Les Borgia : le sang et la pourpre
Jean-Yves Boriaud
Paris, Perrin, 2017. 300 pages
résumé
Mythes et réalités d’une des plus fascinantes familles de la Renaissance, du fondateur Alonso au rédempteur Francesco.
Frappés par une sombre légende que chaque époque vient enrichir, les trois grands acteurs de la saga Borgia – Alexandre, César et Lucrèce – ne seraient qu’un empoisonneur, un assassin et une débauchée. Exceptionnellement romanesque, l’histoire d’une des plus fascinantes familles de la Renaissance est en réalité bien plus riche et plus nuancée.
D’origine catalane, ces » Borja » vont réussir à imposer en trois générations deux papes à la chrétienté : en 1455, Calixte III, grand diplomate obsédé par le danger turc, puis en 1492, Alexandre VI, qui compromet sa fonction dans plusieurs scandales, sans néanmoins oublier sa haute mission : tailler à l’Eglise, par la force, un territoire comparable à ceux des Etats-nations contemporains. Son fils César, hidalgo flamboyant un moment égaré dans l’Eglise, lui en ménage donc un en Romagne, où sa politique expéditive lui vaut de devenir le modèle de Machiavel. A Rome, coupe-gorge où continuent à s’affronter les clans médiévaux, les rugueux Borgia rendent coup pour coup, jusqu’à l’effondrement final. C’est alors le temps de la revanche de la belle Lucrèce, plusieurs fois mariée selon les ambitions du clan. Devenue duchesse de Ferrare et l’une des plus belles figures féminines de l’époque, elle inaugure le temps de la repentance des Borgia, bientôt marqué par la personnalité torturée du jésuite Francesco, le saint de la famille.
La saga des Borgia se lit ainsi comme l’aventure exemplaire et tragique d’une ambitieuse dynastie de gens d’Eglise, bien loin de l’image trop répandue d’une brillante et douceâtre Renaissance italienne.
Biographie de l’auteur
Jean-Yves Boriaud, professeur émérite de langue et littérature latines à l’université de Nantes, spécialiste de la Rome renaissante, a publié Galilée et Histoire de Rome , et traduit des grands textes humanistes, dont les Lettres de vieillesse de Pétrarque, Le Prince et L’Art de la guerre de Machiavel. En 2015, il reçoit le prix Provins Moyen Age pour sa biographie de Machiavel.
Famille Borgia
Originaire du Royaume de Valence (Couronne d’Aragon), qui exerce une grande influence politique dans l’Italie du xve et xvie siècles. Cette dynastie aragonaise de Naples qui a régné pendant un siècle sur Rome, fournit deux papes, plusieurs cardinaux, des militaires, tous princes de la Renaissance, dont quelques-uns acquièrent une fâcheuse renommée, et sont à l’origine d’une légende noire construite par l’Église dès le xvie siècle. Plusieurs membres de la famille Borgia pâtissent ainsi d’une sinistre réputation en partie forgée par leurs ennemis politiques qui les accusent pêle-mêle d’empoisonnements, de fratricides, de simonie, d’incestes, de luxure, d’acédie… Cette légende, qui contribue à faire des Borgia le symbole de la décadence de l’Église catholique romaine à la Renaissance italienne, doit cependant être nuancée. Au contraire de son arrière-grand-père le pape Alexandre VI, la vie édifiante de Saint François Borgia, supérieur général des Jésuites, apparaît de son côté très vite comme un modèle de vertu, de sagesse et de piété.
Histoire de la famille
Origines
Les Borgia trouvent probablement leur origine dans la ville de Borja en Aragon, toponyme qui vient de borg, « tour » en arabe, et est devenu au xiie siècle un patronyme d’où est issu leur nom. La longue élaboration légendaire familiale, initiée par Rodrigo de Borja, futur pape Alexandre VI, préfère oublier cette étymologie et s’en forger une plus honorable, celle de boarius, le « taureau » présent sur leurs armoiries1. Ce taureau symbolise, à partir d’un rapport métonymique, la puissance et la fécondité, tandis que Alonso de Borja, futur pape Calixte III fait rajouter sur le bord de l’écu un orle chargé de huit flammes représentant les huit chevaliers Borgia qui, selon la légende familiale, auraient accompagné le roi d’Aragon Jacques Ier lors de la conquête du royaume de Valence en 1238.
Plusieurs membres de cette famille parfaitement inconnue au xiiie siècle, quittent la cité de Borja à cette époque, afin de participer à la Reconquista de la ville de Xàtiva (royaume de Valence), où ils s’établissent une fois celle-ci prise. Roi héréditaire de Sicile, le protecteur des Borgia, Alphonse d’Aragon, est fasciné par la civilisation de la Péninsule. Il dispute la Sardaigne aux Génois, puis se lance à la conquête du royaume de Naples où il demeure sans discontinuer de 1442 jusqu’à sa mort. Pour gérer ce royaume, il fait appel à Alonso de Borja, juriste confirmé. Naples étant de jure sous l’égide de la Papauté, son suzerain l’envoie prêter allégeance devant le pape Eugène IV ; ce dernier loue les talents de diplomate d’Alonso de Borja et l’élève au rang de cardinal en mai 1444. Il voit son nom latinisé en Alfonso Borgia par la bulle du pape Martin V et trouve en Italie un terrain digne des ambitions et des mérites de sa famille.
La légende familiale des Borgia recherchera une légitimation plus ancienne et plus prestigieuse en se rattachant à une descendance prestigieuse remontant jusqu’au xie siècle, notamment à Ramire Ier d’Aragon et à Pedro de Atarés, seigneur féodal de Borja au xiie siècle, mais les documents historiques montrent que leur notoriété date de leur fulgurante ascension romaine au milieu du xve siècle.
Membres
Branche principale
Portrait du Pape Alexandre VI (Rodrigo Borgia).
Alfonso Borgia, pape sous le nom de Calixte III de 1455 à 1458 ;
François Borgia (1441 – 1511), fils de Calixte III et cardinal-archevêque de Cosenza ;
Pier Luigi de Borgia (1424 – 1458), capitaine général de l’église et préfet de Rome, neveu de Calixte III et frère d’ Alexandre VI ;
Roderic Llançol i de Borja, neveu de Calixte III le rejoint en Italie où il prend le nom de Rodrigo Borgia. Il devient pape sous le nom d’Alexandre VI de 1492 à 1503. De sa relation avec Vannozza Cattanei naitront plusieurs enfants naturels :
César Borgia (1475 – 1507), cardinal puis capitaine général des armées papales ;
Giovanni Borgia (1474 ou 1476 – 1497), duc de Gandia ;
Lucrèce Borgia (1480 – 1519), mariée successivement à Giovanni Sforza, Alphonse d’Aragon et Alphonse Ier d’Este. Mécène ;
Geoffroi Borgia (1481 – 1516), Prince de Squillace ;
Et des enfants de femmes inconnues qui sont :
Isabelle Borgia, fille d’Alexandre VI et de mère inconnue, mariée à Girolamo Matuzzi dont postérité ;
Jeronima Borgia, fille aînée d’Alexandre VI et de mère inconnue, mariée à un membre de la famille Cesarini, sans postérité ;
Pedro Luis de Borja, fils d’Alexandre VI et de mère inconnue, premier duc de Gandia.
Il existe également des branches cousines des Borgia qui ont donné plusieurs cardinaux nommés par Alexandre VI qui sont :
Juan de Borja Llançol de Romaní, cardinal espagnol, petit-neveu du pape Alexandre VI ;
Rodrigo de Borja Llançol de Romani, capitaine des gardes du pape, frère du cardinal Juan de Borja Llançol de Romani et d’Angela de Borja Llançol de Romani ;
Angela de Borja Llançol de Romani, suivante de Lucrèce Borgia, sœur de Juan de Borja Llançol de Romaní et de Rodrigo de Borja Llançol de Romani ;
Hyeronima de Borja, suivante de Lucrèce Borgia ;
Juan de Borja Lanzol de Romaní, el mayor, cardinal, cousin du pape Alexandre VI ;
Pedro Luis de Borja Llançol de Romaní, cardinal espagnol ;
Juan Castellar y de Borja, cardinal ;
Francisco Lloris y de Borja, cardinal.
Les descendants de César Borgia
Louise Borgia (1500 – 1553), duchesse de Valence (France);
Girolamo Borgia, fils illégitime de César Borgia, marié à Isabelle duchesse de Carpi et auteur de la branche des Borgia-Sulpizi, connu pour être aussi violent et instable que son père.
Les descendants de Giovanni Borgia
Jean II de Gandie, duc de Gandie, fils du précédent ;

Saint François Borgia, duc de Gandie, fils du précédent ;
Carlos II de Borja, fils aîné et successeur de François Borgia à la tête du duché de Gandie ;
Francisco Tomàs de Borja, duc de Gandie ;
Gaspar de Borja y Velasco, cardinal espagnol, fils de Francisco Tomàs de Borja ;
Francisco Carlos de Borja, duc de Gandie ;
Francisco Dídac Pasqual de Borja, duc de Gandie ;
Francisco Antonio de Borja-Centelles y Ponce de León, cardinal espagnol, fils de Francisco Dídac Pasqual de Borja ;
Carlos de Borja y Centellas, cardinal espagnol, fils de Francisco Dídac Pasqual de Borja ;
Pasqual de Borja-Centelles, avant-dernier duc de Gandie ;
Juan de Borja y Castro, Comte de Mayalde, 3e fils de Saint-François Borgia ;
Francisco de Borja y Aragón, puissant prince du siècle d’or espagnol, vice-roi du Pérou de 1615 à 1621, poète, fils aîné de Juan de Borja y Castro ;
Fernando de Borja y Aragón, Comte de Mayalde, Prince de Squillace il hérita d’une partie des possessions de son frère à sa mort ;
Rodrigo Luis de Borja y de Castre-Pinós, cardinal espagnol ;
Enrique de Borja y Aragón, cardinal espagnol ;
Pedro Luis Garceran de Borja, marquis de Navarrés, quatorzième et dernier maître de l’Ordre de Montesa ;
Rodrigo Borja Cevallos (1935), ancien président de la République de l’Équateur ;
Les descendants de Geoffroi Borgia
Francesco de Borgia y Mila fils aîné et deuxième prince de Squillace ;
Lucrezia de Borgia y Mila
Antonia Borgia y Mila
Maria Borgia y Mila
Clément Rabou y Mila
Camille Rabou y Mila
- Cinzia Luisa Maria Muci dei Conti di Corsano Randazzo Borgia, Comtesse Muci Borgia (1985);
Autre Branche
Les principaux descendants des Borgia
Légende noire
Les Borgia connaissent « les affres d’une légende noire solidement construite », véhiculée dès le xvie siècle par l’Église. Les figures sur lesquelles s’appuie cette légende ne manquent pas, avec notamment le pape Calixte III qui nomme cardinal et vice-chancelier son neveu Rodrigue, le futur pape Alexandre VI, ouvrant ce que les historiens de la papauté ont appelé « l’âge du népotisme institutionnalisé » appelé à se prolonger jusqu’au xviie siècle, ou Lucrèce Borgia dont la pièce éponyme de Victor Hugo fait un réceptacle de tous les vices.