L’Ascension du Seigneur : homélies des Pères de l’Eglise
Sermon pour l’Ascension de saint Léon le Grand :
« La nature humaine est glorifiée »
Pour la fête de l’Ascension voici un sermon de saint Léon Le Grand (vers 400-461), qui fut le 45e pape. C’était un homme d’action et de gouvernement ainsi qu’un grand orateur. Sa doctrine théologique est une doctrine pastorale. N’hésitez pas à le lire. Il a gardé toute sa fraîcheur.
L’Église a fixé la date de l’Ascension quarante jours après Pâques au IVe siècle. Saint Léon est le premier pape dont on a gardé les prédications. Durant son pontificat de vingt et un ans, saint Léon se montre, comme ses Sermons le révèlent, un pasteur attentif à guider son peuple. Il prêche aux grandes fêtes de l’année liturgique : Noël, l’Épiphanie, le Carême, la Passion, les vendredi et samedi saints, l’Ascension et la Pentecôte.
Premier sermon pour l’Ascension de saint Léon le Grand
Les jours qui s’écoulèrent entre la résurrection du Seigneur et son ascension, mes bien-aimés, n’ont pas été dépourvus d’événements : de grands mystères y ont reçu leur confirmation, de grandes vérités y ont été révélées. C’est alors que la crainte d’une mort amère est écartée, et que l’immortalité, non seulement de l’âme mais aussi de la chair, est manifestée. C’est alors que, par le souffle du Seigneur, le Saint-Esprit est communiqué à tous les Apôtres ; et le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume, se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur.
En ces jours-là, le Seigneur se joint à deux disciples et les accompagne en chemin; et, afin de dissiper en nous toute l’obscurité du doute, il reproche à ces hommes apeurés leur lenteur à comprendre. Les cœurs qu’il éclaire voient s’allumer en eux la flamme de la foi ; ils étaient tièdes, et ils deviennent brûlants lorsque le Seigneur leur fait comprendre les Écritures. À la fraction du pain, les yeux des convives s’ouvrent. Ils ont un bonheur bien plus grand, eux qui voient se manifester la glorification de leur nature humaine, que nos premiers parents qui conçoivent de la honte pour leur désobéissance.
Pendant tout ce temps qui s’est écoulé entre la résurrection du Seigneur et son ascension, voilà, mes bien-aimés, de quoi la providence divine s’est occupée, voilà ce qu’elle a enseigné, voilà ce qu’elle a fait comprendre aux yeux et aux cœurs de ses amis : on reconnaîtrait que le Seigneur Jésus était vraiment ressuscité, lui qui vraiment était né, avait souffert et était mort vraiment. Aussi les bienheureux Apôtres et tous les disciples que la mort de la croix avait apeurés et qui doutaient de la foi en la résurrection furent-ils raffermis par l’évidence de la vérité ; si bien que, lorsque le Seigneur partit vers les hauteurs des cieux, ils ne furent affectés d’aucune tristesse, mais comblés d’une grande joie.
Certes, c’était pour eux un motif puissant et indicible de se réjouir puisque, devant le groupe des Apôtres, la nature humaine recevait une dignité supérieure à celle de toutes les créatures célestes ; elle allait dépasser les chœurs des anges et monter plus haut que les archanges ; les êtres les plus sublimes ne pourraient mesurer son degré d’élévation, car elle allait être admise à trôner auprès du Père éternel en étant associée à sa gloire, puisque la nature divine lui était unie dans la personne du Fils.
L’Ascension fortifie notre foi : une homélie de Léon le Grand
Sermon du pape saint Léon le Grand (406-461) pour le jour de l’Ascension. Le pape Léon le Grand a été le 45e pape de 440 à 461. Il a été proclamé Docteur de l’Église en 1754. Il a laissé de très nombreuses homélies, prières liturgiques et lettres, pleines d’enseignements.
Léon le Grand, 45e pape (vers 400-461),
Léon le Grand. Vitrail de l’église St-Vincent de Paul à Clichy (92)©
Dans ses homélies sur l’Ascension, Léon montre le Christ vainqueur élevant dans les cieux notre nature humaine qu’il a prise jusqu’à la gloire de Dieu.
Deuxième homélie pour l’Ascension de Saint Léon Le Grand
Dans la solennité pascale, la Résurrection du Seigneur était la cause de notre joie ; de même, sa montée au ciel nous donne lieu de nous réjouir, puisque nous commémorons et vénérons comme il convient ce grand jour où notre pauvre nature, en la personne du Christ, a été élevée plus haut que toute l’armée des cieux, plus haut que tous les chœurs des anges, plus haut que toutes les puissances du ciel, jusqu’à s’asseoir auprès de Dieu le Père. C’est sur cette disposition des oeuvres divines que nous sommes fondés et construits. La grâce de Dieu devient en effet plus admirable lorsque les hommes ayant vu disparaître ce qui leur inspirait de l’adoration, leur foi n’a pas connu le doute, leur espérance n’a pas été ébranlée, leur charité ne s’est pas refroidie.
Voici en quoi consiste la force des grands esprits, telle est la lumière des âmes pleines de foi : croire sans hésitation ce que les yeux du corps ne voient pas, fixer son désir là où le regard ne parvient pas. Mais comment une telle piété pourrait-elle naître en nos cœurs, comment pourrait-on être justifié par la foi, si notre salut ne consistait qu’en des réalités offertes à nos yeux ?
Ce qui était visible chez notre Rédempteur est passé dans les mystères sacramentels. Et pour rendre la foi plus pure et plus ferme, la vue a été remplacée par l’enseignement : c’est à l’autorité de celui-ci que devaient obéir les cœurs des croyants, éclairés par les rayons du ciel.
Cette foi, augmentée par l’Ascension du Seigneur, et fortifiée par le don du Saint-Esprit, n’a redouté ni les chaînes, ni les prisons, ni l’exil, ni la morsure des bêtes, ni les supplices raffinés de cruels persécuteurs. Dans le monde entier, c’est pour cette foi que non seulement des hommes, mais des femmes, et aussi de jeunes enfants et de frêles jeunes filles ont combattu jusqu’à répandre leur sang. Cette foi a chassé des démons, écarté des maladies, ressuscité des morts.
Les saints Apôtres eux-mêmes, fortifiés par tant de miracles, instruits par tant de discours, avaient cependant été terrifiés par la cruelle passion du Seigneur et n’avaient pas admis sans hésitation la réalité de sa résurrection. Mais son Ascension leur fit accomplir de tels progrès que tout ce qui, auparavant, leur avait inspiré de la crainte, les rendait joyeux. Ils avaient dirigé leur contemplation vers la divinité de celui qui avait pris place à la droite du Père. La vue de son corps ne pouvait plus les entraver ni les empêcher de considérer, par la fine pointe de leur esprit, qu’en descendant vers nous et qu’en montant vers le Père il ne s’était pas éloigné de ses disciples.
C’est alors, mes bien-aimés, que ce fils d’homme fut connu, de façon plus haute et plus sainte, comme le Fils de Dieu. Lorsqu’il eut fait retour dans la gloire de son Père, il commença d’une manière mystérieuse, à être plus présent par sa divinité, alors qu’il était plus éloigné quant à son humanité.
C’est alors que la foi mieux instruite se rapprocha, par une démarche spirituelle, du Fils égal au Père; elle n’avait plus besoin de toucher dans le Christ cette substance corporelle par laquelle il était inférieur au Père. Le corps glorifié gardait sa nature, mais la foi des croyants était appelée à toucher, non d’une main chamelle mais d’une intelligence spirituelle, le Fils unique égal à celui qui l’engendre.
Fête de l’Ascension : une homélie de saint Augustin
Voici un sermon de saint Augustin sur la montée du Seigneur Jésus Christ au ciel, pour la fête de l’Ascension. Saint Augustin a été évêque d’Hippone, en Afrique du Nord, de 392 à sa mort en 430.
Saint Augustin – Sermon pour l’Ascension, 98, 1-2 (PLS 2, 494-495),
Saint Augustin par Philippe de Champaigne (1602–1674) – Los Angeles County Museum of Art.© HTTP://BP3.BLOGGER.COM/CREATIVE COMMONS
Saint Augustin, évêque d’Hippone, est l’un des quatre Pères de l’Église d’Occident. Dans son livre Les Confessions, il raconte l’itinéraire spirituel qui l’a mené à se convertir et devenir évêque d’Hippone. Il a écrit 183 sermons commentant des textes de la Bible.
Sermon pour l’ascension
Aujourd’hui notre Seigneur Jésus Christ monte au ciel ; que notre cœur y monte avec lui.
Écoutons ce que nous dit l’Apôtre : Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre. De même que lui est monté, mais sans s’éloigner de nous, de même sommes-nous déjà là-haut avec lui, et pourtant ce qu’il nous a promis ne s’est pas encore réalisé dans notre corps.
Lui a déjà été élevé au-dessus des cieux; cependant il souffre sur la terre toutes les peines que nous ressentons, nous ses membres. Il a rendu témoignage à cette vérité lorsqu’il a crié du haut du ciel : Saul, Saul, pourquoi me persécuter? Et il avait dit aussi : J’avais faim, et vous m’avez donné à manger.
Pourquoi ne travaillons-nous pas, nous aussi, sur la terre, de telle sorte que par la foi, l’espérance, la charité, grâce auxquelles nous nous relions à lui, nous reposerions déjà maintenant avec lui, dans le ciel ? Lui, alors qu’il est là-bas, est aussi avec nous ; et nous, alors que nous sommes ici, sommes aussi avec lui. Lui fait cela par sa divinité, sa puissance, son amour ; et nous, si nous ne pouvons pas le faire comme lui par la divinité, nous le pouvons cependant par l’amour, mais en lui.
Lui ne s’est pas éloigné du ciel lorsqu’il en est descendu pour venir vers nous ; et il ne s’est pas éloigné de nous lorsqu’il est monté pour revenir au ciel. Il était là-haut, tout en étant ici-bas ; lui-même en témoigne : Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel.
Le corps du Christ
Il a parlé ainsi en raison de l’unité qui existe entre lui et nous : il est notre tête, et nous sommes son corps. Cela ne s’applique à personne sinon à lui, parce que nous sommes lui, en tant qu’il est Fils de l’homme à cause de nous, et que nous sommes fils de Dieu à cause de lui.
C’est bien pourquoi saint Paul affirme : Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres; et tous les membres, bien qu’étant plusieurs, ne forment qu’un seul corps. De même en est-il pour le Christ. Il ne dit pas : le Christ est ainsi en lui-même, mais il dit : De même en est-il pour le Christ à l’égard de son corps. Le Christ, c’est donc beaucoup de membres en un seul corps.
Il est descendu du ciel par miséricorde, et lui seul y est monté, mais par la grâce nous aussi sommes montés en sa personne. De ce fait, le Christ seul est descendu, et le Christ seul est monté; non que la dignité de la tête se répande indifféremment dans le corps, mais l’unité du corps ne lui permet pas de se séparer de la tête.