À 90 ans, Tintin a encore des aventures à vivre

À l’occasion du 90e anniversaire du reporter à la houppette, Casterman appelle de ses vœux la publication d’un album inachevé d’Hergé, Tintin et le Thermozéro, tandis que les ayants droit ont mis en ligne une version numérisée et colorisée du très polémique Tintin au Congo.

L’anecdote est savoureuse et en dit long sur le succès de Tintin. Dès le lendemain de la mort d’Hergé, le 5 mars 1983, certains lecteurs, ayant entendu dire qu’il n’y aurait plus d’albums de Tintin, ont cru qu’ils allaient tous être retirés de la vente. Ils se sont alors précipités en librairie pour compléter leur collection… Quantre-vingt-dix ans après leur création le 10 janvier 1929, les aventures de Tintin s’écoulent toujours à 4 millions d’exemplaires par an (dont 500 000 à 1 million en France et 1,5 million en Chine) en dépit de l’absence de nouveaux albums, Hergé ayant exprimé le souhait que sa création ne lui survive pas. « Tintin, c’est moi, proclamait-il, comme Flaubert disait : “Madame Bovary, c’est moi” ».
Mais l’envie est forte de publier une 25e aventure du célèbre reporter, Tintin et le Thermozéro, un album inachevé au titre accrocheur qui fait briller les yeux des tintinophiles et que Casterman, maison historique de la série de bandes dessinées, rêve d’éditer.
Il faut dire que l’intrigue, hitchcockienne en diable, est alléchante. Après avoir été témoin d’un accident de voiture, Tintin découvre dans son pardessus des pilules que la victime, un agent secret, a glissées dans sa poche. S’ensuit une folle course-poursuite à travers l’Europe.
Entamé en 1957 avant de se lancer dans Tintin au Tibet, repris en 1959, le scénario écrit par Greg, futur créateur d’Achille Talon, est très fouillé. Trop, au goût d’Hergé qui se sent bridé dans sa liberté d’invention, « prisonnier d’un carcan », comme il l’expliquera plus tard à Benoît Peeters (1).
Hergé à l’apogée de son art
« C’est une période de bouleversement dans la vie d’Hergé, raconte ce tintinophile émérite. Séparé de son épouse, il découvre la peinture, les voyages, la douceur de vivre, après des années de labeur. Il estimait l’histoire bonne, mais le sujet, trop sérieux, trop daté, car il avait envie d’aborder un genre plus léger, plus comique, comme il l’a fait ensuite dans Les bijoux de la Castafiore (1963). »

« À l’époque, Hergé est à l’apogée de son art, mais il commence à se lasser des albums. Il travaille sur les publicités, les adaptations animées. Mais il reviendra au Thermozéro au cours des années 1960, en demandant à son bras droit Bob de Moor de l’adapter pour Jo, Zette et Jocko, puis en songeant en faire un film », précise Benoît Mouchart, directeur éditorial de Casterman, pour qui « il ne s’agit pas de terminer cette histoire, mais de la publier comme une archive précieuse ».
Car le matériau est riche : un scénario dactylographié, un storyboard complet et surtout les huit planches crayonnées, magnifiques ébauches du début de l’album où le trait d’Hergé est particulièrement dynamique. L’une de ces pages a d’ailleurs été vendue en 2016 pour la bagatelle de 230 000 € chez Christie’s (on peut l’admirer sur son site, trois autres planches sont en ligne sur Tintin.com). Une partie de ces documents a même été rassemblée par Benoît Peeters dans un ouvrage au tirage limité en 1988.
Relations compliquées entre Casterman et Moulinsart
« J’en ai parlé à Nick Rodwell (patron de Moulinsart, société détentrice des droits sur l’œuvre du dessinateur), et lui ai présenté des projets de couverture, raconte Benoît Mouchart. Il m’a répondu en souriant : “c’est une très bonne idée”. » Rien ne s’est passé depuis… Contacté par La Croix, Moulinsart dit « ne pas être informé de cette initiative et le programme des 90 ans n’a rien avoir avec ce qui a été exposé par Casterman ». Les relations entre Casterman et Moulinsart restent décidément compliquées, malgré une accalmie depuis 2012.
Selon nos informations, l’éditeur a refusé de publier une version remastérisée et colorisée de la première édition en noir et blanc du très controversé Tintin au Congo (1931) qu’a fait réaliser Moulinsart, dans le cadre d’un projet de réédition des neuf premiers albums en noir et blanc. « Nous ne sommes pas arrivés à aligner nos planètes », répond, sibyllin, la société détentrice des droits qui a mis en vente une version numérique sur son application.

« Cette entreprise est une faute esthétique, car Hergé avait déjà colorisé l’album en 1946, doublée d’une faute politique, car l’esprit colonialiste qui habite Tintin au Congo doit être resitué dans son temps, comme l’a fait Philippe Godin, dans un ouvrage récent (2), juge Benoît Peeters. Pour faire revivre Tintin, en faire un personnage vivant, d’aujourd’hui, publier Le Thermozéro serait une bonne réponse à cette initiative. »
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Tintin, 57 ans d’aventures
10 janvier 1929. Naissance dans les colonnes du Petit Vingtième.
- Tintin au pays des Soviets.
- Tintin au Congo, album le plus vendu de la série (10 millions d’exemplaires).
- Croise pour la première fois Dupond et Dupont et Roberto Rastapopoulos dans Les cigares du pharaon.
- Sympathise avec Bianca Castafiore dans Le sceptre d’Ottokar.
- Devient l’ami du capitaine Archibald Haddock dans Le crabe aux pinces d’or.
- Rencontre le professeur Tryphon Tournesol dans Le Trésor de Rackham le Rouge.
- Tintin et les Picaros, dernier album du vivant d’Hergé.
- Sortie posthume Tintin et l’Alph-art, album inachevé.

(1) Auteur de Hergé, fils de Tintin, Flammarion, 528 p, 23 € et Le Monde d’Hergé,Casterman, 215 p, 32,50 €.
(2) Les Tribulations de Tintin au Congo, Casterman, 220 p., 31,50 €.
https://www.la-croix.com/Culture/A-90-ans-Tintin-encore-aventures-vivre-2019-01-11-1200994752
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Un chrétien nommé Tintin ?

Essai. « Tintinophile » expert et prolifique, Bob Garcia publie le premier ouvrage entièrement consacré à la dimension religieuse de l’œuvre d’Hergé.
Selon Bob Garcia, on retrouve notamment dans le personnage de Tintin les valeurs du scoutisme qui ont tant marqué son créateur, Hergé.
Tintin, le Diable et le Bon Dieu
de Bob Garcia
Desclée de Brouwer, 248 p., 17,90 €

Aussi étonnant que cela puisse paraître, parmi les nombreux ouvrages consacrés à Hergé et à son œuvre, aucun n’avait encore été entièrement consacré à la dimension religieuse des aventures de Tintin. Un vide que l’essayiste et romancier Bob Garcia entreprend de combler avec minutie. « Tintinophile » expert et manifestement intarissable, celui-ci a déjà commis une dizaine d’ouvrages consacrés aux aventures du « reporter du Petit Vingtième ».
Un procès comme dissuasion
Une passion qui lui a coûté fort cher par le passé : en 2009, ses cinq premiers livres lui avaient valu une amende colossale de 48 000 €, au terme d’un procès pour « contrefaçon » intenté par les intraitables ayants droit d’Hergé. Pas de quoi le dissuader d’écrire sur Tintin, puisqu’il compte désormais à son actif une dizaine de publications sur le sujet. Avec, toutefois, une contrainte juridique un peu frustrante pour un ouvrage consacré à la bande dessinée : aucune case ni aucun dessin signé Hergé ne viennent illustrer le propos de l’auteur.
Un auteur athée malgré une éducation religieuse
Concernant son dernier livre, qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit en aucun cas de prouver l’existence d’un prosélytisme religieux que l’auteur aurait dissimulé dans les aventures de Tintin. Hergé, il n’en faisait pas mystère, n’était pas un homme de foi et ne se disait pas animé par une quelconque quête spirituelle.
Mais dans la très intéressante première partie de son livre, Bob Garcia rappelle qu’avant de devenir Hergé, le jeune Georges Remi avait reçu une éducation pétrie de valeurs chrétiennes. Par sa famille, sa scolarité en établissement catholique, mais aussi ses années de scoutisme, qui le marquèrent durablement.
De son vivant, Hergé présentait volontiers ses années à la troupe Saint-Boniface de Bruxelles comme ses souvenirs de jeunesse les plus heureux. Bob Garcia l’affirme avec force : on retrouve dans le personnage de Tintin l’ensemble des valeurs et principes du scoutisme qui ont tant marqué son créateur. Hergé fit, de plus, ses débuts de dessinateur dans un contexte où l’Église catholique bénéficiait « d’un quasi-monopole en matière de publications pour enfants »,rappelle Garcia.
C’est d’ailleurs un prêtre, l’abbé Nobert Wallez – figure pour le moins controversée – qui lui offrit son premier emploi en l’embauchant à la revue Le Petit Vingtième. Bob Garcia considère ce prêtre diocésain comme le mentor d’Hergé, et dresse par ailleurs la liste de plusieurs autres prêtres ayant compté dans son entourage.
Un véritable intérêt pour les religions…
La suite de l’ouvrage est un travail d’exégèse rigoureuse de l’ensemble des aventures de Tintin. Avec une analyse chronologique, puis thématique, Bob Garcia relève une à une les références religieuses présentes tout au long des 24 albums. Et il ne s’agit pas seulement de prouver en quoi le héros met en pratique des valeurs chrétiennes, mais aussi de montrer ce qu’Hergé dit et montre des autres religions, et l’intérêt qu’il leur porte.
Ce faisant, l’auteur cherche à contredire directement et explicitement les analyses d’autres « tintinologues » sur le sujet. Notamment au sujet de l’islam, qu’Hergé a été accusé d’occulter dans les aventures de Tintin en pays musulman (Les Cigares du pharaon et Le Crabe aux pinces d’or).
…Ainsi qu’un profond respect
À l’inverse, Bob Garcia entend montrer qu’Hergé y témoigne d’un intérêt respectueux et documenté pour l’islam. Autre idée reçue à laquelle l’auteur veut tordre le cou : celle selon laquelle « Hergé ferait du prosélytisme pour initier et convertir ses jeunes lecteurs au paranormal ». Une idée qu’il qualifie de « procès d’intention », tout en reconnaissant qu’Hergé s’est intéressé à la voyance et bien que le surnaturel s’invite régulièrement dans les aventures de Tintin (Les 7 Boules de cristal, Vol 714 pour Sidney…).
Bob Garcia se montre encore très indulgent envers Hergé sur la question de son antisémitisme supposé. « La lecture des aventures de Tintin nous enseigne la tolérance, le respect et l’ouverture sur le monde », résume-t-il en conclusion de l’ouvrage.
Gauthier Vaillant
https://www.la-croix.com/Culture/Livres-et-idees/chretien-nomme-Tintin-2018-03-01-1200917349
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HERGE (Georges Rémi ; 1907-1983)

L’enfance d’Hergé
Georges Remi, dit Hergé, est né le 22 mai 1907 à Etterbeek, à côté de Bruxelles. Son père Alexis (1882-1970) travaillait dans une maison de confection pour enfants. Sa mère Elisabeth, née Dufour (1882-1946) n’exerçait aucune profession. Georges aura un frère cadet cinq ans plus tard, avec qui il n’aura que très peu de contacts.

De 1914 à 1918, Georges est élève à l’école communale d’Ixelles. Il avouera plus tard qu’il dessinait déjà dans le bas de ses cahiers… L’enfant fut ensuite retiré de l’école laïque pour être scolarisé à l’Institut Saint-Boniface où il fit ses études secondaires. Il y était excellent élève, presque toujours le premier de la classe.
En même temps qu’il change d’école, George quitte les Boy-Scouts de Belgique pour faire partie de la Fédération des Scouts catholiques. Il vécut ce changement avec beaucoup de difficultés.
Pourtant, assez vite, il devint chef de la patrouille des « Ecureuils » et prit le surnom de « Renard curieux ». Pendant son scoutisme, il voyagea en Autriche, en Espagne en Italie et en Suisse. Durant cette même période, il se passionne pour l’Amérique et les Peaux-Rouges et dessine des histoires scoutes qui paraîtront à partir de décembre 1924 dans Le Boy-Scout belge. Dès cette date, il signe ses dessins « Hergé » (initiales inversées de Georges Rémi).
A cette époque, ces derniers sont assez maladroits. Pourtant, Hergé créa sa première bande dessinée, Totor, C.P. des Hannetons, en juillet 1926. Les aventures de Totor, qui préfigurent Tintin, seront publiées jusqu’en 1930.

En 1925, après avoir fini ses études, Georges rentra au quotidien Le XXème Siècle, « journal catholique de doctrine et d’information » dirigé par l’abbé Norbert Wallez. Le journal était nettement nationaliste et clérical. Hergé était employé au service des abonnements. En même temps que son travail, il continuait à fournir au Boy-Scout belge les planches de Totor.
Ses parents, découvrant sa passion pour le dessin, lui firent suivre des cours à l’Ecole Saint-Luc, spécialisée dans les arts graphiques. Mais Hergé, n’ayant pas réussi les examens d’admissions, abandonna. Sa formation tout au long de sa carrière sera celle d’un autodidacte. Pour se perfectionner, Hergé acheta des livres.
En 1926, il est affecté au premier régiment de chasseurs à pied pour son service militaire. Commençant simple soldat, il devint caporal puis sergent. Et dès ses moments de liberté, Hergé s’adonne au dessin.
Les débuts d’Hergé

Son service militaire terminé, Georges Remi revient au journal Le XXème Siècle. Il n’est plus au service des abonnements mais va être apprenti photographe, d’aide-photograveur et d’illustrateur pour pages spéciales. Effectivement, l’abbé Wallez (directeur du XXème siècle) a commencé à s’intéresser aux talents d’Hergé. Il le pousse à lire et à se cultiver. L’abbé lui donnera des responsabilités de plus en plus étendues. L’abbé Wallez, homme contesté, poussa Georges à prendre véritablement conscience de ses possibilités.

Hergé devint assez vite très polyvalent au sein du XXème siècle, s’occupant de la mise en page, des illustrations et du lettrage. Le directeur, voulant élargir l’audience du journal, décida de créer un supplément destiné aux jeunes. Il se tourna, tout bonnement vers Hergé qui allait se fiancer avec Germaine Kieckens, sa secrétaire. Le 1er novembre 1928, le premier numéro du Petit Vingtième paraissait. La responsabilité du nouveau journal était confiée à Hergé.
Il commença par illustrer les séries paraissant dans le Petit Vingtième, mais vite lassé, il décida de lancer sa propre série. Il reprit ses planches de Totor, en changeant quelques lettres au nom du héros et en lui donnant un nouveau métier : journaliste. Il lui ajoute une houppette et un fox terrier : Milou.
Ayant lu les B.D américaines Bringin up father, Katzenjammer kids et Krazy Cat, Hergé décide de lancer une véritable bande dessinée où dessins et paroles des personnages sont liés.
Tintin apparaît donc pour la première fois le 10 janvier 1929 dans Le Petit Vingtième. Le jeune reporter va partir en voyage au pays des bolcheviques… Hergé livrait deux planches par semaine, sans imaginer les suites que la série aura assez vite.

Le 23 janvier 1930, il crée une nouvelle série Quick et Flupke. Le 8 mai 30, l’aventure de Tintin aux pays des Soviets est terminée. Hergé commence à se rendre compte de la popularité de Tintin… Toujours en 1930, Tintin aux pays des Soviets commence à paraître dans l’hebdomadaire Coeurs vaillants. La carrière internationale des Aventures de Tintin est amorcée. Les aventures vont donc continuer, elles permettront même aux ventes du quotidien de sextupler les jours où paraît le supplément jeunesse.
Tintin, revenu de Russie, part pour le Congo. En 1932, Hergé envoie Tintin en Amérique, pendant que le succès du reporter continue de grandir. Cette même année, des contacts sont pris avec Casterman. Les aventures de Tintin seront publiées en albums, mais les ventes restent modestes. Toujours cette même année, Hergé se marie avec Germaine Kieckens.

Pendant la publication des Cigares du Pharaon, Hergé est mis en relation avec un jeune étudiant chinois : Tchang Tchong-Jen. Ce dernier lui fit découvrir les réalités de la Chine. Hergé se documente et prend encore plus au sérieux son travail.
Après la parution du Lotus bleu, les aventures vont se succéder, au rythme d’une tous les quinze mois : L’oreille cassée (1937), L’Ile noire(1938), Le Sceptre d’Ottokar (1939). Tout en même temps, Hergé continue Quick et Flupke mais de manière plus ralentie. A cette époque, Hergé travaille beaucoup. En plus de ses bandes dessinées, viennent s’ajouter d’autres travaux d’illustration : la couverture de livres, de revues et la publicité.

Avec l’arrivée de la guerre, Hergé est mobilisé en 1939 et envoyé dans le Nord de la Belgique…
Hergé pendant la guerre

Hergé est mobilisé en 1939 et envoyé dans le Nord de la Belgique pour y être instructeur dans une compagnie d’infanterie. Mais ces obligations militaires ne feront oublier à Hergé la bande dessinée, envoyant deux planches de Tintin au pays de l’Or noir par semaine au petit vingtième. L’histoire continuera jusqu’au 9 mai 1940, à la veille de l’entrée des troupes allemandes en Belgique qui interrompra la publication de la bande dessinée et du Vingtième Siècle.
Mais Hergé va finalement trouver une place au journal Le Soir, dirigé par Raymond de Becker, un ancien responsable de l’Action Catholique dont Hergé avait illustré deux livres au début des années trente.
Comme pour Le Vingtième Siècle, Le Soir, grâce à la présence d’Hergé, lance un supplément jeunesse à partir du 17 octobre 1940 : Le Soir-Jeunesse.
Cependant Le Soir Jeunesse ne connaîtra pas la même carrière que Le Petit Vingtième, à cause des difficultés de publication liées à la guerre. Le 23 septembre 1941, le supplément jeunesse hebdomadaire disparaît mais la suite du Crabe aux pinces d’or continue d’être publiée en mini strips quotidiens. Ce nouveau découpage oblige Hergé à transformer sa technique de narration. Mais en plus de cette contrainte technique, Hergé doit également éviter certains sujets, la Belgique se trouvant occupée. Ainsi, toutes les aventures de Tintin dessinées pendant l’occupation (du Crabe aux pinces d’or aux 7 boules de cristal) s’écarteront de l’actualité. Cette obligation de pratiquer une littérature de pure évasion se trouve d’ailleurs beaucoup dans Le Secret de la Licorne et dans Le Trésor de Rackham le Rouge.
La pénurie de papier, qui a obligé Hergé de passer de la double page du Soir Jeunesse aux minuscules strips quotidien du Soir, va amener aussi les Editions Casterman de réduire le nombre de pages des Aventures de Tintin. Les albums passèrent en conséquence de 130 planches environ au cadre rigide des 62 pages. Cependant, les volumes vont passer du noir et blanc à la couleur. L’Etoile mystérieuse sera la première aventure à en bénéficier et rencontra très vite par cette innovation un succès. Mais cette coloration oblige tous les albums d’avant guerre à un remaniement. Cette opération nécessite beaucoup de travail et est impossible à faire seul. C’est justement à cette période que Hergé rencontre Edgar Pierre Jacobs, le futur créateur de Blake et Mortimer. C’est Jacobs qui redessinera les décors et les uniformes du Sceptre d’Ottokar. Il interviendra aussi dans le scénario des 7 boules de cristal et conseillera Hergé en matière de mise en couleurs.
Le 3 septembre 1944, Bruxelles est libérée et la publication des 7 boules de cristal interrompue. Aussitôt après, la rédaction du Soir change et le 8 septembre, le Haut Commandement Interallié interdit l’exercice de la profession à tous les journalistes qui ont collaboré à la rédaction d’un journal pendant l’occupation. Même s’il n’était jamais intervenu politiquement dans Le Soir, Hergé se trouvait quand même touché par une mesure d’interdiction provisoire mais ne fut pas inquiété physiquement. Des rumeurs infondées coururent cependant sur lui, mais Hergé ne s’en préoccupait guère et se consacrait dans une grande partie à la refonte de ses albums d’avant guerre.

Le succès et la légende

Le journal Tintin, créé le 26 septembre 1946, permit à Hergé de devenir réellement célèbre. Dès le premier numéro, il occupait les pages centrales avec Le Temple du Soleil qui reprenait la suite des 7 boules de cristal, où Hergé s’était arrêté pendant la guerre . Tout de suite, le succès est considérable. A partir de 1948, une édition française du journal Tintin est publiée, et l’audience d’Hergé devint véritablement internationale. Les albums, édités par Casterman, vont également avoir un tirage augmentant énormément, atteignant le million d’albums en 1960.

Hergé consacre son énergie à une élaboration très méticuleuse où aucun détail n’est abandonné. En 1950, il fonde les Studios Hergé, où se réunissent une dizaine de collaborateurs. Bob De Moor y entre dès 1950, il sera rejoint par Jacques Martin, Roger Leloup, Baudoin Van der Branden et bien d’autres encore. Cette équipe ne cessera de seconder Hergé. Les aventures se suivent : Les 7 boules de cristal (1948), Le Temple du Soleil(1949), Tintin au pays de l’Or Noir (1950), Objectif Lune (1953), On a marché sur la Lune (1954), L’affaire Tournesol (1956) et Coke en Stock (1958).
Vers la fin des années 50, Hergé voyage beaucoup : l’Italie, l’Angleterre, la Suède, la Grèce et le Danemark seront tour à tour visités. En 1971, il se rend pour la première fois aux Etats-Unis, où il rencontre des sioux dans le Dakota du Sud.
Durant cette période, le rythme des publications des aventures de Tintin ne cesse de se ralentir : Tintin au Tibet (1960), Les Bijoux de la Castafiore (1963), Vol 714 pour Sydney (1968) et Tintin et les Picaros (1976).
Parallèlement, l’univers d’Hergé connaît des prolongements dans d’autres domaines. Deux films réalisés avec des comédiens (Le Mystère de la Toison d’or en 1961 et Tintin et les oranges bleues en 1964), puis deux dessins animés de long métrage (Le temple du Soleil en 1969 et Tintin et le lac aux requins en 1972) contribueront à faire connaître Tintin et Hergé à travers le monde.
Durant cette même période, Hergé, jusque là en retrait, va se trouver propulsé sur le devant de la scène. Lauréat de nombreux prix, invité d’honneur de plusieurs festivals, il reçoit de toutes parts des hommages. En 1979, le cinquantième anniversaire de Tintin est célébré à Bruxelles. En 1973, il est reçu par le gouvernement de Tchang Kaï-chek pour ses services rendus à la cause chinoise en 1939 dans Le Lotus Bleu. En 1976, Hergé retrouve les coordonnés de Tchang Tchong-Yen, qu’il avait connu en 1934 et perdu de vue.
Au début des années 80, les apparitions d’Hergé en public sont de plus en plus rares. Le dessinateur annonce qu’il travaille à une nouvelle aventure de Tintin, et qu’en même temps, il prépare une gigantesque fresque pour une station de métro à Bruxelles.

Le 25 février 1983, souffrant depuis déjà plusieurs années d’anémie, Hergé est hospitalisé à la suite d’une défaillance pulmonaire. Il meurt le jeudi 3 mars vers 22 heures au service des soins intensifs de la clinique de Saint-Luc, dans l’agglomération bruxelloise. Juste après sa mort, la presse accorde une place importante à cet événement tragique. Chaque journal consacre à Hergé la une et plusieurs pages. Quant au journal Libération, l’ensemble des illustrations de l’actualité est emprunté aux albums d’Hergé. Ces quarante pages du quotidien montrent à quel point les Aventures de Tintin font désormais partie de la légende de notre siècle, comme l’énonce le titre du journal qui les a vu naître : Le Petit Vingtième.

Le phénomène Tintin est exceptionnel : plus de 180 millions d’albums vendus en 45 langues pour une histoire de plus de 70 ans d’existence et un public très diversifié. Hergé avouait même être déconcerté par l’ampleur de ce triomphe.
Pour les 70 ans de Tintin, le Monde dédiait à ses lecteurs une petite histoire parodique de Tintin, écrite et dessinée par Didier Savard.
Pour comprendre le succès de Tintin, beaucoup d’explications peuvent être avancées, mais le mystère reste tout de même entier. Alors que Hergé nous a quitté depuis plusieurs années, Tintin reste aujourd’hui plus vivant que jamais.

http://www.tintin.free.fr/biographie/?choix=succes
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