
Stephen J. Shoemaker (Université d’Oregon)
Michel Tardieu (Collège de France)
Tommaso Tesei (Institute for Advanced Studies de Princeton)
Jan M. F. Van Reeth (Faculté des sciences
Table des matières (Tome 1/3)
LE CORAN ET LES DÉBUTS DE L’ISLAM : CONTEXTE HISTORIQUE ET GÉOGRAPHIQUE
L’Arabie préislamique (Christian Julien Robin) II. Arabes et Iraniens avant et au début de l’islam (Samra Azarnouche) III. Les vies de Muhammad (Stephen J. Shoemaker) IV. De l’Arabie à l’empire (Antoine Borrut)
LE CORAN AU CARREFOUR DES TRADITIONS RELIGIEUSES DE L’ANTIQUITÉ TARDIVE
Le judaïsme et le Coran (Meir M. Bar-Asher) VI. Les communautés religieuses dans l’Empire byzantin à la veille de la conquête (Muriel Debié et Vincent Déroche) VII. Les chrétiens en Iran sassanide (Christelle Jullien) VIII. Le christianisme éthiopien (Manfred Kropp et Guillaume Dye) IX. Les courants « judéo-chrétiens » et chrétiens orientaux de l’Antiquité tardive (Jan M. F. Van Reeth) X. Le manichéisme : recherches actuelles (Michel Tardieu) XI. Les écrits apocryphes juifs et le Coran (David Hamidović) XII. Les apocalypses syriaques (Muriel Debié) XIII. L’apocalyptique iranienne (Frantz Grenet) XIV. Le Coran et son environnement légal (David S. Powers)
LE CORPUS CORANIQUE
L’étude des manuscrits coraniques en Occident (François Déroche) XVI. Les manuscrits coraniques anciens (Éléonore Cellard) XVII. Le Coran des pierres (Frédéric Imbert) XVIII. Le corpus coranique : contexte et composition (Guillaume Dye) XIX. Le corpus coranique. Questions autour de sa canonisation (Guillaume Dye) XX. Le shi’isme et le Coran (Mohammad Ali Amir-Moezzi)
Annexe : Tableaux généalogiques Bibliographie Index Remerciements Table des matières
Vol. 1: Etudes sur le contexte et la genèse du Coran Vol. 2a : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 1 à 26 Vol. 2b : Commentaire et analyse du texte coranique. Sourates 27 à 114
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Un regard critique sur cette oeuvre
Les historiens décryptent le Coran « avant l’islam »
Sous la direction de deux islamologues paraît une ambitieuse synthèse d’une partie de la recherche historique sur le Coran.
« Le Coran des historiens » regroupe une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale
Depuis les années 1970 et plus encore ces dernières années, le Coran et les origines de l’islam suscitent un «bouillonnement scientifique», marqué par une multiplication des publications et «des débats passionnants et souvent passionnés». Hélas, tout ceci reste «relativement méconnu hors du cercle des spécialistes», écrivent Mohammad Ali Amir-Moezzi et Guillaume Dye dans leur introduction. D’où l’envie du premier, directeurd’études à l’École pratique des hautes études et spécialiste du chiisme, de «mettre un peu d’ordre» dans ces multiples travaux et d’en «offrir une synthèse à un public plus large».
Après cinq ans de travail, le résultat vient de paraître aux Éditions du Cerf sous la forme d’un coffret en trois volumes, qu’accompagne une bibliographie en ligne afin de pouvoir être « complété » au fur et à mesure des parutions.
Le monde qui a vu naître le Coran
Le premier volume a été conçu comme «une monumentale introduction sur le monde qui a vu naître le Coran» : son contexte historique et géographique, qui en fait un «carrefour de traditions et le point de rencontre de plusieurs religions de l’Antiquité tardive» (judaïsme, christianisme, mais aussi judéo-christianisme, manichéisme, zoroastrisme…).
Toutes les questions délicates autour de la rédaction et de la canonisation du Coran y sont abordées. Les deux autres volumes se présentent classiquement sous la forme d’un commentaire par sourate et groupes de versets : non pas seulement à l’aide des sciences islamiques traditionnelles comme le pratiquent les « savants » musulmans depuis des siècles, mais «selon l’approche historico-critique et philologique».
Une trentaine d’auteurs
Pour y parvenir, Guillaume Dye, professeur d’islamologie à l’Université libre de Bruxelles, et Mohammad Ali Amir-Moezzi ont constitué une équipe d’une trentaine d’auteurs, européens ou américains, de renommée internationale (Gabriel Saïd Reynolds ou Frédéric Imbert, spécialiste du « Coran des pierres ») ou «jeunes chercheurs remarquablement brillants». Tous s’accordent sur une double démarche méthodologique : «porter un regard critique sur les sources musulmanes» mais aussi «considérer le Coran dans le contexte des monothéismes» déjà présents dans la région, résume Mohammad Ali Amir-Moezzi, qui a apporté sa connaissance des sources chiites sur l’élaboration du texte sacré.
L’équipe compte toutefois quelques grands absents, comme les chercheurs appartenant à « l’école allemande », animée par l’islamologue Angelika Neuwirth et dont laparticularité est de s’appuyer aussi sur les sources islamiques ultérieures (hadith, faits et gestes prêtés par la tradition au prophète de l’islam ou à ses compagnons, et sira, biographie de Mohammed), mais aussi d’autres, plus isolés sur la scène mondiale comme l’historienne et anthropologue française Jacqueline Chabbi – à qui les auteurs doivent l’expression de « Coran des historiens ». L’objectif, ici, est d’essayer de comprendre le Coran «avant l’islam», c’est-à-dire avant que ce dernier ne se soit constitué en empire et que – selon la formule d’Amir-Moezzi – l’on ait «changé de planète».
Scientifique, ce volumineux ouvrage se veut aussi «une initiative civique et politique dans le sens le plus noble des termes», affirment les deux auteurs, convaincus qu’«un des moyens les plus sûrs – mais aussi sans doute les plus lents, hélas – pour apaiser les esprits (…) est d’introduire l’histoire et la géographie dans l’examen des choses de la foi».